Urban Sila
Erik Frohm
Urban Sila
Erik Frohm
En tant que pays alpin, la Suisse est particulièrement touchée par le changement climatique. Elle est parvenue à découpler sa croissance de ses émissions et de sa consommation d’énergie, mais elle devra faire en sorte d’accélérer la réduction des émissions si elle veut atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Pour que cet objectif puisse être atteint, l’intégralité de la panoplie de mesures existante, qui comprend des instruments de tarification, des dispositions réglementaires et des incitations et des subventions, doit être renforcée.
La Suisse compte parmi les pays de l’OCDE qui affichent les meilleurs résultats en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’approvisionnements énergétiques par unité de PIB (Graphique 4.1) Au cours des deux dernières décennies, elle est parvenue à découpler sa croissance économique de ses émissions nationales de GES et de sa consommation intérieure d’énergie. Les émissions de GES sont en recul, quand bien même le PIB réel a progressé de plus de 40 % depuis 2000. La faible intensité de carbone de l’économie s’explique par le poids important des sources d’énergie renouvelables, principalement sous la forme hydraulique, par la part du nucléaire dans le mix énergétique (qui sera progressivement ramenée à zéro), et par la prépondérance des services dans l’économie (OCDE, 2017, 2020). Les combustibles fossiles représentent moins de la moitié des approvisionnements totaux en énergie primaire, ce qui est nettement inférieur à la moyenne de l’OCDE de 78 % (Ritchie, 2023).
Néanmoins, les pressions exercées sur l’environnement sont significatives du fait du niveau de vie élevé et des forts niveaux de consommation et d’utilisation de ressources qui en découlent. Les indicateurs fondés sur la demande (consommation) font apparaître des tensions plus grandes sur l’environnement et des progrès plus lents dans la lutte contre les problèmes environnementaux que les indicateurs fondés sur la production (Graphique 4.2, partie A).
En tant que pays alpin, la Suisse est davantage touchée par les effets du changement climatique que nombre d’autres pays de l’OCDE. À titre d’exemple, les températures annuelles moyennes ont augmenté d’au moins 2 °C depuis le début des relevés en 1864, soit une hausse deux fois plus importante que la moyenne mondiale (Conseil fédéral, 2018 et 2022). La limite des chutes de neige devrait remonter et les réserves de neige se formant l’hiver ainsi que le volume des glaciers continueront de baisser, ce qui aura des répercussions sur le tourisme, la gestion de l’eau et l’agriculture (Eriksen and Hauri, 2021).
Le Conseil fédéral a fixé pour objectif de réduire à zéro les émissions nettes de GES à l’horizon 2050 et adopté l’ambitieuse « Stratégie climatique à long terme de la Suisse ». Cette stratégie énonce les principes directeurs de l’action climatique et définit des objectifs stratégiques pour les secteurs clés. Par ailleurs, dans le cadre de l’Accord de Paris, la Suisse s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030 (par rapport aux niveaux de 1990), et d’au moins 35 % en moyenne sur la période 2021-30, en tenant compte des réductions d’émissions permises par les projets menés à l’étranger et de l’effet de puits de carbone imputable des forêts et du bois. D’après la Stratégie climatique à long terme, en 2050, certaines émissions de GES difficilement évitables (générées par la production de ciment, la combustion des déchets et l’agriculture) persisteront, mais devront être compensées par des moyens naturels ou technologiques de captage ou grâce aux mesures de réduction des émissions mises en œuvre à l’étranger (Conseil fédéral, 2021). En raison de la faible intensité d’émission du secteur énergétique, en Suisse les secteurs des transports (30 % de l’ensemble des émissions) et des bâtiments (26 %) sont ceux dont le potentiel de réduction des émissions est le plus important (Graphique 4.2). La Stratégie climatique à long terme prévoit une réduction de 100 % à l’horizon 2050 des émissions de ces deux secteurs. Néanmoins, les émissions des secteurs de l’industrie et de l’agriculture devront également être davantage réduites.
La Suisse a manqué de peu son objectif national de réduction des émissions pour 2020 (qui devait être atteint entièrement au moyen de mesures intérieures), malgré la douceur de l’hiver et la baisse des émissions due à la pandémie de COVID-19. Les émissions ont été réduites de 19.6 % par rapport à leur niveau de 1990, au lieu des 20 % visés. En 2021, les émissions totales ont augmenté pour revenir à la tendance de 2010. En 2020, seul le secteur de l’industrie a atteint son objectif de réduction des émissions, les secteurs des bâtiments et des transports ayant dépassé l’objectif fixé (OFEV, 2022a). A contrario, la Suisse a atteint son objectif international au titre du Protocole de Kyoto, qui prévoyait une réduction moyenne de 15.8 % des émissions sur la période 2013-20, grâce aux projets de compensation des émissions menés à l’étranger. Les objectifs de réduction des émissions de la Suisse aux horizons 2030 et 2050 sont en phase avec son engagement international en vertu de l’Accord de Paris.
Une loi sur les objectifs en matière de protection du climat (qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025) a été adoptée en septembre 2022 et approuvée par le référendum de juin 2023, inscrivant dans le droit national l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et fixant les trajectoires (générale et au niveau des secteurs) de réduction des émissions pour la période 2030-50. La loi prévoit également une enveloppe de 2 milliards CHF sur dix ans pour soutenir la transition vers les systèmes de chauffage écologiques dans les bâtiments et une enveloppe de 1.2 milliard CHF en faveur des investissements des entreprises dans les technologies vertes. L’adoption de la loi et son approbation ultérieure par un vote populaire ont renforcé la fiabilité de l’action publique, ce qui favorisera les dépenses d’investissement nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques futurs.
