Ce chapitre se fonde sur les observations dégagées dans les chapitres précédents pour formuler des recommandations quant aux moyens d'améliorer la mobilité sociale à l’intérieur des générations et entre elles. Il repose sur deux principes : la société doit offrir des chances égales à tous ses citoyens et s’efforcer par ailleurs de mettre les trajectoires de revenu des individus et des ménages à l’abri des difficultés personnelles et professionnelles. Il recense cinq grands domaines sur lesquels les pays doivent centrer leur action pour améliorer les perspectives de mobilité sociale des citoyens : politiques de la santé et de la famille, politiques éducatives, politiques de l’emploi, politiques fiscales et politiques urbaines. Il présente pour chacun d’eux une série de programmes et de mesures reposant sur des pratiques exemplaires qui ont récemment été mis en œuvre dans des pays de l’OCDE et des pays émergents et qui sont susceptibles d’améliorer la mobilité.
L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale
Chapitre 6. Vers des politiques qui favorisent la mobilité sociale
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
Les chapitres qui précèdent ont analysé en profondeur l’absence de mobilité sociale à l’intérieur des générations et entre elles et en ont examiné les conséquences, l’ampleur et les facteurs qui la déterminent. L’accentuation des inégalités de revenus au sein de la population active n’est pas compensée par un accroissement de la mobilité sociale et, d’une génération à l’autre, les inégalités de revenus des parents entraînent des inégalités pour leurs enfants en termes de parcours scolaire et de chances dans la vie. Le chapitre présente des politiques spécifiquement destinées à favoriser la mobilité sociale, et s’intéresse en particulier à deux axes d’intervention :
Un enjeu primordial pour les économies en croissance consiste à offrir à tous des possibilités de promotion sociale, même à ceux qui se situent au bas de l’échelle, et d’empêcher dans le même temps ceux qui se trouvent au sommet d’accaparer les possibilités d’ascension.
Une autre contribution essentielle des politiques consiste à assurer une protection contre les retombées de crises temporaires ou d’événements personnels imprévus afin de renforcer la résilience.
Il existe des « planchers adhérents » au bas de l’échelle de distribution des revenus, et des « plafonds adhérents » à son sommet (chapitres 2 et 3). Des niveaux d'instruction insuffisants, une situation défavorable persistante sur le marché de l’emploi, ou une situation familiale difficile peuvent faire obstacle à la mobilité des revenus au cours de la vie active. En agissant sur ces différents facteurs, les politiques peuvent assurer des trajectoires viables en termes de revenus. Des politiques qui assurent un enseignement ou une formation adéquats aux personnes dans le besoin, une insertion progressive et sécurisée sur le marché du travail, ou une garantie de ressources lorsque se produisent des événements susceptibles de déclencher un déclassement, peuvent par exemple jouer un rôle déterminant.
Il est par ailleurs incontestable que les antécédents parentaux ont des répercussions considérables sur la santé, l’éducation et le statut socioéconomique des enfants (chapitres 4 et 5). Les différences observées au niveau international montrent toutefois que les politiques peuvent sensiblement influer sur la façon dont les atouts et les handicaps sont transmis d'une génération à l'autre. Pour améliorer la mobilité sociale intergénérationnelle, les autorités doivent trouver les moyens de surmonter les obstacles de manière à créer davantage de débouchés pour les laissés-pour-compte de la société, en orientant l’investissement public sur le développement des enfants afin de compenser l’absence de compétences parentales et de ressources parmi les groupes défavorisés.
Ce chapitre analyse cinq domaines essentiels de l’action publique pour favoriser la mobilité sociale : politiques de la santé et de la famille, politiques éducatives, politiques de l’emploi, politiques fiscales, et politiques locales, d’urbanisme et de logement. Il examine d’une part en quoi les subventions et les institutions publiques peuvent améliorer les perspectives de mobilité sociale des plus défavorisés et garantir les trajectoires de revenu des autres. Il s’interroge en parallèle sur les moyens de contrebalancer l’incidence des handicaps parentaux et sur les mesures d’accompagnement envisageables pour améliorer les résultats des enfants pauvres et ainsi favoriser la mobilité sociale. Il présente un large éventail de politiques menées dans certains pays.
Questions clés et principaux résultats
Les problèmes de santé peuvent faire obstacle à l’activité professionnelle et se traduire par une mobilité descendante, ce qui aggrave les difficultés rencontrées par les individus et leurs familles. L'investissement public dans la santé peut favoriser la mobilité sociale tout au long de la vie et d’une génération à l’autre, par exemple en compensant les pertes de revenus ou les changements professionnels nécessaires en cas de problèmes de santé. À cet égard, l’accès de tous les ménages à l’assurance-maladie et à l’assurance-invalidité est indispensable.
Les politiques familiales, et plus particulièrement celles qui favorisent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les politiques d’accueil et d’éducation du jeune enfant, et des services et des programmes de soutien au revenu, peuvent, en compensant les handicaps familiaux et en évitant qu’ils ne soient transmis aux générations suivantes, favoriser l’égalité des chances pour tous les enfants. Elles peuvent également aider les parents à poursuivre leur activité professionnelle et atténuer les effets préjudiciables de leurs difficultés financières sur l’avenir des enfants.
Des interventions menées tôt dans le domaine de l’accueil et de l’éducation des enfants sont les outils les plus efficaces pour créer des conditions équitables et réduire les disparités entre les enfants. Des mesures visant à favoriser la mobilité sociale s’imposeront toutefois ultérieurement. La prévention du décrochage scolaire, en particulier, est une mesure cruciale pour prévenir l’inégalité des chances à long terme.
Les transferts sociaux peuvent concourir à la création de schémas de mobilité plus viables. Des dispositifs d’aide au revenu de montant adéquat peuvent amortir les répercussions négatives des événements de la vie (chômage, maternité, divorce, maladie) pour les personnes issues de milieux défavorisés mais aussi pour leurs enfants, et avoir des retombées favorables sur des dimensions autres que celle du revenu. Des mesures visant à assurer des ressources suffisantes après un divorce, mais aussi les prestations familiales et les politiques de l’emploi, peuvent empêcher ces événements de provoquer un déclassement persistant. Des prestations subordonnées à l’exercice d’un emploi bien conçues peuvent améliorer les passerelles vers l'emploi et créer des débouchés.
Les politiques de l’emploi peuvent sensiblement influer sur la mobilité des revenus et la mobilité professionnelle tout au long de la vie active. Faciliter la transition de l’école à la vie active, éliminer les obstacles professionnels auxquels se heurtent les catégories défavorisées, assurer l’équité des processus de recrutement, atténuer les retombées des périodes de chômage et mettre en place des systèmes efficaces de formation permanente sont les mesures indispensables au développement de la mobilité sociale.
Pour favoriser la mobilité sociale, les pouvoirs publics doivent également s’employer à réduire les fractures régionales et les inégalités entre les quartiers dans les villes. Il leur faut tout particulièrement lutter contre la ségrégation spatiale. La concentration de ménages pauvres dans les quartiers défavorisés peut favoriser la transmission intergénérationnelle des handicaps et brider toute possibilité d’ascension sociale. Cela suppose une panoplie complète de politiques coordonnées d’aménagement local et d’urbanisme, notamment des mesures en matière de logement et de transports.
6.1. Quelles sont les politiques de la santé et de la famille les plus susceptibles de favoriser la mobilité sociale ?
Les pouvoirs publics peuvent favoriser l’ascension sociale en prenant des mesures pour lutter contre les inégalités de santé. Les problèmes de santé peuvent avoir des effets préjudiciables durables sur les revenus et la participation au marché du travail (chapitre 3). De surcroît, la santé et le mode de vie sont en grande partie déterminés par la santé et le statut socioéconomique des parents (chapitre 5).
Les politiques familiales sont un autre moyen d’encourager la mobilité sociale et d’atténuer la viscosité au bas de l’échelle. Les enfants qui grandissent dans des familles à faible revenu sont moins susceptibles de suivre des études supérieures, d’atteindre un statut professionnel élevé ou d’occuper un emploi bien rémunéré (chapitres 4 et 5). Les événements d’ordre familial, comme la maternité ou le divorce, peuvent aussi entraîner des pertes de revenu ou des modifications de l’organisation de travail durables au sein des familles, ce qui a une incidence particulièrement négative sur les femmes (chapitre 3). Les interventions prioritaires consistent à apporter un soutien aux parents en activité, une aide adaptée lors d’événements déclencheurs, et des ressources aux familles dans le besoin.
D’après les données disponibles, la mobilité éducative intergénérationnelle serait supérieure dans les pays où les dépenses publiques consacrées aux politiques familiales et de santé sont plus élevées. Le niveau d’instruction des enfants dépend moins de celui de leurs parents dans les pays où les dépenses publiques allouées à la santé sont plus importantes. Aizer et Currie (2014) ont ainsi constaté que la hausse des dépenses consacrées à la santé est très fortement corrélée à une baisse d’influence du milieu familial. S’agissant de la probabilité de suivre des études universitaires, Crettaz et Jacot (2014) ont observé que les dépenses consacrées aux politiques familiales ont réduit l’écart entre les individus dont les parents ont un bon niveau d’instruction et ceux qui sont issus de milieux plus modestes.
6.1.1. Favoriser l’accès universel aux soins et les politiques de santé publique au profit des pauvres
La santé est un facteur déterminant de la mobilité sociale. L’état de santé et le comportement en matière de santé présentent un gradient socioéconomique bien connu : l’éducation et le milieu socioéconomique influent sur le mode de vie, l’obésité et le tabagisme (Marmot et al., 2008). Plusieurs études ont observé que la santé des enfants est un vecteur important de la transmission intergénérationnelle du statut d’emploi (Case et al., 2002 ; Eriksson et al., 2005 ; Hertz, 2006). De même, les affections chroniques et le mauvais état de santé influent sur la situation d’emploi et les revenus, et réduisent ainsi les chances d’ascension sociale. Les investissements publics dans la santé peuvent compenser les retombées défavorables des problèmes de santé sur la mobilité intragénérationnelle et la transmission des handicaps des parents à leurs enfants.
Les maladies ont de sérieuses conséquences sur le revenu des ménages et la situation future des enfants, soit parce qu’elles peuvent entraîner un retrait de la vie active, soit parce qu’elles supposent une hausse des dépenses si les frais à la charge du patient sont élevés, ou les deux à la fois (chapitre 3). Cela se vérifie particulièrement dans les pays émergents, où les régimes d’assurance-maladie ne sont pas toujours pleinement développés. Des mesures visant à élargir l’accès aux régimes d’assurance-maladie et invalidité sont indispensables pour prévenir les effets négatifs à long terme des problèmes de santé sur les trajectoires de revenu. La Chine, par exemple, a mis en place un nouveau système d'assurance coopérative médicale (le New Cooperative Medical Scheme, NCMS), qui a porté le taux de couverture de l’assurance-maladie des ménages ruraux de moins de 15 % avant 2000 à plus de 90 % en 20091.
Les segments les plus pauvres de la population sont ceux qui risquent le plus d’être en mauvaise santé, mais sont aussi plus vulnérables aux conséquences négatives des problèmes de santé, et sont moins bien couverts par le régime d’assurance-maladie (Liu, 2016 ; Lundborg et al., 2015 ; Grunow et Nuscheler, 2013). Le montant élevé des paiements directs à la charge des patients et la longueur des procédures de remboursement peuvent aussi peser sur leurs revenus. Les régimes d’assurance-maladie doivent donc prêter attention à la couverture de ces catégories sociales, surtout lorsque la prise en charge est partagée entre prestataires privés et publics ou relève entièrement du secteur privé, de manière à prévenir la mobilité intragénérationnelle descendante. Par ailleurs, pour préserver le lien avec le marché du travail, les allocations d’invalidité doivent être conçues de manière à encourager l’activité plutôt que l’inactivité à long terme.
En 2017, l’Australie a instauré une série de réformes2 visant à encourager les jeunes Australiens à souscrire une assurance-maladie privée qui autorise les assureurs à réduire le montant des primes d’assurance des personnes âgées de 18 à 29 ans (gouvernement australien, 2017a). En France, tous les résidents légaux sont couverts par le régime public d’assurance-maladie (99.9 % de la population) depuis la loi de 2000 sur la couverture maladie universelle (CMU) qui a remplacé le critère d’activité professionnelle donnant droit à l’assurance publique par celui de résidence. Cette loi a permis à un pourcentage faible, mais croissant, de la population auparavant non couverte de bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens. Aux Pays-Bas, la refonte inclusive des processus de travail (IHW) aide les employeurs à réorganiser les méthodes de travail de manière à créer des emplois pour les jeunes atteints de handicaps, surtout s’ils sont peu qualifiés ou ont un faible niveau d’études. Cela suppose par exemple de réaffecter les tâches simples auparavant confiées à des travailleurs qualifiés à un nouveau poste que pourra occuper un salarié moins qualifié (Scharle et Csillag, 2015).
Les plus défavorisés bénéficient de services de santé de moins bonne qualité, par rapport à leurs besoins, que les catégories les plus aisées et à revenu intermédiaire, ce qui tient en partie à ce que les catégories les plus pauvres de la société sont moins susceptibles d’adopter une démarche de santé préventive. Plusieurs caractéristiques des systèmes de santé sont associées à de fortes inégalités en matière d’accès aux soins : l’absence de couverture maladie universelle, un pourcentage élevé de financement privé et de paiements à la charge du patient, et l’inexistence de programmes de dépistage publics (Devaux et Looper, 2012).
Les inégalités peuvent surgir très tôt dans la vie. En donnant aux enfants, surtout à ceux issus de milieux socioéconomiques défavorisés, un bon départ dans la vie et en atténuant les handicaps avant même leur naissance (pendant la grossesse), on favorisera leur développement en termes de santé. Les programmes qui dispensent des soins prénataux et postnataux aux familles à faible revenu et assurent des services à domicile pour supprimer les obstacles à la participation des mères sont corrélés à des résultats positifs en ce qui concerne le bien-être de l’enfant et dans d’autres domaines (Greenberg et Shroder, 2004). Les programmes de visites à domicile consistent en visites de travailleurs sociaux, d’éducateurs parentaux ou d’infirmiers diplômés au domicile de familles comprenant des femmes enceintes et des bébés. Ces professionnels effectuent des bilans de santé et orientent les patients vers les services compétents, donnent des conseils aux parents, et les renseignent sur les autres programmes publics.
Un exemple en est le Children in New Zealand Early Start Programme, qui a amélioré l’offre de soins et les résultat obtenus, comme le montre la hausse du taux de recours aux médecins généralistes et du taux de suivi pédiatrique, la baisse du taux de fréquentation des hôpitaux pour accidents, blessures et intoxications, et la plus forte fréquentation des services dentaires préscolaires (Williams et al., 2008). Des données du Family Nurse Partnership (FNP) aux États-Unis montrent que le programme s’est traduit par un accroissement du recours aux soins prénataux, une amélioration de la nutrition pendant la grossesse, un recul du tabagisme et une augmentation du poids à la naissance et, s’agissant des effets postnataux, une diminution du nombre de blessures et des consultations aux urgences, une baisse de la maltraitance et une augmentation du poids (Williams et al., 2008). Néanmoins, dans le cadre de l’amplification d’un programme analogue en Grande-Bretagne, on a constaté que l’ajout du programme FNP aux services de santé existants n’améliorait en rien, à court terme, les principaux résultats mesurés, comme le tabagisme pendant la grossesse, le poids moyen à la naissance, le pourcentage d’enfants admis ou consultant à l’hôpital, ou la prévention de grossesses ultérieures (Robling et al., 2015). Cela amène à s’interroger sur la population à cibler pour que les programmes de visite à domicile soient efficaces et sur leur reproduction à plus grande échelle.
Les programmes alimentaires et nutritionnels peuvent remédier à la malnutrition et à la dénutrition, surtout chez les enfants victimes de l’insécurité alimentaire. Les familles pauvres sont plus susceptibles de modifier leurs achats alimentaires en période difficile. L’OCDE (2014a) a montré que 13 % des habitants de l’OCDE, en moyenne, signalaient ne pas avoir assez d’argent pour acheter la nourriture dont eux-mêmes ou leur famille avaient besoin, pourcentage qui a progressé durant la récession économique en Europe et aux États-Unis. L’insécurité alimentaire peut créer de graves problèmes de développement mental et physiologique et influer sur les résultats scolaires des enfants. Plusieurs pays ont lancé des programmes nationaux de repas scolaires pour distribuer directement des repas aux enfants d’âge scolaire victimes de l’insécurité alimentaire afin de lutter contre la faim et la malnutrition. Aux États-Unis, on a constaté que près de la moitié (47 %) de l'apport énergétique quotidien provenait des deux repas scolaires, et que ceux-ci fournissaient 40 % de la ration quotidienne de légumes et 77 % de celle de lait (Cullen et Chen, 2017). Une évaluation du programme Healthy Start en Grande-Bretagne indique que les coupons d’alimentation peuvent fortement contribuer à la sécurité nutritionnelle et améliorer la nutrition des femmes enceintes et des jeunes enfants à faible revenu (McFadden et al., 2014).
Il convient de lutter contre les comportements nocifs, notamment la mauvaise alimentation et le manque d’activité physique, l’obésité et le tabagisme, dont l’incidence est plus élevée dans les catégories socioéconomiques inférieures, pour résorber les inégalités de santé qui grippent la mobilité sociale. De nombreux gouvernements intensifient leurs efforts pour favoriser un mode d’alimentation sain et l’exercice physique (OCDE, 2017a). Ils ont en grande majorité adopté des mesures axées sur les enfants d’âge scolaire, qui visent notamment à apporter des changements dans les établissements scolaires, sur le plan de l’offre de boissons et d’aliments en particulier, et à améliorer les équipements sportifs. Le deuxième groupe d’interventions le plus courant porte sur la fonction de santé publique des systèmes de santé. Celles-ci consistent essentiellement à élaborer et à diffuser, par de nombreux moyens, des directives nutritionnelles et des messages de promotion de la santé à des catégories très diverses de la population, et à encourager les modes de transport et les loisirs actifs.
Quelles sont les mesures les plus susceptibles d’agir sur les catégories socioéconomiques inférieures et de réduire les disparités sociales en termes de santé ? Le rapport de l’OCDE (2010a) montre que ce sont les conseils des médecins et des diététiciens qui ont le plus d’effet, suivis de l’étiquetage des produits alimentaires et de la réglementation de la publicité alimentaire et des mesures fiscales ; en revanche, les campagnes médiatiques et les interventions dans les écoles sont les interventions qui réduisent le moins les inégalités de santé. Les campagnes d’information isolées sont moins efficaces que dans les catégories socioéconomiques plus élevées, et risquent donc d’accentuer les inégalités. Dans les cas où des stratégies d’information sont appliquées, un étiquetage aisément interprétable - pictogrammes et images, ou un système de feux tricolores (plutôt que des étiquettes comportant des informations nutritionnelles chiffrées et détaillées) - est plus susceptible d’être compris par les groupes les plus défavorisés. (OCDE, 2017a). De nombreux pays favorisent aussi les restrictions à la publicité de produits potentiellement malsains pour les enfants. C’est notamment le cas du Chili, de l’Irlande, de l’Islande et du Mexique, qui interdisent la publicité alimentaire télévisée pendant les programmes à forte audience d’enfants, de l’Australie, qui l’interdit dans les transports publics, et de la Norvège, qui l’interdit dans d’autres lieux publics. Les conseils dispensés dans le cadre de soins primaires aux patients vulnérables en raison de leur mode de vie sont parfois l’un des moyens les plus efficaces de modifier les comportements et d’enrayer l’obésité, mais les capacités nécessaires manquent dans certains pays car ce dispositif est coûteux et nécessite un temps considérable (OCDE, 2010a).
Des programmes d’intervention et de prévention des problèmes comportementaux des jeunes enfants peuvent contribuer à rompre le cycle de la transmission intergénérationnelle des troubles de santé mentale. Les interventions efficaces sont notamment l’aide à la santé maternelle pendant la période périnatale et les programmes de soutien et d’aide spécialisée aux parents destinés aux catégories très vulnérables (Shuey et Kankaras, à paraître). Les visites à domicile, le soutien et la psychothérapie au cours de la période périnatale sont des moyens efficaces pour lutter contre le risque de dépression périnatale. Plusieurs pays, comme l’Australie, la Grande-Bretagne, Israël, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont mis en place des programmes automatiques de dépistage de la dépression chez les femmes durant cette période. Les programmes de formation des parents réduisent le risque de développement affectif insuffisant des enfants. Par ailleurs, des interventions scolaires visant à promouvoir le développement social et affectif des élèves ont fait une place centrale à la santé mentale dans le programme d’études : l’Australie, par exemple, a mis en place le programme KidsMatter qui enseigne aux enfants les compétences qui favorisent un développement social et affectif harmonieux.
Les interventions auprès des jeunes enfants peuvent aussi influer sur leur santé mentale et leur maîtrise de soi (Tremblay, 2000). La formation préliminaire des familles et des parents est un moyen efficace de diminuer les problèmes comportementaux des jeunes enfants et de réduire la délinquance et la criminalité chez les adolescents et les adultes (Piquero et al., 2009). À Chicago, le programme Becoming a Man a pour objectif d’aider les jeunes à se maîtriser et à prendre le temps de réfléchir à leurs automatismes mentaux et comportementaux. Il apparaît qu’il diminué le nombre total d’arrestations et le nombre d’arrestations pour infractions violentes, et amélioré la fréquentation scolaire (Heller et al., 2017).
6.1.2. L’équilibre entre vie professionnelle et familiale
Les politiques de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale peuvent atténuer les chocs sur les revenus des ménages, permettre aux parents (et aux mères en particulier) de mener des carrières gratifiantes, et favoriser la mobilité intergénérationnelle. Souvent, les femmes ne peuvent tirer profit des débouchés importants qui s’offrent à elles sur le marché du travail dans les premières phases de leur carrière car cette période coïncide avec l’arrivée d’enfants dans le ménage (OCDE, à paraître). Des mesures qui facilitent l’emploi et le rendent intéressant sur le plan financier, même lorsqu’il s’accompagne d’obligations familiales, peuvent limiter ce phénomène. Comme les femmes effectuent une part disproportionnée du travail non rémunéré dans les pays de l’OCDE, ce qui limite leurs possibilités d’emploi, des politiques publiques qui favorisent la participation des hommes et des femmes au marché du travail sur un pied d’égalité s’imposent (OCDE, à paraître, 2017b, 2012, 2014a).
