Le chapitre 3 s’appuie sur plusieurs outils pour analyser si les zones frontalières sont plus violentes que les autres, y mesurer l’évolution de l’intensité des violences et identifier celles les plus violentes. Les relations spatiales et temporelles entre violences politiques et frontières sont appréhendées par deux approches complémentaires définissant les frontières : l’une fondée sur des zones tampons appliquées à l’ensemble des limites territoriales, l’autre sur les distances parcourues avec les moyens de transport locaux à chaque point de franchissement des frontières. Enfin, l’indicateur de la dynamique spatiale des conflits (Spatial Conflict Dynamics [SCDi]) développé par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) permet d’identifier les pôles violents principaux. Il est enrichi par une analyse des organisations extrémistes violentes opérant dans les régions frontalières.
Frontières et conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest
3. Cartographier les conflits frontaliers en Afrique du Nord et de l’Ouest
Abstract
Messages clés
Ce rapport mobilise deux définitions des régions frontalières pour déterminer si les violences diminuent uniformément avec la distance aux frontières en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Les régions frontalières sont tout d’abord être définies comme les zones d’étendant jusqu’à 200 kilomètres d’une frontière internationale.
Une définition inédite des régions frontalières est ensuite proposée, fondée sur leur accessibilité au reste du pays à l’aide des moyens de transport locaux, et dont les vitesses moyennes sont estimées en fonction de la topographie de la région.
L’indicateur de la dynamique spatiale des conflits (SCDi) permet de mesurer l’évolution de la géographie des violences, dans l’espace et le temps.
Le SCDi permet de dégager une typologie des conflits dans les régions frontalières africaines, et d’analyser leurs cycles.
Comment évaluer la violence frontalière
Les événements violents ont tendance à se concentrer dans l’espace et le temps au fil de l’émergence, de la propagation et de la disparition des conflits. En Afrique du Nord et de l’Ouest, certaines régions semblent particulièrement sujettes aux violences politiques à certains moments, puis redeviennent pacifiques. D’autres en sont épargnées pendant des décennies. Comprendre l’évolution de ces foyers de violence dans le temps et l’espace pour pouvoir déterminer si leur activité augmente, se répand, ou recule est donc clé. Pour cela, cette étude cartographie la géographie fluctuante de la violence en se concentrant sur les zones frontalières, où l’intensité des violences est actuellement particulièrement élevée.
Ce rapport étudie les zones frontalières pour déterminer si elles sont plus violentes, comment la violence y évolue, et lesquelles sont les plus violentes (Tableau 3.1). L’objectif de la première question est d’établir si le nombre d’événements violents et de victimes enregistré dans la région depuis 1997 diminue en fonction de la distance et de l’accessibilité aux frontières terrestres. Autrement dit, ces incidents sont-ils plus concentrés près des frontières qu’à l’intérieur du pays ? La seconde question permet de comprendre si l’actuelle concentration des violences près des frontières est une exception historique. La dernière interrogation revient sur la relation entre frontières et violences en s’intéressant aux racines des conflits armés. Quels facteurs locaux expliquent pourquoi certains tronçons d’une frontière sont plus violents que d’autres ?
Tableau 3.1. Questions, approches et outils pour évaluer la violence aux frontières
Questions |
Approches |
Outils |
---|---|---|
(1) Les zones frontalières sont-elles plus violentes que les autres régions ? |
Évaluation du nombre relatif d’événements violents et de victimes en fonction de la distance qui les sépare des frontières et de l’accessibilité de ces dernières. |
Distance : zones tampons de 10 km de large le long des frontières terrestres. Accessibilité : distance parcourue en moins de 4 heures depuis n’importe quel point de passage. |
(2) L’intensité de la violence dans les régions frontalières a-t-elle évolué au fil du temps ? |
Évaluation des fluctuations de la quantité d’événements violents et de victimes en fonction de la distance qui les sépare des frontières et de leur facilité d’accès aux frontières au fil du temps. |
Distance : zones tampons de 10 km de large le long des frontières terrestres. Accessibilité : distance parcourue en moins de 4 heures depuis n’importe quel point de passage. |
(3) Certaines régions frontalières sont-elles plus violentes que d’autres ? |
Mise en contexte de la relation entre violences et frontières à partir des facteurs locaux pouvant expliquer pourquoi la violence émerge près des frontières. |
L’indicateur de la dynamique spatiale des conflits (SCDi) et analyse qualitative des organisations extrémistes violentes. |
Plusieurs outils novateurs sont élaborés pour répondre à ces questions. L’étude des relations spatiales et temporelles entre violence politique et frontières (questions 1 et 2) s’appuie sur deux définitions complémentaires des frontières : l’une utilise des zones tampons étendues à toutes les limites territoriales de la région (distance), et l’autre se base sur le temps de trajet avec les moyens de transport locaux depuis les points de franchissement des frontières (accessibilité). L’indicateur de la dynamique spatiale des conflits (SCDi) identifie les principaux foyers d’activités violentes (question 3). L’indicateur est complété par une analyse qualitative des organisations extrémistes violentes et des groupes rebelles opérant dans les régions frontalières, notamment Boko Haram, la province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et les rebelles tchadiens.
