Le présent chapitre examine l’évolution de l’IDE au Maroc dans le temps, par secteur économique et par pays d’origine. Il s’intéresse en outre à la contribution de l’IDE aux grands objectifs de développement durable du Royaume, dont la productivité et l’innovation, l’intégration des échanges et les chaînes de valeur mondiales, l’emploi et la qualité des emplois, les compétences, l’égalité femmes-hommes et la transition bas carbone. Enfin, en s’appuyant sur les résultats de cette analyse, il livre quelques suggestions en vue d’améliorer les effets positifs de l’IDE sur le développement durable.
Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement : Maroc 2024
2. Tendances et impact de l’IDE au Maroc
Copier le lien de 2. Tendances et impact de l’IDE au MarocAbstract
2.1. Introduction et orientations générales
Copier le lien de 2.1. Introduction et orientations généralesDepuis quelques décennies, le Maroc attire de plus en plus d’investissements directs étrangers (IDE), à la faveur de grandes réformes économiques structurelles et d’une bonne performance économique, mais aussi d’une situation géographique stratégique faisant de lui la porte d’entrée du marché africain, notamment pour les investisseurs européens. En 2018, les flux d’IDE ont atteint un niveau record de 3.6 milliards USD, suivis d’une chute brutale les années suivantes pour atteindre 1.4 milliards USD en 2020 lors de la crise de COVID‑19. Les flux d’IDE se sont ensuite établis à 2.3 milliards USD en 2022. L’IDE a également gagné en intérêt pour l’économie marocaine au fil du temps, comme en témoigne la part grandissante du produit intérieur brut (PIB) du pays que représente le stock d’IDE.
Ce stock d’IDE se concentre dans les services, en particulier les télécommunications, la finance et le tourisme ; autant de secteurs qui ont attiré des flux croissants d’IDE à la suite de grands programmes de privatisation et de libéralisation. Au sein de l’industrie manufacturière, ce sont l’automobile, l’aérospatiale et le textile qui bénéficient d’une part significative du stock d’IDE. Le secteur de la construction est une autre cible importante, comme en attestent de grands projets d’investissement étranger destinés au développement de la santé urbaine, du tourisme et des installations industrielles. Les projets d’IDE « greenfield » sont majoritaires dans l’industrie manufacturière, en particulier les véhicules à moteur, les produits minéraux non métalliques, les métaux et l’électronique. Une part importante de l’IDE « greenfield » est également orientée vers l’exploitation minière et l’énergie, dont 40 % à destination de projets d’énergie renouvelable (solaire, éolienne et hydraulique).
Les principaux investisseurs au Maroc sont les entreprises européennes, à raison de près de 55 % du stock total d’IDE en 2022. Les entreprises de la région MENA représentent pour leur part 25 % des investisseurs en 2022 (27 % en 2021). La France est le premier investisseur étranger au Maroc, traditionnellement dans les industries automobile, aéronautique et ferroviaire, et plus récemment dans le secteur des énergies renouvelables. Les Émirats arabes unis (EAU) et l’Espagne lui emboîtent le pas, en deuxième et troisième places respectivement, notamment dans des secteurs de la construction, du tourisme et de l’automobile. D’autres pays européens, comme la Suisse, le Royaume Uni ou la Belgique, commencent à être d’importants investisseurs au Maroc. Les Etats-Unis ont beaucoup investi au Maroc dans les années 2010, notamment dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire. Depuis quelques années, malgré la prédominance des investissements français, le Maroc connaît une certaine diversification des origines des investissements, avec de plus en plus d’investisseurs originaires d’Asie, d’autres pays du Moyen Orient et d’autres pays européens.
Le premier Examen des politiques de l’investissement du Maroc, conduit en 2010, constatait le rôle important que l’IDE a joué dans le développement économique du pays, avec des retombées positives sur l’emploi, la productivité, les compétences et l’internationalisation de l’économie. Cette deuxième édition intervient à l’heure où le Maroc fait face à de nouveaux défis, dont celui de se doter d’une économie plus inclusive et plus durable. Conjugué avec l’investissement domestique, l’IDE peut jouer un rôle majeur dans la réalisation de certains des objectifs de développement durable pressants du Maroc : la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité, la réduction des inégalités et des disparités sociales et territoriales, et la durabilité environnementale de l’économie, par exemple.
En favorisant la productivité, l’innovation, la création d’emploi et l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM), l’IDE a fortement stimulé le développement du secteur privé marocain au cours des dernières décennies. Il est concentré dans les secteurs des services et de l’industrie manufacturière, lesquels sont plus productifs et contribuent dans une large mesure à la valeur ajoutée cumulée et à l’emploi. Ces secteurs sont en outre plus porteurs d’emplois : au Maroc, l’IDE « greenfield » génère presque 4 emplois par million de dollars investis, soit plus que les pays de l’OCDE et de la région MENA en moyenne.
Les entreprises étrangères sont en moyenne plus productives, ont davantage tendance à mener des activités de R&D et utilisent plus de technologies étrangères que les entreprises marocaines.1 Plus orientées vers les échanges du fait qu’une plus forte proportion de leurs ventes se fait à l’exportation et qu’elles importent une plus grande partie de leurs intrants, elles s’imposent en acteurs majeurs de l’intégration du Maroc dans les CVM dans leur rôle de point d’accès important aux marchés internationaux.
L’IDE apporte une contribution positive aux grands objectifs sociaux et environnementaux du Maroc. Aucune différence significative n’est observée entre les entreprises marocaines et les entreprises étrangères sur le plan des salaires et de la part de travailleurs qualifiés, mais les entreprises étrangères affichent en moyenne une plus forte proportion de travailleurs permanents, ce qui donne à penser qu’elles offrent des perspectives d’emplois plus stables. Les entreprises étrangères ont par ailleurs fait montre d’une plus grande résilience face à la crise du COVID‑19 et se sont rétablies plus rapidement que les entreprises locales.
Les entreprises étrangères ne sont pas plus performantes que les entreprises marocaines en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes. On note en particulier l’absence de différence significative entre entreprises étrangères et locales s’agissant de l’emploi féminin et des postes de cadre supérieur occupés par des femmes. Cela étant dit, l’actionnariat féminin est plus important dans les entreprises étrangères. L’IDE semble encourager la décarbonation de l’économie marocaine. Il est répandu dans les secteurs moins polluants et la part consacrée aux énergies renouvelables (9 %) est supérieure à la moyenne observée dans la région MENA (5 %) et proche de la moyenne de la zone OCDE (9.6 %). D’autre part, les entreprises étrangères sont plus sobres en énergie que les entreprises locales, ce qui tend à indiquer qu’elles ont un rôle important à jouer dans la diffusion de technologies plus propres.