La difficulté à concilier responsabilités professionnelles et familiales conduit souvent les femmes à travailler à temps partiel ou à quitter purement et simplement le marché du travail. Le retrait du marché du travail après la naissance d’un enfant peut avoir des effets durables sur leur carrière (Kleven et al., 2018), surtout en cas de congé parental prolongé. Un éventail de mesures est nécessaire pour supprimer cet obstacle. Dans de nombreux pays, les autorités et les entreprises ont mis en place des politiques adaptées aux besoins des familles - congés parentaux, garde d’enfants, services périscolaires, aménagement du temps de travail, etc. - pour venir en aide aux parents. La France et les pays nordiques, par exemple, leur offrent une gamme complète d’aides publiques pour leur permettre de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale pendant les premières années de vie de leur enfant. Ces pays ont ainsi pu conjuguer des taux d’activité féminine et des taux de fécondité élevés, et ont engrangé un avantage démographique qui leur sera utile à l’avenir. La Norvège et le Royaume-Uni ont instauré ou amplifié des programmes qui offrent des heures d’accueil gratuit. La Norvège, par exemple, a progressivement mis en place un programme de 20 heures de garde gratuites par semaine pour les enfants âgés de 3 à 5 ans issus de familles à faible revenu.
La baisse du niveau d’emploi et de revenus dérivant de l’incapacité à concilier vie professionnelle et vie familiale peut compromettre l’ascension sociale, et les politiques destinées à favoriser l’équilibre entre ces deux aspects sont particulièrement importantes pour améliorer les résultats des enfants pauvres. Cela commence dans la petite enfance. Les études qui ont examiné le lien entre les congés rémunérés et les résultats des enfants aboutissent à des résultats contradictoires, mais bon nombre d’entre elles ont constaté que les congés rémunérés sont corrélés à un taux de mortalité infantile et une probabilité d’insuffisance pondérale à la naissance plus faibles (Adema et al., 2015). Il apparaît également que des congés supplémentaires au cours des premières semaines et des premiers mois suivant la naissance sont associés à un meilleur développement de l'enfant, en particulier chez les enfants défavorisés (Ruhm et Waldfogel, 2012).
Selon des données de plusieurs pays de l’OCDE, les congés de paternité influeraient considérablement sur le comportement des pères, ce qui peut à la fois contribuer à répartir l’incidence d’une naissance sur les carrières et les revenus des hommes et des femmes, mais aussi améliorer le développement cognitif et social des enfants. Outre qu’ils favorisent un rééquilibrage des rôles au sein des ménages, les congés de paternité de longue durée sont associés à une plus grande participation des pères à l’éducation de leurs enfants, ce qui a des effets positifs en aval sur le développement cognitif et affectif de l’enfant (Cabrera et al., 2007 ; Lamb, 2010; OCDE, 2012 ; Sandstrom et Huerta, 2013) ainsi que sur sa santé physique (Organisation mondiale de la santé, 2007).
Les familles à faible revenu ont parfois plus de difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale parce que les emplois qu’elles occupent sont irréguliers ou atypiques, ce qui bride leurs perspectives de mobilité. Un obstacle pour remédier à cette situation tient aux critères d’admissibilité aux droits des travailleurs intermittents, irréguliers et indépendants. La plupart des politiques de congé exigent que le salarié fasse état d’un emploi et de revenus réguliers pour être admis à en bénéficier, ce qui risque de désavantager les ménages à faible revenu (Waldfogel et Stewart, 2017). L'une des priorités des politiques dans ce domaine consiste à assurer l’admissibilité de ces ménages à des congés rémunérés suffisants. En outre, les travailleurs peu qualifiés sont moins susceptibles d’avoir un employeur qui offre des congés supplémentaires avec garantie de retour à l’emploi, pour s'occuper d'enfants ou de parents malades par exemple (Cancian et al., 2010). Ils sont également moins susceptibles de bénéficier d’aménagements du temps de travail que les travailleurs plus qualifiés. On a constaté que c’est là l’une des raisons pour lesquelles les mères peu qualifiées au Royaume-Uni ont tendance à abandonner le marché du travail après un deuxième enfant, alors que le taux d’activité des femmes très qualifiées et moyennement qualifiées ne diminue pas (Hupkau et Leturcq, 2017).
Il convient également de veiller à ce que les mères en activité puissent parvenir à des postes de responsabilité et de briser le plafond de verre auquel les femmes continuent de se heurter. Pour renforcer la représentation des femmes aux postes de décision, plusieurs pays ont établi des quotas obligatoires, des objectifs, des mesures en matière de divulgation et des procédures de suivi. Depuis 2013, neuf pays - l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Grèce, l’Islande, Israël, l’Italie et la Norvège - ont instauré des quotas obligatoires de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en bourse et des entreprises publiques. Depuis 2011, au Royaume-Uni, un projet lancé à l’initiative des entreprises encourage les grandes entreprises à accroître la mixité, avec des résultats positifs puisque le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration est passé de 13 % en 2010 à 27 % en 2016. (OCDE, 2017b).
6.1.3. Politiques d’éducation et d’accueil de la petite enfance
Les planchers et les plafonds adhérents apparaissent dès le plus jeune âge. Les familles défavorisées sous-investissent dans la petite enfance par manque de moyens et d’informations, alors que les familles plus aisées sont en mesure d’investir davantage dans le développement du capital humain de leurs jeunes enfants. Les études empiriques laissent entendre que les investissements effectués tôt dans le capital humain sont ceux qui influent le plus sur les débouchés et les résultats ultérieurs (Currie, 2009 ; Shuey et Kankarras, à paraître). Les études constatent en outre les effets positifs de l’investissement dans l’accès aux services d'éducation et d'accueil des jeunes enfants (EAJE) sur l’acquisition de compétences et d’aptitudes et sur la santé (Heckman 1999, 2007 ; Heckman et Masterov, 2007 ; Cunha et Heckman, 2007 ; Duncan et Magnuson, 2003, 2004 ; Shuey et Kankaras, à paraître). Il existe des complémentarités dynamiques entre les investissements dans le capital humain ; autrement dit, le savoir attire le savoir (Carneiro et Heckman, 2003). De nombreuses études ont observé les retombées favorables des programmes de la petite enfance sur les résultats et le comportement des jeunes adultes, surtout lorsqu’ils sont issus de milieux relativement défavorisés (Shuey et Kankarras, à paraître ; Berlinski et al., 2008 ; Havnes et Mogstad, 2011 ; Ruhm et Waldfogel, 2012 ; Van Huizen et Plantenga, 2015).
Des services d’accueil de la petite enfance de qualité et abordables permettent de réduire les déficits de langage et d’autres difficultés cognitives, et favorisent ainsi la mobilité ascendante des enfants issus de milieux défavorisés. L’incidence des politiques de la petite enfance sur ces enfants dépend de la qualité des services (Esping-Andersen et al., 2012 ; Kamerman, 2000 ; Vandenbroucke et Vleminckx, 2011 ; Melhuish, 2016). Un faible ratio d’encadrement et la petite taille des groupes sont par exemple des éléments qui garantissent cette qualité. Aux États-Unis, on a constaté que le programme Infant Health and Development Program (IHDP) stimulait beaucoup plus la capacité cognitive des enfants à faible revenu que celle des enfants plus aisés, ce qui semble indiquer qu’un programme universel ou ciblé en fonction des revenus pourrait quasiment éliminer les écarts de QI liés aux revenus chez les enfants âgés de trois ans (Duncan et Sojourner, 2013). De même, l’expansion des services d’accueil de la petite enfance subventionnés en Norvège en 1975 a eu sur le niveau d’instruction des effets positifs qui sont en grande partie liés aux enfants issus de familles à faible revenu (Havnes et Mogstad, 2015). En France, la fréquentation de l’école maternelle dès l’âge de deux ans améliore les compétences cognitives et non cognitives à six ans, ainsi que la littératie et la numératie de la troisième à la neuvième année d’études (Filatriau et al., 2013). Elle est également corrélée à un effet modéré, mais positif, sur les chances de ne pas redoubler la deuxième année du cours élémentaire (le CE2, à l’âge de huit ans), en particulier chez les enfants issus de milieux défavorisés (Caille, 2001 ; Goux et Maurin, 2010).
Les enfants de milieux modestes sont moins susceptibles de fréquenter des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance (OCDE, 2016a ; OCDE, 2017c). Plusieurs éléments font obstacles à leur accès à ces structures : l’accessibilité financière, les heures d’ouverture et la proximité des services (OCDE, 2017c). Petitclerc et al. (2017) ont montré que les subventions universelles à l’EAJE favorisent la hausse des taux de fréquentation et que, dans les pays où elles existent et où les frais à la charge des familles sont ajustés en fonction des revenus, le taux de préscolarisation des enfants défavorisés est plus élevé.
Des évaluations indiquent qu’en France, l’expansion de l’enseignement préscolaire a été associée à un recul des inégalités socioéconomiques (Dumas et Lefranc, 2010). Outre les effets sur le développement cognitif et les résultats scolaires, d’autres retombées à plus long terme ont été observées dans le cadre de programmes conduits aux États-Unis, comme Early Head Start, Perry Preschool Project et Abecedarian Project, à savoir une baisse de la consommation de drogues et de la dépendance à l’égard de l’aide sociale, des maternités plus tardives, et l’amélioration du niveau d’instruction et de l’emploi. Ces constatations sont complétées par des études quasi-expérimentales, qui confirment par ailleurs les effets éducatifs à long terme de programmes comme Head Start, qui couvrent les enfants de milieux socioéconomiques défavorisés dès l’âge de trois ans (Currie, 2011).
Il est indispensable d’améliorer l'accès des enfants à faible revenu à des programmes préscolaires de qualité car l'éducation est un élément déterminant de la mobilité intergénérationnelle des revenus. La fréquentation d’établissements préscolaires peut avoir des retombées très positives sur les résultats scolaires et l'apprentissage ultérieurs. Les résultats de l’enquête PISA montrent que les systèmes scolaires qui obtiennent les meilleurs résultats et assurent à tous les élèves un accès équitable à la formation sont également ceux qui offrent un accès plus inclusif à l’éducation préscolaire (OCDE, 2017c). Ainsi, la Corée, l’Estonie, Hong Kong (Chine), l’Islande et le Japon affichent des écarts de résultats en fonction du milieu socioéconomique inférieurs à la moyenne.
Au-delà des services d’accueil et d’éducation du jeune enfant, le quotidien de l’enfant au sein de son foyer peut fortement influer sur ses compétences cognitives et non cognitives. D’où l’importance des programmes d’éducation du jeune enfant à domicile, qui visent à améliorer les compétences parentales et les compétences socioaffectives des enfants des catégories défavorisées. Les parents favorisés sur le plan économique affichent des comportements parentaux plus performants à différents égards : plus forte autorité parentale, interactions plus sensibles et réactives entre la mère et l’enfant, stimulation linguistique plus intense et meilleure gestion parentale (Kalil, 2014). Des programmes comme le projet Thirty Million Words conduit aux États-Unis ont encouragé les échanges verbaux et ainsi amélioré le développement linguistique (Leffel et Suskind, 2013). Le Perry Preschool Program montre également comment des traits de personnalité peuvent être modifiés de manière à influer positivement sur le comportement ultérieur dans la vie. Les participants y acquièrent des compétences sociales, et des visites à domicile ont encouragé l’interaction parents-enfants. Le Turkish Early Enrichment Project (TEEP) a démontré que des interventions à domicile visant à stimuler l’éveil de l’enfant avaient de nombreux effets durables en termes de réussite scolaire, de notes et de résultats en vocabulaire plus élevés, d’attitudes plus positives envers l’école, et d’une meilleure adaptation familiale et sociale (Kagitcibasi et al., 2001). Les résultats du programme pilote à l’intention des enfants âgés de deux ans conduit en Écosse montrent une amélioration des compétences parentales des participants par rapport aux parents du groupe de contrôle (Woolfson et King, 2008).
Axer les interventions sur les parents présente un avantage majeur : les retombées positives sont parfois durables. Les compétences parentales sont cependant difficiles à modifier, parce que les parents ne suivent pas longtemps le programme ou ne respectent pas ses prescriptions. Les programmes ciblés sur les compétences parentales doivent donc être conçus avec soin et adaptés aux parents de milieux socioéconomiques modestes. Selon Clarke et Younas (2017), les interventions les plus efficaces sont les programmes qui visent trois types d’objectifs : 1) aider les parents à mieux comprendre le développement de l’enfant ; c’est par exemple le cas du programme Children in Focus, en Suède, qui prévoit des visites à domicile, des groupes de discussion et des techniques de jeux de rôle ; 2) développer les compétences des parents à détecter les retards et à mieux préparer les enfants à l’entrée à l’école ; c’est ce que fait le programme Parents as Teachers en Australie et en Nouvelle-Zélande ; 3) prêter assistance aux parents en vue de renforcer la coopération et d’atténuer les tensions au sein de la famille, comme le programme Parenting Shops en Belgique. Par ailleurs, les autorités de plusieurs pays ont entrepris de mettre en œuvre des interventions et des services universels qui visent à lutter contre les préjugés associés au soutien parental et à encourager la participation des parents, et sont susceptibles de déceler rapidement les problèmes et de cibler les aides. Ces mesures ont été appliquées au travers de centres communautaires, comme SPIL aux Pays-Bas, Parenting Shops en Belgique et Familienzentren en Allemagne.
6.1.4. L’accompagnement des familles dans les périodes de transition
Les divorces et les séparations ont une incidence appréciable sur les revenus - en particulier pour les femmes - et le divorce est souvent un « événement déclencheur » de pauvreté dont l’effet peut persister plusieurs années (chapitre 3). Les femmes qui ont fait des études supérieures font figure à cet égard de population à risque, ce qui suscite des inquiétudes pour la mobilité professionnelle des femmes divorcées et la perte de potentiel humain pour l’ensemble de l’économie. Les prestations familiales et les impôts contribuent fortement à atténuer les effets d’un divorce sur les ex-conjoints. Les données empiriques font toutefois apparaître que la participation au marché du travail demeure le moyen le plus immédiat d’y remédier.
Dans la plupart des pays de l'OCDE, le parent qui n’a pas la garde de l’enfant est tenu par la loi de verser une pension alimentaire. En 1994, en Europe, seuls 43 % des familles monoparentales recevaient une pension alimentaire pour les enfants. En 2000, ce chiffre était passé à 50 %, et il atteignait 64 % en 2004. Cette progression peut être rattachée à l’instauration de procédures judiciaires pour en imposer le paiement (Beaumont et Mason, 2014).
Le non-paiement (ou les retards de paiement) de la pension alimentaire est un phénomène encore répandu. Selon les estimations, en France, de 30 % à 40 % des pensions ne seraient pas versées du tout, ou seulement partiellement (Haut Conseil de la Famille, 2014). Les mesures appliquées par les pays face aux impayés sont diverses : injonction à payer, prélèvement sur salaire, saisie des avoirs et comptes bancaires et, parfois, emprisonnement. Dans certains pays, ces pensions peuvent être garanties par l’État (Allemagne, Autriche, Estonie, France, Hongrie, Italie et Suède) ; par les autorités locales (Danemark, Finlande et République tchèque) ; par des fonds spéciaux (Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne et Portugal) ; ou par un organisme administratif spécialisé (Pays-Bas, Royaume-Uni et France). En 2017, la France a créé l’Aripa, un organisme public chargé de recouvrer les pensions dès le premier mois d’impayé. L’Australie a établi en 2006 la Child Support Agency (CSA) qui est chargée de vérifier que la pension est payée intégralement et en temps voulu. L’évaluation du respect des obligations de pension alimentaire pour enfant juste avant leur entrée en vigueur, un an après, et trois ans après, n’a cependant guère influé sur les comportements à cet égard.
6.1.5. Offrir des moyens supplémentaires aux familles : lutter contre les conséquences néfastes de la pauvreté infantile
Selon plusieurs études fondées sur des essais contrôlés aléatoires, des méthodes quasi-expérimentales ou l’analyse de données longitudinales, le revenu des parents influe en soi sur les résultats des enfants et leurs perspectives de mobilité. Les enfants de ménages à faible revenu enregistrent par la suite de plus mauvais résultats dans différents domaines ; ils obtiennent par exemple de moins bonnes notes aux tests de compétences cognitives dans la petite enfance, risquent davantage d’abandonner leur scolarité et de ne pas suivre d’études tertiaires, ont davantage de problèmes comportementaux et sont plus susceptibles d'être pauvres ou d'avoir un faible revenu eux-mêmes.
La pauvreté va de pair avec un ensemble de handicaps qui risquent de pénaliser les enfants, comme le faible niveau d’instruction des parents et le fait de vivre dans une famille monoparentale. Il est possible que les inégalités entre les enfants issus de familles riches et de familles pauvres dérivent de facteurs non évalués qui expliqueraient à la fois le revenu des parents et les résultats de leurs enfants, comme le cadre de vie ou la stimulation culturelle. Les données montrent toutefois que « l'argent influe en soi sur les résultats des enfants » (Cooper et Stewart, 2017). Une majorité d’études indiquent que les enfants pauvres enregistrent de plus mauvais résultats parce qu’ils vivent dans des familles pauvres (Duncan et al., 2012). La faiblesse des revenus compromet les perspectives des enfants de deux façons. D’une part, elle limite l’investissement dans les biens et services qui favorisent un développement équilibré de l’enfant, comme une alimentation saine et un logement et une éducation de bonne qualité. D’autre part, conjuguée au manque de ressources, elle peut être éprouvante pour les parents et avoir des retombées négatives sur leur comportement parental. Les mères qui souffrent de dépression n’ont ainsi pas toujours les ressources émotionnelles nécessaires pour prodiguer à leurs enfants l’attention et la stimulation voulues (Cooper et Stewart, 2017).
Encadré 6.1. Dépenses sociales et mobilité intergénérationnelle
Les travaux portant sur les liens entre les dépenses (sociales) et la mobilité intergénérationnelle restent rares, mais il ressort des données disponibles que des dépenses plus élevées ont une incidence positive sur la mobilité. Aux États-Unis, Mayer et Lopoo (2008) ont constaté une plus grande mobilité intergénérationnelle dans les États où ces dépenses sont élevées que dans ceux où elles sont faibles, et l’écart de mobilité entre les enfants favorisés et les enfants défavorisés est inférieur dans les premiers. Becker et al. (2010) ont constaté qu'une plus grande mobilité intergénérationnelle est corrélée à des dépenses publiques d’éducation par élève plus élevées. Ferreira et al. (2013) ont examiné l'incidence des dépenses publiques d'éducation par élève dans l'enseignement primaire et secondaire en Amérique latine, et observé qu'elles ont contribué à réduire l'écart de scolarisation entre enfants riches et enfants pauvres.
Une augmentation des dépenses consacrées à l’enfant a des retombées substantielles sur le développement et le bien-être des enfants issus de familles à faible revenu (McEwen et Stewart, 2014). La petite enfance est la période la plus importante pour les résultats cognitifs ; pour les résultats comportementaux, en revanche, il semblerait que le niveau de revenu influe davantage sur les phases plus tardives. La durée des périodes de faible revenu est importante : quand les périodes de faible revenu et de revenu instable, fréquentes au bas de l’échelle de distribution des revenus (chapitre 2), sont courtes, elles sont associées à des résultats négatifs pour les enfants, tandis que les périodes de pauvreté prolongées influent davantage sur les résultats à des phases ultérieures de la vie (Cooper et Stewart, 2013).
Les transferts monétaires directs, comme les prestations et allocations familiales, et les crédits d’impôt remboursables sont des dispositifs efficaces de soutien au revenu. Kirkegaard (2015) a néanmoins fait valoir que les allègements fiscaux à finalité sociale, de par leur nature, profitent davantage aux revenus plus élevés. Chetty et al. (2015) ont constaté que le montant et la progressivité des dépenses fiscales locales (en pourcentage du revenu brut moyen) sont corrélés à une plus forte mobilité intergénérationnelle, même après neutralisation des caractéristiques démographiques locales. Les composantes de l’impôt qui sont associées à une plus grande mobilité sont les déductions au titre des intérêts hypothécaires, les impôts sur le revenu prélevés par les États, et les crédits d’impôt sur les revenus d’activité au niveau des États.
D’après les données d'expériences avec assignation aléatoire portant sur l'efficacité relative des transferts de revenus et des programmes d'intervention directe dans un ensemble de pays de l'OCDE, une augmentation de 1 000 USD du revenu annuel est liée à des résultats scolaires et cognitifs des jeunes enfants supérieurs de 5 % à 27 % à l’écart-type, et légèrement plus pour les résultats sociaux et comportementaux (Cooper et Stewart, 2013, 2017). À titre d’exemple, le Minnesota Family Investment Programme, mis en œuvre aux États-Unis au milieu des années 90, qui permet aux mères célibataires de conserver une plus grande part de leurs allocations lorsque leurs revenus augmentent, a eu des retombées positives substantielles sur divers comportements (Gennetian et Miller, 2002). Hoynes et al. (2015) ont constaté qu'une augmentation du revenu annuel par le biais du crédit d'impôt sur le revenu d’activité (1 000 USD) se traduit par une baisse de 2 % à 3 % du taux d’insuffisance pondérale à la naissance, un effet similaire à celui d'autres interventions comme l'accroissement des dépenses d'éducation. L’apport de liquidités supplémentaires aux parents peut donc contribuer à réduire les écarts de résultats entre les enfants à faible revenu et les autres, mais ne devrait pas suffire à les combler.