Dans un premier temps, l’évolution spatiale et temporelle des violences politiques dans la région est analysée de 2019 à 2021. L’analyse régionale porte sur 21 pays de la région (chapitre 4, Carte 3.1). Cette perspective régionale est complétée par des études de cas où des conflits armés récents ont fait de nombreuses victimes et nécessité des interventions menées par des coalitions militaires : le Sahel central, la région du lac Tchad et le Tchad. Cette analyse comme les précédentes (OCDE/CSAO, 2020[1]), utilise le SCDi pour cartographier à la fois l’intensité et la distribution spatiale de la violence dans la région. La deuxième partie de l’étude est consacrée aux violences dans les régions frontalières de 1997 à 2021 (chapitre 5).
Données
L’analyse spatiale de la violence s’appuie sur les données du projet Armed Conflict Location & Event Data (ACLED, 2019[2]), qui répertorie les événements violents à motivation politique survenus en Afrique depuis la fin des années 90 (Raleigh et al., 2010[3]). Cette base fournit des informations géoréférencées sur 43 182 incidents survenus en Afrique de janvier 1997 au 30 juin 2021, associant plus de 6 794 organisations distinctes et 171 255 victimes.
Les travaux distinguent huit catégories d’acteurs violents suivant leurs objectifs et leur structure et, lorsque cela est possible, leur « dimension spatiale et leurs rapports avec les populations locales » (ACLED, 2019, p. 19[2])(voir Tableau 3.2). Ces acteurs peuvent être des organisations formelles, des groupes informels ou des non-combattants. Les organisations formelles comprennent les « forces étatiques », définies comme des acteurs collectifs exerçant de facto la souveraineté de l’État sur un territoire donné, tels que les forces militaires et les forces de police. Un autre type d’organisation formelle est celui des « groupes rebelles » qui regroupe des organisations dont le programme politique consiste à renverser un État ou à en faire sécession. Lorsque des groupes ou factions dissidents se forment à partir d’un groupe rebelle, ils sont recensés comme autant d’acteurs distincts.
La base ACLED distingue deux types de milices : celles qui se définissent par leur identité et celles qui poursuivent des objectifs politiques. Les « milices identitaires » sont des groupes hétérogènes de militants structurés autour d’une appartenance ethnique, d’une religion, d’une région, d’une communauté et des moyens de subsistance. Ces groupes portent souvent le nom de la localité ou de la région où elles opèrent, comme la milice communale de Benue au Nigéria. Les « milices politiques » sont des organisations dont l’objectif est d’influer sur la gouvernance, la sécurité et l’action publique dans un État donné en usant de moyens violents, telles que le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) au Mali. Contrairement aux groupes rebelles, les milices politiques « ne cherchent pas l’élimination d’une autorité nationale, mais sont généralement soutenues ou armées par une élite politique alliée avec elle, et œuvrent à la réalisation d’un objectif fixé par ces élites ou par des mouvements politiques de plus grande ampleur » (ACLED, 2019, p. 22[2]).
ACLED identifie plusieurs catégories d’acteurs civils. Tout d’abord, les « émeutiers » qui sont des individus ou des groupes d’individus non armés se livrant à des violences désorganisées contre des civils, des forces gouvernementales ou d’autres groupes armés lors de manifestations. Les « manifestants » sont des individus non armés qui prennent part à une manifestation publique de façon pacifique. Enfin, les « civils » sont des individus non armés et non organisés, victimes de manifestations de violence. Ils sont recensés par pays d’origine. Les « forces extérieures » ou « autres forces » comprennent les organisations internationales, les forces militaires étrangères, les sociétés de sécurité privées et les mercenaires indépendants qui prennent part à des événements violents. Il est important de noter que la base de données ACLED n’indique pas qui est l’auteur ou la victime des attaques, à l’exception des civils, non armés ne pouvant pas commettre de violences politiques (victimes).