Les mesures visant la réalisation des objectifs de réduction s’appuient sur la loi sur le CO2, qui énonce en détail les stratégies sectorielles et intersectorielles. Une révision ambitieuse de la loi sur le CO2 (ayant pour objet de permettre la réalisation des objectifs de réduction des émissions pour la période 2021-30), qui prévoyait un nouveau relèvement de la taxe sur le carbone et l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion, a été rejetée par référendum en 2021. Depuis lors, la Suisse a dû revoir sa panoplie de mesures visant la réalisation de ses objectifs de réduction et l’accent a été mis sur les incitations, y compris les subventions, plutôt que sur de nouvelles augmentations d’impôts. Après le référendum de 2021, les efforts de réduction des émissions se sont appuyés sur la prolongation d’urgence de la loi sur le CO2 en vigueur, valide jusqu’en 2024. Au-delà de cette date, pour la période 2025-30, les mesures pertinentes devront être précisées dans la « troisième » loi sur le CO2 (proposée par le Conseil fédéral en septembre 2022), qui est en cours d’examen et censée inscrire dans le droit national les engagements internationaux en matière de réduction des émissions jusqu’en 2030 (réduction de 50 % des émissions à l’horizon 2030, notamment).
La Suisse devra accélérer la réduction des émissions pour atteindre ses objectifs (Graphique 4.3). Pour ce faire, elle devra mettre en œuvre d’autres instruments d’action plus ambitieux (dans les futures lois sur le CO2). Une panoplie complète de mesures, comprenant des instruments de tarification, des dispositions réglementaires et des incitations et des subventions, est nécessaire pour parvenir à la neutralité carbone. Les scénarios établis en 2022 par l’Office fédéral de l’environnement (FOEN, 2022b) montrent que dans le scénario « avec mesures supplémentaires », qui inclut les politiques et mesures mises en œuvre, adoptées et prévues, la Suisse n’atteindrait pas son objectif de réduction en 2030. De même, Dolphin (2023) estime que dans un scénario « avec mesures supplémentaires » semblable, incluant également les mesures de la troisième loi sur le CO2 qui est en cours d’examen, les émissions intérieures totales ne seraient réduites que de 34 % d’ici à 2030. L’objectif général de 50 % de réduction peut être atteint au moyen de baisses des émissions à l’étranger, auxquelles la Suisse s’est engagée dans le cadre de nombreux accords bilatéraux (la proposition de loi sur le CO2 implique que deux tiers des réductions des émissions doivent être réalisés sur le territoire national). Néanmoins, après 2030 et pour atteindre les objectifs à l’horizon 2040, des mesures supplémentaires devront être mises en œuvre.
La tarification des émissions de CO2 est élevée en Suisse (Graphique 4.4) et les taux effectifs du carbone sont les plus élevés des pays de l’OCDE (OCDE, 2021 et 2022a). Une tarification effective élevée du carbone constitue une forte incitation au développement de technologies moins émettrices. Selon les estimations de l’OCDE (2021 et 2022a), la Suisse taxe effectivement quelque 65 % des émissions imputables à la consommation d’énergie, à raison de 60 EUR, voire plus, par tonne de CO2, niveau qui correspond à l’estimation médiane des coûts du carbone en 2020. En 2021, les prix explicites du carbone étaient constitués des prix des quotas d’émission tels que découlant du SEQE et des taxes carbone, qui s’appliquaient à environ 41 % des émissions de GES en équivalent CO2 (OCDE, 2022b). En outre, les droits d’accise appliqués en Suisse sur les carburants routiers sont élevés (Graphique 4.5), mais le niveau d’imposition n’est pas lié à l’intensité d’émission des carburants et les recettes correspondantes ne sont pas spécifiquement affectées à la protection de l’environnement.
La Suisse a lancé son système d’échange de quotas d’émission en 2008 pour permettre aux entreprises d’exercer leur activité selon les mêmes règles que leurs compétiteurs internationaux, en particulier dans les secteurs où l’utilisation de combustibles de chauffage et de transformation et la production de ciment génèrent un volume important d’émissions. Depuis janvier 2020, le système d’échange de quotas d’émission de la Suisse est couplé avec celui de l’UE (SEQE-UE), et le prix des quotas a depuis convergé vers ceux de l’UE (Graphique 4.6). En raison du couplage avec le SEQE-UE, les règles d’allocation des quotas d’émission gratuits ont dû être harmonisées et la couverture sectorielle rendue uniforme. Le système d’échange de quotas d’émission s’applique aux émissions des grands émetteurs dans les secteurs de l’industrie, de l’électricité et du transport aérien intérieur (intra-UE, Espace économique européen et Royaume-Uni).
