Andrea Salvatori
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2022
1. Un conte de deux crises : évolutions récentes sur les marchés du travail des pays de l’OCDE
Abstract
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué une crise humanitaire qui a touché plusieurs millions de personnes, et généré des ondes de choc dans toute l’économie mondiale. Cette nouvelle crise compromet le dynamisme de la reprise post-COVID‑19, qui s’est révélée plus vigoureuse qu’initialement prévu. Néanmoins, même avant le choc provoqué par la guerre, le redressement du marché du travail était inégal entre les pays et les différentes catégories de travailleurs. Même si les retombées initiales très inégales de la crise sont partiellement résorbées, les jeunes et les travailleurs non diplômés du supérieur restent les laissés pour compte de la reprise dans de nombreux pays. En dépit d’une envolée sans précédent de la demande de main-d’œuvre, la croissance des salaires nominaux a été éclipsée par la poussée inflationniste enregistrée au premier semestre 2022. Or les répercussions de l’inflation sur le niveau de vie sont plus marquées pour les ménages modestes qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du COVID‑19.
En bref
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué une crise humanitaire qui a touché plusieurs millions de personnes, et généré des ondes de choc dans toute l’économie mondiale. L’Europe a enregistré l’afflux de réfugiés le plus massif et le plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale, plusieurs millions de personnes ayant fui l’Ukraine. Les retombées économiques de la guerre compromettent le dynamisme de la reprise post-COVID‑19, qui s’était révélée plus forte que prévu jusqu’au début de 2022. Les bouleversements provoqués par la guerre sur les marchés de l’énergie et des produits alimentaires accentuent les fortes tensions inflationnistes qui étaient déjà apparues fin 2021 sous l’effet des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Au premier semestre 2022, l’inflation a atteint un niveau jamais enregistré depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays de l’OCDE, entraînant une érosion du niveau de vie des travailleurs sous l’effet d’une croissance globalement modérée des salaires nominaux en dépit de tensions sur les marchés du travail. Les répercussions de l’inflation touchent de manière disproportionnée les ménages modestes qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du COVID‑19.
Selon les dernières données disponibles au moment d’écrire ces lignes, on constate ce qui suit :
L’embellie s’est poursuivie sur les marchés du travail des pays de l’OCDE au premier semestre 2022. L’emploi total dans l’ensemble de la zone OCDE est revenu à son niveau d’avant la crise à la fin de l’année 2021 et a continué de progresser au cours du premier semestre 2022. Le taux de chômage de la zone OCDE a progressivement reculé par rapport au pic de 8.8 % atteint en avril 2020, avant de se stabiliser au cours des premiers mois de 2022. En juillet 2022, le taux de chômage de la zone OCDE s’élevait à 4.9 %, soit légèrement en deçà du taux de 5.3 % enregistré en décembre 2019.
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué une crise humanitaire qui a touché plusieurs millions de personnes en Ukraine et au-delà, et perturbé les marchés de l’énergie et des produits alimentaires, ce qui a pesé sur la croissance mondiale et alimenté l’inflation. Les flux de réfugiés provoqués par la guerre entraîneront des dépenses publiques supplémentaires à court terme dans les pays d’accueil, qui seront toutefois compensées au fil du temps à mesure que les réfugiés entreront sur le marché du travail. La croissance du PIB mondial en 2022 devrait ralentir pour s’établir à 3.0 %, contre 4.5 % prévus par l’OCDE en décembre 2021, et se maintenir à un rythme comparable en 2023
Avant le choc provoqué par la guerre en Ukraine, certains pays étaient encore à la peine malgré la reprise. Au premier trimestre 2022, les taux d’emploi et d’inactivité s’étaient améliorés par rapport aux niveaux constatés avant la crise dans la plupart des pays. Toutefois, dix pays affichaient encore des taux d’emploi inférieurs à leurs niveaux d’avant la crise, et 11 pays enregistraient des taux d’inactivité supérieurs à ceux relevés juste avant la crise. En juillet 2022, le chômage était inférieur à son niveau d’avant la crise dans 24 pays, tandis qu’il lui était supérieur de plus de 0.5 point de pourcentage en Finlande et en Estonie uniquement.
Au second semestre 2021 et début 2022, les emplois vacants ont atteint des niveaux records dans de nombreux pays, tandis que le nombre d’entreprises faisant état de pénuries de main-d’œuvre a fortement augmenté pour dépasser les niveaux d’avant-pandémie dans de nombreux pays et secteurs d’activité. Rien n’indique pour l’heure qu’il existerait un décalage systématique entre l’offre et la demande causé par l’impact asymétrique de la crise sur différents secteurs. C’est plutôt l’omniprésence des pénuries de main-d’œuvre signalées dans les différents pays et secteurs d’activité qui laisse penser que, dans la plupart des cas, les tensions actuelles sur le marché du travail découlent principalement de la rapidité de la hausse de la demande de main-d’œuvre au cours des derniers mois, alimentée par une demande mondiale vigoureuse et des plans de relance de grande ampleur.
Les pénuries de main-d’œuvre sont particulièrement aiguës dans certains secteurs à bas salaires, comme la restauration et l’hébergement. La persistance de la pandémie a peut-être rendu moins attrayants ces emplois faiblement rémunérés qui impliquent généralement un contact direct avec les clients, et pourrait avoir renforcé l’impression qu’ils sont de moindre qualité. L’accentuation des tensions sur le marché du travail pourrait contribuer à améliorer les conditions de travail dans ces secteurs. En effet, dans certains pays, la croissance des salaires nominaux est supérieure à la moyenne dans ces secteurs, même si elle reste globalement bien inférieure à la forte inflation des derniers mois.
En dépit des tensions de plus en plus fortes sur le marché du travail, la croissance des salaires nominaux reste généralement bien inférieure à l’inflation élevée du premier semestre 2022, ce qui entraîne une baisse des salaires réels. La contraction des salaires réels devrait se poursuivre en 2022, sous l’effet d’une inflation qui devrait rester élevée et généralement bien supérieure au niveau prévu lors des négociations collectives pour 2022.
Les répercussions de la poussée inflationniste sur les revenus réels sont plus marquées pour les ménages modestes qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du COVID‑19. Ce sont les ménages à faible revenu qui souffrent le plus de l’envolée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, dans la mesure où ces postes représentent une part plus importante de leurs dépenses totales et où ils moins de possibilités de puiser dans leur épargne ou de réduire leurs dépenses discrétionnaires. Ces ménages comptent une plus forte proportion de travailleurs faiblement rémunérés, qui étaient plus susceptibles de voir leurs revenus diminuer pendant la crise du COVID‑19 soit à la suite de la perte de leur emploi soit en raison d’une réduction de leur temps de travail.
La dynamique de l’emploi dans les différents secteurs reste très influencée par la crise du COVID‑19, et les secteurs de services à faible rémunération, dans lesquels le télétravail est généralement moins possible, sont à la traîne en dépit de la reprise. Au premier trimestre 2022, en moyenne dans les pays de l’OCDE, l’emploi était toujours inférieur aux niveaux d’avant la crise dans les secteurs des services offrant de faibles rémunérations. À l’inverse, certains secteurs de services offrant des rémunérations élevées ont prospéré au cours de la même période. Ces caractéristiques ont d’importantes incidences sur l’évolution de la situation professionnelle des différents groupes de travailleurs pendant la reprise.
Après le choc initial, l’emploi des femmes s’est progressivement redressé au fil de la reprise, malgré le surcroît de tâches familiales non rémunérées. L’impact initial de la pandémie a été ressenti plus durement par les femmes que par les hommes dans la majorité des pays de l’OCDE, mais en 2022, l’écart de taux d’emploi entre hommes et femmes s’était résorbé dans la plupart des pays par rapport aux niveaux d’avant la crise. Tout au long de la crise, les femmes ont supporté la plus grosse partie du surcroît de tâches familiales non rémunérées lorsque les écoles et les structures d’accueil des enfants étaient fermées. Cette situation s’est produite même dans les ménages où le père était sans emploi et où la mère travaillait. Les conséquences, sur le marché du travail, de l’alourdissement des travaux domestiques non rémunérés pourraient se faire jour au fil du temps, les femmes optant pour des modalités de travail qui entraînent souvent une progression professionnelle et salariale plus lente, comme le travail à temps partiel ou des emplois qui offrent plus de flexibilité ou des trajets travail-domicile plus courts.
Les jeunes ont regagné une partie du terrain perdu au début de la pandémie, mais restent à la traîne par rapport aux adultes plus âgés. L’emploi des jeunes reste inférieur aux niveaux d’avant la crise dans plus de la moitié des pays. Les périodes prolongées de chômage que de nombreux jeunes ont connues au cours des deux dernières années peuvent se répercuter sur leurs perspectives d’évolution professionnelle et sur la qualité des emplois qu’ils obtiennent. Toutefois, les données se rapportant au premier trimestre de 2022 n’indiquent pas d’augmentation générale de la part des contrats temporaires dans les pays, malgré l’incertitude économique accrue des derniers temps.
Dans l’ensemble de l’OCDE, au premier trimestre 2022, l’emploi des travailleurs hautement qualifiés était légèrement supérieur aux niveaux d’avant la crise, tandis que l’emploi des travailleurs peu ou moyennement qualifiés ne s’était pas totalement rétabli. Dans tous les pays, la diminution de l’emploi des travailleurs non diplômés du supérieur s’est principalement accompagnée d’une hausse de l’inactivité plutôt que du chômage.
Au premier trimestre 2022, en moyenne dans la zone OCDE, l’écart de taux d’emploi entre les travailleurs nés dans le pays et les immigrés s’était réduit par rapport aux niveaux d’avant la crise, après s’être creusé en 2020. Toutefois, au premier trimestre 2022, le taux d’emploi des immigrés restait inférieur de 2.9 points de pourcentage en moyenne à celui constaté avant la crise dans sept des 28 pays pour lesquels des données sont disponibles. Dans la plupart de ces pays, l’écart de taux d’emploi entre les travailleurs nés dans le pays et les immigrés s’est creusé, de 1.9 point de pourcentage en moyenne.
Rares sont les pays qui collectent des données permettant de mesurer l’impact de la crise sur les minorités raciales/ethniques. Aux États-Unis, au Royaume‑Uni, en Lettonie et en Estonie, les minorités raciales et ethniques ont été plus durement touchées par la crise et ont mis plus de temps à se redresser. Au Canada et au Danemark, ces minorités ont également vu leur situation sur le marché du travail se détériorer davantage au début de la crise, mais elle s’est redressée dans les mois qui ont suivi. En Nouvelle‑Zélande, les minorités raciales et ethniques ont davantage bénéficié de la reprise que le groupe racial/ethnique principal, de sorte que leur écart de taux d’emploi s’est réduit au quatrième trimestre 2021 par rapport au quatrième trimestre 2019.
Les travailleurs de première ligne – qui sont restés à leur poste de travail physique à proximité d’autres personnes pendant la pandémie – sont principalement des personnes jeunes, peu qualifiées, issues de l’immigration, membres de minorités ethniques/raciales et occupant des emplois faiblement rémunérés. Pendant la crise, ces travailleurs ont été davantage exposés à la précarité de l’emploi et ont signalé davantage de problèmes de santé physique et mentale. Les données montrent qu’ils étaient aussi plus susceptibles que d’autres d’être contaminés par le virus du COVID‑19.
Introduction
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine est avant tout une tragédie humaine, qui a fait de nombreuses victimes innocentes et eu des conséquences économiques et sociales de très grande ampleur, notamment pour les millions de personnes qui ont fui leur pays pour échapper à la violence et à la faim. La guerre a également généré des ondes de choc dans toute l’économie mondiale. L’Europe a enregistré l’afflux de réfugiés le plus massif et le plus rapide observé depuis la Seconde Guerre mondiale, plusieurs millions de personnes ayant fui l’Ukraine. Les retombées économiques de la guerre compromettent le dynamisme de la reprise post-COVID‑19, qui s’était révélée bien plus forte que prévu jusqu’aux premiers mois de 2022, grâce aux plans de relance de grande ampleur mis en place dans de nombreux pays.1
Les répercussions de la guerre sur les marchés de l’énergie, des produits alimentaires et des produits de base accentuent les fortes tensions inflationnistes qui étaient déjà apparues fin 2021 sous l’effet des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Au premier semestre 2022, l’inflation a atteint un niveau jamais enregistré depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays de l’OCDE, entraînant une érosion du niveau de vie des travailleurs sous l’effet d’une croissance globalement modérée des salaires nominaux en dépit de tensions sur les marchés du travail. Les répercussions de l’inflation touchent plus particulièrement les ménages modestes qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du COVID‑19.
Les retombées économiques de la guerre en Ukraine menacent la vigueur de la reprise économique au sortir de la crise du COVID‑19. Cependant, même avant le choc et l’incertitude générés par la guerre, le redressement du marché du travail à l’issue de la crise du COVID‑19 était inégal entre les pays. Les conséquences de la pandémie continuent de dicter la dynamique de l’emploi dans les différents secteurs d’activité, ce qui influe sur le sort des catégories de travailleurs les plus susceptibles d’y occuper un emploi. Même si les répercussions inégales supportées par différentes catégories de travailleurs au début de la crise sont en partie résorbées, les jeunes, les travailleurs non diplômés du supérieur et les minorités raciales et ethniques sont les laissés pour compte de la reprise dans de nombreux pays.
Le présent chapitre, qui examine les évolutions récentes enregistrées sur les marchés du travail de la zone OCDE, est structuré comme suit. La section 1.1 analyse les dernières évolutions sur les marchés du travail des pays de l’OCDE. La section 1.2 évalue l’avancée de la reprise post-COVID‑19 jusqu’au premier trimestre 2022, lorsqu’a éclaté la nouvelle crise provoquée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine. La section 1.3 examine l’évolution de l’emploi depuis le début de la crise du COVID‑19 dans tous les secteurs d’activité, et jette les bases de l’évaluation, dans la section 1.4, des progrès accomplis par différents groupes socio-économiques pendant la reprise. Enfin, la section 1.5 décrit le vécu des travailleurs de première ligne sur le marché du travail pendant la crise du COVID‑19.