Principales orientations générales
Copier le lien de Principales orientations généralesQuelques orientations générales sont formulées à partir des résultats présentés dans ce chapitre. Elles seront abordées plus en détail dans d’autres chapitres de cet examen.
Diversifié par secteurs, le stock d’IDE est néanmoins très concentré par pays d’origine : ensemble, la France, les EAU et l’Espagne représentaient 57 % du stock total en 2021. Cette dépendance d’un petit groupe d’investisseurs rend le Maroc plus vulnérable à la conjoncture économique et politique de ces pays. Aussi importe-t-il, pour réduire l’exposition du pays aux chocs externes, de chercher à attirer des IDE d’autres pays et plus particulièrement de la région MENA.
Les entreprises étrangères opérant au Maroc sont plus performantes que les entreprises locales en matière d'innovation et de commerce, alors que leur contribution est mitigée en ce qui concerne la productivité et les salaires. Des meilleures capacités des entreprises marocaines peuvent permettre d'établir des relations plus fortes au sein des chaînes de valeur (par exemple, des relations avec les fournisseurs) avec les entreprises étrangères et de bénéficier de leur présence. Le développement des capacités locales nécessite des efforts dans plusieurs domaines, tels que les compétences, l'innovation et l'environnement commercial local. De meilleures données au niveau des entreprises permettraient de mieux mesurer l'impact de l'IDE sur la productivité et d'autres facteurs et de formuler des recommandations plus spécifiques au cas marocain.
La contribution des entreprises étrangères à la réduction des disparités entre les sexes pourrait être plus importante. Une étude plus approfondie du rôle des facteurs propres au pays d’implantation et au pays d’origine s’impose, mais des mesures levant les obstacles à l’activité féminine peuvent aider les femmes à tirer parti des perspectives d’emplois (plus stables) offertes par les entreprises étrangères, surtout dans les secteurs des services susceptibles d’employer un grand nombre de femmes. Ces mesures pourraient prendre la forme d’un cadre réglementaire et juridique sensible aux disparités entre les sexes, de programmes pour aider les femmes à acquérir les compétences recherchées par les entreprises étrangères, et de services sociaux (ex. accueil des enfants). Afin de consolider la place de la femme marocaine dans le tissu économique, la nouvelle Charte de l’investissement prévoit une prime ratio genre.
L’IDE est concentré dans les secteurs moins polluants et affecté en grande proportion aux énergies renouvelables. Parallèlement, la plus grande sobriété énergétique des entreprises étrangères est révélatrice du potentiel d’amélioration de la performance environnementale des entreprises marocaines. Par exemple, en encourageant la diffusion et l’adoption de technologies plus propres introduites par les entreprises étrangères.
2.2. Grandes tendances de l’investissement direct étranger
Copier le lien de 2.2. Grandes tendances de l’investissement direct étranger2.2.1. L’IDE a gagné en importance pour l’économie marocaine au fil du temps
En quelques décennies, le Maroc a attiré des flux croissants d’IDE. Il est aujourd’hui l’une des plus grandes destinations d’investissement dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) (Graphique 2.1, partie a). Les volumes d’IDE ont augmenté à la faveur de la performance économique du Maroc et de sa stabilité politique, mais aussi de sa position géographique stratégique au carrefour de l’Europe et de l’Afrique.
C’est au milieu des années 90 que remontent les premiers flux d’IDE au Maroc, sous l’effet d’un ambitieux programme de privatisation dans un grand nombre de secteurs (télécommunications, tourisme, énergie et services financiers) suivi, au milieu des années 2000, par la libéralisation des transports ferroviaires et des activités portuaires entre autres secteurs clés (OCDE, 2010[1]). En ouvrant de nouvelles perspectives pour les investisseurs étrangers, cette vague de privatisation et de libéralisation a augmenté les flux d’IDE. Ceux-ci sont très imprévisibles depuis vingt ans, mais la tendance générale est restée positive même pendant les périodes de turbulence économique mondiale, à l’instar de la crise économique de 2008. En 2018, les flux d’IDE ont atteint un niveau record de 3.6 milliards USD, suivis d’une chute brutale les années suivantes pour atteindre 1.4 milliards USD en 2020 lors de la crise de COVID‑19. Les flux d’IDE ont ensuite atteint 2.3 milliards USD en 2021 pour ensuite s’établir à 2.1 milliards USD en 2022.
L’IDE a gagné en importance pour l’économie marocaine au fil du temps, comme en atteste la part grandissante du PIB que représente le stock d’IDE (Graphique 2.1, partie b). Avant l’an 2000, le stock d’IDE comptait pour moins de 20 % du PIB. Ce pourcentage a par la suite progressé de manière constante pour s’établir à 50 % en 2022, le Maroc devançant alors plusieurs pays de la région MENA et la moyenne des pays de l’OCDE. Il n’atteint toutefois toujours pas le rang de quelques grands partenaires régionaux comme la Tunisie et la Jordanie.
2.2.2. La plus grande part du stock d’IDE se concentre dans le secteur des services
Les stocks d’IDE sont principalement concentrés dans les services (40 %), suivis de l’industrie manufacturière (25 %) et de la construction (22 %) (Graphique 2.2, partie a). Au sein des secteurs de services, les télécommunications, le tourisme, et la finance en sont les principaux bénéficiaires (Graphique 2.2, partie b). Ces secteurs ont attiré de plus en plus de flux d’IDE en conséquence à la fois de programmes de privatisation et de libéralisation ainsi que d’investissements infrastructurels majeurs (Lahcen et Aicha, 2007[2] ; OCDE, 2010[1]). L’IDE dans l’industrie manufacturière se concentre majoritairement dans l’industrie l’automobile : les constructeurs – européens en particulier – ont massivement investi, attirés non seulement par des coûts de production compétitifs, mais aussi par la position stratégique du Maroc qui en fait la porte d’entrée du marché africain. L’aérospatiale et le textile sont deux autres secteurs affichant une présence établie d’entreprises étrangères.
