Dai Qian
La prochaine révolution de la production
Chapitre 12. La Chine et la prochaine révolution de la production1
Abstract
La République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») est le premier contributeur à la valeur ajoutée manufacturière mondiale. Ces dernières années, de nombreuses entreprises chinoises ont considérablement progressé dans la création et l’utilisation de nouvelles technologies de production. Ainsi, la Chine est aujourd’hui le premier utilisateur mondial de robots industriels. Ces progrès sont allés de pair avec un ensemble d’initiatives majeures et d’investissements publics, dont l’un des objectifs primordiaux est d’accroître l’utilisation des technologies numériques dans le secteur de la fabrication. Le but que s’est fixé la Chine – accroître l’intensité de connaissance de sa production – va élargir l’éventail des marchés sur lesquels elle peut affronter la concurrence. Il n’en reste pas moins que la modernisation du secteur manufacturier chinois constitue un défi complexe. Les capacités technologiques demeurent très inégales entre les entreprises. L’enjeu n’est pas seulement d’accroître les investissements publics dans la science et l’innovation, mais aussi de commercialiser la recherche, d’améliorer les infrastructures, de favoriser un fonctionnement plus efficient des marchés et d’encourager l’innovation dans le secteur privé. Les pouvoirs publics doivent en outre faire face à toute une série de bouleversements connexes tels que les perturbations du marché du travail, l’importancecroissante de la cybersécurité et la nécessité de mieux coordonner les actions publiques.
Introduction
Le présent chapitre s’intéresse au développement et à l’utilisation d’un ensemble de technologies nouvelles et émergentes dans le secteur manufacturier en République populaire de Chine (ci-après « la Chine »). Il s’agit plus précisément de cinq familles technologiques – les technologies de l’information et des communications (TIC), la biotechnologie industrielle, l’impression 3D, les nanotechnologies et les nouveaux matériaux –, qui sont appelées à jouer un rôle central dans ce que l’on appelle la « prochaine révolution de la production ». Le chapitre examine par ailleurs les récentes initiatives prises par l’administration chinoise pour faciliter la modernisation du secteur manufacturier, comme par exemple Made in China 2025 et « Internet Plus ». Il décrit en outre les politiques publiques mises en œuvre pour chacune des technologies en question avec, en regard, des suggestions de de mesures de l’OCDE. La dernière section du chapitre relate les principales difficultés que rencontrent les entreprises et les dirigeants chinois pour moderniser le secteur manufacturier.
On verra dans ce chapitre que beaucoup d’entreprises chinoises ont accompli ces dernières années des progrès considérables dans le développement et l’utilisation de nouvelles technologies de production. La Chine est aujourd’hui le premier utilisateur de robots industriels au monde, ainsi que le premier marché mondial des services de communication de machine à machine. En avril 2015, elle se classait au troisième rang mondial pour le nombre de brevets relatifs à l’impression 3D. En 2010, elle arrivait en tête pour le nombre de publications sur les nanotechnologies recensées dans le Science Citation Index. Ces progrès se sont accompagnés d’initiatives et d’investissements publics extrêmement vastes et ambitieux, dont l’objectif central est d’atteindre l’excellence en matière d’utilisation des technologies numériques dans le secteur manufacturier.
Malgré des progrès rapides, la modernisation du secteur de la fabrication connaît de sérieuses difficultés, à commencer par la grande inégalité des capacités technologiques des entreprises. L’enjeu n’est pas seulement d’accroître les investissements publics dans la science, la recherche et l’innovation, mais aussi de commercialiser la recherche, d’améliorer les infrastructures, de favoriser un fonctionnement plus efficient des marchés et d’encourager l’innovation dans le secteur privé. De nombreux dispositifs encouragent l’adoption des technologies nécessaires à la modernisation de la fabrication, mais les pouvoirs publics doivent en outre faire face à toute une série de bouleversements connexes tels que les perturbations du marché du travail et l’importance croissante de la cybersécurité. Il leur faut aussi agir sur le plan de la gouvernance, notamment en ce qui concerne la coordination entre les ministères ainsi qu’entre l’État et les administrations régionales.
Le secteur manufacturier en Chine : principales technologies et évolutions récentes
Cette section passe en revue les progrès accomplis dans le secteur manufacturier chinois en ce qui concerne le développement et l’utilisation de tout un éventail de technologies : technologies numériques, robotique, impression 3D, biotechnologie, nanotechnologies et nouveaux matériaux. Chacune de ces catégories de technologies fait l’objet de suggestions de l’OCDE concernant les actions appropriées à mener, en regard des mesures adoptées par les autorités chinoises. Un certain nombre de lacunes dans les politiques publiques chinoises sont ainsi mises en évidence. Les mesures prises par les pays de l’OCDE sont également indiquées à titre de comparaison.
Le poids de la Chine dans le secteur manufacturier mondial a de nombreuses répercussions, à la fois pour le pays et pour la production mondiale. Le secteur manufacturier est un pilier de l’économie chinoise. En 2014, il représentait 19 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale et 35.9 % du produit intérieur brut (PIB) du pays (Chinese Academy of Engineering, 2015), et arrivait en tête du classement mondial pour la cinquième année consécutive. Par ailleurs, on constate depuis quelques décennies dans les principaux secteurs exportateurs de la Chine une augmentation de la valeur ajoutée sur place dans les exportations brutes (Graphique 12.1). Le Premier ministre chinois a récemment souligné que la modernisation des industries manufacturières – nouvelles et traditionnelles – était indispensable au développement à long terme du pays (Li K., 2015).
Dans le cadre de sa stratégie gouvernementale de développement tiré par l’innovation, la Chine tente également de gagner du terrain dans le domaine de la fabrication de pointe. Les vols spatiaux habités, les submersibles d’exploration en eau profonde habités, le train à grande vitesse et le supercalculateur le plus rapide du monde sont autant de réussites qui témoignent de ce dynamisme. Ces réalisations vont de pair avec les progrès accomplis dans les domaines de la recherche, de l’éducation et des infrastructures (ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, 2015c). Les dépenses brutes de recherche et de développement de la Chine étaient légèrement supérieures à 2 % du PIB en 2014, soit plus élevées que celles de l’Union européenne et nettement plus que celles des pays enregistrant un PIB par habitant comparable (OCDE, 2017a). En 2014, le secteur manufacturier arrivait en tête pour les demandes de brevets en Chine (Graphique 12.2).
Le but que s’est fixé la Chine d’accroître l’intensité de connaissances de sa production – va élargir l’éventail des marchés sur lesquels elle peut affronter la concurrence et contribuer au développement des technologies de production sur ces marchés. Selon une étude récente portant sur 25 pays, la part des exportations chinoises de produits de haute technologie est passée de 6 % en 2000 à 37 % en 2013, et le pays est aujourd’hui le plus gros exportateur de ce type de produits (HSBC, 2014).
Pour autant, le secteur manufacturier chinois connaît de multiples difficultés. Les technologies de pointe y sont en général peu répandues (Graphique 12.3), et bien que la productivité du travail ait augmenté en Chine depuis dix ans, elle demeure très inférieure à celle des États-Unis (et d’autres pays développés) (OCDE, 2015a). La compétitivité de la Chine dans les chaînes de valeur mondiales reste cantonnée à la transformation et l’assemblage (OCDE, 2013), souvent grâce à une main-d’œuvre et des matières premières bon marché. Toutefois, la rémunération des salariés de ce secteur s’est accrue de 66 % entre 2010 et 2014, soit plus que les 54 % enregistrés en moyenne dans l’ensemble de l’économie (Bureau national des statistiques de Chine, 2014). Pour le projet Made in China, la qualité des produits et la notoriété des marques font toujours défaut. Face à l’aggravation de la pollution de l’air, de l’eau et des sols causée par la production industrielle, de nouvelles voix se font entendre pour réclamer une fabrication plus respectueuse de l’environnement. Malgré une nette intensification de la recherche-développement (R-D) dans le pays, la Chine continue d’importer massivement pour la fabrication de pointe. En 2013, les importations de semi-conducteurs dépassaient celles de pétrole, premier produit importé en Chine (ministèrede l’Industrie et des Technologies de l’information, 2015c).
Un nombre important d’entreprises manufacturières chinoises présentent des lacunes en matière de gestion et de capacités numériques. Le rôle du secteur privé dans certains domaines de la R-D est par ailleurs limité, faute de ressources ou d’incitations appropriées. Les évolutions technologiques entraînent en outre une demande accrue de gestionnaires, de chercheurs et de techniciens qualifiés, qui n’est pas facile à satisfaire. La sécurité de l’information est un autre sujet de préoccupation croissante. Parallèlement, la concurrence mondiale s’est intensifiée à l’heure où la fabrication de pointe devient une priorité stratégique pour beaucoup de pays développés ; certaines entreprises multinationales rapatrient par ailleurs leurs activités manufacturières haut de gamme dans leur pays d’origine.
En Chine, deux approches cohabitent dans le secteur manufacturier. D’un côté, les entreprises de fabrication chinoises cherchent à conserver leur compétitivité dans leurs créneaux traditionnels (tels que la transformation et l’assemblage) en augmentant l’efficience et la qualité des produits, et en réduisant les coûts. De l’autre, de nombreux fabricants sont également actifs dans le domaine de l’innovation de produit, en espérant trouver des débouchés dans de nouveaux secteurs. Dans ce contexte, comme on l’a vu plus haut, les technologies génériques sont de plus en plus utilisées.
Les technologies numériques
L’importance des TIC – telles que l’internet des objets (IdO), l’informatique en nuage et les données massives – est un fait attesté par les principaux chiffres de l’industrie chinoise. Jack Ma, fondateur et directeur exécutif du groupe Alibaba – qui détient un grand nombre de marques à succès basées sur l’internet chinois – a déclaré : « La principale source d’énergie pour la fabrication du futur n’est pas le pétrole, mais les données. » (Li Q., 2015). Les TIC sont utilisées actuellement dans l’ensemble des processus de fabrication, de la logistique à la production, en passant par la gestion et les services.
En 2014, le marché de l’IdO en Chine se chiffrait à plus de 600 milliards CNY (94 milliards USD), et enregistrait un taux de croissance annuelle cumulé de plus de 30 % depuis 20112. La Chine devrait devenir l’un des premiers marchés mondiaux dans le domaine, avec près d’une unité industrielle connectée sur cinq (comme les machines, outils et composants) d’ici à 2020 (IDC, 2015). En 2014, le marché des services infonuagiques publics s’élevait à 7.02 milliards CNY (environ 1.1 milliard USD), soit une hausse de 47.5 % par rapport à 2013 (China Academy of Information and Communication Technology, 2015b). Le marché des données massives chiffrait quant à lui à quelque 8.4 milliards CNY (1.3 milliard USD) en 2014. Il devrait croître d’environ 40 % par an entre 2016 et 2018 (China Academy of Information and Communication Technology, 2015a). En 2014 également, le chiffre d’affaires de l’industrie électronique chinoise était supérieur à 14 000 milliards CNY (2 200 milliards USD) (ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, 2015b)3. Enfin, la Chine est en train de rattraper son retard en matière de capacités de R-D par rapport aux leaders mondiaux du secteur (Graphique 12.4).
L’internet des objets (IdO)
Selon les estimations, l’utilisation de l’IdO dans le secteur manufacturier chinois pourrait faire augmenter le PIB de 196 milliards USD au cours des 15 prochaines années (Accenture, 2015). En Chine, c’est dans le domaine de la construction de machines, du secteur automobile et de la sidérurgie que l’IdO connaît le plus de succès (CCID Consulting, 2015a). Il est surtout utilisé pour gérer la chaîne d’approvisionnement, optimiser les processus, commander les équipements et contrôler la consommation d’énergie (China Academy of Telecommunication Research, 2014b). Les services de communication de machine à machine (M2M) se sont également multipliés dans le pays. Fin 2014, on comptait au niveau national 74 millions de connexions entre les machines, ce qui faisait de la Chine le plus grand marché mondial des communications M2M (GSMA, 2015).
La ville de Wuxi, dans la province de Jiangsu, a participé à l’initiative Smart Cities de l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE). Wuxi No.1 Cotton Mill, l’une des plus grandes usines de fabrication de textiles de la ville (créée en 1919), est considérée comme un exemple de modernisation réussie grâce à l’utilisation de l’IdO. L’entreprise a équipé sa chaîne de production de plus de 90 000 capteurs et de 28 systèmes permettant de contrôler la production, la qualité et la consommation d’énergie. Le nombre de travailleurs pour 10 000 broches de filature a été ramené de plus d’une centaine à 25, et les économies d’énergie se chiffrent à plus de 8 millions CNY par an (1.6 million USD) (Su, 2014).
L’IdO permet aussi d’inventer de nouveaux services et de nouvelles activités pour les entreprises manufacturières. En 2007, par exemple, Sany Heavy Industry, un fabricant d’équipements pour chantier, a mis au point un système de contrôle interne qui collecte des données et surveille les opérations au moyen de capteurs et d’instruments de contrôle préinstallés dans les produits. En fonction de ces données, des informations et des recommandations sont fournies aux clients grâce au suivi en temps réel, à la maintenance corrective et à l’assistance à la résolution des problèmes. Ces données facilitent également la R-D interne. D’après les informations communiquées par l’entreprise, plus de 200 000 machines sont désormais reliées à ce système.
L’informatique en nuage
En Chine, les entreprises de fabrication recourent surtout à l’informatique en nuage (ou « infonuagique ») pour améliorer leur utilisation des infrastructures informatiques et réduire les coûts de la planification de leurs ressources. En 2014, les principaux services infonuagiques proposés aux industries chinoises étaient l’infrastructure en tant que service (IaaS) – comme par exemple l’hébergement, le stockage et la création d’un réseau en nuage – et le logiciel en tant que service (SaaS) (CCID Consulting, 2015b) (Encadré 12.1).
Rendue possible par l’informatique en nuage, l’idée d’une fabrication en nuage intelligente (cloud manufacturing en anglais) a également été proposée en Chine : elle consiste à mettre les ressources et les capacités manufacturières à la disposition des utilisateurs finaux via l’internet ou des plateformes infonuagiques. Le groupe Shenyang Machine Tool (SMTCL), qui était le deuxième fabricant mondial de machines-outils en 2014 (Statista, 2014), s’est inspiré de cette idée pour mettre au point sa machine-outil intelligente i5, qui se connecte à une plateforme infonuagique. Une application conçue spécialement à cet effet est fournie aux utilisateurs finaux ; elle leur permet de créer des maquettes et des modèles qui sont ensuite téléchargés sur la plateforme et fabriqués par les machines disponibles. Pour aller plus loin dans son projet de « concrétisation des idées », l’entreprise a mis en place une autre plateforme qui analyse les données provenant des clients, des concepteurs et des machines, et favorise la collaboration dans des domaines variés (de la mise en évidence de la demande à la conception et à la production). Dans cette démarche, SMTCL cherche à ne plus être une simple entreprise de fabrication mais à devenir un fournisseur de services axés sur la productivité industrielle, et à réaliser des bénéfices non plus seulement en vendant des machines mais en facturant leur utilisation (OFweek, 2015).
Les données massives
Le développement de l’utilisation des technologies numériques entraîne l’augmentation des volumes de données. En fait, dans le secteur des plateformes en tant que services, l’analyse des données massives est le service le plus utilisé par les industries chinoises (China Academy of Information and Communication Technology, 2015b). L’année 2014 est considérée comme celle de l’émergence du marché des données massives industrielles en Chine (China Academy of Information and Communication Technology, 2015a).