1.1. Les retombées économiques de l’agression de la Russie contre l’Ukraine compromettent la vigueur de la reprise économique post-COVID‑19
La reprise économique consécutive à la crise du COVID‑19 a été plus rapide que prévu grâce aux mesures de soutien aux entreprises et aux ménages mises en place rapidement et à grande échelle pendant la crise par les pouvoirs publics et au déploiement rapide de vaccins efficaces (OCDE, 2021[1]). La production dans la zone OCDE a renoué avec ses niveaux d’avant la crise dès le T3 2021 et a continué de croître – quoiqu’à un rythme plus modéré – au deuxieme trimestre 2022, pour atteindre 3.4 points de pourcentage de plus qu’au T4 2019. Les perturbations économiques provoquées par la vague d’infections au variant Omicron fin 2021 et dans les premiers mois de 2022 se sont révélées globalement modestes dans la plupart des pays, malgré un certain fléchissement aux États-Unis et au Japon, où le PIB a reculé au premier trimestre 2022, et dans la zone euro, où la croissance a ralenti. Les données préliminaires pour le T2 2022 suggèrent que le PIB a augmenté dans la zone euro, au Mexique et au Japon mais s'est légèrement contracté aux États-Unis - avec une croissance positive enregistrée pour l'ensemble de l'OCDE.
Le redressement du PIB est inégal selon les pays de l’OCDE (Graphique 1.1). Au T1 2022, le PIB est resté inférieur à ses niveaux d’avant la pandémie dans huit pays ; en Islande, en Espagne et au Mexique, la production était inférieure de plus de 1 point au niveau de référence du T4 2019. À titre de comparaison, le PIB était supérieur d’au moins 2.5 points au niveau d’avant la pandémie dans 22 pays, avec des hausses particulièrement importantes en Irlande, au Chili, en Colombie, en Türkiye, en Israël et en Pologne.
Avec le redressement de l’économie, l’emploi total dans la zone OCDE a retrouvé ses niveaux d’avant la crise à la fin de 2021, et a poursuivi sa croissance – mais à un rythme plus lent – au premier semestre 2022, atteignant en juin 2022 un niveau supérieur de 1.3 % à celui d'avant la crise. (Graphique 1.2). La croissance de l’emploi a été particulièrement soutenue en Australie (en juillet 2022, l’emploi y était supérieur de 4.6 % au niveau de fin 2019) et au Mexique (avec un taux d’emploi supérieur d’environ 4.5 % à son niveau d’avant la crise en juillet 2022). Au Japon – où l’emploi était inférieur de 1 % à ses niveaux d’avant-crise en juillet 2022, et aux États-Unis – où l'emploi a atteint les niveaux d'avant la crise en août 2022. Dans la zone euro, l’emploi a ralenti sa croissance au printemps 2022, pour se stabiliser en juillet 2022 à l’emploi total a atteint un niveau supérieur d'environ 2.3 % à celui d'avant la crise.
Le taux de chômage de la zone OCDE a progressivement reculé par rapport au pic de 8.8 % atteint en avril 2020, avant de se stabiliser au cours des premiers mois de 2022. En juillet 2022, le taux de chômage de la zone OCDE s’élevait à 4.9 %, soit légèrement en deçà du taux de 5.3 % enregistré en décembre 2019 (Graphique 1.3). En juillet 2022, le chômage était inférieur à son niveau d’avant la crise dans 24 pays, et supérieur de plus de 0.5 point de pourcentage uniquement en Finlande et en Estonie. La montée du taux de chômage a été très variable d’un pays à l’autre : le chômage a ainsi augmenté plus fortement et plus rapidement dans les pays qui ont peu utilisé les dispositifs de maintien dans l’emploi, comme les États-Unis, la Colombie, le Costa Rica et le Chili. Toutefois, début 2022, le taux de chômage était retombé à un niveau proche de celui constaté avant la crise dans tous les pays (Graphique 1.4)2. Le recours à l’indemnisation du chômage ne signifie pas nécessairement que les travailleurs dans ces pays se trouvaient dans une situation moins favorable que les travailleurs dans les pays ayant mis en place des dispositifs de maintien dans l’emploi. Les États-Unis ont par exemple considérablement renforcé et étendu les aides en espèces et les critères d’éligibilité au cours de la première année et demie de la pandémie.
1.1.1. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a généré une nouvelle série de chocs négatifs et accentué l’incertitude qui pèse sur les perspectives à court terme
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une crise humanitaire qui a touché plusieurs millions de personnes, et généré une nouvelle série de chocs économiques négatifs3. Les prix des matières premières ont bondi, signe de l’importance des approvisionnements en provenance de Russie et d’Ukraine sur de nombreux marchés, accentuant les tensions inflationnistes et mettant à mal les revenus réels, notamment ceux des ménages les plus vulnérables. Les tensions pesant sur l’offre ont également gagné en intensité à cause du conflit, mais aussi des conséquences du maintien des fermetures d’activités dans les grandes villes et les ports de Chine, dicté par la politique « zéro Covid ».
Plus de 6.5 millions de personnes ont déjà dû fuir l’Ukraine pour se réfugier dans d’autres pays d’Europe, et les déplacés de l’intérieur sont encore bien plus nombreux4. Le nombre de personnes ayant déjà fui l’Ukraine depuis le début de la guerre est plusieurs fois supérieur au flux annuel de demandeurs d’asile en Europe au plus fort de la crise des réfugiés syriens en 2015‑16. Les flux de réfugiés provoqués par la guerre entraîneront des dépenses publiques supplémentaires à court terme dans les pays d’accueil, qui seront toutefois compensées au fil du temps à mesure que les réfugiés entreront sur le marché du travail. L’Encadré 1.1 passe en revue les enseignements tirés des expériences récentes des pays de l’OCDE susceptibles de faciliter l’intégration des réfugiés sur le marché du travail des pays d’accueil.
Encadré 1.1. Principes à suivre pour aider les réfugiés et favoriser leur intégration
À la suite de l’afflux massif d’immigrés admis pour raisons humanitaires dans les pays de l’OCDE en 2015, et en s’appuyant sur ses travaux de longue date sur l’intégration des réfugiés, l’OCDE a recensé un certain nombre de bonnes pratiques mises en place dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2016[2]). La partie ci‑après propose une synthèse des enseignements les plus utiles pour faciliter l’intégration des millions de personnes qui ont été contraintes de quitter l’Ukraine pour se réfugier dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2022[3]).
1. Assurer des services d’accueil le plus rapidement possible
Si l’incertitude demeure quant à la durée effective de ces déplacements forcés, il est essentiel que les compétences des personnes concernées ne restent pas inutilisées longtemps. L’expérience de nombreux pays de l’OCDE laisse penser, par exemple, que l’entrée rapide sur le marché du travail après l’arrivée dans le pays constitue l’un des meilleurs facteurs prédictifs des résultats futurs.
2. Tenir compte des perspectives d’emploi dans les politiques de dispersion
De nombreux pays s’efforcent de répartir – ou de disperser – de manière égale les réfugiés dans tout le territoire. C’est également le cas pour les réfugiés d’Ukraine. Parallèlement, la situation du marché du travail local à l’arrivée dans le pays constitue aussi un déterminant crucial d’une intégration durable. Dans les régions où l’offre d’emplois est importante, l’intégration sur le marché du travail est plus rapide et plus aisée. Il est donc essentiel d’éviter que les nouveaux arrivants soient placés dans des zones où il existe des logements bon marché, mais où la situation du marché du travail est mauvaise.
3. Promouvoir l’égalité d’accès aux services dans tout le pays
La Directive relative à la protection temporaire définit des normes minimales pour l’accueil des réfugiés en provenance d’Ukraine dans les pays de l’UE. Il existe aussi toutefois de fortes disparités au sein des pays, certains services spéciaux étant disponibles dans certaines régions et pas dans d’autres. Ainsi, l’endroit où les réfugiés finissent par s’installer (un élément qu’ils peuvent rarement maîtriser) influe sur leurs perspectives d’intégration. Pour limiter les disparités, il faut : i) développer les connaissances nécessaires chez les autorités locales ; ii) proposer une aide financière appropriée et des incitations adaptées ; iii) mutualiser les ressources entre les autorités locales ; et iv) définir des normes communes et suivre la manière dont les autorités locales les respectent.
4. Enregistrer et évaluer les qualifications, l’expérience professionnelle et les compétences acquises à l’étranger
Les premières données laissent penser que le niveau d’instruction moyen des personnes déplacées en provenance d’Ukraine est élevé, la majorité d’entre elles ayant suivi des études supérieures. La plupart travaillaient également en Ukraine. Même s’il existe des similitudes, le système d’enseignement et de formation et le marché du travail en Ukraine sont très différents de ceux de nombreux pays d’accueil – ou du moins, les employeurs les connaissent mal. Il est essentiel de faire le bilan des compétences des personnes déplacées pour veiller à ce qu’elles soient mises à profit et renforcées. C’est pourquoi il est important que les qualifications et les compétences des réfugiés ukrainiens soient évaluées et reconnues rapidement et efficacement.
5. Tenir compte de la diversité des besoins et élaborer des approches sur mesure
Les réfugiés ukrainiens sont souvent des femmes diplômées de l’enseignement supérieur accompagnées de leurs enfants, mais on constate une grande diversité en termes de compétences, de situations familiales, de besoins particuliers et de ressources. La diversité des profils individuels complique donc l’intégration, car il n’existe manifestement pas de trajectoire d’intégration universelle. Les offres d’accueil doivent tenir compte des caractéristiques de cette population, notamment au regard de la garde des enfants.
6. Repérer rapidement les problèmes de santé mentale et physique et proposer une aide adaptée
Une proportion considérable de réfugiés souffrent de troubles psychologiques comme l’anxiété et la dépression sous l’effet des expériences traumatisantes, et souvent violentes, qu’ils ont vécues en Ukraine. Parallèlement, les problèmes de santé liés à des violences et des blessures sont aussi fréquents. Ils peuvent constituer un obstacle fondamental à l’intégration, car ils touchent pratiquement tous les domaines de la vie et influent sur la capacité à trouver un emploi, à apprendre la/les langue(s) du pays d’accueil, à interagir avec les institutions publiques et à avoir de bons résultats scolaires. Les pays d’accueil doivent diagnostiquer et traiter rapidement les problèmes de santé spécifiques en tenant compte des besoins particuliers.
7. S’appuyer sur la société civile pour favoriser l’intégration des immigrés admis pour raisons humanitaires
Face à l’ampleur sans précédent des déplacements de population en provenance d’Ukraine, les capacités d’accueil et d’aide des États ont été rapidement mises à rude épreuve, en particulier dans les pays voisins de l’Ukraine qui ont pris en charge l’essentiel de ces déplacements de population sans avoir guère d’expérience préalable en matière d’accueil de réfugiés. Face à cette situation, la société civile a fait preuve d’une solidarité sans précédent. D’une manière plus générale, la société civile intervient souvent là où l’action publique ne peut agir ou ne peut être déployée suffisamment rapidement ou à une échelle suffisante. L’aide de la société civile est aussi essentielle pour la cohésion sociale.
Note : Encadré préparé par Thomas Liebig de la Division des migrations internationales de la Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE.
Les projections économiques de l’OCDE établies en juin 2022 signalent un ralentissement de la croissance du PIB mondial sous l’effet des retombées économiques de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. La croissance du PIB mondial devrait ainsi se situer désormais aux alentours de 3.0 % en 2022 – contre 4.5 % attendus en décembre 2019 – et rester globalement stable en 2023 (OCDE, 2022[4]).
La normalisation des marchés du travail devrait se poursuivre en 2022‑23, malgré le nouveau choc négatif provoqué par la guerre en Ukraine, qui rend toutefois les perspectives plus incertaines (OCDE, 2022[4]). À mesure que la situation sanitaire continuera de s’améliorer, grâce à la hausse des taux de vaccination et à la découverte de traitements plus efficaces contre le COVID‑19, le taux d’activité devrait augmenter dans la quasi-totalité des économies. Dans tous les pays de l’OCDE, comme indiqué au Graphique 1.2, l’emploi total avait déjà retrouvé ses niveaux d’avant la crise à la fin de l’année 2021, mais sa croissance devrait désormais marquer le pas. En particulier, fin 2022, l’emploi total dans la zone OCDE devrait être supérieur de 1.5 point de pourcentage à son niveau du T4 2019, et de 2.5 points de pourcentage d’ici à la fin de 2023. Le taux de chômage devrait se stabiliser pour rester légèrement supérieur à 5 % à la fin de 2022 et en 2023 (Graphique 1.5).
Divers risques à la baisse importants pourraient entraîner une nouvelle dégradation de la situation économique, avec à la clé de possibles répercussions sur les marchés du travail. Ces risques concernent en particulier une interruption brutale des flux de pétrole et de gaz de la Russie vers l’Europe, des perturbations plus fortes dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, ou encore la contagion d’une crise financière. Les tensions inflationnistes pourraient également se révéler plus vives que prévu, les anticipations d’inflation risquant de monter et de s’éloigner encore plus des objectifs des banques centrales et se matérialisant dans une croissance plus rapide des salaires, sur fond de tensions sur les marchés du travail. De brusques variations des taux directeurs pourraient également entraîner un ralentissement de la croissance plus marqué que prévu. Enfin, l’évolution de la pandémie de COVID‑19 reste également source de risque : de nouveaux variants, plus agressifs ou contagieux, pourraient faire leur apparition, tandis que le déploiement de politiques « zéro Covid » dans de grandes économies comme la Chine pourrait miner la demande mondiale et perturber les approvisionnements.
1.2. La reprise du marché du travail après la crise du COVID‑19 a été plus forte que prévu, mais inégale selon les pays
Les indicateurs du marché du travail pour le premier trimestre 2022 – qui n’ont été que très peu influencés par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – mettent en évidence une reprise plus forte que prévu sur les marchés du travail après la crise du COVID‑19, même si certains pays ont pris du retard.
1.2.1. Le nombre d’heures travaillées signale une reprise incomplète dans de nombreux pays, et les taux d’emploi et d’inactivité dessinent un tableau contrasté selon les pays
Début 2022, le nombre total d’heures travaillées restait inférieur à son niveau d’avant la crise dans de nombreux pays. En moyenne dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, le nombre d’heures travaillées au T1 2022 était inférieur de 0.2 % à celui du T1 2019 (Graphique 1.6)5. Le redressement du nombre total d’heures travaillées a été ralenti, voire stoppé dans certains pays, à la suite de l’adoption de nouvelles restrictions au dernier trimestre 2021 en raison d’une nouvelle vague agressive de la pandémie provoquée par le variant Omicron. Début 2022, le nombre total d’heures travaillées restait inférieur aux niveaux d’avant la crise dans 19 des 35 pays pour lesquels des données sont disponibles. En Finlande, au Japon, en Estonie, en République tchèque, en République slovaque et en Islande, l’écart était particulièrement important et dépassait 5 %.
