Ce chapitre commence par décrire la vie active des femmes, notamment ce qui la distingue de celle des hommes et l’influence de ces différences sur leur revenu du travail tout au long du cycle de vie. Il analyse ensuite les raisons de nature à expliquer ces différences de trajectoire professionnelle, mettant en lumière des moments charnières de la vie professionnelle des femmes susceptibles de les pénaliser sur ce plan et étudiant le rôle de la mobilité professionnelle, de la naissance des enfants et du travail à temps partiel. Il propose en outre un cadre susceptible d’aider les pouvoirs publics à identifier les causes d’inégalité propres à leur pays pour pouvoir ensuite relever le défi complexe et composite que constitue l’inégalité entre femmes et hommes sur le marché du travail. Enfin, il formule des recommandations que pourraient suivre les pouvoirs publics pour remédier à ces causes d’inégalité spécifiques à chaque pays et continuer de faire progresser la situation des femmes sur le marché du travail.
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2018
Chapitre 6. Un départ groupé, des trajectoires différentes : pourquoi l’écart de revenus du travail entre hommes et femmes se creuse au cours de la vie active
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Principaux résultats
Atteindre l’égalité femmes‑hommes est un combat difficile (OCDE, 2017[1]). Une récente étude réalisée par l’OCDE pour évaluer la mise en œuvre des politiques en faveur de l’égalité montre clairement que les pays doivent intensifier leurs efforts. En particulier, malgré les progrès considérables accomplis sur le plan de l’éducation des filles, l’accroissement du taux d’activité des femmes et la multiplication des lois contre la discrimination de genre, la situation des femmes sur le marché du travail reste bien moins favorable que celle des hommes et l’écart de revenus du travail entre les sexes demeure un phénomène de dimension mondiale.
Ce chapitre analyse de façon plus détaillée l’évolution des inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail au cours de la vie active dans les pays de l’OCDE, en étudiant sur l’ensemble du cycle de vie l’écart de revenus du travail entre les sexes et les raisons pouvant expliquer qu’il se creuse au cours de la vie active. Cet écart, qui correspond à la différence entre le revenu du travail par tête calculé pour l’ensemble des femmes de 20 à 64 ans et ce même revenu calculé pour l’ensemble des hommes de la même classe d’âge, est un indicateur global de la situation des femmes sur le marché du travail par rapport à celle des hommes. Il tient en effet compte des différences de taux d’activité, de nombre d’heures travaillées et de rémunération horaire pour les actifs occupés et donne donc une vision plus exhaustive de la situation que les indicateurs de l’écart de rémunération habituellement utilisés, qui sont calculés sur la base des salaires des travailleurs à temps plein et excluent donc de l’analyse une partie de la population active féminine. Ce chapitre analyse aussi l’influence que les événements de la vie privée et professionnelle exercent sur la mobilité des femmes sur l’échelle des revenus (mobilité ascendante et descendante sur l’échelle des revenus ; entrée dans l’emploi et sortie de l’emploi) et le rôle que ces événements jouent dans l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au cours du cycle de vie. Il propose un nouveau cadre d’évaluation des performances des pays pour diverses dimensions de l’égalité des sexes sur le marché du travail. Il recense les principaux leviers d’action susceptibles d’améliorer la situation et formule à l’intention des gouvernements nationaux des recommandations quant à l’orientation des politiques pour l’emploi.
Le revenu du travail des femmes reste inférieur à celui des hommes et l’écart se creuse au cours de la vie active :
Bien qu’il se soit resserré ces dix dernières années, l’écart de revenus du travail demeure important. C’est dans les pays d’Asie de l’Est et d’Amérique latine (Japon, Corée, Mexique et Chili) qu’il est le plus grand. Il est également relativement important (supérieur à 40 %) dans beaucoup de pays méditerranéens, dans les pays germanophones, dans les grands pays anglophones, aux Pays‑Bas et en République tchèque. Les pays nordiques et d’Europe de l’Est et le Portugal sont les pays qui affichent les écarts les plus faibles (inférieurs à 30 %).
En moyenne, le différentiel de taux d’emploi explique une grande partie (40 %) de l’écart de revenus du travail, et la différence de nombre d’heures travaillées en explique 20 %. Le reste de l’écart est imputable à la différence de rémunération horaire.
L’écart de revenus du travail se creuse au cours de la vie active. Il se forme pour l’essentiel au cours de la première moitié de la vie professionnelle. Dans certains pays, il continue ensuite d’augmenter, quoique plus lentement.
Les écarts de taux d’emploi et de temps de travail résultent de différences au niveau des profils de carrière. La carrière des femmes est en moyenne un tiers plus courte que celle des hommes, et quatre fois plus susceptible d’inclure des périodes de travail à temps partiel et de flexibilité du temps de travail. Le parcours des femmes sur le marché du travail n’est pas linéaire et comprend plusieurs vies professionnelles.
L’écart de rémunération horaire entre femmes et hommes atteint généralement un pic aux alentours de 40 ans. Au‑delà de cet âge, les femmes peu qualifiées rattrapent leur retard, comblant quelque peu l’écart. En revanche, l’écart continue souvent de se creuser à la fin de la vie active chez les femmes très qualifiées.
La naissance des enfants et les événements survenant en début de carrière contribuent fortement à creuser les inégalités entre femmes et hommes au cours du cycle de vie :
Outre le fait que les femmes changent en moyenne un peu moins souvent d’emploi que les hommes, la nature de leur mobilité professionnelle est elle aussi différente. Elles connaissent certes des transitions professionnelles – changement d’employeur, de poste ou de type de contrat –, mais moins souvent que les hommes, en particulier en début de carrière. En revanche, dans presque tous les pays, elles connaissent plus fréquemment que les hommes un passage à temps partiel ou une entrée en inactivité, même si elles sortent aussi plus souvent qu’eux de l’inactivité.
Chez les femmes comme chez les hommes, les changements d’emploi fréquents qui interviennent au début de la carrière ont une forte incidence sur les perspectives professionnelles. Or, les femmes participent moins intensément que les hommes à cette étape cruciale de la carrière. Le fait qu’elles connaissent moins de transitions professionnelles que les hommes en début de carrière, en particulier au moment de la naissance d’un enfant, se traduit par une croissance moindre des salaires.
Dans la plupart des pays, la naissance d’un enfant conduit une part importante des jeunes mères à quitter le marché du travail, provisoirement ou pour une période plus longue. Dans certains pays, les femmes se retirent même complètement du marché du travail pendant plusieurs années au milieu de leur vie professionnelle afin d’avoir des enfants et de les élever. La naissance d’un enfant peut avoir des effets durables sur leur carrière, en termes de temps passé en dehors du marché du travail, d’opportunités professionnelles manquées, de durée de travail limitée et de rémunération. En moyenne, la différence de durée de carrière entre hommes et femmes est deux fois plus importante parmi les travailleurs qui ont des enfants que parmi ceux qui n’en ont pas.
Faciliter l’accès au travail à temps partiel quelques années après la naissance d’un enfant peut empêcher les mères de se retirer complètement du marché du travail. Dans le même temps, cet accès plus facile risque d’induire une forte dépendance financière des femmes vis‑à‑vis de leur partenaire, ce qui peut être pénalisant en cas de séparation ou de divorce. Dans de nombreux pays, la naissance d’un enfant va généralement de pair avec une plus grande vulnérabilité financière des femmes. De plus, le passage à temps partiel à l’arrivée de l’enfant peut contraindre les mères à laisser passer des opportunités professionnelles cruciales, ce qui risque aussi de se traduire plus tard par des parcours professionnels moins dynamiques.
Les pays peuvent faire appel à des mesures ciblées pour réduire les inégalités entre femmes et hommes :
Il existe une stratégie globale en faveur de l’égalité commune à tous les pays. Cette stratégie repose sur trois grands types de mesures : i) des politiques familiales qui visent à améliorer l’accès aux structures d’accueil des jeunes enfants, à remédier aux contre-incitations au travail pour le deuxième apporteur de revenu et à mettre en place un système de prélèvements et de prestations neutre sur le plan du genre ; ii) des mesures conçues pour influer sur le comportement des hommes et des femmes, notamment pour empêcher les longues journées de travail, inciter les hommes à participer davantage à la prise en charge des enfants et favoriser des formes plus équitables de congé rémunéré ; et iii) des mesures qui visent à promouvoir des changements dans l’environnement professionnel, notamment le recours accru à l’emploi à temps partiel et à des dispositifs d’aménagement du temps de travail.
Les pays devraient avant tout chercher à réduire les principales sources d’inégalités de revenu du travail entre les femmes et les hommes. L’importance relative de chaque composante dans chaque pays (taux d’activité plus faible des femmes, temps de travail plus court, concentration des femmes dans les emplois/secteurs à faible rémunération, par exemple) fournit des indications intéressantes pour l’action des pouvoirs publics. Par exemple, des pays comme la Grèce, l’Espagne et l’Italie, où une part considérable des cohortes de femmes plus âgées n’est jamais entrée sur le marché du travail, devraient prendre des mesures visant à accroître le taux d’activité des jeunes femmes. En revanche, il conviendrait de privilégier des mesures facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale en Australie, en Autriche et dans certains pays d’Europe de l’Est, où la part de femmes qui se retirent du marché du travail après la naissance d’un enfant est supérieure à la moyenne, et en Allemagne, aux Pays‑Bas et en Suisse, où beaucoup de femmes travaillent à temps partiel pendant une grande partie de leur carrière.
Introduction
Les progrès ininterrompus des femmes sur le plan de l’emploi sont au nombre des évolutions majeures observées sur le marché du travail des pays de l’OCDE depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : les taux d’activité et d’emploi des femmes ont considérablement progressé et l’écart salarial entre les sexes s’est resserré dans la quasi‑totalité des pays (OCDE, 2002[2]). Ces progrès traduisent à la fois des changements de comportement du côté de l’offre de main‑d’œuvre féminine et des évolutions du côté de la demande. Du côté de l’offre, le transfert au marché du travail des tâches ménagères traditionnellement assumées par les femmes (OCDE, 2002[2]) et l’apparition d’appareils électroniques permettant des gains de temps (OCDE, 2017[1]) ont allégé le poids du travail non rémunéré accompli par les femmes, leur permettant de se consacrer à d’autres activités et d’avoir accès à un plus large éventail de choix. Dans le même temps, la multiplication des modalités d’emploi et possibilités d’aménagement du temps de travail à leur disposition leur a donné les moyens de renoncer à rester au foyer et d’accéder au marché du travail. Du côté de la demande de main‑d’œuvre, le recul de l’emploi dans les secteurs agricole et manufacturier au profit du secteur des services, dans lequel la main‑d’œuvre féminine est surreprésentée, a créé de nouveaux débouchés pour les femmes. En outre, l’augmentation constante du niveau d’études des femmes – désormais supérieur à celui des hommes – a rendu la main‑d’œuvre féminine plus intéressante pour les entreprises. Les pouvoirs publics doivent néanmoins continuer d’agir pour que les femmes, en particulier celles qui ont des enfants, aient la possibilité de participer pleinement au marché du travail et bénéficient des mêmes perspectives de carrière que les hommes.
En 2017, l’OCDE a évalué les progrès accomplis par les pays dans la mise en œuvre de deux de ses recommandations’ – la Recommandation du Conseil sur l’égalité hommes‑femmes en matière d’éducation, d’emploi et d’entrepreneuriat et la Recommandation du Conseil sur l’égalité hommes‑femmes dans la vie publique (OCDE, 2017[1]). Elle est parvenue à la conclusion que les pays n’ont que très peu progressé en matière d’égalité hommes‑femmes ces cinq dernières années et ont encore un long chemin à parcourir pour réduire de 25 % à l’horizon 2025 l’écart entre le taux d’activité des femmes et celui des hommes, conformément à l’objectif fixé par le G20. Si 21 des 35 pays de l’OCDE sont en bonne voie pour atteindre cet objectif, les 14 autres ne franchiront la ligne d’arrivée que s’ils prennent des mesures supplémentaires – voir OCDE (2017[1]), Graphique 1.10. Favoriser une hausse du taux d’activité des femmes et une amélioration de la qualité de l’emploi féminin est un moyen de parvenir à une croissance plus vigoureuse et plus inclusive et a donc des retombées positives pour la société dans son ensemble.
Par le passé, la priorité a été donnée à l’accroissement du taux d’activité des femmes à travers des mesures visant à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie privée et à réformer les systèmes de prélèvements et de prestations pour éliminer les « pièges du chômage ». L’accent a également été mis sur la réduction de l’écart salarial entre travailleurs à temps plein, sur la lutte contre la faible rémunération des femmes, ainsi que sur les moyens de limiter la discrimination et la ségrégation professionnelle et sectorielle. Les travaux de l’OCDE consacrés aux aspects qualitatifs de la vie professionnelle des femmes montrent que si les taux de chômage féminin et masculin sont globalement similaires, le taux d’emploi et la rémunération des femmes sont sensiblement inférieurs à ceux des hommes, tandis que les hommes sont légèrement plus susceptibles que les femmes de souffrir de stress au travail (OCDE, 2014[3]). De même, une enquête plus récente fournissant une image complète des inégalités de revenu d’activité à long terme et de l’ampleur de la mobilité sur l’échelle des salaires dans 24 pays de l’OCDE révèle que les inégalités de revenu d’activité à long terme sont généralement plus marquées parmi les femmes que parmi les hommes. Les femmes sont particulièrement exposées au risque de percevoir durablement une faible rémunération (OCDE, 2015[4]).
En revanche, la trajectoire professionnelle des femmes et leurs transitions entre emploi et non‑emploi une fois qu’elles ont accédé au marché du travail, de même que les conséquences qui en découlent pour l’ampleur de l’écart salarial entre les sexes au cours de la vie active, ont moins retenu l’intérêt. Ce chapitre entend combler cette lacune. Il formule un ensemble complet de recommandations adaptées à chaque pays, que les pouvoirs publics pourraient suivre pour favoriser une amélioration du parcours professionnel des femmes. éliminer les obstacles à l’activité des femmes ne suffit pas : il importe également d’éliminer les facteurs qui freinent leur progression professionnelle une fois qu’elles ont accédé au marché du travail.
Ce chapitre fournit donc une vision d’ensemble de la vie professionnelle des femmes et de son influence sur le revenu du travail tout au long du cycle de vie. Il adopte une approche dynamique et analyse les principales causes des différences de trajectoire professionnelle entre hommes et femmes, en particulier le rôle que jouent la mobilité professionnelle, la naissance des enfants et le travail à temps partiel, ces trois éléments étant à l’origine de l’essentiel de l’augmentation de l’écart au cours de la vie active. Le chapitre n’a en revanche pas pour ambition d’établir la liste exhaustive des causes des inégalités de genre. La publication OCDE (2017[1]) propose une analyse complémentaire de ces inégalités dans les pays de l’OCDE, examinant des facteurs auxquels ne s’intéresse pas ce chapitre, par exemple le rôle des inégalités en matière de niveau d’études (inversion de l’écart de niveau d’études entre femmes et hommes, sous‑représentation des femmes dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques ou STIM), les disparités dans le domaine de l’entrepreneuriat, les différences de culture et d’éducation financières, les inégalités en matière de santé et de travail non rémunéré (éducation des enfants, prise en charge des parents âgés et tâches ménagères).