Dans le secteur manufacturier, plus de 75 % des applications des données massives ont pour but d’établir des liens plus étroits avec les clients, principalement en les attirant et en améliorant leur expérience. Dans 10 % des cas seulement, l’objectif est d’assurer le suivi des produits ou d’analyser le fonctionnement des équipements (Minglamp Consulting, 2015). Ces pourcentages correspondent à la tendance générale de l’utilisation des données massives en Chine, où ces données sont générées principalement au sein des entreprises et analysées selon des procédures traditionnelles, puis utilisées à des fins de marketing sur le web ou pour améliorer les produits et services existants (China Academy of Telecommunication Research, 2014a).
Grâce aux données massives, Motorola Mobility peut prédire les préférences des clients concernant la couleur et les matériaux des téléphones portables, et préparer la production en conséquence. L’entreprise a mis au point Moto Maker, qui permet aux clients de faire des choix pour leurs portables parmi plus de 2 000 combinaisons. Le groupe Haier, principal fabricant chinois d’électroménagers et de produits électroniques grand public, travaille également avec le groupe Alibaba, qui possède la plus grande plateforme de vente en ligne en Chine : il utilise ainsi les données recueillies par Alibaba sur les préférences des clients pour offrir des produits finaux personnalisés.
Les fabricants chinois jouent par ailleurs un rôle important en fournissant l’infrastructure des technologies numériques. En Chine, les serveurs informatiques sont fabriqués en majorité par des entreprises nationales, et les quatre principaux acteurs du marché (Inspur Electronics, Lenovo, Huawei et Sugon) ont vu leurs recettes globales augmenter de 19.5 % par an du fait de la robustesse du marché intérieur (IDC, 2016).
Les technologies numériques ont ouvert le secteur manufacturier aux entreprises de l’internet chinoises
Les entreprises de l’internet chinoises ne se contentent pas de dominer le marché intérieur de l’informatique en nuage (Encadré 12.1), de l’IdO et des données massives, mais exercent également leur influence sur les industries traditionnelles comme la fabrication. Pour citer un exemple, la société Baidu Inc., qui a créé le plus important moteur de recherche internet de Chine, a mis au point début 2015 un système de plateforme croisée – CarLife –, qui établit un lien entre son service de cartographie en ligne, les constructeurs automobiles et les clients. L’entreprise a également, en décembre 2016, achevé les essais d’un système de mobilité sans chauffeur qui a atteint une vitesse maximale de 100 km/heure (Baidu, 2015). Après avoir investi 6 milliards CNY (944 millions USD) dans son activité AliCloud, le groupe Alibaba projette une transition ambitieuse, à savoir passer des technologies de l’information aux technologies de données (AliResearch, 2015). Forte de ses énormes réserves de données, l’entreprise ambitionne de mettre en œuvre des applications interprofessionnelles dans des domaines variés (robotique, IdO, biotechnologie, financement et infrastructure). Dans le cadre de ce projet, elle organise désormais une conférence annuelle sur l’informatique dans la ville de Hangzhou. D’autre part, l’équipe principale de développement des gammes de véhicules électriques i3 et i8 de BMW a rejoint en avril 2016Future Mobility Corp, une start-up chinoise financée par Tencent Holdings, autre grande entreprise chinoise de l’internet (Boston, 2016).
Encadré 12.1. L’informatique en nuage et le Nouvel an chinois
Depuis quelques années, à l’approche du Nouvel an chinois, de nombreux Chinois utilisent l’informatique en nuage lors de trois grands événements : pour effectuer des achats en ligne lors du « double 11 » ; pour acheter des billets de train pour la fête du printemps sur le site www.12306.cn ; enfin, pour offrir de l’argent (hongbao) sur les réseaux sociaux à la veille du Nouvel an lunaire. Comme on le voit ci-dessous, ces trois exemples montrent comment la taille du marché chinois a dynamisé et façonné l’utilisation de l’informatique en nuage, et comment l’informatique en nuage a elle-même entraîné la création d’un marché.
Pour les jeunes Chinois, le 11 novembre est la Journée des célibataires, c’est-à-dire le jour où les jeunes sans partenaires fêtent leur célibat. Le 11 novembre 2009, l’entreprise Alibaba a lancé une opération promotionnelle en ligne qui lui a rapporté 52 millions CNY. En 2013, les ventes d’Alibaba le 11 novembre ont atteint un niveau deux fois plus élevé que les ventes en ligne effectuées aux États-Unis lors du Black Friday et du Cyber Monday cumulés (Yan, 2014). Depuis 2015, une structure infonuagique hybride est utilisée : les systèmes de vente et de paiement sont hébergés sur le nuage public, alors que les autres activités sont hébergées sur le nuage privé. Ce système a permis au site de faire face à l’afflux de visites pendant une courte période sans avoir à se doter de serveurs supplémentaires. En 2016, l’entreprise Alibaba a enregistré à elle seule 120.7 milliards CNY de ventes. Son site web a traité 120 000 transactions par seconde au plus fort des visites, et plus de 1 milliard de transactions en un seul jour (Xinhua, 2016).
S’il n’est pas facile de trouver à l’occasion du « double 11 » des articles en édition limitée vendus à moitié prix, il l’est encore moins de se procurer un billet de train pour rentrer chez soi à l’occasion de la fête du printemps. Le site officiel chinois de vente de billets de train – www.12306.cn – a mal résisté lors de son ouverture en 2012, puisqu’un afflux inattendu de 1.4 milliard de demandes en un seul jour a provoqué son effondrement (Caijing, 2012). La difficulté à gérer la vente de ces billets de train est due non seulement au fait que le site est consulté simultanément par d’innombrables visiteurs, mais aussi à la complexité intrinsèque des billets. Dans le cadre de la vente en ligne, le calcul du nombre d’articles disponibles peut se faire en retranchant des stocks le nombre d’articles vendus ; cela n’est en revanche pas possible dans le cas des billets de train. Prenons l’exemple d’un voyage comprenant des arrêts de A to E. Lorsqu’une personne achète un billet pour aller de B à D, cela modifie la disponibilité des billets pour l’ensemble des trajets qui le recoupent partiellement (par exemple entre A et C). Il faut également tenir compte des différents types de sièges et coordonner les ventes avec celles réalisées hors ligne. Le site 12306.cn a commencé à utiliser l’informatique en nuage en 2014 et collabore avec Alibaba depuis 2015. Le nuage traite plus de 75 % desdemandes de billets et a permis d’éviter d’importants blocages du site (Li X., 2016). Ce dernier a fait l’objet lors de la fête du printemps 2015 d’un nombre record de visites (29.7 milliards par jour) et a enregistré en 2016 une hausse d’efficacité de 30 %, avec seulement 1.8 seconde d’attente en ligne (Nandu Daily, 2015).
Lorsque les Chinois rentrent chez eux pour la fête du printemps – après avoir acheté des billets de train sur le site 12306.cn et des cadeaux pour le « double 11 » –, il est probable qu’ils vont aussi préparer le hongbao pour la famille. Traditionnellement, le hongbao est une somme d’argent placée dans une enveloppe rouge, qui est offerte et reçue avec une révérence et un cérémonial. Aujourd’hui, le hongbao est également disponible sous la forme d’une application. En 2015, WeChat – l’application de messagerie la plus répandue en Chine, conçue par Tencent – a collaboré avec China Central TV (CCTV) pour organiser la fête du Nouvel an lunaire la plus regardée, au cours de laquelle les organisateurs demandaient à certains moments aux membres du public de secouer leurs téléphones portables pour recevoir un hongbao. Plus de 1 milliard de hongbao ont ainsi été envoyés et reçus. Une application d’une telle ampleur ne serait pas possible sans l’informatique en nuage, qui permet de gérer un afflux massif d’utilisateurs et d’assurer la sécurité des échanges financiers (Teng, 2016). Ces évolutions ont permis au citoyen ordinaire de se familiariser davantage avec les technologies. Un récent sondage a révélé que 75 % des utilisateurs de moyens de paiement mobiles en Chine utilisent quotidiennementces mêmes modes de paiement dans les magasins traditionnels (Alvin Wu, 2016).
Le cadre d’action concernant les technologies numériques
Pour encourager le développement des technologies numériques et leur utilisation dans l’industrie, il est suggéré aux pouvoirs publics dans le Chapitre 2 (qui traite des technologies numériques et de la production) d’élaborer des cadres de gouvernance des données cohérents et de promouvoir des normes ouvertes ainsi qu’un usage responsable des données personnelles. Les pouvoirs publics sont également encouragés à mettre en place un ensemble de mesures en faveur de l’innovation, afin de stimuler les investissements dans les données (collecte, curation et réutilisation) et de développer la R-D dans des domaines comme l’analyse de données massives, l’infonuagique et l’informatique à haut rendement, l’internet des objets ainsi que les technologies de renforcement de la sécurité et de la protection de la vie privée. Les obstacles à la réutilisation, au partage des données, à la concurrence sur le marché et à l’adoption des TIC doivent être passés en revue et, le cas échéant, éliminés. Des mesures agissant sur la demande peuvent être envisagées pour encourager l’adoption des principales TIC génériques, en particulier par les petites et moyennes entreprises (PME). Le développement d’une culture de la gestion du risque numérique est également conseillé, de même que l’amélioration des compétences en matière de TIC, notamment en collaboration avec les entreprises.
Les mesures relatives aux données récemment examinées en Chine concernent surtout les données massives
Le plan d’action pour la promotion du développement des données massives, rendu public par le Conseil des Affaires d’État en août 2015, a recensé trois grands axes d’action pour développer les données massives en Chine : un accès ouvert et une meilleure gouvernance des données publiques ; des modèles économiques innovants au sein des secteurs et entre eux ; la sécurité des données. La Chine a mis sur pied dix projets importants concernant notamment le partage des données entre les ministères ou l’utilisation des données intersectorielles (dans la fabrication, les services et l’agriculture).
Dans son 13e plan quinquennal, rendu public en mars 2016, la Chine considère les données massives comme une ressource stratégique et formule à leur sujet une stratégie nationale axée principalement sur l’accès ouvert aux données publiques, la R-D et l’application des technologies ayant trait aux données massives. Un mécanisme interministériel aura pour tâche de coordonner différents organismes publics. Placé sous la direction du ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, de la Commission d’État pour le développement et la réforme, ainsi que de l’Administration chinoise du cyberespace, ce mécanisme met l’accent sur l’échange de données entre les organes gouvernementaux, l’innovation industrielle, les formats de données et les normes qui s’y rattachent.
Un système de normalisation des données est en cours de développement. Il recouvre la collecte, le classement, l’échange, le formatage, la vente et la sécurité des données. Des projets de démonstration seront mis sur pied pour évaluer les normes et les échanges de données (l’approche adoptée est celle d’une libéralisation descendante des données publiques, et non d’un accès ascendant non discriminatoire)
Les initiatives Made in China 2025 et « Internet Plus » qui seront décrites plus avant dans le présent chapitre ont pour but de mettre en place un cyberespace industriel et de créer des flux de données plus ouverts et mieux synchronisés entre les différentes étapes de la fabrication.
De nombreuses provinces (comme Pékin, Shanghai, Zhejiang, Guangdong et Guizhou) ont rendu publics des plans visant à promouvoir les données massives. Guizhou, notamment, a émis la première réglementation régionale chinoise sur les données massives, qui énonce les principales mesures à mettre en œuvre pour garantir l’utilisation, le partage et la sécurité des données massives. En 2015, le projet Global Big Data Exchange a été mis sur pied dans la ville de Guiyang – capitale de la province de Guizhou – dans le but de promouvoir les flux et les échanges de données. Ces données ont trait à des domaines comme les finances, l’éducation, l’énergie et la logistique. Des échanges similaires sont en train d’être mis en place à Pékin, Shanghai et d’autres villes chinoises.
De grands projets nationaux de recherche sur les TIC ont été lancés et l’adoption des technologies est encouragée
Dans son programme national de R-D sur les technologies essentielles – datant de 2016 –, l’administration centrale chinoise a alloué une enveloppe d’environ 58 millions USD pour l’informatique en nuage et les données massives, dont 46 millions pour le calcul hautes performances. Un fonds pour le développement de l’IdO a en outre été constitué en 2011 par le ministère des Finances et le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, avec un budget initial de pas moins de 75 millions USD par an. Après l’émission en 2013 des avis du Conseil des Affaires d’État concernant la promotion du développement coordonné de l’IdO, un plan d’action a été élaboré entre plusieurs ministères. Ce plan détaille la stratégie nationale, les normes, les applications, les modèles économiques, les dispositions relatives à la sécurité, ainsi que la législation et la réglementation applicables, et les besoins en ressources humaines.
L’intégration de l’industrialisation et de l’informatisation est une initiative de premier plan lancée en 2007. Des fonds publics ont favorisé l’application de la conception et du contrôle numérique dans des secteurs traditionnels comme l’acier, la construction navale, le textile et l’exploitation minière. Une norme nationale applicable aux systèmes de gestion (GB/T23000-23999), en cours d’élaboration, permettra de guider les entreprises qui cherchent à utiliser davantage les TIC.
En ouvrant certains marchés au secteur privé, le gouvernement chinois souhaitait éliminer les obstacles à l’adoption des TIC, comme par exemple le niveau élevé des prix et l’absence de concurrence. Depuis 2013, les opérateurs de réseaux mobiles ont accès à des marchés autrefois réservés aux entreprises publiques. Depuis 2015, le service haut débit est également ouvert au secteur privé. La réglementation concernant la création d’entreprise a été simplifiée (notamment avec la réduction du nombre d’autorisations requises), et des dispositifs ont été mis en place pour faciliter le financement des activités et des nouveaux services basés sur l’internet (par exemple, services de transport à la demande).
Les politiques publiques visent à élargir l’accès à l’internet, à accroître le débit, à développer l’internet industriel et à encourager la création de start-ups en rapport avec l’internet
L’objectif de la Stratégie nationale en matière d’information (2006-20) est de mettre en place d’ici à 2020 une infrastructure nationale d’information desservant la majorité de la population. En 2013, l’initiative Broadband China visait à fournir un accès au haut débit à 70 % des familles et au haut débit mobile à 85 % des ménages à l’horizon 2020. Le Conseil des Affaires d’État a par ailleurs émis en 2015 des avis d’orientation sur le débit et les tarifs de l’internet. Ces avis recommandaient l’accroissement sans frais du débit minimal (jusqu’à 4 Mégabits par seconde), ainsi que la baisse des tarifs de l’internet mobile.
Le cadre stratégique national publié en juillet 2016 concernant les technologies de l’information fixe les objectifs suivants pour 2025 : accès au très haut débit (fibre) dans les zones rurales, couverture du réseau 4G sur l’ensemble du pays et de la bande passante internationale de 48 Térabits par seconde. En juin 2016, 710 millions de personnes avaient accès à l’internet, dont 92.5 % à l’internet mobile. Un grand écart subsiste néanmoins entre les zones urbaines et rurales (les premières sont couvertes à 67.3 %, et les secondes à 31.7 %).