Le secteur de la construction est une cible importante de l’IDE et plus particulièrement de l’IDE en provenance des EAU. Au nombre des projets immobiliers, citons par exemple le développement de projets urbains dans le secteur de la santé, comme la cité de la santé à Marrakech (Marrakech Healthcare City) et le pôle santé de l’éco-cité Zenata du groupe Saudi-German Hospital, ou d’installations touristiques à Tanger, Marrakech, Rabat, Casablanca et Agadir. Plusieurs entreprises, pour la plupart européennes, ont par ailleurs investi dans des installations industrielles et des unités logistiques pour accroître leur capacité d’offre et améliorer leur accès au marché africain (Bachelet, Rogeau et Mejdoubi, 2019[3]).
2.2.3. Les projets d’IDE « greenfield » privilégient la construction, l’automobile et les énergies renouvelables
En vingt ans, le Maroc a reçu environ 97 milliards USD de projets d’IDE « greenfield », dont 33 % dans l’exploitation minière et l’énergie, 27 % dans l’industrie manufacturière, 26 % dans la construction et 15 % dans les services (Graphique 2.3, partie a). Une répartition sectorielle comparable de l’IDE « greenfield » est observée dans d’autres pays de la région MENA, comme la Tunisie et la Jordanie.
La moitié de l’IDE « greenfield » destiné à l’industrie manufacturière a été orientée dans l’automobile, et plus particulièrement les pièces détachées d’origine (Graphique 2.3, partie b). De grands projets d’IDE « greenfield » ont été conclus par des constructeurs automobiles français comme Renault et PSA Peugeot Citroën, mais aussi, plus récemment, par la société chinoise BYD, pionnière de la voiture électrique. D’autres parts importantes des investissements « greenfield » dans l’industrie manufacturière étaient distribuées entre les minéraux non métalliques (matériaux de construction), les métaux et l’électronique. Environ 65 % des investissements « greenfield » dans l’exploitation minière et l’énergie se sont concentrés dans les infrastructures renouvelables. Le grand potentiel d’énergie solaire, éolienne et hydraulique du Maroc attire de plus en plus d’investissements étrangers depuis quelques années, principalement en provenance d’Europe. Des flux entrants constants d’IDE « greenfield » ont aussi été orientés vers l’extraction de phosphate, les réserves marocaines étant les plus importantes du monde.
2.2.4. Les entreprises européennes sont les plus grands investisseurs étrangers au Maroc
Les entreprises européennes sont les principaux investisseurs au Maroc, à raison d’environ 61 % du stock total d’IDE en 2022 (Graphique 2.4, partie a). Celles de la région MENA représentent 25 % du stock, soit une bien plus faible proportion, en regard de la proximité géographique et culturelle. Les 14 % restants du stock d’IDE proviennent d’Amérique du Nord, d’Asie et d’autres régions. La France demeure le premier partenaire d’investissement du Maroc (Graphique 2.4, partie b). En 2022, la part française de son stock total d’IDE s’élevait à 31 %, soit 20.1 milliards USD. Autrefois concentrés dans l’automobile, l’aéronautique et l’industrie ferroviaire, les investissements des entreprises françaises commencent à être réorientés vers d’autres secteurs, dont celui des énergies renouvelables.
Les EAU sont le deuxième partenaire d’investissement du Maroc après la France et le premier de la région MENA. En 2022, leur part du stock total d’IDE au Maroc s’élevait à 18 %, soit 11.7 milliards USD. Les EAU investissent dans divers secteurs, dont la construction, le tourisme, les télécommunications, les TIC, les transports, l’automobile et l’aéronautique. L’Espagne est le troisième investisseur au Maroc. En 2022, les entreprises espagnoles représentaient 8 % du stock total d’IDE, soit 5.5 milliards USD. Ces entreprises sont actives dans plusieurs secteurs, notamment le tourisme, l’automobile et plus récemment les énergies renouvelables. Les autres grands investisseurs au Maroc sont les États-Unis, l’Arabie saoudite et d’autres pays européens dont la Suisse, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et l’Irlande.
2.3. Mettre l’IDE au service du développement durable
Copier le lien de 2.3. Mettre l’IDE au service du développement durable2.3.1. Quelle contribution l’IDE peut-il contribuer à la démarche de développement durable du Maroc ?
L’investissement direct étranger peut aider les pays à réaliser les objectifs de développement durable (ODD). En plus d’être une source importante de capitaux privés, l’IDE peut favoriser la productivité et l’innovation, contribuer à la création d’emplois de qualité, y compris pour les femmes, les jeunes et autres groupes vulnérables, stimuler le développement des compétences et faciliter la décarbonisation de l’économie. L’IDE peut aussi être un complément important de l’investissement domestique et concourir au développement du secteur privé dans le pays bénéficiaire.
Le premier Examen des politiques de l’investissement du Maroc, conduit en 2010, a montré que l’IDE contribuait à l’expansion de la libéralisation de plusieurs secteurs dans les années 90, très avantageuse pour l’emploi et la productivité. Il montre en outre que les investisseurs privés ont eu une incidence positive sur les compétences de la main-d’œuvre et ont facilité l’internationalisation de l’économie (OCDE, 2010[1]). Le pays fait aujourd’hui face à de nouveaux enjeux, dont celui de s’engager sur la voie d’un développement plus inclusif et plus écologiquement viable, comme le soulignent le Nouveau modèle de développement (Royaume du Maroc, 2021[4]) et sa Stratégie nationale pour le développement durable 2030 (Royaume du Maroc, 2021[4]). Il a pour objectifs la création de nouveaux emplois de qualité, la réduction des disparités sociales et territoriales, et la viabilité écologique de l’économie, rendus encore plus urgents par la pandémie mondiale de COVID‑19 et la crise qui a suivi.
Bien que la création d’emplois de qualité soit depuis longtemps une priorité politique du Maroc, le taux de chômage demeure élevé (9.9 %) et supérieur aux moyennes de la région MENA (9.43 %) et de la zone OCDE (5.0 %) (Graphique 2.5). Le chômage, qui touche plus particulièrement les femmes, les jeunes et les habitants des zones urbaines, renforce les inégalités sociales et régionales (Haut Commissariat au Plan, 2020[5]). Pour créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, le Maroc doit pouvoir augmenter la croissance de la productivité (et les salaires) et stimuler le développement du secteur privé. Notamment, l’amélioration de la productivité est soutenue par un investissement dans les compétences et dans l’innovation, lequel est encore limité au Maroc si l’on considère les taux d’inscription dans l’enseignement supérieur (46 % au Maroc contre 41 % dans la région MENA et 79 % dans la zone OCDE) et la faible part du PIB consacrée à la R&D (0.8 % contre une moyenne de 1.6 % dans la région MENA et de 3.0 % dans la zone OCDE).
