Ce chapitre étudie la mobilité sociale d’un point de vue intra-générationnel et analyse la mobilité des revenus tout au long de la vie. Il examine si la prise en compte de la mobilité entraîne une évolution de l’ampleur des inégalités de revenu – inégalités dites « permanentes ». Il évalue également la persistance des revenus aux deux extrémités de la distribution – « planchers adhérents » et « plafonds adhérents » – dans les pays de l’OCDE et dans quelques grandes économies émergentes. Le chapitre fournit des informations sur la trajectoire de la mobilité des revenus entre la fin des années 90 et le début des années 2010. Il analyse aussi la structure de l’évolution des revenus et apprécie dans quelle mesure des « chocs imprévisibles sur le revenu » expliquent ces évolutions, en particulier en bas de la distribution.
L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale
Chapitre 2. Dynamique et mobilité des revenus tout au long de la vie
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
L’ampleur des inégalités de revenu est très variable d’un pays de l’OCDE à l’autre, le coefficient de Gini s’échelonnant de 0.25 à 0.45. Cependant, les indicateurs de revenu sont généralement mesurés annuellement à une date précise, et même lorsqu’ils sont calculés pour plusieurs périodes successives, ils ne renseignent pas sur les trajectoires et la dynamique individuelles. Au fil du temps, le montant du revenu comme la position des individus sur l’échelle des revenus sont susceptibles de changer. C’est la raison pour laquelle à niveau d'inégalités de revenu égal, une société où la mobilité des revenus des ménages est forte n’est pas confrontée aux mêmes difficultés qu’une société dans laquelle le revenu individuel n’évolue pas. L’analyse de la mobilité sur l’échelle des revenus présentée ici porte sur ces trajectoires individuelles, c’est-à-dire sur les variations du revenu d’une personne donnée au fil du temps, et examine leur lien avec les inégalités en général et les enseignements qui doivent en être tirés pour l’action publique.
Définir un niveau « souhaitable » de mobilité sur l’échelle des revenus n’est pas chose aisée (Jäntti et Jenkins, 2015). D’un côté, cette mobilité peut-être en elle-même souhaitable pour le bien-être social. Une forte mobilité de la société peut constituer un objectif à part entière et être analysée comme le signe que la société est ouverte et la distribution des revenus fluide. Une société dans laquelle la mobilité des revenus des ménages est forte et où les individus ont de grandes chances de voir leur statut social s’améliorer grâce à leurs efforts et à leurs aptitudes peut être socialement préférable à une société dans laquelle le revenu stagne. Empêcher que les plus pauvres ne soient condamnés à le rester et garantir une mobilité suffisante sur l’échelle des revenus est un moyen de prévenir les longs épisodes de pauvreté et leurs conséquences négatives, par exemple en termes d’exclusion sociale. De ce point de vue, la mobilité permet de « passer rapidement de la misère à la richesse » (Jenderny, 2016). On peut préférer une société dans laquelle ce ne sont pas toujours les mêmes qui perçoivent les revenus les plus élevés à une société dans laquelle il n’existe pas de rotation au sommet de l’échelle1. De même, si les inégalités sont la résultante d‘une discrimination à l’égard de certains groupes ou sont dues à l’origine culturelle, ethnique ou familiale, la mobilité des revenus peut vraisemblablement favoriser l’avènement d’une société plus égalitaire.
D’un autre côté, certains aspects de la mobilité ne sont pas souhaitables en termes de bien-être social. Une mobilité « excessive », caractérisée par des variations de revenu fréquentes et incertaines, peut aussi être synonyme d’insécurité financière. Les individus ayant généralement une aversion aux pertes, la stabilité du revenu disponible peut être perçue comme un objectif par définition souhaitable du point de vue des politiques sociales, lesquelles visent effectivement à la favoriser – par exemple à travers des mécanismes d’assurance chômage qui compensent les pertes de revenu en versant des indemnités qui dépendent du montant du revenu du travail antérieur.
Le profil de la mobilité des revenus est un aspect important du mode de fonctionnement des sociétés. Il reflète la capacité des individus à progresser ou à régresser sur l’échelle économique tout au long de leur vie ou pendant une période plus courte, ainsi que leur précarité économique. Il est indispensable de mieux appréhender les variations de revenu – leur ampleur, leur persistance, les facteurs qui les expliquent et le rôle qu’y jouent les institutions – pour améliorer l’efficacité des politiques, garantir des trajectoires de revenu plus stables et plus résilientes et favoriser l’égalité des chances. La mobilité globale sur l’échelle des revenus peut être la même dans plusieurs pays, mais s’expliquer par des facteurs différents selon les pays. Une faible mobilité peut être imputable à une inefficience du marché (manque d’opportunités) dans un pays et à un système de protection sociale généreux (stabilité) dans un autre (Jäntti et Jenkins, 2015).
La mobilité des revenus correspond aux changements de position d’un individu donné sur l’échelle des revenus au fil du temps et s’obtient soit en rapportant son revenu courant à son revenu passé – mobilité absolue –, soit en comparant sa position sur l’échelle (un certain quintile par exemple) à un moment donné à sa position antérieure – on parle alors de mobilité positionnelle.
Ce chapitre a pour but d’étudier l’ampleur de la mobilité intra-générationnelle et les formes qu’elle revêt. Il porte essentiellement sur la variation du revenu des individus (d’âge actif)2 tout au long du « cycle de vie », examinant les variations à moyen terme (sur quatre ans) et à plus long terme (sur neuf ans). Il commence par apprécier l’incidence de la prise en compte de la mobilité sur l’évaluation des inégalités de revenu, en s’intéressant plus particulièrement au bas et au sommet de la distribution, qui sont les deux segments dans lesquels la position des individus sur l’échelle change le moins. Il décrit ensuite l’évolution de la mobilité entre la fin des années 90 et le début des années 2010, puis la mobilité positionnelle dans certaines grandes économies émergentes. Enfin, il présente une analyse de la structure de l’évolution des revenus et distingue, au sein des effets observés au niveau des pays, deux composantes et déterminants : les effets positifs de la croissance économique, le rendement de l’expérience, le rendement des caractéristiques individuelles non observées et les variations de revenu imprévisibles. Le chapitre révèle qu’une « mobilité inégale » peut être observée lorsque des variations de revenu imprévisibles se conjuguent à une faible mobilité (ascendante) à long terme sur l’échelle des revenus et lorsque les populations les plus vulnérables sont les principales concernées.
Les principaux résultats sont les suivants :
Il n'y a pas de relation inverse entre inégalités et mobilité sur l’échelle des revenus. Les pays les plus inégalitaires n’affichent pas une mobilité plus grande et certains des pays les plus égalitaires se caractérisent par une mobilité importante.
En moyenne dans les pays de l’OCDE, au début des années 2010, 50 % des individus étaient toujours dans le même quintile de revenu après quatre ans et près de 40 % après neuf ans – chiffre relativement stable d’un pays à l’autre. La persistance des revenus est plus forte au bas de l’échelle (le pourcentage est proche de 60 %) et surtout au sommet (70 %). Les plafonds adhérents empêchent les personnes aisées de régresser sur l’échelle des revenus tandis que les planchers adhérents font obstacle à la progression des personnes modestes.
Comparativement aux ménages situés au bas ou au sommet de l'échelle des revenus, ceux qui appartiennent à la classe moyenne affichent une mobilité plus grande, 40 % d’entre eux seulement se trouvant encore au même niveau de l’échelle après quatre ans (et 30 % après neuf ans). Même de petites variations du revenu en valeur absolue peuvent modifier la place de ces ménages dans la distribution. Ces variations ne sont pas sans incidence sur le bien-être et la satisfaction à l’égard de la vie, les individus attachant souvent une importance considérable à leur position sur l’échelle par rapport à celle des autres.
Les positions sur l’échelle des revenus sont globalement plus immuables aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à la fin des années 90. Les individus situés en bas de la distribution ont donc moins de chances de progresser, tandis que ceux qui se trouvent au sommet ont moins de risques de régresser. Les inégalités de revenu se sont creusées depuis, mais cela n’a pas été compensé par un accroissement de la mobilité des revenus.
Dans beaucoup de pays, il existe des signes de clivage de la classe moyenne : les membres de la classe moyenne inférieure faisant partie des 40 % les plus modestes ont souvent vu s’accroître le risque de glisser davantage encore vers le bas de l’échelle des revenus à mesure du cycle de vie. Dans le même temps, les personnes plus proches du milieu de l’échelle et les membres de la classe moyenne supérieure risquent un peu moins que par le passé de basculer dans une tranche de revenu plus faible et dans la pauvreté. Une poursuite de cette tendance risquerait d’entraîner une fracturation de la classe moyenne.
Dans les économies émergentes, la mobilité sur l’échelle des revenus est en général légèrement plus forte que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Elle ne semble cependant pas s’accroître depuis le début des années 2000, bien au contraire.
Globalement, l’évolution du revenu individuel dépend de quatre facteurs : la croissance du revenu total, les effets de cycle de vie, des tendances individuelles hétérogènes et les variations de revenu imprévisibles. Lorsque la mesure est effectuée sur quatre ans, ce sont les variations imprévisibles (« chocs ») qui ont le plus de poids dans l’évolution du revenu et elles sont plus fréquentes parmi les personnes situées en bas de l’échelle de la distribution des revenus.
2.1. Mobilité sur l’échelle des revenus et inégalités de revenu
Les inégalités de revenu varient grandement d’un pays de l’OCDE à l’autre (OCDE, 2015a). Le coefficient de Gini – indicateur classique des inégalités de revenu, égal à 0 lorsque le revenu est le même pour tous et à 1 lorsqu’il est intégralement perçu par une seule personne – s’établit actuellement à 0.315 en moyenne dans la zone OCDE ; il est proche de 0.4 aux États-Unis et en Turquie et dépasse 0.45 au Chili et au Mexique. Ces trois dernières décennies, les inégalités se sont creusées dans la plupart des pays de l’OCDE, atteignant parfois des niveaux historiques.
Toutefois, l’augmentation de l’écart entre « les riches » et « les pauvres » entre deux dates ne signifie pas que la composition de ces deux catégories n’a pas évolué entre le début et la fin de la période considérée. Entre deux scénarios extrêmes – l’un dans lequel les riches d’hier sont devenus les pauvres d’aujourd’hui et vice versa et l’autre dans lequel les pauvres sont restés pauvres et les riches sont restés riches –, il existe en réalité de nombreux cas de figure intermédiaires. L’ampleur et la forme de cette mobilité ont des conséquences concrètes sur l’évaluation des inégalités de revenu dans les différents pays.
Cette partie a pour but d’évaluer les inégalités constatées lorsque la moyenne des revenus est calculée sur une période supérieure à un an. Schématiquement, elle montre qu’actuellement dans les pays de l’OCDE, la mobilité sur l’échelle des revenus n’est pas suffisante pour compenser les effets de l’accroissement global des inégalités de revenu.
Les revenus individuels varient régulièrement, souvent et sensiblement. En conséquence, les indicateurs d’inégalité mesurés à une date donnée ne fournissent qu’une image ponctuelle des inégalités. Ainsi, si une part importante des personnes à faible revenu parvient, après quelques années, à accéder à la classe moyenne inférieure ou si les personnes les plus aisées ne réussissent pas, en moyenne, à se maintenir plusieurs années parmi les plus riches, l’indicateur transversal des inégalités de revenu ne donne qu’une information partielle, en particulier si l’on veut comparer des sociétés qui diffèrent en termes d’institutions et de profil de la mobilité.
La mesure des revenus moyens sur une période plus longue permet d’obtenir une évaluation plus juste du bien-être des individus qu’une mesure ponctuelle (Shorrocks, 1978 ; Fields, 2010). Si l’on effectuait la mesure à partir du cumul des revenus perçus sur quatre ans, les inégalités obtenues seraient plus faibles, mais la différence serait limitée. Ainsi, le coefficient de Gini des revenus cumulés sur quatre années situées au début des années 2010 (2011-2014 pour la plupart des pays) serait inférieur de 2.3 points à la moyenne des coefficients calculés pour chaque année au cours de la même période3 (Graphique 2.1, partie A). Lorsque la période retenue est plus longue – ici une décennie –, l’indicateur des inégalités est en moyenne inférieur de 3 à 7 points dans les pays pour lesquels des données sont disponibles (graphique 2.1, partie B). à titre de comparaison, le coefficient de Gini a augmenté d’environ 3 points entre 1985 et 2015. Plus la période prise en compte est longue, plus les chances sont grandes d’observer des variations de revenu et un impact plus fort de ces variations sur les inégalités. Il ressort de ces estimations sur longue période (sur dix ans) que les inégalités régressent de manière constante à mesure que la période de référence s’allonge, même si cette régression est de plus en plus faible au-delà de dix ans. Les inégalités permanentes tendent alors à converger vers un niveau inférieur d’environ 30 % à celui des inégalités mesurées annuellement (Jenkins, 2011).
Le classement des pays ne change pas lorsque les revenus sont évalués sur quatre ans, mais des différences sensibles entre pays peuvent être observées. La mobilité sur l’échelle des revenus atténue les inégalités à long terme, en particulier au Chili, en Corée et au Japon, au Royaume-Uni, et dans les pays d’Europe centrale, orientale et balte. Elle les réduit aussi, quoique dans une moindre mesure, en Slovénie, aux Pays-Bas, en Finlande et en Espagne (moins de 1.5 point de Gini sur quatre ans). En Chine, elle atténue davantage les inégalités que dans la plupart des pays de l’OCDE.
La diminution des inégalités induite par la mobilité sur l’échelle des revenus est un peu plus forte dans les pays relativement inégalitaires, mais cette différence n’est pas suffisante pour modifier le classement des pays selon les inégalités transversales. La différence entre les inégalités calculées sur la moyenne des revenus (« permanents ») et la moyenne des inégalités transversales constitue un indicateur indirect de mobilité et donne une idée de la baisse des inégalités due au passage du temps. Il n’existe qu’une faible corrélation – lorsqu’il en existe une – entre cet indicateur de la mobilité et les inégalités (Graphique 2.2).
Les auteurs ont des opinions divergentes sur le lien entre inégalités et mobilité des revenus. Certains avancent que le creusement des inégalités est la résultante de processus de mobilité à grande échelle. Selon eux, les inégalités en elles-mêmes ne constituent donc pas un problème, dès lors qu’elles sont compensées par la mobilité (voir par exemple Friedman, 1962 ; 2009). D’autres auteurs estiment que lorsque l’échelle des revenus est plus grande, la distance à parcourir pour passer d’un échelon à l’autre est plus importante, ce que ni la mobilité sociale ni la mobilité des revenus ne compensent (voir, par exemple : Krugman, 1992 ; Aaberge et al., 2002 ; Jenkins, 2011).