La suite du chapitre est divisée en trois parties. La section 6.1 fournit une vue d’ensemble de la trajectoire des femmes sur le plan de l’emploi et du revenu d’activité, montrant en quoi elle diffère de celle des hommes. Cette partie tente également de déterminer comment et pourquoi l’écart salarial entre les sexes apparaît au cours du cycle de vie. La section 6.2 porte sur les raisons susceptibles d’expliquer ces différences de trajectoire professionnelle et identifie, dans la vie professionnelle des femmes, des moments charnières risquant de les condamner à une carrière insatisfaisante. La section 6.3 présente un cadre qui a pour but d’aider les pays de l’OCDE à cerner les principales causes d’inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail. Elle montre que la grande diversité de ces inégalités appelle des mesures adaptées à chaque pays, lesquelles sont présentées dans la section 6.4. La dernière section fait office de conclusion.
6.1. Différences entre la vie professionnelle des femmes et celle des hommes
Les écarts de revenu d’activité au cours de la vie trouvent en grande partie leur origine dans les dix premières années de la carrière professionnelle (OCDE, 2015[4]). On sait pourtant très peu de chose sur le rôle éventuel que joue la part de la trajectoire des revenus liée au cycle de vie dans leur apparition. Dans tous les pays de l’OCDE, les femmes sont généralement moins nombreuses à travailler que les hommes et lorsqu’elles occupent un emploi, elles ont une durée de travail mensuelle plus courte (OCDE, 2017[1]). Elles connaissent également davantage d’interruptions de carrière, essentiellement dues à leur situation familiale. L’effet de la maternité sur les salaires a été abondamment décrit (pénalité salariale associée à la famille). Toutefois, la vie professionnelle des femmes n’étant pas linéaire, le creusement des inégalités entre hommes et femmes au cours du cycle de vie pourrait aussi s’expliquer par des différences de trajectoires professionnelles.
L’indicateur traditionnel de l’écart de rémunération, calculé pour les salariés à temps plein, augmente avec l’âge et en particulier lorsque les travailleurs deviennent parents (OCDE, 2017[1]). Pour aller plus loin, il faut retenir un indicateur fournissant une image plus globale de la situation des femmes sur le marché du travail, en l’occurrence l’écart de revenus du travail. Cet indicateur mesure les inégalités femmes-hommes en tenant simultanément compte de trois dimensions : les écarts de taux d’emploi, de nombre hebdomadaire d’heures travaillées et de salaire horaire1. Comme le montre la publication OCDE (2017[5]), dans tous les pays de l’OCDE, cet écart est nettement plus élevé que l’indicateur traditionnel, calculé pour les salariés à temps plein, ce qui indique que les écarts de taux d’emploi et de nombre hebdomadaire d’heures travaillées accentuent la différence de revenu d’activité entre les sexes induite par l’écart de rémunération. Cette section analyse l’influence négative qu’exercent les trajectoires professionnelles féminines et masculines sur les inégalités entre hommes et femmes à mesure qu’une génération vieillit. Il décrit à cette fin les variations du taux d’emploi, de la durée de travail et de la rémunération au fil du cycle de vie et lors de certains événements de la vie.
6.1.1. La trajectoire professionnelle des femmes : une carrière non linéaire, plus courte que celle des hommes
Les premières étapes de la carrière d’une femme sont décisives
La publication OCDE (2015[4]) montre que les 10 à 15 premières années de la vie active sont décisives pour les perspectives d’évolution professionnelle et la mobilité des revenus. Elle révèle aussi que les femmes connaissent un début de carrière différent de celui des hommes (Graphique 6.1). En moyenne dans l’ensemble des pays de l’OCDE, elles quittent le domicile parental plus tôt que les hommes et s’engagent aussi plus précocement dans une vie de couple (définie comme le fait de vivre sous le même toit qu’un conjoint ou partenaire). Elles ont également des enfants plus tôt et vivent plus souvent avec eux que les hommes. Dans tous les pays de l’OCDE sauf au Japon, au Portugal, aux Pays‑Bas et en Turquie, elles suivent des études plus courtes que les hommes et terminent leur scolarité ou leurs études avant eux – voir également OCDE (2018[6])2. Enfin, dans la plupart des pays de l’OCDE, elles passent plus souvent que les hommes par un emploi temporaire pour accéder au marché du travail.
La carrière des femmes comprend en réalité plusieurs vies professionnelles
Les femmes n’ont pas une carrière linéaire et connaissent souvent plusieurs vies professionnelles différentes. Le Graphique 6.2, qui est établi sur la base de données en coupe transversale (Encadré 6.1), présente de manière détaillée la situation des femmes au regard de l’activité selon leur âge. Il indique également, à titre de référence, le taux d’activité des hommes (ligne pleine, à comparer avec la somme des quatre aires – représentant les salariées à temps plein, les salariées à temps partiel, les travailleuses non rémunérées et les chômeuses). Dans la plupart des pays, pour les hommes comme pour les femmes, le taux d’activité évolue en fonction de l’âge selon une courbe classique en cloche, à savoir qu’il augmente durant la première moitié de la carrière et diminue ensuite. Toutefois, ces graphiques simples mettent également en lumière certains moments charnières dans la carrière des femmes, ainsi que la diversité de ces carrières d’un pays à l’autre :
Les écarts de taux d’emploi sont inégalement répartis sur l’ensemble du cycle de vie – Quatre scénarios se dégagent de l’analyse de l’absence des femmes du marché du travail (réalisée en comparant, sur le Graphique 6.2, la somme de l’emploi à temps plein et à temps partiel chez les femmes à la ligne pleine représentant les hommes actifs) : i) en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en République slovaque, en République tchèque et dans une moindre mesure aux États‑Unis, en Allemagne, en Finlande, en France et en Pologne, les femmes sont fortement sous‑représentées dans l’emploi rémunéré en début de carrière (entre 20 et 40 ans) ; ii) en Australie, en Corée, en Grèce, en Irlande, en Israël, au Japon, en Suisse et dans une moindre mesure en Espagne, au Luxembourg, aux Pays‑Bas et au Portugal, elles sont sous‑représentées au milieu et à la fin du cycle de vie – en d’autres termes, leur entrée dans la vie active est similaire à celle des hommes (les taux d’emploi sont les mêmes entre 25 et 29 ans), mais une forte proportion de femmes quitte le marché du travail à 30 ans ; iii) en Autriche, en Belgique, au Canada, au Danemark, en Islande, en Norvège, au Royaume‑Uni, en Slovénie et en Suède, l’écart de taux d’emploi reste constant tout au long du cycle de vie ; enfin, iv) au Mexique et en Turquie et dans une moindre mesure au Chili et en Italie, une proportion non négligeable de la population féminine n’accède jamais au marché du travail.
Les femmes font souvent une « deuxième carrière professionnelle » – Beaucoup de femmes entrent ou reviennent sur le marché du travail dans une deuxième étape de leur vie (c’est le cas en Autriche, en Estonie, en Finlande, en Hongrie, en Islande, en Pologne, en République slovaque, en République tchèque et dans une moindre mesure en Allemagne, au Danemark, en France, en Lettonie, au Royaume‑Uni et en Suède). Dans ces pays, les femmes voient leur taux d’emploi augmenter à partir de 30‑34 ans, ce qui n’est pas le cas des hommes. Ce sont le plus souvent des emplois à durée indéterminée qui sont à l’origine de cette hausse, sauf en Corée, où toutes les femmes qui font une deuxième carrière travaillent dans le cadre d’emplois temporaires ou encore d’une activité indépendante ou non rémunérée.
Beaucoup de femmes sont déjà en inactivité dix ans avant l’âge légal de la retraite – Quatre cas de figure peuvent être distingués : i) au Chili, en Irlande, aux Pays‑Bas, en Norvège, en Suède, en Suisse et dans une moindre mesure en Autriche, au Danemark et en Allemagne, la proportion de personnes inactives mais non retraitées (rubrique « autre inactivité » du Graphique 6.2) est nettement plus forte parmi les femmes que parmi les hommes – voir OCDE (2018[6]) ; ii) en Belgique, en Hongrie, en Pologne et dans une moindre mesure en Finlande, la proportion de personnes quittant précocement le marché du travail est élevée parmi les hommes comme parmi les femmes, la retraite anticipée continuant d’occuper une place importante ; iii) dans un troisième groupe de pays, qui comprend l’Estonie, l’Islande, la Lettonie, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume‑Uni et la Slovénie, ni les hommes ni les femmes ne se retirent du marché du travail avant l’âge légal de la retraite ; iv) en Corée – où le système de retraite est récent comparativement à ceux d’autres pays de l’OCDE (OCDE, 2018[7]) – et dans une moindre mesure en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, au Mexique, au Portugal et en Turquie, la proportion de femmes qui ont quitté le marché du travail augmente continûment avec l’âge et un très fort pourcentage d’entre elles ne perçoit jamais de pension de retraite3. Dans ces pays, les inégalités femmes-hommes à la fin du cycle de vie sont particulièrement problématiques, ce qui plaide en faveur de l’adoption de mesures conçues pour inciter les femmes à accéder au marché du travail plus tôt dans leur vie active.
Le travail à temps partiel peut également être préjudiciable à la carrière des femmes. Même s’il facilite l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, l’exercice d’un emploi à temps partiel peut devenir une situation définitive pour beaucoup de femmes, alors qu’il correspond généralement à une situation transitoire pour les hommes. En Australie, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Islande et aux Pays‑Bas, il est particulièrement répandu parmi les femmes actives de plus de 45 ans4.
Encadré 6.1. Forces et faiblesses des sources de données existantes
Pour analyser la trajectoire professionnelle des femmes, il faudrait dans l’idéal l’observer sur l’intégralité de leur vie active et la comparer à celle des hommes. Les données idéales ainsi obtenues mettraient en lumière des phénomènes de dépendance au chemin emprunté au départ et permettraient donc d’analyser l’influence que les choix effectués en début de carrière continuent d’exercer plusieurs années voire décennies plus tard sur la vie professionnelle d’une personne, l’évolution de son revenu d’activité et son bien‑être. Cette influence peut même s’exercer au‑delà de l’âge de la retraite, le montant des pensions de retraite dépendant de la durée de la carrière et du parcours professionnel dans son ensemble. Malheureusement, il n’existe pas de données idéales de ce type se prêtant à des comparaisons entre pays, les données de panel ne suivant les individus que pendant un temps limité. Ce chapitre fait appel à plusieurs types de microdonnées, tirant parti de leurs forces sans méconnaître leurs faiblesses.
Données de panel
Les données de panel se rapportent à des individus suivis dans le temps. Elles permettent d’analyser les transitions d’une année sur l’autre et celles qui interviennent entre deux entretiens (par reconstruction de calendriers mensuels à partir de questions rétrospectives). Contrairement à beaucoup d’autres études (qui s’intéressent aux transitions d’une année sur l’autre), l’analyse présentée ici porte sur les transitions professionnelles mensuelles telles qu’elles ressortent de données de panel couvrant une courte période. Pour chaque année et individu, on tient compte de toute transition mensuelle intervenue au cours de l’année par rapport à la situation professionnelle de l’individu au mois de janvier. Un même individu peut donc connaître plusieurs transitions d’une année à l’autre. Pour quelques pays (Allemagne, Australie et États‑Unis), les données de panel disponibles couvrent une période suffisamment longue pour permettre une analyse de l’influence à long terme des événements professionnels et des phénomènes de dépendance au chemin emprunté au départ. à partir de ces données de panel sur longue période, le chapitre présente une analyse de la mobilité en termes cumulés et examine l’incidence de la naissance des enfants sur les perspectives professionnelles des femmes à relativement long terme (sept ans).
Données rétrospectives sur longue période
Les données rétrospectives sur longue période constituent une autre source de données intéressante. Le chapitre fait appel à des données issues de l’enquête SHARE sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe, plus précisément de la troisième vague de cette enquête, dénommée SHARELIFE, qui fournit de nombreuses informations sur les histoires de vie professionnelle et privée (mariage, divorce et maternité, santé et logement) de 30 000 travailleurs âgés de 50 ans ou plus en 2009 pour 13 pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays‑Bas, Pologne, République tchèque, Suède et Suisse). Le risque de biais de mémoire constitue la principale limite de SHARELIFE ; le questionnaire ne porte que sur les périodes de travail d’une durée supérieure à six mois et l’enquête se rapporte à une époque où les marchés du travail étaient beaucoup moins instables qu’actuellement et où les travailleurs passaient toute leur vie dans la même entreprise. La série de données qu’elle fournit n’en demeure pas moins la seule qui permet d’analyser la trajectoire individuelle des personnes interrogées, qu’elles travaillent ou non, sur l’ensemble du cycle de vie.
Données en coupe transversale
Même les données en coupe transversale peuvent fournir de nombreuses informations sur la situation professionnelle des femmes à différents stades de leur vie active. En plus de renseigner sur l’emploi, le chômage et l’inactivité, elles permettent : i) d’inclure une catégorie intermédiaire (« alternance formation‑emploi ») ; ii) de préciser la raison de l’inactivité (formation, retraite, obligations militaires, autre inactivité) ; iii) de tenir compte du travail à temps plein/à temps partiel/non rémunéré et de l’emploi à durée indéterminée/temporaire/indépendant. Ces données permettent d’obtenir une image claire de la situation des femmes au regard de l’activité à différents moments de leur vie et d’avoir plus facilement conscience des ordres de grandeur caractéristiques de la sous‑population étudiée quand on s’intéresse principalement aux événements de la vie et aux trajectoires. Néanmoins, quand on utilise des données en coupe transversale, il peut être difficile de distinguer les effets de l’âge des effets de cohorte et de carrière, lesquels jouent un rôle crucial dans l’analyse des phénomènes liés à la problématique femmes-hommes (voir Encadré 6.2).
Goldin et Mitchell (2016[9]) avancent que pour les nouvelles générations, la trajectoire en forme de cloche suivie par le taux d’activité au cours du cycle de vie disparaît au profit d’une courbe en forme de M. Ils expliquent cette évolution par le fait que la naissance d’un enfant, qui s’est toujours traduite par un retrait temporaire du marché du travail, se produit maintenant plus tardivement parce que les femmes se marient et ont des enfants plus tard que par le passé – voir OCDE (2018[6]). Sur le Graphique 6.2, une courbe en forme de M est clairement visible en Corée et au Japon, ce qui laisse penser que les femmes quittent le marché du travail à la naissance des enfants mais recommencent à travailler quand ils sont plus grands. En revanche, dans les pays où le travail à temps partiel augmente au moment de la naissance des enfants, le taux d’activité ne suit une courbe en M que pour l’emploi à temps plein (marge intensive), tandis qu’il continue de suivre une courbe en forme de cloche lorsque l’on tient compte du temps plein et du temps partiel. Toutefois, l’explication doit probablement être recherchée dans le fait que les comportements continuent d’évoluer au fil du temps, si bien que les courbes en M à la marge extensive (qui englobe temps plein et temps partiel) se transforment en courbes similaires visibles uniquement à la marge intensive. Ainsi, Blundell, Bozio et Laroque (2013[10]) obtiennent une courbe qui revêt distinctement la forme d’un M pour le Royaume‑Uni en 1977 à la marge intensive comme à la marge extensive, mais en 2007, cette forme n’était plus visible qu’à la marge intensive.