Au début de l’année 2022, les taux d’emploi et d’inactivité s’étaient globalement améliorés par rapport à la situation antérieure à la crise, mais certains pays étaient à la traîne
Début 2022, les taux d’emploi et d’inactivité s’étaient globalement améliorés par rapport aux niveaux d’avant la crise, mais certains pays accusaient encore un retard (Graphique 1.7). Selon les dernières données disponibles (T1 2022), le taux d’emploi de la population d’âge actif était supérieur de 1.5 point de pourcentage en moyenne à celui constaté avant la crise dans 28 des 38 pays de l’OCDE. Dans les dix autres pays, le taux d’emploi était inférieur de 1.6 point de pourcentage en moyenne à celui du T4 2019, l’écart excédant 2 points de pourcentage en Colombie, au Costa Rica, au Chili et en Lettonie.
La montée initiale de l’inactivité observée dans l’ensemble des pays en 2020, liée à l’effet dissuasif de la pandémie sur la recherche active d’emploi (OCDE, 2021[1]), s’était en grande partie résorbée début 2022. Selon les données les plus récentes, les taux d’inactivité étaient inférieurs de 1.3 point de pourcentage en moyenne à ceux relevés juste avant la crise dans 27 pays de l’OCDE. Dans les 11 autres pays, l’inactivité était supérieure de 1.2 point de pourcentage en moyenne aux niveaux d’avant la crise, les écarts les plus marqués excédant 2 points de pourcentage en Colombie, au Costa Rica et au Chili.
Le chômage de longue durée est plus élevé qu’avant la crise dans de nombreux pays, mais il recule
Au début de la crise, le chômage de longue durée (12 mois ou plus) avait légèrement reculé dans plusieurs pays (OCDE, 2021[5]), principalement sous l’effet d’une contraction de la recherche d’emploi compte tenu des mesures de confinement initiales, souvent accompagnées d’une suspension des obligations de recherche d’emploi, de nombreuses personnes ayant ainsi été classées parmi les inactifs plutôt que parmi les chômeurs. Toutefois, en 2021, à mesure que la recherche d’emploi repartait à la hausse, le chômage de longue durée a augmenté dans de nombreux pays, malgré l’embellie générale enregistrée sur le marché du travail. Au premier trimestre 2022, le chômage de longue durée restait supérieur à son niveau d’avant la crise, mais s’inscrivait en baisse dans la plupart des pays (Graphique 1.8)6. Le taux de chômage de longue durée notamment était supérieur à son niveau d’avant la crise dans 20 des 32 pays pour lesquels des données sont disponibles, mais la moyenne de l’OCDE avait déjà renoué avec son niveau d’avant‑crise. La progression du taux de chômage de longue durée a été supérieure à 50 % aux États-Unis (de 0.5 % à 0.7 %) et au Canada (de 0.5 % à 0.8 %) – deux pays qui affichaient des niveaux de chômage de longue durée comparativement faibles avant le début de la crise7. En Grèce, en Corée du Sud, en Lettonie, en Australie et au Danemark, le taux de chômage de longue durée a diminué de plus de 15 %.
1.2.2. Une forte augmentation du nombre d’emplois vacants a entraîné un resserrement rapide des marchés du travail, accompagné de fréquentes pénuries de personnel signalées par les entreprises
Le rebond économique sans précédent enregistré dans de nombreux pays en 2021 s’est accompagné d’une envolée de la demande de main-d’œuvre, comme en témoigne la forte augmentation des postes vacants dans nombre de pays (Graphique 1.9). En effet, dans la plupart des pays considérés, les emplois vacants avaient déjà rejoint leurs niveaux d’avant la pandémie un an après le déclenchement de la crise au T2 2021, et ont continué d’augmenter régulièrement jusqu’à la fin de l’année. Au premier trimestre 2022, l’augmentation des postes vacants a ralenti, mais ils se sont maintenus à des niveaux historiquement élevés dans de nombreux pays. Au T1 2022, les postes vacants étaient supérieurs d’au moins 50 % aux niveaux constatés avant la crise en Australie, en Autriche, en Suède, au Royaume‑Uni et aux États-Unis. Si l’augmentation du nombre de postes vacants a été relativement moindre en Allemagne et en Pologne, ils étaient néanmoins supérieurs d’un peu moins de 20 % aux niveaux d’avant la crise au premier trimestre 2022. Parmi les pays non pris en compte dans le Graphique 1.9, les postes vacants ont atteint des niveaux record au Canada (+80 % au T4 2021 par rapport au T4 2019)8 et en Nouvelle‑Zélande (+31 % en mars 2022 par rapport à mars 2020)9. En Italie, le taux d’emplois vacants a atteint des niveaux record au second semestre 2021, pour se stabiliser autour de 1.9 au T1 2022 (Istat, 2022[6])10. Toujours au T1 2022, les emplois vacants étaient supérieurs d’au moins 40 % à leur niveau d’avant la crise au Luxembourg et au Portugal, et très légèrement supérieurs à leur niveau d’avant‑crise en Hongrie et en République tchèque11. Au moment de la rédaction du présent rapport, les chiffres relatifs au T2 2022 ne sont disponibles que pour quelques pays, mais ils confirment, d’une manière générale, que les emplois vacants sont restés nombreux tout au long du premier semestre. À titre de comparaison, deux ans après le début de la grande crise financière, les postes vacants restaient peu nombreux dans tous les pays figurant au Graphique 1.9 – ce qui témoigne de la nature profondément différente de ces deux crises.
Deux principaux facteurs ont probablement contribué à la hausse généralisée du nombre d’emplois vacants. Tout d’abord, les emplois vacants ont rebondi après deux ou trois trimestres de repli sans précédent en 2020, lorsque la rotation des effectifs dans les entreprises avait nettement ralenti sous l’effet de la crise sanitaire. Avec la réouverture des économies et la dissipation des incertitudes relatives à la situation économique et sanitaire au cours de l’année 2021, les entreprises et les travailleurs ont probablement mis en application (et continuent de le faire) les décisions d’embauche et de changement d’emploi qui avaient été suspendues. Dans les pays où les dispositifs de maintien dans l’emploi ont peu été utilisés pour préserver les emplois (comme aux États-Unis), le rebond a été particulièrement vigoureux en raison de la nécessité de pourvoir les emplois temporairement supprimés après les différentes vagues de la pandémie.
Ensuite, le deuxième déterminant de la forte augmentation des emplois vacants est la forte croissance de la demande de produits et de services enregistrée au second semestre de 2021 et au début de 2022. Les aides généreuses mises en place par de nombreux pays pendant la crise ont aidé de nombreuses entreprises à rester en activité et à préserver le pouvoir d’achat d’un grand nombre de consommateurs, créant ainsi les conditions favorables à la relance de l’économie à mesure que les restrictions devenaient progressivement plus ciblées et que les taux de vaccination augmentaient rapidement. La reprise soutenue de l’économie a ensuite été alimentée par des plans de relance massifs dans de nombreux pays. Par ailleurs, la demande a aussi été soutenue par l’épargne accumulée au début de la crise par de nombreux consommateurs qui ont réduit leurs dépenses de services, principalement en raison des restrictions en vigueur ou par crainte de la contagion (McGregor, Suphaphiphat et Toscani, 2022[7]).
Comme le montre le Graphique 1.3, les taux de chômage ont diminué tout au long de 2021, mais le rythme de cette baisse n’a pas été à la hauteur de l’augmentation du nombre d’emplois vacants. De fait, alors que les offres d’emploi étaient largement supérieures à leurs niveaux d’avant la crise début 2022, le chômage était plutôt proche du niveau constaté avant la crise dans tous les pays. Si les emplois vacants augmentent généralement plus vite que le chômage ne diminue pendant les phases de reprise, la vitesse sans précédent de la hausse des emplois vacants pendant la reprise post-COVID‑19 signifie que les tensions sur le marché du travail se sont accentuées dans la plupart des pays pour atteindre des niveaux généralement observés beaucoup plus tard dans le cycle (Banque centrale européenne, 2019[8]). Par ailleurs, bon nombre des courbes de Beveridge présentées dans le Graphique 1.9 – qui rendent compte de la corrélation négative entre chômage et emplois vacants – montrent un net éloignement par rapport à l’origine des axes au second semestre de 2021, signe d’une efficience moindre de la mise en correspondance des offres et des demandes d’emploi sur le marché du travail. La France et l’Allemagne font toutefois exception, puisque l’augmentation des postes vacants y a été moins prononcée et le chômage est tombé en deçà de son niveau d’avant la pandémie début 2022.
Les entreprises font état de pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs
Le renforcement des tensions sur le marché du travail et la diminution de l’efficience de la mise en correspondance des offres et des demandes d’emploi se reflètent clairement dans la hausse du nombre d’entreprises indiquant que des pénuries de main-d’œuvre limitent leur production (Graphique 1.10). Au T2 2022, la proportion d’entreprises du secteur manufacturier qui déploraient des pénuries de main-d’œuvre était, en moyenne, supérieure de 8.5 points de pourcentage (soit environ 26 %) à ce qu’elle était avant la crise dans les 22 pays de l’OCDE membres de l’Union européenne et la Türkiye. Dans le secteur des services, la proportion d’entreprises faisant état de pénuries de main-d’œuvre s’élevait à 27.5 % en moyenne dans ces pays, soit une hausse de plus de 11 points de pourcentage par rapport à avant la crise. Parmi ces pays, seules la Hongrie, la République tchèque, la République slovaque (dans le secteur manufacturier) et Türkiye (dans les services) n’ont pas vu les signalements de pénuries de main-d’œuvre augmenter. En janvier 2022, la proportion d’entreprises citant la main-d’œuvre comme la principale difficulté à laquelle elles sont confrontées atteignait également un niveau record en Nouvelle‑Zélande12. Au Canada, au premier trimestre 2022, 37 % des entreprises anticipaient des pénuries de main-d’œuvre au cours des trois prochains mois13. En Allemagne, un indicateur des pénuries de main-d’œuvre à l’échelle de l’ensemble de l’économie, compilé par l’Institut IAB, a dépassé ses niveaux d’avant la crise début 2022, après avoir rebondi par rapport aux faibles niveaux enregistrés en 2020 et début 202114.
Les données sur l’UE ventilées par secteur montrent que les difficultés de recrutement ont touché l’ensemble des secteurs au cours des derniers mois, mais qu’elles sont particulièrement prononcées dans ceux où les salaires sont bas (Graphique 1.11). Par exemple, la proportion d’entreprises indiquant que des pénuries de main-d’œuvre limitent leur production a augmenté de 13 points de pourcentage par rapport au niveau d’avant la crise, qui s’élevait à 20 % dans les services d’hébergement et de restauration, et de 12 points de pourcentage (par rapport à un niveau de 23 % avant la crise) dans les services administratifs et de soutien. Les entreprises du secteur de l’hébergement et de la restauration étaient aussi plus susceptibles de faire état de pénuries de main-d’œuvre au cours des premiers mois de 2022 au Royaume‑Uni (37 % contre 14 % en moyenne en avril 2022)15. Au Canada, la proportion d’entreprises anticipant des pénuries de main-d’œuvre au premier trimestre 2022 s’élevait à 65 % dans l’hébergement et la restauration, contre une moyenne de 37 % dans l’ensemble de l’économie16.
Dans certains pays, le nombre de démissions a augmenté parallèlement à l’accroissement des tensions sur le marché du travail
Aux États-Unis, après être resté pendant plus d’un an en deçà du niveau observé avant la pandémie, le nombre de démissions a atteint des sommets inédits au second semestre de 2021 pour se stabiliser ensuite à un niveau élevé au début de l’année 2022, ce qui a mené au constat d’un phénomène baptisé « la Grande Démission »17. L’augmentation du nombre de démissions a touché la quasi-totalité des secteurs, mais elle a été particulièrement prononcée, par rapport à la taille des secteurs, dans l’industrie manufacturière, le commerce de détail, la finance et l’assurance18. Les données sur les travailleurs qui ont quitté leur emploi varient quelque peu selon la méthodologie utilisée pour l’enquête et le moment où elle a été réalisée. Une enquête portant sur 4 000 entreprises américaines au cours de l’été 2021 montre que les démissions ont davantage augmenté parmi les travailleurs d’âge très actif (Cook, 2021[9]). Selon une enquête menée récemment par le Pew Research Center (Parker et Horowitz, 2022[10]), les travailleurs de moins de 29 ans sont plus susceptibles que tous les autres groupes d’âge d’avoir quitté leur emploi à un moment ou à un autre en 2021,mais l’étude ne fournit pas de chiffres de référence avant‑crise pour déterminer quels groupes ont connu les plus fortes hausses. Selon cette enquête, les hommes et les femmes étaient tout aussi susceptibles de quitter leur emploi en 2021, mais les démissions étaient plus fréquentes parmi les minorités raciales/ethniques.
Rien n’indique que l’augmentation du nombre de démissions soit due au fait que des personnes sortent de la population active. En effet, le ratio emploi/population aux États-Unis a poursuivi sa progression régulière au premier trimestre 2022, alors même que le nombre de démissions restait élevé et que la croissance du PIB devenait négative (voir section 1.1)19. En outre, fin 2021, les taux d’embauche étaient supérieurs aux taux de démission dans tous les secteurs, y compris dans les services offrant de faibles rémunérations (Gould, 2022[11]). Ces chiffres signalent une forte mobilité entre les secteurs sur un marché du travail tendu, plutôt que des sorties importantes de certains secteurs en raison d’une modification des préférences des travailleurs. Une enquête menée par le Pew Research Center montre que la grande majorité de ceux qui ont quitté leur emploi en 2021 déclarent avoir trouvé un nouvel emploi sans grandes difficultés et avec des conditions comparables, voire meilleures que leur précédent emploi (Parker et Horowitz, 2022[10]).
En dehors des États-Unis, les éléments attestant d’une forte augmentation des démissions sont peu nombreux. Au Royaume‑Uni, les transitions d’un emploi à un autre sont restées inférieures aux niveaux d’avant la pandémie jusqu’à l’été 2021, avant d’atteindre un niveau record au quatrième trimestre, supérieur d’environ 30 % à celui du quatrième trimestre 2019, sous l’effet d’une augmentation des démissions. Au premier trimestre 2022, les changements d’emplois ont légèrement diminué, tout en restant supérieurs de plus de 20 % à ceux enregistrés au premier trimestre de 201920. Toutefois, aucun élément ne signalait une augmentation de la mobilité intersectorielle qui aurait été attendue si la pandémie avait incité les travailleurs à quitter certains secteurs en particulier21. En France, après une longue période de dépression, le nombre de démissions de travailleurs permanents est passé au-dessus des niveaux d’avant‑crise au troisième trimestre 2021 – sous l’effet d’une augmentation du nombre de travailleurs bénéficiant auparavant de dispositifs de maintien dans l’emploi – puis il est resté élevé au dernier trimestre22,23. En Allemagne, toutefois, rien n’indique qu’il ait augmenté par rapport à avant la crise, du moins jusqu’en mars 2021 (Rottger et Weber, 2021[12]). De la même manière, en Australie, la proportion d’entreprises avec des postes à pourvoir qui déclarent avoir besoin de remplacer leurs salariés démissionnaires est restée stable en 2021. En février 2022, elle s’élevait à 79.7 %, soit seulement 1 point de pourcentage de plus qu’avant la pandémie en février 202024.