La promotion de l’égalité femmes-hommes fait partie des grandes priorités du programme politique du Maroc. En dépit de progrès dans ce sens dans le domaine éducatif, d’importantes disparités entre les sexes persistent sur le marché du travail. Le taux d’activité des femmes demeure faible (20 %) et éloigné de celui de la zone OCDE (53 %). Selon une étude du gouvernement marocain, les femmes sont rémunérées 17 % de moins que les hommes (Ministère de l’Économie et des Finances, 2017[6]). D’autre part, seules quelques femmes parviennent à des postes de responsabilité, comme en atteste le faible pourcentage d’entreprises employant des femmes au grade de cadre supérieur (5.4 % contre 6.5 % dans la région MENA et 17.3 % dans les pays de l’OCDE).
En dix ans, le Maroc a investi de plus en plus de ressources dans la protection de son environnement et de ses ressources naturelles. Le pays est néanmoins confronté à des problèmes environnementaux pressants. Ses ressources naturelles, et surtout ses forêts, sont en train de s’épuiser et sa biodiversité est menacée. Les effets du changement climatique sont déjà manifestes dans la hausse de la température moyenne annuelle et la baisse de la pluviosité enregistrées (PNUD, 2021[9]). Le Maroc est toutefois à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique dans la région, comme en témoignent ses émissions de CO2 par habitant, plus faibles que les moyennes de la région MENA et de l’OCDE. Selon le Ministère de la Transition Énergétique et du Développement Durable, la part d’énergies renouvelables dans le mix de capacités électriques s’élève à 38 % en 2022. La stratégie énergétique du Maroc vise à augmenter leur part dans le mix électrique à 52 % d’ici 2030. A l’heure actuelle, sa part dans la consommation finale est proche de celle de l’OCDE. Le Maroc table néanmoins encore beaucoup sur les combustibles fossiles pour satisfaire sa demande énergétique. Il est aussi très dépendant des importations d’énergie, notamment de produits pétroliers, mais aussi de charbon et (dans une moindre mesure) de gaz naturel pour produire de l’électricité (AIE, 2022[10]).
Il ressort des données de l’Initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDE que celui-ci peut contribuer à plusieurs aspects du développement durable (Encadré 2.1). On retiendra que les effets positifs de l’IDE ne sont pas automatiques, mais qu’ils dépendent plutôt des politiques et des institutions en place dans le pays. Mais aussi que l’IDE peut avoir des effets délétères, par exemple lorsqu’il creuse les inégalités sociales et territoriales. Les sections qui suivent analysent la contribution de l’IDE au développement durable au Maroc, au regard notamment de la productivité, de l’innovation, de la création d’emploi, des compétences, de l’égalité femmes-hommes et du verdissement de l’économie. Elles montrent également en quoi l’IDE peut être complémentaire de l’investissement domestique au service des objectifs de développement durable, et comment orienter l’action publique pour améliorer l’incidence positive de l’IDE sur l’économie marocaine.
Encadré 2.1. L’initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDE
Copier le lien de Encadré 2.1. L’initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDEL’investissement direct étranger est une source de financement essentielle pour réaliser les objectifs de développement durable et tenir les engagements pris dans l’Accord de Paris sur le changement climatique. Or, les avantages de l’investissement direct étranger ne se concrétisent pas toujours et ses effets peuvent varier entre les pays et les divers domaines de la durabilité. D’autre part, les politiques publiques et les dispositifs institutionnels sont déterminants si l’on veut maximiser les effets positifs de l’IDE. L’Initiative sur les qualités de l’IDE montre comment les pouvoirs publics peuvent améliorer la contribution de l’IDE à la réalisation des ODD. Elle dote les gouvernements des outils et des données dont ils ont besoin pour élaborer et mettre en œuvre des politiques fondées sur des données probantes qui encouragent les investissements débouchant sur l’objectif clé qu’est le développement durable. L’Initiative est articulée en trois grands axes :
Les indicateurs de qualité de l’IDE aident les pouvoirs publics à évaluer l’impact de l’investissement dans quatre domaines des ODD : la décarbonation ; la qualité de l’emploi et les compétences ; l’égalité femmes-hommes ; la productivité et l’innovation.
La Boîte à outils des politiques relatives aux qualités de l’IDE aide les pouvoirs publics à améliorer l’impact de l’investissement sur le développement durable par la décarbonation, la qualité de l’emploi et les compétences, l’égalité femmes-hommes, la productivité et l’innovation. Elle s’inscrit en complément du Cadre d’action pour l’investissement de l’OCDE en fournissant aux pouvoirs publics des orientations stratégiques détaillées et sur mesure, accompagnées des meilleures pratiques pour attirer et conserver les investissements durables. La Boîte à outils des politiques comporte également des recommandations visant le renforcement du rôle de la coopération au développement pour mobiliser l’IDE et décupler ses effets positifs dans les pays en développement.
La Recommandation du Conseil de l’OCDE relative aux qualités de l’IDE complète la Boîte à outils des politiques en incorporant une série concise de ses principes fondamentaux dans un instrument juridique. Adoptée à la RCM de l’OCDE de 2022, cette recommandation est le premier instrument ayant l’aval de gouvernements consacré aux moyens d’améliorer la contribution positive de l’investissement international à la réalisation des ODD.
Source : OCDE (2022[11]) ; OCDE (2019[12]).
2.3.2. L’IDE soutient la productivité, la création d’emplois et l’intégration dans les CVM
L’IDE est répandu dans les secteurs plus productifs
Par le biais des activités de sociétés étrangères affiliées à des multinationales, l’IDE contribue à la valeur ajoutée et à l’emploi de l’économie locale, lesquels se répercutent sur la productivité de l’ensemble des secteurs et de chaque secteur individuellement. Sachant toutefois que la valeur ajoutée et l’emploi varient considérablement d’un secteur à l’autre en fonction de l’intensité technologique et du degré de sophistication (OCDE, 2019[12]).
Au Maroc, l’IDE est concentré dans les secteurs plus productifs, c’est-à-dire ceux dans lesquels un travailleur ou une travailleuse produit en moyenne plus de valeur ajoutée que dans les autres secteurs. L’IDE est orienté à 34 % dans les services, en particulier les secteurs des télécommunications, de la finance et du tourisme, qui génèrent plus de la moitié de la valeur ajoutée et emploient presque 45 % de la main-d’œuvre (Graphique 2.6). Environ un quart de l’IDE est destiné à l’industrie manufacturière, notamment aux secteurs des véhicules à moteur, des minéraux non métalliques, des métaux, de l’électronique et des textiles, moins productifs que les services puisqu’ils contribuent 19 % de la valeur ajoutée et emploient 24 % de la main-d’œuvre. Une très faible part de l’IDE (environ 1 %) est orientée dans le secteur agricole, le moins productif puisqu’il représente 11 % de la valeur ajoutée et 31 % de la main-d’œuvre. Enfin, 23 % et 4 % de l’IDE concernent les secteurs de la construction et de l’exploitation minière/énergie respectivement, qui génèrent une plus petite proportion de la valeur ajoutée.