Le gouvernement cherche comment assurer la cybersécurité
En novembre 2016, la première loi chinoise sur la cybersécurité nationale a été approuvée par le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale. Cette loi prévoit des réglementations sur la cybersouveraineté, les responsabilités des fournisseurs de cyberservices et des opérateurs de réseaux, la protection des informations personnelles et des infrastructures, et la transmission transfrontalière des données. Il n’existe en Chine aucune loi nationale consacrée spécialement à la protection de la vie privée.
Le second dialogue conjoint de haut niveau sur la cybercriminalité entre les États-Unis et la Chine s’est tenu en juin 2016 à Pékin. Des dispositions ont été prises concernant l’échange d’informations, la coopération en matière judiciaire et la protection du réseau. Près de 31 millions USD ont été affectés à la sécurité du cyberespace dans le programme national de R-D sur les technologies essentielles de 2016.
Des mesures sont prises pour développer les compétences numériques
En 2000, le ministère de l’Éducation a émis des lignes directrices concernant l’enseignement des TIC dans les établissements primaires et secondaires. Les cours sur les TIC sont obligatoires depuis 2005 dans tous les établissements du secondaire, ainsi que dans les écoles primaires dans les régions plus développées. En 2013, le ministère a lancé un projet national de formation visant à accroître les compétences en matière de TIC des enseignants des écoles primaires et secondaires (y compris les maternelles). L’objectif est de couvrir 10 millions d’établissements scolaires à la fin 2017. Cela fait partie du plan décennal chinois sur les technologies de l’information dans l’éducation (2011-20). Le ministère de l’Éducation est en train d’élaborer des lignes directrices sur l’enseignement de la robotique dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire.
Des cours sur l’utilisation des TIC vont être institués dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle. Le plan d’action pour la promotion du développement des données massives encourage les établissements à établir des programmes sur la science et l’ingénierie des données.
La robotique industrielle
En Chine, l’utilisation de la robotique – en particulier des robots industriels – est une réponse directe au manque de main d’œuvre et à la demande de produits de haute qualité. Au cours de la période 2008-13, l’offre de robots industriels s’est accrue dans le pays d’environ 36 % par an en moyenne. La Chine était le plus grand marché mondial de ce type de robots en 2013 et 2014, et devrait, d’ici 2017, en compter pas moins de 428 000 unités, soit plus que n’importe quel pays au monde (International Federation of Robotics, 2015). Parmi les 56 000 robots industriels vendus en Chine en 2014, 16 000 provenaient de fabricants chinois, et le reste d’entreprises étrangères comme ABB, Kuka, Yaskawa et FANUC (Reuters, 2015). Dans le domaine de la R-D, la Chine figurait dans le classement des cinq pays ayant déposé le plus de brevets sur la robotique pendant la période 2005-11 (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, 2015). Les technologies connexes (comme l’intelligence artificielle) se développent elles aussi rapidement (Encadré 12.2).
Encadré 12.2. Création de nouveaux matériels pour l’intelligence artificielle
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique a suscité des demandes énormes – et spécifiques – en termes de puissance de calcul et d’efficience. La gamme de matériels DianNao (qui signifie « ordinateur ») et la puce Cambricon-1A sont parmi les derniers en date à saisir cette occasion unique qui pourrait apporter beaucoup.
L’apprentissage automatique est déjà très répandu, dans des applications comme la reconnaissance vocale de Google Assistant et Siri, la reconnaissance faciale dans les applications visuelles, ou encore la conduite sans chauffeur. À l’heure actuelle, les réseaux neuronaux convolutifs (CNN) et les réseaux d’apprentissage profond (DNN) font partie des algorithmes d’apprentissage les plus sophistiqués et les plus utilisés, mais tous deux nécessitent une grande puissance de calcul et beaucoup de mémoire. Habituellement, ces algorithmes sont associés à des processeurs génériques (unité centrale et processeur graphique) qui, souvent, ne sont pas les options les plus performantes, ces processeurs n’étant pas conçus pour ce type de tâche (Keutzer, 2016). Ainsi, pour apprendre à un DNN à reconnaître une tête de chat, il a fallu à une équipe de chercheurs de Google 1 000 machines, 16 000 processeurs et 3 jours (Le et al., 2012). On voit donc que les applications d’apprentissage automatique deviennent des acteurs incontournables du calcul hautes performances (Chen et al., 2014).
Le projet DianNao a vu le jour dans ce contexte. Il s’agissait au départ d’une collaboration internationale entre le State Key Laboratory of Computer Architecture chinois et l’Institut français de recherche en informatique et en automatique. Leurs chercheurs ont conçu la gamme matérielle DianNao, un ensemble d’accélérateurs pensés spécialement pour l’apprentissage automatique. Un système DaDianNao (c’est-à-dire un ordinateur de grande taille doté d’une architecture à plusieurs puces DianNao) peut fonctionner 450.6 fois plus vite qu’un processeur graphique, et consommer 150.3 fois moins d’énergie en moyenne (Chen et al., 2016). Ce projet de recherche a reçu deux Best Paper Awards dans le domaine du matériel informatique (ASPLOS 2014 et MICRO 2014).
Partant de ces travaux, les chercheurs chinois ont ensuite développé Cambricon, une architecture de jeux d’instructions polyvalente destinée aux réseaux neuronaux, conçue au départ par essaimage sous le même nom. La puce Cambricon-1A a ensuite été mise au point, présentée comme la première à être conçue pour les applications des réseaux neuronaux hautes performances (Gu, 2016). Cette puce a été sélectionnée comme l’une des 15 plus grandes réalisations scientifiques et technologiques de l’internet lors de la 3e Conférence mondiale sur l’internet (CCTV, 2016).
Malgré l’accroissement rapide de l’utilisation de robots industriels, la densité robotique en Chine était de 36 unités pour 100 000 salariés en 2014, soit moins que la moyenne mondiale de 66 unités. Dans l’industrie automobile, la densité était de 305, alors qu’elle était supérieure à 1 000 dans les pays ayant une industrie automobile de premier plan (comme le Japon, l’Allemagne, les États-Unis et la Corée) (International Federation of Robotics, 2016).
Si les robots industriels sont devenus une composante fondamentale de l’industrie automobile, leur utilisation dans le secteur de l’électronique est également en progression. Depuis 2010, Hon Hai Precision Industry – une célèbre entreprise chinoise qui fabrique des iPhones pour Apple – utilise des robots conçus en interne dans son usine de Kunshan, située dans le delta du Yangzi. L’entreprise a réduit les effectifs de son usine de 110 000 à 50 000 travailleurs, tandis que ses recettes auraient augmenté (Zhu, 2015). Son objectif est d’atteindre une automatisation de 30 % dans ses usines chinoises à l’horizon 2020. De même qu’Alibaba, Hon Hai détient 20 % du capital de la société japonaise SoftBank Robotics Corp. Depuis juin 2015, celle-ci fabrique et vend Pepper, un robot capable de comprendre certaines émotions humaines (Inagaki, 2015).
Le marché des robots industriels est approvisionné en majorité par des fabricants étrangers, mais la progression rapide de ces robots et leur utilisation en Chine ont conduit les entreprises nationales à fabriquer leurs propres robots. Les ventes de robots chinois ont ainsi bondi de 77 % entre 2013 et 2014 (Shen, 2015).
L’entreprise SIASUN Robot & Automation, affiliée à l’Académie des sciences chinoise, occupe une place dominante dans le secteur chinois de la robotique. Les trois quarts des 1 600 salariés de l’entreprise travailleraient dans la R-D, et 200 personnes seulement seraient affectées à la chaîne d’assemblage (Liu, 2015). Une usine intelligente numérique a été mise en place en 2014. Elle utilise des robots pour fabriquer des robots, et met à profit les capacités internes de l’entreprise en matière de robotique pour ses activités de logistique, d’assemblage et de contrôle qualité ; sa capacité de production est de 5 000 robots industriels par an (He, 2015).
Les entreprises manufacturières chinoises qui souhaitent accéder au marché des robots industriels mais qui n’ont pas d’expérience en la matière ont recours aux acquisitions. En mai 2016, par exemple, le fabricant chinois d’électroménagers Midea a présenté une offre de 4.5 milliards EUR pour racheter Kuka, une entreprise allemande leader dans le domaine de la robotique. Midea a annoncé en août qu’elle avait présenté une offre pour 81 % du capital de Kuka (Thompson, 2016). La transaction est aujourd’hui en cours d’approbation par les instances réglementaires.
Le cadre d’action concernant la robotique
Dans son plan national de développement de la robotique (2016-20), l’administration chinoise insiste sur la nécessité de mettre en place un système de robotique capable de fabriquer des robots industriels ayant des spécifications techniques et des atouts similaires à ceux des concurrents internationaux, et fixe pour objectif que les entreprises chinoises représentent d’ici à 2020 45 % du marché des robots haut de gamme (ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, 2015d). Hormis les robots industriels, le gouvernement souhaite également faciliter la production en série et l’utilisation de robots de service pour les personnes âgées et les soins de santé.
Une feuille de route technologique a été établie pour assurer le suivi de la mise en œuvre de Made in China 2025. Elle répertorie les technologies et composants nécessaires pour mettre au point des robots industriels et de service, et propose d’améliorer la coordination, au niveau national, entre la recherche, la mise en application, la normalisation, le contrôle qualité et la certification. En novembre 2016, la Chine a annoncé la mise en place d’une certification pour les robots et a délivré les premiers certificats à une vingtaine de fabricants environ.
Certaines régions de Chine ayant une longue tradition de fabrication de produits mécaniques et électriques – notamment le delta du Yangzi et le delta de la Rivière des Perles – ont lancé de vastes programmes de « remplacement des humains par des robots ». Ainsi, entre 2015 et 2017, la province de Guangdong s’est fixé pour objectif de promouvoir ce programme auprès de plus de 1 950 entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel de 20 millions CNY au moins (3.1 millions USD) (Gouvernement du Guangdong, 2015).
L’impression 3D
L’impression 3D – plus communément appelée « fabrication additive » en Chine – est une autre technologie considérée par le Conseil des Affaires d’État comme essentielle pour la modernisation du secteur manufacturier.
L’impression 3D se développe rapidement en Chine. Entre 1988 et 2014, 79 602 imprimantes 3D industrielles ont été installées dans le monde. Durant cette période, la Chine se classait au troisième rang sur le marché mondial des imprimantes 3D (coûtant au minimum 5 000 USD) – avec 9.2 % de l’ensemble des unités en utilisation – derrière les États-Unis (38.1 %) et le Japon (9.3 %) (Parker, 2015). Entre 2013 et 2014, le marché chinois des imprimantes 3D est passé de 2 milliards CNY (315 millions USD) à 3.7 milliards CNY (582 millions USD) (Huang, 2015), et devrait atteindre 10 milliards CNY (1.6 milliards USD) d’ici à 2016, selon l’Alliance chinoise de l’industrie des technologies d’impression 3D. En avril 2015, la Chine arrivait à la troisième place pour le nombre de brevets sur l’impression 3D déposés dans le monde, derrière les États-Unis et le Japon (Feng F., 2015). En Chine, l’impression 3D industrielle est utilisée par exemple dans le secteur aéronautique et spatial, la biomédecine et l’industrie automobile.
La COMAC (Commercial Aircraft Corporation of China) a utilisé l’impression 3D pour fabriquer l’avion régional ARJ 21 ; elle prévoit de l’utiliser également pour le C919, premier avion commercial chinois conçu sur le territoire national. Grâce à cette technologie, la fabrication des cadres des hublots du cockpit du C919 – de forme hyperboloïde – prendra environ 55 jours et coûtera moins de 200 000 USD l’unité, contre deux ans et 2 millions USD avec un mode de fabrication traditionnel (Ren, 2014).
Annoncée en septembre 2015 et approuvée par l’Administration nationale de l’alimentation et du médicament, la première prothèse de hanche chinoise imprimée en 3D a été mise à la disposition des patients. Le coût de cette prothèse hautement personnalisable varie de la moitié au tiers de celui des prothèses qui étaient auparavant importées (Xinhua, 2015).
S’agissant des produits de consommation, l’impression 3D est de plus en plus utilisée dans le secteur de la bijouterie et pour des applications personnalisées, par exemple pour la réalisation de portraits et de jouets. La moitié environ des bijoutiers de la ville de Guangzhou utilisent cette technologie pour concevoir des bijoux (Cui et Liu, 2015). Un centre d’impression 3D qui a ouvert en juillet 2015 dans la ville de Foshan (province de Guangdong) revendique le plus haut niveau de précision dans le monde. Ce centre, qui est le plus grand de ce type en Chine, utilise jusqu’à un millier d’imprimantes Stratasys Solidscape et s’est fixé pour objectif d’approvisionner, entre autres, le secteur chinois de la bijouterie (China South Daily, 2015).
Cela dit, à l’heure actuelle, la plupart des imprimantes 3D utilisées en Chine le sont dans des secteurs comme la recherche, l’éducation, l’aéronautique et le design, qui privilégient les applications de R-D, en particulier la fabrication de prototypes (Min, 2015). Du fait de l’absence de normalisation concernant la qualité des objets imprimés en 3D, du prix élevé des matériaux de base des imprimantes, et de la demande limitée du marché pour une production ajustable et personnalisée, l’impression 3D met du temps à passer d’une technologie de grande précision utilisée pour une production à faible échelle centrée sur le design à une production à l’échelle industrielle.
Les entreprises manufacturières chinoises qui utilisent l’impression 3D bénéficient généralement de financements de la part de grandes universités et d’instituts de recherche chinois, ou sont issues de ces structures. Ainsi, dans le domaine de l’impression 3D industrielle, la société Shaanxi Hengtong Intelligent Machines, qui héberge également le premier centre de recherche en ingénierie pour le prototypage rapide, a été créée à l’origine à l’université de Xi’an Jiaotong. De même, Wuhan Binhu Mechanical & Electrical, qui a fabriqué la première imprimante 3D chinoise avec des droits de propriété intellectuelle indépendants, est une création de l’Université des sciences et technologies de Huazhong.
Les applications bureautiques de l’impression 3D sont elles aussi en plein essor en Chine. Tiertime, qui était à l’origine une start-up créée à l’Université de Tsinghua, est aujourd’hui le premier fabricant d’imprimantes 3D en Asie, et 70 % de ses ventes sont réalisées à l’étranger (Li H., 2015). De même, l’entreprise AOD 3D Printing a été fondée par le titulaire d’un doctorat de l’Université de Tsinghua, et a reçu des financements de l’incubateur X-lab de ladite université. La société a collecté presque 5 millions CNY (787 000 USD) en l’espace de 24 heures en faisant appel au financement participatif sur WeChat, qui est l’application de messagerie instantanée la plus populaire en Chine (X-lab, 2014). Le principal produit de l’entreprise, l’imprimante 3D AOD Artist – conçue pour les artistes et les designers –, est vendu en ligne sur le site JD.com, l’une des plus grandes plateformes de vente en ligne chinoises.
Le cadre d’action concernant l’impression 3D
Dans le Chapitre 5, consacré à l’impression 3D et ses impacts environnementaux, il est suggéré que pour améliorer la durabilité de cette activité, les pouvoirs publics devraient surtout encourager l’utilisation de procédés d’impression peu gourmands en énergie, ainsi que de matériaux ayant une faible empreinte environnementale (comme les biomatériaux compostables) et présentant des caractéristiques de fin de vie intéressantes. Les obstacles liés à la propriété intellectuelle pour des applications potentielles de l’impression 3D devront peut-être également être supprimés, par exemple pour la fabrication de pièces de rechange pour des produits obsolètes pour lesquels il n’existe pas de chaîne d’approvisionnement.