Tableau 3.2. Nombre d’acteurs par catégorie, 1997-2021
Acteurs |
Nombre |
Exemples |
---|---|---|
Forces étatiques |
924 |
Forces militaires du Niger |
Rebelles |
406 |
Ansar Dine |
Milices politiques |
1 449 |
Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) |
Milices identitaires |
2 675 |
Milice communale de la Benue (Nigéria) |
Émeutiers et manifestants |
3 |
Émeutiers (Sénégal) |
Civils |
1 069 |
Civils (Cameroun) |
Forces externes |
257 |
Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) |
Autres et inconnus |
11 |
Nigeria Petroleum Development Company |
Total |
6 794 |
|
Source : Auteurs, d’après les données ACLED (2021[4]). Données disponibles jusqu’au 30 juin 2021. Les données ACLED sont accessibles au public.
Le rapport éclaire trois types de violences : les combats, les explosions et violences perpétrées à distance, ainsi que les violences dirigées contre les civils (Tableau 3.3). Les actions non violentes telles que les déploiements stratégiques ne sont pas prises en compte.
Un combat est considéré comme « une interaction violente survenant à un moment et en un lieu donnés entre deux groupes armés politiquement organisés » (ACLED, 2019, p. 7[2]). Les combats peuvent opposer des acteurs étatiques ou non étatiques ; ils impliquent au moins deux acteurs armés et organisés. Cette catégorie se subdivise en trois, selon qu’un territoire est pris par des acteurs non étatiques ou par des forces gouvernementales, ou qu’aucun changement territorial ne se produit. Les combats sont responsables de 87 000 décès depuis 1997 et de 19 000 événements. Près de 90 % de ces décès résultent d’affrontements armés.
Les explosions et les violences perpétrées à distance sont « des événements violents unilatéraux lors desquels le moyen employé pour livrer le conflit engendre une asymétrie en privant la cible de la possibilité de réagir » (ACLED, 2019, p. 9[2]). Ils peuvent être perpétués à l’aide de bombes, de grenades, d’engins explosifs improvisés (EEI), de tirs d’artillerie ou de bombardements, d’attaques au missile, de tirs de mitrailleuse lourde, de frappes aériennes ou de drones, ou encore d’armes chimiques. Les explosions et la violence à distance ont fait plus de 24 000 morts depuis 1997, lors de 7 000 incidents.
Les violences à l’encontre des civils renvoient à « des événements violents lors desquels un groupe armé organisé inflige délibérément des violences à des non-combattants non armés. Les auteurs peuvent être les forces étatiques et leurs alliés, les rebelles, les milices et les forces étrangères/autres forces » (ACLED, 2019, p. 11[2]). Ces violences représentent 40 % des manifestations de violence et 35 % des décès enregistrés en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis la fin des années 90. Entre 1997 et 2021, les attaques directes contre les civils ont entraîné la mort de plus de 60 000 civils lors de 17 000 incidents.
Tableau 3.3. Nombre d’incidents et de victimes par types d’événements violents, 1997-2021
Type d’événements violents |
Sous-catégorie d’événements |
Nombre d’événements |
Nombre de victimes |
---|---|---|---|
Combats |
|
18 826 |
86 637 |
Affrontement armé |
17 013 |
77 258 |
|
Reprise d’un territoire par les autorités |
971 |
4,856 |
|
Prise de territoire par un acteur non étatique |
842 |
4,523 |
|
Explosions/violences perpétrées à distance |
7 007 |
24 234 |
|
Frappe aérienne/de drone |
2 379 |
9 119 |
|
Grenade |
61 |
53 |
|
Explosif à distance/mine terrestre/engin explosif improvisé |
2 658 |
8 425 |
|
Bombardement/tir d’artillerie/attaque au missile |
1 393 |
1 629 |
|
Attentat-suicide à la bombe |
516 |
5 008 |
|
Violences à l’encontre des civils |
17 349 |
60 384 |
|
Enlèvement/disparition forcée |
2 734 |
0 |
|
Attaque |
14 424 |
59 464 |
|
Violence sexuelle |
191 |
920 |
|
Total |
43 182 |
171 255 |
Source : Auteurs, d’après les données ACLED (2021[4]). Données disponibles jusqu’au 30 juin 2021. Les données ACLED sont accessibles au public.