6.2. Quelles sont les politiques de l’éducation les plus susceptibles de favoriser la mobilité sociale ?
Le chapitre 5 a mis en évidence les plafonds adhérents dans le domaine de l’éducation. Seuls 7 % des élèves dont les parents ont un niveau d’éducation supérieure n’atteignent que le premier cycle de l'enseignement secondaire ou un niveau inférieur, contre 42 % de ceux dont les parents sont peu instruits. De surcroît, les planchers adhérents perdurent : au cours des deux dernières décennies, la mobilité des niveaux inférieur et intermédiaire d’éducation vers le niveau supérieur a diminué. Cette évolution est préoccupante, car la faiblesse du niveau d’instruction et des revenus va souvent de pair avec une moindre sécurité de l’emploi et du revenu et favorise la stagnation au bas de l’échelle de distribution des revenus (chapitre 2).
Pour briser le cycle du désavantage et promouvoir la mobilité sociale, il faut intervenir tôt. Globalement, une stratégie fondée sur l’augmentation de l’investissement dans les enfants et axée sur les milieux socioéconomiques défavorisés promet de rompre le cycle du désavantage intergénérationnel car elle instaurera des conditions équitables pour le développement de l’enfant. Elle garantira également aux personnes issues de milieux socio-économiques modestes une mobilité plus fluide et plus durable des revenus, tout au long de leur vie.
Dans l’OCDE, les pays qui ont consacré le plus de dépenses à l’éducation affichent globalement une plus forte mobilité intergénérationnelle dans ce domaine. Comme le montre le Graphique 6.1, la corrélation entre le nombre d’années d’éducation des parents et celles des enfants (un indicateur de la transmission du niveau de formation entre les générations) est sensiblement inférieure dans les pays où les enveloppes publiques allouées à l’enseignement étaient plus élevées en 1995. L’investissement public dans l’éducation semble donc avoir une influence favorable sur la mobilité dans ce domaine à long terme. Les conclusions d’autres études internationales confirment ce lien. Becker et al. (2010) ont observé qu’une plus faible élasticité intergénérationnelle des revenus est corrélée à des dépenses publiques d’éducation plus élevées par élève. Enfin, Ferreira et al. (2013) ont analysé l’incidence des dépenses publiques d’éducation par élève dans l’enseignement primaire et secondaire en Amérique latine et constaté qu’elles avaient bel et bien contribué à réduire l’écart de scolarisation entre enfants riches et pauvres.
6.2.1. Assurer des conditions d’égalité aux enfants d’âge scolaire
Le retard scolaire des enfants pauvres par rapport aux élèves aisés tient au moins en partie à ce qu’ils fréquentent des établissements différents (chapitre 5, section 3). Des données du Royaume-Uni montrent que l’écart de résultats entre les élèves de différents milieux socioéconomiques qui fréquentent les mêmes établissements est moindre, et que les établissements (ou la répartition des élèves entre les écoles) sont l’une des raisons majeures à l’origine de la divergence croissante entre les résultats aux examens des enfants riches et pauvres avec le temps (Crawford et al., 2016). Comme la répartition des élèves entre différents établissements en fonction des revenus et les avantages supplémentaires qui en découlent ont toutes les chances de persister, les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour aider les établissements peu performants ou ceux situés dans les collectivités marginalisées à réduire ce double handicap.
En général, les établissements qui accueillent des élèves plus défavorisés sur le plan socioéconomique disposent de ressources plus limitées ou de moins bonne qualité que les autres (OCDE, 2014b). Certains pays, comme l’Allemagne, la Corée, l’Estonie, la Finlande, et la Slovénie, ont mis en place des politiques efficaces en faveur des écoles défavorisées, et les responsables de ces établissements sont aussi nombreux, sinon plus, que les chefs d’établissements favorisés à déclarer disposer de ressources pédagogiques suffisantes (OCDE, 2015a).
Le mode d’affectation des crédits aux établissements influe sur l’équité (OCDE, 2013a). Les financements fondés sur une formule qui conjugue équité horizontale (les établissements présentant des caractéristiques similaires sont financés au même niveau) et équité verticale (les établissements défavorisés se voient allouer davantage de ressources) permettent de tenir compte des besoins éducatifs des élèves selon leur désavantage socioéconomique et leurs difficultés d’apprentissage. On peut par exemple y faire appel pour mieux accompagner les élèves – temps d’enseignement supplémentaire, matériel pédagogique spécialisé et, dans certains cas, réduction des effectifs par classe par exemple. Les Pays-Bas ont adopté ce système en 1985 pour tous les établissements primaires : les écoles comptant un nombre substantiel d’élèves défavorisés ont vu leurs crédits augmenter. En Australie, le programme Better Schools du National Plan for School Improvement est un modèle de financement des établissements scolaires en fonction des besoins qui, depuis 2014, fournit aux écoles des ressources supplémentaires du Commonwealth. Le financement des établissements est calculé en fonction des besoins de chaque élève inscrit3 (OCDE, 2016b). Au Canada, les élèves immigrés bénéficient de moyens pédagogiques plus développés, des cours supplémentaires par exemple (OCDE, 2015a). Au Chili, une « subvention scolaire préférentielle » (Subvención Escolar Preferencial) est allouée aux établissements qui comptent une plus forte proportion d’élèves vulnérables (OCDE, 2015i).
La mise en place d’un environnement pédagogique plus favorable passe aussi par le recrutement et la formation d’enseignants et par la promotion de stratégies d’apprentissage efficaces. La qualité des enseignants est un élément particulièrement important pour favoriser la réussite à long terme des enfants des zones défavorisées : les élèves qui ont des enseignants performants (dont la valeur ajoutée est mesurée par la progression moyenne des notes aux examens) seront plus susceptibles de fréquenter des universités cotées, de gagner des salaires plus élevés et de vivre dans des quartiers de statut socioéconomique supérieur (Chetty et al., 2014). Dans la plupart des pays, les enseignants chevronnés sont proportionnellement plus nombreux dans les établissements sans problèmes que dans les établissements difficiles. Certains pays ont mis en place des mesures volontaristes pour renverser cette tendance. En Finlande, une grande latitude est laissée aux enseignants pour adapter le rythme de l’enseignement à celui de l’apprentissage (English, 2014). Au Japon et en Corée, les enseignants et les chefs d’établissement sont souvent redéployés sur d’autres écoles de manière à ce que les professionnels les plus compétents soient plus équitablement répartis.
Les aménagements de la scolarité et l’adaptation des méthodes pédagogiques et du contenu des programmes aux besoins des élèves défavorisés peuvent améliorer les résultats. Aux États-Unis, les écoles sous contrat (« charter schools ») sont des écoles publiques qui jouissent d’une plus grande marge de manœuvre pour gérer le personnel, adapter les programmes et organiser le temps d’enseignement. Elles ciblent souvent les élèves issus de milieux de défavorisés. Elles offrent généralement de meilleurs moyens pédagogiques (classes à effectifs réduits et/ou un plus grand nombre d’heures d’enseignement), des services complémentaires et des enseignants mieux formés pour les jeunes en difficulté. De nombreux travaux constatent que ces écoles peuvent exercer une influence substantielle et durable sur le niveau de formation et, par la suite, sur l’emploi des jeunes défavorisés (OCDE, 2016c).
Pour inciter les meilleurs enseignants à exercer dans les établissements défavorisés, il faut leur proposer des salaires plus élevés ou des primes, comme l’indiquent quelques expériences menées aux États-Unis (programme Talent for Transfer), où ces mesures ont permis de recruter les enseignants les plus performants et de les retenir. Les résultats observés en France indiquent toutefois que les primes doivent être élevées car celles qui étaient proposées (1.5 % du salaire moyen) n’ont pas suffi à attirer les enseignants (Prost, 2013).
Pour améliorer la qualité des enseignants, il faut renforcer l’appui dont ils bénéficient dans les établissements défavorisés, où ils sont souvent moins performants que leurs confrères qui exercent dans des établissements relativement moins désavantagés. D’après les données de l’enquête TALIS 2013 de l’OCDE, le renforcement de l’aide aux enseignants passe par les mesures suivantes : (1) appui à la formation continue ; (2) autonomie – le pouvoir de décision des enseignants quant à leurs méthodes pédagogiques ; et (3) les réseaux de pairs – le rôle que jouent les enseignants dans la réglementation de leurs propres normes, y compris des mesures en matière de socialisation par les pairs, d’orientation et de rétroinformation. Des investissements dans le savoir professionnel des enseignants et dans les réseaux de pairs pourraient réduire les taux de déperdition des effectifs enseignants couramment observés dans les établissements très défavorisés (Imazeki et Goe, 2009). Les systèmes d’éducation peuvent aussi les épauler – notamment en exigeant d’eux qu'ils participent à des programmes de formation préalable qui les familiarisent avec la pédagogie et leur offrent des possibilités de s'exercer à l'enseignement, et en finançant des programmes d’initiation et de mentorat. D’autres mesures consistent à aider les enseignants à conduire des études individuelles ou collaboratives au niveau de la classe et à encourager leur participation à des réseaux de pairs aux fins d’échange d’information (OCDE, 2016d). Ces mesures pourraient s’avérer particulièrement bénéfiques dans les établissements qui comptent un fort pourcentage d’élèves défavorisés sur le plan socioéconomique et dans les établissements secondaires. Le Chili, par exemple, a instauré en 2016 un nouveau système de perfectionnement professionnel des enseignants qui prévoit davantage d’heures consacrées à la préparation des cours, des augmentations de salaires, et des primes pour ceux qui enseignent dans des établissements défavorisés sur le plan socioéconomique (OCDE, 2018a).
Les inégalités en termes de participation à des programmes extrascolaires accentuent les écarts de compétences non cognitives. Les activités des élèves en dehors de l’école influe sur leurs résultats et la mobilité sociale. La participation des enfants à des activités périscolaires, qui suppose généralement un investissement des parents, en temps et en argent, a évolué au cours des dernières décennies, et cette évolution a privilégié les enfants favorisés (Snellman et al., 2015). Les élèves des familles à revenu élevé consacrent plus d’heures à des cours particuliers et à des activités extrascolaires. Les pouvoirs publics devront éventuellement accorder des crédits supplémentaires pour organiser un tutorat gratuit dans les établissements défavorisés et des programmes de développement des compétences sociales et affectives. Les données empiriques confirment les effets positifs de la participation à des activités extrascolaires sur les études et les perspectives professionnelles, surtout pour les jeunes issus de milieux défavorisés (Heckman, 2008). L’organisation d’activités extrascolaires en Lettonie est un exemple en ce sens. Le système institutionnalisé de pédagogie des loisirs, financé conjointement par l’État et les communes, offre aux jeunes des possibilités intéressantes de pratiquer un sport, de suivre des cours de musique, de s’initier à un artisanat, et de pratiquer d’autres activités susceptibles de favoriser l’acquisition de compétences sociales et professionnelles (OCDE, 2015h).
6.2.2. Éliminer les obstacles à la mobilité dans l’enseignement secondaire
Plusieurs mesures peuvent favoriser l’équité dans l’enseignement secondaire et atténuer les inégalités liées au milieu social entre les élèves. Il s’agit notamment de supprimer le redoublement, d’éviter l’orientation précoce des élèves et de reporter leur sélection au deuxième cycle du secondaire, d’encadrer les choix d’établissement de manière à éviter la ségrégation et le creusement des inégalités, d’adapter les stratégies de financement aux besoins des élèves et des établissements, et de garantir l’équivalence des filières dans le deuxième cycle du secondaire pour éviter le décrochage (OCDE, 2013a).
Les élèves issus de milieux socioéconomiques modestes, d’origine immigrée, ou dont les parents sont peu instruits sont nettement plus susceptibles de redoubler que les autres ; or, le redoublement implique une accentuation de l’écart de réussite scolaire entre les élèves qui accusent un retard et leurs condisciples. Diverses stratégies permettent de limiter les redoublements : prévention, en remédiant aux déficits de connaissances pendant l’année scolaire ; passage automatique dans la classe supérieure ou redoublement partiel, avec soutien ciblé à l’élève, dans les matières ou modules où il a échoué ; et sensibilisation en vue de modifier la perception positive du redoublement. En Finlande, les programmes des établissements du deuxième cycle secondaire se composent d'unités modulaires qui se substituent aux années ; ce système permet aux élèves d’établir leur propre programme d’apprentissage parmi les cours proposés dans leur établissement ; l’élève ne redouble ainsi que les matières dans lesquelles il n’a pas obtenu de résultats satisfaisants. De même, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, le redoublement est généralement limité aux matières dans lesquelles l’élève a échoué (OCDE, 2012). Ces stratégies appellent des mesures complémentaires pour renforcer la capacité des établissements et des enseignants à répondre de manière adaptée aux besoins des élèves et à leur apporter le plus tôt possible un soutien régulier.
La conception de systèmes scolaires équitables et inclusifs suppose de limiter l’orientation précoce des élèves car une répartition dans les différentes filières en fonction de leurs aptitudes et intervenant tôt dans leur scolarité semble réduire considérablement leur mobilité. De nombreux pays affectent les élèves à différentes filières en fonction de leurs résultats, mais le moment où cette sélection intervient et son ampleur varient selon les pays de l’OCDE. Des pays comme la Suède ou l’Espagne ne le font pas pendant le cycle d’enseignement obligatoire, tandis que d’autres le font dès l’âge de 10-11 ans (OCDE, 2012). Les élèves issus de milieux défavorisés sont plus susceptibles d’être retirés de l’enseignement ordinaire et orientés vers une filière d’enseignement professionnel ou moins scolaire. Ils sont placés très tôt et de façon disproportionnée dans les filières ou groupes les moins généralistes, ce qui accentue les inégalités initiales (Spinath et Spinath, 2005). Par exemple, les élèves issus de l’immigration, lorsqu’ils sont orientés très tôt, risquent de se trouver cloisonnés dans un environnement éducatif de faible niveau avant même d’avoir eu la possibilité de développer les compétences linguistiques, sociales et culturelles qui leur permettraient d’exploiter pleinement leur potentiel (OCDE, 2010b). En Allemagne, en Autriche, et aux Pays-Bas, on trouve une proportion plus élevée d’immigrés dans les filières de relégation de l’enseignement obligatoire et dans les filières de formation professionnelle (OCDE, 2010b). Il apparaît que l’abolition de l’orientation précoce et l’instauration de systèmes d’enseignement polyvalent a favorisé la mobilité intergénérationnelle dans les pays nordiques et au Royaume-Uni, une évolution dont les familles à faible revenu ont été les principales bénéficiaires (Nolan et al., 2010 ; Blanden et al., 2005). On a ainsi constaté que le remplacement de l’ancien système à deux filières par un cycle d’enseignement polyvalent uniforme de neuf ans en Finlande avait accru la mobilité intergénérationnelle des revenus de 23 % (Pekkarinen et al., 2009). Dans les systèmes peu disposés à retarder l’orientation des élèves, la suppression des filières ou des groupes de faible niveau peut atténuer les effets négatifs d’une sélection précoce. Limiter le nombre de matières ou la durée du groupement selon les aptitudes, multiplier les passerelles entre les filières ou les classes, et veiller à la qualité des normes pédagogiques dans les différentes filières sont autant de moyens d’atténuer l’incidence négative de l’orientation précoce, de la répartition en classes homogènes et de la constitution de groupes de niveau.
Des mesures visant à améliorer la qualité et l’organisation du deuxième cycle de l’enseignement secondaire permettraient à celui-ci de mieux satisfaire aux attentes des élèves et de relever les taux d’achèvement scolaire. Il existe à cet égard plusieurs stratégies : assurer l’équivalence des filières générales et professionnelles en améliorant la qualité de l'enseignement et de la formation professionnels, en créant des passerelles entre l’enseignement général et l’enseignement professionnel, et en supprimant les « voies de garage » ; mieux informer et conseiller les élèves ; et adopter des mesures ciblées pour éviter le décrochage – en mettant en place, par exemple, d’autres filières permettant d’obtenir un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou en incitant les élèves à mener leurs scolarité à terme.
6.2.3. Prévenir le décrochage scolaire
Il faut absolument lutter contre l’abandon scolaire pour remédier aux inégalités dans le domaine de l’éducation et lever les obstacles à la mobilité. Depuis 2006, la Finlande réforme son système éducatif en ce sens. Le personnel des établissements scolaires assure un suivi régulier et inscrit dans la durée des enfants. Les élèves en risque de décrochage sont orientés vers des classes spéciales (2ème niveau, Jopo) et sont suivis de manière individualisée par un enseignant spécialisé (English, 2014). Les élèves dont les résultats ne s’améliorent toujours pas dans ce cadre sont orientés vers un troisième niveau. En Espagne, la loi de 2013 pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement (LOMCE) visait à réduire le nombre d’abandons scolaires et à améliorer les résultats scolaires en instituant de nouvelles évaluations externes des élèves et en accordant davantage d’autonomie aux établissements (Fernandez et Immervoll, 2017). Les Pays-Bas ont relevé l’âge d’obligation scolaire pour lutter contre le décrochage. L’instauration d’une « obligation de qualification » exige des élèves qu’ils fréquentent un établissement scolaire jusqu’à l’âge de 18 ans, à moins qu’ils n’obtiennent une qualification de base avant (OCDE, 2014c).
La lutte contre les mauvais résultats et le risque de décrochage doit commencer tôt : il faut repérer les élèves peu performants en début d’année scolaire et leur apporter un soutien ciblé toute l’année, entretenir des ambitions élevées pour tous les élèves, diminuer le redoublement, retarder la sélection scolaire et mobiliser la participation des parents tout au long de l’année scolaire. Les Services d’orientation des jeunes mis en place au Danemark offrent un exemple d’une approche fondée sur la prévention pour lutter contre l’abandon scolaire. Des conseillers établissent des plans éducatifs avec les enfants et leurs parents et assurent un suivi des transitions éducatives et de l’assiduité scolaire des élèves (OCDE, 2015j).
Si les mauvais résultats scolaires et l’absentéisme sont provoqués, ou aggravés, par des facteurs autres qu’éducatifs, comme des difficultés familiales, financières ou de logement, il faut agir. Le personnel de soutien spécialisé, psychologues qualifiés ou travailleurs sociaux intervenant dans les établissements scolaires par exemple, peut contribuer à identifier et régler rapidement ces problèmes. Selon les besoins des jeunes, les travailleurs sociaux ou autres personnels de soutien peuvent s’efforcer de remédier aux problèmes familiaux, résoudre une situation de logement difficile, ou mettre un jeune en contact avec les services de santé. En Norvège, par exemple, les établissements scolaires peuvent dispenser les enseignants d’une partie de leur charge d’enseignement pour leur permettre de s’occuper d’élèves en risque de décrochage et d’absentéisme. Dans une veine similaire, en Belgique, la région des Flandres a institué la interne leerlingenbegeleiding (structure de suivi interne) qui agit au sein des établissements pour apporter une aide complémentaire aux élèves dans le besoin et victimes de situations extra-éducatives (OCDE, 2015j).
Une autre stratégie de lutte contre l’abandon scolaire consiste à créer des centres spéciaux pour gérer individuellement le cas des élèves en décrochage. Les programmes Youth Coaches en Autriche, Youth Connections en Australie, Centra voor Leerlingenbegeleiding (CLBs) en Flandres et les centres régionaux d’enregistrement et de coordination aux Pays-Bas ont pour objectif de prêter assistance aux jeunes sortis prématurément du système éducatif (ou susceptibles de le faire) et de les aider à réintégrer le système ou à entrer rapidement dans la vie active (OCDE, 2015j).
6.2.4. Renforcer le lien entre l’école et le foyer pour éviter la transmission des handicaps au sein de la famille
Des programmes de mentorat peuvent aussi intervenir pour aider les jeunes qui n’ont pas de figure d’autorité et de modèles positifs chez eux (OCDE, 2016c). Plusieurs programmes efficaces associent des activités périscolaires destinées aux jeunes défavorisés à un dispositif de mentorat. Des programmes scolaires d’apprentissage social et affectif ont aussi amélioré les résultats comportementaux et scolaires (Sawhill et al., 2012). Plusieurs études ont observé l’incidence positive du mentorat sur la santé, l’estime de soi, les comportements à risque et le bien-être des adolescents, à condition que la relation ait duré un an au moins (Grossman et Rhodes, 2002). Les effets du mentorat dépendent en grande part de la qualité et de la solidité de la relation entre le jeune et le mentor, ainsi que sur le ciblage adéquat des jeunes vulnérables (Dubois et al., 2002 ; Rhodes 2008).
On citera parmi les programmes de mentorat le réseau « Big Brothers Big Sisters » aux États-Unis ; depuis plus de 100 ans, il met en relation des adultes bénévoles (les « grands ») et des enfants (les « petits »). À Toronto, le programme Pathways to Education, qui propose un soutien scolaire, du mentorat et une assistance financière, a contribué à réduire les taux d’abandon scolaire (OCDE, 2016c). Au Portugal, le programme Entrepreneurs en faveur de l’insertion sociale (EPIS) organise des réunions en tête-à-tête ou en petits groupes entre des spécialistes qualifiés (souvent des psychologues ou des spécialistes des sciences de l’éducation) et des élèves de 13 à 15 ans, notamment ceux qui risquent le plus d’échouer en fin d’année et/ou d’abandonner leurs études. Le programme est adapté au déficit de compétences non cognitives spécifique à chaque participant et utilise à la fois des techniques individuelles (entretiens motivationnels, maîtrise de soi, techniques de résolution de problèmes) et des techniques de groupe (méthodes d’étude, formation aux compétences sociales, gestion de la critique, maîtrise de l’anxiété). Le programme s’est dans l’ensemble avéré efficace et économique, et a diminué le taux de redoublement de 10 points de pourcentage (Martins, 2010).
D’autres études ont également démontré que certains comportements parentaux améliorent les résultats des élèves issus de milieux défavorisés. Il apparaît que la participation des parents (la lecture avec les jeunes enfants, des discussions qui encouragent la réflexion critique et des comportements qui leur montrent l’exemple) est fortement corrélée aux résultats cognitifs et non cognitifs des enfants (Borgonovi et Montt, 2012). Des études longitudinales portant sur certains pays semblent indiquer que la participation des parents aux activités d’apprentissage à la maison et leurs aspirations concernant l’éducation de leurs enfants sont positivement associées aux résultats éducatifs des enfants une fois le milieu socioéconomique pris en compte (Desforges et Abouchaar, 2003).