Une proportion importante de l’IDE se concentre dans les secteurs à fort potentiel d’emploi
L’IDE, et plus particulièrement l’IDE « greenfield », a le potentiel de créer de nombreux emplois pour les travailleuses et travailleurs locaux des pays hôtes. Au Maroc, un million de dollars d’IDE « greenfield » génère presque 3.5 emplois (Graphique 2.7, partie a). Ce chiffre dépasse les moyennes de l’OCDE et de la région MENA, où un million de dollars d’IDE « greenfield » génère respectivement 3.3 et 1.5 emplois (OCDE, 2022[13]). Ces emplois sont dans l’industrie manufacturière (61 %), notamment les véhicules à moteur de moyenne technologie (pièces détachées), les métaux et les produits chimiques, qui attirent environ 27 % de l’IDE « greenfield ». Le secteur de la construction compte pour 20 % des emplois créés et reçoit 26 % de l’IDE, tandis que le secteur du service représente pour sa part 15 % des emplois créés et reçoit 15 % de l’IDE. Enfin, 4 % seulement des emplois sont créés dans le secteur de l’exploitation minière/énergie, même si 33 % de l’IDE « greenfield » sont orientés dans ces secteurs. Ces chiffres semblent indiquer que l’IDE est un important vecteur de création d’emploi au Maroc, mais ils ne donnent qu’une image partielle de son impact sur l’emploi car ils ne tiennent pas compte des emplois créés à la faveur de fusions d’entreprises et de projets d’expansion.
La contribution des entreprises étrangères à la productivité locale n'est pas évidente, mais elles innovent davantage
Dans la majorité des pays et des secteurs, les entreprises étrangères ont tendance à être plus productives que les entreprises locales (OCDE, 2019[12]). Un constat sans surprise puisque les entreprises étrangères sont en moyenne de plus grande taille et utilisent des technologies plus pointues. Les données des Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises (WBES) sont utilisées pour évaluer la performance des entreprises étrangères par rapport à celle des entreprises locales au Maroc en 2023 et dans d’autres pays de comparaison dans l’industrie manufacturière. Les résultats indiquent un surcroît de productivité des entreprises étrangères dans tous les pays, à l'exception du Maroc (Graphique 2.8, partie a). Néanmoins, une analyse économétrique, basée sur l'enquête précédente de 2019, montre une productivité plus élevée, même en comparant des entreprises de même taille et du même secteur (Annexe 2.B). Par conséquent, il n'y a pas de résultats concluants sur la contribution directe des entreprises étrangères à la productivité locale et l'impact possible sur la productivité des entreprises marocaines. De meilleures données au niveau des entreprises sont nécessaires pour générer des analyses comparatives et des conclusions sur l'impact de l'investissement étranger sur la productivité.
Les données indiquent également que, tant au Maroc que dans la majorité des pays comparables, les entreprises étrangères ont davantage tendance à mener des activités de R&D (Graphique 2.8, partie b) et ont plus recours aux technologies étrangères que les entreprises locales (Graphique 2.8, partie c). Des études récentes avancent que le Maroc a davantage bénéficié des grands investisseurs pour stimuler l’investissement et la création d’emploi dans ces secteurs très productifs, en priorisant relativement moins la modernisation des PME (Groupe de la Banque mondiale, 2019[14] ; Farouk et Tarek Janati, 2022[15]). Les écarts de productivité excessifs entre entreprises étrangères et entreprises locales pourraient indiquer que ces dernières n’ont pas la capacité de tirer parti des technologies et des connaissances que leur apportent les entreprises étrangères. Tel pourrait être le cas au Maroc, où les investisseurs mondiaux dans l’automobile et l’aéronautique n’ont établi des liens que partiels avec les entreprises locales (OCDE, 2021[16]).
L’intégration du Maroc dans les CVM est soutenue par les entreprises étrangères
La participation aux CVM est avantageuse sur le plan de la productivité et de l’innovation. Pour cela, les pays utilisent des intrants importés dans leurs exportations (intégration en amont) ou fournissent des intrants destinés aux exportations de pays tiers (intégration en aval). Dans les deux cas, des répercussions positives sur la productivité sont possibles. L’intégration en amont, plus particulièrement, permet l’utilisation d’intrants indisponibles localement, à un prix plus avantageux ou de qualité supérieure. L’intégration en aval permet quant à elle aux pays d’acquérir des technologies et des connaissances des destinations d’exportation (Criscuolo et Timmis, 2017[17]).
Le degré d’intégration en amont dans les CMV observé au Maroc est élevé, comme en atteste la part de valeur ajoutée étrangère dans ses exportations, soit 31.4 % (Graphique 2.9, partie a). Cette intégration en amont est en grande partie soutenue par les industries de l’automobile, des machines, du coke et du pétrole, du textile et de l’habillement. Elle est en outre facilitée par la proximité géographique du marché de l’UE. En revanche, le degré d’intégration en aval est faible, comme l’indique la part marocaine de la valeur ajoutée (15 %) dans les exportations de pays tiers. Globalement, les degrés d’intégration en amont et en aval du Maroc sont cohérents avec sa structure économique et sont similaires à ceux de l’Espagne et de la Pologne.
Les entreprises multinationales constituent l’un des principaux moteurs des CVM de par leur contribution considérable aux échanges transfrontaliers. Les sociétés étrangères affiliées à des multinationales au Maroc semblent être plus orientées vers les échanges que les entreprises locales (Graphique 2.9, partie b). Elles ont tendance à afficher une plus large part de ventes à l’exportation dans la plupart des secteurs. Elles importent aussi une plus grande proportion de leurs produits intermédiaires, en particulier dans les secteurs de l’alimentation et du textile. Ainsi, par leurs activités d’exportation et d’importation, les entreprises étrangères jouent un rôle important dans l’intégration du Maroc dans les CVM.