La Suisse peut renforcer les incitations à la décarbonation dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission, conformément au renforcement prévu du SEQE-UE au titre du paquet du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». Si les règles ne sont pas harmonisées, les exportateurs suisses qui commercent avec l’UE seront désavantagés. Des objectifs de réduction des émissions plus ambitieux seront définis, ce qui entraînera des réductions annuelles plus importantes du plafond. L’allocation gratuite de quotas d’émission au secteur de l’aviation sera progressivement supprimée d’ici à 2026. Dans certains secteurs à forte intensité de carbone aussi, les quotas d’émission gratuits disparaîtront progressivement au cours d’une période de neuf ans (entre 2026 et 2034). Pour ces secteurs, l’UE prévoit de mettre en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui entrera en vigueur en 2026, afin d’atténuer l’augmentation des coûts et d’éviter les fuites de carbone. Le MACF appliquera un surcoût à certaines importations à forte intensité de carbone dans l’UE, en fonction de leur teneur en carbone. Les importateurs acquitteront le prix SEQE-UE minoré de tout éventuel prix du carbone payé dans le pays d’origine. En juin 2023, le Conseil fédéral a recommandé que la Suisse s’abstienne pour l’instant d’instaurer un MACF.
La taxe suisse sur le CO2, une taxe carbone explicite, à laquelle sont soumis les combustibles de chauffage et de transformation, est un autre pilier fondamental de la politique climatique du pays. Elle s’élève à 120 CHF par tonne de CO2 (environ 125 EUR). La proposition de révision de la loi sur le CO2 prévoyait une augmentation à 210 CHF par tonne de CO2, mais ce projet a été abandonné après que la loi a été rejetée par référendum en 2021. Aucune augmentation supplémentaire de cette taxe n’est prévue jusqu’en 2024 et la troisième proposition de loi sur le CO2, qui porte sur la période qui suivra 2024, prévoit également de la maintenir à son niveau actuel.
La tarification du carbone est un instrument efficient et efficace par rapport à son coût pour faire baisser les émissions et des efforts supplémentaires pourraient être déployés pour renforcer la taxe sur le CO2. La taxe sur le CO2 étant fixée à 120 CHF, ses recettes devraient s’éroder à terme en valeur réelle. Une inflation annuelle de 2 % sur dix ans entraînerait une érosion de près de 20 % des recettes en valeur réelle, ce qui serait incompatible avec la nécessité d’accélérer les réductions d’émissions. En outre, des enquêtes menées par différents groupes d’experts (Pahle et al., 2022) révèlent que les anticipations de prix des quotas d’émission du SEQE-UE (prix du carbone dans le cadre du SEQE-UE) se situent entre 130 et 160 EUR en 2030 (125 à 155 CHF aux valeurs monétaires actuelles). Dans les scénarios des Perspectives énergétiques 2050+, l’Office fédéral suisse de l’énergie retient comme hypothèse un prix de 50 CHF en 2030 et de 153 CHF par tonne de CO2 en 2035. Pour des raisons d’efficacité et de cohérence de la tarification du carbone entre les secteurs, il y aurait lieu d’augmenter encore la taxe sur le CO2 après 2030.
Les recettes de la taxe sur le CO2 sont redistribuées à la population et affectées aux investissements verts. En 2022, la taxe sur le CO2 a généré des recettes de 1.2 milliard CHF (0.16 % du PIB). Les deux tiers des recettes sont redistribués directement à la population et dans l’économie. De ces deux tiers, environ un tiers va à la population et est redistribué de manière uniforme à tous les résidents de la Suisse (chaque personne recevant le même montant). La part restante va aux entreprises, sur la base des salaires versés. La Confédération et les cantons utilisent le tiers restant (450 millions CHF maximum) des recettes de la taxe sur le CO2 pour soutenir, dans le cadre du programme pour les bâtiments, les travaux de rénovation énergétique et les énergies de chauffage renouvelables. En outre, 25 millions CHF supplémentaires sont alloués chaque année au fonds de technologie pour la promotion des entreprises innovantes. La troisième proposition de loi sur le CO2 prévoit d’affecter une part plus importante des recettes (au maximum la moitié au lieu d’un tiers) à l’innovation et à des mesures visant le secteur des bâtiments. Cela contribuera à accélérer la réduction des émissions dans ce secteur et à stimuler encore plus l’innovation verte.
Le soutien du public à l’augmentation des taxes environnementales est faible. Le rejet de l’ambitieuse proposition de révision de la loi sur le CO2 lors d’un référendum tenu en 2021 est un bon exemple à cet égard. Les autorités pourraient envisager d’augmenter la taxe sur le CO2 après 2030, en revoyant néanmoins la manière dont les recettes qu’elle génère sont redistribuées de manière à résoudre les problèmes d’acceptabilité liés à la taxe. Par exemple, plutôt que de procéder à une redistribution uniforme comme c’est le cas actuellement, les pouvoirs publics pourraient cibler, au moyen de la part redistribuée destinée à la population et à l’économie, les ménages à faible revenu qui sont davantage touchés par la hausse des prix des émissions. En outre, une meilleure communication sur les objectifs de la taxe sur le CO2, la redistribution des recettes, et les subventions disponibles et leurs avantages pourrait permettre d’atténuer l’opposition à la tarification du carbone. Cela pourrait contribuer à attester de l’engagement du pays à réussir une transition juste vers la neutralité carbone et à accroître l’acceptabilité des politiques climatiques.
Les exonérations de la taxe sur le CO2 en réduisent l’efficacité. Les PME à forte intensité de GES (auxquelles le SEQE ne s’applique pas) peuvent être exonérées pour des raisons de compétitivité, si elles s’engagent à réduire de façon ininterrompue leurs émissions (à travers le dispositif d’engagement de réduction négocié). Dans le cadre de ce dispositif, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 2 % par an entre 2022 et 2024 par rapport aux niveaux de 2021, mais les petites entreprises qui émettent moins de 1500 tonnes d’équivalent CO2 par an ne sont pas tenues de suivre cette trajectoire de réduction des émissions. Elles doivent satisfaire à des objectifs personnalisés.