Un plan national de promotion de la fabrication additive (2015-16) a été rendu public en 2015. Les axes de recherche préconisés sont notamment les produits de base (métalliques, non métalliques et matériaux spécifiques pour les usages médicaux), les techniques de production (fusion et processus chimiques) et les principaux instruments utilisés (dispositifs de fusion et d’alimentation, têtes d’impression haute précision). Le plan préconise également la création d’un système industriel standard et la mise sur pied de projets de démonstration. Les secteurs industriels ciblés à des fins d’application et de commercialisation sont notamment l’aérospatial et l’aéronautique, la construction des moteurs automobiles, le prototypage industriel et les équipements médicaux haute précision.
En 2016 a été lancé un projet de recherche national consacré à la fabrication additive et à la fabrication au laser, et doté d’un budget de 400 millions CNY. Parmi les sept priorités du projet, cinq ont trait à la commercialisation et sont confiées aux entreprises. Un comité de normalisation technologique et une alliance des industries de la fabrication additive ont également été créés en 2016. Un projet financé par l’Académie des sciences sociales de Chine avait en outre été mis sur pied en 2014 pour étudier le développement de l’impression 3D et les modifications qu’il pourrait s’avérer nécessaire d’apporter au régime de propriété intellectuelle.
Au niveau régional, des certifications volontaires ont été instaurées pour la fabrication additive (par exemple par le Centre d’inspection et de contrôle des produits issus de la fabrication additive de la province de Jiangsu). Ces certifications tiennent davantage compte de la qualité que de la durabilité.
La biotechnologie
La biotechnologie est citée dans les Lignes directrices du programme national pour le développement des sciences et technologies à moyen et long termes (2006-20) comme l’une des huit technologies « d’avant-garde ». De 2010 à 2013, la Chine se classait au septième rang mondial pour le pourcentage de brevets relatifs aux biotechnologies (Graphique 12.5) (OCDE, 2015b). En Chine, la production bioindustrielle atteignait 3 160 milliards CNY (497 milliards USD) en 2014, soit l’équivalent de 4.6 % du PIB (Fu et Feng, 2015). Dans le cadre de l’initiative Made in China 2025, les biomédicaments et les biomatériaux sont considérés comme des composantes à part entière de la fabrication de pointe.
La production de biomédicaments est l’activité dominante de la bioindustrie chinoise
En 2009, la production de biomédicaments se montait à 1 040 milliards CNY (environ 164 milliards USD) (la production globale de la bioindustrie s’élevait cette année-là à 1 400 milliards CNY) (ministère de la Science et de la Technologie, 2011). Entre 2013 et 2015, l’administration chinoise s’est fixé trois grands objectifs : développer et industrialiser la biomédecine ; améliorer la qualité de la médecine allopathique ; normaliser la médecine traditionnelle chinoise (Conseil des Affaires d’État, 2013).
Le gouvernement a renforcé les normes de fabrication des médicaments tout en prenant des mesures pour attirer les talents et encourager les progrès dans le domaine pharmaceutique. Les entreprises chinoises s’efforcent de rattraper leur retard dans le domaine de la biomédecine, tant sur le plan de la fabrication que du développement des produits. Les entrepreneurs ayant acquis une formation et une expérience à l’étranger jouent un rôle très important. Pour citer un exemple, la société WuXi AppTec, créée par un Chinois ayant vécu à l’étranger, occupe une place de premier plan dans la recherche contractuelle et la fabrication de produits pharmaceutiques. Elle fabrique le composant IMP321 (pour le laboratoire pharmaceutique français Immutep), qui est utilisé pour le traitement biologique des cancers à un stade avancé. Comme l’a déclaré le directeur général d’Immutep, Frederic Triebel : « Il y a cinq ans, personne n’aurait envisagé d’aller produire en Chine. Mais aujourd’hui, il est admis que c’est là qu’il faut aller. » (Deng, 2014). AppTec fabrique également l’Ibalizumab, une substance biologique permettant de lutter contre le virus HIV, pour le compte du laboratoire chinois TaiMed Biologics, dont le siège est à Taipei. L’Ibalizumab a été désigné en 2015 « thérapie d’avant-garde » par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis (Chizkov et Million, 2015). Selon la société AppTec, si l’Ibalizumabest approuvé par la FDA, ce sera le premier biomédicament fabriqué en Chine à être commercialisé aux États-Unis.
En décembre 2014, Chidamide, un médicament chimique mis au point par Chipscreen Ltd., a été approuvé par l’Administration nationale de l’alimentation et du médicament pour le traitement du lymphome T périphérique. Le Chidamide est considéré comme le premier médicament entièrement développé en Chine, et a été cité comme un exemple de l’évolution de l’industrie pharmaceutique chinoise de la copie à l’innovation (Peng, Feng et Bai, 2015). Lu Xianping, cofondateur de l’entreprise et ancien expatrié, estime que les coûts de recherche-développement du Chidamide se sont élevés à quelque 70 millions USD, soit un dixième environ de la somme qui aurait été nécessaire aux États-Unis (Wang S., 2015).
Le génie biomédical en Chine
Développée conjointement par China Regenerative Medicine International (CRMI) et le Tissue Engineering R&D Centre de la quatrième université médicale militaire, Acornea est une cornée issue des biotechnologies, dont la recherche a été financée sur fonds publics (cette cornée a été homologuée en avril 2015 par l’Administration nationale de l’alimentation et du médicament). Aujourd’hui fabriqué à grande échelle, le produit devrait remédier à la grave pénurie de cornées en Chine (Chen, 2015). « Il s’agit de la première cornée artificielle à avoir été créée dans le monde à partir de biotechnologies, à avoir passé avec succès tous les essais cliniques et à avoir obtenu une certification médicale », a indiqué le directeur général de CRMI (Yang Jing, 2015).
L’entreprise BGI, qui est l’un des leaders chinois dans le domaine du séquençage de l’ADN et des tests génétiques, s’est fixé pour objectif de fournir des services de médecine de précision en s’appuyant sur ses connaissances poussées en matière de génomique, de données massives et d’intelligence artificielle. BGI travaille avec des partenaires locaux, notamment Huawei et le National Super Computer Centre, sur les questions du stockage et du traitement des données massives. La société a également créé une plateforme en ligne – GeneBook – qui fournit des tests génétiques prénataux, des diagnostics du cancer du sein et de la démence, ainsi que des évaluations génétiques de la tolérance à l’alcool.
Les prévisions de 2012 établissaient que les ventes de biomatériaux se chiffreraient à 750 milliards CNY en 2015 (118 milliards USD), et que ces matériaux joueraient un rôle de plus en plus important en remplaçant les produits issus de la pétrochimie et les technologies de traitement chimique (Conseil des Affaires d’État, 2013). La Chine mène des travaux de recherche sur les polyhydroxyalkanoates (PHA), qu’elle produit également. Ce matériau biosourcé et respectueux de l’environnement est utilisé pour fabriquer des bioplastiques. Le pays est également de plus en plus actif dans les domaines de la fermentation industrielle, des biocarburants et des implants biologiques (Chen et Wang, 2015).
La Chine produit chaque année quelque 700 millions de tonnes de biomasse de paille (ministère de la Science et de la Technologie, 2015a). Des projets pilotes ont été mis sur pied pour produire du sucre industriel et des biocarburants, et des bioraffineries devraient être installées pour développer l’usage de la biomasse de paille. Une bioraffinerie de deuxième génération, dont la capacité de traitement serait comprise entre 970 000 et 1.3 million de tonnes de biomasse de paille par an, est en cours de construction dans la province d’Anhui à l’est du pays, sous le contrôle d’une co-entreprise constituée du groupe chinois Anhui Guozhen et de l’entreprise italienne M&G Chemicals (Voegele, 2014).
La biologie de synthèse – qui permet notamment de fabriquer des matériaux biosourcés – est financée depuis 2011 par le Programme national pour la recherche fondamentale. BluePHA, une start-up de l’Université de Tsinghua, développe actuellement un procédé de fermentation à base d’eau de mer pour produire du PHA à bas coût (Yue, Ling et Yang, 2014). L’une des utilisations envisagées pour le PHA est l’impression 3D.
Le cadre d’action concernant la biotechnologie
Le Chapitre 3, consacré à la biotechnologie et à la production de demain, indique que les politiques de soutien à l’innovation dans le domaine des produits chimiques biosourcés devraient favoriser la création de chaînes d’approvisionnement durables pour la bioproduction et tenir compte de la nécessité d’installer des bioraffineries axées sur la démonstration et la commercialisation. Il incombe également souvent aux pouvoirs publics de combler les lacunes en matière de recherche et de formation, d’améliorer le cadre de réglementation, et de jouer un rôle moteur dans la tenue du marché au travers de la passation de marchés publics.
Depuis son 11e plan quinquennal, la Chine annonçait des mesures et des programmes pour développer sa bioindustrie. Dans son 12e plan (2011-15), qui accorde des financements pour la recherche fondamentale et le développement des principaux matériaux et produits chimiques biosourcés, elle prévoyait des projets nationaux consacrés à la bioindustrie. Vers la fin 2012, le Conseil des Affaires d’État a publié une stratégie nationale pour la bioindustrie qui, entre autres choses, prévoyait la mise en œuvre de projets de démonstration des matériaux et produits chimiques biosourcés. En 2015, les produits chimiques biosourcés arrivaient en troisième place des demandes de brevets de la bioindustrie en Chine, après la biomédecine et les appareils biomédicaux.
Selon la réglementation chinoise, la bioproduction doit utiliser des cultures non céréalières. Un plan d’action associé à la stratégie nationale pour la bioindustrie de 2012 prévoyait la mise en place d’un système d’approvisionnement en produits non céréaliers qui incluait de cinq à dix zones de production de produits végétaux multiples sur des terres non cultivables, comme par exemple le sorgho sucrier et le manioc. Pour autant, la disponibilité d’un approvisionnement stable et durable de matière de base pour la bioproduction demeure un défi de taille.
Si des projets de démonstration sont en cours, en revanche il n’existe pas en Chine de politique publique concernant les bioraffineries.
En ce qui concerne les ressources humaines, un plan national de développement à moyen et long termes des talents dans les biotechnologies (2010-20) a été lancé en 2011. Son but est de susciter l’émergence de chercheurs et d’équipes de recherche par l’intermédiaire de projets nationaux et d’organismes de recherche tels que les laboratoires et les centres d’ingénierie nationaux. Le plan concerne également l’industrie, et mise sur les parcs de haute technologie nationaux pour lancer des projets de démonstration et accroître le nombre de travailleurs expérimentés. Des programmes nationaux de formation sont par ailleurs prévus pour former les gestionnaires.
Un comité technique chargé de la normalisation des matériaux biosourcés et des produits biodégradables, constitué en 2008, figure dans les Lignes directrices du système normatif de la fabrication verte. D’autres normes nationales sur les matériaux biosourcés sont cependant nécessaires. Au niveau régional, de nombreuses provinces (Jiangsu et Shangdong, par exemple) ont émis des réglementations sur l’économie circulaire (telles que la promotion des produits biosourcés et biodégradables, par exemple en interdisant les sacs en plastique non dégradables).
Les déchets organiques représentent en Chine 11 % des déchets solides industriels, et moins de 10 % d’entre eux ont été recyclés en 2010 (ministère de la Protection de l’environnement, 2012). Un projet national d’utilisation des déchets organiques était prévu dans le 12e plan quinquennal. L’un de ses objectifs techniques était l’utilisation de 90 % des déchets organiques de l’industrie pour produire du gaz combustible. Des approches similaires ont été adoptées pour les ordures ménagères.
Dans un document du Conseil des Affaires d’État datant de 2009, il était envisagé de favoriser le développement de la bioindustrie via les marchés publics. Cela s’est concrétisé au niveau régional. La ville de Shenzhen a par exemple établi une liste de marchés publics écologiques, et a inclus dans les critères d’évaluation de la qualité des hôtels et des restaurants celui de l’utilisation de matériaux biosourcés et dégradables.
La nanotechnologie
La Chine a commencé à mener des recherches sur les nanotechnologies au milieu des années 80. À la fin de son 11e plan quinquennal (2006-10), elle se classait au premier rang pour le nombre de publications sur les nanotechnologies figurant dans le Science Citation Index, et au deuxième rang pour le nombre total de citations (ministère de la Science et de la Technologie, 2012a). Pendant la période 2010-13, le pays occupait le quatrième rang mondial pour son pourcentage de brevets relatifs aux nanotechnologies, et augmentait son avantage technologique révélé dans le domaine des nanotechnologies (Graphique 12.6) (OCDE, 2015b). Forte de ses progrès dans le domaine de la recherche, la Chine vise désormais à en faire un usage commercial. Des applications industrielles concluantes des nanotechnologies ont ainsi vu le jour, souvent dans le cadre de collaborations entre les instituts de recherche, les universités et l’industrie.
Les brevets chinois déposés dans le domaine des nanotechnologies concernent en grande majorité les nanomatériaux. Le concept des « nouveaux matériaux » recouvre un très large éventail de matériaux. Le 12e plan quinquennal recensait plus de 400 matériaux de première importance (métalliques, semi-conducteurs, composites, polymères, inorganiques, avancés, etc.). Selon les données les plus récentes, la production dans le secteur des nouveaux matériaux s’est accrue de 600 milliards CNY en 2010, pour atteindre 2 000 milliards CNY en 2015.
S’agissant des nanomatériaux, les nanotubes de carbone font l’objet en Chine d’un nombre de recherches et d’applications qui augmente particulièrement rapidement. Aujourd’hui, les écrans tactiles sont composés principalement de verre et d’un film d’oxyde d’étain et d’indium (ITO). Or, du fait de la réduction de la taille des écrans et du prix élevé de l’indium, l’ITO est mis en concurrence avec d’autres technologies, dont les nanotubes de carbone (Heo, 2013). La société CNTouch, créée conjointement par l’Université de Tsinghua et le groupe Foxconn, est capable de remplacer l’ITO par lesdits nanotubes, ce qui permet à la fois de réduire les coûts de production et l’épaisseur des écrans. CNTouch collabore avec les principaux fabricants chinois de téléphones portables, notamment Huawei, ZTE et Lenovo ; en 2013, ses recettes s’élevaient à quelque 400 millions CNY (63 millions USD) (Commission municipale de la science et de la technologie de Tianjin, 2014).
Les entreprises chinoises sont par ailleurs des acteurs de premier plan sur le marché mondial des nanotubes de carbone. Cnano Technology Limited – qui peut produire 500 tonnes de nanotubes par an – et TimesNano – qui est affiliée à l’Académie des sciences de Chine et possède une capacité de production de 200 tonnes par an – devraient, à mesure que leur production augmente, dominer le marché mondial des nanotubes de carbone (Johnson, 2014). Les deux entreprises sont également de grands fabricants de pâtes conductrices, qui sont utilisées pour accroître les performances des batteries au lithium-ion.