2.3.3. L’IDE contribue de manière positive à des aspects importants de la qualité de l’emploi, de l’égalité femmes-hommes et de la viabilité écologique
Les entreprises étrangères et les entreprises locales présentent les mêmes offres sur le plan des salaires et l’emploi de la main-d’œuvre qualifiée, mais elles offrent des perspectives d’emplois plus stables
La création d’emplois et la garantie de conditions de travail décentes sont des aspects essentiels du développement durable. Des emplois de qualité et des conditions de travail décentes contribuent à réduire les inégalités et la pauvreté, mais aussi à développer l’autonomie des personnes, surtout des femmes et des jeunes. Le salaire est un aspect important de la qualité d’un emploi.
Au Maroc, les entreprises étrangères ne pratiquent pas des salaires plus élevés que les entreprises locales, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres pays comparables (l’indicateur n’est pas significativement différent de zéro comme indiqué par son intervalle de confiance) (Graphique 2.10, partie a). Ce constat pourrait tenir au fait que les fabricants étrangers au Maroc évoluent dans des secteurs où le coût de la main-d’œuvre a tendance à être relativement compétitif (automobile, minéraux non métalliques, électronique, textile). L’analyse économétrique ultérieure, basée sur 2019, confirme que les entreprises étrangères au Maroc ne pratiquent pas des salaires plus élevés que les entreprises locales (Annexe 2.B).
L’intensité de compétences est un autre aspect important de la qualité de l’emploi compte tenu de son rapport étroit avec le salaire et la progression professionnelle. Les entreprises étrangères sont généralement plus avancées que les entreprises locales sur le plan technologique parce qu’elles ont accès à la technologie la plus pointue de la société mère. Du fait de leur plus forte intensité technologique, elles ont aussi tendance à employer une main-d’œuvre plus qualifiée que les entreprises locales (OCDE, 2019[12]). Les données montrent cependant que la proportion plus élevée de travailleurs qualifiés au sein des entreprises étrangères opérant au Maroc n'est pas statistiquement significative (Graphique 2.10, partie b). L'analyse économétrique basée sur les résultats de 2019 montre l’absence d’incidence de la détention du capital par des intérêts étrangers sur les proportions de main-d’œuvre qualifiée une fois le secteur et la taille des entreprises pris en compte (Annexe 2.B).
La qualité de l’emploi est également déterminée par le risque de perte d’emploi et le coût économique de cette perte. Les données disponibles révèlent que les entreprises étrangères font généralement plus souvent appel à des travailleurs temporaires que les entreprises locales (OCDE, 2021[16]). Les résultats indiquent cependant que les entreprises étrangères implantées au Maroc emploient en moyenne des proportions plus importantes de travailleurs permanents (variable représentative de la sécurité de l’emploi). Cette tendance à offrir des perspectives d’emplois plus stables que les entreprises locales pourrait refléter la plus grande proportion de travailleurs qualifiés à qui les entreprises étrangères offrent de meilleures conditions d’emploi afin de les retenir (Graphique 2.10, partie c).
Les entreprises étrangères ont fait montre d’une plus grande résilience face à la crise du COVID‑19 et se sont rétablies plus rapidement
La pandémie de COVID‑19 et la crise qui a suivi ont considérablement perturbé les opérations des entreprises, les contraignant à interrompre la production et à se réorganiser en profondeur. Les premiers éléments factuels en provenance de quelques pays montrent que les filiales étrangères d’entreprises multinationales ont été plus résilientes que les entreprises locales aux effets du COVID‑19. Elles se sont adaptées plus rapidement au nouveau mode de travail et ont assuré la stabilité des emplois pendant la crise (OCDE, 2022[18]).
Les données du Maroc semblent indiquer que les entreprises étrangères ont été en moyenne plus résilientes face à la crise et se sont rétablies plus vite que les entreprises locales. Selon ces données, un plus fort pourcentage d’entreprises étrangères que d’entreprises locales ont adapté ou converti leur production pour réagir à l’évolution de la demande (Graphique 2.11, partie a). La proportion d’entreprises étrangères à avoir introduit ou accru le télétravail est elle aussi plus importante, bien qu’elle dépende elle aussi du secteur d’activité. D’autre part, une plus forte proportion d’entreprises locales ont réduit le nombre de travailleurs permanents, signe que les entreprises étrangères ont mieux réussi à assurer la sécurité de l’emploi pendant ces périodes de turbulence. Des proportions comparables d’entreprises étrangères et locales, toutefois, ont réduit les salaires et avantages des travailleurs à cause de la crise du COVID‑19.
En moyenne, les entreprises étrangères ont également retrouvé plus vite leur chiffre d’affaires et leur niveau d’emploi d’avant-crise (Graphique 2.11, partie b). Au printemps 2021, une plus forte proportion d’entreprises étrangères avaient déjà retrouvé leur chiffre d’affaires d’avant la pandémie. Sur la même période, un plus fort pourcentage d’entreprises étrangères a également annoncé avoir retrouvé leur niveau d’emploi d’avant le COVID‑19. Globalement, le temps d’adaptation au choc de la pandémie au Maroc a été plus bref pour les entreprises étrangères que pour les entreprises locales, ce qui confirme les résultats observés pour d’autres pays.
Les entreprises étrangères ne sont pas plus sensibles aux disparités entre les sexes que les entreprises locales.
À l’échelle mondiale, l’activité et l’entrepreneuriat des femmes sont bridés par divers obstacles socioculturels. Les femmes actives exercent plus souvent des emplois informels, sont moins rémunérées que les hommes (à niveau d’études et responsabilités égales), et ont moins de possibilités de progression professionnelle. Dans la région MENA, les disparités entre les sexes sur le marché du travail et dans l’entrepreneuriat sont plus prononcées que dans la plupart des régions du monde (OCDE/OIT/CAWTAR, 2020[19]). Il ressort d’études récentes que les entreprises étrangères peuvent influencer les retombées sur l’égalité femmes-hommes dans les pays d’implantation, notamment dans les secteurs qui emploient ou pourraient employer un grand nombre de femmes.
Les données montrent que les entreprises étrangères au Maroc n'emploient pas nécessairement une proportion plus faible de femmes que les entreprises locales, le résultat n'étant pas statistiquement significatif (Graphique 2.12, partie a). On note un changement par rapport à 2019, où les différences étaient valables en tenant compte du secteur et de la taille de l'entreprise (Annexe 2.B). Cela peut être dû au fait que les IDE au Maroc se dirigent de moins en moins vers les secteurs dominés par les hommes, tels que l'industrie automobile et l'industrie sidérurgique. En revanche, dans d'autres pays de la région MENA, comme l'Égypte et la Tunisie, les entreprises étrangères emploient un pourcentage plus élevé de femmes, probablement parce que ces pays ont des secteurs importants à forte intensité de main-d'œuvre (alimentation, textile et habillement), qui attirent une grande partie des IDE et emploient de nombreuses femmes.