L’accentuation rapide des tensions sur les marchés du travail est probablement une conséquence de la vigueur du rebond économique
Les tensions croissantes observées sur le marché du travail de nombreux pays résultent, selon toute vraisemblance, d’une demande de main-d’œuvre qui grimpe en flèche, aiguillonnée par la forte reprise de l’activité économique une fois levées les restrictions qui pesaient sur celle‑ci. Dans la mesure où des pénuries de personnel sont signalées dans différents pays et secteurs d’activité, il y a lieu de penser que la situation actuelle ne découle pas de la raréfaction d’une certaine catégorie de main-d’œuvre dont les répercussions asymétriques de la crise à l’échelle de l’économie, par exemple, auraient été la cause (voir Section 1.3). Des études récentes ont montré en effet que le décalage entre le profil des travailleurs à la recherche d’un emploi et la nature des emplois vacants s’est sensiblement accru au début de la crise du COVID‑19, mais pour un temps très court et sans atteindre, en règle générale, la même ampleur qu’au moment de la grande crise financière (Shibata et Pizzinelli, 2022[13] ; Duval et al., 2022[14]). Ces études indiquent au contraire que si l’emploi a répondu mollement à la forte augmentation du nombre de postes à pourvoir au cours du second semestre 2021, c’est en partie à cause d’une contraction de l’offre de main-d’œuvre du côté des travailleurs peu qualifiés ou âgés. Le fait est que, dans des pays comme les États-Unis et le Royaume‑Uni, cette augmentation s’est produite alors même que les taux d’inactivité demeuraient supérieurs à leur niveau d’avant-crise. Il est possible que le manque général de main-d’œuvre s’explique aussi par la faiblesse durable du solde migratoire de nombreux pays. D’après les premiers éléments disponibles, au T3 2021, la population active en Europe était toujours inférieure à ce que les tendances d’avant-crise laissaient escompter, ce qui s’explique en grande partie par le fait que ce solde demeure insuffisant (Banque centrale européenne, 2022[15]).
L’accentuation des tensions sur le marché du travail pourrait en soi favoriser la mobilité professionnelle – comme le confirment les vagues de démissions observées ici ou là – et inciter les demandeurs d’emploi à privilégier les offres les plus pérennes ou les plus intéressantes. La générosité des aides au revenu versées par de nombreux pays durant la crise a peut-être aidé certains d’entre eux à prolonger leurs recherches dans cette optique – bien que les observations faites aux États-Unis ne révèlent pour l’essentiel que des effets limités à cet égard (Holzer, Hubbard et Strain, 2021[16] ; Coombs et al., 2022[17] ; Petrosky-Nadeau et Valletta, 2021[18]). La persistance de la pandémie a peut-être rendu moins attrayants les emplois de première ligne faiblement rémunérés qui impliquent généralement un contact direct avec les clients, et pourrait avoir renforcé l’impression qu’ils sont de moindre qualité. Pizzinelli et Shibata (2022[13]) font valoir que la réticence des individus à reprendre un emploi de ce genre entre probablement en ligne de compte aux États-Unis et au Royaume‑Uni.
Dans de nombreux secteurs cependant – qu’ils réclament un personnel qualifié ou non – cette conjoncture exceptionnelle ajoute aux difficultés de recrutement existantes. Dans leurs réponses à un questionnaire que l’OCDE leur avait soumis (voir Chapitre 2), plus de 70 % des pays indiquent avoir connu des pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs des soins de longue durée et de la santé durant la crise du COVID‑19 – et la plupart d’entre eux précise que cette crise n’a fait qu’aggraver des problèmes qui se posaient déjà auparavant. À l’échelle européenne, les pénuries de personnel sont en augmentation constante depuis la fin de la crise financière (Eurofound, 2021[19]). Dans plusieurs pays, la courbe de Beveridge s’est déplacée vers le haut après cette crise, signe qu’il devient de plus en plus difficile de mettre en correspondance le nombre important de postes à pouvoir et l’effectif non moins important de chômeurs et ce, en raison de l’inadéquation des qualifications ou de conditions de travail insatisfaisantes (Banque centrale européenne, 2019[8]). Lorsque la pandémie s’est déclarée, en 2020, les pénuries de main-d’œuvre se sont rapidement aggravées dans l’agriculture ainsi que dans les secteurs de la santé et des TIC en Europe (Eurofound, 2021[19] ; Samek Lodovici et al., 2022[20]).
Les mois à venir nous aideront à voir si la multiplication des postes vacants dans tous les secteurs d’activité ne masque pas des tensions nouvelles (ou plus vives) dans certains secteurs particuliers en raison de décalages qualitatifs entre l’offre et la demande de travail. Comme nous le verrons plus loin à la Section 1.3, les secteurs qui ont connu une phase d’expansion depuis le début de la crise sont très différents de ceux où l’emploi s’est contracté, ce qui laisse supposer un hiatus entre les qualifications des demandeurs d’emploi et celles désormais requises par les postes à pouvoir. Des écarts d’ordre géographique pourraient eux aussi faire leur apparition si les secteurs en croissance et ceux en déprise n’ont pas la même implantation, de même qu’avec l’évolution des habitudes de consommation (par exemple avec la progression des achats en ligne ou l’essor du télétravail qui a déplacé une partie de la consommation en dehors des centres urbains). Très peu d’éléments à l’heure actuelle permettent d’attester l’existence de disparités qui seraient issues de la crise du COVID‑19. À ce qui ressort à première vue des données réunies en Australie, en Espagne, au Royaume‑Uni, aux États-Unis, au Canada et au Japon, le problème semble limité du fait du rebond rapide des secteurs les plus durement touchés (Duval et al., 2022[14]). Enfin, en plus des tensions nées des changements que la pandémie en elle‑même a pu induire ou accélérer, de nombreux pays comptent se servir de leurs plans de relance pour hâter la transformation numérique et la transition vers une économie neutre pour le climat – par une réforme structurelle à marche forcée du marché du travail, qui pourrait elle aussi contribuer à accentuer les décalages d’ordre qualitatif.
1.2.3. Malgré les tensions sur les marchés du travail, les salaires réels se contractent en raison d’une inflation nettement supérieure à la modeste croissance des salaires nominaux
En dépit de la vigueur du marché du travail, les salaires diminuent en termes réels depuis plusieurs mois. En effet, quand bien même elle a atteint par endroits, entre la fin 2021 et le début 2022, des niveaux plus élevés qu’avant la pandémie, la croissance des salaires nominaux est restée très inférieure à l’inflation galopante née de la flambée du prix des produits de base (Graphique 1.12).
Aux États-Unis, les salaires nominaux progressaient lentement dès le second semestre de 2021. Pour autant, les salaires réels étaient en recul. En effet, au dernier trimestre, la croissance des salaires nominaux dans le secteur privé s’établissait à 5 % – soit environ deux points de plus qu’au cours du trimestre qui a précédé immédiatement la crise – alors que l’inflation bondissait à 6.7 %. Au premier trimestre de 2022, la croissance annuelle des salaires nominaux restait stable tandis que l’inflation atteignait 8 %. Les salaires nominaux ont fortement progressé dans les secteurs des loisirs, de l’hébergement et de la restauration, avec une croissance qui s’établissait à 9 % au T1 2022 – résultant en partie des augmentations des salaires minimums appliquées par un certain nombre d’États et de collectivités (Encadré 1.2) – quand elle tournait autour de 4 % les trimestres qui ont précédé la pandémie (Graphique 1.13)25.
En Europe, l’indice de la BCE sur les salaires négociés dans la zone euro a légèrement remonté au premier trimestre 2022 (+ 2.8 %), mais reste nettement inférieur à l’inflation (6.1 %). En France, le salaire horaire brut nominal des employés non-cadres a progressé de 1.9 % au T4 2021 et de 2.5 % au T1 2022, soit moins que l’inflation qui s’établissait à 2.7 % et 3.7 %, respectivement. Au T1 2022, la croissance des salaires nominaux a été supérieure à la moyenne, mais inférieure à l’inflation dans deux secteurs dont les emplois sont faiblement rémunérés, le commerce de détail et l’hôtellerie‑restauration26. Au Canada, la progression du salaire horaire nominal est restée en deçà de son niveau d’avant-crise pendant la majeure partie de l’année 2021 et a atteint 3 % au premier trimestre 2022, en net retard sur l’inflation qui était à 5.8 %. Au Royaume‑Uni, la croissance du salaire nominal hebdomadaire moyen a été inférieure à l’inflation au T4 2021 et au T1 2022 – à la différence de mesures salariales, comme les primes, qui la suivent de plus près. Les données par secteur témoignent d’une évolution similaire dans le pays entre les secteurs de services peu rémunérateurs et l’ensemble du secteur privé jusqu’à la fin de l’année 2021, suivie d’une progression plus importante dans ces secteurs à bas salaires au début de 2022 (Graphique 1.13)27. Au Japon, le taux de croissance annuelle des gains en espèce totaux était légèrement inférieur à l’inflation au T4 2019, mais s’établissait à 1.1 % au T1 2022, quand l’inflation était de 0.9 %.
Les tensions sur les marchés du travail peuvent concourir à améliorer les conditions de travail des groupes les plus défavorisés, cependant l’inflation continuera vraisemblablement de rogner les salaires réels au cours des mois à venir
Un marché du travail tendu peut avoir une incidence positive sur les conditions de travail dans les secteurs à bas salaire. Comme nous l’avons déjà dit en effet, certains éléments donnent à penser que la croissance nominale des salaires est plus soutenue dans quelques-uns de ces secteurs (voir Graphique 1.13), et Duval et al. (2022[14]) observent que les salaires y ont été plus sensibles à l’accentuation des tensions sur le marché du travail au cours de l’année 2021. De manière plus générale, ces tensions vont de pair avec une amélioration de la situation des individus, à commencer par ceux issus de groupes vulnérables, sur les marchés concernés – tant au regard des conditions de travail, pour ceux qui ont un emploi, qu’au regard du taux de participation à la vie active (Bergman, Matsa et Weber, 2022[21] ; Aaronson, Barnes et Edelberg, 2022[22]). Il faut ajouter qu’elles favorisent les redéploiements de main-d’œuvre entre les entreprises et peuvent avoir en cela un effet positif sur la productivité.
Il ne faut pas que l’amélioration des conditions de travail des individus les plus défavorisés soit à l’origine des pressions inflationnistes significatives et généralisées (surtout en présence d’un pouvoir de monopsone considérable – voir Chapitre 3). Pour Duval et al. (2022[14]), l’accentuation des tensions dans les secteurs à bas salaire en 2021 n’a eu qu’une incidence limitée sur les salaires à l’échelle macroéconomique, car ces secteurs ne représentent qu’une faible part des coûts de main-d’œuvre totaux (aux États-Unis et au Royaume‑Uni). Des pressions inflationnistes pourraient naître de la conjonction des pénuries persistantes de main-d’œuvre dans différents secteurs et de l’inflation forte ou croissante due au renchérissement de l’énergie et des produits alimentaires. Les entreprises qui ont vu leurs bénéfices progresser durant la pandémie sous l’effet d’une hausse prévisible de la demande devraient être en mesure de répondre à un durcissement des exigences salariales sans trop augmenter leurs prix. Celles dont les bénéfices ont, au contraire, été entamés par la crise ou par le coût accru des intrants ne pourront guère revaloriser les salaires sans ajuster leurs prix à la hausse.
L’OCDE (2022[4]) s’attend à ce que les salaires réels poursuivent leur contraction en 2022, sous l’effet d’une inflation appelée à rester élevée. En effet, la guerre en Ukraine a d’ores et déjà porté l’inflation bien au-delà du niveau escompté au moment des négociations collectives menées pour fixer les taux de rémunération des salariés en 2022. Qui plus est, les pressions sur les salaires nominaux vont sans doute se relâcher avec la reprise des migrations internationales et l’intégration des réfugiés sur les marchés du travail de leur pays d’accueil. Dans la zone OCDE considérée dans son ensemble, le rythme de progression des salaires en termes nominaux devrait ralentir pour passer de 4.25 %, en 2022, à 3.5 %, en 2023 (OCDE, 2022[4]). La croissance des salaires en termes réels au cours de ces deux années devrait être négative dans la plupart des pays (Graphique 1.14).
La contraction des salaires réels frappe plus durement les travailleurs modestes, déjà touchés de plein fouet par la crise du COVID‑19
Les répercussions de la poussée de l’inflation sur les revenus réels sont plus marquées pour les ménages modestes, qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du COVID‑19. En effet, les hausses récentes des prix de l’alimentation et de l’énergie représentent proportionnellement une part plus importante de leurs dépenses, et il n’est guère possible de les compenser en puisant dans l’épargne ou en rognant les dépenses non essentielles (OCDE, 2022[4]). Les ménages modestes comptent une plus forte proportion de travailleurs faiblement rémunérés, qui étaient plus susceptibles de voir leurs revenus diminuer pendant la crise du COVID‑19, en raison, soit d’une perte d’emploi, soit d’une réduction de leur temps de travail (OCDE, 2021[5]).
Au-delà de leur rôle en faveur de la négociation collective, les pouvoirs publics disposent d’un ensemble de moyens d’action complémentaires pour atténuer les effets de l’inflation sur ces ménages. Les données disponibles montrent que les pouvoirs publics ont réagi promptement, par le versement de primes énergie temporaires et par l’intermédiaire du régime de prélèvements et prestations, quoique les interventions aient souvent été coûteuses et non ciblées (voir au Chapitre 2 une analyse des interventions menées récemment dans les pays de l’OCDE). Les salaires minimums légaux ont fait l’objet d’ajustements dans de nombreux pays, mais leur progression n’en demeure pas moins, en règle générale, inférieure à l’inflation (Encadré 1.2).
Encadré 1.2. L’inflation élevée rogne la valeur réelle des salaires minimums légaux
Dans la zone OCDE, la valeur réelle des salaires minimums légaux a diminué en 2021. En effet, les revalorisations accordées dans plusieurs pays ont été pratiquement réduites à rien par une inflation galopante (Graphique 1.15). Au 1er janvier 2022, en moyenne pour les 29 pays de l’OCDE où il en existe et pour lesquels des données comparables sont disponibles, les salaires minimums légaux avaient augmenté de 6 % en termes nominaux par rapport à l’année précédente, mais de 0.3 % en termes réels (Graphique 1.15). Cette situation est particulièrement préoccupante dans la mesure où la récente poussée inflationniste pénalise avant tout les ménages les plus modestes (OCDE, 2022[4]).
