La pandémie de COVID-19 a non seulement imposé, mais aussi suscité des changements sans précédent dans les systèmes d’éducation à travers le monde. Dans un environnement en mutation rapide, des questions se sont posées au sujet de la façon dont utiliser au mieux ces nouveaux outils numériques et nouvelles approches pédagogiques pour répondre aux besoins des élèves, en particulier les plus vulnérables. À mesure que l’école rouvre ses portes, les responsables politiques, les professionnels de l’éducation, les élèves et leurs parents se demandent ce qu’il adviendra de l’enseignement et de l’apprentissage et ce qu’il y a lieu d’entendre par « professionnalisme » des enseignants en ces temps difficiles.
Il reste que sans savoir de quoi l’avenir sera fait, les fondements de ce professionnalisme sont bel et bien là : constituer et entretenir un corps enseignant dont les membres sont compétents, ingénieux et dynamiques, et capables de prendre des décisions éclairées au sujet de leurs élèves, de leurs classes et de leur établissement. Comme tous les professionnels, les enseignants ont besoin d’un soutien adéquat pour être à la hauteur de leurs fonctions et aider les élèves à exploiter pleinement leur potentiel. En ce sens, la pandémie n’a rien changé aux dimensions de leur professionnalisme, si ce n’est qu’elle les a révélées au grand jour et leur a donné une consistance plus tangible. La pandémie a sonné l’alarme dans le monde de l’éducation et montré à quel point il était important de prendre rapidement toutes les mesures requises pour que les enseignants puissent relever ces nouveaux défis.
C’est cette conception du professionnalisme qui a inspiré l’Enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), la seule de cette envergure qui interroge les enseignants et les chefs d’établissement sur leur environnement de travail et leurs pratiques. Le cycle TALIS 2018 a été administré avant la pandémie, mais ses résultats sont très révélateurs du professionnalisme des enseignants dans les systèmes d’éducation concernés. Le présent rapport de l’Enquête TALIS porte sur l’enseignement primaire et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, alors que les précédents portaient sur le premier cycle de l’enseignement secondaire. Il montre que le travail des enseignants et les défis qu’ils doivent relever varient sensiblement entre les niveaux d’enseignement. Étendre l’enquête à ces niveaux d’enseignement permet de déterminer si les systèmes d’éducation peuvent dans l’ensemble proposer aux élèves d’excellentes possibilités de s’instruire jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Les analyses et les thématiques ont été choisies en fonction des objectifs de chaque niveau d’enseignement, avec à l’esprit la nécessité de fournir les informations les plus utiles aux systèmes d’éducation pour l’après-COVID.
Dans l’enseignement primaire, l’un des constats les plus révélateurs porte sur la sortie des élèves de l’enseignement préprimaire, au moment où ils découvrent une façon plus structurée d’apprendre et commencent à acquérir des compétences d’ordre supérieur. Il ressort du cycle TALIS 2018 que moins de la moitié des enseignants en poste dans l’enseignement primaire ont été initiés aux méthodes visant à faciliter le passage des élèves de l’enseignement préprimaire à l’enseignement primaire. Il en ressort aussi que les enseignants qui choisissent des méthodes favorisant cette transition, par exemple celles axées sur le jeu, ont pu mettre en œuvre des compétences de stimulation cognitive. Dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, les enseignants sont plus coutumiers des pratiques de stimulation cognitive s’ils exercent en filière professionnelle plutôt qu’en filière générale. Je suis convaincu à la lumière de ce constat que les enseignants de la filière professionnelle ont énormément à apprendre à leurs collègues de la filière générale au sujet de ces pratiques.
Les niveaux d’enseignement ont également des forces et des faiblesses en commun. Constat important s’il en est, il apparaît par exemple que les professionnels de l’éducation sont très préoccupés par le manque de formation et d’infrastructure en ce qui concerne l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à des fins pédagogiques. Les moyens sont essentiels, certes, mais ils ne constituent pas le sujet principal de l’enseignement numérique. Il est bien plus important de comprendre les avantages et les objectifs pédagogiques de ces outils numériques, afin de les utiliser plus efficacement. C’est aux enseignants qu’il incombe de découvrir les fonctions pédagogiques de ces nouvelles technologies ; et personne ne pourrait se substituer à eux.
Ne perdons pas non plus de vue le bien-être des enseignants. Les constats faits ici le montrent bien : la plupart des enseignants adorent leur métier et l’exercent avec passion, mais les activités périphériques (le travail administratif, par exemple) qui viennent se greffer sur leur mission principale sont une source majeure de stress. Il est ainsi primordial de s’y attaquer.
Le présent rapport dresse un état des lieux complet de ces trois niveaux d’enseignement pour isoler les domaines à améliorer et à suivre dans la profession d’enseignant, tout l’enjeu étant en fin de compte de révéler le potentiel des élèves. Comme les analyses ont été étendues à d’autres niveaux d’enseignement en 2018, l’Enquête TALIS foisonne de données instructives sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 et alimente le débat sur les pistes à privilégier pour façonner le corps enseignant de demain.
Andreas Schleicher
Conseiller spécial du Secrétaire général, chargé de la politique de l’éducation
Directeur de la Direction de l’éducation et des compétences