De nombreux auteurs ont cherché à déterminer, notamment en comparant les États-Unis et l’Europe, si les inégalités plus fortes observées aux États-Unis pourraient être atténuées par une plus grande mobilité sur l’échelle des revenus (voir Burkhauser et Couch, 2009, pour un recensement de ces études). Il ressort de ces travaux qu’il existe une corrélation faible entre inégalités plus fortes et plus grande mobilité intra-générationnelle. Aaberge et Mogstad (2014) ont observé qu’aux États-Unis, la mobilité est seulement légèrement plus élevée que dans les pays nordiques, alors que les inégalités y sont beaucoup plus marquées. Ces résultats confirment ceux de nombreuses autres études. Ainsi, Gangl (2005) compare les pays d’Europe et les États-Unis dans les années 90 et constate que le classement des pays évolue peu lorsque les inégalités sont évaluées à partir des revenus individuels mesurés dans un cadre multipériode étant donné que la mobilité des revenus n’est pas plus forte aux États-Unis qu’en Europe. Des conclusions similaires se dégagent des travaux de Chen (2009), qui compare les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Allemagne durant les années 90. Alves et Martins (2012) s’intéressent aux pays d’Europe au cours de la période 2005-09 et parviennent à la conclusion que la mobilité des revenus ne modifie pas sensiblement le classement des pays de l’Union européenne en fonction des inégalités de revenu, mettant en évidence le poids important des inégalités permanentes dans tous ces pays. S’agissant de la Chine, Chan et al. (à paraître) et Clement (2016) observent que le revenu y est plus inégalement réparti qu’aux États-Unis, en Allemagne et en Grande-Bretagne, mais aussi que la mobilité sur l’échelle des revenus y est plus forte.
2.2. Mobilité positionnelle : planchers adhérents au bas de l’échelle, plafonds adhérents au sommet
Cette partie porte sur la position des individus sur l’échelle des revenus et analyse la mobilité en comparant cette position à la date de l’analyse à celle occupée par le passé. On parle à cet égard de mobilité positionnelle. Les individus évaluant généralement leur bien-être par comparaison avec le reste de la société, cette mobilité positionnelle a de l’importance. En général, se faire devancer par les autres est mal vécu, même en l’absence de modification sensible du niveau de vie réel, tandis que devancer les autres est perçu positivement (Encadré 2.1).
La pertinence des indicateurs de mobilité positionnelle trouve son origine dans une approche sociologique de la mobilité des revenus. En général, la perception qu’ont les individus de leur situation sociale dépend davantage de leur position relative que de leur patrimoine ou de leur revenu en termes absolus (Duesenberry, 1949 ; Hirsch, 1995 ; Pavlopoulos et al., 2010). Ce phénomène est souvent illustré par l’expression « keeping up with the Joneses », signifiant que l’essentiel est de rivaliser avec ses voisins4. Les études montrent que même si les personnes relativement riches sont généralement toujours plus heureuses que celles qui sont plus pauvres, la proportion d’individus indiquant être heureux n’augmente pas à mesure que le revenu moyen progresse dans la société (phénomène connu sous le nom de paradoxe d’Easterlin, Easterlin, 1973 ; 1995). Ce phénomène se révèle plus marqué dans les sociétés relativement inégalitaires (Cheung et Lucas, 2016).
Encadré 2.1. La mobilité positionnelle est-elle un jeu à somme nulle ?
La mobilité est souvent vue comme un jeu à somme nulle : si certaines personnes progressent, il faut que d’autres régressent. La mobilité positionnelle mérite cependant davantage d’attention, pour au moins deux raisons. Premièrement, le nombre de personnes qui régressent n’est pas nécessairement égal au nombre de personnes qui progressent ; de même, les changements de position sur l’échelle des revenus n’ont pas tous la même ampleur. Deuxièmement, les conséquences de ces changements ne sont pas traitées de la même manière par les responsables de l’action publique selon qu’elles touchent des personnes déjà en difficulté, la classe moyenne ou la population la plus aisée. La progression d’un individu sur l’échelle étant contrebalancée par le mouvement inverse d’un ou plusieurs autres, une multitude de situations différentes peut apparaître au sein de ce « jeu à somme nulle ». La forte mobilité positionnelle ascendante d’une personne peut par exemple être « compensée » (en termes de bien-être social) par une régression de faible ampleur subie par de nombreuses personnes ou par une mobilité descendante symétrique, forte également, de quelques individus accompagnée d’une stabilité pour la majeure partie de la population.
Mieux comprendre la répartition et l’ampleur des gains et pertes peut également faciliter la compréhension des perceptions individuelles du bien-être global. Par exemple, on estime qu’en période de récession, des pertes de revenu plus faibles mais généralisées sont préférées à des pertes de grande ampleur concentrées sur quelques individus (Wodon, 2001). La manière dont les « gagnants » et les « perdants » sont répartis influe sur les problèmes qui se posent aux responsables publics, parce que selon toute vraisemblance, dans le deuxième cas de figure cité, les personnes qui subissent de lourdes pertes ont besoin d’une grande capacité d’adaptation (en période de crise économique) ou d’un soutien pour pouvoir tirer parti des fruits de la croissance lorsque l’économie se redresse. Selon la nature des variations de revenu, il est possible de concevoir les politiques de manière à mieux répartir les effets des changements économiques et sociaux, par exemple à travers des aides à la reconversion professionnelle si un secteur particulier est durement touché ou un système d’assurance sociale offrant une large couverture.
2.2.1. Mobilité ascendante et descendante sur l’échelle des revenus
Pour avoir une vision synthétique de l’ampleur de la mobilité, on peut tout simplement comparer la position d’une personne sur l’échelle des revenus au cours d’une année donnée et cette position quelques années plus tard (ici, quatre ou neuf ans plus tard). En moyenne dans les pays de l’OCDE, 50 % des individus étaient toujours dans le même quintile de revenu5 quatre ans plus tard, 26 % avaient accédé au quintile immédiatement supérieur au quintile initial et 24 % avaient basculé dans le quintile immédiatement inférieur. Lorsque la période retenue est plus longue – neuf ans –, les variations sont plus grandes : 38 % des personnes ne changent pas de quintile, 32 % progressent d’au moins un quintile et 30 % régressent d’au moins un quintile (Graphique 2.3).
Le pourcentage de personnes qui ne changent pas de quintile est globalement le même dans tous les pays. Parmi les pays où la mobilité est la plus faible figurent la Finlande, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suède, où 55 % des individus environ étaient toujours dans le même quintile quatre ans après la première mesure. Les pays où la mobilité est la plus forte d’après l’indicateur de mobilité positionnelle sont la Corée, le Royaume-Uni, la Turquie et la Grèce, où ce pourcentage est compris entre 40 % et 44 % seulement. Parmi les pays pour lesquels des données sur plus longue période sont disponibles, c’est en France, en Allemagne et aux États-Unis que les changements de position sur l’échelle des revenus sont les plus limités, tandis qu’ils sont plus importants en Corée et en Australie.
Tous pays confondus, les mouvements ascendants et descendants ne sont pas nécessairement parfaitement symétriques. Aux Pays-Bas par exemple, entre 2011 et 2014, 30 % de la population ont gagné au moins un quintile, tandis que 16 % ont régressé d’au moins un quintile. Cet écart s’explique par une différence de degré de mobilité ou par le fait que la mobilité se produit à des niveaux différents de l’échelle des revenus. à l’inverse, au Royaume-Uni et en Corée, le pourcentage de personnes qui accèdent à un quintile plus élevé est le même que dans le premier groupe de pays (30 %), mais le pourcentage de personnes qui régressent est supérieur de 10 points (égal à 25 % environ), ce qui est le signe de gains importants pour une partie de la population et de pertes importantes pour une autre partie.
2.2.2. La position initiale sur l’échelle des revenus conditionne la mobilité
Les perspectives de mobilité ne sont pas également réparties entre les différents niveaux de l’échelle des revenus. La persistance est beaucoup plus forte aux deux extrémités de la distribution. La grande majorité des personnes qui se trouvent au départ dans le quintile inférieur (premier quintile) ont peu de chances de gravir les échelons au fil du temps : en moyenne, 57 % d’entre elles n’ont pas changé de quintile quatre ans plus tard et 41 % neuf ans plus tard (Graphique 2.4, parties A et B). Il n’en reste pas moins que les variations de revenu en valeur absolue sont fréquentes en bas de l’échelle, de nombreuses personnes voyant leur revenu augmenter. Ces hausses ne sont cependant pas suffisantes pour leur permettre de progresser de manière sensible.
La persistance est encore plus forte au sommet de la distribution, 68 % des personnes situées dans le quintile supérieur s’y trouvant encore quatre plus tard et 53 % neuf ans plus tard. Cette persistance plus forte au sommet qu’au bas de l’échelle est également souvent constatée dans les études (Kopszcuck et al., 2010 ; Alves et Martins, 2012). Comme dans le quintile inférieur, d’importantes variations du revenu en valeur absolue peuvent se produire dans le quintile supérieur, mais là encore, elles n’entraînent pas nécessairement un changement de position notable sur l’échelle des revenus – d’où la forte persistance également observée au sommet.
Comparativement aux ménages les plus pauvres ou les plus aisés, les membres de la classe moyenne (adultes d’âge actif faisant partie des 60 % de personnes situées au milieu de la distribution des revenus) sont plus mobiles en termes de position sur l’échelle. En moyenne, une petite minorité d’entre eux seulement reste dans leur quintile initial : 40 % d’entre eux y sont encore après quatre ans et 30 % après neuf ans. Au sein de la classe moyenne, les variations de revenu en valeur absolue sont plus faibles qu’en haut ou en bas de l’échelle. Toutefois, les revenus étant généralement beaucoup plus concentrés au milieu de la distribution, la moindre variation du revenu (en valeur absolue) peut entraîner un changement de quintile. Ce changement de position n’est pas sans incidence sur le bien-être et la satisfaction à l’égard de la vie, les individus étant généralement très sensibles à leur position sur l’échelle par rapport à celle des autres.
Si l’on prend le revenu médian (troisième quintile) comme référence, la mobilité ascendante et descendante diffère selon les pays (Graphique 2.4, partie C). Il est possible de distinguer quatre groupes de pays :
Dans certains pays (Chili, Islande, Grèce et Royaume-Uni), les personnes qui perçoivent un revenu proche du revenu médian ont à la fois de grandes chances de progresser sur l’échelle et un risque élevé de régresser.
En revanche, dans un autre groupe (composé du Danemark, de l’Allemagne et de la Suisse), les probabilités de mobilité ascendante et descendante sont faibles, le scénario le plus probable étant celui d’un maintien dans le même quintile.
D’autres pays (autres pays nordiques, Pays-Bas et Luxembourg) cumulent une probabilité de mobilité ascendante relativement forte et un risque de mobilité descendante relativement faible pour les ménages de la classe moyenne.
Dans le dernier groupe (comprenant la Slovénie, le Portugal, l’Espagne, la France et l’Irlande), la probabilité de régresser est relativement forte tandis que les chances de progresser sont relativement faibles, ce qui correspond peut-être au scénario le plus sombre. Le chapitre 3 propose une analyse plus détaillée des déterminants de l’évolution du revenu aux différents échelons de la distribution.
2.2.3. Planchers adhérents : persistance des revenus dans le quintile inférieur
La persistance des bas revenus peut avoir des effets durables sur la privation matérielle, la santé et la situation sur le marché du travail (à travers le stress, les conséquences sur les compétences cognitives et la dépréciation des compétences). Cependant, une faible persistance au bas de l’échelle peut aussi être préoccupante pour les responsables publics, par exemple parce qu’elle peut entraîner une récurrence de périodes de faible revenu ou encore un risque accru d’exclusion des ménages les plus pauvres (Fouarge et Layte, 2005). Une meilleure compréhension de la persistance au bas de l’échelle – phénomène des planchers adhérents – peut fournir un éclairage de nature à permettre d’élaborer dans un pays donné des politiques de lutte contre la pauvreté agissant sur les bons leviers – par exemple à travers des mesures plutôt axées sur la pauvreté de longue durée ou sur la récurrence d’épisodes de pauvreté6.
La persistance des bas revenus sur quatre ans est particulièrement forte en Suède, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Finlande (environ 70 %), de même qu’en Slovénie, au Portugal et en Espagne (environ 65 %, Graphique 2.5). Lorsque la mesure est effectuée sur une période plus longue, c’est aux États-Unis que le pourcentage de personnes bloquées en bas de l’échelle est le plus élevé. La forte persistance des bas revenus s’explique principalement par le chômage de longue durée, et le passage du chômage à l’emploi est le principal moyen pour un individu d’éviter d’être condamné à percevoir un faible revenu (chapitre 3). Elle peut cependant aussi s’expliquer, par exemple dans le cas des Pays-Bas, par une persistance non négligeable des bas salaires des actifs (Pavlopoulos et al., 2012 ; chapitre 3).
La persistance des bas revenus la plus faible est observée au Chili, au Royaume-Uni, au Japon, au Danemark et en Grèce lorsqu’elle est mesurée sur quatre ans, et en Corée lorsqu’elle est mesurée sur neuf ans. Cette mobilité en bas de l’échelle des revenus peut s’expliquer d’une part par un taux de chômage relativement faible, qui permet un retour à l’emploi rapide (c’est par exemple le cas au Japon, au Danemark et au Royaume-Uni) et renforce les chances d’échapper à la faible rémunération (Pavlopoulos et al., 2012 ; Plum, 2016), et d’autre part par le conditionnement des droits aux prestations d’aide sociale à des conditions de patrimoine strictes (c’est le cas au Royaume-Uni et en Corée), ce qui signifie que les personnes temporairement au chômage risquent de percevoir des prestations faibles voire de ne pas être indemnisées.
Les pays où la persistance en bas de l’échelle des revenus est faible peuvent néanmoins être confrontés à la récurrence de périodes de bas revenu, dans le cas où les hausses de revenu individuelles ne sont pas stables dans le temps et où les individus basculent de nouveau dans la pauvreté (Graphique 2.5, partie A). C’est par exemple le cas du Chili, où il est établi que la pauvreté est en grande partie transitoire ou récurrente et s’explique par une répartition des revenus relativement uniforme au bas de l’échelle (Neilson et al., 2008). La différence entre le Royaume-Uni et les autres pays (comme le Danemark) affichant une persistance des bas revenus similaire s’explique par le fait qu’une proportion beaucoup plus forte de la population connaît des périodes de bas revenus récurrentes lorsque la mesure est effectuée sur quatre ans (Shildrick et al., 2010 ; Fouarge et Layte, 2005) ; en outre, au Danemark, les personnes qui se trouvent au bas de l’échelle ont davantage tendance à y rester (pendant les quatre années, voir Graphique 2.5, partie A).
Il n’existe donc pas de relation simple entre inégalité et persistance des bas revenus. Cette persistance peut être forte aussi bien dans les pays les plus égalitaires, tels que la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède7, que dans des pays plus inégalitaires comme ceux du Sud de l’Europe. Les conséquences sur le bien-être peuvent être différentes selon que les inégalités sont fortes ou non. La persistance des bas revenus peut représenter une menace pour la cohésion sociale, en particulier dans les pays les plus inégalitaires. Lorsque les inégalités sont fortes, la distance à parcourir pour progresser sur l’échelle peut en effet sembler trop grande aux individus bloqués en bas de cette échelle.