Si les émissions des entreprises concernées par le dispositif d’engagement de réduction négocié ont effectivement diminué, la baisse enregistrée est moins importante que celle observée dans les entreprises soumises à la taxe sur le CO2 ou au SEQE. De plus, le coût sociétal du dispositif est élevé, en raison des pertes de recettes fiscales liées à la taxe carbone, des subventions (aujourd’hui disparues) accordées aux entreprises qui ont dépassé leurs objectifs et du coût des activités de suivi (Hintermann et Zarkovic, 2021 et 2020 ; OFEN, 2016). Néanmoins, le Conseil fédéral entend étendre et renforcer le dispositif au-delà de 2024, comme envisagé dans la troisième proposition de loi sur le CO2. Tous les secteurs pourront bénéficier de ce nouveau dispositif et l’ensemble des entreprises, sans exception, devront s’engager à respecter une feuille de route pour la décarbonation. Le dispositif devrait expirer en 2040. Étant donné que son coût est plus élevé que celui des mécanismes fondés sur le marché, les pouvoirs publics devraient veiller à ce que les objectifs de réduction et les feuilles de route pour la décarbonation soient suffisamment ambitieux pour dépasser l’objectif de l’industrie à l’horizon 2040 (réduction de 50 % des émissions par rapport aux niveaux de 1990).
Le secteur du transport routier devra réduire ses émissions à une vitesse beaucoup plus soutenue. Les voitures restent une source de pollution importante (Graphique 4.7). Par rapport à 1990, le total des émissions a baissé de 7 % uniquement, soit moins que l’objectif de 10 % fixé pour 1990-2020. La meilleure performance des véhicules routiers en matière d’émissions a été compensée par l’augmentation du transport routier. Entre 2010 et 2020, les émissions du secteur routier ont reculé de 1.8 % par an en moyenne, mais ce rythme doit plus que doubler pour que l’objectif de 2040 puisse être atteint (-57 % par rapport à 1990).
Les pouvoirs publics, à travers une proposition de troisième loi sur le CO2, prévoient de durcir encore la réglementation sur les émissions des véhicules, en phase avec les règlements de l’UE. Cette proposition pose également les bases d’un nouveau renforcement de l’obligation faite aux importateurs de carburants de compenser une partie des émissions de CO2 liées à ces carburants par la mise en œuvre de projets de réduction des émissions et l’obligation de commercialiser des biocarburants. Les coûts supportés de ce fait par les importateurs peuvent être répercutés sur les consommateurs, dans la limite de 5 centimes par litre de carburant et par obligation. Des aides financières sont prévues pour l’expansion de l’infrastructure de recharge des véhicules électriques et la conversion des bus de transports publics à motorisation diesel en véhicules moins émetteurs. L’objectif que, d’ici à 2022, 15 % des nouvelles immatriculations de véhicules de tourisme portent sur des véhicules entièrement électriques ou hybrides rechargeables était déjà dépassé en 2021. Il a été porté à 50 % des nouvelles immatriculations d’ici la fin de 2025 (Conseil fédéral, 2022). Les autorités suisses prévoient également de supprimer à partir de 2025 les allègements de l’impôt sur les huiles minérales dans les transports publics, ce qui constituerait un pas dans la bonne direction. Elles devraient profiter de cette occasion pour mettre fin, de la même façon, aux remboursements de cet impôt sur les huiles minérales en agriculture et en sylviculture, car de tels remboursements interfèrent avec les incitations environnementales.
L’impôt sur les huiles minérales, s’il constitue une taxation effective du carbone plus élevée que dans d’autres pays, n’a pas augmenté en termes réels au cours du temps. De plus, les carburants routiers ont des effets (changement climatique, pollution, congestion, nécessité d’entretenir les infrastructures, etc.) qui engendrent un coût sociétal important dont on estime qu’il n’est pas suffisamment couvert par cet impôt (Dolphin, 2023 ; Parry et al., 2021). L’intégration d'une composante fondée sur un prix du carbone dans l’impôt sur les huiles minérales pourrait augmenter efficacement les incitations à réduire les émissions dans le secteur routier. Ou alors, la Suisse pourrait envisager de participer au nouveau système d’échange de quotas d’émission que l’UE prévoit d’appliquer à la distribution des carburants routiers et aux bâtiments (SEQE-UE 2). Le SEQE-UE 2 doit être mis en œuvre à partir de 2025 et, en tant que système de plafonnement et d’échange, il comportera des plafonds d’émissions plus stricts et des incitations tarifaires progressives. Les recettes de la mise aux enchères des quotas pourraient servir à financer de nouveaux investissements verts et une redistribution ciblée, comme le prévoit le Fonds social de l’UE pour le climat, ou à réduire les distorsions fiscales.