Le niveau de violence politique, peu élevé en Afrique du Nord et de l’Ouest jusqu’au début des années 2010, a beaucoup augmenté avec les conflits et les victimes dus aux guerres civiles en Libye et au Mali, et aux insurrections armées au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria (Graphique 3.1). Au cours des dernières années, le nord du Sahara a connu une diminution notable du nombre d’épisodes de violence, qui contraste fortement avec la dégradation de la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest. Avec plus de 135 000 événements et 36 000 victimes enregistrés à ce jour, l’intensité des violences au sud du Sahara est trois fois plus élevée qu’en Afrique du Nord. Le nombre d’attaques directes, d’enlèvements et d’agressions sexuelles contre des civils dépasse désormais le nombre d’affrontements armés entre forces étatiques et groupes armés en Afrique de l’Ouest. En Afrique du Nord, le nombre d’incidents de type explosions, violences perpétrées à distance et combats a atteint un niveau historiquement bas après la signature d’un cessez-le-feu permanent entre l’Armée nationale libyenne (LNA) et le Gouvernement d’accord national (GNA) en octobre 2020, et la formation d’un gouvernement d’union nationale en mars 2021.
L’évolution différente des violences entre Afrique du Nord et de l’Ouest s’explique par les types de conflits. En Afrique du Nord, la majorité des incidents et des victimes sont imputables à des guerres entre les forces régulières et leurs milices. Les violences apparaissent lorsque les factions politiques divergent sur la répartition des ressources et du pouvoir, et reculent lorsqu’elles parviennent à un accord, comme après les première et deuxième guerres libyennes. Au sud du Sahara, les conflits sont d’une tout autre nature. Plutôt que de mobiliser des forces régulières pour des campagnes militaires conventionnelles, ils se développent en luttes asymétriques entre les gouvernements centraux et de nombreux acteurs non étatiques, dont des rebelles sécessionnistes, des extrémistes religieux, des milices communautaires et des groupes d’autodéfense. Ces conflits ont tendance à tuer plus de civils que les guerres conventionnelles.
Cartographier la dynamique fluctuante des conflits
Le SCDi analyse l’évolution de la géographie de la violence dans l’espace et le temps (Walther et al., 2021[5]). Cet indicateur mesure deux propriétés spatiales de la violence, qui sont liées mais différentes : l’intensité relative des conflits dans une région (densité spatiale) et la distribution géographique des zones de conflit (concentration spatiale). Le SCDi a déjà été appliqué en Afrique du Nord et de l’Ouest (OCDE/CSAO, 2021[6] ; OCDE/CSAO, 2020[1]) sur la base d’un quadrillage de cellules de 50 par 50 kilomètres (km). Il est calculé année par année pour chaque cellule depuis 1997. Ce rapport utilise le même quadrillage et la même temporalité.
Mesurer l’intensité de la violence
Le premier paramètre du SCDi, l’intensité des conflits (IC), mesure le nombre d’épisodes survenus dans une région donnée (50 par 50 km), pour une durée donnée, en l’occurrence une année. Ce nombre est ensuite divisé par la superficie de la région pour permettre des comparaisons régionales. Le paramètre IC a une valeur minimale de 0 en l’absence d’événements violents dans une région donnée au cours d’une année donnée, et n’a pas de valeur maximale. À mesure qu’il augmente, il reflète une intensité croissante de manifestations de violence dans la région (Graphique 3.2).
En raison du maillage retenu de 50 par 50 km, la plupart des régions obtiennent un score IC de 0, qui correspond à l’absence d’événements violents. Certaines obtiennent un score plus élevé. En plus de calculer le score IC brut pour chaque région, le SCDi caractérise l’intensité des conflits selon qu’elle est plus élevée ou plus basse que prévu. La valeur prévue de l’indice pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest est appelée la « moyenne générationnelle » de l’IC car elle correspond à la moyenne de la densité des conflits sur 20 ans, entre 1997 et 2016. La moyenne générationnelle de l’IC est de 0.0017 incidents par kilomètre carré, soit 4 événements par cellule de 50 par 50 km. Dans ce rapport, une région est considérée de forte intensité de violence si 4 incidents ou plus s’y produisent au cours d’une année donnée, et de faible intensité dans le cas contraire.
Mesurer la concentration des violences
Deuxième paramètre du SCDi, la concentration des conflits (CC) détermine la distribution géographique des zones de conflit les unes par rapport aux autres au sein d’une cellule donnée. Elle se calcule en divisant la distance moyenne observée entre les événements violents dans une région donnée au cours d’une année par la distance moyenne obtenue si les conflits étaient répartis aléatoirement dans cette même cellule. Comme le montre le Graphique 3.3, la distribution des incidents les uns par rapport aux autres est un paramètre très différent de leur densité : deux régions peuvent connaître des conflits de faible intensité, tout en ayant une distribution spatiale très différente.