La persistance des bas revenus est due à un enchevêtrement complexe de facteurs. Le chômage de longue durée, le manque de compétences et la segmentation du marché du travail, qui se traduisent par l’accès à des emplois mal rémunérés et par des perspectives d’évolution relativement médiocres, jouent un rôle, mais d’autres facteurs entrent également en jeu. Ainsi, le revenu du conjoint permet à certains actifs percevant une faible rémunération d’échapper à la pauvreté. De même, les phénomènes favorisant une plus grande instabilité du marché du travail peuvent être source de mobilité et d’instabilité en bas de la distribution des revenus et peuvent ainsi aller plus souvent de pair avec une persistance plus faible des bas revenus. Le chapitre 3 analyse les déterminants de l’évolution des revenus au niveau individuel, en particulier du point de vue des sources de revenu et des liens avec les transitions professionnelles et le système de prélèvements et prestations.
Les facteurs qui expliquent la persistance des bas revenus varient selon les pays (Graphique 2.6). En Slovénie, au Portugal et en Italie, la forte persistance observée en bas de l’échelle est due à un chômage de longue durée élevé (parties A et B). S’agissant des facteurs associés à une plus grande mobilité ascendante des bas revenus, les transitions professionnelles, par exemple la sortie du chômage (partie F) et surtout le passage d’un contrat temporaire à un contrat à durée indéterminée (partie D), sont fortement corrélés avec le taux de persistance des bas revenus. Au Danemark par exemple, la faible persistance constatée en bas de l’échelle va de pair avec un taux élevé de transition de l’emploi temporaire à l’emploi permanent, tandis que l’inverse est vrai aux Pays-Bas et en Espagne.
2.2.4. Plafonds adhérents : persistance des revenus dans le quintile supérieur
La hausse des inégalités de revenu est souvent imputée à l’envolée des revenus des plus aisés, souvent plus instables que ceux du reste de la population, en particulier au sommet de la tranche de revenu supérieure (Förster et al., 2014). On dispose en revanche de moins d’informations sur la question de savoir si cette envolée des hauts revenus profite systématiquement aux mêmes individus ou si elle est due au fait que certaines personnes dépassent celles qui se trouvent au sommet et finissent par les supplanter – autrement dit, il s’agit de déterminer si le haut de la distribution est stratifié ou mobile.
Une société dans laquelle la mobilité en haut de l’échelle des revenus est faible risque davantage de manquer d’équité sur le plan de la représentation politique. On considère souvent que les catégories privilégiées situées au sommet de l’échelle exercent une influence considérable sur l’élaboration des politiques – en un mot, le paradigme est plutôt celui du « gagnant rafle la mise » que celui de « l’électeur médian ». Les préférences concernant les politiques publiques varient selon la tranche de revenu à laquelle appartient une personne ; or, indépendamment de leur poids numérique, les groupes les plus aisés exercent une influence sur l’issue du processus électoral et sont surreprésentés dans les instances qui élaborent les politiques publiques (Bartels, 2016 ; Giger et Nelson, 2012 ; Leigh, 2009)8. Jenderny (2016) et Cormeo (2006) relèvent que la persistance au sommet de l’échelle des revenus influence également les médias. Dans ce contexte, une persistance plus forte pour les plus riches se traduit par une plus forte concentration du pouvoir politique. Les plafonds adhérents peuvent aussi avoir des conséquences négatives sur la performance économique des sociétés. Lorsque le système éducatif ou le marché du travail sont favorables aux catégories les plus aisées, il peut se produire un phénomène de « monopolisation des opportunités » qui réduit le nombre de places accessibles aux personnes issues de milieux moins favorisés et nuit ainsi à la compétitivité de l’économie (Reeves, 2017).
L’analyse des plafonds adhérents présentée dans cette partie porte uniquement sur le quintile et le décile supérieurs. Cette définition de la notion de hauts revenus est relativement large : elle l’est beaucoup plus que celle limitée aux 1 % (ou 0.1 %) de personnes les plus riches retenue par beaucoup d’études sur les hauts revenus et englobe une partie de la classe moyenne aisée. La persistance dans le quintile supérieur peut donc être assimilée à une stabilité du revenu dans la partie supérieure de la distribution, stabilité à laquelle aspirent la plupart des ménages de la classe moyenne (Pew, 2015). Le chapitre 3 examine de manière plus détaillée les facteurs qui conduisent les individus à quitter le haut de l’échelle des revenus et montre que dans certains pays, des événements professionnels tels que la perte d’un emploi peuvent occasionner une baisse de revenu suffisante pour entraîner un changement de quintile, tandis que dans d’autres, les filets de sécurité amortissent la baisse des revenus et permettent un maintien du niveau de vie jusqu’au retour à l’emploi.
Quels que soient les pays et périodes considérés, la persistance est toujours plus forte dans le quintile supérieur que dans le quintile inférieur. En moyenne dans les pays de l’OCDE, 68 % des individus appartenant au sommet de l’échelle se trouvent toujours dans la même catégorie quatre ans plus tard et 57 % une décennie plus tard (Graphique 2.7). Ces résultats sont conformes à ceux de travaux antérieurs, par exemple aux études de Chen (2009), Jenderny (2016), Saez et Veall (2005), Landais (2008) et Auten et al. (2013).
Les pays où la persistance des revenus élevés du quintile supérieur est la plus forte sur quatre ans sont notamment l’Irlande, la Norvège, les Pays-Bas et l’Allemagne (elle est supérieure à 75 %, Graphique 2.7). Aaberge et al. (2013), Jäntti et al. (2010) et Jenderny (2016) s’intéressent aux 1 % de ménages les plus aisés, respectivement pour la Norvège, la Finlande et l’Allemagne, et constatent que la mobilité est faible tout en haut de la distribution9.
Parmi les pays où la persistance dans le quintile supérieur est la plus faible figurent la Turquie, la Corée, la Grèce, le Japon et le Chili, 55 % à 60 % des membres du quintile supérieur s’y trouvant encore quatre ans plus tard. Lorsque la mesure est effectuée sur neuf ans, c’est aux États-Unis que la persistance dans le quintile supérieur est la plus élevée, s’établissant à 63 % contre 40 % en Corée. En Suisse, en France et aux États-Unis, la persistance dans le quintile supérieur reste globalement stable lorsque la mesure est réalisée sur six ou neuf ans au lieu de quatre. Elle diminue plus nettement en Allemagne et en Corée.
La persistance au sommet de l’échelle est associée à différentes variables économiques. Ainsi, un faible taux de chômage, en particulier parmi les personnes les plus diplômées, et un taux élevé de transition du chômage à l’emploi vont de pair avec une plus forte persistance dans le quintile de revenu supérieur (Graphique 2.8, parties A et B). La persistance des revenus élevés peut aussi être due à une forte segmentation du marché du travail, les travailleurs déjà intégrés étant plus protégés que les autres. Elle est également associée à une plus grande stabilité sur le marché du travail, en particulier à la qualité du revenu d’activité (partie C) et elle est corrélée négativement avec la précarité de l’emploi (partie D). Le chapitre 3 analyse les déterminants de l’évolution des revenus dans chaque quintile, en particulier du point de vue des sources de revenu et des liens avec les transitions professionnelles et du système de prélèvements et de prestations.
2.2.5. Il existe diverses combinaisons possibles entre plafonds et planchers adhérents
Il n’existe pas de combinaison « automatique » de la persistance en bas et en haut de la distribution des revenus. Plusieurs profils nationaux se dégagent, correspondant à des défis différents pour les responsables de l’action publique. Il est possible de définir différents scénarios d’association de la persistance en bas et en haut de l’échelle et de distinguer les groupes de pays suivants, en fonction du degré de persistance aux deux extrémités de la distribution (Graphique 2.9) :
La Norvège, l’Allemagne, l’Autriche, les États-Unis et l’Irlande se démarquent des autres pays parce qu’ils cumulent plafonds adhérents et mobilité moyenne en bas de l’échelle des revenus.
En Espagne, en Slovénie, en Finlande et aux Pays-Bas, on observe une absence de mobilité aux deux extrémités de la distribution.
En Belgique, au Canada, en France, en Italie, au Luxembourg, au Portugal et en Suède, les planchers adhérents sont couplés à une immobilité moyenne au sommet de la distribution.
En Turquie, en Corée, en Grèce et au Chili, la situation est tout autre : il n’y a ni planchers ni plafonds adhérents, et il existe apparemment une forte mobilité positionnelle sur quatre ans.
Au Royaume-Uni, au Danemark et au Japon, la mobilité est relativement forte en bas de l’échelle, mais il existe un phénomène de plafonds adhérents.
La situation des autres pays (exception faite du Chili) est un scénario dans lequel les résultats observés pour les grandeurs citées ci-dessus sont moyens.
Le Chili et Israël se distinguent par une forte mobilité au sommet comme au bas de l’échelle. Ce profil très spécifique s’explique en partie par les caractéristiques de la distribution dans ces pays, à savoir que les revenus sont très concentrés à l’extrémité supérieure de l’échelle.
2.3. évolution de la mobilité sur l’échelle des revenus depuis les années 90
L’idée que les perspectives de mobilité stagnent, voire s’assombrissent au fil du temps, a gagné du terrain dans le débat public (chapitre 1). Ce chapitre fait appel à deux méthodes différentes pour montrer que la mobilité sur l’échelle des revenus a régressé dans les années 2010 par rapport à ce qu’elle était à la fin des années 90. Cette tendance est confirmée par d’autres éléments démontrant un essoufflement des trajectoires individuelles ascendantes évaluées en fonction de l’âge, de la cohorte et du niveau d’études.
Plusieurs facteurs peuvent être cités pour illustrer les évolutions économiques et sociales qui expliquent l’évolution de la distribution des revenus depuis les années 90. Les changements intervenus sur le marché du travail se sont traduits par un recours plus fréquent au travail atypique, en particulier aux contrats temporaires (OCDE, 2015a). L’ancienneté moyenne dans l’emploi a augmenté, mais cette hausse est principalement due au vieillissement de la population (OCDE, à paraître-a). Les progrès technologiques et la numérisation ont modifié le contenu des postes. Le taux de syndicalisation et la couverture des conventions collectives ont diminué (OCDE, 2017c). L’homogamie a progressé : dans les deux tiers des pays de l’OCDE, le taux d’emploi féminin a davantage augmenté parmi les femmes dont le conjoint appartenait aux déciles de revenu les plus élevés que parmi celles dont le conjoint se situait en bas de la distribution (OCDE, 2017d). La redistribution par le système de prélèvements et de prestations régresse depuis 2010, en particulier pour les ménages sans emploi (OCDE, 2011 ; Causa et Hermansen, 2017). Conjugués, ces facteurs ont entraîné un élargissement de la distribution des revenus par rapport aux années 90 (Graphique 2.10).
Il reste à savoir comment cette modification de la distribution des revenus se reflète dans l’évolution de la mobilité. La plupart des pays ne collectent des données longitudinales sur le revenu que depuis peu, si bien que les sources d’informations permettant des comparaisons sur longue période sont peu nombreuses (Annexe 2.A)10. En outre, rares sont les auteurs qui se sont intéressés à cette question dans une perspective comparative transnationale. Burkhauser et al. (2009) ont recensé les études existantes et n’ont trouvé « aucun élément démontrant que la mobilité s’accentue au fil du temps ». Burkhauser et Couch (2009) fournissent un aperçu d’études nationales récentes et parviennent à la conclusion que la mobilité en termes de salaires, de revenus d’activité et de revenus est restée stable, voire qu’elle a peut-être régressé aux États-Unis. Gernandt (2009) constate que la mobilité salariale a diminué en Allemagne entre les années 90 et le milieu des années 2000. Aaberge et al. (2013), qui étudient la mobilité pour les 1 % de ménages les plus riches en Norvège, observent que la mobilité au sommet de la distribution est en hausse constante depuis les années 90. Jäntti et al. (2010) constatent une diminution de la mobilité au sommet de l’échelle des revenus en Finlande, tandis que Jenkins (2011) observe que la mobilité a été globalement stable au Royaume-Uni. Enfin, Oh et Choi (2014) et An et Bosworth (2013) mettent en évidence un recul de la mobilité en Corée par rapport aux années 90.
2.3.1. La mobilité réduit moins les inégalités que par le passé
La section 2.1 a montré que le passage du temps contribuait à lisser les revenus à long terme, les inégalités étant moins fortes lorsqu’elles sont mesurées à partir du revenu individuel cumulé sur plusieurs années que lorsque l’on retient la moyenne des inégalités transversales. Ce phénomène est cependant moins net aujourd’hui que dans les années 90, la mobilité sur l’échelle des revenus ayant diminué. Alors que l’écart entre le coefficient de Gini calculé sur longue période et le coefficient de Gini transversal était de 2.6 points de Gini dans les années 90, il s’établit maintenant à 2.1 (voir le Graphique 2.11). Cette évolution peut sembler modeste en moyenne, mais elle est plus marquée dans certains pays, en particulier en Corée, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et en Finlande, où le passage du temps amortissait nettement plus les inégalités transversales dans les années 90 qu’aujourd’hui.
2.3.2. La mobilité sur l’échelle des revenus a régressé par rapport aux années 90
La diminution de la mobilité sur l’échelle des revenus par rapport à la fin des années 90 concerne également la mobilité positionnelle. Les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle ont moins de chances de grimper et celles qui se trouvent au sommet ont moins de risques de régresser. Deux méthodes permettent de confirmer cet accroissement de l’immobilité de l’échelle des revenus :
la première repose sur l’analyse de données longitudinales disponibles pour les années 90 et leur comparaison avec des données similaires se rapportant aux années 2010 ;
la deuxième consiste à estimer la persistance aux deux extrémités de la distribution des revenus sur une période plus longue et ininterrompue (allant du début des années 90 au début des années 2010) à partir d’estimations en pseudo-panel.
Les individus se trouvant dans une tranche de revenu donnée ont une probabilité plus forte d’y rester aujourd’hui que par le passé. Les estimations réalisées à partir des données longitudinales disponibles (première méthode) montrent qu’à la fin des années 90, 53 % des personnes appartenant au quintile inférieur s’y trouvaient encore quatre plus tard, alors que ce pourcentage s’établit à 58 % lorsqu’il est calculé à partir des données disponibles les plus récentes (Graphique 2.12). Dans les années 90, 39 % des individus initialement situés au milieu de la distribution (du deuxième au quatrième quintiles) y restaient, contre 42 % dans les années 2010. Enfin, 65 % des personnes appartenant au quintile supérieur y restaient, contre 70 % lorsque la mesure est effectuée à partir des données disponibles les plus récentes. Les résultats restent les mêmes après neutralisation des effets de la composition de la population par âge et niveau d’études et de la croissance économique (voir l’Annexe 2.B).