6.1.2. Les écarts de rémunération horaire entre les sexes suivent une courbe en U inversé
Les femmes qui travaillent à temps plein continuent à percevoir une rémunération inférieure à celle des hommes
Outre les écarts de taux d’emploi et de durée de travail, la différence de rémunération à durée de travail égale joue un rôle fondamental dans l’écart entre hommes et femmes en matière de réussite sur le marché du travail. Même si elles régressent lentement, ces inégalités salariales demeurent considérables5. En moyenne dans les pays de l’OCDE, les femmes exerçant à temps plein percevaient une rémunération inférieure de 15 % à celle des hommes en 2014, contre un différentiel de 16 % en 2005 (Graphique 6.3). C’est en Corée que cet écart est le plus grand (supérieur à 35 %) et en Belgique qu’il est le plus petit (inférieur à 5 %). La Belgique est aussi le pays où l’écart a connu la plus forte baisse (proche de 10 points de pourcentage) depuis 2005. à l’inverse, l’écart s’est beaucoup creusé au Chili et en Lettonie. Toutefois, dans ces pays, cette augmentation est allée de pair avec une nette progression du taux d’activité des femmes, en particulier parmi les femmes peu qualifiées. En conséquence, le nombre de femmes situées au bas de l’échelle des revenus augmentant, la rémunération moyenne des femmes qui occupent un emploi diminue mécaniquement.
Les écarts de rémunération entre les sexes évoluent selon une courbe en U inversé au cours de la carrière
Dans bon nombre des pays pour lesquels on dispose de suffisamment de données pour estimer les écarts de rémunération sur la base du salaire horaire pour plusieurs cohortes (Graphique 6.4), ces écarts évoluent selon une trajectoire en U inversé au fur et à mesure de la carrière, l’essentiel de l’augmentation de l’écart ayant lieu entre 30 et 40 ans (c’est par exemple le cas en Allemagne, en Australie, au Canada, en Corée, aux États‑Unis, au Mexique et au Royaume‑Uni). Dans les pays anglophones et en Corée, les écarts de rémunération tendent à régresser dans la dernière partie de la vie active, tandis qu’en Allemagne et au Mexique, ils se stabilisent au‑delà de 40 ans. à l’inverse, en France et en Italie, où les majorations de salaire au titre de l’ancienneté jouent un rôle important dans la fixation des salaires et où une moindre mobilité professionnelle limite les chances des seniors d’accéder à de nouveaux emplois (voir la section 6.2 ci‑après), l’écart de rémunération entre les sexes continue de se creuser au fil de la carrière.
L’écart se resserre pour les générations plus jeunes
Les courbes représentant l’écart de rémunération entre les sexes au sein des cohortes plus jeunes se situent en dessous de celles correspondant aux cohortes plus âgées, ce qui signifie que l’écart se resserre au fil du temps. Cette évolution n’est cependant pas la même à toutes les étapes de la vie active et dans tous les pays, si bien qu’examiner les écarts de revenu du travail à différents âges à une date donnée pour en tirer des conclusions pour l’ensemble du cycle de vie ou de la carrière peut aussi être trompeur (Encadré 6.2). Les flèches figurant sur le Graphique 6.4 indiquent comment l’écart a évolué d’une génération à l’autre6. En Allemagne, au Canada, aux États‑Unis, en France, au Mexique et au Royaume‑Uni, l’écart est plus faible au sein des générations plus jeunes. Aux États‑Unis, le resserrement de l’écart observé entre 1975 et 2009 s’explique en grande partie par des effets de cohorte (Campbell et Pearlman, 2013[11]), mais le mouvement de convergence ralentit depuis 2000 (Juhn et McCue, 2017[12]). à noter que, dans ce pays, alors que la progression de la rémunération des femmes a contribué à réduire l’écart au sein des générations nées avant 1950, dans les cohortes suivantes, la convergence s’explique principalement par une baisse de la rémunération des hommes (Campbell et Pearlman, 2013[11]). Ailleurs (en particulier en France et au Mexique), le resserrement de l’écart est plus marqué dans la dernière phase de la vie active. En règle générale, l’âge auquel l’écart commence à se resserrer ou se stabilise a diminué au fil du temps pour les cohortes les plus âgées, mais des signes d’inversion de cette tendance sont observés dans certains pays (comme le Canada et le Royaume‑Uni).
Encadré 6.2. Biais empiriques faussant l’analyse de l’évolution de l’écart de rémunération horaire au cours du cycle de vie
Se concentrer sur l’écart de rémunération entre les sexes selon l’âge à une date donnée (en 2015, par exemple) peut être trompeur. Bien que cette information rende effectivement compte de l’écart de rémunération pour différentes cohortes à différents moments de leur cycle de vie, elle ne permet pas de mesurer l’évolution de cet écart pour une cohorte tout au long de son cycle de vie. Il y a plusieurs raisons à cela :
Premièrement, les effets de composition induisent des différences entre cohortes. De fait, les évolutions de fond concernant l’investissement des femmes dans la formation (augmentation du niveau d’études), les décisions relatives à la famille (recul du mariage et de l’âge auquel naît le premier enfant, diminution de la taille des familles et du nombre d’enfants par femme), l’offre de main‑d’œuvre (augmentation du taux d’activité ces dernières décennies et évolution de la durée de travail) ont profondément transformé la composition de la population active féminine. En conséquence, l’écart entre les sexes parmi les travailleurs qui étaient âgés de 50 ans en 2015 a changé par rapport à celui qui caractérisait leurs parents 20 ans plus tôt. Le taux d’activité a sensiblement augmenté ces dernières décennies, les femmes ont un niveau d’études plus élevé et cessent moins souvent de travailler à la naissance d’un enfant. Dès lors, l’écart entre les sexes devrait se resserrer au sein des générations plus jeunes étant donné que les hommes et les femmes qui travaillent sont plus semblables qu’il y a quelques décennies.
Deuxièmement, le rendement des caractéristiques individuelles (par exemple, l’effet qu’est susceptible d’avoir une année d’études supplémentaire sur la rémunération individuelle) peut varier d’une génération à l’autre, d’un sexe à l’autre et d’une période à l’autre, si bien que l’écart de revenu entre les sexes ne suit pas une évolution identique, même en l’absence de différence de composition entre cohortes.
Troisièmement, des analyses réalisées au moyen d’une méthode âge‑période‑cohorte ont mis en évidence des effets temporels – voir Campbell et Pearlman (2013[11]) pour une présentation détaillée des modèles. Il en existe trois types : i) les effets de l’âge : les processus physiologiques ou sociaux associés au vieillissement, par exemple la maternité ou l’ancienneté, se répercutent sur les salaires ; ii) les effets de période : certains événements (comme la crise financière mondiale) ont des conséquences au même moment sur toutes les générations, qui se trouvent cependant à des âges différents. Plusieurs autres phénomènes peuvent toucher simultanément toutes les générations à des moments différents de leur cycle de vie, par exemple la polarisation de l’emploi ou l’apparition de nouvelles formes de travail (OCDE, 2017[5]) ; ces phénomènes peuvent eux aussi fausser les comparaisons entre cohortes et, partant, l’analyse par cohorte ; iii) les effets de cohorte : le moment auquel un événement de la vie ou un événement lié au marché du travail se produit – par exemple le fait d’arriver sur le marché du travail en période de récession – peut influer sur les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes (Campbell et Pearlman, 2013[11]).
Le Graphique 6.4 présente les écarts de rémunération horaire entre hommes et femmes pour l’ensemble des travailleurs (à temps plein et à temps partiel) en fonction de l’âge pour cinq cohortes. Une cohorte regroupe tous les individus nés au cours d’une même période de cinq ans. Les périodes retenues sont : 1936‑40, 1946‑50, 1956‑60, 1966‑70 et 1976‑80. Des résultats identiques sont obtenus pour les cohortes intermédiaires, mais la juxtaposition d’un trop grand nombre de courbes rendrait le graphique illisible. Malheureusement, la réalisation d’un tel graphique exige beaucoup de données, puisqu’il faut disposer d’informations sur une très longue période. Or, dans la plupart des pays, il n’existe pas de données couvrant une période suffisamment longue pour permettre la construction de courbes des écarts de rémunération par cohorte. C’est pourquoi neuf pays seulement apparaissent sur le graphique.
La diminution de l’écart de rémunération entre les sexes s’explique principalement par l’augmentation du niveau d’études des femmes au sein des cohortes plus jeunes ; dans beaucoup de pays, les femmes jeunes font même mieux que leurs homologues masculins, si bien que l’écart de niveau d’études entre les sexes s’inverse. Toutefois, Blau et Kahn (2016[13]) constatent que si l’augmentation des compétences professionnelles des femmes – mesurée en tenant compte de la formation et de l’expérience professionnelle – est pour beaucoup dans la convergence observée au cours de la période 1980‑2000, ces variables représentant le capital humain n’expliquent aujourd’hui qu’une part négligeable de l’écart résiduel7. D’autres raisons pouvant avoir causé le resserrement de l’écart ont été décrites dans les études, notamment : la plus grande représentation des femmes dans des métiers qui ne sont traditionnellement pas considérés comme féminins (Goldin, 2004[14] ; 2006[15]) ; le rôle de la contraception, à l’origine de 10 % de la diminution de l’écart dans les années 80 et de 30 % dans les années 90 (Bailey, Hershbein et Miller, 2012[16]) ; l’augmentation du rendement des investissements des femmes dans l’acquisition de compétences professionnelles, liée à une augmentation du besoin de compétences qui leur a été plus favorable qu’aux hommes (Blau et Kahn, 1997[17]).
La courbe en U inversé est plus marquée pour les femmes peu qualifiées que pour leurs homologues très qualifiées, qui se heurtent à un plafond de verre
La forme en U inversé de la courbe représentant l’écart de rémunération en fonction de l’âge est plus évidente dans le cas des travailleurs peu qualifiés. Au Canada, aux États‑Unis et en France par exemple, l’écart de rémunération commence à se resserrer plus tôt pour les travailleurs qui ne sont pas allés au‑delà du deuxième cycle du secondaire (Graphique 6.5, partie A), que pour ceux qui ont un niveau de formation plus élevé (Graphique 6.5, partie B). Si ce constat va dans le même sens que les conclusions des études sur le « plafond de verre » et le « tuyau percé »8, il montre aussi que, dans les professions caractérisées par une évolution rapide de la rémunération, les choix que les femmes dont le niveau d’études est élevé font en début de carrière concernant leur vie professionnelle et privée pourraient avoir des conséquences qui se cumulent. Selon OCDE (2017[1]), les femmes qui n’ont pas d’enfants sont en meilleure position que les autres. Cette influence des choix effectués en début de carrière est examinée plus avant dans la section suivante.
6.2. Trajectoires professionnelles des femmes et dépendance au chemin suivi en début de carrière : le rôle des opportunités professionnelles manquées
Les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail se creusent pendant la première moitié de la vie active au moins et ne s’estompent jamais par la suite. Dans des travaux antérieurs (OCDE, 2017[1]), l’OCDE s’est intéressée à plusieurs raisons susceptibles d’expliquer la persistance des disparités entre femmes et hommes en matière de taux d’activité et de rémunération, notamment : l’absence de progrès des filles dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, ou STIM, malgré une amélioration de leur niveau général d’études ; la répartition sexuée des tâches ménagères et des tâches liées à la prise en charge des enfants ou des proches dépendants ; le manque de structures d’accueil des jeunes enfants adaptées et abordables ; l’existence de freins au travail pour le deuxième apporteur de revenu dans le système de prélèvements et de prestations ; la discrimination sexuelle ; et le nombre insuffisant de femmes occupant des postes de direction. Alors que toutes ces raisons ont été abondamment décrites dans les travaux de recherche, les trajectoires professionnelles des femmes et leurs conséquences ont été moins étudiées. Cette section tente d’apporter un éclairage sur cette question à partir d’une analyse des différences de mobilité professionnelle entre hommes et femmes, des conséquences de la naissance d’un enfant et des choix professionnels. Elle examine en particulier les conséquences à moyen et long termes de la naissance des enfants sur la propension des femmes à se retirer du marché du travail, à choisir de travailler à temps partiel ou à refuser des emplois mieux rémunérés, ainsi que les conséquences de ces choix sur l’évolution de carrière et sur l’écart de rémunération entre les sexes à différents âges.
6.2.1. La mobilité professionnelle des femmes diffère de celle des hommes
Les transitions liées à l’emploi sont moins fréquentes parmi les femmes que parmi les hommes
Surtout lorsqu’elle intervient en début de carrière, la mobilité d’emploi à emploi est un puissant moteur de progression du salaire parce qu’elle permet un meilleur appariement entre le salarié et l’emploi occupé – voir par exemple OCDE (2015[4])9. Les décisions personnelles en matière de comportement de recherche d’emploi, d’acceptation ou de refus d’un emploi, de type de contrat et de travail domestique ont une incidence sur la trajectoire professionnelle. La fécondité potentielle et effective, en particulier, peut influer sur les événements de carrière (lesquels peuvent, inversement, avoir une incidence sur la fécondité et la décision d’avoir ou non des enfants)10. Il existe diverses méthodes de mesure de la mobilité professionnelle (Encadré 6.3).
Chaque année dans les pays de l’OCDE, 16 % des individus en âge de travailler connaissent un changement de situation professionnelle : ils changent d’employeur, de quotité de travail (passant d’un temps plein à un temps partiel ou vice versa), perdent leur emploi, en trouvent ou retrouvent un, basculent dans le chômage ou l’inactivité ou réintègrent le marché du travail après une période d’inactivité. Ce pourcentage de personnes connaissant une transition professionnelle s’échelonne de 12 % voire moins en Italie, en France11, en Grèce, en Irlande et au Portugal à plus de 25 % en Finlande, en Suède et en Islande. La différence entre les sexes est relativement faible (en moyenne inférieure à 0.5 point de pourcentage) comparativement aux différences entre pays (Graphique 6.6, partie A). Les transitions professionnelles sont à l’évidence plus fréquentes parmi les actifs que parmi les inactifs : chaque année, environ un actif sur cinq connaît un changement professionnel.
Sur l’ensemble de leur vie active, les femmes connaissent en moyenne le même nombre de transitions professionnelles que les hommes – 9.6 en moyenne dans les pays de l’OCDE –, mais ces transitions sont de nature différente12. Ainsi, dans les pays de l’OCDE sauf en Allemagne, en Finlande et au Japon, les femmes connaissent moins de transitions d’un emploi à un autre (changement d’employeur, de poste ou de type de contrat) que les hommes (l’écart est de 20 % en moyenne, Graphique 6.6, partie B). En revanche, elles changent plus souvent de quotité de travail dans presque tous les pays (la différence est de 40 % en moyenne) et connaissent moins d’épisodes de chômage (la différence est de 21 % en moyenne).
Les femmes entrent plus souvent que les hommes dans l’inactivité, mais en sortent aussi plus souvent (les entrées et sorties sont 29 % plus nombreuses que pour les hommes ; Graphique 6.6, partie C). Ces allers et retours plus fréquents entre emploi et inactivité sont souvent considérés comme potentiellement préjudiciables à leur progression de carrière. Toutefois, leur plus faible mobilité entre emplois peut être très pénalisante aussi.