La mesure de la concentration des conflits, comme celle de leur intensité, a une valeur minimale de 0 et n’a pas de valeur maximale théorique. Un score de 0 représente une série d’événements survenant au même endroit, témoignant ainsi d’un regroupement géographique extrême des épisodes violents survenus dans une région. Un score égal à 1 indique une répartition aléatoire des incidents, ou l’impossibilité de déduire une tendance globale en matière de localisation. Un score supérieur à 1 signale une dispersion relative des événements violents à l’échelle de la région : ils sont plus éloignés les uns des autres que si leur emplacement était le fait du hasard. Comme le montre le Graphique 3.4, les scores CC inférieurs à 1 dans une région témoignent d’une concentration des événements, alors que les scores CC supérieurs révèlent une dispersion.
Le ratio de la distance moyenne au plus proche voisin établit si la distribution des activités violentes est concentrée ou dispersée dans l’espace. Il est calculé en divisant la distance moyenne observée entre tous les événements violents contenus dans une cellule par la distance moyenne obtenue si ces événements avaient été répartis de façon aléatoire (ESRI, 2019[7]). Des ratios inférieurs à 1 dénotent des événements concentrés, tandis que des ratios supérieurs à 1 sont dispersés. À titre d’exemple, la répartition des violences dans la partie gauche du Graphique 3.4 est concentrée par comparaison à une répartition aléatoire du même nombre d’événements violents (ratio de 0.5), alors que la distribution dans la partie droite est dispersée (ratio de 1.5).
Typologie et cycles des conflits
Le SCDi combine les indicateurs IC et CC et identifie quatre types spatiaux de conflits, selon que les événements violents sont dispersés ou concentrés, et de forte ou faible intensité (Tableau 3.4).
Le type 1 s’applique aux régions où les violences sont à la fois de forte densité (plus élevée que la moyenne) et concentrées, situation qui suggère une intensification de la violence locale.
Le type 2 correspond à un conflit caractérisé par une intensité supérieure à la moyenne et une dispersion des événements violents dans l’espace, témoignant de l’accélération de la violence.
Le type 3 s’applique aux régions où les événements violents sont moins nombreux et où la plupart d’entre eux se déroulent à proximité les uns des autres, ce qui peut indiquer une diminution du nombre de groupes violents.
Le type 4, qui associe une intensité des violences inférieure à la moyenne et une répartition dispersée des actes, témoigne de l’enlisement d’un conflit. Cette situation peut être révélatrice d’une région dans laquelle les belligérants sont extrêmement mobiles ou ne se heurtent pas à une opposition tenace sur un territoire donné.
Tableau 3.4. Les quatre types spatiaux de conflits
Forte intensité d’événements violents |
Faible intensité d’événements violents |
|
---|---|---|
Événements concentrés |
Type 1. Plus d’événements que la moyenne et plus concentrés que prévu |
Type 2. Moins d’événements que la moyenne et plus concentrés que prévu |
Événements dispersés |
Type 3. Plus d’événements que la moyenne et plus dispersés que prévu |
Type 4. Moins d’événements que la moyenne et plus dispersés que prévu |
Source : OCDE/CSAO (2021[6]).
Cette typologie permet de caractériser différentes étapes du cycle des conflits (Walther et al., 2021[5]). Par exemple, lorsque la violence apparaît pour la première fois dans une région, elle est de type 2 (concentrée/faible intensité) dans la majorité des cas, ou de type 1 (concentrée/forte intensité) dans un tiers des cas. Cela indique que les conflits sont plus susceptibles d’être concentrés dans l’espace à leurs débuts. Cependant, une fois établis, ils persistent généralement sous une forme concentrée/de forte intensité (type 2, plus de 70 % des cas). Lorsqu’ils approchent de leur terme, ils ont tendance à passer du type 1 au type 2 avant de cesser complétement.
Dans la région, les types de conflit les plus communs recensés par le SCDi commencent et se terminent par des événements violents et dispersés (types 3 et 4). Ces types de conflits sont moins persistants que les conflits concentrés, et tendent à disparaître rapidement. Aussi les régions où les violences sont dispersées sont-elles plutôt proches du début ou de la fin d’un épisode de conflit. Par ailleurs, les conflits se terminent généralement en passant d’un épisode de type 2 (concentré/faible intensité) à l’absence de violences l’année suivante (près de 60 % des cas). Les violences sont souvent concentrées jusqu’à la fin.