La persistance des revenus a augmenté au sommet et au bas de l’échelle en Corée, en Autriche, en Espagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Elle s’est intensifiée davantage au sommet au Danemark, en Belgique, en Irlande et en Allemagne et davantage en bas au Canada, en Finlande, en Italie et au Portugal. Jäntti et al. (2010), qui s’intéressent à la mobilité parmi les 1 % de ménages les plus riches en Finlande, parviennent également à la conclusion que la mobilité a diminué par rapport au début des années 90. Saez et Veall (2005) s’appuient sur des données canadiennes sur le revenu pour conclure que la mobilité ne s’est pas accentuée ces dernières années au Canada et que la récente hausse de la concentration du revenu annuel est associée à une augmentation de même ampleur des inégalités de revenu permanent. Le Royaume-Uni se démarque très clairement de ce schéma, la persistance du revenu ayant nettement diminué au bas de l’échelle. Cette baisse pourrait être en partie imputable à un taux de chômage plus faible et aux réformes des prestations en espèces et des crédits d’impôt engagées durant les années 90 et au début des années 2000 (par exemple la création du Working Families Tax Credit et du Child Tax Credit), ainsi qu’à l’instauration d’un salaire minimum national dans le cadre de la politique visant à « rendre le travail payant » (Jenkins, 2011). Toutefois, dans ce pays, cette moindre persistance des bas revenus s’est accompagnée d’une augmentation de la récurrence des épisodes de pauvreté (Fouarge et Layte, 2005 ; Jenkins, 2011).
Comme il existait autrefois peu de données longitudinales sur le revenu, il n’est pas possible de vérifier en utilisant la même méthode si ces résultats se confirmeraient pour d’autres périodes. Néanmoins, la deuxième méthode – celle du pseudo-panel – permet d’obtenir des informations complémentaires (voir l’Encadré 2.2). Cette méthode fait en effet appel à des données en coupe transversale, lesquelles sont beaucoup plus nombreuses. Elle permet d’estimer, moyennant quelques hypothèses, des matrices de transition. Elle donne des résultats moins robustes que ceux obtenus au moyen de vraies données longitudinales, mais l’analyse porte sur une période plus longue.
La mesure effectuée sur une période plus longue avec la méthode de pseudo-panel met en évidence des tendances similaires à celles obtenues à partir de données longitudinales, mais aboutit à des niveaux différents. La mobilité a régressé par rapport aux années 90 : les chances de passer du quintile inférieur à un quintile plus élevé ont diminué dans la plupart des pays de l’OCDE (Graphique 2.13). Dans les années 90, une personne se trouvant dans le quintile inférieur avait en moyenne une probabilité égale à 60 % d’accéder à un quintile plus élevé à brève échéance, tandis qu’aujourd’hui, cette probabilité n’est plus que d’environ 40 %. Quant à la persistance des revenus du quintile supérieur, elle était d’environ 44 % dans les années 90 et a atteint 57 % aujourd’hui.
S’agissant de l’évolution de la mobilité pour les personnes situées au milieu de la distribution, il existe des indices de l’apparition d’un clivage entre la classe moyenne inférieure et la classe moyenne supérieure par rapport aux années 90. Le risque de basculer dans le quintile inférieur auquel sont exposées les personnes appartenant à la classe moyenne inférieure (deuxième quintile) a légèrement augmenté en moyenne (de 0.3 point), tandis que la probabilité de passer dans le quintile supérieur a diminué (de 0.8 point, voir le Tableau 2.1). En revanche, les personnes appartenant à la classe moyenne intermédiaire et à la classe moyenne supérieure sont légèrement moins exposées au risque de basculer dans le quintile inférieur qu’elles ne l’étaient à la fin des années 90 (la différence est supérieure à un point). Cette accentuation du clivage est particulièrement nette en Autriche, en Espagne, au Portugal et au Royaume-Uni, où la probabilité de basculer dans le quintile inférieur a augmenté de 3 points voire plus pour les membres de la classe moyenne inférieure (voir Annexe 2.B).
S’agissant de la mobilité ascendante, l’accentuation de la persistance au sommet s’explique en partie par la diminution des chances de passer du quintile inférieur et des quintiles intermédiaires (trois premiers quintiles) aux quintiles supérieurs. Il en va particulièrement ainsi en Irlande, en Autriche, au Danemark, en Espagne et au Portugal (voir Annexe 2.B).
Encadré 2.2. Techniques d’estimation en pseudo-panel : estimation de la mobilité positionnelle à partir de données en coupe transversale
Pour estimer la persistance du revenu et la mobilité positionnelle au sommet et en bas de la distribution des revenus, il est nécessaire de recourir à des données longitudinales sur le revenu, en d’autres termes à des données issues d’enquêtes qui suivent les mêmes individus au fil du temps. Or, il est rare que des données de ce type existent pour tous les pays et toutes les périodes (voir Annexe 2.A). Pour contourner cet obstacle, il est possible de faire appel à des méthodes de pseudo-panel, qui reposent sur l’utilisation de données en coupe transversale (recueillies auprès des individus à une seule date, sans suivi dans le temps). On utilise souvent cette technique pour évaluer la trajectoire de la croissance des revenus et des inégalités (Ferreira et al., 2012 ; OCDE, 2017a). Dans cette partie et dans la section suivante, on l’utilise pour réaliser une mesure complémentaire de la mobilité sur l’échelle des revenus portant sur un plus grand nombre de pays et une période plus longue que ce qui aurait été possible au moyen des seules données longitudinales. Le modèle est utilisé pour mesurer (séparément) les transitions depuis et vers les quintiles inférieur et supérieur.
L’approche retenue, décrite à l’Annexe 2.C, s’appuie sur la méthodologie proposée par Dang et al. (2014) et Dang et Lanjouw (2013). Les techniques de pseudo-panel reposent sur l’hypothèse selon laquelle il est possible de suivre les individus dans le temps à partir de leurs caractéristiques invariantes (niveau d’études, cohorte et sexe, par exemple) en étudiant d’autres sujets présentant les mêmes caractéristiques invariantes. Le revenu de chaque individu tel qu’il ressort des données les plus anciennes (t0) et des données récentes (t1) est décomposé en deux fractions : la part du revenu expliquée par ces caractéristiques invariantes dans le temps (sexe, niveau d’études et cohorte) et un résidu. On estime la probabilité que les revenus appartiennent au premier quintile (ou au cinquième) à chacune des deux périodes en faisant appel à une hypothèse concernant la distribution des résidus (distribution normale bivariée).
Cette méthode n’est pas sans limites : les caractéristiques invariantes dans le temps sont souvent peu nombreuses et imprécises ; les estimations sont fondées sur une hypothèse forte concernant la distribution des résidus ; avec cette méthode, la population est supposée constante et il n’est pas tenu compte des effets des migrations, ce qui peut poser un problème, en particulier quand on l’utilise pour évaluer des tendances sur longue période.
Tableau 2.1. Probabilité d’appartenir au bas ou au sommet de la distribution des revenus après quatre ans, selon le quintile de revenu initial
Moyenne pour l’OCDE-14, comparaison entre la fin des années 90 et les années 2010
Quintile de revenu initial |
Probabilité d’appartenir au quintile inférieur après quatre ans (%) |
Probabilité d’appartenir au quintile supérieur après quatre ans (%) |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
Fin des années 90 |
Début des années 2010 |
Écart |
Fin des années 90 |
Début des années 2010 |
Écart |
|
Inférieur |
53.4 |
57.4 |
4.0 |
4.1 |
3.6 |
-0.6 |
Q2 |
21.8 |
22.1 |
0.3 |
4.4 |
3.7 |
-0.8 |
Q3 |
9.6 |
8.3 |
-1.3 |
8.8 |
7.8 |
-1.0 |
Q4 |
5.3 |
4.2 |
-1.1 |
23.0 |
23.9 |
0.9 |
Supérieur |
3.1 |
2.1 |
-1.1 |
65.7 |
69.7 |
4.1 |
Note : Ce tableau compare les matrices de transition moyennes pour 14 pays de l’OCDE, estimées sur quatre années de la fin des années 90 (1994-1997 à 1997-2000) et du début des années 2010 (2010-2013 à 2011-2014). Chaque ligne indique, pour chaque quintile, le pourcentage de personnes d’âge actif appartenant quatre ans plus tard au quintile indiqué en tête de la colonne. La troisième colonne, à droite, correspond à l’écart entre le pourcentage obtenu pour les années 2010 et celui obtenu pour les années 1990. OCDE-14 correspond à la moyenne pour les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni.
Source : Calculs du Secrétariat de l’OCDE à partir des données des enquêtes UE-SILC, PCM et CNEF.
2.3.3. Mobilité tout au long du cycle de vie pour différentes cohortes : la mobilité ascendante semble régresser
Quels sont les facteurs à l’origine de la diminution de la mobilité constatée aux deux extrémités de la distribution des revenus par rapport aux années 90 ? Il est possible d’obtenir un premier élément de réponse en regroupant les individus par cohorte de naissance et niveau d’études et en comparant la position des différentes cohortes sur l’échelle des revenus. En moyenne, jusqu’aux générations nées dans les années 60, chaque cohorte a perçu des revenus plus élevés que les cohortes précédentes au même âge. La tendance s’inverse cependant pour les générations nées dans les années 60 et 70 (OCDE, 2017a). Après analyse de ces tendances dans les différentes tranches de revenu, il apparaît que la mobilité ascendante sur l’ensemble du cycle de vie est plus faible pour les jeunes générations qu’elle ne l’était pour les générations plus âgées.
Parmi les personnes qui ont un niveau d’études bas, la mobilité ascendante est plus faible pour la génération née dans les années 70 que pour celle née dans les années 50. Quelque 28 % des personnes ayant un faible niveau d’études nées dans les années 50 appartenaient au quintile de revenu inférieur à 40 ans, contre 38 % de celles âgées de 40 ans dans les années 2010 (Graphique 2.14, partie A). Cette tendance est particulièrement marquée en France et en Allemagne par exemple (voir Annexe 2.B, Annexe 2.D).
Par ailleurs, parmi les personnes qui exercent une profession moyennement qualifiée, la génération née dans les années 70 a vu sa mobilité ascendante comme descendante régresser comparativement à la génération née dans les années 50 (Graphique 2.14, partie B).
Les personnes qui ont un haut niveau études représentent une forte proportion des individus appartenant aux quintiles de revenu les plus élevés. Plus les personnes avancent en âge, plus elles sont susceptibles de se situer dans le quintile supérieur, ce qui signifie que la mobilité ascendante est corrélée avec l’âge. Une comparaison entre générations révèle toutefois que ce lien s’est quelque peu affaibli. Ainsi, 43 % des individus ayant un niveau d’études élevé nés dans les années 50 appartenaient au quintile supérieur à 40 ans, contre 34 % seulement de leurs homologues nés dans les années 70. Cette tendance est particulièrement nette en Espagne, par exemple (voir Annexe 2.D).
2.4. économies émergentes : une mobilité des revenus globalement plus forte
Cette section porte sur la mobilité positionnelle dans certaines grandes économies émergentes, en l’occurrence le Brésil, la Chine, la Colombie, l’Indonésie, le Mexique, la Fédération de Russie et l’Afrique du Sud. Les caractéristiques de la distribution des revenus de ces pays diffèrent à plusieurs égards de ce qui est observé dans la plupart des pays de l’OCDE. Premièrement, les inégalités de revenu sont généralement plus fortes dans les économies émergentes que dans la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2015a ; OCDE, à paraître-b). Deuxièmement, contrairement à ce qui s’est produit dans les pays de l’OCDE, les inégalités de revenu ne se sont pas creusées dans tous les pays émergents ces vingt ou trente dernières années. Le Brésil, par exemple, est parvenu à les réduire depuis le début des années 2000. à l’inverse, les inégalités se sont accentuées en Chine, en Indonésie et en Afrique du Sud et sont actuellement nettement supérieures à la moyenne de l’OCDE, même si elles semblent s’être récemment stabilisées en Chine. Troisièmement, la taille de la classe moyenne (percevant un revenu compris entre 75 % et 200 % du revenu médian) est nettement plus petite dans les économies émergentes que dans la plupart des pays de l’OCDE, tandis que la taille de la catégorie située au sommet de l’échelle des revenus est souvent deux fois plus grande que dans les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître-b ; OCDE, à paraître-c).
Certains des facteurs économiques à l’origine des fortes inégalités de revenu constatées dans les économies émergentes diffèrent de ceux à l’œuvre dans la plupart des pays de l’OCDE. Ainsi, la persistance d’importants écarts de performances économiques entre régions joue un rôle particulièrement grand. En outre, les inégalités sont en général étroitement liées à d’autres facteurs, en l’occurrence les disparités ethniques, ainsi que les disparités en matière d’acquis scolaires et de situation du marché du travail. L’emploi informel occupe souvent une place importante dans les économies émergentes, ce qui a une forte incidence sur la situation des individus sur le marché du travail et la qualité des emplois (OCDE, 2015b ; Lopez-Calva et Ortiz‑Juarez, 2014).
Ces dernières années, la plupart des économies émergentes ont renforcé leur système de protection sociale et de redistribution afin de lutter contre une pauvreté et des inégalités élevées (OCDE, à paraître-b). Dans certains pays, il en a résulté une plus grande mobilité ascendante (absolue) pour les catégories situées en bas de l’échelle des revenus et l’apparition d’une « nouvelle classe moyenne » (Graphique 2.15, OCDE, à paraître-c).
Compte tenu de ces spécificités, il y a tout lieu de penser que le profil de la mobilité des revenus n’est pas le même dans les pays émergents que dans la zone OCDE. L’analyse présentée dans cette section porte sur la fraction de la population restée dans les quintiles de revenu inférieur et supérieur. Dans les pays de l’OCDE, le premier quintile correspond souvent en partie à la pauvreté monétaire, tandis que le cinquième quintile représente une catégorie beaucoup plus large que le seul sommet de la distribution, englobant aussi des fractions de la classe moyenne aisée. Il en va autrement dans les économies émergentes. étant donné la forme de la distribution des revenus, le quintile inférieur correspond schématiquement à la pauvreté extrême, tandis que la population des deux premiers quintiles au moins est en situation de pauvreté.
Dans l’ensemble, il y a plus de mobilité (ou moins de persistance) au sommet et surtout au bas de la distribution des revenus dans les économies émergentes que dans les pays de l’OCDE (Graphique 2.16). Au sein du groupe formé par les économies émergentes, la mobilité est plus faible dans la Fédération de Russie, au Mexique et en Colombie, 55 % à 65 % des personnes qui se trouvaient initialement dans le quintile inférieur (ou supérieur) y étant restées. Au Mexique, le recul de l’extrême pauvreté a probablement permis à l’ensemble de la population la plus défavorisée d’accéder à un revenu plus élevé, mais n’a que peu modifié la hiérarchie des différentes catégories de la population (parce qu’une grande partie des personnes qui étaient dans le quintile inférieur y sont demeurées). Il en va de même en Colombie. Par ailleurs, il ressort d’une analyse de données fiscales qu’au Mexique, la mobilité au sommet de l’échelle des revenus a été faible entre 2009 et 2012 (Sandoval, 2015).