La consommation liée au chauffage (corrigée de l’incidence des conditions météorologiques) par mètre carré de logement résidentiel est supérieure à la moyenne de l’UE (Graphique 4.8). En dépit d’importantes réductions d’émissions depuis 1990, le secteur n’a pas atteint son objectif national en 2020. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS, 2023), en 2022, les deux tiers des ménages et 57 % des bâtiments se chauffaient encore avec des combustibles fossiles (mazout et gaz). On dénombrait également 19 % des bâtiments équipés de pompes à chaleur, un pourcentage qui a quadruplé depuis 2000. Pour que le pays puisse atteindre son objectif de 82 % de réduction à l’horizon 2040 par rapport à 1990, le taux de réduction des émissions doit passer de 4.3 % par an, comme entre 2010 et 2020, à 6 % par an. Jusqu’à présent, la principale solution mise en œuvre a été l’installation de systèmes de chauffage à émissions faibles (ou nulles) dans les nouvelles constructions. Il convient désormais de mettre l’accent sur la rénovation du parc immobilier existant, qui sera sans doute plus coûteuse, par exemple en remplaçant les systèmes de chauffage à combustibles fossiles et en améliorant l’isolation.
Le programme national de rénovation des bâtiments prévoit des aides à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Il est mis en œuvre par les cantons et financé par la redistribution partielle de la taxe sur le CO2 (un tiers des recettes totales) et des fonds cantonaux. Selon la proposition de troisième loi sur le CO2, il devrait être renforcé grâce à des réaffectations supplémentaires, pouvant aller jusqu’à 50 % des recettes tirées de la taxe sur le CO2. De plus, la loi sur la protection du climat, qui a récemment été adoptée, a ajouté 200 millions CHF par an pendant dix ans au service du remplacement des systèmes de chauffage utilisant des combustibles fossiles par des appareils plus écologiques dans les bâtiments. Ces mesures aideront à augmenter la performance énergétique du parc de logements. Par ailleurs, étant donné que la taxe sur le CO2 diminuera en termes réels au cours du temps (voir ci-dessus), les pouvoirs publics devraient envisager de la relever davantage à l’avenir ou, comme ils l’ont fait pour le secteur du transport routier, d’adhérer au nouveau SEQE-UE 2 pour le secteur des bâtiments.
Les codes de la construction mis en place par les cantons sont d’autres instruments qui réglementent les normes de consommation d’énergie dans les bâtiments neufs ou existants. La Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie s’est fixé pour objectif d’harmoniser ces codes à l’échelle de toute la Suisse. Cependant, la mise en œuvre de ces codes nécessite que les cantons votent des lois sur l’énergie ; or, en 2023, seuls 19 cantons (sur 26) avaient voté de telles lois. La loi révisée sur le CO2 avait pour but de mettre en place des normes fédérales sur le CO2 par mètre carré de surface chauffée, mais elle a été rejetée lors d’une votation en 2021.
Les cantons prévoient de continuer à renforcer la réglementation sur la performance énergétique des bâtiments, mais les efforts devraient être plus uniformes à l’échelle de tout le pays. Certains cantons ont déjà complètement interdit l’installation et le remplacement de systèmes de chauffage aux combustibles fossiles, tandis que d’autres sont à la traîne (OFEV, 2022b). Une analyse d’impact a montré que les réglementations avaient eu un effet important sur la réduction des émissions au-delà des subventions générales et de la taxe sur le CO2. Le remplacement des chauffages fossiles par des systèmes utilisant les énergies renouvelables a été nettement plus rapide dans les cantons dotés de réglementations que dans les autres, et le rythme de réduction des émissions a pratiquement doublé (OFEV, 2023).
La production d’électricité de la Suisse est presque exclusivement non fossile. L’essentiel est fourni par des centrales hydrauliques et nucléaires qui, ensemble, totalisent 90 % de l’électricité produite. En été, la Suisse exporte un surplus d’électricité, tandis qu’elle en importe environ la même quantité pendant les pics de demande des mois d’hiver.
La transition énergétique nécessitera une électrification accrue de l’économie nationale, notamment dans les secteurs des transports et du chauffage résidentiel. Par électrification, on entend le remplacement des technologies ou procédés utilisant des combustibles fossiles, comme les moteurs à combustion interne et les chaudières à gaz, par des analogues électriques tels que des véhicules électriques ou des pompes à chaleur. La demande d’électricité, et donc la production annuelle d’électricité, devrait augmenter de près de 30 % d’ici à 2050 (Graphique 4.9), selon l’analyse de scénario conduite par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN, 2023). L’AEN (2022) fait état d’une hausse de la demande prévue d’électricité de près de 50 % d’ici à 2050. Pour l’heure, la Suisse n’est pas un pays très électrifié. En 2022, l’électricité représentait environ un quart de sa consommation d’énergie. À titre de comparaison, dans les pays très électrifiés comme la Norvège, ce chiffre approche les 50 % (AEN, 2022).
Dans sa Stratégie énergétique 2050, la Suisse s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. Pour cela, elle prévoit d’améliorer l’efficacité énergétique, d’augmenter la part des renouvelables et de sortir progressivement du nucléaire, tout en assurant un haut niveau de sécurité d’approvisionnement. De plus, en réaction à la guerre de la Russie en Ukraine, la Suisse a pris plusieurs mesures à court terme en 2022 afin de remédier à d’éventuelles pénuries de gaz et d’électricité. Les autorités ont mis en place des réserves d’énergie, à la fois sous forme d’eau dans des réservoirs (réserve hydraulique) et sous forme de gaz dans des centrales, et pris des mesures d’urgence, valides jusqu’en 2025, pour accélérer le déploiement de centrales solaires photovoltaïques dans la région des Alpes.