Des transitions professionnelles déterminantes échappent aux femmes au moment de la naissance des enfants
Les transitions liées à l’emploi jouent un rôle déterminant parce qu’elles ont un effet positif sur la croissance du revenu, en particulier pour les travailleurs jeunes (Graphique 6.7, partie A). Dans tous les pays de l’OCDE, toutes choses égales par ailleurs, elles ont un impact positif sur la rémunération13, induisant une hausse du revenu du travail de 7.8 % en moyenne. Par ailleurs, elles semblent exercer une influence plus positive lorsqu’elles se produisent en début de vie active que lorsqu’elles surviennent plus tardivement. La mobilité entre emplois au début de la vie active a des effets particulièrement nets sur la croissance des salaires ; elle permet en outre aux travailleurs de trouver un emploi correspondant mieux à leur profil, ce qui leur ouvre des perspectives de progression de carrière14. OCDE (2015[4]) montre par exemple que les 10 à 15 premières années de la vie active sont décisives pour les perspectives professionnelles à long terme et la mobilité de la rémunération.
Par conséquent, la moindre mobilité entre emplois qui caractérise les femmes en début de carrière, en particulier au moment de la naissance des enfants, contribue fortement à creuser l’écart de revenus du travail, initialement modeste, entre les sexes15. En plus d’être en moyenne un peu moins mobiles que les hommes, les femmes ne connaissent pas les transitions qui interviennent au début de la carrière des hommes et en accélèrent la progression. Plus précisément, elles manquent celles qui pourraient avoir lieu immédiatement après la naissance des enfants. De fait, les femmes qui ont des enfants de trois ans ou moins ont une probabilité de connaître une transition liée à l’emploi inférieure de 4.2 points de pourcentage à celle de leur conjoint, même lorsqu’elles travaillaient l’année précédente (Graphique 6.7, partie B). Cette mobilité entre emplois beaucoup plus faible des femmes lors de la naissance des enfants est susceptible de freiner sensiblement leur évolution de carrière16 et explique une partie de l’écart de rémunération entre les sexes qui apparaît avant 40 ans (section 6.2)17.
Encadré 6.3. Mesurer les transitions professionnelles
Plusieurs méthodes très différentes les unes des autres peuvent être employées pour mesurer la mobilité sur le marché du travail ou mobilité professionnelle. Ces méthodes font appel à des données au niveau de l’entreprise, à des données issues d’enquêtes comportant des questions rétrospectives ou à des données de panel longitudinales. Certaines de ces mesures portent sur les salariés, d’autres sur les emplois voire les contrats. Elles peuvent avoir pour but de permettre la mise en œuvre des politiques de gestion des ressources humaines ou encore de fournir des statistiques pour l’évaluation du dynamisme du marché du travail – voir, par exemple, Davis, Faberman et Haltiwanger (2006[18]); OCDE (2015[4]); Bachmann et al. (2014[19]). Dans ce chapitre, un individu est considéré comme ayant connu une transition professionnelle si sa situation sur le marché du travail a changé d’une année sur l’autre, c’est‑à‑dire s’il a changé d’employeur, de type de contrat ou de quotité de travail (passage d’un temps plein à un temps partiel et inversement), s’il a perdu son emploi ou en a trouvé ou retrouvé un, s’il a basculé dans le chômage ou l’inactivité ou s’il a réintégré le marché du travail après une période d’inactivité. Les données de panel sur courte période permettant de suivre les individus sur trois à quatre ans, il est possible de reconstruire des calendriers mensuels à partir de questions rétrospectives et de repérer toute transition mensuelle intervenue au cours de l’année par rapport à la situation professionnelle de l’individu en janvier. Une même personne peut donc connaître plusieurs transitions d’une année sur l’autre.
6.2.2. Déterminer l’influence de la naissance des enfants sur la carrière des femmes
L’effet de la naissance des enfants sur l’offre de main‑d’œuvre féminine est très variable selon les pays
La naissance et l’éducation des enfants pénalisent beaucoup plus la carrière des femmes que celle des hommes (OCDE, 2017[1]). Les femmes qui ont des enfants sont plus susceptibles que celles qui n’en ont pas d’avoir une quotité de travail plus faible, de percevoir une rémunération inférieure à celle des hommes ou de choisir d’arrêter de travailler. à l’inverse, les hommes ont généralement une probabilité plus forte de travailler après la naissance d’un enfant (OCDE, 2016[20]). La naissance et l’éducation d’un enfant influent sensiblement sur la situation des femmes au regard de l’activité, mais l’élasticité de l’offre de main‑d’œuvre des mères varie beaucoup d’un pays à l’autre et dépend en grande partie des politiques sociales et familiales, des normes sociales relatives au travail des mères et à leur rôle dans l’éducation des enfants18, de l’existence de structures d’accueil pour les jeunes enfants et de leur coût, ainsi que du taux d’imposition marginal appliqué au second apporteur de revenu.
Alors que la situation au regard de l’activité des femmes sans enfant est semblable à celle des hommes dans beaucoup de pays – voir OCDE (2018[6]) –, celle des femmes avec enfant est très différente, même s’il existe des disparités non négligeables d’un pays à l’autre. Le Graphique 6.8présente de manière détaillée la situation au regard de l’activité des femmes à différents âges selon qu’elles ont ou non des enfants dans six pays de l’OCDE représentatifs. La partie A montre qu’en Hongrie, tout comme en Estonie, en République slovaque, en République tchèque et, dans une moindre mesure, aux États‑Unis et en Pologne, une forte proportion de jeunes mères est inactive mais accède (parfois de nouveau) au marché du travail ensuite. La partie B montre qu’aux Pays‑Bas, de même qu’en Autriche, l’arrivée d’un enfant se traduit en premier lieu par un recours important au travail à temps partiel. En Allemagne (partie C) comme en Australie, en Irlande et au Royaume‑Uni, les deux comportements se manifestent. Dans les pays qui appliquent des politiques sociales très favorables à la famille, comme la France (partie D), la Belgique, l’Espagne, la Lettonie, le Portugal et la Slovénie, la situation au regard de l’activité des femmes qui ont des enfants se rapproche de celle des femmes qui n’en ont pas. Toutefois, dans ces pays, il arrive que la maternité conduise les femmes à abandonner leurs études, ce qui aura plus tard des conséquences sur leur carrière. En Corée (partie E), au Japon et dans une moindre mesure au Luxembourg, alors que le taux d’activité des jeunes femmes est très élevé, les femmes cessent de travailler à la naissance d’un enfant et réintègrent le marché du travail plus tard. Enfin, au Mexique et en Turquie (partie F), une forte proportion de femmes n’accède jamais au marché du travail : le taux d’emploi des femmes sans enfant est particulièrement faible, même s’il est deux fois plus élevé que celui des femmes qui ont des enfants.
Juhn et McCue (2017[12]) proposent un recensement des travaux de recherche consacrés à l’effet pénalisant de la maternité sur le revenu d’activité et à l’écart de rémunération lié à la formation d’une famille. Elles montrent qu’à caractéristiques égales sur le plan du capital humain, les femmes qui ont des enfants perçoivent un salaire nettement inférieur à celui des femmes sans enfant. Cet effet pénalisant de la maternité correspond à une différence comprise entre 5 et 15 points de logarithme environ entre les mères et les femmes sans enfant19. Il se fait de surcroît sentir durablement, les écarts de salaire s’ajoutant les uns aux autres, en particulier pour les femmes qualifiées. Ainsi, Wilde, Batchelder et Ellwood (2010[21]) constatent des écarts de rémunération plus élevés, s’établissant à 17 points de logarithme, dix ans ou plus après la naissance. Chacune de ces études se fonde sur la rémunération horaire plutôt qu’annuelle. Or, les écarts de rémunération annuelle sont encore plus grands, les mères ayant une probabilité plus forte de ne travailler qu’à temps partiel, qu’une partie de l’année ou de ne pas travailler du tout. C’est dans les pays germanophones que la contribution moyenne des mères, salariée ou indépendante, au revenu d’activité total des ménages est la plus faible. Viennent ensuite les pays du Sud du Bassin méditerranéen. En France, en Suède et au Danemark, la contribution des mères au revenu du ménage est supérieure à 35 % en moyenne (OCDE, 2017[22]).
Kleven et al. (2018[23]) montrent à partir de données administratives danoises qu’à long terme, l’arrivée des enfants entraîne une baisse de 21 % du revenu d’activité des femmes, imputable à parts plus ou moins égales à une baisse du taux d’activité, de la durée de travail et du montant du salaire. à l’évidence, la naissance d’un enfant a des effets durables sur la profession, la promotion à un poste d’encadrement et la propension des entreprises à appliquer des politiques familiales plus favorables aux femmes. Le résultat le plus marquant est que cet effet négatif s’aggrave au fil du temps, la part de l’écart entre les sexes due à la présence d’enfants passant de 30 % en 1980 à 80 % en 2011, soit une forte hausse qui laisse penser que les autres causes d’inégalité entre les sexes ont en grande partie disparu.
Les effets durables du retrait des femmes du marché du travail à la naissance d’un enfant
Dans la plupart des pays, une forte proportion des mères cesse de travailler. Ce retrait a des effets durables sur leur carrière en raison du temps passé à l’extérieur du marché du travail mais aussi des opportunités de progression de carrière manquées20. Le Graphique 6.9 présente des estimations de l’effet de la naissance d’un enfant sur l’emploi des femmes, après prise en compte de diverses caractéristiques individuelles. La probabilité d’occuper un emploi est estimée sur une période de sept ans suivant la naissance de l’enfant21. Il existe de fortes disparités entre les pays s’agissant du retrait des femmes du marché du travail lors de la naissance d’un enfant. Ainsi, ce retrait : i) est massif et relativement durable (d’une durée supérieure à trois ans) dans les neuf pays représentés dans la partie A (Allemagne, Australie, Autriche, Estonie, Finlande, Hongrie, Corée, République slovaque, République tchèque) ; ii) est de moyenne ou grande ampleur mais est peu durable (un an seulement) au Danemark, en Islande, en Lettonie, au Luxembourg et en Norvège (partie B) ; ou iii) est d’ampleur moyenne au départ mais dure très longtemps dans les huit pays figurant dans la partie C (Belgique, États-Unis, France, Grèce, Irlande, Italie et Pologne et Royaume‑Uni) ; ou, iv) est de très faible ampleur dans les six pays apparaissant dans la partie D (Espagne, Lituanie, Pays‑Bas, Portugal, Slovénie et Suède), ce qui pourrait être le résultat de politiques sociales visant à empêcher que les femmes ne s’éloignent du marché du travail.
Par ailleurs, l’impact de la naissance d’un enfant sur les transitions liées à l’emploi des femmes se fait sentir très longtemps. Le Graphique 6.10 présente la probabilité cumulée de connaître une transition d’emploi à emploi (changement d’employeur, de modalités d’emploi ou de contrat), estimée sur sept années consécutives à partir de données de l’enquête de panel australienne Household, Income and Labour Dynamics in Australia (HILDA), qui permet de suivre les personnes interrogées sur une longue période (Encadré 6.1). Lorsqu’il existe un déficit de progression de carrière de 12 points environ pour le changement d’employeur la première année suivant la naissance de l’enfant, l’effet cumulé sur les six années suivantes est une probabilité de changement inférieure de 25 points de pourcentage pour le changement d’employeur et de 35 points pour le changement de contrat ou de quotité de travail. à l’inverse, les femmes sans enfant ont une probabilité de connaître une transition identique à celle des hommes. Or, comme souligné précédemment, les transitions liées à l’emploi sont décisives pour la progression de carrière et la croissance de la rémunération. En conséquence, leur moindre fréquence après la naissance d’un enfant est le signe que la maternité limite sensiblement et durablement les perspectives professionnelles des femmes.
Le travail à temps partiel peut être un moyen d’empêcher les retraits du marché du travail…
Alors que certaines femmes cessent totalement de travailler à la naissance des enfants, beaucoup d’autres choisissent d’adapter leur vie professionnelle de manière à disposer de suffisamment de temps pour assumer leurs obligations familiales. Ainsi, une proportion non négligeable de femmes âgées de 30 à 44 ans choisit de travailler à temps partiel, soit en conservant le même poste (au sein de la même entreprise) soit en changeant d’emploi. Liu (2015[24]) montre par exemple qu’aux États‑Unis, la préférence pour le temps partiel augmente avec le mariage et le nombre d’enfants chez les femmes, ce qui n’est pas le cas chez les hommes.
Le Graphique 6.11 montre l’évolution à court, moyen et long terme de la quotité de travail des femmes après la naissance d’un enfant, mesurée par le pourcentage de femmes travaillant à temps partiel au sein du groupe formé par l’ensemble des femmes d’âge actif (occupant un emploi ou non). En Australie, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Islande et aux Pays‑Bas (partie A), le pourcentage de femmes qui occupent un poste à temps partiel augmente durablement et fortement après la naissance des enfants (de plus de 10 points de pourcentage). Dans ces pays, le recours au travail à temps partiel augmente progressivement jusqu’au cinquième anniversaire de l’enfant environ et diminue à l’âge de la scolarisation en primaire. En Espagne, en Estonie, aux États‑Unis, en Italie, au Luxembourg, en Norvège, au Royaume‑Uni et en Slovénie (partie B), le nombre de femmes qui recourent au temps partiel augmente également fortement après la naissance (de plus de 4 points de pourcentage), mais cette hausse ne varie que peu en fonction de l’âge du dernier enfant. En Allemagne, en Belgique, en France, en Irlande et en Suède (partie C), le recours au temps partiel n’est pas directement lié à l’arrivée d’un enfant : l’écart de taux d’emploi à temps partiel entre hommes et femmes est grand, même pour les femmes sans enfant, mais demeure globalement stable après la naissance des enfants. Enfin, en Corée, en Grèce, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, au Portugal, en République slovaque et en République tchèque (partie D), rares sont les femmes qui utilisent le travail à temps partiel comme variable d’ajustement. Dans certains de ces pays (par exemple dans beaucoup de pays d’Europe de l’Est), le retrait pur et simple du marché du travail après la naissance est le choix le plus fréquent. Le travail à temps partiel pouvant faciliter la conciliation des obligations familiales et de l’exercice d’un emploi rémunéré, il est permis d’avancer que ces pays auraient intérêt à prendre des mesures pour favoriser le travail à temps partiel et permettre aux femmes de disposer d’une plus grande souplesse en matière de temps de travail.
…mais comme le retrait du marché du travail, le travail à temps partiel peut compromettre la carrière des femmes
Si le recours accru au travail à temps partiel pendant les premières années suivant la naissance d’un enfant est un moyen d’éviter un retrait complet du marché du travail, le travail à temps partiel peut aussi se transformer en piège et freiner la progression de carrière des femmes. Les femmes qui exercent leur activité à temps partiel connaissent nettement moins de transitions professionnelles que leurs homologues de sexe masculin (l’écart est en moyenne de 7 points de pourcentage), ce qui risque de freiner leur mobilité ascendante tout au long de leur carrière22. Le travail à temps partiel aide certes à concilier vie professionnelle et vie privée, mais il se transforme en situation définitive pour beaucoup de femmes, alors qu’il reste généralement transitoire pour les hommes23. Dans les pays concernés, le passage à temps partiel accroît l’écart de revenus du travail entre hommes et femmes au sein de la famille, ce qui pourrait plaider en faveur d’une diminution des incitations budgétaires encourageant cette forme de travail (voir la section 6.4).