L’Indonésie, l’Afrique du Sud, la Chine et, jusqu’à un certain point, le Brésil affichent une mobilité plus forte que les autres pays émergents. En conséquence, les personnes appartenant au premier quintile ont plus de chances de se hisser jusqu’au milieu de la distribution. Pour ce qui est de l’Afrique du Sud, les résultats obtenus à partir de données longitudinales sur le revenu laissent cependant penser que la mobilité au sommet est en réalité plus faible que ce qui ressort des estimations en pseudo-panel (environ 68 % des individus appartenant initialement au quintile supérieur y restant) (NIDS, 2013 ; Finn et al., 2013). De tous les pays émergents étudiés, l’Indonésie est celui qui affiche la mobilité la plus forte, ce qui est le signe d’une stratification moins marquée que dans les autres pays et indique qu’une partie de la population a plus de chances de se hisser à un niveau plus élevé de la distribution11. Les économies émergentes voient elles aussi la mobilité diminuer légèrement au fil du temps, la persistance au bas et au sommet de la distribution étant plus forte qu’au début des années 2000 au Mexique, en Colombie et dans la Fédération de Russie (voir Annexe 2.C). Clément (2016) parvient à une conclusion similaire pour la Chine12.
2.5. Profils de l’évolution des revenus et taxonomie des pays
L’évolution des revenus individuels peut avoir plusieurs origines : elle peut résulter du ruissellement de la croissance économique, du rendement de l’expérience et de l’investissement dans la formation, du rendement de caractéristiques individuelles non observées ou de variations imprévisibles du revenu (« chocs »). De surcroît, ces origines varient selon les institutions et les politiques menées. Ainsi, il arrive que des économies qui connaissent une forte expansion soient dotées de politiques qui permettent un partage de la croissance du revenu au sein d’une grande partie de la population tout en favorisant les personnes qui ont le niveau d’études le plus élevé. Dans les économies qui s’en remettent entièrement au marché, les revenus risquent en toute logique d’être plus instables et les variations imprévisibles plus fréquentes (Gangl, 2005). Dans la section qui suit, on décrit le rôle des divers phénomènes à l’origine d’évolutions du revenu en valeur absolue afin d’isoler les différents processus à l’œuvre. La section décrit différents scénarios propres à tel ou tel groupe de pays en ce qui concerne la mobilité des revenus mesurée à partir de panels suivis sur quatre ans au cours de la période 2008-14.
2.5.1. La structure de l’évolution des revenus
Les inégalités de revenu comportent deux composantes : une composante permanente et une composante dynamique. La composante permanente rend compte du degré de stratification de la société, c'est-à-dire de la fraction des inégalités qui est immuable. Elle a pour indicateur indirect les inégalités mesurées sur la base du revenu moyen perçu au cours de l’ensemble de la période considérée13. Cette composante est décrite dans la section 2.1 (Graphique 2.1). Elle représente une grande part des inégalités de revenu, mais par nature, elle n’est pas une cause d’évolution des revenus. Suivant Gangl (2005), la fraction dynamique du revenu peut elle-même être divisée en quatre composantes, dont deux sont communes à l’ensemble des citoyens et deux sont individuelles. Les caractéristiques techniques de ce modèle sont décrites dans l’Encadré 2.3:
Les deux composantes (type 1) communes à l’ensemble des citoyens d’un pays permettent d’évaluer dans quelle mesure les fruits de la croissance économique sont partagés (effet de la croissance du revenu réel, colonne 1.a du Tableau 2.2) et de mesurer si les habitants d’un pays s’enrichissent à mesure qu’ils vieillissent (effet de cycle de vie, colonne 1.b du Tableau 2.2). La première composante, à savoir l’effet de la croissance du revenu réel (1a), n’a que peu d’importance comparativement aux effets individuels décrits ci-après ; la deuxième (1b) joue un rôle plus grand dans la structure de l’évolution des revenus, surtout dans certains pays (voir ci-après). Ces deux effets sont significatifs.
Les deux composantes dynamiques individuelles (type 2) rendent compte de la diversité des trajectoires individuelles après prise en compte des deux premiers effets. Elles correspondent à une trajectoire individuelle (colonne 2.a du Tableau 2.2) et à des chocs imprévisibles (colonne 2.b du Tableau 2.2). La trajectoire individuelle rend compte de la fraction de l’évolution du revenu qui dépend de caractéristiques individuelles (2a), par exemple du niveau d’études, de la position initiale sur l’échelle des revenus ou de caractéristiques non observées. D’après les estimations actuelles, elle est relativement limitée, sans doute parce que les panels sont suivis sur une période relativement courte (quatre ans). Les chocs imprévisibles (2b) ne sont pas répartis de manière aléatoire. Leur fréquence et leur ampleur peuvent être associées à certaines variables indicatrices d’une plus grande précarité économique. Selon les estimations présentées ci-après, c’est cet effet qui domine actuellement la structure de l’évolution des revenus. Gangl (2005) a conclu à un rôle plus grand des tendances individuelles dans cette structure.
Le Tableau 2.3 présente la taxonomie des pays établie à partir de ces estimations. Les profils de la mobilité spécifiques aux différents pays laissent penser que l’évolution des revenus est liée à la structure des systèmes de protection sociale. Il est possible de regrouper les pays en fonction de leur degré de stratification sociale « permanente » et de la taille des chocs sur le revenu subis par les individus. Schématiquement, ce regroupement permet de dégager deux scénarios extrêmes diamétralement opposés du point de vue de la stratification sociale : un scénario « forte stratification – nombreux chocs sur le revenu imprévisibles » et un scénario « faible stratification – chocs sur le revenu imprévisibles moins nombreux » (Tableau 2.3) :
La Grèce, l’Espagne, la Lettonie, l’Estonie, la Corée et les États-Unis forment un groupe de pays cumulant une forte stratification sociale et un grand nombre de chocs imprévisibles sur le revenu.
La Turquie, le Portugal et l’Italie ont également en commun une forte stratification sociale, mais les chocs imprévisibles ont une moindre importance.
En Autriche, au Japon, en Norvège, au Royaume-Uni et en Australie, les chocs imprévisibles sont nombreux, mais la stratification sociale est moins forte.
à l’autre extrémité du spectre, la République tchèque, la Slovénie, la Finlande, la Belgique, la France, le Danemark et les Pays-Bas se caractérisent par la faiblesse de la stratification sociale et la rareté des variations imprévisibles du revenu.
En Allemagne et au Luxembourg, les chocs sur le revenu sont rares également, mais la stratification sociale est plus faible (inégalités de revenu permanent).
L’Islande et la Suisse se caractérisent par le même degré de stratification sociale, mais les chocs imprévisibles y ont une importance moyenne.
Le groupe formé par la Hongrie, la Slovaquie, la Suède, la Pologne et l’Irlande se trouve dans une position intermédiaire.
Il est possible d’analyser de façon plus précise la structure de l’évolution des revenus dans chaque pays en comparant l’importance de chaque composante à la moyenne de l’OCDE.
Tableau 2.3. Profil de la mobilité sur l’échelle des revenus dans les différents pays : synthèse
Stratification sociale (part des inégalités de revenu permanent dans les inégalités totales) |
||||
---|---|---|---|---|
Stratification |
Stratification intermédiaire |
Stratification plus faible |
||
Importance des chocs imprévisibles sur le revenu (composante 2b) |
Faible |
Allemagne Luxembourg |
République tchèque, Slovénie, Finlande, Belgique, France, Danemark, Pays-Bas |
|
Intermédiaire |
Turquie, Portugal, Italie |
Hongrie, Pologne, Irlande, République slovaque, Suède |
Islande, Suisse |
|
Forte |
Grèce, Espagne |
|||
Lettonie, Estonie, Corée |
Autriche, Japon, Norvège |
|||
États-Unis |
Royaume-Uni, Australie |
Note : Pour évaluer la taille d’un effet (faible/intermédiaire/forte), on a divisé en terciles la distribution des revenus dans les différents pays.
Source : Voir le Tableau 2.2 pour une estimation détaillée des composantes.
Encadré 2.3. Décomposition de l’évolution des revenus
Pour la principale décomposition utilisée dans cette section, nous suivons Gangl (2005). La méthode est illustrée par le Graphique 2.17. La trajectoire individuelle des revenus au fil du temps est décomposée en trois composantes : une droite commune à tous les individus (ligne pleine noire, correspondant à la composante 1), une droite individuelle (droite en pointillés bleu foncé, correspondant à la composante 2a) et les résidus individuels (correspondant à la composante 2b). On trouve des décompositions similaires dans Nichols (2008 ; 2010), Nichols et Rehm (2014) et Chan et al. (à paraître).
Le revenu (représenté par une échelle logarithmique) est divisé en deux composantes : une composante permanente et une composante dynamique englobant elle-même 1a) l’effet de la croissance du revenu réel, 1b) l’effet de cycle de vie, 2a) les variations de revenu hétérogènes et 2b) les chocs transitoires sur le revenu (Gangl, 2005) :
= (1)
où Yit désigne le log des revenus, ui l’effet fixe individuel et où b et g sont les coefficients décrivant respectivement la croissance du revenu total au niveau du pays (1a) et le rendement de l’âge (1b). bi désigne les effets fixes individuels (2a) et eit correspond aux chocs individuels sur le revenu (2b).
L’estimation est effectuée en deux étapes, au niveau des pays (une estimation par pays). ui, b et g sont estimés au moyen d’un modèle à effets fixes classique et bi et eit sont estimés au niveau individuel.
Les résultats sont analysés au moyen d’une décomposition qui met en évidence l’impact de chaque composante par rapport à la variance du log des revenus. La variance du log des revenus est traitée comme si elle constituait un indicateur des inégalités (indice d’entropie d’Atkinson). à titre de comparaison, le coefficient de Gini, souvent utilisé pour mesurer les inégalités, est aussi un indicateur d’Atkinson dont le paramètre d’aversion aux inégalités est fixé à 2 – signe d’une moindre aversion aux inégalités en bas de la distribution. La somme des variances de chaque composante n’est pas égale à la variance de yit, en raison de possibles effets de covariance entre les composantes, non pris en compte ici. Par définition, la composante (2) est commune à tous les citoyens d’un pays et ne contribue pas aux inégalités. Elle n’est donc pas incluse dans la décomposition des inégalités. Les estimations sont réalisées à partir de panels suivis sur quatre ans, ce qui est court pour isoler correctement la dynamique du revenu permanent. Il s’agit cependant de la durée la plus commode pour comparer un grand nombre de pays. Les résultats de l’estimation sont présentés dans le Tableau 2.2.
2.5.2. Effets de la croissance du revenu réel sur la mobilité individuelle sur l’échelle des revenus
La première composante commune de l’évolution des revenus (composante 1a dans le Tableau 2.2) correspond à l’effet de la croissance du revenu réel, en d’autres termes à la fraction de la variation du revenu induite par la croissance économique et commune à tous les individus ou groupes d’individus. Les gains/pertes de revenu étant plus fréquents en période de croissance/ralentissement de l’économie, les trajectoires de revenu individuelles s’expliquent en partie par la conjoncture économique. Bien que les revenus individuels ne réagissent pas tous de la même manière à la croissance économique, il est permis de penser que la croissance entraîne une variation du revenu plus ou moins importante pour l’ensemble de la population.
La fraction de la variation du revenu individuel induite par la croissance est significative mais limitée (Tableau 2.2et Graphique 2.18). Elle indique dans quelle mesure la croissance économique « ruisselle » jusqu’aux revenus des ménages. Dans les pays durement touchés par la crise comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Italie, tous les revenus ont, en moyenne, subi un effet négatif. Dans les pays qui ont connu une croissance économique positive ces dernières années, par exemple la Corée, la Turquie et l’Estonie, on observe, en moyenne, un effet positif en termes de variation des revenus.
2.5.3. Effets du cycle de vie sur la mobilité des revenus
Le deuxième effet commun à tous les citoyens dépend de l’âge (composante 1b dans le Tableau 2.2). Il rend compte de l’effet de l’âge sur la variation des revenus au niveau d’un pays et on le mesure en prenant les jeunes comme groupe témoin. En retenant les cohortes jeunes comme base de comparaison, on observe que le revenu disponible équivalent individuel connaît un pic aux environs de 30 ans et de 55 ans. Avant 30 ans, il progresse légèrement avec l’âge, les jeunes accédant au marché du travail (Graphique 2.19). Entre 30 et 42 ans, il fléchit un peu, probablement sous l’effet conjugué de la hausse des revenus tirés du travail au sein des ménages et de l’augmentation du nombre d’enfants14. On observe en moyenne une diminution des revenus à partir de 55 ans, due aux sorties progressives du marché du travail. à cet effet global du cycle de vie lié à l’âge s’ajoutent d’énormes disparités entre les individus en ce qui concerne l’évolution des revenus.
2.5.4. Variations individuelles du revenu et chocs touchant le revenu
Les variations individuelles s’ajoutent à l’évolution du revenu total due à la croissance économique et à l’âge. Elles comprennent deux composantes :
La première composante de la mobilité sur l’échelle des revenus – les trajectoires individuelles du revenu permanent (composante 2a) – est structurelle et prévisible. Elle correspond à l’évolution du revenu des personnes, compte tenu de leur situation initiale : celles qui ont un niveau d’études élevé (caractéristique observable) ou sont plus motivées pour travailler (caractéristique non observable), par exemple, peuvent espérer bénéficier d’une plus grande mobilité de revenu. Sa variance est particulièrement forte pour les jeunes générations, ce qui témoigne de la diversité des trajectoires suivies par les revenus en début de carrière.
La deuxième composante de la mobilité correspond aux chocs transitoires individuels sur le revenu (composante 2b), lesquels ne sont pas prévisibles (Gangl, 2005 ; Nichols, 2008 ; 2010). Certains de ces chocs sont transitoires et ont une moindre incidence sur le revenu permanent et le bien-être, tandis que d’autres peuvent avoir des conséquences durables. Tel peut par exemple être le cas d’une perte d’emploi ou d’un divorce. à l’inverse, un choc sur le revenu peut être positif, par exemple si la personne trouve un emploi ou si son conjoint change d’emploi pour un meilleur poste ou encore lorsqu’un jeune adulte quitte le domicile parental.
2.5.4.1. Trajectoires de revenu individuelles
Il est possible de donner une image synthétique des trajectoires individuelles en identifiant des tendances communes au sein de sous-groupes de la population (généralement définis par l’âge ou le quintile de revenu initial). La fraction des inégalités de revenu total imputable à des variations de revenu individuelles prévisibles est très faible. Ce résultat s’explique sans doute par le fait que le modèle est estimé sur une période courte (quatre ans), si bien qu’il est plus difficile d’identifier correctement les tendances individuelles et les chocs imprévisibles.
En moyenne, la hausse du revenu – nette de la croissance globale du revenu réel et de l’effet du cycle de vie – est plus forte parmi les personnes qui ont le niveau d’études le plus élevé. De surcroît, la variation autour de la moyenne est plus faible au sein de ce groupe, ce qui est le signe d’une plus grande homogénéité des trajectoires de revenu individuelles que parmi les personnes qui ont un niveau d’études plus bas.