La valeur réelle du salaire minimum légal a diminué dans 18 pays sur 29, à commencer par les États‑Unis, la Lettonie – deux pays où la valeur nominale n’a pas varié entre 2021 et 2022 – et la Belgique – qui, elle, a procédé à un ajustement en septembre 2021 devant le fort renchérissement du coût de la vie. La Lettonie était le seul pays d’Europe orientale à n’avoir pas modifié le salaire minimum au début de 2022, après une hausse sensible l’année précédente et une augmentation de la part exonérée d’impôt (Eurofound, 2022[23]). Aux États-Unis, le salaire minimum fédéral est le même depuis 2009, cependant 21 États ont relevé le leur en janvier 2022, de 7 % en moyenne (non pondérée) (EPI, 2022[24]).
L’érosion de la valeur réelle des salaires minimums légaux s’est poursuivie dans la plupart des pays au cours du premier semestre. En effet, rares sont ceux où un ajustement automatique de ces salaires est effectué à brève échéance dès lors que l’inflation s’inscrit durablement en hausse. En Belgique, la forte poussée inflationniste a donné lieu à trois revalorisations, en septembre 2021 ainsi qu’en mars et mai 2022, auxquelles s’est ajoutée une réévaluation appliquée en avril 2022 conformément aux dispositions d’un accord antérieur. De même, la France a augmenté le salaire minimum en mai puis en août 2022. Au Luxembourg, le dernier ajustement automatique remonte à septembre 2021.
Dans la plupart des pays qui n’ajustent pas automatiquement les salaires minimums face à une inflation élevée, les revalorisations sont décidées à intervalles réguliers, en règle générale tous les ans. Plusieurs de ces pays indexent directement les salaires minimums sur un indicateur d’inflation (Slovénie, Costa Rica et Mexique, notamment) ou tiennent explicitement compte de cette dernière, par d’autres moyens, dans le processus de revalorisation. Quoi qu’il en soit, quand l’inflation s’installe dans la durée et accélère, un ajustement trop tardif des salaires minimums peut avoir des conséquences extrêmement préjudiciables sur le niveau de vie des travailleurs modestes.
Même dans les systèmes qui envisagent seulement une revalorisation à intervalles réguliers, des interventions ponctuelles, lorsque les circonstances le justifient, peuvent être un moyen valable d’atténuer en temps opportun les conséquences de l’inflation sur les plus modestes. La Grèce, par exemple, a augmenté de plus de 7 % le salaire minimum, en mai 2022, à titre de mesure exceptionnelle face à la flambée des prix (Vacas‑Soriano et Aumayr-Pintar, 2022[25]). En Espagne, la poussée inflationniste a conforté les pouvoirs publics dans leur projet d’augmenter progressivement le montant du salaire minimum. En février 2022, une revalorisation de 5.2 % a ainsi été décidée, avec effet rétroactif au 1er janvier. En Allemagne, le salaire minimum nominal augmentera de 22 % au cours de l’année 2022. Une première augmentation s’est appliquée à partir de juillet dans le cadre de la procédure ordinaire de revalorisation, et une seconde doit entrer en vigueur en octobre pour faire suite à une décision des pouvoirs publics qui, toutefois, est antérieure à la récente flambée des prix.
Augmenter les salaires minimums légaux peut être un moyen de répartir plus équitablement le coût de l’inflation entre les entreprises et les actifs, en particulier sur les marchés où les premières sont en situation de monopsone (voir Chapitre 3). La plupart des éléments d’appréciation que l’on a pu réunir à l’échelle internationale tendent à indiquer qu’une revalorisation modérée n’a pas d’effet négatif marqué sur l’emploi (Dube, 2019[26] ; OCDE, 2015[27]). Cela étant, les répercussions peuvent être plus sensibles lorsque le coût d’autres facteurs de production grimpe en flèche et amenuise ainsi la marge de manœuvre dont les entreprises pouvaient disposer pour absorber les augmentations salariales. Au surplus, si l’ajustement des salaires minimums permet bien, en règle général, d’accroître les ressources des travailleurs situés au bas de l’échelle salariale, son effet sur les ménages modestes est moins tranché, dans la mesure où beaucoup de familles pauvres n’ont pas de revenu d’activité et, où, d’autre part, nombre de travailleurs rémunérés au salaire minimum appartiennent à un ménage dont les revenus sont supérieurs à la moyenne (OCDE, 2015[27]). Les pouvoirs publics peuvent avoir recours à d’autres leviers complémentaires, ainsi le système d’impôts et de prestations et les primes, pour aider ces ménages à faire face à l’augmentation de leurs dépenses d’énergie – voir le Chapitre 2 pour un inventaire des différentes interventions des pays de l’OCDE.
1.3. Les activités de service faiblement rémunératrices, lanternes rouges de la reprise
La crise actuelle se caractérise par des effets très disparates, et bien établis, selon les secteurs d’activité (OCDE, 2021[1]). Les secteurs qui ne se prêtaient pas au télétravail – services d’hébergement et de restauration, activités artistiques, transports et stockage, par exemple – ont connu une contraction considérable de leur activité ainsi que de nombreuses suppressions d’emplois dans tous les pays. D’autres secteurs à l’inverse, comme l’information et la communication ou les services financiers et d’assurance, ont connu un regain d’activité dès 2020. La pandémie se poursuivant en 2021, les secteurs peu adaptés au télétravail ont continué d’être les premiers à pâtir des restrictions plus ciblées mises en place et de l’adoption de nouvelles habitudes de consommation quand bien même les conséquences économiques globales de chaque nouvelle vague épidémique allaient diminuant. Dans la plupart des pays qui ont eu largement recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi, le travail à temps partiel a permis dans un premier temps d’amortir l’essentiel de la crise, toutefois, celle‑ci se prolongeant, le coût des ajustements a été reporté sur la marge extensive : bon nombre des salariés en chômage partiel sont retournés au travail, cependant que les emplois détruits n’ont pas tous été remplacés (OCDE, 2021[1]).
Eu égard aux effets diamétralement opposés qu’elle a produits selon les secteurs d’activité et aux profonds changements qu’elle a induits dans les modes de consommation et l’organisation du travail, il est tout à fait plausible que la crise modifie durablement, dans sa structure même, la distribution des emplois entre les entreprises et les secteurs. Le marché du travail traversant actuellement une phase de mutations rapides comme nous l’avons vu à la Section 1.1, il est difficile de distinguer les changements structurels appelés à s’inscrire dans la durée des distorsions passagères qui se résorberont d’elles-mêmes avec le retour à une conjoncture plus normale. Quoiqu’il en soit, il est essentiel de suivre les tendances de l’emploi dans les différents secteurs de manière à pouvoir déceler les signes avant-coureurs de tensions entre l’offre et la demande de main-d’œuvre. Il importe de noter que les effets distincts de la crise et de la reprise selon les secteurs déterminent encore, dans une large mesure, les répercussions de la crise sur les différentes catégories de travailleurs, ainsi que démontré à la Section 1.4.
Afin de voir concrètement comment les secteurs d’activité et catégories de travailleurs se comportent dans la période de reprise consécutive à la crise du COVID‑19, la présente section et la suivante sont étayées par des données portant sur le T1 2022, les plus récentes qui soient pour la majorité des pays de l’OCDE. Les données corrigées des variations saisonnières n’étant pas faciles à obtenir avec un niveau de ventilation satisfaisant pour les aspects qui nous intéressent, nous utiliserons ici des données non corrigées et prendrons le T1 2019 comme point de référence avant la crise. Les vérifications effectuées pour l’emploi global ont montré que les résultats obtenus à partir des données corrigées des variations saisonnières du T4 2019 et du T1 2022 étaient cohérents avec ceux obtenus à partir des données non corrigées du T1 2019 et du T1 2022.
Pour les pays couverts par Eurostat, on constate une rupture des données au T1 2021 concernant les séries relatives à l’emploi (voir Eurostat (2022[28])). Chaque fois que possible, les séries corrigées des ruptures fournies par Eurostat sont utilisées dans l’analyse. Sinon, une correction décrite dans l’Annexe 1.B est appliquée.
1.3.1. Toujours à la traîne dans les secteurs de services peu rémunérateurs, l’emploi progresse en revanche dans ceux qui offrent des salaires élevés
Deux ans après le déclenchement de la crise, l’évolution de l’emploi dans chaque secteur d’activité des pays de l’OCDE demeure très nettement influencée par la pandémie (Graphique 1.16). Par rapport au début de l’année 2019, les secteurs peu rémunérateurs ont ainsi enregistré, au T1 2022, un recul ou une croissance modeste, tandis que les secteurs très rémunérateurs comptaient de nombreuses créations de postes. Le bâtiment et le secteur manufacturier – deux secteurs où l’on trouve beaucoup de travailleurs ayant des revenus d’activité moyens – enregistrent eux aussi des destructions d’emplois. L’emploi a progressé dans les domaines de la santé et de l’éducation – deux autres secteurs offrant une rémunération moyenne qui ont été durement frappés par la pandémie.
Afin de donner une bonne vue d’ensemble de l’évolution de l’emploi par secteur dans les pays compte tenu de ces résultats agrégés, on a représenté dans le Graphique 1.17 la situation qui prévaut dans différents secteurs réunis en quatre grands groupes : les secteurs de services peu rémunérateurs (Activités d’hébergement et de restauration, Activités de services administratifs et de soutien, Arts, spectacles et loisirs, Commerce de gros et de détail, Transports et entreposage), la santé et l’éducation, le bâtiment et les activités manufacturières, et les secteurs de services très rémunérateurs (Activités professionnelles, scientifiques et techniques, Information et communication, Activités financières et d’assurance).
Les créations d’emplois dans les secteurs de services offrant des rémunérations élevées et les destructions dans ceux où les rémunérations sont faibles peuvent être observées dans de nombreux pays (Graphique 1.17). En effet, les premières se rencontrent dans 31 pays sur 33 pour lesquels on dispose de données, et sont particulièrement nettes aux Pays-Bas, en Hongrie et en Lituanie. À l’inverse, l’emploi dans les secteurs de services peu rémunérateurs était en deçà de son niveau d’avant-crise dans 21 pays, les contractions les plus fortes étant relevées en République slovaque, en Suisse et en Lettonie. Les destructions d’emplois dans les secteurs du bâtiment et des activités manufacturières ont été fréquentes également (22 pays) et particulièrement nombreuses en Suisse28, au Luxembourg, en Slovénie et en République slovaque.
Faute de données actuelles et comparables à l’échelle internationale au sujet des transitions professionnelles, il n’existe pas de solution simple permettant de déterminer dans quelle mesure les différences ainsi observées dans le champ de l’emploi vont de pair avec d’importants redéploiements de main-d’œuvre entre les secteurs d’activité (y compris avec une période de chômage intermédiaire)29. Les rares études à avoir été consacrées à ces redéploiements à l’échelon d’un pays ont donné des résultats peu concluants. Rottger et Weber (2021[12]) ont constaté une augmentation des transitions professionnelles vers d’autres secteurs de la part de travailleurs ayant perdu leur emploi dans le secteur de l’hôtellerie‑restauration, en Allemagne, vers la fin de 2020, mais non pas au moment du premier confinement, au printemps de la même année. En avril 2021, dans une étude consacrée aux États-Unis – pays qui a préféré les licenciements temporaires aux dispositifs de maintien de l’emploi – Aaronson et al. (2021[29]) n’ont observé aucune variation de la probabilité qu’un chômeur change de secteur d’activité ni relevé aucun signe tendant à dénoter un accroissement des transferts directs de main-d’œuvre depuis les secteurs durement touchés par la crise vers ceux qui se portaient mieux. De même, au Royaume‑Uni – pays qui a eu largement recours à un nouveau dispositif de maintien de l’emploi (OCDE, 2021[1]) – Brewer et al. (2021[30]) font noter que, même si les transitions professionnelles ont atteint un point culminant au T3 2021, le pourcentage de celles qui comportaient un passage d’un secteur à un autre était en fait le plus faible depuis le début des années 2000. Ils n’ont pas observé non plus d’augmentation du pourcentage de travailleurs ayant changé de secteur au cours d’une année donnée (y compris après une période intercalaire de chômage), celui-ci oscillant autour de 5 % depuis 2014. À partir de données antérieures à la pandémie concernant l’Italie, Basso et al. (2021[31]) font apparaître que, en raison de leurs qualifications, les travailleurs des secteurs les plus durement touchés par la crise ont peu de chances de retrouver un emploi ailleurs si la demande de services en personne demeure en panne. En France, grâce à un recours intensif au dispositif national de maintien dans l’emploi, le nombre de travailleurs ayant quitté le secteur de l’hôtellerie‑restauration entre février 2020 et février 2021 était à pleine plus élevé que les années précédentes (DARES, 2021[32]).
Les rares données concrètes dont on dispose au sujet des transferts de main-d’œuvre entre secteurs révèlent que les disparités sur le marché du travail risquent de s’accentuer si la situation de l’emploi demeure aussi contrastée. La hausse du chômage de longue durée est peut-être un symptôme de cette évolution (Section 1.2.1), quand bien même certains éléments tendent par ailleurs à indiquer que la demande de main-d’œuvre augmente fortement depuis peu dans des secteurs jusque‑là à la traîne, dans certains pays du moins (Section 1.2.2). Si cette croissance vigoureuse a été quelque peu freinée par le variant Omicron, qui s’est répandu dans de nombreux pays de l’OCDE à la charnière de 2021 et 2022, les grandes tendances laissent néanmoins penser que les secteurs en question regagneront peut-être une partie du terrain perdu pour autant que la situation épidémiologique et la conjoncture économique continuent de s’orienter vers une normalisation. De même, comme nous l’avons vu à la Section 1.2.2, l’offre de main-d’œuvre – bien plus que les changements structurels affectant la demande – est sans doute responsable du ralentissement de la reprise que l’on a pu observer dernièrement dans ces secteurs. Aaronson et al. (2021[29]) observent que le déséquilibre du marché du travail des États-Unis est imputable, pour l’essentiel, aux graves répercussions de la crise sur l’hôtellerie‑restauration et doutent que cet événement puisse provoquer le déclin irrémédiable d’un secteur en croissance constante depuis 70 ans.