Cela montre que les enseignants, les établissements scolaires et les pouvoirs publics peuvent renforcer la participation des parents par divers moyens : des programmes de formation des parents, des projets visant à renforcer les liens entre la famille et l’école et des programmes qui mobilisent la participation des parents ou de la collectivité à l’enseignement par exemple. Le programme national de partenariats entre parents et écoles d’Epstein (Kreider, 2000) a montré que les meilleurs résultats étaient obtenus quand la participation des parents était pleinement intégrée dans les plans de développement des établissements, et quand ces plans impliquaient aussi les enseignants et des membres de la collectivité. Une évaluation récemment conduite en France a établi que les groupes de discussions parentaux dirigés étaient un moyen efficace d’accroître la participation des parents, qu’ils avaient permis de mieux faire connaître la structure scolaire et d’améliorer le comportement des élèves, et qu’ils avaient eu des retombées positives sur l’apprentissage (Avvisati et al., 2010).
6.2.5. L’enseignement supérieur est un moment pivot pour assurer l’égalité des chances dans la vie professionnelle
L’éducation s’est développée dans de nombreux pays de l’OCDE, mais cette évolution n’a pas toujours favorisé la mobilité ascendante relative, vers l’enseignement supérieur notamment. Les individus issus de familles à faible revenu ou dont les parents sont peu instruits ont toujours moins de chances d’accéder à des études supérieures et de les mener à terme que ceux issus de milieux plus aisés (chapitre 5). Compte tenu de l’importance croissante de l’enseignement tertiaire pour les compétences requises sur le marché du travail et les revenus, le non-accès à l’enseignement supérieur peut avoir des conséquences négatives sur les trajectoires de revenu et la mobilité sociale à plus long terme. Les différences de diplômes font que les diplômés issus de familles modestes sont moins susceptibles d’évoluer vers un emploi spécialisé et ont dans l’ensemble des revenus inférieurs. Aux États-Unis, par exemple, les universités les plus compétitives sont fréquentées presque exclusivement par des étudiants issus de milieux socioéconomiques élevés, qui y sont quatorze fois plus nombreux que les étudiants défavorisés (Carnevale et al., 2010). Ce phénomène est également observé dans d’autres pays où les systèmes d’enseignement supérieur sont caractérisés par des différences notables entre les établissements d’excellence et les universités ordinaires. Outres les États-Unis, des différences substantielles sont observables entre les deux catégories d’établissements au Royaume-Uni et en France, en termes de rigueur du processus de sélection et de dépenses par étudiant ; le système d’enseignement de ces deux pays présente donc un fort dualisme, ce qui n’est pas le cas des pays nordiques (Brezis et Hellier, 2017).
Pour remédier à la sous-représentation des étudiants issus de milieux socioéconomiques défavorisés dans l’enseignement supérieur, surtout dans les universités sélectives ou prestigieuses, des actions d’information des élèves s’imposent dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Mal renseignés et disposant de moyens limités, certains jeunes optent pour une filière post-secondaire plus courte ou un établissement moins exigeant qui leur donnera rapidement accès à un emploi de premier échelon, mais leur offrira des perspectives professionnelles moins engageantes. Les informations, les conseils et les orientations influent considérablement sur les choix des élèves, et ceux issus de milieux socioéconomiques modestes risquent d’être moins bien renseignés par leurs parents, leurs réseaux et leurs écoles quant aux filières de l’enseignement supérieur. Les admissions en université sur critères élargis permettent d’éviter que des candidats très prometteurs issus d’un milieu défavorisé soient écartés lors du processus de sélection initial (OCDE, 2017d ; Mountford-Zimdars et al., 2016).
Le mentorat ou le tutorat, en vertu desquels des étudiants d’une université donnée apportent une aide aux élèves d’établissements secondaires pour les informer des qualités que les évaluateurs recherchent dans le cadre du processus d’admission contribue à développer les compétences interpersonnelles et à rehausser les aspirations des élèves. Le programme français Pourquoi Pas Moi lancé par l’école de commerce ESSEC, qui est désormais en vigueur dans 130 universités de premier plan et représente 34 % des grandes écoles (Cordées de la Réussite, ONPV, 2016), propose aux élèves du secondaire un programme de mentorat et des ateliers. Son évaluation montre que 90 % des élèves participants poursuivent des études supérieures, contre 75 % en moyenne, et qu’ils ont deux fois plus de chances d’intégrer un établissement d’élite (toutes choses étant égales par ailleurs, Accenture, 2012). Aux États-Unis, un programme similaire, le College Coach Program, conduit dans douze lycées publics de Chicago, a permis aux élèves de suivre l’intégralité du processus d’admission à l’université ; ces élèves ont eu 13 % de chances supplémentaires de voir leur démarche aboutir que ceux qui n’ont pas reçu l’aide d’un mentor, et 24 % de chances supplémentaires d’être admis dans une filière longue non sélective plutôt que dans une filière courte (Rosenbaum et al., 2015). Il sera difficile de développer ces programmes, car ils ne touchent qu’une faible proportion des élèves du secondaire en France - 2 % environ (M.E.S.R.I., 2017).
Les politiques qui visent à remédier aux inégalités et aux obstacles socioéconomiques à la mobilité ascendante des catégories défavorisées doivent également prévoir des mesures pour favoriser leur recrutement, des politiques d’admission différenciées par exemple. La discrimination positive fondée sur la catégorie sociale ou l’admission sur critères élargis sont des moyens de lutter contre le désavantage économique intergénérationnel. Les tenants de ces méthodes estiment en effet qu’étant donné la diversité des possibilités et des situations des apprenants, il est juste de prendre en compte, outre les résultats scolaires habituels, les informations contextuelles dans le cadre du processus d’admission à l’université. Les politiques d’admission sur critères élargis prennent généralement en considération d’autres éléments relatifs aux antécédents des étudiants, comme le niveau de performance global de leur école et les marqueurs socioéconomiques liés à leur réussite scolaire (Boliver et al., 2015). Ces politiques demeurent toutefois très controversées.
Plusieurs pays ont instauré ou envisagent des politiques d’admission différenciées de cette nature pour les catégories économiquement faibles ou les groupes démographiques défavorisés. Il y a dix ans, le Brésil a mis en place un système de discrimination positive fondé sur des quotas par race, mais aussi destiné aux étudiants à faible revenu et aux diplômés des établissements scolaires publics. Aux États-Unis et en Afrique du Sud, on s’interroge sur l’opportunité de remplacer la discrimination positive en fonction de la race à un système fondé sur la catégorie sociale. Diverses questions se posent quant à l’efficacité de la discrimination positive (Cahuc et al., 2014). D’un point de vue théorique, elle pourrait se traduire par un moindre investissement des groupes visés et s’avérer globalement préjudiciable (Coate et Loury, 1993). D’un point de vue empirique, on ignore dans quelle mesure elle bénéficie à la population-cible. Une étude de l’université du Colorado a montré que les politiques de discrimination positive en fonction de la catégorie sociale avaient pour effet d’accroître la diversité socioéconomique et d’élargir légèrement la diversité raciale (Gaertner et Hart, 2013), mais une autre étude d’un établissement plus sélectif, UCLA, a montré que la représentation des minorités diminuait (Sander, 1997). L’évaluation du programme israélien de discrimination positive en fonction de la catégorie sociale a démontré l’efficacité de ce dernier, puisqu’il a élargi l’accès des candidats issus de milieux défavorisés dont les résultats scolaires étaient à la limite du recevable et s’est traduit par une hausse des taux d’admission et d’inscription (Alon et Malamud, 2014). Sander (2004) a montré qu’aux États-Unis, les étudiants en droit noirs bénéficiant de mesures de discrimination positive étaient plus susceptibles de se retrouver à l’extrémité la moins performante de la distribution, et risquaient davantage d’abandonner leurs études. Arcidiacono et al. (2012) ont constaté que la discrimination positive pouvait influer sur le choix de la matière dominante et être préjudiciable pour les étudiants qui auraient opté pour des filières plus exigeantes en son absence.
D’aucuns proposent de remplacer la discrimination positive par des « programmes par pourcentage » pour atteindre les objectifs de diversité (Arcidiano et Lovenheim 2016). Ces programmes garantissent l’admission d’élèves qui se situent dans le X pour cent supérieur de leur classe secondaire – ce qui élargit l’accès aux élèves à faible revenu issus de minorités. Le Texas et la Californie ont mis en place des programmes qui garantissent automatiquement à tous les élèves figurant dans les 10 pour cent supérieur de leur classe une admission à l’université.
Pour être efficace, le système d’admission sur la base de critères élargis doit aussi se fonder sur des indicateurs précis et adaptés dont les universités pourront se servir pour appréhender les différences antérieures, sans compromettre la réussite de l’étudiant. Les indicateurs courants comprennent des mesures du handicap relatif à l’échelon de l’individu, du quartier et de l’établissement scolaire, éventuellement complétées par des évaluations des enseignants. En France, l’IEP (Sciences Po) a mis en place pour les étudiants issus d’établissements défavorisés (Zone d’éducation prioritaire) une filière spéciale (Convention d’éducation prioritaire) qui les exempte de l’examen écrit mais leur impose une présentation devant un jury d’admission. Depuis son instauration en 2001, plus de 1 700 étudiants ont bénéficié de cette procédure, et leur taux de réussite paraît équivalent à celui des autres étudiants, même s’il leur faut parfois plus de temps pour terminer leurs études (Tiberj, 2011).
Outre ces dispositifs, la diversification des parcours permettant aux élèves défavorisés d’intégrer les meilleurs établissements est un autre moyen de favoriser la mobilité sociale. Les cours préparatoires, les programmes de base d’une année et les universités d’été offrent aux étudiants qui n’ont pas le niveau requis d’acquérir suffisamment de connaissances et de compétences pour accéder aux universités sélectives. La France a également établi les parcours passerelles qui permettent aux élèves des filières courtes ou issus d’établissements moins sélectifs d’intégrer des formations plus longues. Par ailleurs, les meilleures universités proposent de nouveaux diplômes pour attirer des étudiants dans l’enseignement supérieur.
Le remplacement du système d’admission décentralisé par un système centralisé peut aussi favoriser l’accès d’étudiants issus de milieux socioéconomiques plus modestes. L’expérience du Chili montre que le système d’admission centralisé en place depuis 2012, qui élargit l’offre d’établissements, a eu des retombées sociales positives, surtout pour les étudiants confrontés à des coûts d’inscription élevés. (Espinoza et al., 2017). Les étudiants sont sélectionnés en fonction d’une note qui associe leurs résultats scolaires à ceux obtenus à un examen national (Prueba de Selección Universitaria). Cette réforme a permis aux étudiants de statut socioéconomique modeste de s’inscrire dans des établissements de meilleure qualité, et l’avantage conféré par la richesse a été diminué de moitié. Sur le plan de la faisabilité, les coûts d’inscription élevés et la qualité relativement uniforme des établissements pourraient amener les universités à opter volontairement pour un système centralisé. Celui-ci pourrait être adopté plus volontiers sur un marché où les coûts de recherche sont élevés, dans les pays très inégalitaires par exemple.
Pour assurer la mobilité sociale dans l’enseignement supérieur, les mesures ne sauraient se limiter au premier jour d’université. Il convient notamment d’apporter davantage de soutien aux étudiants issus de milieux modestes pour leur permettre de mener leurs études à terme (Crawford et al., 2016). Pour certains, les obstacles sont liés à la charge de travail ; pour d’autres, ils sont associés au fait qu’ils doivent mener de front travail et études. Les services de conseil et de tutorat pourraient s’employer à prévenir l’abandon des études, surtout pendant la première année ou vers sa fin. Le programme First Generation de l’université du Colorado à Boulder, par exemple, aide les étudiants de première génération à passer du premier cycle universitaire aux cycles supérieurs et à s’orienter parmi les différents programmes universitaires et sociaux (Boulder, 2018).
Enfin, la diversité dans l’enseignement supérieur est également associée à des questions de financement, et les individus issus de milieux défavorisés doivent savoir précisément sur quelles aides financières ils peuvent compter avant de s’inscrire. L’objectif des bourses étudiantes est de supprimer l’obstacle que peuvent constituer les revenus ou les moyens familiaux à l’accès à l’enseignement supérieur et à la réussite dans ces études. Plusieurs travaux ont mis en évidence l’incidence de l’aide aux étudiants sur les décisions d’inscription et indiquent que les programmes d’assistance augmentent sensiblement les taux d’inscription, de l’ordre de 1 à 3 points de pourcentage pour 1 000 USD (Kane 1995 ; Dynarski, 2000, 2003 ; Seftor et Turner, 2002, pour les États-Unis ; Nielsen et al., 2010, pour le Danemark ; Dearden et al., 2014, pour le Royaume-Uni). Des données plus récentes montrent par ailleurs que l’aide financière se traduit par une hausse des taux annuels d’achèvement et par de meilleures notes (Murphy et Wyness, 2016 ; Goldrick-Rab et al., 2016). Des droits de scolarité élevés peuvent aussi dissuader les étudiants à faible revenu de s’inscrire, mais une diminution des droits ou la gratuité des études profiteront sans doute de manière disproportionnée aux riches. La méthode consistant à moduler les droits de scolarité selon une échelle dégressive fondée sur le revenu familial/individuel, et qui en exonérerait les familles/individus dont le revenu serait inférieur à un seuil donné, semble offrir une solution prometteuse. Les prêts sont une autre solution, mais il convient d’éviter des taux élevés de défaut de remboursement, d’endettement et de risque. Dynarski et Kreiman (2013) proposent par exemple des prêts dont les remboursements augmenteraient et diminueraient automatiquement en fonction du revenu de l’emprunteur.
6.3. Quelles sont les politiques de l’emploi les plus à même de favoriser la mobilité sociale ?
La réussite professionnelle des individus est le principal facteur de mobilité ascendante des revenus des ménages (chapitre 3). Les personnes en situation d’emploi précaire sont moins susceptibles de progresser sur l’échelle des revenus et des rémunérations et sont moins bien équipées pour faire face à des événements déclencheurs négatifs sur le marché du travail, comme la perte d’emploi. Par ailleurs, la réussite sur le marché du travail est en grande partie déterminée par les antécédents parentaux. La moitié des enfants dont les parents sont cadres occupent eux-mêmes des postes de responsabilité, mais un quart seulement de ceux dont les parents sont des travailleurs manuels ont une chance d’atteindre ce niveau (chapitre 4).
Si un système d’enseignement et de formation de qualité est indispensable pour donner aux individus le meilleur démarrage possible dans la vie active, les politiques de l’emploi peuvent sensiblement influer sur la mobilité salariale et professionnelle tout au long de la carrière. Primo, les adultes peu qualifiés qui n’ont pas bénéficié de possibilités d’apprentissage risquent de se trouver bloqués dans leur évolution si leurs compétences restent faibles ou se dégradent à la longue, et ont donc besoin de formations ciblées. Secundo, même les jeunes très qualifiés issus de milieux défavorisés tireront profit d’interventions complémentaires pour accéder à certaines professions et décrocher un emploi de qualité. Tertio, un marché du travail performant peut limiter les périodes de chômage, mais aussi leurs effets stigmatisants. Quarto, la mobilité des revenus tout au long de la vie active est conditionnée par le nombre et la qualité des emplois en général, et devrait dont être influencée par les institutions du marché du travail, comme la législation sur la protection de l’emploi et les politiques actives du marché du travail. Enfin, les événements déclencheurs déterminent la mobilité des revenus sur l’ensemble de l’échelle de distribution, dans la partie intermédiaire notamment, et des politiques de l’emploi bien conçues peuvent favoriser des trajectoires de mobilité durables pour les salariés à revenu intermédiaire.
Les politiques du travail influent aussi sur la mobilité intergénérationnelle des rémunérations et des revenus : d’après Solon (2004), l’un des principaux déterminants de la mobilité sociale est le taux de rendement du capital humain, car il incite les parents aisés à investir davantage dans le capital humain de leurs enfants. Des données internationales indiquent qu’une hausse du rendement de la scolarité est corrélée à une baisse de la mobilité intergénérationnelle (Corak, 2013). Le Graphique 6.2 montre une forte relation entre le rendement de l’éducation (revenus relatifs) et la mobilité éducative. Les pays où les revenus relatifs des individus diplômés de l’enseignement supérieur sont plus élevés sont généralement ceux qui affichent aussi un plus haut degré de transmission intergénérationnelle du niveau de formation, c’est-à-dire une mobilité plus faible. Il s’agit par exemple de l’Allemagne, de la Hongrie, du Portugal et du Mexique. À l’inverse, l’Australie, le Canada et la Corée affichent à la fois une faible transmission intergénérationnelle du niveau de formation et un bas rendement de l’enseignement supérieur.
6.3.1. Donner aux jeunes un bon départ dans la vie
Un mauvais départ en début de vie active peut avoir des conséquences préjudiciables durables. Certains pays parviennent toutefois mieux que d’autres à rééquilibrer les chances (chapitre 3). Il faut en faire davantage pour aider les jeunes défavorisés à mieux démarrer leur vie professionnelle et éviter ainsi les carrières médiocres caractérisées dès le début par des périodes intermittentes de travail peu rémunéré et de chômage. Les jeunes issus de milieux défavorisés sont plus susceptibles d’avoir quitté le système d’enseignement tôt, sans avoir acquis les compétences nécessaires. Ils risquent donc davantage d’être sans emploi, non scolarisés, et de ne suivre aucune formation (NEET) : la probabilité que leurs parents aient un niveau d’instruction inférieur au deuxième cycle du secondaire est supérieure de 80 % à celle des autres jeunes, et ils sont deux fois plus susceptibles d’avoir des parents inactifs (OCDE, 2016c). Le Plan d’action de l’OCDE pour les jeunes recommande une série de mesures, notamment de mettre en place des programmes de la deuxième chance et d’encourager les employeurs à développer les programmes d’apprentissage ou des stages de qualité qui aident les jeunes défavorisés ayant interrompu tôt leurs études.
Les jeunes qui quittent prématurément l’école éprouvent beaucoup de difficultés à y retourner car les facteurs éducatifs, sociaux ou personnels à l’origine de cet abandon persistent souvent et demeurent un obstacle. Les programmes de la deuxième chance leur offrent un environnement pédagogique souple, bien adapté à leurs besoins et conçu pour les aider à se réinsérer dans le système éducatif en leur apportant un soutien intensif pendant une période de plusieurs mois à un an, et en assurant un suivi le cas échéant. Ils prennent en compte les compétences cognitives et non cognitives et associent des cours de rattrapage en lecture, en écriture et en calcul à une formation professionnelle, des conseils intensifs, une aide médicale et une orientation professionnelle, dans le cadre de relations solides avec les employeurs et intervenants locaux. Une simple expérience professionnelle ou des travaux en collectivité – dans la restauration ou les soins aux personnes âgées, par exemple – peuvent aider ces jeunes à retrouver un rythme de travail (OCDE, 2016c). On citera pour exemples les programmes Job Corps4 et YouthBuild aux États-Unis, qui proposent un préapprentissage complet, l’École de la deuxième chance en France et les établissements suédois d’enseignement pour adultes qui offrent aux jeunes âgés de plus de 18 ans des conseils, une formation aux compétences sociales et au savoir-être, ainsi qu’un enseignement classique.
De nombreuses interventions couronnées de succès à l’intention des étudiants défavorisés s’efforcent d’améliorer les caractéristiques non cognitives, dont certaines sont transmises par le milieu social. Ces compétences non cognitives - caractère consciencieux et stabilité émotionnelle (« locus de maîtrise » et estime de soi) par exemple - sont positivement associées aux résultats sur le marché du travail (Brunello et Schlotter, 2011). Il apparaît que les compétences non cognitives sont aussi malléables que les compétences cognitives et peuvent être influencées par l’éducation. L’expérience et des interventions spécialisées peuvent modifier les traits de personnalité, y compris chez les adolescents et les jeunes adultes. Le soutien périscolaire, le mentorat, l’expérience professionnelle et les programmes de la deuxième chance peuvent ainsi influer sur les compétences non cognitives (OCDE, 2016c).
Le passage de l’école à la vie active est un moment déterminant pour la mobilité intergénérationnelle et la trajectoire future des jeunes sur le marché du travail. Les programmes d’apprentissage, qui conjuguent travail et études dans le cadre d’une approche en entreprise, peuvent faciliter cette transition (voir par exemple Acemoglu et Pischke, 1998, pour l’Allemagne ; Fersterer et Winter-Ebmer, 2003, pour l’Autriche ; McIntosh, 2004, pour le Royaume-Uni ; et Abriacet al., 2009, pour la France). Pour améliorer la mobilité sociale, ces programmes doivent davantage s’efforcer d’attirer et de retenir les jeunes vulnérables pour lesquels il est parfois plus difficile d’obtenir des stages (UK Social Mobility Commission, 2014). Les programmes efficaces doivent être conçus de manière à encourager la participation de différentes tranches d’âge, des femmes et des jeunes défavorisés, et couvrir toute une palette de secteurs et de métiers. Ils doivent prévoir une forte composante de formation et être bien intégrés au système scolaire traditionnel. Il convient notamment de veiller à ce qu’ils ne soient pas utilisés de manière abusive comme source de main d’œuvre bon marché. Les programmes de préapprentissage peuvent préparer les jeunes plus défavorisés, qui éprouvent des difficultés à être admis en apprentissage, en les aidant à combler leurs lacunes à l’écrit ou en calcul, en renforçant leur motivation, en leur donnant des habitudes de travail, voire en leur permettant de travailler en entreprise sur de courtes périodes. Des programmes de cette nature existent en Allemagne, où ils durent jusqu’à un an, et en Australie, où ils se concentrent sur des métiers spécifiques ou sur un éventail de domaines, et font généralement intervenir des cours d’EFP en classe et des stages.
Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en place des incitations financières pour encourager les employeurs à créer des places d’apprentissage (OCDE, 2016c). Il s’agit de subventions des salaires, de crédits d’impôt et/ou de baisses de cotisations sociales et de salaires inférieurs au minimum légal pour les jeunes. Au Royaume-Uni, le National Apprenticeship Service offre des bourses d’apprentissage d’un montant de 1 500 GBP aux entreprises de moins de 1 000 salariés qui recrutent des jeunes âgés de 16 à 24 ans. En Allemagne, les partenaires sociaux définissent d’un commun accord une allocation de formation qui varie selon l’âge de l’apprenti et son ancienneté au sein de l’entreprise. Au Danemark, toutes les entreprises versent une cotisation annuelle de près de 400 EUR par salarié au Fonds des employeurs pour le financement de la formation (AER). Ce fonds indemnise les entreprises tous les 24 mois pour chaque apprenti embauché (OCDE, 2016c).