Les trajectoires individuelles diffèrent également en fonction de la position initiale sur l’échelle des revenus. Dans la plupart des pays, la croissance du revenu est légèrement plus élevée parmi les personnes appartenant aux quintiles de revenu inférieurs. Ce constat confirme qu’il existe un effet de rattrapage pour les personnes à bas revenu, à savoir qu’en moyenne, leur revenu progresse plus vite que celui des personnes aisées. Toutefois, la variance des trajectoires individuelles est aussi plus grande en bas de la distribution, ce qui témoigne d’une plus grande diversité des trajectoires individuelles à ce niveau de l’échelle. Le rattrapage économique observé en moyenne en bas de la distribution ne profite pas à toutes les personnes à bas revenu – ce qui confirme la forte persistance des bas revenus décrite dans la section 2.2 : alors que certaines personnes modestes voient leur revenu progresser fortement et sortent du quintile inférieur, d’autres sont condamnées à y rester.
2.5.4.2. Chocs individuels sur le revenu : l’évolution des revenus est hétérogène en bas de l’échelle
Si l’on retient une hypothèse d’aversion au risque, toutes choses égales par ailleurs, les individus préfèrent des revenus réguliers à des revenus très instables ; en d’autres termes, il faut plus d’un dollar de gain pour compenser un dollar de perte (Osberg, 2015 ; Pew, 2015)15. Les chocs individuels sur le revenu ne sont pas nécessairement neutres pour le bien-être individuel. Pour ce qui est des chocs positifs, les agents économiques préfèrent voir leur revenu croître régulièrement qu’irrégulièrement ; s’agissant des chocs négatifs, il risque d’y avoir un effet négatif sur le revenu, même s’il n’est que transitoire.
Des mécanismes d’assurance peuvent aider à affronter les chocs négatifs. Les individus disposent parfois d’une épargne dans laquelle ils peuvent puiser pendant les périodes difficiles ; ils peuvent également solliciter un prêt bancaire pour faire face à ces périodes ou avoir accès à un système de protection sociale qui amortit en partie certains des risques qui pèsent sur leur revenu. Toutefois, ces mécanismes ne fonctionnent pas parfaitement, en particulier pour certaines catégories de la population. Ainsi, les plus modestes se heurtent à des obstacles pour accéder au crédit et éprouvent plus de difficultés que les autres à épargner. Il arrive que les systèmes de protection sociale soient fragmentés et ne couvrent pas nécessairement toutes les personnes qui en ont besoin (par exemple, la protection sociale des travailleurs indépendants est limitée). Enfin, dans beaucoup de pays, les personnes isolées représentent un pourcentage croissant de la population, d’où une hausse du nombre de personnes qui ne peuvent pas compter sur le revenu d’autres membres du ménage pour amortir les chocs.
En moyenne, sur quatre années, 6 à 20 % des inégalités de revenu total sont imputables à des chocs imprévisibles sur le revenu. Ce pourcentage est légèrement inférieur aux estimations obtenues par Gangl (2005) à partir de séries de données antérieures se rapportant aux années 90 et à celles de Buchinsky et Hunt (1999) concernant les salaires. Pour ce qui est des trajectoires individuelles, la variance des chocs imprévisibles est particulièrement grande parmi les personnes du quintile de revenu inférieur, ce qui confirme la plus grande diversité des trajectoires de revenu en bas de la distribution (Graphique 2.20, Gernant, 2009). Comme mentionné précédemment, lorsque la période d’observation est courte (ici, quatre ans), il est difficile de dissocier l’effet des chocs imprévisibles de celui des trajectoires individuelles. Toutefois, les résultats obtenus laissent penser que les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus sont confrontées à des inégalités en matière de mobilité parce qu’elles sont vraisemblablement beaucoup exposées au risque de subir des chocs imprévisibles.
2.6. Conclusion
Ce chapitre présente une comparaison de l’évolution et de la mobilité des revenus dans un large éventail de pays, pour des périodes de durée différente – quelques années ou une décennie. Il montre que la mobilité atténue les inégalités, mais ne modifie en général pas la hiérarchie des pays en fonction de l’ampleur des inégalités – en d’autres termes, la mobilité des revenus n’est pas plus forte dans les pays plus inégalitaires. Cette situation est due à la faiblesse de la mobilité positionnelle aux deux extrémités de la distribution : malgré d’importantes variations des revenus en valeur absolue en bas comme au sommet de l’échelle, les plus défavorisés ont une forte probabilité de rester en bas et les plus aisés des chances encore plus grandes de rester au sommet : environ 60 % des personnes qui se trouvent dans le quintile inférieur et 70 % de celles appartenant au quintile supérieur y restent.
Les sources de données permettant d’évaluer les variations de la mobilité au fil du temps sont peu nombreuses, mais les données dont on dispose indiquent que la persistance est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a vingt ans, même après neutralisation des effets du taux de croissance économique. La raison en est que les plus modestes ont moins de chances de grimper, tandis que les plus aisés ont moins de risques de glisser vers le bas de l’échelle. Pour les membres de la classe moyenne inférieure, le risque de basculer dans le quintile inférieur est légèrement plus grand aujourd’hui qu’il ne l’était dans les années 90.
Dans les économies émergentes, la classe moyenne est plus petite que dans les pays OCDE, tandis que la taille des groupes sociaux situés aux deux extrémités de la distribution est plus importante. En outre, la mobilité est plus forte aux deux extrémités, et en particulier en bas de l’échelle, que dans la plupart des pays de l’OCDE. La mobilité ne semble pas s’être accentuée dans les économies émergentes depuis le début des années 2000 malgré des taux de croissance supérieurs à ceux enregistrés par la plupart des pays de l’OCDE.
Il ressort également du chapitre que les variations de revenu individuelles peuvent être associées à différents facteurs : elles peuvent être dues à la croissance économique, au rendement de l’expérience, au rendement de caractéristiques individuelles non observées ou encore à des variations de revenu imprévisibles. Globalement, les facteurs intervenant au niveau d’un pays dans son ensemble – par exemple la croissance économique et les effets de cycle de vie – ont un impact faible mais significatif. Les facteurs individuels ont une incidence forte et touchent davantage les plus défavorisés, ce qui est source d’incertitude et accroît l’instabilité des revenus. Le profil de la mobilité varie d’un pays à l’autre, ce qui laisse penser que les facteurs à l’origine de la mobilité dépendent des institutions et politiques.
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Annexe 2.A. Sources de données pouvant être utilisées pour mesurer la mobilité des revenus
Les chapitres 2 et 3 font appel à des données longitudinales, issues de mesures effectuées auprès d’un même groupe de personnes de manière répétée dans le temps. Ces données sont moins courantes que les données en coupe transversale habituellement utilisées. De surcroît, les enquêtes longitudinales ne suivent pas toutes les sujets sur une longue période. Burkhauser et Couch (2009) fournissent une analyse détaillée des problèmes de comparabilité et autres limites des données longitudinales sur le revenu.
L’utilisation de données de panel présente certaines limites. Outre les problèmes de mesure habituels, les enquêtes par panel peuvent comporter un biais dû à l’attrition (certains sujets cessant de participer à l’enquête avant son terme). Elles sont en outre coûteuses. De ce fait, elles sont souvent administrées auprès d’échantillons de plus petite taille que ceux retenus pour le recueil de données transversales. C’est pourquoi elles ne permettent souvent pas de réaliser des études aussi détaillées que les données transversales. Des progrès ont cependant été accomplis ces dernières décennies, et la plupart des pays de l’OCDE administrent maintenant des enquêtes longitudinales sur le revenu. Les comparaisons internationales demeurent cependant délicates, la plupart de ces sources ne faisant pas l’objet d’une harmonisation systématique.
Ce chapitre fait principalement appel à deux sources de données se prêtant à des comparaisons internationales, à savoir les statistiques de l'Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (enquête UE-SILC) et le Cross-National Equivalent File (CNEF). L’UE-SILC fournit des données construites sur une base commune pour tous les pays européens (y compris des pays non membres de l’UE comme l’Islande, la Norvège, la Suisse et la Turquie), mais sur une période très courte (quatre ans). Ces données sont collectées depuis 2005 (Tableau d’annexe 2.A.1). Auparavant, pendant les années 90, des données étaient collectées dans 14 pays européens dans le cadre du Panel communautaire des ménages (PCM). Le PCM a un inconvénient majeur, à savoir que le taux d’attrition est apparemment élevé (Burkhauser et Lilliard, 2005 ; Burkhauser et Couch, 2009), si bien qu’il faut interpréter ses résultats avec prudence. Il reste néanmoins l’unique source de données longitudinales se rapportant à un grand nombre de pays européens pendant les années 1990.
Le Cross-National Equivalent File (CNEF) fourni par l’Université d’État de l’Ohio (Frick et al., 2007) est un outil précieux pour élargir l’analyse à des pays non européens parce qu’il harmonise des séries de données longitudinales nationales collectées dans sept pays, dont quatre pays non européens. Ces séries proviennent des enquêtes suivantes : la Panel Survey of Income Dynamics (PSID), administrée aux États-Unis depuis 1968 ; l’Australian Household, Income and Labour Dynamics (HILDA), administrée en Australie depuis les années 2000 ; l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, administrée au Canada entre 1992 et 2010 ; la Korean Labour Panel Study (KLIPS), administrée en Corée de 1998 à 2013 ; le Panel Suisse des ménages, administré depuis 1998 ; le panel socioéconomique allemand (GSOEP), administré en Allemagne depuis le début des années 90 ; la Socio-Economic Panel Survey (BHPS), administrée au Royaume-Uni du début des années 90 à 2005 et le panel Understanding Society Panel (UK-HLS) administré à partir de 2009/10.
Pour certains pays, il existe plusieurs sources de données : les données pour la France sont issues à la fois de l’UE-SILC et de l’enquête Statistiques sur les revenus et les conditions de vie (SRCV), qui mesure les revenus et les conditions de vie pour des panels tournants suivis sur neuf ans, entre 2003 et 2014 ; les données pour le Royaume-Uni proviennent à la fois de l’UE-SILC et de l’enquête UK-HLS (CNEF). L’analyse reposant sur l’enquête UK-HLS réalisée pour les besoins du chapitre 2 a été effectuée en dehors du cadre du CNEF à partir de fichiers de données obtenues au moyen des méthodologies proposées par Bardasi et al. (2012) et Knies (2017), ce qui a permis d’obtenir des estimations plus récentes. Les analyses présentées dans le chapitre 3 reposent en revanche sur les données issues de l’UE-SILC pour le Royaume-Uni, ce qui permet une meilleure harmonisation des définitions relatives au marché du travail et aux ménages.
Pour les pays qui ne sont couverts ni par l’enquête SILC ni par le CNEF, on a utilisé des sources de données nationales, ce qui a permis d’étudier un éventail de pays plus large : l’enquête Keio Household Panel Survey (KHPS), regroupée avec la Japanese Household Panel Survey (JHPS) pour les vagues les plus récentes, permet de disposer de données sur le Japon au cours de la période 2008-14. Pour le Chili, on a utilisé l’enquête Casen couvrant la période 2006-09. Les données relatives à la Chine sont issues de l’enquête Chinese Family Panel Survey (CFPS), qui fournit des données pour la période 2010-2012-2014, et les résultats reposent sur les calculs de Chan et al. (à paraître). Les données relatives à la Nouvelle-Zélande sont issues de l’enquête Survey of Family, Income, and Employment (SoFIE) et les résultats reposent sur les calculs de Carter et al. (2014).
Tableau d’annexe 2.A.1. Principales sources de données longitunales sur le revenu
Cross-National Equivalent File (CNEF) |
Pays de l’UE + Norvège, Suisse, Islande (UE-SILC) |
Turquie SILC -Turquie |
Pays de l’UE-15 (PCM) |
Japon (KHPS-JHPS) |
France (SCRV) |
Chili (panel Casen) |
Chine (CFPS) |
Nouvelle-Zélande (SOFIE) |
Afrique du Sud (NIDS) |
|||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Australie (HILDA) |
Suisse (SHP) |
Allemagne (GSOEP) |
Royaume-Uni (BHPS Understanding Society) society)Society) |
Corée (KLIPS) |
États-Unis (PSID) |
Canada (EDTR) |
||||||||||
1991 |
X |
X |
X |
|||||||||||||
1992 |
X |
X |
X |
X |
||||||||||||
1993 |
X |
X |
X |
X |
||||||||||||
1994 |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||||||
1995 |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||||||
1996 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||||||
1997 |
X |
X |
X |
X |
||||||||||||
1998 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||||||
1999 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||||||
2000 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||||
2001 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||||
2002 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||
2003 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||||
2004 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||
2005 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||||
2006 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
XX |
X |
||||
2007 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X(b) |
X |
X |
|||||
2008 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||
2009 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||
2010 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||
2011 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||
2012 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
||||
2013 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||
2014 |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
|||||||||
2015 |
X |
X |
X |
Notes : La croix noire signale que des données sont disponibles pour l’OCDE ; la couleur gris clair indique que les données existent mais ne sont pas directement disponibles.
Chili, (2006) : deux enquêtes se chevauchent, à savoir le panel CASEN 1996-2006 et le panel CASEN 2006-09.
(b) signale une rupture dans la série.
Annexe 2.B. évolution de la mobilité des revenus depuis les années 90 – résultats détaillés
Cette annexe présente les matrices de transition par quintile de revenu durant la fin des années 90 et le début des années 2010. Le Tableau d’annexe 2.B.1 fournit des statistiques descriptives établies à partir des dernières données de panel sur quatre ans disponibles pour les années 90 et 2010. Le Tableau d’annexe 2.B.2 présente des estimations issues de régressions logistiques incluant des variables de contrôle du niveau d’études, de la tranche d’âge, du pays et de la croissance économique moyenne pour deux séries de panels suivis sur quatre ans entre 1994 et 1997 et 1998 et 2001 pour la fin des années 90, et entre 2008 et 2011 et 2011 et 2014 pour le début des années 2010.