Dans l’ensemble, la carrière des femmes, en particulier de celles qui ont des enfants, est plus courte et se caractérise par une intensité de travail plus faible que celle des hommes
Ces conséquences durables de la naissance d’un enfant sur l’offre de main‑d’œuvre raccourcissent beaucoup la durée nette de la carrière des mères (Graphique 6.12)24 : la durée de leur carrière en nombre d’années est inférieure de 46 % à celle des hommes et d’environ 20 % à celle des femmes sans enfant (partie A)25. L’écart de durée de carrière entre femmes et hommes étant en moyenne plus de deux fois plus grand parmi les parents, il est permis de penser que la parentalité est, de loin, le principal facteur qui explique les différences de durée de carrière entre les sexes. Globalement, l’écart de durée de carrière entre hommes et femmes est très faible en République tchèque, au Danemark et en Suède, tandis qu’il est très grand dans les pays du Sud de l’Europe (Italie, Espagne et Grèce). La parentalité a un impact limité (entraînant une diminution de 10 % de la durée totale de la carrière) en République tchèque, en Suède, au Danemark, en Pologne et en Grèce, tandis qu’elle réduit cette durée d’un tiers en Autriche, en Suisse, en Irlande, en Italie et en Espagne.
Par ailleurs, la carrière des femmes est quatre fois plus susceptible que celle des hommes d’inclure du travail à temps partiel et des périodes de flexibilité du temps de travail (partie B du Graphique 6.12). En Autriche, en Belgique, au Danemark, en France, en Grèce, aux Pays‑Bas, en Suède et en Suisse, la naissance d’un enfant entraîne une très forte hausse du recours au travail à temps partiel. En revanche, en Allemagne, en Irlande, en Italie, en Pologne et en République tchèque, la différence entre les femmes qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas est faible et le lien entre le travail à temps partiel et l’arrivée d’un enfant est plus ténu. Néanmoins, en Allemagne, aux Pays‑Bas et en Suisse, les périodes de travail à temps partiel ou de flexibilité du temps de travail occupent un cinquième de la carrière des femmes, même lorsqu’elles n’ont pas d’enfant, ce qui reflète une préférence nationale pour le temps partiel, l’existence de mécanismes dissuasifs dans le système de prélèvements et de prestations et/ou un recours limité aux structures d’accueil périscolaire (section 6.4)26.
6.3. Vers une évaluation globale des inégalités entre les sexes sur le marché du travail
6.3.1. L’écart de revenus du travail entre femmes et hommes
Les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail constituent un défi multiforme pour les pouvoirs publics (OCDE, 2017[1] ; 2017[5]). L’écart de revenus du travail examiné dans cette section est un indicateur simple qui renseigne sur l’élément qui joue le plus grand rôle dans les inégalités sur le marché du travail. De fait, le niveau plus faible du revenu du travail des femmes a des conséquences sur leur pouvoir de négociation au sein du ménage, sur les ressources dont elles disposent en cas de divorce et sur le montant de la pension et le niveau de vie des veuves une fois qu’elles ne peuvent plus compter sur le revenu de leur conjoint (OCDE, 2017[25]). L’écart de revenus du travail synthétise en un chiffre trois dimensions complémentaires de la situation des femmes sur le marché du travail : l’écart de taux d’emploi, de nombre d’heures travaillées et de rémunération horaire. Comme souligné dans les parties précédentes, chacune de ces trois dimensions peut concourir à expliquer les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail. Décomposer ces inégalités en leurs éléments constitutifs permet donc d’identifier la principale source d’inégalité sur le marché du travail dans chaque pays. Dans la section suivante, des moyens d’action adaptés à chaque contexte sont proposés, en fonction de la source des inégalités dans le pays.
La taille de l’écart de revenus du travail varie sensiblement selon les pays (Graphique 6.13, partie A)27. Lorsque l’analyse tient compte de toutes les femmes (c’est‑à‑dire ne se limite pas à celles qui travaillent à temps plein), c’est dans les pays d’Asie de l’Est et d’Amérique latine que l’écart est le plus grand (Japon, Corée, Mexique et Chili). Il est également relativement important (supérieur à 40 %) dans beaucoup de pays méditerranéens, dans les pays germanophones, dans les grands pays anglophones, aux Pays‑Bas et en République tchèque. Les pays nordiques et d’Europe de l’Est et le Portugal sont les pays qui affichent l’écart le plus faible (inférieur à 30 %).
Une décomposition de l’écart de revenus du travail (Encadré 6.4) peut être utile à la mise au point de stratégies de réduction des inégalités hommes‑femmes sur le marché du travail. L’écart total peut être décomposé en trois éléments : i) l’écart de taux d’emploi entre les sexes (marge extensive) ; ii) l’écart de durée de travail (le recours plus fréquent des femmes au temps partiel – marge intensive) ; et iii) l’écart de rémunération horaire. Les écarts de rémunération habituellement cités dans les publications de l’OCDE sont très différents de l’écart de revenus du travail, notamment parce qu’ils ne sont calculés qu’à partir du salaire horaire et ne tiennent compte que des travailleurs à temps plein. La publication OCDE (2017[1]) fournit sur cette base un éclairage intéressant, analysant l’écart entre les sexes à différents niveaux de l’échelle des salaires. Les deux approches portent sur deux populations très différentes l’une de l’autre et sont donc complémentaires.
La partie A du Graphique 6.13 présente l’écart de revenus du travail décomposé en ses trois éléments constitutifs. Les écarts de taux d’emploi et de salaire horaire sont, de loin, les deux composantes qui jouent le plus grand rôle dans l’écart de revenus du travail (chacune en explique 40 % environ). En revanche, le recours plus fréquent des femmes au temps partiel et l’écart de nombre d’heures travaillées entre hommes et femmes qui en résulte n’en expliquent que 20 %.
L’écart de revenus du travail a régressé dans presque tous les pays ces dix dernières années, et le resserrement de l’écart de taux d’emploi en est indéniablement la principale cause (Graphique 6.13, partie B). En moyenne, peu de progrès ont été réalisés dans les deux autres dimensions, ce qui est en partie dû à un changement de composition de la population active féminine (des femmes relativement peu qualifiées et employables ayant rejoint la population active ces dernières années, et certaines d’entre elles devant se résoudre à travailler à temps partiel).
6.3.2. écart de revenus du travail selon le niveau d’études et la classe d’âge
Les femmes qui ont un faible niveau d’études éprouvent plus de difficultés que les autres à combler l’écart avec les hommes
Les femmes qui ont un faible niveau d’études sont confrontées à des inégalités plus grandes sur le marché du travail (Graphique 6.14, partie A) : dans presque tous les pays, leur revenu du travail est nettement inférieur à celui des hommes dont le niveau d’études est faible. La principale cause de ce clivage lié au niveau d’études est un important écart de taux d’emploi (partie B), qui pèse plus lourd que le fait qu’en moyenne, l’écart de rémunération entre femmes et hommes est plus faible au sein de la population qui a un faible niveau d’études (partie D et section 6.1.2). C’est en Belgique, au Canada, en Espagne, en Grèce, en Irlande, en Italie, en Lettonie, au Mexique, en Pologne, aux Pays‑Bas et en Turquie que les femmes peu instruites éprouvent le plus de difficultés à combler l’écart avec les hommes (il existe une différence de 20 points de pourcentage entre l’écart de revenus du travail caractérisant les femmes qui n’ont pas achevé le deuxième cycle du secondaire et celui calculé pour les femmes qui ont suivi des études supérieures).
Encadré 6.4. Décomposition de l’écart de revenus du travail entre les sexes
L’écart de revenus du travail par tête (noté GGLI pour Gender Gap in Labour Income) correspond à la différence entre le revenu du travail total des hommes (calculé pour la population masculine âgée de 20 à 64 ans) et celui des femmes (calculé pour la population féminine de la même classe d’âge). Le revenu du travail englobe la rémunération mensuelle des salariés – salaire de base, primes, paiement des heures supplémentaires, paiements complémentaires (treizième mois de salaire), congés payés – et les prestations en espèces perçues par les travailleurs indépendants. Cet écart de revenus du travail peut lui‑même être décomposé en trois éléments : l’écart de taux d’emploi, l’effet du travail à temps partiel et l’écart de revenu d’activité en équivalent temps plein. Ce dernier élément peut à son tour être subdivisé en plusieurs composantes : rendement des caractéristiques individuelles des travailleurs, des caractéristiques de l’emploi, secteur et profession et résidu inexpliqué.
Cette décomposition permet de réaliser une évaluation globale de la place et du rôle des femmes sur le marché du travail et de formuler des recommandations pour l’action publique. L’indicateur est exhaustif en ce qu’il mesure à la fois le taux d’emploi et le revenu d’activité. Il est inclusif parce qu’il tient compte des populations masculine et féminine dans leur ensemble, plutôt que de la seule population travaillant à temps plein. Enfin, il est analytique, parce qu’il permet aux décideurs publics de comparer le poids relatif de chaque élément et d’identifier facilement la première cause d’inégalité contre laquelle ils doivent agir.
L’écart de revenus du travail par tête (GGLI) peut être décomposé ainsi :
où : est l’écart de taux d’emploi (différence entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes, divisée par le taux d’emploi des hommes), l’écart de revenu d’activité total (total earnings gap) est l’écart entre le revenu du travail mensuel total des travailleurs occupés de sexe féminin et de sexe masculin. La présence de la composante est due au fait que l’écart de revenu d’activité total est calculé sur la base de la population active, alors que l’écart de revenus du travail est calculé à partir de la population dans son ensemble (âgée de 20 à 64 ans dans les deux cas).
Suivant l’analyse de la ségrégation professionnelle en France réalisée par Chamkhi et Toutlemonde (Chamkhi et Toutlemonde, 2015[26]), l’écart de revenu d’activité total (total earnings gap) est lui‑même décomposé en écart salarial horaire () et écart de volume horaire (, égal à la différence entre l’écart de revenu d’activité total et l’écart salarial horaire ).
est calculé sur la base d’une estimation du revenu équivalent temps plein, qui dépend des seuils spécifiques à chaque pays pour la définition du travail à temps plein (40 heures dans tous les pays sauf en Belgique [39 heures] et en France [35 heures]). Au‑delà de ce seuil, les revenus du travail sont conservés tels qu’ils se présentent, tandis qu’en deçà, ils sont convertis en revenu équivalent temps plein. On effectue cette conversion en multipliant le revenu du travail par le seuil national fixé pour la définition du temps plein et en divisant le résultat par le nombre d’heures habituellement travaillées au cours de la semaine de référence. La composante correspond donc à la contribution du nombre plus faible d’heures travaillées par les femmes (marge intensive) à l’écart de revenus du travail total entre hommes et femmes.
L’écart salarial horaire peut être décomposé au moyen de la méthode d’Oaxaca‑Blinder entre , composante expliquée par les caractéristiques individuelles des travailleurs (âge, niveau d’études), , une composante expliquée par les caractéristiques de l’emploi observables (taille de l’entreprise et type de contrat) et , une composante expliquée par la profession et le secteur. Le résidu est la composante non expliquée (, correspondant à divers facteurs non observables.
Tous les résultats de cette décomposition plus fine sont présentés dans OCDE (2018[6]).
Les inégalités entre les sexes sur le marché du travail se creusent au cours du cycle de vie
Le Graphique 6.15 présente l’écart de revenus du travail séparément pour trois classes d’âge et montre que dans une grande majorité de pays, il augmente fortement avec l’âge, ce qui confirme l’analyse des sections 6.1 et 6.2. Cependant, comme précisé précédemment, les données en coupe transversale utilisées pour construire le Graphique 6.15 sont aussi affectées par des effets de cohorte qui amplifient l’inclinaison de la courbe reliant l’âge et l’écart de revenus du travail. Ce lien peut résulter de quatre processus différents : i) le retrait du marché du travail d’une forte proportion de femmes à l’âge de la maternité, parmi lesquelles beaucoup restent ensuite longtemps voire définitivement inactives – sections 6.1.1 et 6.2.2 ; ii) le fait que le recours au temps partiel devienne la norme plus tard dans la carrière des femmes dans certains pays – section 6.1.1, section 6.2.2 et OCDE (2018[6]) ; iii) l’allure de la courbe qui relie l’âge et l’écart salarial parmi les travailleurs à plein temps – section 6.1.2 ; et iv) les effets de cohorte, à savoir que les femmes appartenant à des cohortes plus âgées sont moins nombreuses à faire partie de la population active et sont nettement moins bien rémunérées que les hommes de la même génération – voir, en particulier, la section 6.1.2.
Dans la plupart des pays, l’écart de rémunération horaire moyen (calculé sans tenir compte de la profession) augmente à l’âge de la maternité, mais reste globalement stable ensuite (partie B). Parmi les jeunes, il n’explique que 20 % de l’écart de revenus du travail total et il est même proche de zéro, voire négatif, dans beaucoup de pays (partie D). Par ailleurs, l’âge ne joue qu’un faible rôle dans l’écart de nombre d’heures travaillées.
La variation de l’écart de revenus du travail en fonction de l’âge diffère considérablement selon les pays. L’écart augmente très fortement avec l’âge en Corée, au Japon, au Luxembourg, aux Pays‑Bas et en Suisse (il est plus de 40 points de pourcentage plus élevé parmi les personnes de 45 ans et plus que parmi celles de 20 à 29 ans). Le niveau des composantes de l’écart de revenus du travail à différents âges permet de mieux comprendre l’évolution de cet écart en fonction de l’âge et les raisons pour lesquelles elle diffère tant d’un pays de l’OCDE à l’autre. Au Chili, en Corée, en Grèce, en Italie, au Japon, au Mexique et en République tchèque, quel que soit l’âge, l’écart de revenus du travail est dû à un écart de taux d’emploi extrêmement grand : une forte proportion des femmes ne fait pas partie de la population active. En Hongrie, en Pologne, en République slovaque et en République tchèque, les femmes restent absentes du marché du travail pendant plusieurs années après la naissance des enfants (section 6.2.2) parce qu’elles ont droit à un long congé parental. Toutefois, peu de femmes recourant au temps partiel après la naissance, il serait possible d’aider davantage les femmes à concilier vie professionnelle et familiale. En Corée, en Italie et en Grèce, les femmes ont leur premier enfant relativement tard (à plus de 30 ans en moyenne, ce qui classe ces pays en tête des pays de l’OCDE – voir OCDE (2018[6])). Dans ces pays, elles travaillent en général pendant plusieurs années avant de concevoir leur premier enfant, mais lorsqu’elles fondent une famille, leur retrait du marché du travail est souvent définitif. En République tchèque au contraire, beaucoup de femmes commencent par avoir des enfants (l’âge moyen de la première naissance s’établissait à 28.1 ans en 2014) et n’accèdent au marché du travail que tardivement, une fois leurs enfants scolarisés. Les jeunes femmes tchèques avec enfant affichent l’un des taux d’activité les plus faibles de l’OCDE (20 % environ), ce qui montre qu’il existe des obstacles à la participation des femmes au marché du travail.