6.3.2. S’attaquer aux obstacles professionnels des catégories défavorisées
Même quand les élèves issus de milieux défavorisés ont un niveau d’instruction équivalent à celui de leurs condisciples, ils se heurtent à des difficultés pour trouver un emploi de qualité et passent ainsi à côté des possibilités qui les accompagnent. Cette barrière invisible est le fruit de phénomènes complexes, que l’on peut ranger dans deux catégories : le manque d’informations et la discrimination. Les jeunes issus de milieux défavorisés ne maîtrisent pas toujours les codes de comportement informels sur lesquels reposent les procédures de recrutement (Vance, 2016). Il se peut que les employeurs exercent, consciemment ou pas, une discrimination.
Faciliter le passage de l’école à la vie active des jeunes défavorisés est un moyen majeur d’assurer la mobilité ascendante au cours de la vie et de prévenir la transmission des handicaps d’une génération à l’autre. Le renforcement de l’orientation professionnelle, du mentorat et des liens entre l’enseignement et les employeurs permettrait de fournir aux étudiants défavorisés des informations de meilleure qualité quant aux étapes nécessaires pour faire carrière, surtout dans les professions les plus sélectives (Marcenaro Gutierrez et al., 2014). Le Royaume-Uni a récemment établi la Careers and Enterprise Company, un organisme dirigé par les entreprises et créé par le gouvernement pour préparer les élèves au monde du travail ; son ambition est de permettre aux jeunes de bénéficier de l’appui direct d’entreprises pour favoriser la mobilité sociale.
Les stages non rémunérés peuvent devenir un obstacle à la mobilité sociale. Les étudiants à faible revenu ne peuvent se permettre de travailler à titre gratuit et risquent d’opter à terme pour des emplois d’été ou des stages rémunérés dans des secteurs où ils n’acquièrent pas les compétences nécessaires pour gravir les échelons. La BBC, par exemple, a décidé d’interdire les stages non rémunérés dans l’objectif volontariste de favoriser la mobilité sociale. Les initiatives d’organismes œuvrant dans le domaine de la mobilité sociale comme le Sutton Trust et la Social Mobility Foundation au Royaume-Uni ont mis en place divers programmes destinés à encourager les jeunes issus de milieux modestes à faire des stages dans des entreprises de premier plan. Aux États-Unis, le programme Year Up offre, en association avec des entreprises, un enseignement post-secondaire aux jeunes défavorisés qui ont obtenu au moins un diplôme du secondaire mais n’ont pas les compétences nécessaires pour trouver un emploi de qualité. Roder et Elliott (2014) ont constaté que trois ans après la fin du programme, le salaire annuel des participants était supérieur de 30 %, une hausse due essentiellement à un salaire horaire plus élevé5.
C’est souvent par le biais de réseaux informels et de relations que l’on trouve un stage, mécanismes dont les jeunes les moins aisés sont exclus (Social Mobility Commission, 2016). L’adhésion à des clubs professionnels, à des réseaux de femmes et autres initiatives du même genre offrent aux jeunes issus de milieux socioéconomiques modestes de nombreuses possibilités de se créer des réseaux sociaux et d’entendre parler d’emplois et de dispositifs nouveaux qui compenseront le manque de relations de leurs parents. En France, le réseau social Pote Emploi s’efforce de mettre en relation des jeunes issus de milieux défavorisés qui ont réussi avec d’autres, plus jeunes, issus du même milieu et de donner à ces derniers accès à un réseau, notamment à des possibilités de stages.
Les jeunes issus de milieux défavorisés se heurtent souvent à de puissants obstacles durant la phase de recrutement, en particulier à la discrimination, consciente ou inconsciente, exercée par des employeurs souvent enclins à embaucher des candidats auxquels ils s’identifient (Heath et al., 2013 ; Bertrand et al., 2017 ; Dovidio et al., 2016 ; Pager and Western, 2012). Les CV anonymes sont l’une des pratiques qui visent à favoriser l’embauche et le maintien en poste de personnes issues de milieux socioéconomiques modestes. Les preuves de leur efficacité en termes de taux de rappel sont toutefois peu concluantes (Krauser et al., 2012 ; Behaghel et al., 2015). Dans la pratique, les CV anonymes ne sont peut-être pas totalement anonymes dans la mesure où il est toujours possible d’y déceler des indices informels comme le lieu de résidence, les établissements scolaires fréquentés ou les compétences linguistiques mentionnées (Krauser et al., 2012). Ils peuvent laisser transparaître des références à la catégorie sociale, comme des loisirs ou des activités périscolaires plus accessibles sur le plan financier (Rivera et Tilcsik, 2016). Enfin, même si les candidatures sont anonymes, l’identité des candidats est révélée lors de l’entretien (Rivera et Tilcsik, 2016).
On citera parmi les mesures de lutte contre les discriminations associées au milieu social, qui limitent les débouchés, les campagnes de communication, en direction des entreprises et des directeurs des ressources humaines notamment, qui visent à atténuer la subjectivité des procédures de recrutement. La société MasterCard a lancé une campagne InternsWanted qui invite les candidats à soumettre une « présentation créative » exposant leur idée en vue de promouvoir un aspect du projet de l’entreprise sous forme de blog, de vidéo ou de graphisme.
Les services publics peuvent servir de modèle en matière de non-discrimination (Lipsky, 1980). Permettre à des jeunes issus de l’immigration ou à des jeunes femmes d’accéder à des carrières enrichissantes dans la fonction publique peut être un moyen fructueux d’améliorer la mobilité sociale et les pratiques de recrutement (OCDE, 2017d). Au Royaume-Uni, les autorités ont mis en place le Civil Service Fast Stream Programme pour inciter certains des diplômés les plus talentueux à suivre une formation dans la perspective d’une carrière dans la haute fonction publique ; les participants sont sélectionnés en fonction de leur potentiel et non de leurs antécédents. En France, les étudiants issus de milieux sociaux défavorisés bénéficient de bourses d’études pour les aider à préparer le concours d’entrée à l’École nationale d’administration (ENA). En Norvège, les employeurs publics sont tenus d’inviter un candidat qualifié d’origine immigrée et une personne handicapée à un entretien, et ont la possibilité de retenir le candidat arrivé en deuxième position si celui-ci est issu de l’immigration. De nombreux pays – Irlande, Nouvelle-Zélande et Pays-Bas par exemple – forment les membres du comité de sélection aux questions liées à la diversité dont ils doivent tenir compte au cours de l’entretien, et constituent les comités de manière à ce qu’ils témoignent eux-mêmes de cette diversité. La Finlande a mis en œuvre un projet dénommé Avancement professionnel des responsables de sexe féminin au sein de l’Administration publique (2008‑09), qui prévoit la formation des superviseurs à repérer les femmes qui présentent des aptitudes à occuper un poste à responsabilité et à les encourager à participer à la formation correspondante.
D’autres mesures visent à rendre l’accès aux professions libérales plus équitable, moyennant des aides financières à la création d’une nouvelle activité ou l’instauration de programmes pour aider les nouveaux venus dans la profession à se créer une clientèle par exemple (Aina et Nicoletti, 2014). Des habilitations professionnelles trop rigoureuses peuvent nuire à la mobilité sociale en permettant à ceux qui disposent de moyens et de relations de bénéficier des revenus élevés liés à certaines de ces professions, en partie en empêchant d’autres personnes de leur faire concurrence (Rodrigue et Reeves, 2015). Les compétences entrepreneuriales aussi se transmettent souvent spontanément d’une génération à l’autre (Aghion et al., 2017). L’UE a lancé son Plan d'action Entrepreneuriat 2020 qui prévoit des interventions en vue de supprimer les obstacles administratifs et de soutenir les nouvelles entreprises dans les phases cruciales de leur cycle de vie, en mettant notamment l’accent sur l’éducation et la formation à l’entrepreneuriat. Des propositions récentes dans ce domaine sont à l’examen aux États-Unis : il s’agirait d’assujettir les nouvelles propositions d’habilitation à une analyse coût-bénéfice et de remplacer l’habilitation de certaines professions (le gouvernement américain établit les qualifications requises pour l’exercice de 30 % des métiers ou professions environ) – par un système de certification, ou de les déréglementer (Kleiner, 2015).
6.3.3. Atténuer les retombées des crises de l’emploi et aider le retour à l’emploi
Pour empêcher les salariés de rester bloqués au bas de l’échelle des revenus et atténuer le risque de déclassement de ceux de la tranche intermédiaire en cas de chocs du marché du travail, il faut des politiques qui agissent sur le chômage et les périodes d’inactivité, et d’autres qui encouragent la mobilité professionnelle et salariale. Cette partie du rapport examine les outils dont disposent les pouvoirs publics pour prendre en charge les périodes récurrentes de chômage au cours d’une carrière. Cet objectif peut être atteint en limitant les périodes d’inactivité, en favorisant un retour de qualité à l’emploi et en aidant les travailleurs victimes de suppressions d’emploi à retrouver rapidement un travail.
6.3.3.1. Il n’est jamais trop tôt pour anticiper
Des mécanismes qui permettent d’anticiper les crises de l’emploi, comme la prévision des évolutions de l’économie et du marché du travail et la gestion prospective des compétences et des emplois, peuvent prévenir certains licenciements collectifs et fermetures d’usines et améliorer en parallèle la manière dont les entreprises s’adaptent au changement. Au Canada, le programme Partenariats du marché du travail (PMT) apporte aux employeurs, partenaires sociaux et collectivités des financements qui leur permettent d’établir des stratégies et plans anticipatifs pour faire face aux problèmes de main d’œuvre et satisfaire aux besoins en ressources humaines (OCDE, 2015c).
La coordination des conventions collectives intersectorielles ou interentreprises peut également faciliter les ajustements de salaires et du temps de travail de manière à éviter les licenciements et les chocs sur les revenus. Dans certains pays (comme la Suède), les réductions du temps de travail ne sont pas indemnisées, ce qui donne lieu à des baisses de rémunération proportionnelles, tandis que dans d’autres, des dispositifs de chômage partiel permettent de les indemniser partiellement (OCDE, 2017e). Ces dispositifs ont été très utilisés dans les pays de l’OCDE au lendemain de la crise de 2008, par exemple en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Italie, au Japon, au Luxembourg et en Turquie. Ces programmes ont sensiblement contribué à stabiliser l’emploi permanent et à réduire le chômage en aidant les entreprises à éviter les licenciements superflus, autrement dit le renvoi définitif, durant un période de contraction de l’activité, de salariés dont les emplois auraient été viables à plus long terme (Cahuc et Carcillo, 2011 ; OCDE, 2016e)6.
Des politiques actives et efficaces du marché du travail sont indispensables pour permettre aux demandeurs d’emploi de trouver des postes de qualité et empêcher que des périodes de chômage ne fassent obstacle à la mobilité ascendante ultérieure. Les politiques d’activation doivent établir un juste équilibre entre l’aide aux demandeurs d’emploi qui en ont le plus besoin (ce qui est généralement le cas dans les pays de l’OCDE) et celle apportée aux travailleurs en voie de réinsertion ou qui n’ont pas besoin d’un appui aussi soutenu, pour éviter que l’exclusion de l’emploi ne se pérennise.
6.3.3.2. Une activation rapide en cas de crise de l’emploi
Une activation rapide en cas de chômage prévient le risque de stigmatisation à long terme. Au Danemark, les « warning pools » sont des financements qui peuvent être utilisés pour créer un service temporaire de l’emploi sur un lieu de travail (OCDE, 2016f). Les employés du bureau local de l’emploi assistent les travailleurs dans leur recherche et les aident à définir une stratégie d’emploi. Des services de conseil sont fournis durant la période de préavis pour préparer les salariés à leur reconversion. Une formation peut être envisagée, qui débute peu après le licenciement. Dans l’Ontario, les Services de formation pour un réemploi rapide (SFRR) assurent une intervention immédiate en cas de licenciements massifs. Ils mettent les individus en contact avec les services publics de l’emploi et les aident à retrouver un travail en tenant compte des problèmes de maintien dans l’emploi à long terme (OCDE, à paraître). En Suède, les Conseils de sécurité de l’emploi facilitent le retour à l’emploi des travailleurs licenciés en les accompagnant dans leur démarche dès les premiers mois. C’est sans doute essentiellement grâce à eux que près de 90 % des salariés retrouvent un emploi dans l’année qui suit leur licenciement (OCDE, à paraître).
6.3.3.3. Accompagnement intensif des travailleurs difficiles à reclasser
Les outils de profilage sont très utiles pour donner aux chômeurs en difficulté de réinsertion de plus grandes possibilités de retrouver un emploi et de progresser sur l’échelle professionnelle, et de nombreux pays y font désormais appel (OCDE, 2015e). En Autriche, par exemple, le service public de l’emploi applique un modèle reposant sur trois « zones » : la première est un service qui fournit uniquement des informations, la deuxième un service chargé des « inscriptions et services de base » et la troisième un service « d’accompagnement », vers lequel les demandeurs d’emploi encore au chômage après trois mois sont orientés pour recevoir un suivi individualisé intensif. En Allemagne, les demandeurs d’emploi sont répartis en six profils après une évaluation assistée par ordinateur de leur « éloignement du marché du travail ». À chaque profil correspond en principe une stratégie de prise en charge spécifique que le conseiller doit suivre, des études qualitatives ayant toutefois révélé que le lien direct entre les résultats du profilage et les objectifs définis dans les plans d’action sont relativement ténus (OCDE, 2015e).
Des entretiens d’orientation approfondis durant la période de chômage permettent de définir les moyens de renforcer ou d’actualiser les compétences du demandeur d’emploi, de revoir son curriculum vitae, de lui donner des conseils sur les stratégies de recherche d’emploi ou les techniques d’entretien et de l’orienter vers des postes à pourvoir. Au Danemark, une expérience consistant à mener fréquemment des entretiens, tôt dans la période de chômage, avec les demandeurs d’emplois s’est traduite par une augmentation de cinq semaines de la période travaillée au cours des deux années suivantes (Maibom Pedersen et al., 2012). Des effets positifs en termes de retour à l’emploi ont également été constatés en France, qui indiquent notamment que des conseils professionnels approfondis peuvent améliorer l’adéquation entre le profil du demandeur d’emploi et le poste à pourvoir (Behaghel et al., 2014). Une expérimentation récemment menée dans le Nevada, aux États-Unis, révèle qu’un entretien initial des demandeurs d’emploi avec des conseillers accélère le retour à l’emploi et permet aux participants d’obtenir une rémunération relativement plus élevée (OCDE, 2015e).
6.3.4. Faire en sorte que les transitions sur le marché du travail soient rémunératrices
Les périodes de chômage, mais aussi les formes d’emploi atypiques – bien qu’elles permettent une insertion sur le marché du travail – peuvent faire obstacle à la mobilité sociale ascendante (chapitre 3). Les politiques destinées à favoriser la mobilité sociale et l’égalité des chances doivent tenir compte de la qualité de l’emploi et des passerelles entre les différents statuts d’emploi – autrement dit, favoriser les transitions, et faire en sorte qu’elles soient rémunératrices. (Schmid, 2016).
Le travail temporaire, à temps partiel et indépendant, représente désormais un tiers environ de l’emploi total dans les pays de l’OCDE. Ces formes de travail atypiques vont souvent de pair avec des conditions de travail de moins bonne qualité, à savoir une rémunération horaire, une sécurité de l'emploi et une protection sociale inférieures (OCDE, 2015a). Elles ne sont en outre pas toujours couvertes par des conventions collectives et/ou la réglementation du travail (notamment en termes de temps de travail, de salaire minimum). Les travailleurs atypiques ont généralement moins accès à la formation et sont soumis à de plus fortes tensions au travail (OCDE 2015a). De surcroît, les transitions vers des emplois classiques sont généralement rares, ce qui fait que les écarts se creusent au fil du temps. La gageure pour les politiques consiste à réduire différences de traitement entre les différentes formes de travail et, dans le même temps, à encourager la création d’emplois et de nouvelles modalités d’emploi. Cela suppose, dans la mesure du possible, un traitement équitable des salariés permanents et des travailleurs atypiques en termes de prélèvements et de prestations.
En Italie, la loi relative à l’emploi a instauré en 2015 un nouveau contrat à durée indéterminée qui accroît la protection de l’emploi avec l’ancienneté et vise à simplifier et rationnaliser les règles de licenciement tout en atténuant le dualisme du marché du travail. Les contrats temporaires en vigueur ont été transformés en contrats à durée indéterminée en 2016, sauf dans les cas où des conventions collectives établissaient des critères autorisant le recours aux contrats temporaires (OCDE, 2015f). Au Japon, où le décalage entre les travailleurs permanents et les autres est particulièrement prononcé (le travail non permanent étant même désigné sous le nom de Hiseiki, c’est-à-dire « illégitime »), des mesures visant à assurer l’égalité de salaire pour un travail égal sont en préparation7 Elles prévoient un cadre juridique assurant un traitement juste et équitable des travailleurs indépendamment de leur statut, en particulier des travailleurs en contrat à durée déterminée ou à temps partiel, en termes d’évaluation, de conditions de travail et de rémunération. En Slovénie, la nouvelle loi sur les conditions d’emploi (2013) a modulé les périodes de préavis en fonction de l’ancienneté et a légèrement amélioré la situation des travailleurs temporaires.
Un renforcement de la protection des travailleurs atypiques s’impose. Il conviendrait pour cela d’harmoniser les règles en matière de prestations des différents types de contrats ; d’adapter les régimes d’assurance sociale existants de manière à élargir leur couverture à des catégories de travailleurs auparavant exclues ; de compléter l’assurance sociale par des régimes non contributifs, et/ou d’assurer la portabilité de la protection sociale (en associant les droits aux individus, et non aux emplois). Aux termes de la nouvelle loi slovène sur les conditions d’emploi, les cotisations à l’assurance-chômage ne sont plus payées les deux années suivant l’embauche d’un salarié dans le cadre d’un contrat à durée non déterminée, mais elles ont été relevées pour les contrats à durée déterminée8. Au Japon, les droits à la retraite et à l’assurance-maladie sont progressivement étendus aux travailleurs à temps partiel dans le cadre du programme « À travail égal, salaire égal ».
Faire appel aux conventions collectives pour remédier au déficit de couverture des travailleurs atypiques favorisera également les perspectives de mobilité ascendante. Pour ce faire, il conviendra éventuellement d’ajuster des règles et pratiques en vigueur, comme les réglementations sur la concurrence qui, dans certains pays, empêchent les travailleurs indépendants de négocier collectivement (voir l’affaire récente qui a opposé les syndicats et les employeurs dans le secteur des arts, de l’information et des médias aux Pays-Bas). Certaines solutions innovantes font également leur apparition, comme l’établissement de nouveaux syndicats ou associations de travailleurs atypiques (la Freelancers Union aux États-Unis ou les groupements de travailleurs des plateformes en ligne qui font leur apparition en Europe par exemple) et/ou l’intégration aux syndicats « traditionnels » (comme IG Metall en Allemagne avec FairCrowdWork ou le syndicat indépendant du secteur des services ver.di, entre autres). Une autre nouveauté est le recours aux médias sociaux pour aider les travailleurs à s’organiser et à exprimer efficacement leurs doléances individuelles et collectives (OCDE, 2017e).
Un autre moyen de favoriser la mobilité professionnelle des travailleurs moyennement qualifiés consiste à améliorer et à diversifier les procédures de recrutement. Cela suppose de sensibiliser les employeurs aux biais inconscients dans les procédures d’embauche et de promotion et de mettre au point de nouvelles méthodes de recrutement (Encadré 6.2). Il faut donc prendre conscience de ces biais, qui font que les individus ont souvent tendance à promouvoir des candidats de même sexe et présentant le même profil qu’eux (McGinn et Milkman, 2013).
Les femmes (les mères en particulier) sont confrontées dans leur avancement professionnel à des obstacles concrets que des politiques permettraient d’aplanir. Celles-ci peuvent revêtir la forme de mesures de sensibilisation, par exemple au fait que les femmes ne disposent pas des réseaux sociaux nécessaires car, lorsqu’elles sont mères, elles consacrent souvent plus de temps que les hommes aux responsabilités familiales (Durbin et Tomlinson, 2010). Elles peuvent aussi consister à encourager les entreprises à repenser leurs méthodes de gestion du temps ou envisager la création de modèles (Skaggs et al., 2012). Les congés parentaux rémunérés, des services d’accueil de l’enfant de qualité et abordables, des mesures d’aménagement du temps de travail et, plus généralement, des politiques visant à favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, ont un rôle essentiel à jouer pour accroître la mobilité professionnelle des femmes. Suite aux Recommandations de l'OCDE concernant l'égalité hommes-femmes de 2013, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont récemment élargi le droit à l’aménagement du temps de travail à tous les travailleurs, diminuant ainsi le risque de discrimination à l’encontre des parents (notamment des mères) qui demandent à en bénéficier.