Au-delà des possibles réaffectations d’emplois entre les secteurs d’activité, la pandémie peut aussi avoir donné lieu à des redéploiements à l’échelle sectorielle, au bénéfice des entreprises les mieux à même de faire face au choc. Il semblerait en effet que de semblables redéploiements ont eu lieu en Australie, en Nouvelle‑Zélande et au Royaume‑Uni, des petites entreprises vers des entreprises plus productives et sachant tirer parti de la technologie, malgré les nouveaux dispositifs de maintien dans l’emploi mis en place par ces pays (Andrews, Charlton et Moore, 2021[33]). Les redéploiements de ce genre – en particulier lorsqu’ils interviennent sur une grande échelle et une courte période – peuvent aussi mettre les travailleurs en difficulté si le profil de la main-d’œuvre recherchée par les entreprises en plein essor est différent de celui qui est demandé d’ordinaire dans le même secteur. Dans ce contexte, on peut craindre que les entreprises recherchent désormais des travailleurs plus qualifiés, qui seront mieux à même de faire face aux nouveaux changements sur les lieux de travail. Là encore, il est difficile d’obtenir des données récentes et comparables au niveau international. Une première tentative d’exploitation des données relatives au niveau d’instruction des nouvelles recrues dans plusieurs pays ne révèle aucune augmentation du pourcentage de diplômés de l’enseignement supérieur dans les différents secteurs d’activité par rapport aux années ayant précédé immédiatement la pandémie de COVID‑19. Il faudra peut-être davantage de temps pour que les changements en question se dégagent clairement des données agrégées, ou peut-être concerneront-ils des travailleurs dotés de panoplies de compétences différentes quoiqu’ils aient un niveau d’instruction identique. Le suivi de la demande afférente à divers types de compétences est une tâche importante à entreprendre dans le cadre de travaux futurs, et qui pourrait contribuer à éclairer les politiques visant à aider les travailleurs susceptibles de faire les frais de ces possibles mutations.
1.4. Si les répercussions initiales très inégales de la crise sont partiellement résorbées, certains groupes vulnérables sont les laissés pour compte de la reprise dans de nombreux pays
En raison de son caractère fortement sectoriel, la crise, lorsqu’elle a éclaté, a plus particulièrement frappé certaines catégories de travailleurs. L’OCDE (2021[1]) a fait état de l’impact particulièrement prononcé et durable qu’a eu la crise, durant l’année 2020, sur les travailleurs faiblement rémunérés, ainsi que sur les travailleurs peu qualifiés et sur les jeunes. Alors que la pandémie continuait de dicter la dynamique de l’emploi dans les différents secteurs d’activité en 2021, diverses catégories de travailleurs ont profité, à des degrés variables, de la reprise plus solide que prévu décrite dans la Section 1.230.
1.4.1. Les jeunes ont regagné une partie du terrain perdu, mais restent à la traîne, notamment dans certains pays
Les ravages provoqués par la crise ont tout particulièrement touché les jeunes (OCDE, 2021[1]). Le chômage des jeunes dans l’OCDE a bondi au début de la pandémie ; leur nombre d’heures travaillées a fléchi de plus de 26 % - soit près du double du recul enregistré chez les travailleurs d’âge très actif et seniors (15 %).
Au début de 2022, en moyenne dans la zone OCDE, les jeunes avaient récupéré une grande partie du terrain perdu, mais restaient à la traîne par rapport aux adultes plus âgés. De fait, le taux d’emploi des jeunes s’inscrivait en moyenne, dans la zone OCDE, 0.1 point de pourcentage au-dessus de son niveau d’avant la crise (tel que mesuré par les taux d’emploi du premier trimestre 2019), tout en demeurant inférieur à ce niveau, à hauteur de 2.2 points de pourcentage en moyenne, dans plus de la moitié des pays (Graphique 1.18, partie A). À titre de comparaison, le taux d’emploi des travailleurs âgés de 25 à 54 ans était, en moyenne, supérieur d’un point de pourcentage à son niveau d’avant la crise, et ne poursuivait son rétablissement que dans huit pays. Le taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans était supérieur de 3 points de pourcentage à son niveau d’avant la crise, n’accusant un retard que dans cinq pays.
Dans les pays où le taux d’emploi des jeunes demeurait inférieur à son niveau d’avant la crise, ce retard s’expliquait davantage par une hausse de l’inactivité que par une augmentation du chômage. Les baisses du taux d’emploi des jeunes étaient supérieures à 2 points de pourcentage dans neuf pays, et dépassaient 4 points de pourcentage au Portugal, en Islande et en République slovaque. Dans les 15 pays où l’emploi des jeunes est passé au-dessus de son niveau d’avant la crise, l’inactivité a pour l’essentiel reculé. Les taux d’emploi étaient supérieurs d’au moins 3.5 points de pourcentage à leur niveau d’avant la crise en France, Nouvelle‑Zélande, Australie, Norvège et Irlande.
Les fortes baisses de l’emploi des jeunes s’expliquent principalement par les pertes d’emploi dans les secteurs de services offrant de faibles rémunérations et, dans une moindre mesure, dans le secteur manufacturier et la construction (Graphique 1.18, partie B). Si les résultats diffèrent dans les 15 pays où l’emploi des jeunes a augmenté, les catégories de secteurs au sens large qui, en moyenne, ont le plus contribué à ces hausses étaient la santé et l’éducation, les services à bas salaires et les services à salaires élevés.
Au premier trimestre de 2022, la proportion de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif (« NEET » – not in employment, education or training) était inférieure de 0.2 point de pourcentage en moyenne à son niveau du premier trimestre 2019 (Graphique 1.19), gommant ainsi la hausse observée au début de la crise pour revenir à un niveau historiquement bas (OCDE, 2021[1]). Cette moyenne établie sur 29 pays masque toutefois de fortes divergences entre ces pays, et résulte de baisses dans 18 d’entre eux et de hausses dans 11 autres. La République slovaque, la Lituanie, l’Estonie, la Slovénie et la République tchèque ont enregistré des hausses supérieures à 1.5 point de pourcentage.
La baisse du taux de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif dans 18 pays tranche avec la hausse observée au début de la crise (liée à la chute soudaine des recherches d’emploi), mais cadre avec les données montrant une augmentation de la poursuite des études en période de difficultés sur le marché du travail (Carcillo et al., 2015[34]). De fait, dans certains pays (comme l’Espagne, le Portugal, la Belgique et le Royaume‑Uni), les différences entre l’évolution de l’inactivité totale (Graphique 1.18) et celle du taux de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif (Graphique 1.19) porte à croire que la hausse de l’inactivité totale s’explique par une augmentation du nombre de jeunes gens suivant des études.
La persistance des handicaps qui pèsent sur les jeunes actifs dans certains pays est particulièrement préoccupante au vu des nombreux éléments probants qui laissent présager de très fortes séquelles les concernant. Même dans de nombreux pays où l’emploi s’est redressé, les jeunes sont plus susceptibles que les travailleurs plus âgés d’avoir connu des périodes de chômage durant l’année 2020. Des études ont mis au jour la persistance de fortes baisses de rémunération pour les jeunes gens entrant sur le marché du travail au cours d’une récession type aux États-Unis, au Canada et en Australie (Altonji, Kahn et Speer, 2016[35] ; Oreopoulos, von Wachter et Heisz, 2012[36] ; Andrews et al., 2020[37]). Ces effets nocifs sont particulièrement prononcés s’agissant des jeunes faiblement qualifiés (Kroft, Lange et Notowidigdo, 2013[38] ; Altonji, Kahn et Speer, 2016[35]), et peuvent s’étendre à leur santé et à leur bien-être (Garrouste et Godard, 2016[39]). Les travailleurs hautement qualifiés peuvent accepter des emplois moins qualifiés durant une période de ralentissement économique, ce qui peut conduire à une dépréciation de leurs compétences et nuire à leur capacité à progresser vers des emplois plus qualifiés au fil du temps. Néanmoins, des données recueillies en France portent à croire que l’impact négatif d’une entrée sur le marché du travail pendant une récession est de courte durée, mettant en évidence le rôle potentiellement important des institutions du marché du travail – et en particulier du salaire minimum (Gaini, Leduc et Vicard, 2013[40]). Un axe essentiel des analyses à venir concernera le suivi de l’évolution de la qualité des emplois occupés par les jeunes actifs qui ont subi le choc de la pandémie de COVID‑19.
Une source d’inquiétude pourrait provenir d’une nouvelle augmentation de l’incidence des contrats temporaires chez les jeunes, laquelle s’inscrivait déjà à des niveaux élevés (34 % au premier trimestre 2019 dans les 30 pays du Graphique 1.20), de nombreuses entreprises étant confrontées aux incertitudes prolongées qui entourent la situation sanitaire et économique, et les jeunes peinant à trouver d’autres options. Cependant, la part des jeunes en contrat temporaire au premier trimestre 2022 était en moyenne comparable à celle du premier trimestre 2019 dans les 30 pays pour lesquels des données étaient disponibles (Graphique 1.20). Il s’agissait là d’un rebond car l’incidence des contrats temporaires avait reculé au début de la crise, période où les travailleurs concernés étaient davantage susceptibles de perdre leur emploi (OCDE, 2021[1]).31 Rien n’indique que la croissance de l’emploi chez les jeunes gens ait été liée à une hausse des contrats temporaires, la corrélation entre l’évolution des deux indicateurs s’étant révélée très faible dans l’ensemble des pays.
La pandémie a eu des effets très perturbateurs pour les jeunes au-delà de son incidence directe sur le marché du travail. Bien que toutes les données internationales ne soient pas encore disponibles, il semble que la pandémie ait eu un impact néfaste sur les résultats scolaires des élèves (Thorn et Vincent-Lancrin, 2021[41]), en particulier dans le cas des enfants issus de milieux défavorisés, au moins aux États-Unis (Dorn et al., 2021[42]). Ces perturbations pourraient avoir des implications à plus long terme en ce qui concerne la situation de ces jeunes sur le marché du travail. De nombreuses possibilités d’apprentissage en milieu professionnel, qui peuvent faciliter le passage de l’école à la vie active, ont été perturbées, tandis que de nombreux jeunes sont confrontés à la précarité financière, à l’instabilité en matière de logement et à des problèmes de santé mentale. Chez les jeunes, ceux qui paient le plus lourd tribut à la crise sont ceux qui se trouvaient déjà dans une situation difficile avant la pandémie (OCDE, 2021[43]).
Chez les adultes plus âgés, l’emploi est proche des niveaux observés avant la pandémie dans la plupart des pays
Les risques liés au COVID‑19 augmentant avec l’âge, la pandémie a fait craindre que de nombreux adultes plus âgés choisissent de quitter précocement le monde du travail. Deux ans après le début de la pandémie, cette inquiétude ne s’est pas concrétisée, les taux d’emploi des 55‑64 ans et 65‑74 ans ayant retrouvé, voire dépassé, leurs niveaux d’avant la crise dans la plupart des pays (Graphique d’annexe 1.A.3). En particulier, la part des 55‑64 ans occupant un emploi a augmenté de 3 points de pourcentage en moyenne dans l’OCDE au premier trimestre 2022 par rapport à la même période de 2019. Les taux d’emploi étaient supérieurs, ou seulement légèrement inférieurs, à leurs niveaux d’avant la crise dans 29 des 34 pays pour lesquels des données étaient disponibles. En ce qui concerne les 65‑74 ans, le taux d’emploi était supérieur de 0.1 point de pourcentage à son niveau d’avant la pandémie, en moyenne, dans l’ensemble des pays, et dépassait ce niveau dans 26 des 34 pays. Faisaient exception à cette tendance le Chili, le Mexique, les États-Unis et le Royaume‑Uni (pour les 55‑64 ans seulement), où les taux d’emploi des groupes concernés demeuraient inférieurs à leurs niveaux d’avant la crise au premier trimestre 2022. Les données relatives à ces pays montrent que le fléchissement du taux d’emploi est davantage lié à une hausse de l’inactivité qu’à une augmentation du chômage. Les chiffres de l’inactivité pour ces catégories plus âgées ne sont pas disponibles dans la majorité des autres pays pris en considération ici en raison d’une rupture affectant les séries de l’ensemble des pays européens. Néanmoins, au vu de la situation globale de l’emploi, tout porte à croire que ces pays n’ont pas connu d’importantes hausses de leurs taux d’inactivité en ce qui concerne les adultes plus âgés.
1.4.2. Les travailleurs non diplômés de l’enseignement supérieur demeurent à la traîne de la reprise
L’impact initial de la crise a été très différent selon le niveau d’études des travailleurs (OCDE, 2021[1]). Au début de la crise, la baisse des heures de travail des actifs peu ou moyennement qualifiés a été plus de deux fois supérieure à celle des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur. La réduction du nombre d’heures travaillées chez les actifs peu diplômés a par ailleurs plus souvent pris la forme de pertes d’emploi. De fait, au second semestre 2020 déjà, les heures travaillées des actifs hautement qualifiés avaient retrouvé leurs niveaux d’avant la crise, et l’emploi dans cette catégorie avait même commencé à croître, tandis que les heures travaillées et l’emploi restaient en très fort recul chez les individus moins diplômés (OCDE, 2021[1]).
Au premier trimestre 2022, en moyenne dans 34 pays de l’OCDE, le taux d’emploi des diplômés du supérieur dépassait de 0.4 point de pourcentage son niveau du premier trimestre 2019, tandis que ceux des individus peu ou moyennement qualifiés demeuraient inférieurs de 0.3 (Graphique 1.21) et 0.2 (Graphique d’annexe 1.A.2) point de pourcentage, respectivement. Ces évolutions sont importantes en ce qui concerne les travailleurs non diplômés de l’enseignement supérieur, leurs taux d’emploi étant généralement bien inférieurs à ceux des actifs hautement qualifiés. De fait, en moyenne dans l’ensemble des pays pris en compte, les taux d’emploi des individus peu ou moyennement qualifiés s’élevaient à 37 % et 64 % respectivement, niveaux bien inférieurs à celui des actifs hautement qualifiés (78 %).
Les taux d’emploi des personnes peu qualifiées étaient en baisse dans 21 pays par rapport aux niveaux d’avant la crise, en raison essentiellement d’une hausse de la part des personnes inactives. C’est au Chili, au Royaume‑Uni et en Slovénie que l’emploi a enregistré les plus forts reculs dans cette catégorie. Les secteurs de services à bas salaires, les activités manufacturières et la construction étaient les principaux contributeurs aux pertes d’emploi nettes.
En revanche, dans 13 autres pays, la proportion de personnes peu qualifiées occupant un emploi s’inscrivait en hausse de 1.7 point de pourcentage en moyenne. Cette progression résultait principalement d’une diminution de l’inactivité, la part de demandeurs d’emploi demeurant, elle, généralement comparable à ses niveaux d’avant la crise dans ces pays. Les pays affichant les plus importantes augmentations de l’emploi chez les personnes peu qualifiées (Norvège, Allemagne, Danemark) devaient cette évolution, pour l’essentiel, à la croissance du secteur manufacturier, de la construction, de la santé et de l’éducation – les personnes peu qualifiées n’ayant généralement pas profité de la croissance des secteurs des services offrant des salaires élevés.