En Allemagne, en Australie, en Autriche, en Belgique, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays‑Bas, au Royaume‑Uni et en Suisse, les inégalités entre les sexes sont fortes, mais l’écart de taux d’emploi est de taille moyenne, en revanche, les femmes contribuent beaucoup moins que les hommes au revenu du ménage parce qu’elles travaillent souvent à temps partiel (voir Graphique 6.14). Le recours au travail à temps partiel constitue souvent un moyen pour les femmes qui ont des enfants de rester sur le marché du travail, d’où sa fréquence (voir section 6.2.2) ; toutefois, en Allemagne, en Australie, en Irlande, aux Pays‑Bas et au Royaume‑Uni, le travail à temps partiel est également très répandu parmi les femmes sans enfant (14 % au moins).
Enfin, la différence de rémunération horaire est pour beaucoup dans l’important écart entre les sexes observé en Corée et au Japon. Toutefois, en Corée, il est relativement limité parmi les jeunes mais connaît une augmentation spectaculaire avec l’âge (voir également la section 6.1.2). Il joue également un rôle déterminant dans beaucoup de pays nordiques, où l’écart de revenus du travail total reste limité. C’est notamment le cas en Islande et en Norvège, qui feraient partie des pays de l’OCDE où l’écart de revenus du travail est le plus faible si l’écart de rémunération n’était pas relativement grand.
6.3.3. Ségrégation professionnelle
Dans les pays de l’OCDE, les hommes et les femmes continuent d’exercer des professions différentes dans des secteurs différents (OCDE, 2017[1]), à savoir que la main‑d’œuvre féminine reste surreprésentée dans le secteur des services, notamment dans le commerce de détail, le secteur de la santé et du travail social. Ainsi, en 2015, 84 % des femmes actives étaient employées dans le secteur des services (contre 60.7 % des hommes), 11.6 % dans le secteur de l’industrie (32.6 % des hommes) et 4 % dans le secteur de l’agriculture (6.3 % des hommes). Cette ségrégation professionnelle a plusieurs origines : i) un phénomène d’autosélection du côté de l’offre, les femmes s’orientant d’elles‑mêmes vers certaines professions ou certains secteurs28 (sous‑représentation dans le domaine des STIM, choix de début de carrière et maternité, écart avec les hommes en matière d’entrepreneuriat) ; et ii) du côté de la demande, les préférences des employeurs.
Décomposer l’écart de rémunération horaire au moyen de la méthode d’Oaxaca‑Blinder (voir Encadré 6.4) permet d’apprécier la contribution des caractéristiques individuelles et de celles de l’emploi, ainsi que des différences de profession ou de secteur entre les sexes aux écarts de rémunération horaire entre femmes et hommes29. En moyenne, les différences de caractéristiques individuelles sont favorables aux femmes (sans cet effet de composition, l’écart de revenus du travail serait supérieur de 3.9 %), principalement du fait de leur niveau d’études plus élevé. Toutefois, cet effet est annulé par l’impact exactement équivalent de la ségrégation professionnelle ou sectorielle, qui fait augmenter les inégalités de 3.9 %. La ségrégation professionnelle et sectorielle joue un rôle important dans le cas de la France, de l’Islande, de la Norvège et du Royaume‑Uni30. Au contraire, la taille de l’entreprise et le type de contrat jouent un rôle important dans l’écart de rémunération entre les sexes au Japon.
6.4. Comment combler les inégalités entre les sexes sur le marché du travail ?
Les pouvoirs publics doivent sans doute définir des priorités différentes en fonction des éléments qui pèsent le plus dans l’écart de revenus du travail dans un pays donné, ce qui signifie que leurs réponses doivent être conçues en fonction des spécificités nationales. Ainsi, dans quelques pays, le plus urgent reste de faire progresser le taux d’activité des femmes de manière à réduire l’écart de taux d’emploi31. Toutefois, cette réduction se fait parfois au prix d’un recours accru au temps partiel par les femmes qui ont des enfants. Pour que ce recours au temps partiel soit socialement positif, il faut qu’il résulte d’un choix et non de normes sociales contraignantes, du manque de structures d’accueil des jeunes enfants ou d’une demande de main‑d’œuvre féminine insuffisante. Dès lors, les pays où le temps partiel devient souvent pénalisant pour la carrière des femmes pourraient envisager d’adopter des mesures de nature à en atténuer l’effet sur le revenu d’activité féminin32 et à faire reculer le travail à temps partiel subi – l’objectif étant que les femmes puissent choisir librement leur quotité de travail et dépendent le moins possible du revenu du « principal apporteur de revenu ». Dans d’autres pays, même lorsqu’elles ne réduisent pas leur temps de travail, les femmes ne sont pas en mesure de saisir certaines opportunités professionnelles au moment de la naissance des enfants du fait qu’elles assument une part plus lourde des obligations familiales. Dans ces pays, les pouvoirs publics devraient avoir pour priorité de les décharger d’une partie de ces obligations. Quoi qu’il en soit, même si l’arsenal de mesures peut différer selon les priorités, les pouvoirs publics doivent chercher à agir sur les mécanismes qui dissuadent de travailler les femmes contraintes de s’occuper de leurs enfants, à offrir des services et un soutien adaptés aux familles qui ont des enfants en bas âge et à améliorer l’égalité des chances et la souplesse des dispositifs existants, afin que les femmes aient plus de possibilités sur le marché du travail et puissent faire librement leurs choix professionnels33. Les instruments qui composent cet arsenal sont présentés l’un après l’autre.
Réduire les contre-incitations financières au travail : les contre-incitations au travail et les obstacles à l’activité des femmes jouent un rôle déterminant dans la division du travail entre les sexes et dans l’écart de revenus du travail. En conséquence, il est essentiel de créer des mécanismes incitatifs adaptés pour encourager les femmes, en particulier celles qui ont des enfants, à travailler surtout dans les pays où les écarts de taux d’emploi et/ou de nombre d’heures travaillées sont grands. La suppression des freins inhérents au système de prélèvements et de prestations doit également être une priorité dans les pays où il est urgent d’améliorer la situation sur le marché du travail des femmes qui se situent au bas de l’échelle socioéconomique, étant donné qu’elles sont concernées au premier chef par ces contre-incitations.
Offrir des congés rémunérés adaptés. Beaucoup de pays de l’OCDE ont instauré des dispositifs de congé rémunéré généreux en faveur des parents en cas de naissance d’un enfant – voir OCDE (2018[6]). Le congé de maternité et le congé parental sont des outils importants, qui aident les mères à concilier l’éducation des enfants et leurs obligations professionnelles et améliorent l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle pour les femmes comme pour les hommes (OCDE, 2017[1]). Dans les pays de l’OCDE, l’existence d’un congé parental rémunéré va de pair avec un taux d’activité des femmes plus élevé, parce que ce type de dispositif incite à travailler avant d’avoir des enfants (pour remplir les conditions d’ouverture des droits) et offre aux femmes l’assurance d’avoir un emploi après la naissance (OCDE, 2017[1]). Les dispositifs de congé ont un fort impact sur le taux d’emploi des mères, même si les congés trop longs peuvent distendre leur lien avec le marché du travail et être préjudiciables – voir section 6.2.2 et Olivetti et Petrongolo (2016[27]). Tous les pays de l’OCDE sauf les États‑Unis sont dotés de dispositifs nationaux garantissant le droit des mères à un congé de maternité indemnisé.
Éliminer les mécanismes contre-incitatifs présents dans le système de prélèvements et de prestations, à travers des mesures destinées à rendre le travail « rentable »34 et une individualisation de la fiscalité. Dans beaucoup de pays, le système fiscal est peu incitatif pour le deuxième apporteur de revenu faiblement rémunéré à cause du niveau élevé du taux effectif marginal d’imposition qui lui est appliqué quand il passe du non‑emploi à l’emploi – ou taux d’imposition de l’activité – OCDE (2018[6]). Ainsi, après diverses retenues et modifications du montant de ses prestations, le parent deuxième apporteur de revenu qui perçoit une faible rémunération ne conserve en réalité que 40 % de son revenu d’activité brut supplémentaire. La dégressivité des prestations et son interaction avec les règles fiscales peuvent être lourdes de conséquences pour les parents isolés et les ménages au sein desquels un seul membre du couple travaille. En fait, la réduction progressive des prestations d’aide sociale, des prestations familiales et des allocations logement porte le taux effectif marginal d’imposition à un niveau proche de 100 %, en particulier pour les familles de deux enfants ne comptant qu’un apporteur de revenu. Dans beaucoup de pays, du fait d’une neutralité fiscale imparfaite, il est plus coûteux de partager le travail de manière égalitaire entre les membres du ménage (par exemple sous la forme de deux emplois à temps partiel représentant une durée de travail proche d’un temps plein) que de le partager de manière inégalitaire (par exemple sous la forme d’un emploi à temps plein et d’un emploi à temps partiel comptant un petit nombre d’heures de travail). Tel est notamment le cas au Chili, en Belgique et en France pour les ménages modestes et en Allemagne et en Suisse pour les ménages à revenu moyen – voir OCDE (2018[6]).
Réduire les frais d’accueil des jeunes enfants. Les frais de garde des enfants demeurent très élevés dans certains pays de l’OCDE (OCDE, 2018[6]), ce qui affaiblit encore les incitations financières au travail et rend moins intéressant l’exercice d’une activité (OCDE, 2017[1]). Ces coûts élevés constituent un obstacle à l’emploi rémunéré pour les deuxièmes apporteurs de revenu et les parents isolés, en particulier dans les ménages où la femme a un niveau d’études bas et ne peut espérer qu’une faible rémunération. De fait, en moyenne dans les pays européens de l’OCDE, plus d’une femme sur cinq ayant un enfant en bas âge et n’exerçant pas d’activité économique déclare que l’absence de solution de garde abordable l’empêche de chercher un emploi (OCDE, 2016). Ce coût élevé de la garde des enfants augmente considérablement le taux effectif marginal d’imposition pour le deuxième apporteur de revenu lors du passage du non‑emploi à l’emploi – voir OCDE (2018[6]). De surcroît, dans beaucoup de pays, l’effet sur le taux marginal d’imposition est également non négligeable lorsque le deuxième apporteur de revenu augmente sa quotité de travail (Eurofound, 2016[28]).
Fournir un soutien et des services adaptés, y compris en assouplissant les dispositifs existants. Pour que les femmes puissent réellement décider librement de prendre un congé ou de travailler, il est indispensable de mettre à leur disposition des solutions pour la prise en charge des jeunes enfants. De fait, le temps consacré aux tâches domestiques influe sur celui passé à travailler et vice versa. Bien que la forte augmentation du taux d’activité des femmes observée ces dernières décennies soit allée de pair avec une diminution du temps consacré aux travaux non rémunérés liés à l’entretien de la maison et à l’éducation des enfants, les femmes continuent d’assumer l’essentiel des tâches non rémunérées et passent beaucoup plus de temps avec leurs enfants que les pères. En outre, même si les tâches liées à la prise en charge des parents âgés s’effectuent en grande partie en dehors du foyer, les deux tiers des aidants familiaux informels sont des femmes, et l’aide informelle est particulièrement fréquente dans les pays où les aidants rémunérés sont relativement peu nombreux (OCDE, 2013[29]). Le fait que les femmes assument l’essentiel de la prise en charge des enfants peut les dissuader de travailler à plein temps et peut dissuader les employeurs de recruter des femmes qui ont des enfants ou sont en âge de procréer (OCDE, 2017[22]). Les personnes en âge de travailler qui s’occupent de leurs enfants ou d’un proche sont en effet susceptibles d’éprouver des difficultés à concilier ces tâches avec un travail rémunéré et de faire le choix de cesser de travailler ou de réduire leur quotité de travail. Leur employabilité future peut en être compromise, ce qui risque de les conduire à quitter définitivement le marché du travail ou à s’orienter par la suite vers une carrière moins valorisante.
Développer les solutions de garde des enfants35 en faisant de l’accès aux services subventionnés d’accueil des jeunes enfants un droit inscrit dans la loi (OCDE, 2016[30])36. Les femmes doivent souvent assumer la garde des enfants lorsque les services de garde font défaut ou ne répondent pas aux besoins de parents qui travaillent à temps plein. De fait, les pays où le recours aux services d’accueil formels est le plus faible (Autriche, Nouvelle‑Zélande, Pays‑Bas, Royaume-Uni et Suisse) sont aussi ceux dans lesquels l’écart de nombre d’heures travaillées par travailleur est le plus grand – voir OCDE (2018[6]). Il est donc nécessaire d’offrir aux familles qui s’occupent de leurs enfants à domicile des services de garde qui soient compatibles avec leurs horaires de travail.
Fournir d’autres formes de soutien financier aux familles modestes, en particulier quand les services d’accueil des enfants sont très coûteux (OCDE, 2016[30]). Il est particulièrement important de subventionner ces services pour réduire les inégalités entre ménages peu qualifiés et ménages qualifiés. Les frais de garde peuvent en effet être extrêmement élevés, en particulier pour les parents défavorisés, dont les enfants ont moins accès que les autres aux structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants. Cette situation pourrait contribuer à expliquer que dans certains pays, l’écart de revenus du travail entre hommes et femmes est très variable selon le niveau d’études (Graphique 6.15, partie C).
Développer les services d’accueil périscolaire. Dans la plupart des pays, les services d’accueil périscolaire restent insuffisamment développés – voir OCDE (2018[6]) –, ce qui explique en partie le pourcentage extrêmement élevé de mères travaillant à temps partiel observé dans certains pays (comme l’Allemagne et l’Australie). Les problèmes de garde des enfants ne disparaissent pas avec l’entrée des enfants à l’école maternelle ou primaire. Les enfants scolarisés passent certes beaucoup de temps à l’école, mais il est fréquent que les horaires d’accueil soient incompatibles avec une semaine de travail à plein temps. De plus, les vacances scolaires sont presque toujours plus longues que les congés annuels des salariés. Les services de garde informels proposés par des amis ou des proches peuvent être utiles, mais ces amis et proches ne sont pas toujours disponibles et les familles qui travaillent et ont des enfants d’âge scolaire doivent souvent recourir à des solutions formelles avant et après l’école ainsi que pendant les vacances scolaires. Certains pays de l’OCDE ont mis sur pied des dispositifs d’accueil périscolaire pour les enfants d’âge scolaire – voir (OCDE, 2017[1]) pour de plus amples informations.
Offrir une flexibilité du temps de travail pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et familiale, ce qui passe par l’existence de possibilités de travail à temps partiel et de télétravail occasionnel ou régulier, d’horaires de travail flexibles (permettant aux salariés d’ajuster leur durée de travail quotidienne et d’adapter leurs horaires de travail en fonction de contraintes personnelles ou familiales). La publication OCDE (2016[20]) évalue dans quelle mesure cette flexibilité peut faciliter l’articulation entre obligations professionnelles et familiales. La possibilité pour les salariés de choisir leur temps de travail (dans les limites prédéfinies par l’employeur) leur permet de consacrer au travail les heures pendant lesquelles ils sont le plus productifs tout en assumant leurs responsabilités familiales et les libère de la pression à laquelle ils sont soumis à cet égard. Que l’on ait des enfants ou non, les aménagements du temps de travail peuvent également réduire les tensions induites par les trajets entre domicile et travail lorsqu’ils sont effectués aux heures de pointe. Pour que ces dispositifs soient efficaces et ne soient pas considérés comme des « aménagements pour les mères », il faut que les pouvoirs publics veillent à ce qu’ils soient conçus pour i) garantir à tous les salariés (pas seulement aux mères de jeunes enfants) le droit d’en solliciter le bénéfice ; ii) encourager les partenaires sociaux à intégrer la flexibilité aux conventions collectives ; et iii) aider les entreprises à modifier leur organisation du travail.
