Dans un certain nombre de pays, les citoyens ont le sentiment grandissant que la mobilité sociale intergénérationnelle s’amenuise et que la réussite des parents influe de plus en plus sur le devenir de leurs enfants. On observe en outre un pessimisme de plus en plus prononcé quant aux chances qu’ont les individus d’améliorer leur situation financière au cours de leur vie, une tendance qui s’est manifestée bien avant la crise financière mondiale. Ces impressions sont relativement concordantes avec les mesures réelles de la mobilité au regard de différentes dimensions, comme le revenu, l'emploi, la santé ou l'éducation. Par exemple, les pays où les citoyens sont plus pessimistes quant aux perspectives de promotion sociale sont aussi souvent ceux où l’on observe la corrélation la plus forte entre la situation des parents en termes de niveau d’études ou de revenu et celle de leurs enfants. Bien entendu, les sentiments et les attentes quant à la mobilité sont influencés par de multiples facteurs propres aux pays et aux individus, mais ils importent aussi en tant que tels compte tenu de leurs répercussions non seulement économiques et sociales mais aussi politiques.
Sur fond de creusement des inégalités de revenu et des chances, l’absence de mobilité ascendante au bas de l’échelle de distribution des revenus signifie que de nombreux talents potentiels sont laissés de côté ou insuffisamment développés, mais aussi que d’importantes possibilités d’investissement restent inexploitées et que des entreprises ne voient jamais le jour, autant de phénomènes qui ont des effets néfastes sur la productivité et la croissance économique, comme l’explique l'OCDE dans son rapport « L'articulation entre productivité et inclusivité ». À l’inverse, une absence de mobilité en haut de l’échelle de distribution des revenus peut se traduire par des rentes persistantes perçues par quelques privilégiés au détriment du plus grand nombre, en raison d’un accès inégal aux opportunités économiques et aux possibilités de formation. La réussite des personnes situées en haut de l’échelle et de leurs enfants ne doit pas se faire aux dépens des autres : la monopolisation des opportunités est néfaste pour la société et entraîne des coûts d’efficience élevés. D’une manière plus générale, certains éléments donnent à penser que les perspectives de promotion sociale influent aussi de manière positive sur la satisfaction à l’égard de la vie et sur le bien-être. À l’inverse, des risques élevés de déclassement et de perte du statut social réduisent souvent la satisfaction à l’égard de la vie, sapent l'estime de soi, compromettent la cohésion sociale et incitent les individus à penser que leur voix ne compte pas, surtout s’ils se situent au milieu ou au bas de l’échelle des revenus. Cela érode la confiance dans le système socio-politique, avec à la clé des retombées négatives potentielles sur la participation démocratique et un renforcement des extrémismes politiques ou du populisme.