Ces quatre catégories spatiales sont révélatrices de la dynamique du cycle d’un conflit typique en Afrique du Nord et de l’Ouest. Il ne s’agit que de tendances générales, toutes les sous-régions, lieux ou localités affichant un même score SCDi ne partagent pas systématiquement les mêmes cycles. Les données disponibles depuis 1997 font cependant apparaître des caractéristiques récurrentes (Walther et al., 2021[5]). Les conflits émergents sont souvent synonymes de concentration d’événements violents (plus ou moins denses spatialement), les conflits dispersés tendent à évoluer rapidement, les conflits concentrés/de forte intensité durent plus longtemps, et les violences prennent généralement fin sous forme de conflits concentrés/de faible intensité. La typologie du SCDi est d’abord appliquée à l’ensemble de la région (chapitre 4) pour caractériser l’évolution récente de la violence, puis plus spécifiquement aux régions frontalières (chapitre 5).
Cartographier la violence dans les zones frontalières
Une région frontalière est un espace où l’influence de la frontière sur la vie quotidienne et l’identité des personnes qui vivent à proximité est perceptible. Ce rapport s’appuie sur deux approches pour définir les zones frontalières et cartographier leurs relations avec la violence politique : l’une se fonde sur des distances fixes par rapport aux frontières, l’autre sur l’accessibilité aux passages frontaliers. Ces approches combinées illustrent comment les frontières peuvent influencer la dynamique des conflits avec plus de pertinence que les définitions fondées sur les unités administratives existantes, dont la taille varie considérablement d’un pays à l’autre (Graphique 3.5).
La première approche définit les zones frontalières comme ne s’étendant pas à plus de 200 km d’une frontière internationale. L’utilisation d’une distance limite permet d’évaluer si l’intensité de la violence diminue uniformément en fonction de la distance aux frontières. Pour permettre des comparaisons significatives entre les grands et les petits États, des zones tampons de 10 km de large sont appliquées le long de toutes les frontières terrestres. Si certains États disposent de zones frontalières de moins de 200 km, d’autres, comme l’Algérie, nécessitent d’étendre les zones tampons jusqu’à 690 km de la frontière. Les événements violents sont ensuite superposés sur les zones tampons et affectés à la zone dans laquelle ils se trouvent.
La deuxième approche ne définit pas de distance ou de seuil fixe à partir desquels les effets de frontière disparaîtraient et où celle-ci n’importerait plus. Ici, les régions frontalières sont des constructions très variables. Une ville frontalière peut ainsi être constamment influencée par la présence d’une frontière en raison du commerce et de la mobilité transfrontaliers, tandis qu’une zone rurale adjacente peut ne pas connaître d’interactions avec la frontière, ou très peu. De plus, les États de la région étant de superficies très variables (l’Algérie fait plus de 200 fois la taille de la Gambie, par exemple), il est normal que les régions frontalières fluctuent d’un État à l’autre et d’une frontière à l’autre. Cette approche est difficile à mettre en place dans un espace aussi vaste car les processus frontaliers sont fluides et dépendent de nombreux facteurs qui varient selon les régions frontalière (Ptak et al., 2020[8]).
Afin de contrer ces limites, ce rapport propose une nouvelle définition des zones frontalières, fondée sur leur accessibilité routière. La zone frontalière est définie formellement comme une région accessible par la route en moins de quatre heures depuis n’importe quel passage frontalier, en utilisant les transports locaux à des vitesses moyennes établies en fonction de la topographie des lieux. Cette définition relationnelle permet de comprendre si la violence a tendance à diminuer en fonction du degré d’accessibilité des frontières, ou juste en fonction de la distance aux frontières. Elle est théoriquement mieux adaptée qu’une zone tampon fixe pour saisir la diversité des zones frontalières d’une région et la capacité des belligérants à traverser les frontières.
Les temps de trajet depuis les points de passage des frontières sont estimés à l’aide d’une méthodologie semblable à celle qui détermine l’accessibilité des centres urbains en Europe (van Eupen et al., 2012[9] ; Gløersen, 2012[10]), en Afrique de l’Ouest (OCDE/CSAO, 2020[1] ; OCDE/CSAO, 2017[11] ; OCDE/CSAO, 2019[12]) en Afrique de l’Est (Macharia, Mumo et Okiro, 2021[13]) et dans le monde (Nelson et al., 2019[14] ; Weiss et al., 2018[15]). La logique qui sous-tend le modèle d’accessibilité utilisé pour définir les zones frontalières est similaire à celle utilisée pour délimiter les zones d’influence des carrefours commerciaux au Niger (Encadré 3.1). Dans les deux cas, les infrastructures routières et le réseau urbain utilisés par les populations locales sont modélisés de façon à identifier de nouvelles régions qui sont peut-être plus influencées par les dynamiques frontalières que le reste du pays.