Encadré 6.2. Mettre au point des méthodes de recrutement innovantes pour favoriser la mobilité sociale
Les recruteurs ont tendance, consciemment ou inconsciemment, à recruter des individus présentant les mêmes caractéristiques qu’eux, accentuant ainsi les inégalités sur le marché du travail. Par exemple, ils privilégient généralement les personnes du même sexe qu’eux, et qui ont le même profil (McGinn et Milkman, 2013), ce qui crée des obstacles substantiels, au stade de l’embauche, pour de nombreux candidats. En France, par exemple, les candidats issus de quartiers défavorisés ont 2,7 fois moins de chances d’obtenir un entretien que ceux issus de milieux plus aisés. Le taux de chômage des personnes au niveau d’éducation élevé vivant dans des quartiers défavorisés est trois fois supérieur à la moyenne nationale pour cette catégorie d’individus (ONPV, 2016). Au Royaume-Uni, une étude d’envergure portant sur les candidats à des postes dans de grands cabinets comptables a montré que le taux de réussite de ceux issus de milieux modestes était inférieur à celui des plus favorisés (5.5 % contre 4.5 %, Bridge Group, 2017)
La sensibilisation des employeurs au biais inconscient de recrutement et de promotion pourrait être un premier pas vers l’amélioration des schémas de mobilité sociale, tant à l’échelle d’une vie, en fluidifiant les parcours professionnels, que sur le plan intergénérationnel, en offrant plus de possibilités aux jeunes issus de milieux défavorisés. Quelques organismes, comme Access Accountancy, sont chargés par des entreprises (dans ce cas, par les plus grands cabinets comptables) d’améliorer l’accès à la profession et la mobilité sociale. En France, une campagne de communication sur les obstacles au recrutement auxquels sont confrontées les minorités a été lancée, et les entreprises qui se sont engagées à améliorer leurs procédures d’embauche se voient attribuer le label Recruteurs de la diversité. Des mesures visant à subventionner le recrutement de jeunes issus de quartiers défavorisés pendant les deux ou trois années suivant l’embauche sont également envisagées.
Des idées novatrices surgissent. Les entreprises repensent leur procédure de recrutement de manière à élargir l’éventail de profils et la valeur ajoutée pour les activités et la cohésion sociale. Il conviendrait par exemple de vérifier soigneusement l’efficacité des tests d’évaluation en ligne, car il semblerait qu’ils éliminent les candidats issus de milieux modestes et ne permettent guère de pronostiquer leurs résultats futurs (Bridge Group, 2017). Ces approches pourraient ainsi se traduire par la mise en place de procédures de recrutement fondées sur la personnalité plutôt que sur les CV pour certains postes. Diverses méthodes sont à l’étude, notamment les algorithmes d’évaluation des compétences et des qualifications des candidats par d’autres moyens que le CV (JP Morgan), les méthodes de recrutement par simulation (Crédit Agricole), les présentations ou entretiens vidéo, le recrutement en ligne, et même le recrutement en réalité virtuelle. Leur développement est encouragé par les autorités moyennant des distinctions et des campagnes de communication.
6.3.5. La formation continue pour renforcer les compétences tout au long de la vie
Pour offrir aux travailleurs des possibilités de mobilité ascendante tout au long de la vie, des programmes de formation continue s’imposent. Le développement, l’entretien et l’actualisation des compétences à tous les âges réduisent le risque de se trouver pris au piège des emplois de faible qualité et du chômage. La formation favorise la progression des salaires et, partant, la mobilité ascendante intergénérationnelle sur l’échelle des revenus (Blanden et al, 2012 ; Mincer, 1988 ; Parent, 1999 ; Pavlopoulos et al., 2009 ; Gerards, 2011 ; Higuchi, 2013). Les politiques de formation continue n’améliorent cependant pas forcément la mobilité intergénérationnelle des travailleurs peu qualifiés. Les enfants dont les parents sont cadres ou exercent une profession libérale semblent tirer davantage profit d’une formation complémentaire (Bukodi, 2017).
Les mesure destinées à améliorer les possibilités de formation doivent plus précisément viser à : 1) renforcer et faire valoir les avantages liés à l’apprentissage des adultes ; 2) aider les individus et les entreprises à surmonter les problèmes financiers et non financiers auxquels ils pourraient être confrontés ; 3) aider les individus à effectuer des choix adaptés en matière de formation professionnelle en leur fournissant des informations, des conseils et des orientations de qualité ; 4) encourager les partenariats entre les entreprises et les organismes de formation pour assurer l’adéquation des programmes de formation aux besoins des employeurs. Elles doivent cibler plus particulièrement les personnes peu qualifiées et les PME. Au Royaume-Uni, les PME sont exonérées de la taxe sur l’apprentissage, mais bénéficient néanmoins de subventions couvrant la partie théorique de la formation. En 2015, le Portugal a instauré la subvention à la formation Cheque Formação destinée à la fois aux salariés et aux demandeurs d’emploi (Duell et Thévenot, 2017). En 2016, le Chili a lancé Impulsa Personas, un crédit d’impôt alloué aux entreprises pour la formation en cours d’emploi des salariés (OCDE, 2018a).
Les politiques de formation visant à supprimer les planchers adhérents et à aider les moins instruits doivent être orientées sur les personnes peu qualifiées. Les résultats du PIAAC ont confirmé le taux de formation inférieur de cette catégorie. Par ailleurs, les rendements de la formation sont inégalement répartis, car plus bas chez les salariés peu instruits (Pavlopoulos et al., 2009 ; Hidalgo et al., 2014). Certaines méthodes ont fait leur preuve pour cibler les travailleurs peu qualifiés : enseignement des compétences de base, cyberformation, contextualisation et intégration, sur le lieu de travail notamment (Windisch, 2015). Au Royaume-Uni, les partenaires sociaux ont établi un fonds de formation (Union Learning Fund) qui mobilise activement la participation des travailleurs peu qualifiés aux activités de formation. En Allemagne, les travailleurs non qualifiés et ceux qui ont exercé pendant quatre ans au moins un emploi non lié à leur formation initiale bénéficient d’un financement de l’État pour se recycler dans un domaine présentant de bonnes perspectives d’emploi (OCDE, 2017f). Au Portugal, le programme Qualifíca, lancé en 2016, axe ses efforts sur la formation continue des adultes au faible niveau d’instruction (Duell et Thévenot, 2017 ; OCDE 2017g). En France, le programme de Validation des acquis de l’expérience certifie les compétences professionnelles ou personnelles sans que les candidats aient à suivre une formation officielle. Par ailleurs, les partenaires sociaux ont mis sur pied le certificat CléA, qui certifie les compétences de base dans l’objectif d’aider les individus non qualifiés à trouver un emploi et les travailleurs à progresser dans leur carrière (OCDE, 2017f).
Les changements structurels du marché du travail font de la formation continue une nécessité et appellent de nouvelles méthodes d’actualisation des compétences pour assurer l’avancement professionnel et la progression salariale des actifs en milieu de carrière, surtout ceux qui sont dépourvus des compétences indispensables aujourd’hui, dans le domaine des TIC par exemple. Les rémunérations des travailleurs dotés de compétences avancées en TIC sont supérieures de 27 %, en moyenne, à celles des salariés seulement capables d’effectuer les fonctions informatiques de base (OCDE, 2016h). Pour satisfaire aux besoins à venir, il faudra sensiblement développer les programmes de formation des adultes et mettre au point de nouveaux outils pour encourager l’investissement dans les compétences.
Il conviendra éventuellement de renforcer les infrastructures de formation continue existantes, notamment en exploitant les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies, qui permettent de développer massivement l’accès aux cours pour une fraction du coût des formations traditionnelles. Les cours en ligne ouverts et massifs (MOOC) et les ressources éducatives en libre accès (REL) offrent des possibilités prometteuses aux personnes peu qualifiées, que cette méthode d’apprentissage atypique pourrait intéresser. De nouvelles méthodes de certification apparaissent. OpenBadge, par exemple, est un outil de certification qui permet de suivre les acquis des participants à des formations continues. Plusieurs entreprises de technologie, comme Microsoft, CISCO, HP, Samsung, Apple, et Google, proposent des certificats que les participants aux MOOC peuvent obtenir directement en ligne.
Un problème majeur que pose l’essor des formes atypiques de travail a trait à la portabilité des droits à la formation d’un employeur à l’autre ; il s’agirait par exemple de créer et de financer des comptes de formation personnels ou de renforcer les droits à la formation continue. Ces comptes offrent aux individus une subvention à la formation qui leur donne plus de responsabilité et de contrôle sur cette dernière, et permet de mieux mettre en adéquation les besoins individuels et la formation (OCDE, 2017h). Les comptes individuels d’apprentissage susceptibles de financer les coûts directs d’une formation ont été instaurés en Autriche (comptes d’apprentissage individuel), au Canada (Learn$ave), en Belgique-Flandres (comptes individuels d’apprentissage et de développement), aux États-Unis (comptes individuels de développement), au RU – Pays de Galles (comptes d’apprentissage individuels), aux Pays-Bas (expérience comptes d’apprentissage), en Espagne – région basque (Ikastxekin Txekinbide) et en France (compte personnel d'activité). Le cas des pays nordiques, où la formation des adultes occupe une place plus importante, met en avant l’utilité d’associer des incitations financières intéressantes pour les participants aux formations et les employeurs à une plus forte disposition à collaborer avec les syndicats dans le cadre de ces projets (OCDE, 2017h).
Il importe par ailleurs de remédier à l’inadéquation des compétences, car un tiers des travailleurs des pays de l’OCDE n’exercent pas un métier correspondant à leurs qualifications (OCDE, 2013b), alors que la majorité d’entre eux sont sous-qualifiés. Un éventail de compétences adapté à un emploi a des effets durables sur les salaires et l’emploi tout au long de la vie active, et augmente les chances de mobilité ascendante. L’inadéquation entre le niveau et le domaine de qualifications des travailleurs et ceux que requièrent leur emploi est courante, et concerne un tiers des salariés (OCDE, 2016i). Les employeurs doivent collaborer avec les établissements d’enseignement et de formation pour que ces derniers offrent des programmes correspondant aux besoins, assurer une formation en cours d’emploi pour faciliter la mise à niveau et l’adaptation des compétences, et adopter des formes d’organisation du travail qui permettent de tirer un parti optimal des qualifications existantes. Il faut favoriser les partenariats locaux et nationaux pour lutter contre le cloisonnement des politiques, et réunir les partenaires sociaux, les organismes de formation et d’autres intermédiaires pour élaborer des stratégies visant à améliorer l’adaptabilité du lieu de travail. En Estonie, le système de prévision OSKA a été mis en œuvre pour prévoir la demande de compétences future des employeurs et améliorer la coordination entre les intervenants, notamment les services publics de l’emploi, les organismes patronaux, les syndicats et les ministères (Browne, 2017a).
On peut aussi améliorer l’adéquation de la formation par la mise en place de systèmes et d’instruments performants d’évaluation et d’anticipation des besoins de compétences. Le Canada, par exemple, analyse les besoins actuels et établit en parallèle des prévisions à long terme pour recenser les besoins et déséquilibres futurs et définir des mesures immédiates (la mise en place de filières d’immigration ou de programmes de formations de courte durée par exemple) ainsi que des orientations stratégiques de long terme (élaboration de programmes d’apprentissage dans certains domaines). L’association d’exercices prévisionnels et d’exercices d’anticipation peut améliorer la qualité de la pratique prospective. Les exercices d’anticipation se fondent sur des consultations avec les parties prenantes et les spécialistes afin d’établir des scénarios quant à l’évolution potentielle de la dynamique de l’offre et de la demande de compétences. La Work and Productivity Agency australienne conduit des exercices d’anticipation qui servent de base à la modélisation économique de l’offre et de la demande de qualifications. Les informations relatives aux besoins de compétences devraient aussi être largement diffusées aux responsables publics et aux personnes chargées de prendre les décisions d’investissement dans le capital humain. En Italie, par exemple, le site internet Eduscopio est un site d’orientation professionnelle qui met à la disposition des futurs étudiants, sous forme interactive et conviviale, des informations sur les compétences demandées sur le marché du travail.
6.4. Quels sont les systèmes d’impôts et transferts les plus susceptibles de favoriser la mobilité sociale ?
Les impôts et transferts sont des instruments qui assurent la redistribution directe des revenus entre les individus, mais ils sont aussi des outils essentiels à l’appui de la mobilité sociale. Ils permettent d’amortir les chocs sur les revenus dus aux évolutions des marchés du travail et des situations familiales (chapitre 3) et de renforcer la mobilité intergénérationnelle des salaires (chapitre 4). Les mécanismes visant à assurer la sécurité économique des ménages (salaire minimum, crédit d’impôt sur les revenus d’activité, assurance-chômage, assistance aux familles dans le besoin) influent sur les revenus familiaux, mais aussi sur d’autres aspects du bien-être, la santé par exemple (Spencer et Komro, 2017), en particulier celle des enfants et des nourrissons (Hoynes et al., 2015 ; Wicks-Lim et Arno, 2017 ; Markowitz et al., 2017).
6.4.1. Impôt sur la fortune, épargne et accès au crédit à l’appui de la mobilité sociale
Les politiques qui agissent sur le comportement d’épargne et l’accumulation de richesse peuvent jouer un rôle important à l’appui de la mobilité sociale. La richesse peut faire rempart aux chocs sur les revenus et contribuer ainsi à amortir les conséquences des accidents de la vie. Elle peut en outre influer sur la mobilité intergénérationnelle dans la mesure où les parents utilisent souvent leur fortune au profit de leurs enfants en investissant dans leur éducation ou dans leur santé, ou en leur en transmettant une partie avant ou après leur décès (chapitre 4).
Cela posé, la richesse est bien plus inégalement répartie que les revenus – l’inégalité de patrimoine est en moyenne deux fois supérieure à l’inégalité de revenu (OCDE, 2015a). L’absence de patrimoine va souvent de pair avec la pauvreté monétaire : 68 % des personnes du quintile inférieur des revenus possèdent peu d’actifs (Balestra et Tonkin, à paraître). C’est le cas de la moitié des jeunes, ce qui fait qu’ils ne peuvent compter sur l’effet amortisseur de leur patrimoine en cas de difficultés économiques. C’est probablement l’un des facteurs déterminants des « planchers adhérents » évoqués au chapitre 1. Ces inégalités se transmettent ou se renforcent d’une génération à l’autre car les ménages à revenu élevé sont plus susceptibles d’être bénéficiaires de dons ou d’héritages que ceux situés aux échelons inférieurs de la distribution des revenus. C’est probablement ce qui explique les « plafonds adhérents ».
Comme les dons et les héritages jouent un rôle majeur dans l’accumulation de richesse, et parce que celle-ci est particulièrement concentrée au sommet de l’échelle, l’imposition de ces transferts influera sur la mobilité sociale. Celle-ci revêt généralement la forme d’impôts sur les successions portant sur le patrimoine du défunt, de droits de succession sur le patrimoine reçu par le bénéficiaire, ou de droits de donation appliqués aux transferts entre vifs. Du point de vue de la mobilité sociale intergénérationnelle, ce que l’héritier reçoit compte plus que ce que le défunt laisse derrière lui (Kopczuk, 2013a). Les droits de succession sont donc préférables aux impôts sur les successions du fait qu’ils sont appliqués au bénéficiaire de la succession plutôt qu’au donateur défunt.
Vingt-six des 35 pays de l’OCDE imposaient les transferts de patrimoine en 2017 (OCDE, 2018b). Compte tenu de leur répartition entre les différentes tranches de revenus, les droits de succession et de donation sont généralement très progressifs (Förster et al., 2014). Néanmoins, les recettes en découlant sont d’ordinaire très faibles et ont diminué au fil du temps, ce qui tient aux exonérations et déductions qui rétrécissent l’assiette de l’impôt et aux taux d’imposition souvent bas. Il existe en outre de nombreuses possibilités d’évasion fiscale. Globalement, dans l’OCDE, les recettes des droits de succession ont reculé, passant de 1.1 % du total des recettes fiscales en 1965 à 0.4 % aujourd’hui (OCDE, 2018b). Pour rééquilibrer la situation, il conviendrait donc en priorité de limiter l’évasion fiscale et de mettre au point des régimes fiscaux progressifs qui prévoient des taux appropriés et réduisent les exonérations. Le Japon, par exemple, a réformé l’imposition des successions et des dons entre vifs en 2015. L’abattement sur les droits de succession a été réduit de 40 % pour certaines catégories de la population. La réforme n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme, mais une évaluation ex ante a mis en évidence une modification limitée des comportements étant donné qu’au Japon, l’épargne de précaution est plus souvent à l’origine de l’accumulation de richesse que l’héritage (Niimi, 2016).
Encourager l’épargne peut fortement favoriser la mobilité ascendante, surtout chez les plus pauvres qui sont plus exposés à des variations imprévues des revenus et qui possèdent souvent peu d’actifs. Selon certaines études, les enfants de parents à faible revenu et à forte épargne sont plus susceptibles de progresser sur l’échelle des revenus (Cramer et al., 2009). Kast et Pomeranz (2014) ont constaté que la diminution des obstacles à l’épargne moyennant un accès gratuit à des comptes d’épargne au Chili a réduit l’endettement à court terme des participants d’environ 20 %, et que ceux-ci optent moins souvent pour l’emprunt lorsqu’ils disposent d’un compte d’épargne officiel gratuit. La possibilité d’épargner permet aux ménages de lisser les hausses de revenu temporaires, comme les primes de fin d’année ou le treizième mois, et de cumuler ainsi des actifs liquides pour mieux faire face aux chutes de revenu. Le rapport Taxation of Household Savings de l’OCDE (2018) recense les moyens d’améliorer l’équité dans la conception de l’impôt sur l’épargne des ménages, comme la transformation des déductions fiscales pour l’épargne-retraite privée en crédits fiscaux (OCDE, 2018c).
6.4.2. Élaborer des régimes fiscaux qui tiennent compte des chocs sur les revenus des individus
Les politiques fiscales ne redistribuent pas seulement les revenus entre les ménages ou les individus, mais contribuent également à lisser la volatilité des revenus des mêmes ménages dans le temps. Blundell (2014) a constaté qu’aux États-Unis les impôts et prestations, conjugués à l’offre de main d’œuvre familiale et à l’accès au crédit, concourent sensiblement à atténuer les retombées d’une perte permanente de revenu sur la consommation. Bibi et al. (2013) ont observé que le régime fiscal canadien limite substantiellement l’effet égalisateur de revenus de la mobilité tout au long de la vie des individus, et diminue aussi considérablement le coût des variations imprévues des revenus personnels.
Dans certains cas, toutefois, les régimes fiscaux – sous leur forme actuelle tout au moins – contribuent à amplifier les disparités de revenu sur la durée de vie compte tenu du délai entre le moment où les salaires sont versés et celui où ils sont imposés. À titre d’exemple, l’imposition du revenu annuel impose une charge disproportionnée aux ménages modestes qui sont plus exposés à de fortes fluctuations de leurs revenus d’une année sur l’autre, et payent donc davantage d’impôts qu’ils ne l’auraient fait s’ils avaient disposés de revenus équivalents stables. Des mesures visant à lisser les impôts ou les crédits d’impôt sur plusieurs années permettraient d’atténuer ces variations (Batchelder, 2003). En Australie, l’Average Taxable Income permet aux auteurs, artistes et athlètes d’étaler leur revenu sur plusieurs années après le démarrage de leur activité professionnelle de manière à adapter les impôts à leurs gains à long terme (gouvernement australien, 2017b).
6.4.3. Des transferts efficaces à l’appui de la mobilité sociale
Les sociétés mobiles doivent absolument veiller à ce que les personnes qui connaissent des difficultés économiques puissent rapidement rebondir. La conception des programmes de transfert, comme l’assurance-chômage ou les prestations liées à l'exercice d'une activité, et des allocations familiales, peut influer sur la durée des chocs de revenus et, partant, sur la mobilité des revenus. Celle des politiques de redistribution peut ainsi conditionner le délai durant lequel les personnes sont admises à bénéficier d’une prestation donnée. À cet égard, une combinaison efficace de programmes de soutien au revenu de dernier recours et de prestations liées à l’exercice d’une activité bien conçues devrait parer au risque d’une dépendance durable vis-à-vis des prestations et favoriser la mobilité ascendante et le retour à l’emploi.
Pour prévenir la mobilité descendante des revenus chez les personnes d’âge actif, la politique à privilégier consiste à développer les passerelles vers l'emploi et à renforcer la capacité personnelle des individus à faire face aux risques de chocs négatifs sur les revenus. Les mesures seront fonction de la situation sociale et économique du pays concerné. Au Mexique, par exemple, des transferts monétaires conditionnels (programme Prospera) associés à un programme d’aide alimentaire, à une assurance-maladie et à une assurance contre les risques météorologiques jouent un rôle essentiel dans la prévention des chocs de revenus conduisant à des périodes d’extrême pauvreté (De la Fuente et al., 2017). En Argentine, au Brésil et au Mexique, on a constaté que ces chocs ont une incidence sur l’abandon scolaire des enfants, ce qui plaide en faveur d’un développement des dispositifs d’assurance visant à les amortir (Cerutti et al., 2018).
L’assurance-chômage modère la volatilité des revenus, surtout aux échelons inférieurs de la distribution des salaires, où les périodes de chômage sont plus fréquentes (chapitre 3, Hacker et al. 2014), et réduit la mobilité descendante en empêchant une accentuation de l’exclusion sociale. L’effet redistributif de l’assurance-chômage paraît particulièrement sensible quand il est mesuré en termes de rémunérations sur l’ensemble de la vie (OCDE, 2015d). L’élargissement de la couverture d’assurance-chômage là où elle est faible est un moyen prometteur de renforcer la sécurité des travailleurs, à condition que les régimes soient conçus de manière à maintenir les incitations au travail. Cette sécurité supplémentaire est particulièrement importante pour les travailleurs atypiques et pour les grands exclus du marché du travail, comme les chômeurs de longue durée, surtout dans les pays où la couverture et la générosité des prestations sont faibles. Des données récentes indiquent que la couverture des prestations de chômage a diminué pendant et après la crise économique (OCDE, à paraître).
Plusieurs pays se sont récemment efforcés d’inverser cette évolution. L’Italie a réduit la durée minimum de cotisation au régime d’assurance-chômage et prolongé la durée maximale d’indemnisation en 2015, ce qui a élargi la couverture du régime (Pacifico, 2017a). La France a ramené la période de cotisation minimum à quatre mois, et les droits sont fonction du nombre de jours effectivement ouvrés (Unedic, 2017). En Lituanie, la réforme de 2012 a facilité l’accès aux prestations chômage, en assouplissant les conditions d’emploi que le travailleur doit remplir pour bénéficier de l’allocation par exemple, mais les critères d’admissibilité restent restrictifs à l’aune internationale (Pacifico, 2017b). L’Espagne a mis en place un programme qui a pour vocation d’aider, pendant un maximum de six mois, les demandeurs d’emploi participant à des programmes de qualification professionnelle qui ont épuisé leurs droits aux indemnisations chômage (Fernandez et Immervoll, 2017). En Corée, les travailleurs indépendants peuvent depuis 2012 souscrire volontairement à l’assurance chômage. Dans la pratique, néanmoins, rares sont ceux qui le font (OCDE, 2018d). À l’instar de la Corée, plusieurs pays de l’OCDE, dont l’Allemagne, ont instauré ces dernières années un régime d’affiliation volontaire des travailleurs indépendants. La Grèce et la Slovénie ont récemment institué l’affiliation obligatoire.