La loi révisée sur l’énergie – qui peut encore faire l’objet d’une votation – dispose que la production d’électricité renouvelable, hors hydroélectricité, devrait passer de 4 400 GWh en 2020 à 35 000 GWh en 2035 (multiplication par huit). Le supplément réseau de 2.3 centimes par kWh payé par tous les consommateurs d’électricité (soit, au total, environ 1.5 milliard CHF par an) aide à financer les investissements nécessaires dans la transition énergétique. Les investissements dans les renouvelables sont encouragés par des primes de marché variables et des aides à l’investissement qui financent entre 20 % et 60 % du total des coûts d’investissement dans les projets renouvelables. Avec la loi révisée sur l’énergie, les aides au financement et à l’investissement sont assurées jusqu’en 2035. Les pouvoirs publics prévoient également d’accélérer les procédures de planification et d'autorisation de construction d’installations de production d’électricité d’intérêt national, et de raccourcir les procédures de recours. La poursuite des financements et l’accélération des procédures d’autorisation constitueront des incitations supplémentaires et rendront le climat des affaires plus propice aux investissements nécessaires dans les centrales renouvelables.
Électrifier davantage le pays et augmenter la part des énergies renouvelables nécessite également d’investir pour moderniser le réseau et accroître sa capacité. Le réseau électrique suisse a en effet besoin d’être rénové (OFEN, 2018). Le réseau de transport connaît déjà une saturation structurelle. De ce fait, les centrales reçoivent régulièrement pour instruction de limiter leur production (Swissgrid, 2023a). Le réseau devra en outre être adapté pour pouvoir prendre en charge un nombre plus élevé de fournisseurs d’énergie décentralisés. Selon les estimations de l’Office fédéral de l’énergie, atteindre l’objectif de la neutralité climatique nécessite environ 75 milliards CHF (10 % du PIB) pour entretenir et restructurer le réseau électrique (OFEN, 2022). Les coûts de réseau vont donc devoir augmenter, ce qui fera aussi monter les prix de l’électricité.
La longueur des procédures d’approbation et d’autorisation et le manque de transparence entravent l’adaptation urgente et nécessaire de l’infrastructure de réseau (Swissgrid, 2023b). Selon le gestionnaire de réseau de transport Swissgrid, il s’écoule actuellement environ 15 ans entre le lancement d’un projet et la mise en service de la ligne concernée, mais il est fréquent que des retards portent ce délai à 30 ans (Swissgrid, 2023a). De telles échelles de temps sont incohérentes avec les besoins et les objectifs actuels. Dans le cadre de sa Stratégie énergétique 2050 et de sa Stratégie Réseaux électriques, la Suisse prévoit d’optimiser encore les procédures d’autorisation des projets de lignes de transport, en clarifiant les critères de développement du réseau et de choix entre ligne enterrée ou aérienne, et de travailler au renforcement de l’acceptation globale des projets de lignes de transport. La Suisse doit mettre en œuvre ces mesures si elle veut pouvoir accélérer avec succès son électrification et l’adaptation de son réseau électrique.
Après l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011, les autorités suisses ont décidé d’abandonner progressivement le recours à l’énergie nucléaire. Aucune autorisation ne sera accordée à une nouvelle installation de cette filière. Cependant, la date exacte d’arrêt des centrales nucléaires existantes n’a pas été fixée : il est possible de continuer de les exploiter tant qu’elles sont jugées sûres. Dans leurs plans stratégiques actuels, les autorités tablent sur une durée d’exploitation des réacteurs les plus récents de 50 ans. Cela supposerait que le dernier réacteur cesse de fonctionner en 2034. Cela étant, les exploitants évaluent actuellement la possibilité d’une prolongation de la durée de vie de 10 ans, ce qui repousserait l’échéance à 2044. Cette mise hors service d’un tiers des moyens de production d’électricité du pays rendra nécessaire une montée en puissance rapide et coûteuse des installations utilisant les énergies renouvelables. Selon une analyse de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN, 2022) portant sur plusieurs scénarios envisageables pour l’avenir de la production d’électricité en Suisse, prolonger la durée de vie de deux réacteurs nucléaires existants jusqu’en 2050 – tout en investissant au niveau requis pour répondre à toutes les préoccupations de sûreté – et satisfaire le reste de la demande d’électricité en comptant sur les renouvelables serait le scénario le moins coûteux pour atteindre la neutralité climatique.
La Suisse a également intérêt à conserver ses grandes capacités d’interconnexion avec ses voisins européens, afin de garantir la stabilité du réseau, de renforcer sa sécurité d’approvisionnement et de rendre possible de nombreux échanges d’électricité mutuellement bénéfiques. Cependant, les négociations relatives à la conclusion d’un accord sur l’électricité entre la Suisse et l’Union européenne ont subi un revers majeur en 2018. L’intégration du marché de l’électricité de l’UE progresse, mais la Suisse en est de plus en plus exclue. Dans une étude récente, l’AIE (2023) conclut que l’intégration de la Suisse au marché de l’Union européenne améliorerait l’efficience et la coordination des flux de transport et contribuerait à la sécurité d’approvisionnement en Suisse ainsi que dans les pays membres de l’UE. La Suisse devrait aligner sa réglementation du marché de l’électricité sur celle de l’UE, y compris s’agissant de l’ouverture totale du marché, pour se préparer à la signature d’un accord sur l’électricité avec l’UE.