Pour estimer les temps de trajet, il convient d’abord d’évaluer la vitesse à laquelle les individus parcourent la région à l’aide des moyens de transport locaux. Après avoir divisé l’Afrique du Nord et de l’Ouest en cellules de même taille, tous les jeux de données sont convertis en données raster avec une résolution spatiale d’environ 1 km (30″ secondes d’arc). Le modèle utilise ensuite cette grille pour construire une surface de friction dans laquelle la valeur de chaque cellule correspond au temps nécessaire pour la traverser en fonction de facteurs locaux, tels que l’existence de routes, la couverture terrestre, la topographie et les rivières (Graphique 3.6). Le long d’une route, le modèle s’appuie sur un algorithme qui identifie les axes les plus rapides et intègre la vitesse la plus élevée des flux le long de ces axes. La densité de la végétation est utilisée pour simuler les vitesses plus lentes hors des routes. Les cours d’eau et les pentes abruptes sont considérés comme des obstacles potentiels ralentissant les déplacements. Le modèle n’impose pas de pénalité lors du franchissement d’une frontière puisque les points source utilisés pour calculer les temps de parcours se situent précisément sur les tracés des frontières.
Le modèle utilise les données routières d’OpenStreetMap (OSM) et du Global Roads Open Access Data Set (GROADS) de 2019. OSM fournit des vitesses de déplacement moyennes pour quatre types de routes dont les vitesses moyennes vont de 60 km/h pour les autoroutes asphaltées, à 10 km/h pour les routes non revêtues qui ne sont pas classées comme routes secondaires. GROADS ne fournissant pas de vitesses moyennes pour l’Afrique de l’Ouest, la vitesse moyenne de 30 km/h fait office de vitesse de référence pour les routes figurant exclusivement dans cet ensemble de données. Les vitesses hors route et sur les pistes non couvertes par OSM et GROADS sont estimées à l’aide des données de couverture terrestre de l’Agence spatiale européenne (2010). D’après des études antérieures dans la région (OCDE/CSAO, 2017[11] ; Walther et al., 2020[16]), les vitesses moyennes sont disponibles pour 32 types de couvertures terrestres de la région. Pour tenir compte de la topographie, le modèle utilise les données produites par le modèle numérique de terrain de la Shuttle Radar Topography Mission (SRTM) de la NASA et considère les pentes abruptes et les cours d’eau comme des obstacles pouvant réduire la vitesse de déplacement. Un facteur de multiplication de vitesse de 0.5 est appliqué aux pentes de 15 à 45 degrés, et un facteur de 0 aux pentes supérieures à 45 degrés. Le modèle applique un facteur de multiplication de vitesse de 0.5 aux données routières OSM et GROADS pour corriger les temps d’attente aux ferries et les ralentissements dus au franchissement des ponts.
Au total, 1 480 points de passage où un segment routier traverse une frontière internationale sont recensés. La grande majorité de ces passages se situe dans les régions densément peuplées d’Afrique du Nord et de l’Ouest plutôt qu’au Sahara, où la population et les routes sont plus rares. La répartition de la population et des routes étant inégale, les zones frontalières couvrent une étendue nettement supérieure dans les parties nord et sud de la région étudiée. Cependant, la plupart des déplacements au Sahara se produisant hors route, ils ne sont pas toujours pris en compte par le modèle d’accessibilité. Cette distorsion est corrigée en ajoutant une série de zones tampons sur chaque segment de frontière où l'absence de routes permanentes ne permet pas de calculer les temps de parcours.
Le modèle utilise ensuite les données de 2019 sur la population du LandScan Global Population Project (Dobson et al., 2000[17]) pour calculer le bassin de population de chaque point de passage de frontière. LandScan compile des données sur la population mondiale dans des grilles de 30 x 30 secondes de latitude/longitude. Chaque grille présente une estimation de la population à partir des données de recensement infranationales combinées avec un ensemble d’autres facteurs, la couverture terrestre, la pente, la proximité de la route et de l’imagerie à haute résolution. Quatre durées de trajet variant d’une à quatre heures sont calculées. Les temps de trajet inférieurs à une heure correspondent à des déplacements courts au départ d’un poste frontière. Il est estimé que deux heures sont nécessaires pour traverser une frontière et se rendre dans une autre ville, trois heures pour atteindre un centre régional. Les déplacements quotidiens dans les zones frontalières ne sont plus significatifs à partir du seuil de quatre heures.