En ce qui concerne les personnes moyennement qualifiées, les résultats sont qualitativement semblables à ceux observés chez les personnes ayant un faible niveau d’études (Graphique d’annexe 1.A.2). De fait, les taux d’emploi des personnes moyennement qualifiées étaient en moyenne inférieurs de 1.1 point de pourcentage à leurs niveaux d’avant la crise dans 21 pays, sur fond, essentiellement, d’une augmentation de l’inactivité plutôt que d’une hausse du chômage. En matière d’emploi, le sort de ces personnes était en grande partie déterminé par l’évolution des secteurs des services à bas salaires, de l’activité manufacturière et de la construction.
1.4.3. Après un choc initial de grande ampleur, l’emploi des femmes s’est progressivement redressé au fil de la crise, malgré le surcroît de tâches familiales non rémunérées
L’impact initial de la pandémie a été ressenti plus durement par les femmes que par les hommes dans la majorité des pays de l’OCDE, mais au second semestre de 2020, l’emploi des femmes avait déjà rattrapé une partie de son retard sur celui des hommes dans la plupart des pays (OCDE, 2021[1]).
Au premier trimestre 2022, la proportion de femmes occupant un emploi était, en moyenne, supérieure de 1 point de pourcentage au niveau observé deux ans auparavant dans les 34 pays considérés (Graphique 1.22), l’essentiel de la progression s’expliquant par une baisse de l’inactivité. Au cours de la même période, la proportion d’hommes occupant un emploi a crû de 0.1 point de pourcentage, entraînant une réduction des écarts de taux d’emploi entre les sexes (Graphique 1.23). Globalement, entre les premiers trimestres de 2019 et de 2022, l’écart de taux d’emploi entre les hommes et les femmes a reculé dans 23 des 34 pays considérés. Reflet du renforcement général de la situation relative des femmes, les écarts de taux de chômage et d’inactivité (mesurés en tant que différence entre les hommes et les femmes) se sont améliorés dans 16 et 26 pays respectivement – même si, à travers l’ensemble des pays considérés, une augmentation moyenne (de 0.7 point de pourcentage) du taux d’inactivité a été observée, tandis que l’écart de taux de chômage moyen entre les pays a reculé de 0.1 point de pourcentage (Graphique 1.23).
Les résultats moyens des femmes masquent une certaine hétérogénéité entre les pays. Dans dix pays, l’emploi des femmes s’inscrivait en baisse de 1 point de pourcentage en moyenne. Le recul des niveaux d’emploi était davantage imputable à une hausse de la part des femmes inactives qu’à une augmentation de la part des femmes au chômage. Les secteurs des services à bas salaires, la santé et l’éducation étaient les principaux contributeurs aux pertes d’emploi. Si la part des femmes dans les secteurs des services à forte rémunération était généralement stable, voire parfois en hausse, dans ces pays, la progression était trop faible pour compenser les pertes d’emploi dans d’autres secteurs.
Dans les 24 autres pays, l’emploi des femmes affichait une croissance moyenne de 1.8 point de pourcentage, tirée essentiellement par une baisse de l’inactivité. L’amélioration de l’emploi des femmes dans ces pays était en grande partie attribuable à des progressions dans les secteurs des services à forte rémunération, dans la santé et dans l’éducation – et, pour certains pays, dans le secteur manufacturier et la construction.
Tout au long de la crise, les femmes ont supporté la plus grosse partie du surcroît de tâches familiales non rémunérées
Ces évolutions sur le marché du travail ont eu lieu dans un contexte qui a mis en évidence les conséquences négatives des disparités femmes-hommes et des modèles de répartition des rôles qui sont ancrés depuis longtemps en matière de tâches parentales (OCDE, 2021[44]). L’édition 2020 de l’enquête de l’OCDE Des risques qui comptent montre en effet que lorsque les établissements scolaires et les structures de garde d’enfants ont fermé, ce sont les mères qui ont assumé en grande partie le surcroît de travail familial et domestique non rémunéré – et qui ont donc été pénalisées et en difficulté sur le marché du travail (OCDE, 2021[45]). Les mères d’enfants âgés de moins de 12 ans étaient nettement plus susceptibles que les pères (61.5 % contre 22.4 %) de déclarer avoir pris en charge la majeure partie ou l’intégralité du surcroît de travail lié à la garde des enfants. Elles composaient aussi le groupe de personnes les plus susceptibles d’avoir perdu leur emploi au début de la crise, en moyenne, dans les pays de l’OCDE. Des études réalisées aux États-Unis mettent également en évidence une reprise plus lente que la moyenne pour les mères de jeunes enfants (Furman, Kearney et Powell, 2021[46] ; Shibata et Pizzinelli, 2022[13]) – notamment celles qui ont un faible niveau d’études (Goldin, 2022[47]). Au Royaume‑Uni en revanche, le taux d’emploi des femmes semble avoir rapidement dépassé son niveau d’avant la crise durant l’année 2021 (Shibata et Pizzinelli, 2022[13]).
La distribution du travail non rémunéré restait inégale y compris pour les mères occupant un emploi rémunéré. Conformément à ce que décrivent les travaux existants (Hupkau et Petrongolo, 2020[48] ; Del Boca et al., 2020[49]), les résultats de l’enquête Des risques qui comptent révèlent aussi que les mères sans emploi ont pris en charge une part disproportionnée des tâches domestiques non rémunérées lorsque les pères travaillaient, mais que la réciproque ne se vérifiait pas (OCDE, 2021[45]). Goldin (2022[47]) montre qu’aux États-Unis, la part du temps parental total consacré à la garde des enfants assumée par les mères a fortement augmenté (à partir de niveaux déjà bien supérieurs à 50 %), par rapport à la situation d’avant la crise, dans les foyers où les deux parents occupaient un emploi et étaient diplômés de l’enseignement supérieur.
Les aides publiques auraient contribué à réduire les inégalités femmes-hommes à la maison. L’écart dans la répartition de la charge supplémentaire de garde des enfants pendant la crise sanitaire a été moins important dans les pays qui consacrent traditionnellement des dépenses élevées au soutien aux familles (OCDE, 2021[44]) et, dans un certain nombre de pays qui ont instauré des dispositifs de maintien dans l’emploi ou des congés familiaux spécifiques, les femmes ont pu demander à bénéficier d’horaires réduits pour que la scolarisation à domicile et les responsabilités familiales ne les contraignent pas à quitter le marché du travail (OCDE, 2021[1]) – voir également le chapitre 2.
Il est possible que les conséquences sur le marché du travail du surcroît de tâches familiales non rémunérées ces deux dernières années se manifestent à plus long terme. De fait, l’augmentation des responsabilités familiales pourrait conduire les femmes à opter pour le travail à temps partiel, éviter les postes à responsabilité ou chercher des emplois offrant davantage de flexibilité ou des trajets travail-domicile plus courts. Ces choix se traduisent souvent par une progression salariale plus lente, du fait qu’ils restreignent le vivier d’emplois disponibles, réduisent le pouvoir de négociation, accroissent l’exposition au monopsone (voir le chapitre 3) et limitent les possibilités de promotion dans l’entreprise – voir par exemple (OCDE, 2019[50]) et le chapitre 4. Un axe important des recherches à venir concernera le suivi de l’évolution de différents aspects de la qualité des emplois pour les femmes, afin de mettre en lumière les facteurs potentiels d’écarts femmes-hommes susceptibles d’apparaître au fil du temps.
1.4.4. Dans la zone OCDE, les immigrés ont rattrapé le terrain perdu au début de la crise
La crise du COVID‑19 a éclaté alors que la situation des immigrés sur le marché du travail s’améliorait depuis une décennie. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE à l’exception de la Türkiye et de la Colombie, qui ont connu d’importants afflux de réfugiés, les immigrés avaient mieux réussi à trouver et conserver des emplois au cours des cinq années précédant la crise, même s’ils restaient à la traîne des travailleurs nés dans le pays dans la plupart des cas (OCDE, 2021[51]). La crise a frappé de plein fouet les immigrés du fait de leur concentration dans certains secteurs d’activité, entraînant, au deuxième trimestre de 2020, une chute de l’emploi et une hausse de l’inactivité plus marquées que pour les travailleurs nés dans le pays dans la plupart des pays de l’OCDE – ce qui a conduit à un élargissement temporaire de l’écart de taux d’emploi entre ces deux catégories dans de nombreux pays (OCDE, 2022[52]).
Il apparaît également que les immigrés ont été touchés de façon disproportionnée par les pertes d’emploi dans certains secteurs. Ainsi, au début de la crise, dans les 27 pays de l’Union européenne, le nombre d’immigrés employés dans le secteur de l’hébergement et de la restauration a diminué de près de 15 % entre 2019 et 2020, contre 12.5 % pour les travailleurs nés dans le pays considéré. Aux États-Unis, la baisse de l’emploi dans les services domestiques s’élevait à 28 % pour les immigrés, contre 12 % pour les travailleurs nés dans le pays (OCDE, 2021[51]). Auer (2022[53]) montre que, en Allemagne, les immigrés étaient moins susceptibles que les travailleurs nés dans le pays d’être intégrés dans les dispositifs de maintien dans l’emploi au début de la crise. Néanmoins, la situation varie d’un pays à l’autre : en ce qui concerne la Suisse par exemple, Hijzen et Salvatori (2022[54]) n’ont pas trouvé de différence notable entre les individus nés à l’étranger et ceux nés dans le pays pour ce qui est du risque de perdre son emploi ou d’être intégré à un dispositif de maintien dans l’emploi.
Au premier trimestre 2022, la situation des immigrés sur le marché du travail s’était très nettement améliorée dans les pays de l’OCDE. De fait, en moyenne dans 28 pays, la part des immigrés occupant un emploi dépassait de 1.2 point de pourcentage son niveau du premier trimestre de 2019, tandis que celle des immigrés en inactivité ou au chômage avait reculé (de 0.9 et 0.3 point de pourcentage, respectivement) (Graphique 1.24). En ce qui concerne les travailleurs nés dans le pays, le taux d’emploi était supérieur de 0.3 point de pourcentage à son niveau du premier trimestre de 2019 (Graphique d’annexe 1.A.4), signe d’un resserrement de l’écart de taux d’emploi moyen entre les deux catégories par rapport au niveau observé juste avant la crise (Graphique 1.25). Cependant, cette moyenne masque une certaine disparité entre les pays. De fait, dans neuf des 28 pays, l’écart de taux d’emploi entre les travailleurs nés dans le pays et ceux nés à l’étranger s’est accru – de 1.9 point de pourcentage en moyenne, et de manière particulièrement prononcée en Lettonie, Lituanie et Estonie.
Dans sept des 28 pays considérés, au premier trimestre de 2022, l’emploi des immigrés demeurait inférieur de 2.9 points de pourcentage en moyenne à son niveau d’avant la crise (Graphique 1.24, partie A) – une évolution liée essentiellement à une hausse de l’inactivité. La baisse de l’emploi des immigrés était supérieure à 2 points de pourcentage dans quatre pays, et à 4 points de pourcentage en Lettonie et Lituanie. Dans la plupart des pays où l’emploi des immigrés restait en baisse au quatrième trimestre 2021, l’emploi des travailleurs nés dans le pays ne s’était pas non plus totalement rétabli, mais le déficit était généralement plus sensible pour les immigrés, se traduisant par un élargissement, de 1.9 point de pourcentage en moyenne, de l’écart de taux d’emploi entre les deux catégories (Graphique 1.25).
Dans les 21 autres pays, la proportion d’immigrés occupant un emploi affichait une hausse d’environ 2.5 points de pourcentage au premier trimestre 2022 par rapport au même trimestre de 2019 – en raison essentiellement d’une baisse de l’inactivité (à hauteur de 2 points de pourcentage). Dans une certaine mesure, cette évolution s’explique par une modification de la composition de la population d’immigrés liée à des départs et arrivées sélectifs durant la pandémie – les immigrés sans emploi étant plus susceptibles de quitter leur pays d’accueil, et les nouveaux arrivants, d’avoir déjà un emploi (OCDE, 2021[51])32. Néanmoins, dans la plupart de ces pays, l’inactivité a également diminué parmi les travailleurs nés dans le pays (et donc, dans l’ensemble de la population – voir Graphique 1.7). L’inactivité peut reculer durant une reprise lorsque l’amélioration des marchés du travail incite au retour à l’emploi des travailleurs auparavant découragés. La hausse de la proportion d’immigrés occupant un emploi dépassait les 2 points de pourcentage dans 11 pays et était supérieure à 5 points de pourcentage en Grèce, au Danemark et en Pologne. En moyenne dans les 21 pays où la proportion d’immigrés occupant un emploi était plus élevée qu’avant la crise, l’écart de taux d’emploi avec les travailleurs nés dans le pays a reculé de 1.8 point de pourcentage (Graphique 1.25).
La proportion d’immigrés dans les services offrant de faibles rémunérations a diminué dans la plupart des pays. Dans les pays où l’emploi des immigrés a dépassé son niveau d’avant la crise, cette évolution est liée à la croissance de l’emploi dans les autres secteurs d’activité, et notamment dans la santé et l’éducation. Néanmoins, dans de nombreux pays, les immigrés semblent aussi avoir tiré parti du développement des services offrant des rémunérations élevées (Graphique 1.24, partie B).
Une reprise marquée par un niveau élevé de réaffectation des emplois entre les secteurs et les métiers représente un important défi pour tous les travailleurs, qui doivent actualiser leurs compétences afin de trouver un emploi viable. Ces difficultés sont exacerbées dans le cas des immigrés. Ceux-ci sont plus susceptibles de devoir changer d’emploi en raison de leur moindre ancienneté et de leur situation plus précaire en termes de contrat de travail – entre autres problèmes. Parallèlement, les immigrés ne disposent souvent guère de réseaux assez développés pour faciliter leur passage d’un emploi à un autre (OCDE, 2020[55] ; OCDE, 2021[51]).
1.4.5. Les minorités ethnoraciales ont souvent été affectées de façon disproportionnée par la crise, dont par ailleurs elles se remettent dans certains pays plus lentement
Rares sont les pays de l’OCDE qui collectent des données ou des informations sur les performances des minorités ethnoraciales sur le marché du travail, afin d’éviter pour des raisons historiques de classer les individus selon leur race ou leur appartenance ethnique. Contrairement aux immigrés, les minorités ethnoraciales possèdent de longue date la nationalité du pays où elles vivent, ou du moins y ont-elles leurs racines. Il n’existe aucune définition simple des minorités ethnoraciales valable dans tous les pays de l’OCDE. Les groupes ethnoraciaux sont le plus souvent caractérisés par une culture ou d’autres facteurs communs, dont la langue ou la religion, ainsi que par leur apparence physique (par exemple la couleur de peau) ou le pays d’origine de leurs ascendants (Balestra et Fleischer, 2018[56]).