Le changement climatique a un impact sur la Suisse. Les cinq années les plus chaudes depuis 1864 ont toutes été enregistrées après 2010 (OFEV, 2020). Les glaciers des Alpes ont perdu plus de 60 % de leur volume depuis 1850 (MeteoSwiss, 2023). Les épisodes de fortes précipitations sont également devenus plus intenses et plus fréquents. Plus le climat se réchauffe, plus la végétation est sèche pendant les mois d’été, ce qui augmente le risque, la fréquence et l’intensité des feux de forêt incontrôlables qui, en retour, perturbent les vies humaines et les moyens de subsistance du fait des impacts économiques associés et des conséquences sanitaires de la chaleur et des particules de fumée qui peuvent se déplacer très loin (OCDE, 2023). Les régions suisses où le tourisme est important (comme les Alpes) sont particulièrement vulnérables. La diminution des chutes de neige augmente les besoins en neige artificielle, ce qui exerce une pression sur les ressources en énergie et en eau (François et al., 2023). De plus, la dégradation de la stabilité des pentes entraîne des risques supplémentaires, tels que glissements de terrain, coulées de débris et chutes de roches. La biodiversité elle aussi sera affectée par le changement climatique, en particulier à plus haute altitude (Kato et al., 2021).
Le changement climatique peut ouvrir quelques perspectives : production d’énergie en hiver, réduction des dommages causés par la neige, revenus liés au tourisme estival et, peut-être, à l’agriculture, mais avec une plus grande variabilité. Toutefois, les estimations des effets du changement climatique sur le bien-être (santé, bâtiments, infrastructures, énergie, eau, agriculture, tourisme et retombées dans d’autres secteurs) sont largement négatives, pouvant aller de -0.4 % à -1.4 % de la consommation des ménages (Vöhringer et al., 2019). Les études existantes sous-estiment sans doute les coûts réels du changement climatique, car les effets indirects sur la biodiversité et sur la santé sont difficiles à quantifier à l’aide des données disponibles.
En 2012, le Conseil fédéral a adopté une stratégie d’adaptation aux changements climatiques (OFEV, 2012), dans laquelle il fixe les objectifs et les principes de l’adaptation, recense des champs d’action dans neuf secteurs (gestion des eaux, gestion des dangers naturels et protection des sols, agriculture, économie forestière, énergie, tourisme, gestion de la biodiversité, santé (humaine et animale) et développement territorial) et décrit les défis à relever aux interfaces entre ces différents secteurs. Le plan d’action actualisé 2020-25 qualifie l’augmentation du besoin en énergie de refroidissement et la diminution de la production hydroélectrique pendant l’été de défis majeurs, dont devra s’occuper l’Office fédéral de l’énergie. Pour compenser l’augmentation des risques pesant sur la puissance hydraulique en été, il est prévu de donner un nouvel élan aux projets renouvelables, notamment solaires et éoliens.
Les entreprises suisses s’adaptent également au changement climatique pour renforcer leur résilience. Près d’un cinquième des entreprises suisses interrogées en 2023 s’estimaient fortement exposées au risque climatique (Seiler, 2023). Au cours de l’année passée, plus de la moitié des entreprises suisses ont déjà investi pour atténuer les effets néfastes des phénomènes météorologiques ou pour réduire leurs émissions de carbone. Cette tendance devrait prendre de l’ampleur puisque près des trois quarts des entreprises prévoient de tels investissements au cours des trois prochaines années, un pourcentage plus élevé que dans la plupart des pays de l’UE (Graphique 4.10).
La Suisse devrait continuer d’atténuer l’accumulation de chaleur, d’augmenter sa capacité d’absorption des eaux de pluie et de se préparer à la fonte des neiges dans les Alpes. L’adaptation au niveau cantonal devrait viser à réduire les risques et les impacts spécifiques du changement climatique. Par exemple, les autorités du canton du Tessin, en coopération avec l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), ont élaboré le concept « Forest Fire 2020 » pour réduire le risque d’incendies de forêt et leurs conséquences (Eriksen et Hautir, 2021). La coopération à l’échelle internationale est également importante s’agissant de la protection civile, de la gestion des catastrophes et des moyens d’aide à la protection de l’environnement, si l’on veut faire face aux conséquences déjà inévitables du changement climatique.