Outre les nanotubes de carbone, les nanocomposites sont de plus en plus utilisés en tant que matériaux de revêtement, et leurs applications industrielles se retrouvent dans le secteur du génie électrique. La Chine est en train de mettre en place à l’échelle nationale un réseau de transport d’électricité à très haute tension. Or, les conditions climatiques et la pollution atmosphérique compliquent l’opération, et un revêtement d’isolation électrique hautes performances est nécessaire pour prévenir toute rupture due à la pollution (Zhang et al., 2013). Pour répondre à ce besoin, un revêtement en nanocomposite est mis au point conjointement par la compagnie nationale d’électricité et l’Académie des sciences ; il a été utilisé dans le cadre de projets anti-pollution sur un certain nombre de transformateurs-déphaseurs de 500 kV (kilovolts) et 220 kV.
Des nanocatalyseurs sont utilisés en Chine pour produire de l’éthylène glycol à partir de charbon. Ces catalyseurs, développés par l’Institut de recherche sur la structure de la matière de Fujian (qui fait partie de l’Académie des sciences), sont considérés comme essentiels à la production de ce type de glycol. L’Institut de recherche de Fujian travaille aujourd’hui en collaboration avec les sociétés Danhua Chemical Technology et Shanghai Gem Chemicals Hi‐tech pour une production d’ampleur industrielle, avec un objectif de 3 millions de tonnes par an (Hanhua Technology, 2013). Il coopère également avec la province de Guizhou pour lancer la deuxième génération d’éthylène glycol à base de charbon. Compte tenu de l’utilisation très répandue d’éthylène glycol dans l’industrie chimique, ainsi que de la richesse en charbon de la Chine, la production à l’échelle industrielle d’éthylène glycol à base de charbon est considérée comme un progrès important pour le pays (ministère de la science et de la technologie, 2012b).
Une équipe de recherche de l’Institut de physique-chimie de Dalian a réussi une conversion directe, sans oxydation, de méthane en éthylène, aromatiques et hydrogène (Guo, 2014). Il s’agissait de l’une des dix plus grandes prouesses scientifiques réalisées en Chine en 2014 (Sciencenet, 2015). Si l’industrialisation de cette technologie aboutit, elle permettra d’utiliser plus efficacement le gaz naturel et le gaz de schiste.
Une autre technologie porteuse de promesses est l’impression nanographique qui, associée à des nanomatériaux métalliques, pourra être utilisée dans l’industrie pour des applications d’électronique imprimée telles que les circuits d’identification par radiofréquence (RFID), les tickets électroniques, les antennes, ainsi que les écrans et les éclairages variables. La société NanoTop Electronic Technology, soutenue financièrement à la fois par l’administration municipale de Pékin, le groupe Lenovo et l’Académie des sciences, fabrique des tickets électroniques en utilisant l’impression nanographique et une pâte composite en nano-argent. Un projet pilote de 200 000 tickets RFID a été mis en œuvre pour le métro de Pékin. Ces tickets, recyclables à 97 % et entièrement compatibles avec la norme sur la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses, sont plus respectueux de l’environnement que ceux fabriqués selon les méthodes traditionnelles (Science China, 2013).
Le cadre d’action concernant les nanotechnologies
Le Chapitre 4, consacré aux nanotechnologies et à la production de demain, suggère que pour favoriser le développement de la nanotechnologie et son utilisation dans l’industrie, les pouvoirs publics encouragent la collaboration entre institutions et créent des réseaux pluridisciplinaires, en particulier concernant les infrastructures de R-D sur la nanotechnologie. Le chapitre conseille également que les pouvoirs publics soutiennent les efforts d’innovation et de commercialisation des petites entreprises, ainsi que la définition de règles permettant d’apprécier, selon une procédure fluide et transparente, les risques présentés par les produits issus des nanotechnologies.
Le Chapitre 6 appelle l’attention sur les questions de fond que soulèvent les découvertes dans le domaine des nouveaux matériaux. On y suggère aux pouvoirs publics d’être attentifs aux craintes que pourraient susciter ces nouveaux matériaux (par exemple, que les matériaux créés à l’aide de techniques de simulation n’induisent de nouveaux risques de cybersécurité) et de prendre des mesures efficaces dans un certain nombre de domaines qui sont souvent importants pour des raisons antérieures (généralement en rapport avec l’interface science-industrie et des questions comme les données ouvertes, la science ouverte et la qualité du régime de propriété intellectuelle). Il peut également être nécessaire de favoriser la recherche et l’éducation pluridisciplinaires.
La coopération internationale dans le domaine des nanotechnologies figurait comme l’un des objectifs clés du 12e plan quinquennal. Entre 2000 et 2009, le nombre d’articles en co‐autorat Chine-États-Unis a été presque multiplié par dix (de 126 à 1 238). En 2012, un centre d’innovation sur les nanotechnologies Chine-Finlande a été établi dans la Nanopolis de la ville de Suzhou. Une conférence internationale sur les nanosciences et les nanotechnologies se tient tous les deux ans depuis 2005 ; l’édition de 2015, la dernière en date, a attiré plus de 1 300 participants venus de plus d’une quarantaine de pays et de régions. Pour autant, le pourcentage de publications en co-autorat sur les nanotechnologies demeure inférieur à celui des documents en co-autorat international publiés en Chine dans l’ensemble des domaines scientifiques.
Un comité directeur national sur les nanosciences et les nanotechnologies a été créé pour coordonner les principaux ministères, organismes de financement et instituts de recherche. Les nanotechnologies figuraient en tête des objectifs du programme national pour le développement des sciences et technologies à moyen et long termes (2006-20). Elles ont donc bénéficié d’un important financement de la part des principaux bailleurs de fonds chinois. En 2016, le ministère de la Science et de la Technologie a investi plus de 600 millions CNY (87 millions USD) dans la recherche sur les nanotechnologies.
Les PME utilisant les nanotechnologies peuvent solliciter des financements auprès du fonds national pour l’innovation technologique dans les PME, ainsi qu’un remboursement d’impôts et un soutien pour leurs achats. Une initiative nationale a été engagée en 2015 pour ouvrir au public les infrastructures et équipements de recherche de premier plan (y compris des universités, des sociétés et des organismes de recherche sociale) financés sur fonds publics. Les dispositifs détaillés de mise en œuvre sont encore à définir.
Les nouveaux matériaux ont été mis en avant à la fois dans les 12e et 13e plans quinquennaux relatifs aux sciences et technologies. Dans le 13e plan quinquennal, le projet à long terme « Innovation 2030 » centre son attention sur la production et l’utilisation de nouveaux matériaux présentant de l’importance tels que la fibre de carbone, les composites, les métaux composés résistant à de fortes températures, ainsi que les matériaux d’affichage. Le caractère transdisciplinaire du développement des nouveaux matériaux est reconnu dans le plan national de développement à moyen et long termes des talents pour les nouveaux matériaux, dont l’objectif est de former d’ici à 2020 plus d’un millier de scientifiques, d’ingénieurs et de gestionnaires polyvalents. Toutefois, aucune politique publique spécifique n’a encore été mise en œuvre.
Les stratégies et les politiques gouvernementales
Un certain nombre d’initiatives publiques à haut niveau ont été engagées pour promouvoir le développement des technologies et la modernisation du secteur manufacturier chinois. Les initiatives les plus importantes sont les suivantes (avec indication de l’année de leur annonce) :
lignes directrices du programme national pour le développement des sciences et technologies à moyen et long termes (2006-20) – 2006
décision d’accélérer la promotion et le développement des industries émergentes d’importance stratégique – 2010
12e plan quinquennal pour le développement économique et social du pays – 2011
Made in China 2025 – 2015
« Internet Plus » – 2015
13e plan quinquennal pour le développement économique et social du pays – 2016.
Ces initiatives sont importantes car elles fixent des objectifs, des orientations, des priorités et des cadres essentiels. Très générales et concises, elles sont généralement suivies de plans d’action plus détaillés et orientés vers la mise en œuvre. Ces plans s’appuient eux-mêmes sur des outils et des mesures comme les investissements publics, les programmes de R-D, les projets de démonstration, les incitations fiscales, l’aide au financement et les dispositifs en matière de ressources humaines.
L’enchaînement chronologique de ces initiatives montre par ailleurs que les priorités ont changé en l’espace de dix ans. L’importance accrue accordée à la modernisation du secteur manufacturier est l’exemple le plus flagrant : alors qu’elle n’était, dans les premières initiatives, abordée que dans quelques chapitres, cette modernisation est devenue dans Made in China 2025 un sujet phare. Dans le même temps, l’accent qui est mis sur les technologies génériques (autrefois centré sur la R-D) est progressivement orienté vers la commercialisation et l’utilisation industrielle.
L’intégration des technologies numériques (en particulier les TIC et l’internet) dans les activités de fabrication est considérée comme le principal moteur de la modernisation du secteur manufacturier. Parallèlement, les innovations et les avancées qui ont lieu au regard des priorités stratégiques (comme les biotechnologies, les nouveaux matériaux et les nouvelles formes d’énergie) apportent un indispensable nouvel élan.
Les approches et les instruments utilisés par les pouvoirs publics changent eux aussi. Alors que les technologies génériques sont transférées des laboratoires vers l’industrie, les investissements et les incitations publics – qui étaient autrefois les principaux outils utilisés – laissent place à des réformes systémiques et des mesures visant à améliorer l’environnement des entreprises, dans lequel les marchés devraient jouer un rôle accru. Une importance grandissante est en outre accordée aux politiques concernant la coopération internationale, les infrastructures ouvertes et l’accès aux données, ainsi que les PME.
Les administrations locales encouragent également la modernisation du secteur manufacturier, notamment en mettant en place des fonds de contrepartie, des politiques d’incitation personnalisées et des parcs industriels.
Les principales initiatives gouvernementales
Les Lignes directrices du programme national pour le développement des sciences et technologies à moyen et long termes (2006-20) (ci-après « les Lignes directrices ») mettent l’accent sur l’importance stratégique de l’innovation. Leur but est de soutenir l’instauration d’un système de mise en œuvre global en coordonnant les politiques ayant trait aux dépenses de R-D, aux incitations fiscales, au soutien financier, aux marchés publics, à la propriété intellectuelle et à l’éducation (tableau 12.1).
tableau 12.1. Système de mise en oeuvre des Lignes directrices
Objectif d’action |
Institutions et mesures |
---|---|
Dépenses de R-D |
Dispositifs de gestion du financement des programmes nationaux relatifs aux hautes technologies, à la recherche fondamentale et aux technologies génériques ; dispositifs de R-D au service de l’intérêt général. |
Régime fiscal |
Remboursement des taxes à l’importation de matériel de R-D et de formation ; politiques à l’égard des start-ups ; incitations à la R-D à l’intention des entreprises. |
Soutien financier |
Garantie de prêts aux PME ; fonds d’investissement au profit des sciences et technologies dans les PME ; assurance- crédit à l’exportation pour les entreprises de haute technologie ; financement de grands projets nationaux de R-D par les banques d’entreprise. |
Marchés publics |
Dispositifs de gestion des marchés publics pour les produits scientifiques et technologiques. |
Acquisition de technologies |
Liste des technologies dont l’acquisition est encouragée. |
Ressources humaines |
Mesures visant à attirer les talents étrangers ; orientations pour l’emploi dans les instituts de R-D ; politiques en matière de ressources humaines pour les projets de R-D nationaux ; 11e plan quinquennal pour les étudiants en post-doctorat. |
Propriété intellectuelle |
Programme national de soutien aux principales normes technologiques et à leur application ; avis pour améliorer les services publics du régime de propriété intellectuelle. |
Éducation |
Principales matières enseignées au niveau national ; bourse de l’État pour les études à l’étranger ; formation en alternance dans les établissements de formation professionnelle ; universités ouvertes et instituts de R-D. |
Plateformes d’innovation |
Centre de recherche national sur l’ingénierie ; laboratoires nationaux d’ingénierie ; centre de R-D pour les entreprises certifié par l’État. |
Source : Analyse de l’auteur.
La Décision d’accélérer la promotion et le développement des industries émergentes d’importance stratégique (ci-après « la Décision ») arrive à un moment important dans la modernisation de la structure industrielle chinoise, et définit sept industries émergentes d’importance stratégique4. Ces sept industries devraient représenter environ 15 % du PIB à l’horizon 2020. Pour atteindre ses objectifs, la Décision essaie de combiner le soutien public et le marché, et encourage à la fois les grandes entreprises et les PME à participer.
Les plans quinquennaux nationaux couvrent chaque secteur important du développement économique et social de la Chine, et mettent notamment l’accent sur la compétitivité de l’industrie chinoise. Après le 12e plan quinquennal, des plans plus détaillés ont été établis, notamment le plan quinquennal pour la transformation et la modernisation de l’industrie, le 12e plan quinquennal pour les industries émergentes d’importance stratégique et le 12e plan quinquennal pour les sciences et les technologies.
L’initiative Made in China 2025 marque une étape importante car elle correspond à la première, sur dix ans, d’une série d’initiatives stratégiques nationales visant le développement global à long terme du secteur manufacturier chinois. Made in China 2025 a défini à l’intention de l’industrie des indicateurs en matière d’innovation, de qualité, de développement du numérique et de respect de l’environnement. Les objectifs fixés pour 2025 sont par exemple les suivants : pourcentage des dépenses de R-D par rapport aux ventes du secteur manufacturier égal à 1.68 % ; augmentation de la productivité du travail de 7.5 % par an d’ici à 2020, puis de 6.5 % à l’horizon 2025 ; couverture du haut débit passant de 50 % en 2015 à 82 % en 2025 ; baisse de 34 % de la consommation énergétique par unité de valeur ajoutée à l’horizon 2025 (Encadré 12.3).
Encadré 12.3. L’initiative Made in China 2025
Made in China 2025 énonce neuf axes d’action pour réaliser ses ambitions :
Accroître les capacités d’innovation. Le but est de créer un système national d’innovation dans lequel les entreprises sont aux commandes, les pouvoirs publics fournissent des services et un soutien à la R-D dans les technologies clés, et les résultats des recherches menées par les universitaires peuvent être commercialisés efficacement.
Promouvoir le développement du numérique. La transformation numérique de la production est l’objectif visé. Cela concerne non seulement les équipements (par exemple les machines-outils et les robots commandés par ordinateur), mais aussi les processus de fabrication intelligents et les infrastructures correspondantes.
Mettre l’accent sur les fondamentaux. Les quatre « fondamentaux » tels qu’ils sont énoncés dans Made in China 2025 sont : les composants de base, les technologies de traitement fondamentales, les matériaux de base, et les services industriels essentiels.
Améliorer la qualité et construire la notoriété des marques. Gestion de la qualité, inspections et normes seront mises en place pour résoudre les problèmes de qualité. Des efforts seront également déployés pour mieux faire connaître les marques et aider les entreprises à gérer leurs marques et à les mettre en avant.
Pour un secteur manufacturier plus respectueux de l’environnement. Cela consiste à introduire des technologies vertes dans les secteurs de production traditionnels, mais aussi à développer les industries sobres en carbone (par exemple celles qui utilisent des nouveaux matériaux et la biotechnologie), à promouvoir le recyclage des ressources, à mettre en place des chaînes d’approvisionnement et une logistique respectueuses de l’environnement, ainsi qu’à renforcer les normes écologiques et les contrôles environnementaux.
Cibler les technologies et les produits prioritaires. Ces priorités sont notamment les TIC, les outils et les robots à commande numérique, le matériel aérospatial, les équipements d’exploration océanique et les navires haute technologie, le matériel ferroviaire, les véhicules à faible consommation d’énergie, les équipements d’alimentation électrique, les machines agricoles, les nouveaux matériaux, la biomédecine et les appareils médicaux.