Adopter des mesures pour encourager les hommes à passer plus de temps chez eux à s’occuper de leurs enfants et autres proches. De ce point de vue, la prise d’un congé par les pères peut être très efficace. De fait, alors que beaucoup de couples partagent désormais de manière relativement égalitaire le travail domestique (non rémunéré) avant l’arrivée des enfants, il est fréquent que les choses changent après la naissance. Les femmes assument une part beaucoup plus importante de ce travail non rémunéré lors de l’arrivée du premier enfant, et le fait que les pères prennent un congé au moment de la naissance peut contribuer à les libérer d’une partie de cette charge (OCDE, 2017[1]). À titre d’incitation, il peut être envisagé de créer des congés « réservés aux pères », ou d’en étendre la durée, qu’il s’agisse de congés de paternité indemnisés ou de jours de congés payés supplémentaires réservés ou prioritairement destinés aux pères dans le cadre des dispositifs de congé parental (OCDE, 2017[1]). Ce peut être un bon moyen de favoriser le retour à l’emploi des mères. Toutefois, l’existence d’un congé de paternité risque ne pas suffire si les pères ne sont pas encouragés à le prendre par leur entreprise. Ainsi, la Corée et le Japon sont dotés de dispositifs généreux de congé de paternité, mais seuls 3 % des pères en profitent. Les pouvoirs publics devraient adopter des mesures, contraignantes ou non, pour inciter les employeurs à adopter des pratiques non discriminatoires à l’égard des pères qui prennent un congé de paternité volontaire.
Les pays doivent aussi renforcer les systèmes de soutien aux aidants informels, en particulier ceux en faveur des aidants qui s’occupent de personnes âgées – prestations en espèce, hébergement temporaire, formation et accompagnement – et faire en sorte que ces dispositifs soient accessibles aux personnes qui en ont le plus besoin, à commencer par les femmes à bas revenu. Ainsi, beaucoup de pays permettent aux salariés de bénéficier soit d’une flexibilité du temps de travail soit d’un congé pour aidant familial, mais souvent, ce congé n’est pas indemnisé et manque de souplesse. Il est également important que le délai de préavis à respecter pour l’obtenir soit court parce que le besoin d’aide des personnes dépendantes est souvent imprévisible.
Interventions extérieures aux politiques du marché du travail et politiques sociales:
Améliorer le revenu potentiel des femmes. Pour que les femmes puissent prétendre à un salaire plus élevé, elles doivent impérativement avoir les moyens d’acquérir les compétences recherchées sur le marché du travail et pouvoir accéder plus facilement à la formation professionnelle. Il faut aussi agir pour réduire la ségrégation professionnelle et sectorielle. L’adoption de politiques visant à renforcer la présence des femmes dans les professions et les secteurs où les salaires sont élevés revêt une importance particulière dans les pays où la grande majorité d’entre elles occupent un emploi peu rémunéré ou travaillent dans un secteur où les salaires sont faibles – ce qui est le cas des deux tiers des pays, voir OCDE (2018[6]). L’écart de niveau d’études entre les sexes a été considérablement réduit, à tel point que les filles ont un niveau d’études supérieur à celui des garçons dans beaucoup de pays. Il reste cependant du chemin à parcourir pour éliminer les inégalités qui subsistent (en particulier dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques – voir (OCDE, 2017[1])). De surcroît, pour que ces investissements dans la formation rapportent, il faut que les femmes accèdent réellement à un emploi.
Lutter contre les stéréotypes, réduire les discriminations et promouvoir l’accès des femmes aux postes de direction. Pratiquement tous les pays de l’OCDE cherchent à lutter contre les stéréotypes et la discrimination à travers des règles spécifiques, des actions contre le harcèlement et des mesures visant à faire évoluer les perceptions des employeurs et les normes sociales. La discrimination est cependant relativement fréquente en matière de promotion et d’accès aux postes de direction – voir (OCDE, 2017[1]). La plupart des pays de l’OCDE ont pris des mesures en faveur de la parité dans les conseils d’administration et équipes dirigeantes des entreprises, par exemple en instaurant des quotas de femmes dans les conseils d’administration. Ces initiatives resteront toutefois probablement insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’investissements dans des programmes de promotion professionnelle et des dispositifs permettant aux femmes de renforcer leurs compétences managériales, y compris de dispositifs reposant sur l’entraide professionnelle – parrainage, mentorat, renforcement de la confiance et accès aux réseaux. Il est cependant aussi important d’associer les dirigeants de sexe masculin au combat pour l’égalité. De plus, la culture de l’entreprise jouant un rôle central dans le harcèlement sexuel, les lois et mesures contre le harcèlement ciblant les employeurs sont prometteuses et méritent d’être évaluées rigoureusement. Dans beaucoup de pays, les campagnes de sensibilisation informent les employeurs de leurs obligations en matière de prévention du harcèlement et de la discrimination et de lutte contre ces phénomènes. Enfin, pour faire évoluer les normes sociales, il est aussi important de veiller à ce que ni les hommes ni les femmes ne soient victimes de discrimination lorsqu’ils décident de prendre un congé pour s’occuper de leurs proches dépendants (OCDE, 2017[1]).
Facteurs de réussite et d’échec :
Les attentes et valeurs culturelles concernant le travail des femmes et les pratiques dominantes en matière de partage des activités de soin aux proches sont de nature à compromettre le succès des politiques (Eurofound, 2016[28]). Les conceptions concernant la question de savoir à qui reviennent ces tâches et qui est le mieux à même de s’occuper des enfants et des proches dépendants ont en effet une incidence sur le recours aux services de garde d’enfants et sur les rôles sociaux des hommes et des femmes (Kremer, 2007[31]). Toute réforme doit donc être assortie de campagnes visant à faire évoluer ces facteurs culturels.
Il pourrait être envisagé d’expérimenter des programmes pilotes afin d’évaluer l’efficacité relative de différentes mesures possibles pour différents types de ménages avant de les déployer sur l’ensemble du territoire national. Il faudrait améliorer le ciblage des dispositifs faisant appel à des incitations financières et à des actions de soutien en se fondant sur les données permettant d’identifier les groupes qui réagissent le mieux à tel ou tel type de mesures (Eurofound, 2016[28]). Il serait ainsi possible de bien cibler la population bénéficiaire, d’éviter les pertes sèches, et d’améliorer l’efficacité des mesures. Il est aussi important d’engager des réformes pour que les mécanismes qui dissuadent les femmes de travailler disparaissent progressivement afin que les familles aient le temps de s’adapter à la modification des incitations qui leur sont adressées.
6.5. Conclusions
Bien que la situation des femmes sur le marché du travail se soit grandement améliorée ces dernières décennies, les inégalités entre les sexes continuent de constituer un défi de taille pour les décideurs publics des pays de l’OCDE. Ce chapitre a décrit la trajectoire professionnelle des femmes comparativement à celle des hommes et a examiné si les différences constatées expliquaient les écarts importants qui subsistent en termes de résultats sur le marché du travail. L’analyse confirme que l’ampleur des inégalités, leur forme et l’importance relative des différents types d’écarts entre les sexes varient d’un pays à l’autre. L’écart de revenus du travail entre femmes et hommes se creuse au cours de la carrière et résulte principalement d’occasions de mobilité professionnelle manquées par les femmes en début de carrière, en particulier immédiatement après la naissance des enfants. Le chapitre a aussi décrit les multiples manières dont la naissance des enfants influe sur l’offre de main‑d’œuvre féminine dans les différents pays, plus précisément sur le taux d’activité des femmes et le recours au travail à temps partiel, ainsi que les conséquences à plus long terme de ces choix sur leur mobilité professionnelle et, partant, la croissance de leur revenu. Le fait de prendre d’emblée un bon départ professionnel et de continuer sur cette voie est déterminant pour la croissance ultérieure du revenu, si bien que les occasions manquées après la naissance des enfants sont particulièrement dommageables. Les événements de la vie comme la naissance, l’éducation des enfants (mais aussi la prise en charge des parents âgés dépendants et, plus globalement, les obligations familiales) ont une incidence sur la progression du salaire et sur les revenus cumulés perçus au cours de la vie. En outre, les interruptions de carrière qu’ils engendrent réduisent le montant des droits à la retraite (OCDE, 2017[32]). Cependant, si la naissance des enfants et autres événements de la vie ont une forte incidence sur la carrière des femmes dans tous les pays, la nature de ces conséquences n’est pas la même partout, ce qui laisse penser que les politiques mises en place peuvent avoir un effet important.
Le chapitre propose un cadre susceptible d’aider les pouvoirs publics à apporter des réponses plus adaptées aux défis complexes à relever pour favoriser l’égalité entre les sexes en concentrant leurs efforts sur les écarts qui contribuent le plus à expliquer, dans chaque pays, la situation inégale des hommes et des femmes sur le marché du travail. Ce cadre permet d’identifier les facteurs qui, quantitativement, contribuent le plus à l’écart de revenus du travail total par tête, mais d’autres travaux sont nécessaires pour appréhender les enseignements à en retirer pour l’action publique. Il faudrait en particulier disposer d’autres données pour mieux comprendre l’effet de différents types de mesure sur chacune des composantes de l’écart de revenus du travail entre les sexes, en particulier sur l’écart de nombre d’heures travaillées. Il faudrait aussi mener d’autre travaux pour évaluer le rôle que pourrait jouer la négociation collective dans la réduction des inégalités, à travers la fixation des salaires, les règles antidiscrimination et les dispositifs de flexibilité du travail. Enfin, il faudrait également réaliser d’autres études pour identifier l’impact que des tendances de fond telles que la transformation numérique et le vieillissement démographique auront sur la ségrégation professionnelle et l’écart entre les sexes sur le marché du travail et pour déterminer comment différentes mesures peuvent influer sur ces conséquences afin de renforcer l’égalité entre femmes et hommes.
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Informations complémentaires pour le chapitre 6
Des informations complémentaires pour le chapitre 6 sont disponibles en ligne, en anglais seulement, à l’adresse suivante : http://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2018-15-en.
Notes
← 1. L’écart de revenus du travail entre les sexes correspond à la différence entre le revenu d’activité annuel moyen des hommes et des femmes, en pourcentage de celui des hommes. Pour calculer le revenu d’activité moyen, on tient compte de l’ensemble des personnes d’âge actif, qu’elles aient ou non effectivement occupé un emploi dans l’année. En conséquence, une personne qui ne perçoit pas de revenu du travail est prise en compte dans le dénominateur du revenu d’activité moyen, mais ne l’est pas dans le numérateur (voir section 6.3).
← 2. En Allemagne, en Australie, au Danemark, en Finlande, en Islande, en Norvège, aux Pays‑Bas et en Suisse, par exemple, l’apprentissage joue un rôle très important dans les liens entre formation et vie professionnelle. à noter que dans les pays nordiques et au Royaume‑Uni, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à choisir ce parcours en alternance au tout début de leur vie active. De plus, en Finlande et au Royaume‑Uni, elles cumulent de nouveau formation et travail dans les dernières années de leur vie professionnelle.
← 3. Dans les enquêtes sur la population active, la détermination du statut de retraité repose sur l’autodéclaration. Tous les répondants qui se déclarent retraités ne perçoivent peut‑être pas une pension de retraite, mais l’inverse est probablement vrai.
← 4. Parmi les autres différences générales entre hommes et femmes figure le fait que dans tous les pays et quel que soit l’âge, les hommes sont plus nombreux que les femmes à exercer une activité indépendante (OCDE, 2018[6]). Dans certains pays – Allemagne, Australie, Autriche, République tchèque, Royaume-Uni et Suisse – le nombre de femmes exerçant une activité indépendante augmente en fin de carrière, mais cette hausse observée à la fin de la vie active demeure nettement inférieure à celle constatée parmi les hommes. En revanche, le taux de chômage ne présente pas de différence particulièrement sensible entre les sexes.
← 5. Les écarts de rémunération à temps plein sont mesurés sur la base de la rémunération horaire, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle selon les données disponibles. La durée contractuelle du travail variant peu pour les travailleurs à temps plein, les écarts qui apparaissent sur le Graphique 6.3 peuvent être assimilés aux écarts de rémunération horaire. Les tests réalisés pour un petit groupe de pays pour lesquels on dispose de données à la fois sur la rémunération horaire et sur la rémunération mensuelle valident cette hypothèse.
← 6. Cette méthode risque de ne pas permettre de dissocier les effets de l’âge à proprement parler des effets de composition (par exemple, le fait que le niveau d’études et le taux d’activité évoluent d’une génération à l’autre), des différences de rendement des caractéristiques individuelles (par exemple le différentiel de rémunération associé à une caractéristique) et des effets temporels (voir Encadré 6.2).
← 7. Le changement de composition de la main‑d’œuvre féminine (investissement des femmes dans l’acquisition de compétences professionnelles, qui conduit davantage de femmes à choisir de travailler à temps plein et à accéder à un emploi à temps plein) concourt à expliquer que la progression de l’égalité de rémunération entre les sexes coïncide avec une aggravation des inégalités entre personnes de même sexe (Mulligan et Rubinstein, 2008[34]).
← 8. Le plafond de verre est la « barrière invisible et pourtant impossible à briser […] qui empêche les femmes de se hisser jusqu’aux échelons les plus élevés d’une organisation, quelles que soient leurs qualifications et les réalisations à mettre à leur actif, et à laquelle elles se heurtent à mesure qu’elles approchent du sommet de la hiérarchie d’une organisation » (United States Federal Glass Ceiling Commission, 1995[51]). L’existence d’un plafond de verre qui exclut les femmes des postes prestigieux et bien rémunérés a été abondamment décrite dans les études – voir, par exemple, Biewen et Seifert (2016[45]). Le terme « tuyau percé » désigne habituellement la réduction naturelle du nombre de femmes accédant à des postes de direction. Selon OCDE (2017[1]), le plafond de verre est resté intact ces dix dernières années et le phénomène du « tuyau percé » explique que les femmes ne représentent qu’environ un tiers du personnel dirigeant dans la zone OCDE, même si la situation est très variable d’un pays à l’autre.
← 9. Addison et Portugal (1989[49]) constatent l’existence de différences entre femmes et hommes concernant la qualité de l’appariement et son évolution au cours de la vie active : les femmes occupent plus souvent que les hommes des postes ne correspondant pas à leur profil, y compris celles pour lesquelles le degré d’appariement est le meilleur en début de carrière.
← 10. Kunze (2014[36]) montre à partir de données de panel norvégiennes que les femmes qui ont des enfants ont une probabilité de promotion inférieure de 25 % à celle des femmes sans enfant – ce qu’elle dénomme « family gap in climbing the career » (« écart en matière d’ascension professionnelle dû à la formation d’une famille »). Kunze et Troske (2009[37]) analysent les différences de comportement de recherche d’emploi et montrent que les femmes qui ont perdu leur emploi mettent plus longtemps à en retrouver un autre que les hommes se trouvant dans une situation comparable. Ils expliquent ces écarts par une différence de comportement entre hommes et femmes constatée parmi les travailleurs d’âge très actif, différence qui n’apparaît pas parmi les travailleurs plus jeunes ou plus âgés.