Encadré 3.1. Un algorithme pour délimiter les frontières en fonction des échanges commerciaux
Au Sahel, les zones frontalières sont au cœur de la concurrence fiscale et politique entre les États et les groupes armés. La représentation spatiale de ces zones est une condition du dialogue politique et de la coopération technique entre les acteurs de la sécurité. Pour les représenter, les agences de contrôle des frontières, les militaires et les experts utilisent soit des unités administratives, soit des zones tampons. Cependant, ni les trafiquants ni les groupes armés ne tiennent compte des décisions administratives ou des zones tampons. De plus, certaines villes peuvent être connectées économiquement aux zones frontalières tout en étant très éloignées d’elles, comme la ville d’Agadez, au Niger. Aussi les zones tampons fixes sont-elles peu pertinentes pour définir les régions frontalières.
L’un des moyens de contrer ces limites consiste à développer un modèle spatial qui définit les zones frontalières en fonction du réseau routier et des marchés locaux utilisés par les commerçants et les insurgés d’une région ou d’un pays à l’autre. Ce modèle utilise les packages sf et tidygraph dans R pour coder des données vectorielles spatiales (Pebesma, 2018[18] ; Pedersen, 2020[19]). Dans un premier temps, il transforme le réseau routier existant en un graphe où les points représentent les extrémités des segments de route et les liens pondérés représentent les distances routières entre les points (Graphique 3.7).
Puis, il divise le territoire en régions plus petites organisées autour des points du réseau pour produire un diagramme de Voronoï. Chaque unité spatiale représente un segment de route et l’espace qui l’entoure. Le modèle calcule ensuite le nombre de liens auxquels chaque point est connecté (degré), sélectionne les points les plus « connectés » et associe chaque point au point à connectivité élevée le plus proche. Cela permet d’agréger chaque unité spatiale précédente du diagramme de Voronoï à celle du point à haute connectivité le plus proche. À ce stade, le modèle spatial est composé d’unités façonnées par des lieux fortement connectés comme les villes, les grands villages, les intersections et l’influence spatiale des segments de routes et de pistes.
La dernière étape consiste à délimiter les zones frontalières. Tous les points de passage sont identifiés et associés à la localité la plus proche. Les localités connectées à la frontière sont recensées comme des carrefours commerciaux, et les routes qui les relient aux postes frontaliers sont dites routes commerciales. En inversant le sens de l’analyse spatiale, les zones d’influence des carrefours commerciaux correspondent aux unités de Voronoï traversées par une route commerciale ou contenant un carrefour commercial. Les zones frontalières sont finalement identifiées comme l’ensemble des zones d’influence des carrefours commerciaux et des unités spatiales touchant la frontière.
La définition des zones frontalières africaines en fonction des routes et carrefours commerciaux offre une vue beaucoup plus réaliste de ces régions que les divisions administratives (Carte 3.2). Au Niger, par exemple, où commerçants et insurgés ont beaucoup utilisé les frontières pour mener leurs opérations, les frontières administratives représentent 58 % du territoire national (74 unités sur 266). Cependant, de vastes étendues de certaines de ces régions sont mal reliées aux frontières. Lorsqu’elles sont définies en fonction des routes et carrefours commerciaux, les zones frontalières ne représentent que 49 % du pays (249 unités sur 1 259), ce qui reflète plus précisément l’étendue géographique des dynamiques frontalières.
Source : Thomas Cantens.
Références
[4] ACLED (2021), Armed Conflict Location & Event Data Project, https://acleddata.com.
[2] ACLED (2019), Armed Conflict Location and Event Dataset (ACLED) Codebook, ACLED, https://acleddata.com.
[17] Dobson, J. et al. (2000), « LandScan: A global population database for estimating populations at risk », Photogrammetric Engineering and Remote Sensing, vol. 66/7, pp. 849–857.
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[13] Macharia, P., E. Mumo et E. Okiro (2021), « Modelling geographical accessibility to urban centres in Kenya in 2019 », PloS One, vol. 16/5: e0251624, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0251624.
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[12] OCDE/CSAO (2019), « Intégration régionale des villes frontalières », Notes ouest-africaines, n° 20, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fd0fe15f-fr.
[11] OCDE/CSAO (2017), Coopération transfrontalière et réseaux de gouvernance en Afrique de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264265974-fr.
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