Restructurer l’industrie. Cet objectif recouvre l’utilisation de nouvelles technologies dans les entreprises, la gestion de l’excédent de capacité, la coordination entre les grandes entreprises et les PME, ainsi que la planification industrielle au niveau régional.
Concevoir la production comme un service et mettre en place des services d’aide à la production. Le but est d’aider le secteur manufacturier à élargir la chaîne de valeur et à concevoir/commercialiser à la fois des produits et des services. Les services d’aide à la production vont de la logistique aux ressources humaines, en passant par la gestion de la propriété intellectuelle et le service après-vente. L’accent est mis sur les services favorisant l’adoption des TIC et le développement des activités basées sur l’internet mobile.
S’ouvrir à la coopération internationale. L’objectif est d’aider les entreprises chinoises à investir et à faire des affaires à l’étranger, tout en attirant en Chine des investissements étrangers au profit des industries de haute technologie et des centres de recherche internationaux.
Pour ces neuf axes d’action, Made in China 2025 recense huit domaines de mise en œuvre : réforme systémique, introduction d’une concurrence loyale sur le marché, financement, régime fiscal, ressources humaines, PME, ouverture à l’international et mécanismes de coordination. Une feuille de route répertoriant les technologies et les produits prioritaires a été publiée en octobre 2015. En août 2016, des lignes directrices pour la mise en œuvre de cinq projets phares (qui correspondent aux premières dispositions de mise en œuvre de Made in China 2025) ont été élaborées pour lancer des projets concernant l’innovation, la fabrication intelligente, les fondamentaux de l’industrie, l’écologisation du secteur manufacturier et les équipements haut de gamme (respectivement les axes d’action 1, 2, 3, 5 et 6).
Jusqu’à ce jour, la mise en œuvre a été centrée sur les technologies et a pris la forme du financement des projets par l’administration centrale. Le gouvernement a constitué un fonds d’investissement pour la modernisation du secteur manufacturier de 20 milliards CNY (2.9 milliards USD), dont 6 milliards proviennent du budget de l’État. En plus des projets pilotes de démonstration, l’administration centrale a également lancé, dans le cadre de Made in China 2025, un projet de villes expérimentales dans lequel les villes sélectionnées sont encouragées à recenser et développer leurs avantages concurrentiels dans le secteur manufacturier. Ningbo et Wuhan font partie des premières villes sélectionnées (He, 2016). Cela dit, les pistes et les orientations adoptées dans Made in China 2025 ont suscité la demande d’une approche de mise en œuvre plus globale, non centrée sur les besoins particuliers des différentes technologies.
Annoncée deux mois après Made in China 2025, l’initiative « Internet Plus » vise à accroître l’utilisation de l’internet dans l’industrie. Elle promeut le développement du numérique dans 11 domaines5 et vise à faire de la Chine, à l’horizon 2025, un écosystème industriel interconnecté et orienté vers les services. Dans le secteur manufacturier, intégrer l’internet signifie en premier lieu mettre en place ce que l’on appelle des « usines intelligentes » utilisant l’informatique en nuage, l’internet des objets, la robotique et la fabrication additive. Une autre priorité est la production personnalisée à grande échelle qui, grâce à l’utilisation de l’internet et de modes de fabrication flexibles, permettra de satisfaire les besoins variés de la clientèle. Il faudra aussi que le secteur manufacturier accroisse son offre de services.
« Internet Plus » est une initiative axée sur la mise en œuvre. Chaque priorité est gérée par un ministère désigné pour assurer son suivi. Peu de fonds publics y sont cependant affectés. L’accent est mis sur l’amélioration des infrastructures publiques, le renforcement des capacités au service de l’innovation et la mise en place d’un environnement réglementaire plus souple. L’ouverture est également mise en avant, avec des objectifs comme le développement du logiciel libre, des données ouvertes, ainsi que des infrastructures et des installations ouvertes.
Les mesures et politiques publiques complémentaires
Outre les programmes financés sur fonds publics – qui sont la mesure phare devant permettre de mener à bien les initiatives décrites plus haut –, la Chine a également mis en place des dispositifs complémentaires concernant la réforme systémique, le financement et l’imposition, la propriété intellectuelle et les ressources humaines. Ces dispositifs sont présentés succinctement ci-après.
Réforme systémique
Le rôle des pouvoirs publics évolue de plus en plus vers la planification stratégique, la mise en œuvre des politiques et l’amélioration des services publics. Le pays a amorcé en 2013 une réduction radicale du nombre d’opérations nécessitant la délivrance d’une autorisation administrative. Plus de 700 procédures d’autorisation administrative auraient ainsi été annulées ou transférées à des échelons inférieurs de l’administration, nombre d’entre elles ayant trait à la réalisation d’investissements dans l’industrie (Conseil des Affaires d’État, 2016). Pour accélérer la simplification des démarches administratives, l’État chinois utilise une approche fondée sur une liste négative des secteurs et des activités économiques. Hormis les secteurs figurant dans cette liste, les autres (notamment les secteurs et entreprises d’un nouveau type, par exemple les formes multiples de projets faisant appel au financement participatif ou relevant de l’économie collaborative) peuvent exercer leur activité sans avoir à demander une autorisation administrative (Conseil des Affaires d’État, 2015a).
L’industrie a longtemps été présentée comme la principale force en matière d’innovation technologique. C’est la raison pour laquelle de nombreux programmes nationaux de R-D sont conçus pour être conduits par elle. Les laboratoires et centres technologiques industriels peuvent bénéficier d’incitations et d’exonérations fiscales. L’innovation technologique est également utilisée comme un indicateur de performances pour les entreprises publiques. Par ailleurs, de plus en plus d’efforts sont faits pour faciliter et encourager la modernisation et l’innovation technologiques dans les PME, ainsi que pour améliorer les conditions cadres (comme l’accès aux prêts).
L’initiative Mass Innovation and Entrepreneurship symbolise un récent changement de cap de la politique chinoise en matière d’innovation, à savoir son orientation vers l’innovation locale et la généralisation de l’esprit d’entreprise. Elle entraîne une importante mutation du système de « sélection des gagnants » vers des formes plus générales de soutien à l’entrepreneuriat et l’innovation (Liu et al., 2017). Les politiques publiques s’adaptent par ailleurs aux besoins des différents types d’entrepreneurs. S’agissant des chercheurs, par exemple, un délai de trois ans leur est accordé pour commercialiser leurs travaux ; pendant ce temps, ils conservent leur emploi à l’université ou dans un institut de recherche.
L’État chinois investit en outre dans les infrastructures requises pour utiliser les nouvelles technologies, en particulier les TIC et celles relatives aux nouvelles sources d’énergie. Des normes et des labels nationaux (comme le National Energy Label) ont par ailleurs été créés pour faciliter le choix des consommateurs.
Des efforts sont également déployés pour créer un marché national intégré : les politiques régionales qui sont incompatibles ou font double emploi sont donc abolies. D’autres réformes systémiques ont été entreprises pour promouvoir l’autonomie dans les instituts de recherche, la collaboration entre les universités et l’industrie, l’innovation régionale et la réforme des entreprises publiques.
Financement et fiscalité
Le soutien financier et la fiscalité sont utilisés pour orienter les investissements du secteur privé et encourager la R-D dans les domaines prioritaires. Le financement est un outil auquel l’administration centrale a de plus en plus recours pour mobiliser les ressources des gouvernements régionaux et des acteurs privés ; prenant auparavant la forme de subventions directes pour l’achat de matériels, il consiste aujourd’hui en incitations fondées sur les performances. En ce qui concerne les incitations fiscales, les pouvoirs publics ont récemment modifié les conditions requises pour en bénéficier et renforcé les contrôles, afin que le dispositif soit plus efficace et plus efficient. En 2013, la Chine, les États-Unis et la France étaient les pays qui octroyaient le plus d’aides fiscales pour la R-D en valeur absolue (Graphique 12.7).
Depuis 2006, 150 % des dépenses consacrées à l’innovation technologique et à la R-D sont déductibles aux fins du calcul de l’impôt des sociétés. En 2014, les déductions se sont élevées au total à 237 milliards CNY (Administration fiscale nationale, 2015). En 2015, ce dispositif a été étendu afin d’être plus accessible aux PME. Un taux d’imposition de 15 % est appliqué aux entreprises de haute technologie implantées dans des parcs industriels nationaux (le taux normal d’imposition des sociétés est de 25 %), avec une exonération fiscale pendant les deux premières années (Ministère des Finances, 2006). Les articles utilisés dans le cadre de la R-D scientifique et technologique sont exonérés de taxes à l’importation (ministère des Finances, 2007a). Ces taxes sont également remboursées lorsqu’elles se rapportent aux principaux composants et matériaux utilisés pour fabriquer des équipements de première importance (ministère des Finances, 2007b). L’une des incitations consiste également à exonérer les transferts de technologie de la taxe sur la valeur ajoutée (mesure introduite en 2010) (Ministère des Finances, 2010), et à accélérer l’amortissement des actifs fixes dans des secteurs comme la biomédecine et les TIC (mesure de 2014) (Ministère des Finances, 2014).
S’agissant du financement sur fonds propres, le premier fonds de fonds public national a été constitué en 2006. Il permet de créer des fonds de capital-risque pour investir dans les start-ups de haute technologie et les PME. Doté initialement de 100 millions CNY en 2007, le fonds de fonds contenait 1.3 milliard en 2014 (Ministère de la Science et de la Technologie, 2014). D’autres fonds de capital-risque ont été constitués sur ce modèle après 2010. Certains ont pour but de promouvoir le transfert et la commercialisation des technologies (Encadré 12.4) ; d’autres visent à soutenir les industries émergentes, en particulier les TIC, la biotechnologie, la fabrication de pointe et les nouveaux matériaux. En 2015, un fonds de 40 milliards CNY a été créé pour aider les industries émergentes. Il introduira de nouveaux mécanismes de gestion fondés sur le marché, et ses gestionnaires bénéficieront de plus d’autonomie (Conseil des Affaires d’État, 2015c).
Encadré 12.4. Fonds national pour le transfert et la commercialisation des technologies
Créé en 2014, le Fonds national pour le transfert et la commercialisation des technologies (NFTTC) vise à promouvoir le transfert et la commercialisation des technologies, notamment en ce qui concerne les projets de recherche financés sur fonds publics. En 2015, environ 1 milliard CNY (145 millions USD) du NFTTC a été investi pour créer trois fonds de capital-risque dotés au total de 4.2 milliards CNY (610 millions USD). Le NFTTC présente quatre grandes caractéristiques :
Une base de données nationale regroupe tous les résultats et toutes les découvertes des projets de recherche.
Une fonction de capital-risque. Le NFTTC gère un fonds de capital-risque, en partenariat avec une sélection d’organismes de placement, qui investissent dans le transfert et la commercialisation des technologies figurant dans la base de données.
Couverture des risques de crédit des banques. Une couverture ne dépassant pas 2 % du montant des crédits est dispensée aux banques qui financent les PME actives dans le transfert et la commercialisation de technologies.
Incitations aux résultats. Une incitation non renouvelable peut être offerte aux entreprises, instituts de recherche, établissements d’enseignement supérieur ou organismes obtenant des résultats exceptionnels.
Les gros équipements technologiques fabriqués par les entreprises chinoises mettent généralement du temps avant d’inspirer confiance aux utilisateurs. Suite au lancement de Made in China 2025, un programme pilote a été mis sur pied pour fournir aux entreprises manufacturières des subventions publiques. Lorsque les entreprises peuvent conclure un accord avec les compagnies d’assurance et vendre leurs équipements aux clients (les bénéficiaires de l’assurance), lors de la première vente effectuée, 80 % du coût de l’assurance est subventionné. Une liste récapitulative a été diffusée en 2015. L’avion de transport à turbopropulseur Harbin Y-12 fait partie des premiers équipements à être assurés de cette manière.
Propriété intellectuelle
Afin de coordonner la stratégie de la Chine en matière de propriété intellectuelle avec les grandes initiatives décrites ci-dessus, des mesures ont été adoptées concernant les demandes de brevets, les services et la protection. Ces mesures surviennent dans le contexte d’une activité de dépôt de brevets subventionnée et en augmentation rapide, mais avec des brevets de qualité médiocre dans l’ensemble, un taux important de violation de la propriété intellectuelle et l’idée très répandue dans les entreprises selon laquelle les brevets ne protègent pas correctement l’innovation (OCDE, 2017a).
Une liste des principaux produits et technologies du secteur de l’information et des communications a été établie pour guider et encourager le développement de la propriété intellectuelle en Chine (ministère de la Science et la Technologie, 2007). S’agissant des industries émergentes stratégiques, des dispositifs ont été mis en place pour améliorer la propriété intellectuelle ; des lignes directrices d’évaluation des brevets ont ainsi été diffusées à l’échelle nationale, et la demande de brevets a été facilitée grâce à des procédures accélérées (Conseil des Affaires d’État, 2012). D’autres mesures ont été prises pour accroître les capacités de financement des entreprises fondé sur la propriété intellectuelle, comme par exemple les prêts garantis par des brevets (China Banking Regulatory Commission, 2013). Les entreprises et les instituts de recherche chinois sont également encouragés à déposer des brevets à l’étranger.
Depuis le lancement de Made in China 2025, des projets pilotes de conseil sur les brevets industriels ont été mis sur pied par le Bureau d’État de la propriété intellectuelle (Bureau d’État de la Propriété Intellectuelle de la République Populaire de Chine, 2015). Ces projets consistent en une analyse des brevets et débouchent, pour certains secteurs, sur des recommandations stratégiques. Une première série de projets a été lancée dans les domaines de la nanofabrication, de l’internet mobile et des matériaux superdurs.
Des mesures seront également prises pour renforcer la protection des brevets, notamment la mise en place d’un service de propriété intellectuelle simplifié et coordonné à l’échelle nationale, ainsi que d’un système de gestion et de contrôle (Conseil des Affaires d’État, 2015b). Une protection renforcée de la propriété intellectuelle sera mise en place dans de nouveaux domaines comme les données massives, la production participative et le financement participatif.
Ressources humaines
« Les talents sont la ressource la plus importante de la Chine pour son développement économique et social », peut-on lire dans le document de présentation du plan national de développement à moyen et long termes des talents (2010-20). Première initiative chinoise de développement des talents à long terme, ce plan vise à amener le pourcentage de travailleurs très qualifiés à 28 % et les investissements dans le capital humain en pourcentage du PIB à 15 % d’ici à 2020. Les domaines considérés comme prioritaires pour le développement des compétences sont notamment la fabrication d’équipements, les TIC, les biotechnologies et les nouveaux matériaux (Conseil des Affaires d’État, 2010).
Pour développer les compétences dans ces secteurs prioritaires, des initiatives complémentaires permettront d’accroître les capacités des cadres et des travailleurs hautement qualifiés. Douze projets de développement des ressources humaines sont en outre mis en œuvre à l’échelle nationale, le but étant d’orienter les investissements nationaux vers la formation des jeunes chercheurs et techniciens, l’utilisation des talents étrangers et le perfectionnement des cadres et des techniciens.
Made in China 2025 insiste sur l’importance de la mise en place d’un système global de compétences dans les domaines de la R-D, de la transposition et de l’application de la recherche, de la production et de la gestion. Un nombre croissant d’établissements d’enseignement universitaire pré-licence sont en train d’être transformés en établissements d’enseignement professionnel afin de renforcer la formation professionnelle et continue. Des projets pilotes sont mis sur pied pour expérimenter des formes d’apprentissage modernes.