← 11. Chaque année en France, 12 % de la population d’âge actif et 17 % de la population active connaissent une transition professionnelle. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus par Flamand (2016[39]), qui montre qu’en France, les transitions professionnelles sont relativement stables parmi les actifs – environ 16 % par an en moyenne – et évoluent en suivant le cycle économique et le cycle de l’emploi.
← 12. Le nombre cumulé de transitions est compris entre six en Grèce, en Italie, au Portugal et en Slovénie et plus de 15 en Australie, en Finlande, en Islande, au Japon et en Suède.
← 13. Le sexe ne modifie pas l’impact sur le revenu des transitions entre emplois. En d’autres termes, la hausse de revenu induite par ces transitions n’est pas plus élevée pour les hommes que pour les femmes. Le coefficient indiqué pour les femmes sur le Graphique 6.7, partie B, est l’effet marginal du coefficient du sexe féminin, et non l’effet croisé du sexe féminin avec les transitions entre emplois (qui n’était pas significativement différent de zéro dans la quasi‑totalité des pays).
← 14. Alon et Tienda (2005[47]) montrent que les femmes peu qualifiées qui changent fréquemment d’emploi durant les quatre années qui suivent la fin de leur scolarité en retirent un avantage en termes de rémunération, tandis que les changements de poste qui ont lieu au‑delà de cette période les pénalisent sur le plan de la rémunération. En revanche, pour les femmes qualifiées, l’écart de rémunération entre les sexes est principalement dû à une inégalité des rendements de la mobilité professionnelle. Adda et al. (2012[50]) constatent également que les facteurs à l’origine de la croissance de la rémunération diffèrent selon le niveau de qualification : l’apprentissage par la pratique joue un rôle important en début de carrière pour les travailleurs non qualifiés, tandis que c’est la mobilité professionnelle qui importe pour les travailleurs qui acquièrent des compétences dans le cadre d’un système d’apprentissage avant d’entrer sur le marché du travail.
← 15. Les courbes de la mobilité professionnelle en fonction de l’âge (qui peuvent être fournies sur demande) ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes et pourraient en partie expliquer l’écart de revenus du travail. Ainsi : i) les femmes jeunes connaissent moins de transitions professionnelles que les hommes jeunes (en particulier de transitions entre emplois) ; ii) les femmes d’âge très actif changent plus souvent de situation professionnelle que les hommes d’âge très actif parce qu’elles entrent dans l’inactivité ou en sortent plus souvent ; et iii) les femmes de plus de 55 ans changent moins souvent de situation professionnelle que les hommes du même âge.
← 16. OCDE (2015[4]) montre également que la mobilité du revenu d’activité (qui englobe les mouvements d’entrée et de sortie du marché du travail et les mouvements ascendants et descendants sur l’échelle des revenus) n’est pas plus faible pour les femmes que pour les hommes, mais que le pourcentage de travailleurs qui perçoivent une rémunération faible à long terme est plus élevé parmi les femmes que parmi les hommes, une femme sur quatre environ étant concernée contre seulement un homme sur vingt. L’absence de différence entre hommes et femmes s’agissant de la mobilité des revenus à court terme, associée à la faiblesse du revenu d’activité des femmes à long terme, est révélatrice de l’existence d’un phénomène de dépendance au chemin emprunté au départ, en d’autres termes de l’influence de la mobilité professionnelle en début de carrière sur la réussite professionnelle ultérieure.
← 17. Apparemment, à niveau d’études identique, les hommes et les femmes perçoivent un salaire égal au moment où ils accèdent au marché du travail, mais un écart apparaît en début de carrière (Fitzenberger et Kunze, 2005[40] ; Manning et Swaffield, 2008[35]).
← 18. L’existence d’inégalités avant la naissance du premier enfant laisse penser que l’arrivée d’un enfant n’est pas le seul facteur en cause – voir, par exemple, Briard et Valat (2018[44]). Les normes sociales et les préjugés sur les femmes jouent probablement un rôle important dans l’apparition des inégalités entre femmes et hommes et leur évolution au cours de la vie active, même s’il n’est pas possible de mesurer leur poids respectif.
← 19. Selon Waldfogel (1997[33]), la différence est de 6 points de logarithme pour les mères qui ont un enfant et de 13 points de logarithme pour celles qui en ont deux.
← 20. Briard et Valat (2018[44]) analysent les inégalités salariales entre les sexes au cours du cycle de vie en France. Ils observent que ces inégalités se forment avant l’arrivée du premier enfant, en particulier pour les non‑diplômées, et s’accentuent après la naissance. Les hommes atteignent plus souvent que les femmes une position socioprofessionnelle convenable avant de devenir parents. Quel que soit le nombre final d’enfants, c’est au moment de la première naissance que les inégalités augmentent le plus. Elles continuent de se creuser par la suite, mais à un rythme moindre.
← 21. La présence éventuelle d’enfants plus âgés peut influer sur les estimations présentées par le Graphique 6.9. Néanmoins, l’âge du dernier enfant est plus susceptible d’avoir un effet direct sur le lien de la mère avec le marché du travail et sur son intensité de travail.
← 22. Andrén (2011[46]) avance également que le travail à temps partiel est associé à une « pénalité liée à l’absence », qui augmente avec la durée de l’exercice à temps partiel et pourrait refléter le fait que l’acquisition de capital humain se fait plus lentement chez les travailleurs à temps partiel. Selon l’étude, en Suède, les hommes qui travaillent à temps plein perçoivent une rémunération supérieure de 26 % à celle des hommes qui exercent à temps partiel, et cet écart est de 13 % parmi les femmes. Toutefois, après prise en compte des facteurs observables (comme la profession), seule la rémunération des hommes reste réellement influencée par le travail à temps partiel, l’écart de rémunération étant ramené à 9 % pour les hommes et à 2 % pour les femmes.
← 23. Le Graphique 6.11 a été construit à partir de régressions probit spécifiques aux différents pays, dans lesquelles la variable dépendante « travail à temps partiel » a été régressée sur les effets croisés du sexe féminin pour toutes les variables de contrôle, dont la classe d’âge. Les effets marginaux ne sont pas tous représentés sur ce graphique mais peuvent être fournis sur demande.
← 24. Comme expliqué dans l’Encadré 6.1, les données en coupe transversale comme celles présentées dans la section 6.1.1 peuvent fournir une image très précise des différences de taux d’emploi et de nombre d’heures travaillées observées à un moment donné entre hommes et femmes appartenant à diverses classes d’âge. Toutefois, pour analyser les conséquences de ces caractéristiques sur les carrières individuelles, il faut disposer de données de panel ou rétrospectives.
← 25. La carrière est présentée jusqu’à 50 ans, mais les conclusions exposées sont valables aussi lorsque l’on examine les carrières jusqu’à 65 ans. Néanmoins, compte tenu de la nature des données utilisées, issues de SHARELIFE (données rétrospectives), ne prendre en compte que les personnes qui ont atteint 65 ans à la date de l’entretien réduirait considérablement la taille des échantillons. Jusqu’à 65 ans, la durée totale de la carrière des hommes, des femmes sans enfant et des femmes avec enfant s’établit à respectivement 40.3, 29.3 et 21.4 ans.
← 26. Ces chiffres sont obtenus à partir de données rétrospectives qui présentent deux limites. La première est un biais de mémoire important, du fait qu’elles reposent sur les souvenirs que des personnes relativement âgées (d’au moins 50 ans en 2009) ont de l’ensemble de leur carrière. Ensuite et surtout, comme souligné dans l’Encadré 6.1, elles reflètent la vie professionnelle d’une génération spécifique, confrontée à des normes sociales concernant le travail des femmes et à une situation du marché du travail différentes de celles qu’ont connues les générations suivantes. Par exemple, dans beaucoup de pays d’Europe, la mobilité professionnelle était souvent plus faible qu’aujourd’hui et beaucoup de travailleurs restaient dans la même entreprise pendant la majeure partie, voire la totalité, de leur carrière (les répondants les plus âgés sont arrivés sur le marché du travail dans les années 60). Deuxièmement, les femmes sont aujourd’hui beaucoup plus représentées sur le marché du travail et travaillent beaucoup plus longtemps. Les écarts de durée de carrière ont donc pu évoluer considérablement, si bien que les résultats présentés sur le Graphique 6.11 ne donnent vraisemblablement pas d’indication fiable de la réalité pour les générations de femmes plus jeunes. Néanmoins, lorsque l’on examine la situation des femmes au regard de l’activité en 2014‑15 (Graphique 6.2), on retrouve clairement certains des principaux faits stylisés observés pour cette génération plus âgée, ce qui témoigne d’une forte inertie : les écarts de taux d’emploi restent importants, même pour les femmes d’âge moyen, en Grèce, en Irlande, en Italie et aux Pays‑Bas. En conséquence, même s’il est possible que l’écart de durée de carrière ait régressé pour les générations plus jeunes, il reste important dans ces pays.
← 27. Voir également le chapitre 1 pour les dernières données disponibles.
← 28. Les femmes sont plus touchées que les hommes par la ségrégation professionnelle et sont limitées par diverses contraintes concernant les métiers vers lesquels elles « choisissent » de s’orienter, notamment les études suivies et la socialisation selon le sexe. OCDE (2017[1]) propose un « indice de dissimilarité » reposant sur le nombre de métiers différents exercés par les femmes comparativement aux hommes. La ségrégation selon le sexe est une réalité dans tous les pays, mais les classements sont assez difficiles à interpréter du fait que certains facteurs tels que l’autosélection ou les différences de taux d’emploi féminin entre pays ne peuvent pas être pris en compte. Depuis longtemps, la ségrégation professionnelle selon le sexe est relativement forte dans les pays nordiques et relativement faible dans les pays méditerranéens, ce qui est en partie dû à l’existence d’une corrélation positive entre augmentation de la ségrégation et croissance du taux d’activité des femmes (Commission européenne, 2009[43]).
← 29. L’écart de rémunération entre les sexes parmi les travailleurs à temps plein peut encore être décomposé dans les éléments suivants – voir Encadré 6.3 et OCDE (2018[6]) : i) l’impact des différences de caractéristiques observables individuelles et de l’emploi entre les sexes (ex. : différences de niveau d’études, de situation dans l’emploi et de type de contrat) ; ii) l’impact de la ségrégation professionnelle selon le sexe ; et iii) la composante non observée de l’écart de rémunération horaire, qui correspond à la discrimination et à l’effet d’autres facteurs non observés (domaine d’études, attitudes, expérience sur le marché du travail, degré d’appariement et nombre d’emplois déjà occupés). L’essentiel de l’écart de rémunération horaire demeure cependant inexpliqué (38 % en moyenne).
← 30. L’écart de rémunération horaire entre les sexes n’est probablement pas le seul effet de la ségrégation professionnelle, mais ses autres conséquences ne sont pas examinées ici. Evans (2018[42]), par exemple, estime l’écart de rémunération pour des travailleurs à temps plein et à temps partiel exerçant différents métiers et constate que dans les professions où l’écart est le plus grand (métiers qualifiés), la proportion de travailleurs à temps plein est plus forte parmi les hommes, tandis que dans celles où il est le plus petit (métiers de la vente et des services à la clientèle), la proportion de travailleurs à temps plein est quasiment identique pour les deux sexes. Ces résultats renforcent le poids relatif de la ségrégation professionnelle dans l’écart de revenus du travail annuel entre les sexes.
← 31. Eurofound (2016[28]) estime à 370 milliards EUR environ en 2013, soit 2.8 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne, le coût total du taux d’activité plus faible des femmes.
← 32. Adema, Clarke et Frey (2015[48]) soulignent que le travail à temps partiel a des effets négatifs sur la progression de carrière, surtout quand il est définitif. Du fait du manque de flexibilité au sein des entreprises, les femmes sont particulièrement pénalisées si elles ont une quotité de travail plus faible ou demandent un aménagement de leur temps de travail compatible avec leur vie de famille. Goldin (2014[38]) montre qu’une durée de travail courte a un impact négatif sur le salaire, et que dans certains secteurs – en particulier dans les secteurs financier et juridique – beaucoup d’entreprises offrent des promotions très intéressantes aux salariés qui accomplissent un grand nombre d’heures de travail et travaillent en continu à certaines heures de la journée.
← 33. Voir, par exemple, Adema, Clarke et Frey (2015[48]), OCDE (2016[30] ; 2017[1]), Eurofound (2016[28]), Fernandez et al. (2016[41]) et Olivetti et Petrongolo (2016[27]) pour une évaluation exhaustive de l’écart de taux d’emploi et de revenu d’activité entre les sexes et un recensement des études sur l’efficacité des politiques du marché du travail (politiques actives, système de prélèvements et de prestations, flexibilité du temps de travail) et des politiques familiales (mesures d’aide à la garde des enfants et congés).
← 34. Parmi les bonnes pratiques qui permettent de réduire ces effets contre-incitatifs figurent le crédit d’impôt accordé aux parents isolés qui travaillent (In‑Work Credit for Lone Parents) au Royaume‑Uni ou la suppression progressive de la transférabilité au conjoint de l’abattement fiscal (aux Pays‑Bas) – voir (Eurofound, 2016[28]) pour une description plus précise.
← 35. L’offre des pays en matière de structures d’accueil des jeunes enfants et de subventions à la garde des enfants et la manière dont sont conçus les systèmes de prélèvements et de prestations et les contre-incitations ou incitations qui en résultent constituent le cadre général dans lequel les femmes prennent des décisions concernant leur vie active (l’exercice ou non d’une activité et la quotité de travail). Les femmes devraient pouvoir choisir réellement de travailler ou non et ce choix ne devrait pas être dicté par le manque de services publics d’accueil des jeunes enfants. Au Danemark, par exemple, les parents ont la garantie d’avoir une place pour leur enfant dans une structure d’accueil de jour à la fin de leur congé parental. Les autorités locales doivent leur accorder une place dans un délai de quatre semaines ou, à défaut, prendre en charge les frais d’accueil dans un dispositif privé ou trouver une place dans une structure relevant d’une autre autorité locale (Eurofound, 2016[28]). En conséquence, 65 % des enfants danois de 0 à 2 ans bénéficient d’un dispositif d’accueil ou d’un dispositif préscolaire. De ce point de vue, le Danemark se classe en tête des pays de l’OCDE. Le fait que le coût trop élevé de l’accueil des enfants et le manque de solutions proposées dans ce domaine dissuadent les femmes de travailler explique une grande partie de l’écart de taux d’emploi.
← 36. OCDE (2016[30]) fournit un aperçu du recours aux services de garde d’enfant dans les pays de l’OCDE. En moyenne, un tiers seulement des enfants de moins de trois ans ont accès à des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, et il existe de fortes disparités entre les pays. En Suède et au Danemark, les dispositifs publics garantissent l’accès à un service souple et de grande qualité à un tarif fortement subventionné. En Suède, les parents ont l’assurance d’obtenir une place dans un dispositif formel à partir du premier anniversaire de l’enfant. Ce service est ouvert à tous les parents et accueille les enfants à temps plein. La plupart des structures sont ouvertes 12 heures par jour.