Les investisseurs étrangers peuvent influencer d’autres aspects de l’égalité femmes-hommes, dont la progression professionnelle des femmes au sein de leurs entreprises et l’entrepreneuriat féminin. Au Maroc, le pourcentage d’entreprises étrangères employant des femmes à des postes de cadre supérieur n’est pas très différent de celui des entreprises locales (Graphique 2.12, partie b). Une plus forte proportion d’entreprises étrangères compte toutefois des femmes actionnaires ou propriétaires (Graphique 2.12, partie c). Des études récentes mettent en évidence que l’incidence des entreprises étrangères sur l’égalité femmes-hommes est influencée, entre autres facteurs, par la culture de l’entreprise et son pays d’origine (Kodama, Javorcik et Abe, 2018[20] ; Tang, 2017[21]). En particulier, les entreprises originaires de pays plus sensibles à l’égalité des sexes ont tendance à être elles aussi plus sensibles à l’égalité des sexes et à favoriser des politiques d’entreprise compatibles avec la vie de famille. Le contexte du pays d’implantation, tout particulièrement les normes sociales et culturelles, est également important (OCDE, 2022[22]). Les résultats observés au Maroc semblent confirmer qu’un contexte plus général est nécessaire pour évaluer la contribution de l’IDE à l’égalité femmes-hommes.
L’IDE facilite le verdissement de l’économie
L’IDE peut agir sur l’empreinte carbone des pays en intensifiant l’activité économique et en influençant la répartition des ressources entre les secteurs. Une étude récente de l’OCDE montre que, au Maroc comme dans d’autres pays de la région MENA, l’IDE « greenfield » est répandu dans les secteurs moins émetteurs en carbone (OCDE, 2019[12]).
L’IDE peut aussi encourager le verdissement de l’économie en finançant le secteur des énergies renouvelables. Au Maroc comme dans la majorité des pays, la part d’IDE dans les énergies renouvelables est nettement inférieure à la part d’IDE dans les combustibles fossiles. Dans les pays moins développés plus que les autres, cela tient probablement au manque d’exigences technologiques liées aux énergies renouvelables. Au Maroc, environ 21 % de l’IDE « greenfield » accumulé sur la période 2003-2022 a été orienté dans les énergies renouvelables (Graphique 2.13, partie a), soit une proportion proche à celle observée dans la moyenne de la région MENA (22 %) et supérieure de la moyenne de l’OCDE (14 %).
L’IDE peut aussi financer la diffusion de technologies propres. Les entreprises étrangères sont généralement plus avancées sur le plan technologique que les entreprises locales parce qu’elles ont accès aux technologies souvent plus pointues de la société mère. Elles ont ainsi davantage tendance à utiliser des technologies plus récentes et plus propres que les entreprises locales, et peuvent contribuer à leur diffusion dans le pays d’implantation. Il ressort des données que les entreprises étrangères implantées au Maroc sont plus sobres en énergie que les entreprises locales (où la sobriété énergétique est mesurée par la production pour un niveau donné de consommation d’électricité et de combustible) (Graphique 2.13, partie b). Des résultats analogues sont observés dans d’autres pays comparables de la région MENA et de l’OCDE.
Références
[10] AIE (2022), World Energy Balances, https://www.iea.org/reports/world-energy-balances-overview.
[3] Bachelet, C., G. Rogeau et M. Mejdoubi (2019), « Real estate foreign investments in Morocco », DLA Piper Publications, https://www.dlapiper.com/fr/france/insights/publications/2019/04/real-estate-gazette-34/real-estate-foreign-investments-in-morocco/.
[8] Banque mondiale (2021), Indicateurs du développement dans le monde, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur.
[7] BIT (2020), Estimations modélisées du BIT, https://ilostat.ilo.org/fr/data/.
[17] Criscuolo, C. et J. Timmis (2017), « The Relationship Between Global Value Chains and Productivity », International Productivity Monitor, Centre for the Study of Living Standards, vol. 32/Centre for the Study of Living Standards, pp. 61-83.
[15] Farouk, N. et I. Tarek Janati (2022), Manufacturing FDI : Besides Employment and Exports, what Remains for the Moroccan firms?, https://www.researchgate.net/profile/Farouk-Nouri/publication/362148610_Manufacturing_FDI_Besides_Employment_and_Exports_what_Remains_for_the_Moroccan_firms/links/62d8b40d764d554ed5e5bfd1/Manufacturing-FDI-Besides-Employment-and-Exports-what-Remains-for-t.
[14] Groupe de la Banque mondiale (2019), Créer des marchés au Maroc, https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/17d935af-349c-4c6f-93f5-5d85f0c16e39/201910-CPSD-Morocco-FR.pdf?MOD=AJPERES&CVID=n48yfDT.
[5] Haut Commissariat au Plan (2020), Base de données statistiques: Emploi, http://bds.hcp.ma/sectors.
[20] Kodama, N., B. Javorcik et Y. Abe (2018), « Transplanting corporate culture across international borders: Foreign direct investment and female employment in Japan », The World Economy, vol. 41/1, pp. 1148–1165.
[2] Lahcen, A. et H. Aicha (2007), « The Impact of Liberalizing International Trade of Banking Services in Morocco », MPRA Paper, n° 8674, University Library of Munich, Allemagne, https://ideas.repec.org/p/pra/mprapa/8674.html.
[6] Ministère de l’Économie et des Finances (2017), Gender Wage Gap: Moroccan Women Make 17% Less Than Men, https://www.moroccoworldnews.com/2017/03/210662/gender-wage-gap-moroccan-women-make-17-less-men.
[11] OCDE (2022), FDI Qualities Policy Toolkit, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7ba74100-en.
[18] OCDE (2022), FDI Qualities Review of Jordan: Strengthening Sustainable Investment, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/736c77d2-en.
[13] OCDE (2022), FDI Quality Indicators 2022, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/investment/fdi-qualities-indicators.htm.
[22] OCDE (2022), Indice Institutions sociales et égalité femmes-hommes (ISE), OCDE, Paris, https://data.oecd.org/fr/inequality/l-indice-institutions-sociales-et-egalite-des-genres.htm.
[16] OCDE (2021), Perspectives des politiques d’investissement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/efcc255a-fr.