Tableau d’annexe 2.B.1.Pourcentage d’individus se trouvant encore dans le même quintile de revenu après quatre ans
Pourcentage, fin des années 90 et début des années 2010
|
Premier quintile (population la plus pauvre) |
Q2 |
Q3 |
Q4 |
Cinquième quintile (population la plus riche) |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1990 |
2010 |
1990 |
2010 |
1990 |
2010 |
1990 |
2010 |
1990 |
2010 |
|
Autriche |
48.2 |
56.7 |
42.5 |
39.2 |
34.0 |
41.3 |
38.0 |
47.4 |
63.4 |
71.9 |
Belgique |
60.2 |
63.9 |
40.9 |
39.4 |
37.3 |
43.0 |
41.7 |
37.8 |
60.1 |
70.0 |
Danemark |
46.7 |
44.7 |
39.6 |
37.6 |
33.5 |
57.2 |
34.7 |
52.8 |
58.2 |
74.1 |
Finlande |
57.9 |
68.1 |
43.5 |
40.1 |
42.6 |
41.5 |
45.7 |
48.3 |
70.3 |
72.3 |
France |
56.9 |
63.6 |
45.1 |
41.6 |
43.0 |
47.1 |
49.4 |
45.9 |
74.4 |
67.8 |
Allemagne |
59.7 |
57.9 |
42.0 |
42.6 |
37.3 |
41.4 |
45.6 |
50.0 |
67.9 |
73.5 |
Grèce |
48.6 |
45.5 |
34.4 |
42.2 |
34.8 |
30.8 |
38.0 |
41.3 |
62.6 |
55.3 |
Irlande |
55.8 |
52.1 |
37.3 |
37.7 |
33.7 |
43.2 |
37.3 |
39.9 |
65.2 |
76.7 |
Italie |
56.1 |
61.9 |
41.4 |
46.7 |
35.6 |
38.8 |
41.2 |
47.9 |
65.0 |
65.5 |
Corée |
37.0 |
50.3 |
29.7 |
43.2 |
27.7 |
34.1 |
28.5 |
37.4 |
51.8 |
60.4 |
Luxembourg |
66.1 |
71.1 |
47.9 |
45.2 |
42.4 |
43.0 |
48.9 |
40.8 |
67.9 |
65.4 |
Pays-Bas |
51.6 |
69.9 |
42.7 |
38.6 |
38.4 |
37.7 |
44.3 |
47.7 |
67.6 |
73.7 |
Portugal |
57.6 |
67.1 |
37.4 |
43.5 |
40.1 |
41.9 |
48.2 |
49.6 |
75.2 |
69.7 |
Espagne |
47.3 |
65.7 |
34.8 |
43.9 |
32.6 |
44.0 |
37.1 |
47.4 |
63.6 |
71.6 |
Royaume-Uni |
59.5 |
40.1 |
39.5 |
31.7 |
38.5 |
26.7 |
41.9 |
41.4 |
66.8 |
70.5 |
États-Unis |
51.3 |
53.6 |
38.1 |
41.3 |
38.6 |
41.8 |
46.8 |
50.0 |
66.0 |
68.6 |
OCDE-16 |
53.8 |
58.3 |
39.8 |
40.9 |
36.9 |
40.8 |
41.7 |
45.3 |
65.4 |
69.2 |
Note : Le tableau compare le pourcentage d’individus qui se trouvent toujours dans le même quintile de revenu après quatre ans à la fin des années 90 et au début des années 2010. Les données se rapportent à la population d’âge actif (18-65 ans). Les données relatives à la fin des années 90 se rapportent à la période 1997-2000 pour tous les pays sauf la Corée (1998-2001). Les données relatives au début des années 2010 se rapportent à la période 2011-14 pour tous les pays sauf l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Corée et l’Irlande (2010-13). Pour les États-Unis, les données étant collectées tous les deux ans, le résultat correspond à la moyenne des résultats pour un panel suivi sur trois ans et pour un panel suivi sur cinq ans.
Source : Calculs du Secrétariat de l’OCDE. Les données se rapportant à la fin des années 90 sont issues du PCM pour tous les pays sauf l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Corée (CNEF). Les données se rapportant au début des années 2010 sont issues des enquêtes CNEF, UE-SILC et SRCV. Voir l’Annexe 2.A pour de plus amples informations sur les sources des données.
Tableau d’annexe 2.B.2. Estimation de la probabilité de rester dans le même quintile de revenu après prise en compte de l’âge, du niveau d’études, du pays et de la croissance économique
|
|
Q1 |
Q2 |
Q3 |
Q4 |
Q5 |
---|---|---|---|---|---|---|
Années 90 |
Valeur prédite |
0.500 |
0.394 |
0.358 |
0.400 |
0.642 |
|
Limite inférieure |
0.504 |
0.389 |
0.354 |
0.396 |
0.638 |
|
Limite supérieure |
0.515 |
0.399 |
0.363 |
0.405 |
0.646 |
Années 2010 |
Valeur prédite |
0.572 |
0.416 |
0.407 |
0.470 |
0.722 |
|
Limite inférieure |
0.557 |
0.402 |
0.394 |
0.457 |
0.712 |
|
Limite supérieure |
0.588 |
0.429 |
0.42 |
0.482 |
0.732 |
Note : Estimation de la probabilité de rester dans le même quintile dans les années 90 et dans les années 2010, en fonction du quintile de revenu initial et après prise en compte des effets de la tranche d’âge, de la croissance économique, du niveau d’études et du pays.
Source : Calculs du Secrétariat de l’OCDE. Les données se rapportant à la fin des années 90 sont issues du PCM pour tous les pays sauf l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Corée (CNEF). Les données se rapportant au début des années 2010 sont issues des enquêtes CNEF, UE-SILC et SRCV. Voir l’Annexe 2.A pour de plus amples informations sur les sources des données.
Tableau d’annexe 2.B.3. Probabilité de rester dans les quintiles de revenu inférieur et supérieur après quatre ans en fonction du quintile de revenu initial, comparaison entre la moyenne à la fin des années 90 et la moyenne au début des années 2010
Quintile de revenu initial |
Probabilité d’appartenir au quintile inférieur quatre ans plus tard |
Probabilité d’appartenir au quintile supérieur quatre ans plus tard |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Fin des années 90 |
Début des années 2010 |
Différence |
Fin des années 90 |
Début des années 2010 |
Différence |
||
OCDE |
Inférieur |
53.4 |
57.4 |
4.0 |
4.1 |
3.6 |
-0.6 |
Q2 |
21.8 |
22.1 |
0.3 |
4.4 |
3.7 |
-0.8 |
|
Q3 |
9.6 |
8.3 |
-1.3 |
8.8 |
7.8 |
-1.0 |
|
Q4 |
5.3 |
4.2 |
-1.1 |
23.0 |
23.9 |
0.9 |
|
Supérieur |
3.1 |
2.1 |
-1.1 |
65.7 |
69.7 |
4.1 |
|
Autriche |
Inférieur |
50.8 |
60.6 |
9.8 |
4.1 |
4.6 |
0.5 |
Q2 |
19.8 |
24.0 |
4.2 |
4.6 |
6.5 |
1.9 |
|
Q3 |
10.8 |
7.4 |
-3.4 |
10.2 |
7.5 |
-2.7 |
|
Q4 |
7.6 |
5.7 |
-1.9 |
24.6 |
24.4 |
-0.2 |
|
Supérieur |
3.5 |
1.9 |
-1.6 |
60.5 |
69.9 |
9.3 |
|
Belgique |
Inférieur |
56.7 |
63.9 |
7.2 |
6.1 |
1.3 |
-4.7 |
Q2 |
23.2 |
24.7 |
1.6 |
5.2 |
4.3 |
-1.0 |
|
Q3 |
9.2 |
6.9 |
-2.3 |
10.9 |
12.1 |
1.2 |
|
Q4 |
5.0 |
4.5 |
-0.5 |
23.2 |
23.4 |
0.2 |
|
Supérieur |
4.7 |
1.2 |
-3.6 |
59.0 |
68.7 |
9.8 |
|
Danemark |
Inférieur |
46.8 |
38.2 |
-8.6 |
6.1 |
6.6 |
0.6 |
Q2 |
21.5 |
19.3 |
-2.2 |
6.1 |
3.3 |
-2.8 |
|
Q3 |
8.4 |
2.2 |
-6.2 |
11.1 |
8.1 |
-3.0 |
|
Q4 |
7.6 |
5.7 |
-1.9 |
25.0 |
22.9 |
-2.0 |
|
Supérieur |
6.0 |
2.1 |
-3.9 |
57.7 |
75.6 |
17.9 |
|
France |
Inférieur |
58.2 |
60.5 |
2.2 |
2.5 |
2.9 |
0.4 |
Q2 |
20.8 |
21.7 |
0.9 |
2.0 |
3.1 |
1.2 |
|
Q3 |
8.5 |
7.4 |
-1.1 |
4.8 |
5.9 |
1.2 |
|
Q4 |
4.4 |
4.1 |
-0.3 |
21.9 |
20.6 |
-1.3 |
|
Supérieur |
3.4 |
3.1 |
-0.4 |
72.1 |
68.7 |
-3.4 |
|
Allemagne |
Inférieur |
58.1 |
57.3 |
-0.9 |
3.4 |
7.2 |
3.8 |
Q2 |
21.6 |
17.6 |
-4.1 |
3.0 |
2.1 |
-0.9 |
|
Q3 |
11.4 |
7.1 |
-4.3 |
6.8 |
7.5 |
0.7 |
|
Q4 |
7.1 |
3.0 |
-4.1 |
21.8 |
25.0 |
3.1 |
|
Supérieur |
4.9 |
1.4 |
-3.5 |
66.7 |
74.1 |
7.4 |
|
Grèce |
Inférieur |
49.2 |
44.1 |
-5.1 |
3.8 |
6.0 |
2.2 |
Q2 |
25.3 |
24.5 |
-0.8 |
4.6 |
3.8 |
-0.8 |
|
Q3 |
11.2 |
15.5 |
4.3 |
10.1 |
11.3 |
1.2 |
|
Q4 |
5.6 |
5.8 |
0.3 |
23.2 |
23.5 |
0.4 |
|
Supérieur |
2.7 |
2.8 |
0.1 |
63.1 |
63.4 |
0.3 |
|
Irlande |
Inférieur |
55.9 |
54.2 |
-1.7 |
2.4 |
1.9 |
-0.5 |
Q2 |
23.5 |
22.3 |
-1.2 |
3.8 |
2.3 |
-1.5 |
|
Q3 |
9.7 |
14.2 |
4.5 |
11.6 |
4.9 |
-6.7 |
|
Q4 |
5.7 |
5.3 |
-0.4 |
26.6 |
17.8 |
-8.8 |
|
Supérieur |
2.0 |
2.3 |
0.3 |
64.9 |
74.8 |
9.9 |
|
Italie |
Inférieur |
53.6 |
63.0 |
9.4 |
4.2 |
1.9 |
-2.4 |
Q2 |
23.0 |
22.9 |
-0.1 |
5.6 |
3.5 |
-2.2 |
|
Q3 |
11.0 |
7.6 |
-3.4 |
9.5 |
9.3 |
-0.3 |
|
Q4 |
4.9 |
3.9 |
-1.0 |
24.0 |
24.1 |
0.1 |
|
Supérieur |
2.6 |
1.9 |
-0.7 |
62.7 |
66.8 |
4.1 |
|
Luxembourg |
Inférieur |
62.3 |
64.2 |
1.9 |
1.2 |
1.8 |
0.5 |
Q2 |
16.8 |
15.1 |
-1.7 |
2.4 |
2.0 |
-0.4 |
|
Q3 |
6.7 |
5.7 |
-1.1 |
7.5 |
6.0 |
-1.6 |
|
Q4 |
1.2 |
2.5 |
1.3 |
26.2 |
27.7 |
1.5 |
|
Supérieur |
1.1 |
2.5 |
1.4 |
70.7 |
67.0 |
-3.7 |
|
Pays-Bas |
Inférieur |
52.5 |
60.9 |
8.4 |
6.6 |
1.5 |
-5.0 |
Q2 |
16.7 |
16.6 |
-0.1 |
5.0 |
3.6 |
-1.4 |
|
Q3 |
8.9 |
5.2 |
-3.8 |
8.3 |
5.1 |
-3.2 |
|
Q4 |
4.7 |
2.1 |
-2.6 |
23.7 |
33.0 |
9.3 |
|
Supérieur |
2.7 |
1.6 |
-1.1 |
69.5 |
74.3 |
4.8 |
|
Portugal |
Inférieur |
54.5 |
63.1 |
8.6 |
2.3 |
2.2 |
-0.1 |
Q2 |
22.0 |
25.1 |
3.1 |
4.4 |
4.6 |
0.2 |
|
Q3 |
8.6 |
10.7 |
2.2 |
8.5 |
7.2 |
-1.3 |
|
Q4 |
4.2 |
4.9 |
0.7 |
20.9 |
15.6 |
-5.3 |
|
Supérieur |
1.4 |
2.7 |
1.3 |
73.7 |
69.2 |
-4.4 |
|
Espagne |
Inférieur |
48.4 |
60.5 |
12.1 |
4.5 |
1.3 |
-3.2 |
Q2 |
22.3 |
25.1 |
2.8 |
5.7 |
2.9 |
-2.7 |
|
Q3 |
10.8 |
8.8 |
-1.9 |
9.4 |
5.6 |
-3.8 |
|
Q4 |
7.3 |
3.1 |
-4.2 |
19.9 |
20.0 |
0.1 |
|
Richest |
2.9 |
1.5 |
-1.5 |
63.4 |
71.9 |
8.5 |
|
Royaume-Uni |
Poorest |
55.9 |
44.7 |
-11.3 |
4.2 |
6.6 |
2.4 |
Q2 |
20.9 |
24.8 |
3.9 |
4.8 |
6.9 |
2.1 |
|
Q3 |
7.5 |
10.0 |
2.5 |
9.7 |
10.8 |
1.0 |
|
Q4 |
4.6 |
5.9 |
1.3 |
23.7 |
27.6 |
3.9 |
|
Supérieur |
3.6 |
2.0 |
-1.6 |
67.0 |
66.9 |
-0.2 |
|
États-Unis |
Inférieur |
46.4 |
52.3 |
5.8 |
7.0 |
2.5 |
-4.5 |
Q2 |
24.7 |
21.1 |
-3.6 |
5.1 |
3.0 |
-2.1 |
|
Q3 |
8.7 |
10.8 |
2.2 |
8.8 |
8.2 |
-0.7 |
|
Q4 |
3.6 |
6.2 |
2.6 |
22.8 |
29.4 |
6.5 |
|
Supérieur |
2.6 |
3.4 |
0.8 |
62.3 |
68.3 |
6.1 |
Note : Ce tableau compare les matrices de transition moyennes pour 14 pays de l’OCDE, estimées sur quatre années de la fin des années 90 (moyennes sur la période 1994-97 à 1997-2000) et du début des années 2010 (moyenne sur la période 2010-13 à 2011-14). Chaque ligne indique le pourcentage de personnes d’âge actif appartenant quatre ans plus tard au quintile inférieur (supérieur).
Source : Calculs de l’OCDE à partir des enquêtes UE-SILC, PCM et CNEF.
Annexe 2.C. Méthodologie utilisée pour estimer la mobilité des revenus à partir de pseudo-panels
Cette annexe décrit la méthode proposée par Dang et al. (2014) pour estimer des matrices de transition à partir de pseudo-panels. Elle porte plus particulièrement sur la version paramétrique de leur méthode et sur son développement ultérieur par Dang et Lanjouw (2013). Dang et al. (2014) font appel à ce modèle pour estimer, à partir de données sur le revenu issues de coupes transversales répétées, la probabilité de basculer dans la pauvreté et d’en sortir. Dans ce chapitre on utilise le même modèle pour évaluer les entrées et sorties du premier quintile et du quintile supérieur.
Prenons l’exemple de deux coupes transversales répétées et supposons que la population de l’échantillon est la même lors des deux vagues. Dans la suite de la présentation, les lettres A et B figurant en exposant représentent respectivement les individus de la première et de la deuxième coupe transversale.
Il est possible, à partir des observations de la coupe A, d’estimer le modèle suivant des revenus d’activité individuels au cours de la période 1, sachant que l’équation ne contient que des covariables invariantes dans le temps du côté droit
16 :
[1]
et d’obtenir des estimations pour βt=1, , et pour l’écart type du terme d’erreur σε1.