Suite à Made in China 2025 et « Internet Plus », des modifications ont été introduites dans le Catalogue national des disciplines et des spécialités des établissements d’enseignement professionnel et technique (qui sert de guide pour l’élaboration des cours). L’une de ces modifications est l’ajout de nouvelles disciplines comme la robotique industrielle, l’ingénierie fondée sur l’internet des objets, l’impression 3D pour l’aéronautique, l’informatique en nuage et les données massives. D’autres initiatives ayant trait à l’enseignement sont en préparation. Ainsi, alors que les TIC sont enseignées depuis longtemps dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, un programme national d’enseignement de la robotique est actuellement à l’étude (Ren, 2016).
Outre l’éducation de base, des mesures seront prises pour élargir les possibilités de formation à l’étranger et attirer des étrangers qualifiés. À cette fin, le ministère de l’Éducation a élaboré un programme de développement des talents pour le secteur manufacturier (2016-20). D’autre part, certains dispositifs sont aménagés pour s’adapter aux besoins des chercheurs et des universitaires. À titre d’exemple, leur emploi dans les universités ou les instituts de recherche est préservé pendant une période maximale de trois ans s’ils commercialisent leurs travaux. Enfin, des services et des incubateurs seront fournis dans les universités pour aider les étudiants à monter des start-ups qui, par ailleurs, bénéficieront d’un régime fiscal privilégié.
Initiatives régionales
Le développement industriel de la Chine est très variable selon les régions (Graphique 12.8). Made in China 2025 est devenue en 2016 l’une des initiatives les plus fréquemment citées dans les rapports des administrations régionales, car les provinces ont commencé à mettre en place leurs propres initiatives (Ma, 2016). Cette situation suscite des problèmes en termes de double emploi des investissements et de concurrence entre les régions, et appelle une amélioration de la coordination et de la gouvernance aux niveaux central et régional.
Certaines régions, en particulier les plus développées situées le long des côtes à l’est du pays, ont pour projet de développer les secteurs de la robotique, de l’internet des objets et des drones, par exemple, en lançant des programmes de « remplacement des humains par des robots ». D’autres régions privilégient la modernisation des industries existantes par l’introduction de nouvelles technologies. Ainsi, la province de Hebei, qui produit d’importantes quantités d’acier, de ciment et de verre, a pour ambition de réformer son industrie et de faire avancer la croissance verte grâce à Made in China 2025.
Les nouvelles technologies offrent aussi aux régions de l’intérieur du pays des possibilités d’évolution. Ainsi, la province de Sichuan est l’une des premières à avoir élaboré une feuille de route pour la fabrication additive (2014-23) ; elle a en outre défini des priorités pour l’impression 3D dans l’aéronautique et pour le secteur de la fabrication de machines de précision (Wu, 2014). De son côté, la province moins développée de Guizhou, au centre-ouest de la Chine, a pour ambition de devenir le centre de données du pays et a émis la première réglementation régionale sur les données massives.
La Chine compte actuellement plus de 145 parcs de haute technologie. Les administrations régionales jugent ces parcs importants pour promouvoir le progrès technologique. De nombreuses villes chinoises ont également mis en œuvre Smart City, qui est une autre initiative gouvernementale. En 2015, on dénombrait en Chine quelque 300 projets pilotes Smart City (ministère du Logement et du Développement urbain-rural, 2015). L’objectif est d’introduire l’utilisation de l’internet des objets, des données massives, de l’informatique en nuage et de l’internet mobile dans les domaines de l’infrastructure, de la gouvernance publique, des transports, de la santé et de la production industrielle.
Principaux défis et considérations intéressant l’action gouvernementale
La modernisation du secteur manufacturier chinois est un défi complexe. La question n’est pas seulement de développer les technologies les plus avancées. Il faut aussi intensifier l’utilisation de ces technologies, de même que mettre à niveau et restructurer une capacité de production de grande ampleur qui en est toujours au stade d’évolution 2.0 (voire, souvent, 1.0) (Yang Jun, 2015). Les principales difficultés sont non seulement d’accroître l’investissement public dans la science, la recherche et l’innovation, mais aussi de commercialiser les résultats de la recherche et d’encourager le secteur privé à prendre les devants en matière d’innovation. Le matériel doit être amélioré (par exemple l’infrastructure des TIC), ainsi que les logiciels et les compétences. Les défis à relever concernent non seulement les administrations (centrale et locales), mais aussi les instituts de recherche et les universités, les entreprises publiques et les PME. Si les politiques et les programmes mettent en avant les technologies nécessaires à la modernisation du secteur manufacturier, les pouvoirs publics doivent en outre faire face à toute une série d’évolutions et de répercussions connexes, telles que l’importance croissante de la cybersécurité et le dysfonctionnement du marché du travail. Il convient parallèlement d’accorder une attention particulière aux questions de gouvernance, notamment en ce qui concerne la coordination entre les ministères ainsi qu’entre les administrations centrale et régionales.
La polarisation des capacités technologiques
Le secteur manufacturier chinois est très polarisé. Les exemples cités dans le présent document montrent les progrès technologiques et l’utilisation de technologies de pointe dans les entreprises chinoises. Pourtant, dans beaucoup de secteurs, on constate de larges écarts entre les capacités de production de base, comme par exemple la maîtrise des principales technologies de traitement et la capacité de produire les matériaux nécessaires. En fait, la plupart des entreprises manufacturières chinoises sont en retard dans les capacités numériques et de gestion. Comme l’a déclaré Miao Wei, ministre de l’Industrie et des Technologies de l’information : « Le secteur manufacturier chinois en est toujours à un stade où les industries 2.0 et 3.0 cohabitent et doivent se développer simultanément pour finaliser la mise en œuvre de l’industrie 2.0, faire connaître la 3.0 et expérimenter la 4.0. » (Feng B., 2015). Les enquêtes auprès des entreprises confirment cette observation (Graphique 12.2). Une telle inégalité de développement, associée à une structure industrielle dans laquelle les secteurs à forte intensité de ressources et d’énergie conservent une place importante, entraînent d’importantes difficultés.
Dans la fabrication haut de gamme, les défis sont notamment les suivants : utilisation intensive de moyens de production de base importés, comme par exemple le matériel de pointe, les logiciels et les composants essentiels comme les servomoteurs des robots industriels et certains produits en acier de haute qualité (Encadré 12.5) ; investissement insuffisant des instituts de recherche dans la recherche fondamentale et R-D insuffisante dans les entreprises ; absence de synergie entre les instituts de recherche et l’industrie, d’où une commercialisation inefficace des technologies. S’agissant de la fabrication de milieu de gamme, les difficultés sont par exemple la nécessité d’accroître la qualité des produits, le manque général d’efficience, la faible notoriété des marques, ainsi que le besoin d’aller plus loin dans l’innovation technologique afin de s’élever dans les chaînes de valeur. Dans les secteurs à forte intensité de ressources et d’énergie, les défis de la modernisation sont particulièrement grands et complexes – des problèmes de surcapacité, une production qui n’est guère élaborée et la pollution de l’environnement.
Encadré 12.5. Un stylo à bille « Made in China »
Lors d’une récente réunion visant à régler les problèmes de surcapacité des industries de l’acier et du charbon – qui s’est tenue à Taiyuan, la capitale de la province de Shanxi, une région riche en charbon mais qui a aujourd’hui une croissance nulle –, le Premier ministre chinois, Li Keqiang, a fait remarquer que, malgré ses formidables capacités de production d’acier, la Chine a toujours besoin d’importer certains composants en acier de grande qualité, notamment ceux utilisés pour fabriquer les pointes des stylos à bille.
Ce problème a été observé pour la première fois en 2011 par Wan Gang, le ministre de la Science et de la Technologie, qui avait relevé que pour fabriquer en Chine 38 milliards de stylos, il fallait importer 90 % des pointes des stylos. En 2012, un projet national de recherche a été lancé concernant les principaux matériaux et équipements nécessaires à la fabrication des stylos. L’État y a investi 60 millions CNY et les principaux organismes de recherche le double, ce qui fait de ce projet le plus ambitieux à ce jour dans le secteur chinois de la fabrication de stylos. Ce projet a étudié trois aspects : l’encre, les pointes et l’adéquation entre la première et les secondes. Trois entreprises (une publique et deux privées) y ont participé. Le projet s’est achevé en 2015 avec la démonstration réussie que la Chine pouvait produire 1 000 tonnes d’acier par an pour les pointes des stylos à bille (ministère de la Science et de la Technologie, 2015b).
L’observation du Premier ministre, associée au projet précité, montrent bien la polarisation du secteur manufacturier chinois. L’exemple illustre également la stratégie adoptée par les pouvoirs publics pour résoudre le problème, l’industrie se chargeant à la fois de la R-D et des investissements, et l’État jouant un rôle de soutien.
Mettre les marchés au service de la modernisation de l’industrie
L’allocation des ressources humaines et financières se doit d’être plus efficiente. Il convient à cet effet d’aligner les politiques-cadres visant à promouvoir la concurrence sur les marchés de produits, à assouplir les marchés du travail, ainsi qu’à supprimer les freins à la sortie des entreprises et les obstacles à la croissance des plus prospères. Les ressources servant à la production doivent être bon marché et être orientées vers les entreprises qui sont en mesure de développer et d’utiliser les nouvelles technologies efficacement. Des conditions propices à l’allocation efficiente des ressources permettront en outre aux entreprises d’investir dans les processus, compétences et autres actifs immatériels qui peuvent amplifier les retombées des technologies, notamment numériques (OCDE, 2013). Cela dit, le poids excessif de la bureaucratie et de l’intervention directe des pouvoirs publics a souvent nui aux mécanismes du marché. Certaines politiques publiques fournissant des aides ciblées à des entreprises, technologies et produits particuliers ont ainsi entravé la concurrence. L’État est également intervenu de temps en temps dans la gestion des entreprises (Zhao, 2016). Nuisant également à la concurrence, des dispositifs variant selon le mode de contrôle et la taille des entreprises ont été mis en place. Bien que les obstacles à la création d’entreprises aient été réduits ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire pour libérer l’entrepreneuriat (OCDE,2017a).
En partie à cause des lacunes de l’action gouvernementale présentées ci-dessus, la politique industrielle de la Chine a donné des résultats mitigés. Dans la construction automobile, par exemple, elle n’a pas réussi à encourager l’augmentation des investissements intérieurs privés (Centre de recherche sur le développement, 2011). La politique industrielle a au contraire entravé ces investissements et rendu ce secteur fragile, fragmenté, peu développé et guère innovant. Dans le secteur automobile, les marques chinoises sont généralement peu connues, il n’y a pas de brevets indépendants dans les principaux domaines techniques, le personnel de R-D est rare et les travaux de recherche sont donc insuffisants (Jiang, 2016).
L’assouplissement des contraintes administratives pour les start-ups et la simplification des procédures ont permis de réduire dans l’ensemble les obstacles à l’entrepreneuriat (Graphique 12.9). Néanmoins, la marge de progrès est encore grande pour rendre l’environnement plus propice à l’entrepreneuriat. Pour que le marché puisse fonctionner de façon optimale, il faut assouplir la réglementation économique, trop rigide, supprimer les mesures discriminatoires et réduire les obstacles à l’entrée et à la sortie (notamment en accélérant et en simplifiant les procédures de faillite) (OCDE, 2017a). Ces aménagements auront en outre pour avantage de créer un environnement plus équitable pour l’ensemble des acteurs. Parallèlement, il est important de prendre des mesures qui empêchent les leaders du marché de tirer avantage de leur technologie ou de leur puissance sur le marché pour faire obstacle aux nouveaux entrants. Une autre nécessité est d’évaluer en profondeur les impacts de la politique fiscale actuelle à la lumière des ambitions de Made in China 2025 et « Internet Plus », et de simplifier les procédures fiscales (Administration fiscale nationale, 2016). Il sera peut-être aussi nécessaire de mettre en place des services financiers diversifiés afin de soutenir les entreprises travaillant dans les secteurs ayant un lien avec la prochaine révolution de la production (en particulier prêts à moyen et long termes,et financement sur fonds propres) (Banque populaire de Chine, 2016). Il convient également d’améliorer la qualité des brevets (déposés par les entreprises et les universités), notamment en rationalisant le dispositif de subventionnement des brevets et en veillant au respect des droits de propriété intellectuelle (en particulier ceux des petites entreprises) par l’imposition aux contrevenants d’amendes au montant dissuasif (OCDE, 2017a). Des mesures plus stratégiques peuvent aussi être nécessaires dans le domaine des normes, les projets de normes actuels tenant mieux compte des besoins de l’industrie (avec par exemple l’élaboration d’un ensemble de normes pour les données massives). Il pourrait également être utile que la Chine joue un rôle plus actif dans l’élaboration des normes internationales.
L’expression « entreprises zombies » désigne des entreprises chinoises – souvent dans des secteurs en surcapacité – qui sont lourdement endettées, ont accumulé des pertes et ne sont maintenues à flot qu’à l’aide de prêts bancaires ou d’aides publiques. Ces entreprises produisent en continu, sans s’occuper de la hausse des coûts ni de la baisse des prix. En plus d’être incapables de se moderniser par elles-mêmes, elles absorbent les maigres ressources existantes et sont des concurrentes de taille pour les entreprises qui investissent dans les nouvelles technologies. En février 2016, le Conseil des Affaires d’État a émis des avis concernant la résolution du problème de surcapacité des secteurs du charbon et de l’acier. Outre les mesures de cessation ou de réduction de la production, l’introduction de la fabrication intelligente est mise en avant pour moderniser la sidérurgie et encourager un mode de production plus souple et plus ciblé. Dans cette réforme, des difficultés apparaissent, à savoir le contrôle de l’application des dispositions, ainsi que la gestion des disparitions d’emplois (1.8 million d’emplois environ risquent de disparaître dans le processus) (Zhong, 2016).
Améliorer l’innovation et la politique d’innovation
Le marché intérieur chinois demeure élastique par rapport au prix. Les entreprises parviennent généralement à obtenir des prix bas en ayant recours à l’imitation, à l’utilisation de matériaux de qualité médiocre, voire à la contrefaçon, ce qui est particulièrement décourageant pour les entreprises qui pourraient sinon investir dans l’innovation et la modernisation technologique. La mauvaise qualité des produits nuit par ailleurs globalement à l’image de Made in China 2025.