Les programmes de transferts subordonnés à un faible niveau de revenus ou de patrimoine bénéficieront généralement aux bas revenus chroniques, ce qui influera sur les inégalités à long terme plus que sur le risque de volatilité et de mobilité. Dans certains pays toutefois, la nature des prestations sociales, placées sous fortes conditions de ressources, est souvent liée à la récurrence de la pauvreté et à la volatilité des revenus chez les personnes les plus précarisées, et risque de décourager le travail. Pour atténuer ces obstacles à l’emploi, l’Irlande a instauré de nouveaux critères d’admissibilité aux allocations familiales, applicables aux ménages en activité comme aux ménages inactifs, qui renforcent les incitations financières à travailler des parents sans emploi, surtout les parents isolés et ceux dont le conjoint gagne relativement peu (Browne, 2017b). Un nouveau dispositif d’aide sociale au logement (Housing Assistance Payment), qui dépend uniquement des revenus et non du nombre d’heures travaillées, est également venu remplacer le système antérieur, en vertu duquel les prestations étaient complètement supprimées quand un membre de la famille travaillait plus de 30 heures par semaine, pour les personnes dont le besoin de logement à long terme est établi.
Des systèmes permanents et bien conçus de prestations liées à l'exercice d'une activité ou de crédits d’impôt sur les revenus d’activité peuvent rendre le travail rémunérateur et créer les incitations appropriées pour que les travailleurs faiblement rémunérés progressent sur l’échelle de salaires, et aider dans le même temps les familles à faible revenu à maintenir leur niveau de vie. Néanmoins, comme ces dispositifs risquent d’exercer une pression à la baisse sur les salaires, des seuils salariaux contraignants peuvent renforcer leur efficacité en établissant un niveau au-dessous duquel les salaires ne peuvent tomber – dès lors qu’ils sont fixés à un niveau approprié. Ceux-ci revêtent généralement la forme d’un salaire minimum obligatoire ou de seuils salariaux convenus par l’ensemble des partenaires sociaux. En France, par exemple, la prime d'activité est soumise à une condition de salaire (1.2 fois le salaire minimum) et de ressources du ménage. Selon les premières évaluations, elle aurait un effet positif sur la réduction de la pauvreté et un effet mitigé sur l’emploi car de nombreux bénéficiaires travaillent, mais à temps partiel, et ont des trajectoires d’emploi instables (DGCS, 2017).
Les arguments en faveur d’un régime public d’assurance sociale destiné à soutenir le revenu des ménages sont convaincants, car l’absence d’investissement dans les enfants peut avoir des conséquences négatives durables (et potentiellement irréversibles) sur leur avenir. Aux États-Unis, le crédit d’impôt sur les revenus d’activité (Earned Income Tax Credit - EITC) aurait réduit la pauvreté au travail et amélioré la santé des enfants des ménages bénéficiaires en agissant sur trois plans : le revenu familial, l’emploi des mères, et les schémas de couverture de l’assurance-maladie (Hoynes et al., 2015 ; Reagan et Duchovny, 2016). Aux Pays-Bas, les contribuables salariés qui ont des enfants de moins de douze ans ont droit à un abattement fiscal en fonction des revenus. Des prestations en nature bien ciblées et bien conçues doivent néanmoins compléter les transferts monétaires pour favoriser la mobilité sociale (section 6.2.4). Les transferts monétaires conditionnels associés à des bilans de santé réguliers ont ainsi eu une influence favorable sur la santé et les résultats scolaires des enfants au Mexique, au Chili, et dans quelques pays non-membres de l’OCDE (OCDE, 2015b).
6.4.4. De nouvelles mesures de protection sociale pour assurer la mobilité sociale de demain
La transformation des modes de travail et d’emploi induite par la numérisation, la mondialisation et l’évolution démographique s’accompagne souvent d’une plus forte imprévisibilité des revenus, ce qui peut brider les possibilités (Schmid, 2016). D’abord, les travailleurs sont confrontés à des allers-retours plus fréquents entre emploi et chômage, et entre différents emplois et formes d’emploi, et sont donc exposés à de plus nombreux chocs des revenus ou à plus de risques qu’auparavant. Ensuite, les nouvelles formes d’emploi estompent la distinction entre emploi salarié et activité indépendante, ce qui fait qu’ils se retrouvent souvent sans protection sociale adéquate (OCDE, 2016i). Dans la plupart des pays de l’OCDE, les travailleurs indépendants ne bénéficient que des prestations les plus élémentaires. Si les changements d’emploi peuvent favoriser la mobilité salariale, passer d’un emploi permanent à des emplois temporaires entraîne aussi un risque de déclassement salarial, dans certains pays notamment, et cela se vérifie que ce changement soit volontaire ou qu’il résulte d’une suppression de poste.
Il est dans une certaine mesure possible de remédier à ce problème en élargissant ou en adaptant les régimes de sécurité sociale existants. Certains pays procèdent actuellement à une refonte de leur régime afin d’offrir une meilleure couverture aux travailleurs indépendants. En Finlande, par exemple, ces derniers bénéficient des prestations de chômage (Encadré 6.3). C’est également le cas en Autriche et en Espagne, mais à titre volontaire. En Allemagne, le régime d’assurance des artistes est conçu pour pallier l’absence de cotisations sociales des employeurs. En Suède, les travailleurs indépendants ont accès à une assurance-chômage volontaire mais doivent avoir cessé toute activité professionnelle depuis cinq ans pour avoir droit aux allocations. La difficulté pour assurer la couverture des travailleurs atypiques dans le cadre des régimes ordinaires de protection sociale tient aux revenus plus fluctuants de cette catégorie de travailleurs, qui peut entraîner des problèmes de recouvrement des cotisations. Un autre problème peut surgir à cet égard lorsque l’employeur n’est pas aisément identifiable (comme dans le cas des travailleurs sur plateforme en ligne) ou n’existe pas, et lorsque les travailleurs indépendants ne peuvent assumer à la fois les cotisations patronales et salariales.
Étant donné le nombre croissant de contrats de travail ou de mission individuels, et du fait que les conventions collectives perdent de leur pertinence, une individualisation des modalités de protection sociale est envisageable – comme c’est déjà le cas pour la formation (section 6.3.5). Des comptes individuels permettraient de mieux prendre en considération la variabilité des revenus, et donc de mieux accompagner les transitions professionnelles de chacun. Plusieurs pays ont mis en place, à titre expérimental, des systèmes de compte d’activité individuels – les Pays-Bas avec le compte sur le cycle de vie par exemple. Aux États-Unis, les régimes interentreprises permettent aux travailleurs mobiles de cumuler et de conserver leurs droits même quand ils changent d’employeur. Néanmoins, en termes de protection sociale, l’acquisition de droits à prestation à l’échelle individuelle fait brèche à la notion même de répartition des risques sur laquelle repose tout régime d’assurance. Par ailleurs, l’imprévoyance peut amener les individus à utiliser leurs droits trop tôt, et à se retrouver démunis à la vieillesse. L’expérience du régime d’épargne sur la durée de vie des Pays-Bas montre que bon nombre de bénéficiaires utilisent les fonds pour prendre une retraite anticipée au lieu de les investir dans une formation ou des soins.
Les comptes d’activité individuels peuvent favoriser des schémas de mobilité plus durables, mais des solutions plus innovantes s’imposent toutefois. Ces comptes peuvent résoudre le problème de la transférabilité des droits sociaux (chômage, congés parentaux, pensions et assurance-maladie) quand les travailleurs changent de statut professionnel, ce qui limite les pertes de droits. Il est cependant douteux que des régimes pleinement individualisés puissent assurer une protection suffisante, que ce soit dans les situations de besoin ou à plus long terme, sur l’ensemble de cycle de vie. Il convient donc de définir le juste équilibre entre la part de l’épargne individuelle et celle de la redistribution dans ces régimes, et de déterminer le meilleur mode de financement des prestations afin de mettre en place des dispositifs socialement utiles et financièrement viables pour tous les travailleurs.
En dissociant la protection sociale de la relation d’emploi – autrement dit, la définition des droits individuels aux prestations financées par les impôts –, on comblerait le déficit de couverture sociale, et le suivi des droits acquis dans les différents emplois et sur l’ensemble du cycle de vie deviendrait inutile. Certaines prestations - comme l’assurance-maladie et les congés de maternité/parentaux – sont déjà universelles dans plusieurs pays de l’OCDE. S’agissant des programmes de remplacement du revenu, comme les prestations de chômage ou d’invalidité, la question est plus complexe et dépend de la nature de ces paiements – sous conditions de ressources ou inconditionnels. Il sera toutefois difficile d’orienter ces programmes sur les ménages à faible revenu dans le cadre de dispositifs sous conditions de ressources en raison de la difficulté que présente le suivi des revenus des travailleurs indépendants, souvent très fluctuants.
Encadré 6.3. Volatilité des revenus et nouvelles formes d’emploi : le cas des journalistes indépendants en Finlande
Le débat public a récemment porté son attention sur les travailleurs indépendants, essentiellement par suite de l’intérêt grandissant pour les nouvelles formes d’emploi (voir Réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des Ministres, 2016j). Selon les prévisions actuelles, l’emploi indépendant va progresser au cours des prochaines décennies, et sa nature va évoluer. Dans le même temps, les travailleurs indépendants forment une population diverse ; ils se situent en majorité aux échelons inférieurs de la distribution des revenus, mais sont aussi relativement plus nombreux aux échelons supérieurs. Ils se caractérisent par des niveaux de risque élevés et une plus grande volatilité des revenus en raison des périodes où ils ne travaillent pas et de celles où ils n’ont pas de rentrées financières (Luoma-Halkola, 2016 ; Jensen et Shore, 2008 ; Farrell et Greig, 2016).
Le cas des journalistes indépendants est intéressant. La mutation du secteur des médias a semble-t-il entraîné un recul des relations d’emploi traditionnelles et une progression globale de l’activité indépendante des journalistes (Nies et Pedersini, 2003 ; Walters, Warren et Dobbie, 2006). Les travailleurs des médias sont décrits comme des individus flexibles, qui ont une bonne capacité à faire face au risque et sont capables de concilier plusieurs projets (de Peuter, 2014 ; Gill et Pratt, 2008 ; Gollmitzer, 2014 ; Cohen, 2015). Des études de cas portant sur cette catégorie de travailleurs illustrent la façon dont les journalistes indépendants gèrent le risque financier en Finlande (Luoma Halkola, 2016). Ils font appel à l’aide sociale, soit régulièrement ou sur de longues durées pour compléter des revenus modestes, soit occasionnellement pour faire face à des périodes sans revenus. Les allocations de chômage, auxquelles les travailleurs indépendants ont droit en Finlande, sont un outil apparemment délicat à manier parce que les journalistes font souvent des allers-retours entre le statut d’indépendant et des formes d’emploi traditionnelles. Les allocations de chômage interviennent par exemple au début d’une période d’emploi indépendant ; les droits à prestations cumulés au cours d’emplois antérieurs permettent d’amortir les transitions, mais ne sont plus disponibles après une période prolongée de travail indépendant.
Une solution plus radicale actuellement à l’étude dans certains pays de l’OCDE consisterait à instaurer un revenu universel de base (OCDE, 2017i). Plusieurs pays ont institué ou prévoient des programmes pilotes en ce sens (Finlande, Pays-Bas, Canada), en partant du principe selon lequel cette innovation pourrait fortement favoriser la redistribution des gains de l’automatisation et de la mondialisation, la constitution d’un volant de sécurité contre les crises et les risques systémiques, et la création d’incitations au travail pour les pauvres. Les simulations indiquent toutefois que ce système n’est guère susceptible d’assurer la protection sociale de tous sans augmenter sensiblement la pression fiscale ou sans aggraver la situation de certains individus ; Browne et Immervoll (2017) signalent qu’un revenu de base sans incidence sur le budget ne serait pas neutre sur le plan redistributif puisqu’il améliorerait la situation des catégories à faible revenu qui ne bénéficient actuellement d’aucune prestation sociale, ou très peu, tandis que ceux qui bénéficient de prestations liées aux salaires ou de plusieurs prestations sous conditions de ressources verraient leur niveau de vie diminuer9.
Une solution pourrait consister à mettre en place des formes d’assistance intermédiaires, qui adopteraient les principaux éléments d’un revenu de base global tout en évitant certains de ses défauts. Il s’agirait par exemple de fixer le revenu de base à un niveau inférieur au revenu minimum garanti et à conserver une partie des prestations existantes ; dans ce cas, toutefois, le revenu de base n’offrirait plus une protection substantielle et ne résoudrait pas les problèmes de couverture. Une évolution progressive vers des régimes plus universels serait éventuellement souhaitable dans les pays où les catégories démunies de la population ne bénéficient que d’une part relativement faible des dépenses sociales globales. Une autre solution serait de maintenir des conditions modérées d’admissibilité ou de limiter la durée de versement du revenu de base. On pourrait aussi l’instaurer progressivement, pour différentes catégories de la population, les futures cohortes de jeunes adultes par exemple (Browne et Immervoll, 2017).
6.5. Quelles politiques de développement locales pour réduire la ségrégation et améliorer la mobilité ?
La ségrégation spatiale alimente de fortes inégalités et compromet la mobilité sociale. Le risque de ségrégation est particulièrement élevé dans les grandes villes – plus une ville est grande, plus le revenu disponible moyen des ménages et le niveau de vie des habitants sont élevés, mais aussi plus les inégalités sont prononcées en termes de revenus et de patrimoine. L’étalement urbain accentue ce risque. La mobilité sociale appelle des politiques inclusives pour réduire les fractures régionales et les inégalités persistantes entre les différents quartiers urbains. La définition de politiques efficaces pour mettre terme à la ségrégation spatiale est particulièrement importante si l’on veut améliorer les chances de chacun.
La ségrégation spatiale renforce les planchers et les plafonds adhérents. Aux États-Unis, on a constaté que le code postal est un facteur prédictif important de l’avenir des enfants, mais que chaque année passée par un enfant dans un environnement de meilleure qualité améliore ses chances de réussite ultérieure (Chetty et Hendren, 2016). Au Chili, la mobilité intergénérationnelle des salaires varie d’un facteur de un à trois selon les régions (OCDE, 2015i).
Les débouchés sur le marché du travail diffèrent aussi considérablement selon la zone de résidence. La concentration des marchés locaux du travail apparaît universelle et préjudiciable à la mobilité professionnelle (Azar et al., 2017, 2018). Dans la même ligne, les résultats en santé, avec toutes leurs conséquences sur la mobilité professionnelle et celle des revenus, varient selon les régions – l’exemple le plus frappant étant l’écart d’espérance de vie : les Américains les plus pauvres vivent six ans de plus à New York qu’à Detroit. Pour les plus riches, l’écart est inférieur à un an (Bosworth et al., 2016).
6.5.1. Quelle est l’importance de la ségrégation spatiale ?
Les disparités territoriales de revenu et d’emploi se sont accentuées dans la moitié des pays de l’OCDE au cours des deux dernières décennies (Graphique 6.3). Qui plus est, dans bon nombre de ces pays, la croissance de l’emploi s’est concentrée dans certaines régions, ce qui a renforcé les inégalités interrégionales : globalement, 40 % des emplois créés dans les économies de l’OCDE entre 1999 et 2012 l’ont été dans 10 % seulement de leurs régions (OCDE, 2015g). Les villes, parce qu’elles attirent beaucoup de monde, notamment des personnes en quête de débouchés et d’ascension sociale, affichent les plus fortes inégalités. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les inégalités de revenu sont dans l’ensemble plus prononcées au niveau des villes qu’à l’échelle nationale.
Les villes à forte ségrégation peuvent aussi être à l’origine de planchers et de plafonds adhérents (Prieto et Brain, 2017 ; van Ham et al., 2012). Dans les espaces métropolitains, la surconcentration de la population selon des critères socioéconomiques comme les revenus, le statut économique ou le niveau d’éducation, s’accentue. La tendance croissante à la ségrégation risque par ailleurs d’aggraver les inadéquations géographiques entre les lieux qui offrent aux ménages à faible revenu des logements abordables et ceux où ils peuvent trouver des emplois (McKenzie, 2016). La ségrégation spatiale et le creusement des inégalités de revenus sont étroitement liés à la concentration de la pauvreté, qui bride considérablement la mobilité à l’intérieur des zones urbaines. Aux États-Unis, le pourcentage de la population vivant soit dans les quartiers les plus pauvres, soit dans les plus aisés a plus que doublé depuis 1970, tandis que le pourcentage des personnes vivant dans les quartiers à revenu intermédiaire des villes a sensiblement fléchi (Reardon et Bischoff, 2011).
Les grandes villes, surtout quand elles sont étalées, affichent à la fois de plus hauts niveaux de revenu et des inégalités de revenus plus prononcées, ce qui peut faire obstacle à la mobilité sociale. Chetty et al. (2014b) font état d’une corrélation négative entre le temps de migration pendulaire – leur indicateur de l’étalement urbain – et la mobilité ascendante aux États-Unis. Des travaux récemment menés dans ce pays constatent aussi que la mobilité ascendante est sensiblement plus forte dans les zones compactes que dans les zones étalées, parce que les premières ont pour effet direct d’améliorer l’accessibilité aux emplois ; et quand la compacité double, la probabilité de mobilité ascendante augmente d’environ 41 % (Ewing et al., 2016).
En termes de gouvernance, la suppression des planchers adhérents passe par une bonne coopération entre les autorités locales et nationales et l’articulation des règles à ces deux niveaux. Les autorités infranationales ont un rôle important à jouer pour remédier aux problèmes de la ségrégation urbaine. Elles assument 40 % des dépenses publiques, en moyenne, dans l’OCDE, celles-ci représentant une proportion considérable des dépenses dans les domaines du logement, de l’environnement, de la culture et de l’éducation (Graphique 6.4).
6.5.2. Politiques d’urbanisme
Les habitants de zones défavorisées en difficulté économique ont moins accès à des logements de qualité et sont confrontés à un environnement moins satisfaisant, ce qui diminue les chances de réussite et compromet la mobilité. Pour remédier à cette situation, les autorités doivent promouvoir des politiques d’urbanisme qui développent une infrastructure au service du capital humain et social et garantissent l’égalité d’accès aux services publics, à savoir une éducation, des emplois, et des services de santé de qualité.
6.5.2.1. Accès à l’éducation
La ségrégation résidentielle urbaine est étroitement liée à la ségrégation socioéconomique scolaire (chapitre 5). Les fortes inégalités d’accès à un enseignement de qualité à l’intérieur des villes témoignent des inégalités socioéconomiques et les renforcent, ce qui a des conséquences durables sur les perspectives de mobilité des résidents. Des inégalités persistent dans de nombreuses villes et peuvent perpétuer le cercle vicieux de la ségrégation résidentielle et de la ségrégation socioéconomique au sein des établissements scolaires. Diverses politiques peuvent contribuer à réduire la ségrégation spatiale scolaire et à améliorer la mobilité sociale.
Laisser entièrement aux parents le soin de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants risque d’entraîner une ségrégation des élèves par niveau d’aptitude et/ou origine socioéconomique et, partant, d’aggraver les inégalités au sein des systèmes d’éducation. Les familles au faible niveau d’instruction ont plus de difficultés à jauger les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées à cet égard. Les autorités locales sont particulièrement bien placées pour encourager les parents défavorisés à procéder à ce choix en leur communiquant directement les renseignements voulus (OCDE, 2012). Pour freiner le processus de ségrégation, les pays de l’OCDE font généralement appel à des dispositifs qui privilégient les questions d’équité : les systèmes de choix encadré et les programmes de chèques scolaires, par exemple, peuvent aider les enfants défavorisés à suivre une scolarité de qualité et élargir leurs débouchés.
Les systèmes de choix encadré (ou régimes d'inscription flexibles) instaurent des mécanismes qui garantissent l’affection plus équitable des enfants dans les établissements (en termes de statut socioéconomique des parents, d’origine ethnique, etc.). Les programmes de cette nature empêchent l’éviction des élèves défavorisés lorsque la demande est supérieure à l'offre. Rotterdam propose ainsi un système de double liste d’attente qui permet aux établissements très demandés de privilégier les enfants qui enrichiraient leur éventail ethnique et socioéconomique (OCDE, 2016k). Si les politiques d’admission sont établies par une autorité centrale indépendante, les établissements ont moins de possibilités de sélectionner les élèves selon des critères qui avantagent les enfants favorisés. Au Chili, par exemple, une réforme de l’éducation introduite en 2009 a interdit aux établissements subventionnés par l’État de sélectionner les élèves en fonction de leur milieu socioéconomique ou de leurs résultats scolaires antérieurs dans l’enseignement primaire.
La qualité de l’enseignement varie aussi fondamentalement selon les régions. Dans la zone OCDE, les élèves âgées de 15 ans scolarisés dans les établissements urbains obtiennent à l’évaluation du Programme international de l'OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA) des résultats supérieurs de plus de 20 points, en moyenne, à ceux des zones rurales, ce qui correspond à près d’un an d’enseignement. Diverses solutions peuvent être envisagées pour donner davantage de possibilités aux élèves des régions offrant un accès limité à l’enseignement supérieur : programmes d’aide à la mobilité étudiante, offre universitaire élargie sur le plan géographique, coopération renforcée entre les académies où l’offre est importante et celles des régions environnantes. (Dherbécourt, 2015). Certains pays, comme le Chili et les Pays-Bas, ont augmenté les financements alloués aux établissements qui acceptent des élèves peu performants afin de compenser les dépenses supplémentaires engagées pour leur instruction, et font appel pour cela à des dispositifs progressifs de chèques-éducation ou de financement pondéré (« chèques-éducation virtuels »).