Recommandations formulées dans des Études antérieures |
Mesures prises |
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Préparer une stratégie fédérale de prévention de la production de déchets incluant des objectifs indicatifs de réduction des déchets municipaux. |
En avril 2022, le Conseil fédéral a approuvé un plan d’action visant à réduire de moitié les déchets alimentaires d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2017. En 2023, le secteur privé a fondé une organisation sectorielle de collecte des emballages en plastique et des briques à boisson. |
Continuer de renforcer la transparence en ce qui concerne la compatibilité climatique des portefeuilles financiers. Renforcer la publication d’informations sur les risques liés au climat auxquels sont exposés les grandes entreprises et le secteur financier. |
En juin 2022, le Conseil fédéral a lancé l’initiative volontaire Climate Scores, avec un ensemble d’indicateurs climatiques que la Suisse considère être de bonnes pratiques de transparence en matière de lutte contre le changement climatique, et qui devraient aider les investisseurs à mieux évaluer dans quelle mesure les produits financiers sont compatibles avec les objectifs climatiques. Le Conseil fédéral a actualisé cette initiative en décembre 2023 en y ajoutant des questions supplémentaires – facultatives – concernant les objectifs climatiques du portefeuille et des informations obligatoires sur l’exposition aux énergies renouvelables. Les révisions prendront effet le 1er janvier 2025. L’ordonnance adoptée par le Conseil fédéral le 23 novembre 2022 et en vigueur depuis janvier 2024 rend obligatoires les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques pour les plus grandes entreprises (actuellement plus de 500 ETP avec le total du bilan égal ou supérieur à 20 millions CHF ou un chiffre d’affaires au-delà de 40 millions CHF au cours des deux dernières années). Elle inclut la déclaration de plans de transition, exige la fixation d’objectifs quantitatifs d’émissions directes et indirectes de carbone et repose sur le principe « appliquer ou expliquer ». |
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMANDATIONS |
La tarification du carbone est un instrument efficient et efficace par rapport à son coût pour faire baisser les émissions. Les prix du carbone appliqués en Suisse sont plus élevés que dans d’autres pays selon les comparaisons internationales. La taxe sur le CO2 et l’impôt sur les huiles minérales risquent toutefois de voir leurs recettes s’éroder à terme en valeur réelle. Diverses exonérations réduisent l’efficience de la tarification du carbone. |
Renforcer la tarification effective du carbone en relevant la taxe sur le CO2 après 2030 ou en adhérant au SEQE-UE 2 applicable aux transports et aux bâtiments. Poursuivre les efforts déployés pour élargir l’assiette de la taxation du carbone en réévaluant les exonérations. |
Le public semble peu soutenir la tarification du carbone. À l’heure actuelle, les deux tiers des recettes de la taxe sur le CO2 sont redistribués à la population et à l’économie, la part destinée à la population étant redistribuée uniformément à toutes les personnes résidentes de la Suisse. |
Affecter une plus grande partie des recettes de la taxe sur le CO2 au soutien de l’efficacité énergétique dans le cadre du Programme Bâtiments et au soutien de l’innovation. Envisager une redistribution plus progressive des recettes de la taxe sur le CO2 pour répondre aux préoccupations en matière d’acceptabilité. |
Les entreprises peuvent être exemptées de la taxe sur le CO2 si elles prennent un engagement négocié de réduction de leurs émissions. Ce dispositif est coûteux en raison du manque à gagner fiscal et du suivi qui doit être effectué. |
Veiller à ce que les objectifs de réduction et les feuilles de route de décarbonation prévus dans les engagements de réduction négociés soient suffisamment ambitieux pour dépasser l’objectif fixé pour l’industrie à l’horizon 2040. |
Diverses exonérations réduisent l’efficience et l’efficacité de la tarification du carbone. |
Éliminer les exonérations de l’impôt sur les huiles minérales dans les secteurs des transports publics et de l’agriculture. |
Le total des émissions par mètre carré de logement résidentiel (corrigé de l’incidence des conditions météorologiques) est supérieur à la moyenne de l’UE, et la vitesse de réduction des émissions doit s’accélérer. L’existence de codes de la construction stricts contribue à la réduction des émissions. Cependant, ces codes n’ont pas encore été mis en œuvre de façon uniforme dans tous les cantons. |
Renforcer de façon plus uniforme les codes de la construction dans tous les cantons. |
La poursuite de l’électrification sera nécessaire pour atteindre la neutralité climatique. Il faudra pour cela réaliser d’importants investissements dans les renouvelables, tels que le solaire et l’éolien, sachant que la production d’électricité renouvelable (hors hydroélectricité) devrait être multipliée par 8 d’ici à 2035. La loi sur l’énergie récemment révisée a créé des incitations en faveur de l’investissement jusqu’en 2035 à travers des primes de marché variables et un soutien à l’investissement. |
Continuer d’améliorer le cadre d’investissement dans les renouvelables en accélérant les procédures de planification et d’autorisation de construction de centrales utilisant les énergies renouvelables, comme prévu. |
Électrifier davantage le pays et augmenter la part des énergies renouvelables nécessitera également d’investir pour moderniser, agrandir et restructurer le réseau électrique. Or, le réseau suisse est déjà saturé. La longueur des procédures d’approbation et d’autorisation et le manque de transparence entravent l’adaptation urgente et nécessaire de l’infrastructure de réseau. |
Simplifier les procédures d’autorisation de projets de construction de lignes de transport et clarifier les critères de développement du réseau. |
Le réseau de la Suisse est fortement interconnecté avec celui de ses voisins européens, ce qui rend possibles des échanges d’électricité mutuellement bénéfiques. Cependant, les négociations relatives à la conclusion d’un accord sur l’électricité entre la Suisse et l’Union européenne sont interrompues depuis 2018. |
Intégrer le marché et le réseau suisses au système électrique européen pour garantir la sécurité de l’approvisionnement et la stabilité du réseau régional en signant un accord sur l’électricité avec l’UE. |
Le réchauffement du climat et la fréquence et l’intensité accrues des phénomènes météorologiques extrêmes augmentent les risques de catastrophes naturelles et menacent la biodiversité. Ils ont également des effets néfastes sur la santé humaine, les infrastructures et le logement, et les secteurs d’activité tels que le tourisme et l’agriculture. |
Mettre en œuvre la Stratégie d’adaptation aux changements climatiques, notamment en remédiant aux problèmes liés à l’énergie qui se posent en été. |
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