[12] OCDE (2019), FDI Qualities Indicators: Measuring the sustainable development impacts of investment, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/investment/investment-policy/FDI-Qualities-Indicators-Measuring-Sustainable-Development-Impacts.pdf.
[1] OCDE (2010), Examens de l’OCDE des politiques de l’investissement : Maroc 2010, Examens de l’OCDE des politiques de l’investissement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264079632-fr.
[19] OCDE/OIT/CAWTAR (2020), Changer les lois et éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes : Égypte, Jordanie, Maroc et Tunisie, Compétitivité et développement du secteur privé, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/af7f3846-fr.
[9] PNUD (2021), ALM’s Climate Change Adaptation Profile: Morocco, https://www.adaptation-undp.org/explore/arab-states/morocco.
[4] Royaume du Maroc (2021), « Le nouveau modèle de développement », https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.
[21] Tang, H. (2017), « « Do Multinationals Transfer Culture? Evidence on Female Employment in China » », CESifo Working Paper Series, n° 6295.
Annexe 2.A. Méthodologie de mesure de la performance des entreprises étrangères par rapport aux entreprises locales
Copier le lien de Annexe 2.A. Méthodologie de mesure de la performance des entreprises étrangères par rapport aux entreprises localesL’indicateur a été élaboré dans le contexte de l’Initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDE et publié dans (OCDE, 2019[12]) (Indicateur de Type 1). Il mesure la performance des entreprises étrangères par rapport à celle des entreprises locales pour un résultat donné. L’indicateur correspond à la différence proportionnelle entre le résultat moyen des entreprises étrangères et le résultat moyen des entreprises locales :
Où est le résultat moyen des entreprises étrangères et le résultat moyen des entreprises locales, et les moyennes de population sont calculées en utilisant les pondérations des enquêtes.
Les intervalles de confiance sont donnés, à la fois pour indiquer le degré d’hétérogénéité des entreprises (le degré de variation des données à l’échelon des entreprises autour de la moyenne) et pour indiquer si les différences estimées sont statistiquement significatives à l’intervalle de confiance de 95 %. Dans les graphiques, si l’intervalle de confiance coupe la ligne de hauteur zéro, la différence entre les résultats moyens des entreprises étrangères et des entreprises locales n’est pas statistiquement significative. L’intervalle de confiance est calculé comme suit :
où représente les limites supérieure et inférieure de l’intervalle, l’écart-type de l’échantillon, le nombre d’observations d’entreprises étrangères et le nombre d’observations d’entreprises locales utilisées pour construire l’indicateur. Les pondérations des enquêtes corrigées de l’échantillon sont utilisées pour calculer les écarts-types. Nous supposons que les variances de population sont les mêmes pour les entreprises étrangères et locales et utilisons l’estimateur groupé le plus efficace pour la variance () :
Pour les indicateurs qui comparent les proportions de population (la proportion d’entreprises étrangères et la proportion d’entreprises locales), les variances sont estimées comme suit :
où est la proportion totale d’entreprises (étrangères et locales) annonçant un résultat.
Annexe 2.B. Mesure de l’incidence de la propriété étrangère sur la performance des entreprises : méthodologie et données
Copier le lien de Annexe 2.B. Mesure de l’incidence de la propriété étrangère sur la performance des entreprises : méthodologie et donnéesL’équation transversale suivante est utilisée pour évaluer la corrélation entre participations étrangères et performance des entreprises :
Où yi est le résultat de la performance d’une entreprise (productivité, salaires, etc.). représente l’influence, en pourcentage, des participations étrangères sur la performance d’une entreprise donnée. Les variables dépendantes (productivité, etc.) sont en logarithme. Les variables entre 0 et 1 ont été rééchelonnées. Les participations étrangères sont une variable indicatrice qui prend une valeur de 1 si un investisseur étranger possède directement 10 % ou plus des parts ordinaires et 0 dans les autres cas. La variable correspondant à la taille de l’entreprise englobe les petites, moyennes et grandes entreprises. Les régressions sont basées sur un échantillon d’entreprises de fabrication étrangères et locales, lequel est extrait de l’Enquête de la Banque mondiale auprès des entreprises (WBES). Toutes les régressions tiennent compte de la taille de l’entreprise et des effets fixes par branche d’activité. Elles comprennent également les pondérations de l’échantillon.
Tableau d’annexe 2.B.1. Incidence des participations étrangères sur la performance des entreprises : résultats de régression
Copier le lien de Tableau d’annexe 2.B.1. Incidence des participations étrangères sur la performance des entreprises : résultats de régression
Log (productivité) |
Log (part de travailleurs qualifiés) |
Log (part de femmes employées) |
Log (salaire) |
Log (intensité des exportations) |
Log (intensité des importations) |
Log (sobriété énergétique) |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|
Étrangères |
2.109*** |
0.0433 |
-0.629* |
0.498 |
1.855*** |
0.598 |
2.760*** |
(0.454) |
(0.0992) |
(0.33) |
(0.407) |
(0.316) |
(0.377) |
(0.728) |
|
Taille |
0.0172 |
-0.0974 |
-0.189 |
0.011 |
0.914*** |
0.792*** |
-0.0861 |
(0.147) |
(0.0846) |
(0.18) |
(0.233) |
(0.186) |
(0.194) |
(0.286) |
|
Maintien |
10.14*** |
4.703*** |
2.639*** |
9.437*** |
1.863*** |
2.005*** |
3.468*** |
(0.446) |
(0.0846) |
(0.506) |
(0.698) |
(0.559) |
(0.581) |
(0.61) |
|
Observations |
279 |
205 |
206 |
288 |
305 |
305 |
293 |
R-carré |
0.568 |
0.183 |
0.595 |
0.282 |
0.501 |
0.459 |
0.489 |
Effets fixes par branche d’activité |
OUI |
OUI |
OUI |
OUI |
OUI |
OUI |
OUI |
Notes : Les écarts-types figurent entre parenthèses *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1.
Source : Travaux de l’OCDE basés sur l’Enquête de la Banque mondiale auprès des entreprises du Maroc (2019).
← 1. Les entreprises étrangères sont définies par l’OCDE comme les entreprises résidentes d’une économie et dans laquelle un investisseur résident d’une autre économie détient, directement ou indirectement, 10 % ou plus de sa participation et/ou ses droits de vote. Dans ce chapitre, la comparaison avec les entreprises locales, qui suit la méthodologie de l’initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDE, est conduite afin de mettre en avant les domaines où les entreprises étrangères peuvent apporter une plus grande contribution au développement durable marocain.