Le cas du stylo à bille présenté dans l’Encadré 12.5 montre également combien il est difficile d’inciter les entreprises (en particulier celles du secteur privé) à s’engager sur la voie de la modernisation technologique et de la R-D. L’efficience de la R-D du secteur privé est faible (OCDE, 2017a). De nombreuses entreprises privées chinoises hésitent à se doter des toutes dernières technologies, que ce soit à cause de l’ampleur des investissements requis ou des incertitudes liées aux tendances et aux normes technologiques. Si on le compare avec celui des instituts de recherche ou des entreprises publiques, le rôle du secteur privé dans la recherche est également limité (tableau 12.2). Ainsi, plus de 70 % des brevets relatifs aux nanotechnologies et 50 % de ceux relatifs à la robotique sont déposés par les universités et les entreprises publiques (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, 2015). Il faut que les résultats des recherches faisant l’objet de ces brevets débouchent sur une commercialisation rentable.
tableau 12.2. Intensité de la R-D dans le secteur manufacturier et les industries de haute technologie d’une sélection de pays (en pourcentage)
Chine 2012 |
États-Unis 2007 |
Japon 2008 |
Allemagne 2007 |
France 2006 |
Royaume-Uni 2006 |
Corée 2006 |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|
Total du secteur manufacturier |
1.1 |
3.4 |
3.4 |
2.3 |
2.5 |
2.4 |
1.9 |
Industries de haute technologie |
1.8 |
16.9 |
10.5 |
6.9 |
7.7 |
11.1 |
5.9 |
Note : Dans le cas de la Chine, l’intensité de R-D correspond au pourcentage des dépenses de R-D par rapport au chiffre d’affaires de la principale activité.
Source : Ministère de la Science et de la Technologie (2013), China High-Tech Industry Data Book, d’après les données de Bureau national des statistiques, China Statistics Yearbook on High Technology Industry (2013) et base de données STAN de l’OCDE sur les dépenses de R-D dans les industries manufacturières 1995-2009 (http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=STANI4#).
Même les entreprises les plus innovantes rencontrent des problèmes lorsqu’elles essaient de mettre en œuvre de nouvelles technologies. Lors des sessions de 2016 de l’Assemblée populaire nationale (APN) et de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) – qui est la plus haute instance de consultation nationale en Chine, au sein de laquelle les grands administrateurs sont appelés à émettre des suggestions et des recommandations sur l’élaboration des politiques –, de nombreuses propositions ont été faites concernant les nouvelles technologies. Ces propositions insistaient surtout sur la nécessité d’établir des normes technologiques, de rationaliser la réglementation nationale applicable aux nouvelles formes d’activité générées par les nouvelles technologies (les services de transport à la demande Uber et Didi ont ainsi été légalisés en juillet 2016), et de modifier les lois et réglementations existantes afin d’encourager l’innovation individuelle.
La mondialisation est également source de nouvelles opportunités et de nouveaux défis pour le secteur manufacturier chinois. Ainsi, les entreprises chinoises considèrent de plus en plus les fusions et les acquisitions comme une possibilité de se moderniser (Deloitte et CMIF, 2015). À l’heure actuelle, les investissements à l’étranger réalisés par les entreprises chinoises se concentrent surtout dans les secteurs de l’exploitation minière, pétrolière et gazière. Or, des possibilités existent également dans les domaines des TIC, de la fabrication d’équipements haut de gamme et des nouveaux matériaux. La plus grosse opération de rachat réalisée en Chine, à savoir l’acquisition en 2015 par ChemChina du fabricant italien de pneus Pirelli, permettra à ChemChina de produire des pneus de première qualité et de s’élever dans la chaîne de valeur (KPMG, 2016). Toutefois, la faiblesse des capacités opérationnelles des entreprises chinoises (ressources humaines inadaptées et mauvaise compréhension des réglementations locales, par exemple) pourrait faire obstacle à leur expansion hors des frontières. Selon Bloomberg, des tentatives de rachat d’un montant de 47.5 milliards USD opérées par des entreprises chinoises ont échoué en 2015 (Gopalan et Langner, 2016). À mesure que la Chine oriente ses opérations de fusions-acquisitions à l’étranger vers des secteurs plus avancés, les difficultés risquent de s’accroître. Pour citer un exemple, en janvier, la société chinoisede capital-investissement Go Scale a été empêchée par les États-Unis de racheter la branche éclairage de Philips (Lumileds), pour des motifs de sécurité (Sterling, 2016). La vente d’Aixtron, un fabricant de puces allemand, au fonds d’investissement chinois Fujian Grand Chip a également été bloquée (Chazan, 2016).
L’OCDE (2017a) suggère d’engager des réformes sur certains aspects de la politique publique qui ont des effets néfastes sur l’innovation. Plusieurs de ces réformes (comme la réduction des subventions pour les brevets) ont déjà été évoquées. D’autres mesures importantes doivent aussi être prises : remédier au faible niveau de collaboration entre les entreprises dans le domaine de l’innovation, et d’innovation collaborative entre les entreprises et les instituts de recherche ; garantir un traitement homogène entre les régions concernant la manière dont les aides sont accordées aux entreprises nouvelles et de haute technologie ; moderniser les services proposés par les parcs de haute technologie ; enfin, améliorer les procédures de sélection afin que le soutien à la R-D soit plus efficient.
Emploi et compétences
Les effets de la modernisation du secteur manufacturier se font sentir sur le marché du travail chinois, que ce soit en ce qui concerne les travailleurs étrangers, les ingénieurs ou les cadres. Xin Changxing, vice-ministre des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, a indiqué début 2013 que le chômage structurel risquait de s’aggraver (Wang, 2013). La problématique de l’emploi est double : d’une part, il n’y a pas assez de travailleurs dotés de compétences adaptées ; d’autre part, il n’y a pas assez d’emplois pour les personnes non qualifiées. En 2013, on dénombrait en Chine 166 millions de travailleurs étrangers, dont 60 % âgés de moins de 30 ans et possédant un nombre d’années d’étude de 9.8 ans en moyenne (il faut 9 ans pour terminer le collège). Les rémunérations de ces travailleurs immigrés se sont accrues de 12 % par an entre 2011 et 2013 (Cai et Zhang, 2015). Dans ce contexte, les initiatives de remplacement des humains par des robots qui ont été lancées dans les provinces sont une réponse au manque de main-d’œuvre adaptée et à l’escalade des coûts des travailleurs plus instruits (Bai, 2014).
À mesure que le secteur manufacturier intègre plus de technologies (notamment les TIC), la demande de ressources humaines dotées de capacités et de compétences interdisciplinaires devrait s’accroître. Les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) 2015 de l’OCDE montrent que les étudiants chinois arrivent dans les dix premières places du classement mondial pour les sciences et les mathématiques. En revanche, pour ce qui est des compétences en matière de programmation, de gestion et autres domaines non techniques, les résultats du PISA mettent en évidence des insuffisances (OCDE, 2015a). De manière plus générale, il existe en Chine une grande marge d’amélioration du niveau global d’éducation (Graphique 12.10). La modernisation de l’industrie entraîne également la nécessité pour les cadres plus âgés de comprendre la technologie et ses répercussions pour le développement de l’entreprise. L’éducation et la formation continue sont importantes pour moderniser cet aspect de la gestion.
D’un autre côté, de nouvelles politiques s’imposent dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale afin de faire face aux besoins non seulement des travailleurs migrants internes, mais aussi d’une nouvelle vague de travailleurs indépendants. Une hausse du nombre des indépendants est à espérer suite au lancement des initiatives nationales de promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation à grande échelle, qui encouragent les citoyens – en particulier les chercheurs et les étudiants – à créer leur propre entreprise.
Infrastructures
La Chine obtient la note de 4.2 dans le Network Readiness Index, et arrive au 62e rang parmi les 143 pays répertoriés (Dutta, Geiger et Lanvin, 2015). Le prix relativement élevé et le faible débit de l’internet chinois, ouvertement critiqués par le Premier ministre Li Keqiang, peuvent être améliorés. De gros écarts existent également entre les différentes régions et branches du secteur manufacturier en matière d’infrastructure (ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, 2015a). Il est important, pour la nouvelle génération de la production, qu’une nouvelle infrastructure industrielle soit mise en place (par exemple, des réseaux électriques décentralisés, l’internet des objets, l’internet mobile, l’informatique en nuage et les données massives), mais cela n’est pas encore totalement le cas.
Cybersécurité
En 2015, la Chine arrivait au 14e rang parmi les 29 pays du Global Cybersecurity Index élaboré par l’Union internationale des télécommunications. Le nombre d’incidents de sécurité de l’information recensés entre décembre 2014 et novembre 2015 était en moyenne de 1 245, soit une hausse de 417 % par rapport à l’année précédente (PwC, 2015). À mesure que les TIC gagnent en importance dans les principales industries, et que l’internet des objets englobe un nombre et un éventail toujours plus grands d’appareils connectés, les enjeux de cybersécurité prennent de l’ampleur, de même que leurs implications financières. La société Hangzhou Xiongmai Technology, qui fabrique des caméras connectées, a rappelé plus de 10 000 webcams après que le service de gestion de noms de domaine Dyn aux États‐Unis a fait l’objet d’une cyberattaque de grande ampleur ayant provoqué des perturbations sur les principaux sites web tels que Twitter, PayPal et Amazon. Les caméras auraient pu être piratées par des logiciels malveillants pour commettre des cyberattaques (Hern, 2016). C’est en rapport avec cet incident que la première loi chinoise sur la cybersécurité nationale a été approuvée par le Comité permanent de l’APN en novembre 2016. La Chine a peut-être besoin de mener des études à long terme plus approfondies pouvant êtreutiles pour les lois et réglementations relatives à la cybersécurité et à la biotechnologie, notamment sur les questions de confidentialité des entreprises, de respect de la vie privée et de propriété intellectuelle (Centre de recherche sur le développement, 2016).
Gouvernance
Comme indiqué plus haut, la Chine a lancé un certain nombre d’initiatives pour moderniser sa production. Pourtant, il reste encore des marges d’amélioration. D’une part, malgré l’ampleur de ces récentes initiatives gouvernementales, il manque peut-être à l’action publique un caractère systématique. Dans toute économie moderne, le secteur de la production est soumis à toutes sortes de dispositions ayant trait notamment aux découvertes scientifiques, au développement technologique, au transfert des technologies et à l’internationalisation. L’action gouvernementale doit en outre associer et influencer les entreprises, les universités, les instituts de recherche, les institutions financières, l’État, les administrations locales et d’autres acteurs. Les instruments de cette action sont donc disséminés entre différentes instances publiques.
Il n’en reste pas moins que les politiques chinoises se rapportant à ces sujets pourraient avoir un caractère plus systématique. Les grandes initiatives ne couvrent pas encore l’ensemble de la chaîne de valeur, la totalité des acteurs concernés, ou les différentes dimensions spatiales de la question. Les ministères travaillent souvent en vase clos. Pour citer un exemple, la politique relative à la biomédecine est gérée par différents ministères : certains s’occupent de ses aspects sociaux (santé), d’autres de sa dimension économique (industrie). La réalisation des objectifs peut impliquer des arbitrages, ce qui signifie que l’élaboration et la coordination de l’ensemble des politiques devraient être confiées à un organe supérieur (comme le Conseil des Affaires d’État). De même, les objectifs visés par les différentes politiques ne sont pas les mêmes selon les domaines d’action : politique budgétaire, fiscalité, échanges, questions financières, investissement, industrie, concurrence, innovation, éducation, sécurité sociale ou régions. De plus, aucun dispositif complémentaire n’a encore été conçu ou coordonné dans le contexte de l’industrie 4.0.
En lien avec ce qui précède, la duplication des aménagements est un problème grave. Pour citer un exemple, à la fin 2012, 31 provinces, villes et régions autonomes accordaient des aides spéciales au secteur photovoltaïque dans le but de favoriser son développement. Quelque 300 villes ont établi des plans de développement du secteur, et plus d’une centaine ont construit l’infrastructure nécessaire à cet effet. L’industrie photovoltaïque a également bénéficié d’un accès préférentiel au foncier, au crédit et à d’autres moyens de production. Le problème est que ces incitations ont donné lieu à des investissements trop importants dans le secteur (Fu, 2014).
Dans le même esprit, après le lancement de Made in China 2025, les provinces et les villes chinoises ont conçu leurs propres programmes et plans d’action pour développer dix secteurs stratégiques. Dans tout le pays, des villes et des mégapoles frontalières ont mis sur pied des projets concernant notamment la robotique et les données massives, et construit des parcs industriels similaires. Le risque est que cela entraîne des surcapacités et une concurrence inutile. En fait, la duplication des actions a entraîné par le passé un gaspillage de terres constructibles ainsi que de ressources diverses (notamment humaines). Les projets de construction redondants ont en outre provoqué d’énormes pertes qui nuisent au développement à long terme des économies et des entreprises locales. À titre d’exemple, la ville de Qinhuangdao dans la province d’Hebei, le nouveau quartier de Guian à Guizhou, la zone nouvelle de Chongqing Liangjiang, celle de Lanzhou, ainsi que Hangzhou et d’autres quartiers proposent de construire des pôles d’activité spécialisés dans les données massives. Parmi eux, le nouveau quartier de Guian à Guizhou, la zone nouvelle de Chongqing Liangjiang et celle de Lanzhou considèrent les données massives comme la principale industrie locale et mettent l’accent sur son développement dans le cadre du nouveau plan d’urbanisme (Chen, 2014).
Les trois principaux opérateurs de télécommunications chinois ont mis en place de vastes centres de données ou d’informatique en nuage. China Telecom a ainsi établi plus de 330 centres de données internet. Il existe aujourd’hui une importante redondance en ce qui concerne la construction de centres d’informatique en nuage (Wang, 2016). Dans certaines zones ont été construits un grand nombre de centres de stockage de données et d’installations annexes (Ma, 2014). Pour citer un autre exemple, les politiques de redynamisation menées en 2009 ont donné lieu à des investissements excessifs dans certaines industries lourdes, et pourraient être l’une des raisons de la surcapacité actuelle (Zhao, 2016).
En conclusion, le constat évident qui émane de la description des politiques publiques qui sont menées à l’égard des technologies essentielles est qu’il existe un certain nombre de lacunes. S’agissant par exemple des technologies numériques : le transfert et la transposition des résultats de recherche au profit de l’industrie semblent recueillir peu d’attention ; l’infrastructure n’est pas au niveau ; la concurrence entre les services de l’infrastructure internet est faible ; la loi sur la cybersécurité a suscité des craintes auprès des entreprises étrangères (en particulier celles axées sur la technologie) ; la protection de la vie privée des individus et les risques numériques (autres que ceux liés à la sécurité nationale) ne semblent pas être des questions prioritaires. L’efficience de certaines aides gouvernementales est également contestable. Les administrations locales ont par exemple tendance à subventionner la vente de robots au lieu d’investir dans les activités de R-D sur la robotique. Dans le domaine de la biotechnologie, les questions de durabilité de la biomasse ne sont visiblement pas prises en compte par les pouvoirs publics ; il n’existe aucune politique à l’égard des bioraffineries ; les normes sont peu développées (voire inexistantes) ; la mise en œuvre des politiques varie selon les régions. À ce sujet – et comme pour de nombreux autres points –, il est rare que les résultats des politiques publiques fassent l’objet d’évaluationssystématiques.
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Notes
← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
← 2. Le marché de l’internet des objets inclut ici les puces et les composants électroniques, le matériel, les logiciels, les systèmes, ainsi que les services de télécommunication et de connexion.
← 3. Ce chiffre incluant la fabrication de TIC, les logiciels et les services informatiques.
← 4. Les technologies permettant les économies d’énergie et la protection de l’environnement ; les TIC de prochaine génération ; la biotechnologie ; la fabrication d’équipements de pointe ; les nouvelles sources d’énergie ; les nouveaux matériaux ; les véhicules à énergies nouvelles.
← 5. Ces domaines sont les suivants : entrepreneuriat et innovation, production synchronisée, agriculture moderne, énergie intelligente, financement accessible à tous, services sociaux, logistique efficiente, commerce électronique, transports, écologie et intelligence artificielle.