6.5.2.2. Compétences et débouchés sur le marché du travail
Augmenter les chances de mobilité ascendante suppose de renforcer l’inclusivité des marchés du travail. Ceux-ci doivent offrir des emplois à un éventail plus large de compétences, de qualifications et d’acquis. La composition de la main d’œuvre varie considérablement selon les villes ; l’action publique doit donc viser à attirer et à retenir des travailleurs correspondant à différents types d’emplois - depuis les emplois de pointe de l’économie numérique jusqu’aux métiers plus traditionnels du secteur manufacturier.
Les stratégies destinées à attirer les travailleurs pour une certaine catégorie d’emplois supposent de préparer et de former la main d’œuvre du quartier concerné en conséquence. La ville de Lulea, en Suède, a ainsi mené de front un ensemble de réformes infrastructurelles, de projets éducatifs et de mise en valeur de son environnement naturel pour faire venir Facebook, qui devrait créer 2 200 emplois dans la ville (Eudes, 2016). La ville de New York a récemment annoncé un plan d’action industriel qui vise à revitaliser les industries manufacturières des communes limitrophes pour lutter contre les déplacements de main d’œuvre et dynamiser l’entrée dans le domaine innovant de la robotique grâce à l’incubateur FutureWorks (OCDE, 2016i).
Les projets axés sur les travailleurs pauvres jouent aussi un rôle important à l’appui de la mobilité sociale et offrent des débouchés à ceux qui ont un emploi mais n’ont pas de possibilités d’améliorer leur situation. On en trouve des exemples à Calgary, Edmonton, Toronto et Saint John (Canada), où des programmes complets, fondés sur les collectivités, combattent la pauvreté au travail. Les autorités municipales de Calgary ont proposé la création d’un Social Business Centre et d’un Community Investment Fund pour appuyer le développement de coopératives et d’entreprises sociales, et travaillent actuellement à la mise en place de pratiques inclusives dans les entreprises, notamment d’une aide ciblée pour les travailleurs vulnérables (aide à la garde d’enfants, au transport et au logement par exemple), de pratiques de recrutement novatrices pour garantir la diversité, d’emplois pour les travailleurs handicapés, et de notification transparente des résultats (CPRI, 2013).
Les allègements fiscaux locaux et les parcs d’activité sont des programmes de recrutement ou d’aide à l’emploi locaux qui visent à créer plus d’emplois dans les régions et/ou à induire une augmentation des salaires. Ils sont souvent destinés aux régions défavorisées (Neumark et Simpson, 2014). Briant et al. (2015) ont observé qu’en France, les retombées des parcs d’activité différaient selon le territoire. Dans les zones reculées, ils avaient eu pour incidence positive de pousser les salaires à la hausse, alors que les zones à fort taux de chômage avaient connu des pertes d’efficacité importantes suite au redéploiement des équilibres locaux. Givord et al. (2017) ont constaté qu’après un effet positif de courte durée, l’intensification des fermetures d’entreprises annulait les résultats favorables. En Italie, les incitations financières accordées aux entreprises en Lombardie auraient eu peu d’effet sur la croissance de l’emploi (Porro et Salis, 2017).
6.5.2.3. Accès à des soins de qualité
Le lieu de résidence d’un individu influe sur bien d’autres aspects de sa vie que ses seuls revenus. L’espérance de vie, par exemple, varie de près de 20 ans selon les quartiers à Baltimore (Baltimore City Health Department, 2018) et à Londres (Cheshire, 2012). Des soins de qualité et les politiques nécessaires pour y assurer un accès comptent parmi les facteurs les plus importants, indépendamment du lieu de résidence d’un individu.
Le nombre de médecins par habitant varie considérablement selon les régions. Une caractéristique commune à de nombreux pays est la concentration des médecins dans les capitales10 et les régions urbanisées en général, qui s’explique par le regroupement des services spécialisés comme la chirurgie et la préférence des médecins pour la pratique en milieu urbain. La densité médicale affiche des écarts très prononcés entre les régions urbaines et rurales en France, en Australie et au Canada, la définition de ces régions différant toutefois selon les pays (OCDE, 2015b).
Plusieurs instruments d’action peuvent influencer le choix du lieu d’exercice des médecins, notamment : 1) offrir aux médecins des incitations financières à s’installer dans les zones sous-médicalisées ; 2) augmenter le taux d’inscription d’étudiants issus de milieux sociaux ou géographiques donnés dans les programmes d’enseignement médical ; 3) réglementer le choix du lieu d’installation des médecins ; et 4) réorganiser la prestation des services de santé de manière à améliorer les conditions de travail des médecins qui exercent dans les zones mal pourvues (OCDE, 2015b). La France a lancé en 2012 le Pacte Territoire Santé pour favoriser l’installation et le maintien des médecins et d’autres professionnels de la santé dans les déserts médicaux. Celui-ci a notamment développé la télémédecine et créé de nouvelles maisons de santé pluri-professionnelles qui permettent aux médecins et aux autres professionnels de la santé de travailler au même endroit (OCDE, 2015b).
6.5.3. Un environnement urbain inclusif
Pour renforcer l’égalité des chances et la mobilité sociale, il est indispensable d’élaborer et d’appliquer des politiques qui exploitent les complémentarités entre différents domaines d’action. Les mesures visant à accroître l’offre de logements abordables, par exemple, doivent être étroitement associées aux interventions en matière de planification des transports, de prestation de services et d’emploi à tous les échelons de l’administration publique. Un exemple de partenariat stratégique et pratique de cette nature nous est offert par le New York and Connecticut Sustainable Communities Consortium, qui a mis en place une plateforme de coordination des politiques de logement et de transport (OCDE, 2016k).
6.5.3.1. Politiques du logement
La transmission intergénérationnelle des inégalités s’est accentuée en matière de logement car les jeunes adultes ont de plus en plus besoin de l’aide de leurs parents pour accéder à la propriété ou à un logement stable en général (Druta et Ronald, 2017 ; Forrest et Hirayama, 2009 ; Helderman et Mulder, 2007). Des données longitudinales concernant Amsterdam et Rotterdam montrent une profonde ségrégation spatiale fondée sur la richesse des parents. Cette dernière a des conséquences spatiales notables car elle renforce les fractures sociospatiales existantes et en crée de nouvelles. Son influence sur les fractures sociospatiales est plus marquée à Amsterdam qu’à Rotterdam, ce qui indique que dans le contexte amstellodamois de forte demande, les jeunes adultes doivent faire appel à leurs parents pour l’emporter sur d’autres candidats et/ou acquérir un logement dans un quartier onéreux (Hochstenbach, 2018).
L’accès à un logement de qualité abordable est un élément important pour assurer l’égalité des chances et l’insertion sociale. Un enjeu fondamental pour la politique du logement consiste à atténuer la concentration des ménages à faible revenu dans des zones où les logements sont bon marché, mais où les conditions d’emploi et d’éducation sont médiocres. Deux grandes stratégies sont appliquées en vue d’accroître la mobilité dans les villes. La première consiste à prendre des mesures visant à améliorer la situation dans les zones défavorisées. Selon les résultats de l’enquête pour les Perspectives régionales de l'OCDE 2016 (OCDE, 2016l), celles-ci sont en général essentiellement axées sur les villes ou quartiers jugés particulièrement « problématiques ». La seconde consiste à aider les ménages à faible revenu à déménager pour des quartiers à plus haut revenu. Les quatre principaux instruments d’action examinés dans le cadre du questionnaire QuASH (Questionnaire on Social and Affordable Housing) de l’OCDE à l’échelon national sont les aides à l’accession à la propriété, les allocations logement, le logement social, et l’aide à la location et les règlements en la matière.
L’aide à l’accession à la propriété bénéficie de financements publics considérables (les dépenses représentant jusqu’à 2.3 % du PIB) (Salvi del Pero et al., 2016). Certaines de ces aides sont réservées aux ménages à faible revenu (dons et assistance financière) et sont censés améliorer l’accès des catégories défavorisées à la propriété. Elles présentent toutefois pour inconvénients majeurs de décourager la mobilité résidentielle et professionnelle dans les villes et les régions et de favoriser l’étalement urbain (Henley et al., 1994 ; OCDE, 2016k).
Des allocations logement bien ciblées peuvent aider les ménages à faible revenu à rester dans les centres urbains et favoriser la mixité des quartiers en termes de revenus. Si elles sont bien conçues et axées sur les besoins des différentes catégories socioéconomiques, elles risquent moins de compromettre la mobilité résidentielle et professionnelle. C’est par exemple le cas du programme Moving to Opportunity et des Section 8 vouchers aux États-Unis, qui sélectionnent selon une méthode aléatoire des ménages vivant dans de grands ensembles très pauvres de cinq villes américaines (Baltimore, Boston, Chicago, Los Angeles, New York) et leur offrent des chèques-logement pour s’installer dans un quartier dont les loyers sont normalement supérieurs à leurs moyens. D’après les évaluations préliminaires, le programme n’aurait pas influé sur la situation économique des adultes (malgré quelques retombées favorables sur leur santé physique et mentale), mais des données récentes indiquent que les mesures de cette nature, destinées à encourager la mobilité résidentielle et la mixité sociale, ont des effets optimaux sur les jeunes enfants. Chetty, Hendren et Katz (2017) ont constaté que les enfants qui ont déménagé avant l’âge de 13 ans sont plus susceptibles de fréquenter l’enseignement supérieur de premier cycle et ont en moyenne des salaires supérieurs de 31 % à ceux des adultes. Qui plus est, une fois parvenus à l’âge adulte, ils vivent souvent dans des quartiers plus favorisés et sont moins susceptibles d’être des parents célibataires, ce qui semble indiquer que les avantages de ces politiques peuvent perdurer sur les générations suivantes (Brookings, 2016).
Néanmoins, les allocations logement présentent aussi des lacunes dans la mesure où elles ne peuvent garantir la qualité du logement et risquent d’exercer une influence négative sur les prix des loyers (Salvi de Pero et al., 2016). Les données montrent que, dans plusieurs pays, elles ont induit une hausse appréciable des loyers, par exemple en Finlande (Kangasharju, 2010 ; Virén, 2011), en France (Fack, 2005 ; LaFerrère et Le Blanc, 2004), au Royaume-Uni (Gibbons et Manning, 2006) et aux États-Unis (Susin, 2002). Un autre problème est lié aux programmes de chèques-logement en particulier : en effet, alors qu’ils ont pour objectif d’aider les ménages à quitter les zones à faible revenu pour des quartiers plus prospères, la plupart des familles choisissent de rester près de leur lieu de résidence d’origine ou de déménager pour un quartier présentant des caractéristiques similaires.
Les politiques de zonage inclusif imposent aux promoteurs de réserver une certaine proportion des unités d’habitation construites dans le cadre de projets immobiliers aux prix du marché à des logements abordables en contrepartie d’un assouplissement des règles d’aménagement ou d’autres incitations. Cette politique vise à augmenter l’offre de logements abordables pour les ménages à faible revenu et à encourager dans le même temps leur insertion spatiale dans des quartiers mieux équipés. Or, dans la pratique, les seuils de revenu admissibles sont fixés à un niveau relativement élevé et risquent ainsi d’exclure les ménages les plus démunis. Il existe des politiques de zonage inclusif visant à assurer la mixité sociale dans plusieurs États américains, en Allemagne et en Suède (Granath Hansson, 2017).
Le logement social, en comparaison aux allocations logement et au zonage inclusif, risque de compliquer l’intégration des ménages pauvres et aisés dans le même quartier. La majorité des pays de l’OCDE proposent des logements sociaux, sous une forme ou une autre (Graphique 6.5). Si les mesures en ce sens aident les ménages à faible revenu, elles risquent aussi de renforcer la ségrégation. Dans la pratique, le logement social regroupe souvent les ménages à faible revenu dans des quartiers urbains défavorisés qui offrent des services publics de faible qualité et peu d’accès à l’emploi, ce qui accentue l’exclusion sociale. Les cadres juridiques nationaux imposent parfois aux autorités locales un taux minimum de logements sociaux, mais cette obligation n’est pas toujours respectée : en France, par exemple, où la loi exige un minimum de 25 % de logements sociaux dans chaque commune, certains régions échappent à leurs obligations et paient une amende au lieu de de respecter l’objectif assigné. D’un autre côté, les communes où la proportion de ménages à faible revenu est forte et le taux de chômage élevé n’ont pas toujours les moyens financiers et organisationnels nécessaires pour fournir et entretenir ce type de logement. L’attribution de ces logements s’effectue en outre souvent au niveau de la municipalité. La crainte de perdre leur droit à en bénéficier risque de faire obstacle à la mobilité géographique des populations et aboutir à des inadéquations spatiales (Salvi del Pero et al., 2016).
La condition de revenu est le moyen le plus courant de définir l’admissibilité à un logement social. S’il existe une tendance générale à limiter l’offre de logement social moyennant une définition plus rigoureuse des catégories de bénéficiaires, plusieurs pays ont adapté les critères d’admissibilité de manière à éviter la ségrégation. Dans certains pays, comme la France, l’Autriche, et l’Allemagne, le plafond de revenu est fixé à un niveau suffisamment élevé pour autoriser une mixité des revenus, alors que dans d’autres, comme l’Italie, il est fixé à un niveau très bas. Les critères peuvent également être établis en fonction des besoins (sans-abrisme, insalubrité ou surpeuplement du logement, cohabitation forcée, etc.), ou porter sur les bénéficiaires et groupes cibles (jeunes, personnes âgées ou handicapées, familles nombreuses, handicapés mentaux, salariés de certaines entreprises, etc.). Ils peuvent également varier en fonction des besoins locaux et des carences des marchés immobiliers locaux - nécessité d’attirer certains métiers ou professions, d’offrir des logements aux étudiants et aux jeunes dans l’objectif de redynamiser des zones démographiquement vieillissantes, etc. En Suède, l’attribution des logements de sociétés immobilières publiques n’est soumise à aucun plafond de revenu. Cette politique résulte du principe consistant à éviter la ségrégation sociale en offrant à tous les segments de la société un accès aux logements sociaux.
D’autres méthodes permettent d’éviter la ségrégation, par exemple des mesures qui favorisent le développement d’un marché locatif moyennant une aide financière et des règlements. Un tiers environ des pays ayant répondu au questionnaire QuASH font appel à des subventions à la construction pour encourager la production de logements locatifs (tout particulièrement les États-Unis et la France). La moitié des pays répondants ont recours à l’encadrement des loyers, et d’autres formes de soutien au logement locatif privé, comme l’apport de garanties et des allègements fiscaux pour les propriétaires, sont actuellement appliquées dans plus d’un cinquième d’entre eux.
De nouveaux acteurs apparaissent sur le marché du logement, qui s’efforcent de réunir des catégories disparates de la société ; ce processus peut créer des débouchés pour les populations et, à terme, favoriser la croissance économique (Chetty et Hendren, 2016 ; Chetty et al. 2017). Au Royaume-Uni, par exemple, les organismes fonciers solidaires (community land trusts - CLT)11 jouent un rôle majeur dans l’offre de logements abordables aux ménages à faible revenu. Ils font fonction d’intendants de longue durée, veillant à ce que les logements demeurent véritablement abordables, en fonction des salaires réels de la région, pas seulement pour les locataires actuels, mais pour tous les occupants futurs.
6.5.3.2. Politiques de transport et d’infrastructure
Les habitants des collectivités défavorisées disposent souvent d’infrastructures moins bien entretenues – les routes en particulier- et d’un accès moins développé à des services de transports publics fiables, et sont moins susceptibles de posséder un véhicule privé. Les différences de qualité en termes d’infrastructure urbaine sont un facteur déterminant de la ségrégation spatiale et limitent la mobilité sociale. La déségrégation et la mise à disposition de réseaux de transport efficaces à toutes les catégories de la population doivent donc être l’objectif primordial de la planification des transports urbains. Une gageure pour les responsables publics consiste à trouver le juste équilibre entre la couverture du réseau, son accessibilité pécuniaire et sa viabilité financière.
Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en œuvre des programmes destinés à améliorer l’accessibilité, l’accessibilité financière et la qualité de l’infrastructure de transport publique pour toutes les catégories de la société. Le programme « Lisbonne porte à porte », lancé en 2004 par le Conseil municipal de Lisbonne, vise à desservir des populations qui ont été contraintes de quitter le centre-ville, trop coûteux, pour des banlieues plus abordables. Partout au Canada, des municipalités ont mis en place des programmes de transport à prix réduits qui visent à atténuer le risque d’exclusion sociale des personnes à faible revenu. Des travaux récents de l’OCDE/FIT indiquent que les subventions ciblées (par opposition aux subventions générales) permettent aux opérateurs de transport d’appliquer des tarifs proches du taux de recouvrement des coûts à la majeure partie de la population, des tarifs plus bas étant fixés pour les catégories vulnérables (FIT, 2017).
À l’instar des politiques de logement, les politiques de transport et d’infrastructure doivent être intégrées à des stratégies plus générales de revitalisation urbaine. Il conviendra, dans la mesure du possible, d’évaluer l’incidence conjuguée des décisions relatives aux transports, au logement, et à d’autres investissements sur les différentes catégories socioéconomiques. L’amélioration de la collecte et de l’analyse des données en matière de transport peut faciliter la formulation de politiques dans ces domaines (comme le Housing + Transport Affordability Index aux États-Unis). Une stratégie intégrée d’investissement public peut améliorer l’accès des populations à une infrastructure abordable, équitable et viable, et élargir les perspectives de mobilité socioéconomique dans les villes. Par exemple, des projets de rénovation urbaine et environnementale étroitement conçus risquent de pousser les prix du logement à la hausse et d’exercer des pressions sur le réseau de transport, chassant ainsi les ménages à faible revenu des quartiers réhabilités et y attirant des résidents plus aisés et des entreprises haut de gamme. Des systèmes de gouvernance urbaine caractérisés par une plus forte fragmentation administrative sont corrélés à une ségrégation plus prononcée des ménages en fonction des revenus (OCDE, 2016k). Une gouvernance plus efficace intégrant les politiques relatives à des secteurs clés comme la réglementation foncière, le logement et les transports à l’échelle métropolitaine peut favoriser la lutte contre la ségrégation par les revenus dans les villes.
L’Allemagne offre un exemple de coordination des transports métropolitains fondée sur une collaboration interadministrative. Dans ce pays, toutes les grandes régions métropolitaines ont établi une autorité métropolitaine des transports (Verkehrsverbund) qui réunit toutes les autorités locales situées sur leur territoire et celles du Land correspondant (ou des Länder si plusieurs sont concernés). Comme l’illustre le cas de Francfort, la création de ces entités a facilité l’intégration tarifaire et l’élargissement de l’offre de transports publics, ce qui peut favoriser un développement économique plus inclusif. Certaines autorités sont aussi dotées de compétences en matière de stationnement public et, parfois, d’urbanisme, ce qui peut faciliter la mise en place d’une stratégie urbanistique intégrée.
6.6. Conclusion
Nos économies et nos sociétés sont en pleine mutation : elles se fluidifient sur certains plans, mais sont peu mobiles sur d’autres. De nouveaux risques sociaux surgissent. Dans ce contexte, une action des pouvoirs publics en vue de favoriser la mobilité sociale et d’assurer l’égalité des chances s’impose afin de prévenir la concrétisation et les retombées de ces risques, et d’offrir à tous des conditions équitables. Un tel programme suppose des interventions dans de nombreux domaines, depuis les politiques de la santé et de la famille jusqu’aux politiques fiscales en passant par les politiques de l’éducation et de l’emploi et les politiques d’urbanisme et de logement.
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Notes
← 1. Liu (2016) a montré qu’à la suite de cette réforme, après un choc de santé, les ménages bénéficiant d’une assurance-maladie investissaient davantage dans le capital humain des enfants et recourraient moins à leur travail qu’ils ne l’auraient fait en l’absence de réforme.
← 2. En Australie, le pourcentage de jeunes (en bonne santé) sans assurance (privée) est élevé, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur vulnérabilité économique en cas de problèmes de santé.
← 3. Les établissements peuvent utiliser ces crédits supplémentaires pour créer des classes à effectifs réduits, recruter des enseignants en lecture, en écriture et en calcul plus chevronnés, acheter du matériel spécialisé, aider davantage les élèves en difficulté, former les enseignants et leur fournir des moyens supplémentaires (OCDE, 2016g).
← 4. Schochet et al. (2008) ont constaté que le programme Job Corps se traduisait par une hausse des revenus à court terme et avait à long terme une incidence favorable sur le niveau d’instruction, mais aussi dans d’autres domaines, comme la santé, la constitution d’une famille et la délinquance.
← 5. Le programme associe six mois de cours divers - rédaction de courriels professionnels, gestion du temps, travail en équipe, résolution de problème, présentation de soi, préparation aux entretiens et règlement de différends – à six mois de stages en entreprise. À l’issue du programme, un tiers des participants sont embauchés.
← 6. Ces programmes doivent être conçus de manière à ne pas faire obstacle à la réaffectation efficace de la main d’œuvre à long terme en subventionnant des emplois qui disparaîtraient tôt ou tard (Cahuc et Nevoux, 2017).
← 7. Plan d’action pour la mise en œuvre de la réforme sur la manière de travailler adopté par le Conseil pour la mise en œuvre de la réforme sur la manière de travailler le 28 mars 2017.
← 8. Il semblerait que les réformes aient mis terme au recul (et même qu’elles soient parvenues à l’inverser) de la proportion des contrats à durée indéterminée parmi les nouveaux contrats.
← 9. Ces résultats ne tiennent pas compte des réactions comportementales, notamment en ce qui concerne les heures de travail – d’où l’intérêt des projets pilotes nationaux.
← 10. Par exemple, l’Autriche, la Belgique, les États-Unis, la Grèce, le Mexique, le Portugal, la République slovaque et la République tchèque affichent une concentration de médecins bien supérieure dans la région de la capitale nationale.
← 11. Un organisme foncier solidaire est une sorte d’organisme communautaire, créé et dirigé par des citoyens ordinaires pour construire et gérer des logements et d’autres actifs importants pour la collectivité concernée – entreprises locales, cultures potagères ou espaces de travail par exemple.