Le même modèle peut être estimé pour la période 2 à partir d’observations issues de la coupe transversale B :
[2]
En supposant que et aient une distribution bivariée normale avec un coefficient de corrélation non négatif ρ et des écarts types σε1 et σε2, le pourcentage de travailleurs de la coupe transversale B qui se trouvent dans le premier quintile durant les deux périodes (persistance en bas de l’échelle) peut être estimé comme suit :
[3]
De la même manière, le pourcentage de travailleurs de la coupe B qui se situent dans le dernier quintile aux deux périodes (persistance au sommet) peut être estimé comme suit :
[4]
En divisant ces probabilités inconditionnelles par le nombre de travailleurs qui se situent initialement dans le premier (dernier) quintile, on obtient les probabilités conditionnelles de rester dans ce quintile au fil du temps, lesquelles sont utilisées dans l’analyse principale.
La principale difficulté que pose l’application de ce modèle réside dans l’estimation de , les coupes transversales répétées ne contenant pas d’observations pour les mêmes individus suivis au fil du temps ; il est donc impossible d’estimer la corrélation sérielle des chocs individuels.
Dang et al. (2014) contournent cette difficulté en fixant par hypothèse une valeur minimale et maximale afin d’obtenir des estimations des limites inférieure et supérieure de la mobilité (plutôt que des estimations ponctuelles). Pour mettre en œuvre cette approche, il est possible de calibrer les limites inférieure et supérieure à partir de données de panel réelles provenant de périodes antérieures ou de contextes suffisamment similaires. En l’absence de telles données, Dang et al. (2014) proposent d’utiliser les valeurs extrêmes ρ = 0 (absence de corrélation sérielle) et ρ = 1 (corrélation parfaite). Cette méthode s’est révélée probante dans l’exercice de validation mené par les auteurs, les estimations de la mobilité obtenues à partir de panels réels se situant généralement dans l’intervalle délimité par les estimations des limites inférieure et supérieure. Le principal inconvénient de la méthode tient au fait que l’intervalle peut être large. De surcroît, on ne sait pas vraiment si les responsables de l’action publique doivent cibler l’estimation basse ou plutôt l’estimation haute de la mobilité. La première méthode a été retenue dans une publication récente de la Banque mondiale sur la mobilité des revenus en Amérique latine (Ferreira et al., 2012), dans laquelle les auteurs supposent que ρ = 1 et obtiennent une estimation prudente (limite inférieure) de la mobilité. Ferreira et al. (2012) avancent que cette hypothèse permet d’obtenir une meilleure évaluation de la mobilité « réelle » parce que, du fait qu’on suppose une corrélation parfaite des termes d’erreur au fil du temps, l’estimation basse est corrigée de l’erreur de mesure classique. Qui plus est, la corrélation sérielle parfaite de chocs individuels spécifiques permet d’obtenir une image plus claire de l’effet de la croissance économique sur la pauvreté globale. Comme l’analyse porte plus particulièrement sur la mobilité positionnelle et sur l’incertitude et les risques auxquels sont confrontés les individus, cette approche n’est pas adaptée.
Dans une étude complémentaire, Dang et Lanjouw (2013) présentent une approche par cohorte qui peut être utilisée pour estimer directement afin d’obtenir des estimations ponctuelles de la mobilité. Lorsque l’échantillon est suffisamment vaste, tel celui d’une enquête auprès des ménages classique, on peut les obtenir en estimant le modèle dynamique de revenus suivant pour diverses cohortes d’âge17 :
[5]
où est la moyenne de y dans la cohorte c et la période t = 1, 2.
à partir de l’estimation de [5], on peut obtenir une estimation convergente de δ et du coefficient de corrélation au niveau de la cohorte, , que l’on peut utiliser pour calculer approximativement le coefficient de corrélation au niveau individuel .
[6]
Enfin, pour estimer [3] et [4], il faut obtenir le coefficient de corrélation partielle ρ, qui exprime la corrélation sérielle des revenus conditionnée par les variables de contrôle (à savoir la corrélation sérielle dans les résidus du modèle). Comme le montrent Dang et Lanjouw (2013), ρ peut être obtenu comme suit :
[7]
Les estimations reposent sur la base de données LIS (http://www.lisdatacenter.org/). Le Tableau d’annexe 2.C.1 présente des informations sur les données disponibles sur longue période pour les différents pays. Les données correspondant aux années manquantes sont reconstituées par interpolation linéaire.
Tableau d’annexe 2.C.1. Données disponibles pour les besoins des estimations sur pseudo-panel par année et par pays
|
Milieu des années 80 |
Fin des années 80 |
Environs des années 90 |
Début des années 90 |
Milieu des années 90 |
Fin des années 90 |
Début des années 2000 |
Période antérieure à la crise |
Crise |
Dernière période disponible / postcrise |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pays de l’OCDE |
|||||||||||
Autriche |
1987-94 |
1995-97 |
2000-04 |
2004-07 |
2010-13 |
||||||
Australie |
1985-89 |
2008-10 |
|||||||||
Belgique |
1985-88 |
1988-92 |
1992-95 |
1995-97 |
1997-2000 |
||||||
Canada |
1981-87 |
1987-91 |
1991-94 |
1994-97 |
1998-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
|||
République tchèque |
1992-6 |
1996-2002 |
2002-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||
Danemark |
1987-92 |
1992-95 |
1995-2000 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||
Estonie |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||
Finlande |
1987-91 |
1991-95 |
1995-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||
France |
1984-89 |
1989-94 |
1994-2000 |
2000-05 |
2005-10 |
||||||
Allemagne |
1984-89 |
1989-94 |
1994-2000 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||
Grèce |
1995-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||||
Hongrie |
1991-94 |
1994-99 |
1999-2005 |
2005-07 |
2007-09 |
2009-12 |
|||||
Islande |
2004-07 |
2007-10 |
|||||||||
Irlande |
1987-94 |
1996-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
||||||
Israël |
1986-92 |
1992-97 |
1997-2001 |
2001-05 |
2005-07 |
2007-10 |
2010-12 |
||||
Italie |
1986-87 |
1987-89 |
1989-91 |
1991-93 |
1993-95 |
1995-98 |
2004-08 |
2008-10 |
2010-14 |
||
Luxembourg |
1985-91 |
1991-94 |
1994-97 |
1997-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||
Mexique |
1984-89 |
1989-92 |
1992-94 |
1994-96 |
1998-2000 |
2000-02 |
2004-08 |
2008-10 |
2010-12 |
||
Pays-Bas |
1983-87 |
1987-90 |
1990-93 |
1993-97 |
1999-2004 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||
Norvège |
1986-91 |
1991-2005 |
1995-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||
Pologne |
1986-92 |
1992-95 |
1995-99 |
1999-2004 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||
Espagne |
1980-85 |
1990-95 |
1995-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||
Suède |
1992-95 |
1995-2000 |
2000-05 |
||||||||
République slovaque |
1996-2004 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||
Slovénie |
1997-99 |
1999-2004 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
||||||
Suisse |
1992-2000 |
2000-02 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||
Royaume-Uni |
1999-2004 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||
États-Unis |
1986-91 |
1991-94 |
1994-97 |
1997-2000 |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||
Pays partenaires importants de l’OCDE |
|||||||||||
Brésil |
2006-09 |
2011-13 |
|||||||||
Colombie |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||||
Russie |
2000-04 |
2004-07 |
2007-10 |
2010-13 |
|||||||
Afrique du Sud |
2008-10 |
2010-12 |
Source : Calculs du Secrétariat de l’OCDE à partir de l’enquête Luxembourg Income Study (LIS) Database, http://www.lisdatacenter.org.
Le Graphique d’annexe 2.C.1 présente la persistance du revenu dans les quintiles inférieur et supérieur dans les économies émergentes. Il met en évidence une hausse de la persistance au Mexique, en Colombie et dans la Fédération de Russie.
Annexe 2.D. Répartition de la population par quintile de revenu au cours de la vie : différence entre les cohortes nées en 1950 et celles nées en 1970
Notes
← 1. Par exemple, s’il existe une association entre revenus élevés et pouvoir politique, l’absence de mobilité peut également être symptomatique d’une plus forte concentration du pouvoir.
← 2. L’analyse porte sur la population d’âge actif (18-65 ans) parce que dans cette classe d’âge, les variations de revenu dépendent de facteurs tels que la situation dans l’emploi, la naissance d’un enfant ou la modification de la composition de la famille, tandis que le revenu de la population âgée est en grande partie constitué de transferts publics et privés, si bien que la mobilité dépend de facteurs très différents, tels que les réformes visant les politiques de retraite ou le décès du conjoint.
← 3. Le revenu pris en compte dans ce chapitre est le revenu disponible équivalent des ménages – indicateur qui rend le mieux compte du niveau de vie et, indirectement, du bien-être économique. On l’obtient en prenant en considération les ressources globales du ménage au lieu de considérer les individus comme des agents économiques isolés.
← 4. Solnick et Hemenway (1998) ont réalisé une étude expérimentale des comportements relatifs aux positions absolues et relatives sur l’échelle des revenus. La moitié des répondants ont déclaré qu’ils préfèreraient vivre dans un monde dans lequel ils percevraient un revenu réel inférieur de moitié à condition d’occuper une place élevée sur l’échelle des revenus. Grâce aux techniques d’imagerie cérébrale, on sait que l’activité des zones du cerveau impliquées dans le circuit de la récompense est non seulement corrélée positivement avec des revenus plus élevés en valeur absolue, mais aussi corrélée négativement avec des revenus plus faibles en valeur relative (Dohmen et al., 2011).
← 5. Bien que l’étude porte sur la population d’âge actif, dans ce chapitre, les quintiles de revenu ont été calculés à partir de la population totale. En effet, lorsqu’ils évaluent leur propre situation, les individus se comparent plus volontiers à la population dans son ensemble, dont les personnes âgées, qu’à la population d’âge actif. Par ailleurs, cette méthode est conforme à celle utilisée pour calculer des indicateurs similaires tels que le taux de pauvreté, qui repose sur un seuil tenant compte de l’ensemble de la population, même s’il est vrai que d’autres indicateurs, comme le taux de pauvreté de la population d’âge actif ou le taux de travailleurs pauvres, sont calculés en fonction de la seule population d’âge actif.
← 6. Par exemple, Neilson et al. (2008) s’intéressent au Chili et montrent que du point de vue des politiques publiques, le grand nombre de personnes qui sont encore en situation de pauvreté après cinq ans plaide en faveur de programmes sociaux tels que Chile Solidario, qui s’adresse aux personnes en situation d’extrême pauvreté. Toutefois, leur constat selon lequel une forte proportion de la population risque de glisser vers le bas de l’échelle des revenus laisse penser que les stratégies de réduction de la pauvreté ne doivent pas seulement viser les personnes déjà pauvres : elles doivent aussi tenir compte des ménages qui, sans être pauvres, se trouvent en situation de précarité et risquent de basculer dans la pauvreté à plus ou moins brève échéance.
← 7. Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la persistance relativement forte des bas revenus dans ces pays. En Finlande, les importants pièges à pauvreté induits par certaines caractéristiques du système de prélèvements et de prestations affaiblissent les incitations à travailler et tendent à perpétuer la faiblesse des taux d’emploi, en particulier parmi les seniors de sexe masculin (OCDE, 2016). En Suède, l’écart entre le revenu tiré du travail et celui provenant des prestations augmente depuis les années 90 (en raison de la diminution du taux de remplacement garanti par l’assurance chômage et par l’assurance maladie) et s’est creusé encore progressivement après l’introduction du crédit d’impôt sur le revenu d’activité, en 2007 (OCDE, 2017b).
← 8. Ainsi, Bartels (2016) constate qu’aux États-Unis, « pour ce qui est des politiques adoptées au niveau fédéral, les intérêts des plus aisés sont beaucoup plus représentés que ceux des pauvres ». Giger et al. (2012) montrent que les préférences des citoyens relativement pauvres sont globalement mal représentées, aussi bien par les partis que par les gouvernements des démocraties occidentales, même s’il existe de fortes disparités d’un pays à l’autre.
← 9. L’analyse de la mobilité au sein d’une fraction aussi faible de la population n’entre pas dans le champ du présent rapport parce qu’elle exigerait l’utilisation de données fiscales dans un cadre longitudinal. Toutefois, la mesure de la persistance dans le décile de revenu supérieur fournit des informations supplémentaires. Les résultats (qui ne sont pas présentés ici) laissent penser que dans les pays qui affichent la persistance la plus forte dans le quintile supérieur, la persistance est plus modérée dans le décile supérieur.
← 10. En Europe, la majeure partie des données longitudinales sur le revenu à partir des années 90 sont issues de l’enquête PCM, dont les faiblesses ont été amplement décrites (voir Burkhauser et Lilliard, 2005). Cette section repose sur ces données, mais les résultats sont croisés avec des estimations réalisées à partir d’autres sources de données, ce qui permet d’éliminer l’effet des faiblesses de l’enquête.
← 11. Les données portent cependant sur une période plus longue que pour les autres pays, ce qui peut entraîner une surestimation des mouvements et de la mobilité des revenus par rapport à d’autres pays.
← 12. Les données utilisées dans ce chapitre ne permettent pas d’effectuer des comparaisons à partir de données temporelles pour la Chine, l’Indonésie et l’Afrique du Sud.
← 13. Pour avoir une représentation plus concrète de cette composante, on peut penser à des coureurs sur la ligne de départ avant une course. La composante permanente correspondrait à ce qui les distingue les uns des autres à ce moment-là, avant le début de la course, compte tenu de leurs caractéristiques individuelles.
← 14. Le revenu disponible est le revenu équivalent, qui tient compte de la mutualisation des ressources au sein du ménage. L’échelle d’équivalence utilisée dans le présent rapport est la racine carrée de la taille du ménage. L’augmentation de la taille du ménage peut donc entraîner une diminution du revenu disponible.
← 15. Cette préférence peut s’expliquer par le coût induit par le transfert de revenu d’une période à une autre ou le coût de l’emprunt (Aaberge et Mogstad, 2014). L’accès au crédit, par exemple, n’est pas parfait pour tout le monde (en particulier pour les plus défavorisés). Le coût de l’incertitude quant aux revenus futurs est également lié à la propension des ménages à planifier et au processus de prise de décision au sein du ménage, qui peuvent être compromis par les fluctuations imprévisibles du revenu. Il est possible que les ménages réagissent à un gain ou une perte soudaine de revenu en réduisant ou en augmentant trop leur consommation par rapport à leur niveau de vie moyen pendant une période plus ou moins longue (Blundell et Preston, 1998 ; Gangl, 2005).
← 16. La série de covariables inclut le sexe, l’année de naissance et le niveau d’études des individus de l’échantillon.
← 17. Comme le soulignent Dang et Lanjouw (2013), il n’existe pas de consensus dans les études sur la taille que doit avoir un échantillon pour permettre d’obtenir des estimations précises des simulations de Monte Carlo. Verbeek et Nijman (1992) estiment que des cohortes de 100 à 200 sujets suffisent, tandis que dans une étude récente, Devereux (2007) considère que dans l’idéal, il faudrait disposer d’au moins 2 000 observations par cohorte.