Aux États-Unis, les principales minorités ethnoraciales ont été plus touchées par l’impact initial de la crise, et elles sont restées à la traîne de la reprise jusqu’en décembre 2021. Au début de la crise, en avril 2020, le rapport emploi/population (corrigé des variations saisonnières) a diminué de 13 points de pourcentage pour la population hispanique et de 10.5 points de pourcentage pour la population noire (Graphique 1.26). Pour la population blanche, la baisse correspondante a été de 9.5 points de pourcentage. Aux États-Unis, les femmes et les jeunes des minorités ethnoraciales ont été plus particulièrement touchés par la pandémie et ont connu des taux de chômage exceptionnellement élevés, ainsi qu’une lente amélioration de leur situation au regard de l’emploi lors de la reprise (OCDE, 2021[57]).
Les minorités ethnoraciales ont une plus forte probabilité de perdre leur emploi qui ne s’explique qu’en partie par leur concentration sectorielle et professionnelle, puisque les travailleurs de ces minorités avaient une plus grande probabilité de perdre leur emploi que leurs homologues blancs travaillant dans les mêmes secteurs et exerçant les mêmes professions au cours de l’année 2020 (Cortes, Forsythe et Forsythe, 2021[58]). En effet, de manière plus générale, les caractéristiques observables ne peuvent guère expliquer la grande persistance des disparités entre les populations noires et blanches sur le marché du travail aux États-Unis (Cajner et al., 2017[59]).
Les populations noires et hispaniques ont été en retard sur la population blanche pendant la plus grande partie de la reprise (Graphique 1.26). En particulier, par rapport à cette dernière, la population hispanique a subi un plus grand nombre de pertes d’emplois jusqu’au troisième trimestre de 2021, et la population noire jusqu’au premier trimestre de 2022 (1.3 point de pourcentage contre 1.1 point de pourcentage). Au second trimestre de 2022, le ratio emploi/population a connu une amélioration plus lente ou s’est même légèrement dégradé pour tous les groupes. En juin 2022, le chiffre était encore inférieur aux niveaux d’avant la crise pour l’ensemble des trois groupes, s’établissant à 58.6 % pour la population noire, à 59.9 % pour la population blanche et à 63.7 % pour la population hispanique.
Au Royaume‑Uni, les minorités ethnoraciales ont connu une plus forte augmentation du chômage pendant la crise, et l’écart n’avait pas retrouvé ses niveaux antérieurs à la crise au début de l’année 202233. Le taux de chômage des minorités a culminé à 9.8 % au quatrième trimestre de 2020, enregistrant une augmentation de 4 points de pourcentage (1.1 pour la population blanche) par rapport à l’année précédente. Après ce pic, le taux de chômage parmi la population blanche a diminué lentement mais régulièrement, alors que celui des minorités a atteint un plateau au second semestre de cette année. Au premier trimestre de 2022, le taux de chômage des minorités s’est établi à 7.1 % et celui de la population blanche à 3.1 %, l’écart étant de 0.5 point de pourcentage plus élevé qu’au cours du même trimestre de 2019 (ONS, 2021[60]).
En Lettonie et en Estonie, l’emploi des minorités ethnoraciales a enregistré une baisse plus marquée lors de la crise et il était encore à la traîne en 2021. En Lettonie, en particulier, le taux d’emploi annuel des minorités s’est établi à 57.1 % en 2021 – soit 3.7 points de pourcentage de moins qu’en 2019 – alors que l’écart était de ‑1.4 point de pourcentage pour le groupe ethnique principal. En Estonie, le taux d’emploi de la minorité ethnoraciale s’est établi à 63.1 % au quatrième trimestre de 2021 – soit 2.5 points de pourcentage de moins qu’au même trimestre de 2019, contre une baisse de 1.1 point de pourcentage pour le groupe ethnique principal34.
En Australie, les Aborigènes ont été plus exposés au choc initial de la pandémie du fait de leur niveau relativement élevé d’emploi occasionnel et de la relative jeunesse de leur population.La forte incidence de l’emploi occasionnel au sein de leur population a par ailleurs eu pour conséquence que les Aborigènes australiens avaient une moindre probabilité de réunir les conditions requises pour bénéficier du dispositif australien de maintien dans l’emploi (JobKeeper) (Mindaroo Foundation, 2021[61]). De nouvelles recherches sont nécessaires pour évaluer les conséquences à long terme de ce choc sur l’emploi des Aborigènes.
Dans certains pays, cependant, les minorités ethnoraciales ont connu de sensibles améliorations de leurs performances sur le marché du travail au cours de la reprise. Au Danemark, l’emploi des descendants de personnes d’autres pays – qui sont souvent des immigrés de la seconde génération (ou davantage) – a enregistré un nouveau recul lorsque la crise est survenue en 2020, mais, au début de 2021, il avait regagné du terrain par rapport à celui des Danois d’origine. En Nouvelle‑Zélande, les minorités ont davantage bénéficié de la reprise que les personnes d’origine européenne, qui forment le principal groupe ethnoracial du pays35. En effet, les taux d’emploi des Maoris et des Insulaires du Pacifique avaient progressé, respectivement, de 1.4 point de pourcentage et de 2.6 points de pourcentage au quatrième trimestre de 2021 par rapport au quatrième trimestre de 2019, alors que le gain correspondant pour la population d’origine européenne était de 0.7 point de pourcentage. Le taux d’emploi demeure toutefois plus élevé chez ces dernières, s’établissant à 69.5 %, contre 64.8 % pour les Maoris et 63.5 % pour les Insulaires du Pacifique. L’augmentation des taux d’emploi était principalement liée à une réduction du chômage dans le cas des Maoris et un recul de l’inactivité dans celui des Insulaires du Pacifique. Cette baisse sensible de l’inactivité a ramené de 5.5 à 4.1 points de pourcentage l’écart par rapport à la population d’origine européenne, les taux correspondants s’établissant respectivement à 32.8 % et 28.7 % au quatrième trimestre de 2021.
Au Canada, la reprise de l’emploi a été initialement plus lente pour les Autochtones, mais plus récemment leur taux d’emploi a dépassé son niveau antérieur à la pandémie, ce qui a réduit l’écart précédemment observé par rapport aux autres composantes de la population36. Au cours de la période de trois mois qui s’est achevée en août 2021, le taux d’emploi des Autochtones s’est établi à 57.7 %, contre 56.2 % avant la pandémie (lors des trois mois arrivés à leur terme en février 2020). Pour le reste de la population, le taux d’emploi a atteint 61.2 %, un niveau similaire à celui observé avant la pandémie. Cependant, depuis l’automne de 2021, la reprise de l’emploi a été bien plus faible pour les Autochtones seniors (de 55 ans et plus) que pour les jeunes et pour les individus d’âge moyen. Par ailleurs, la reprise de l’emploi a été légèrement plus lente pour les Premières Nations, et plus particulièrement pour les femmes, dont le taux de chômage était encore bien plus élevé (15.5 %) au cours du trimestre qui s’est achevé en août 2021 qu’il ne l’était avant la pandémie (4.8 %).
1.5. La crise a mis en relief la faible qualité de nombreux emplois de première ligne
La crise a eu d’importantes répercussions sur la vie de bon nombre de personnes à travers une perte de revenus ou d’emploi, mais elle a aussi eu de profonds effets sur le vécu de beaucoup de ceux qui ont conservé leur activité pendant toute sa durée. Certains ont pu adapter rapidement l’organisation de leur travail et réaliser les tâches qui leur incombaient depuis leur domicile. Toutefois, pour beaucoup, le télétravail n’a jamais été une option. De nombreux actifs qui interviennent dans la fourniture de biens et services essentiels ont dû continuer à exercer sur leur lieu de travail et à proximité d’autres personnes au cours des différentes vagues de la pandémie. En effet, la pandémie a mis en lumière à quel point la société dépend de ces « travailleurs de première ligne ». Cette section offre une caractérisation de ces travailleurs et de leur vécu au cours de la pandémie.
Certaines études ont tenté d’identifier les travailleurs de première ligne à l’aide de listes ad hoc des travailleurs « essentiels » ayant été exemptés des mesures de restriction dans différents pays (Basso et al., 2022[62] ; Blau, Koebe et Meyerhofer, 2021[63]). En règle générale, les travailleurs de première ligne sont définis comme le sous-ensemble des travailleurs essentiels exerçant leur activité dans des secteurs ou des professions où le télétravail était peu répandu avant la pandémie. Cette approche soulève d’importantes difficultés lorsqu’il s’agit de procéder à une comparaison internationale, car la définition des travailleurs essentiels est variable selon les pays – et parfois même en leur sein – mais aussi au fil du temps.
Cette section adopte une approche différente en deux étapes. Premièrement, comme celle de Basso et al. (2022[62]), l’analyse s’appuie sur les données des enquêtes sur la population active pour décrire les caractéristiques personnelles et professionnelles des travailleurs occupant les emplois qui, d’après les informations antérieures à la pandémie, ne pouvaient être exercés à distance et impliquaient de considérables interactions avec d’autres personnes. Pendant la crise, le groupe des travailleurs occupant ces emplois – qui est plus large que celui des travailleurs de première ligne – a été exposé à un plus grand risque de perte de revenu (à la suite d’une réduction de leur nombre d’heures de travail ou d’une perte d’emploi) et, lorsqu’ils ont conservé leur travail, à un risque accru de contagion. C’est pourquoi, comme dans Basso et al. (2022[62]), ces emplois sont dits « à risque » dans le présent rapport37.
La seconde étape de l’analyse s’appuie sur les données uniques de l’enquête d’Eurofound intitulée « Vivre, travailler et COVID‑19 » pour identifier les travailleurs de première ligne effectivement présents sur leur lieu de travail physique et en étroit contact avec d’autres personnes pendant la pandémie38. Cette enquête n’inclut pas certaines des données à caractère personnel et des informations sur l’emploi généralement disponibles dans les enquêtes sur la population active (dont la profession), mais elle présente divers indicateurs du bien-être qui apportent d’importants enseignements sur le vécu des travailleurs de première ligne pendant la pandémie.
1.5.1. Les emplois qui supposent un plus grand risque d’infection par le COVID‑19 comportent une plus forte proportion de travailleurs faiblement rémunérés, de jeunes, de personnes ayant un niveau d’études peu élevé, d’immigrés ou de membres de minorités ethniques
Au début de la pandémie, dans toute la zone OCDE, 44 % des travailleurs occupaient des emplois « à risque » – c’est-à-dire ceux qui, d’après les informations antérieures à la pandémie, ne pouvaient être exercés depuis leur domicile et exigeaient une proximité physique avec d’autres personnes (Graphique d’annexe 1.A.1).Ce chiffre va de 40 % ou moins en Lituanie, en Allemagne, en République tchèque et au Luxembourg, à 50 % ou davantage aux États-Unis, en Espagne, en Irlande et en Grèce. Parmi les exemples de ces emplois figurent ceux occupés par les travailleurs de la santé, les caissiers, les aides-soignants, les travailleurs du secteur de l’alimentation, les travailleurs du bâtiment, et les ouvriers de l’assemblage.
Par rapport aux emplois plus sûrs qui offraient déjà la possibilité de télétravailler avant la pandémie, ces emplois à risque comportaient dans tous les pays davantage de travailleurs faiblement rémunérés (37 % contre 15 %), davantage de jeunes travailleurs (12 % contre 5 % en moyenne dans l’ensemble de la zone OCDE) et une bien plus faible proportion de travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur (en moyenne 34 % contre 67 %) (Graphique 1.27). Les travailleurs nés à l’étranger occupaient par ailleurs une plus forte proportion d’emplois à risque que d’emplois adaptés au télétravail, dans presque tous les pays (16 % contre 13 % en moyenne) sauf le Luxembourg et le Portugal.
En moyenne pour l’ensemble des pays, le pourcentage d’emplois à risque occupés par des femmes était légèrement plus faible que dans le cas des emplois adaptés au télétravail (51 % contre 53 %), mais l’inverse était vrai en Finlande, en Suède, au Danemark, en Norvège, en Suisse, aux États-Unis, aux Pays‑Bas et au Royaume‑Uni. Aux États-Unis et au Royaume‑Uni, les deux seuls pays où cette information est disponible, les minorités ethniques sont disproportionnellement représentées dans les emplois à risque, quoique dans une bien plus grande mesure aux États-Unis qu’au Royaume‑Uni. En effet, au Royaume‑Uni, les minorités ethniques occupaient 14 % des emplois à risque et 12 % des emplois adaptés au télétravail – alors qu’aux États-Unis les chiffres correspondants étaient de 44 % et 31 %.
De manière générale, les données des enquêtes sur la population active ne permettent pas de vérifier quel est le pourcentage de travailleurs occupant des emplois à risque qui ont réellement continué à travailler sur leur lieu de travail physique pendant la pandémie. Les États-Unis constituent une exception : les données de l’enquête CPS montrent que seulement 11 % des travailleurs exerçant des professions à risque qui ont conservé leur emploi ont été en mesure de télétravailler au second semestre de 2020. D’autres enquêtes montrent que les catégories de travailleurs surreprésentées dans les emplois à risque, tels que les moins qualifiés et ceux à bas revenus, avaient dans un certain nombre de pays une bien moindre probabilité de télétravailler (Ker, Montagnier et Spiezia, 2021[64] ; OCDE, 2021[5]).
1.5.2. Les travailleurs de première ligne font état d’une moindre sécurité de l’emploi, d’une moins bonne santé et d’un moins grand bien-être, ainsi que d’un risque de contagion bien plus élevé
Pour réunir davantage d’informations sur le vécu des travailleurs à risque pendant la pandémie, cette section s’appuie sur les données d’Eurofound pour identifier les travailleurs de première ligne qui ont réellement travaillé sur leur lieu de travail physique et été en étroit contact avec d’autres personnes pendant la pandémie. Le profil démographique de ces travailleurs concorde avec celui des travailleurs occupant des emplois à risque d’après les données des enquêtes sur la population active (EPA), au vu des caractéristiques disponibles dans ces deux sources, ce qui porte à croire qu’ils exercent probablement les emplois identifiés au moyen des données des EPA. En effet, les deux groupes se caractérisent par de plus fortes proportions de jeunes travailleurs et de travailleurs ayant un niveau d’études peu élevé, alors que leur composition par sexe est similaire à celle des autres emplois. Dans leur travail sur les États-Unis, Blau et al. (2021[63]) s’appuient sur une liste des secteurs essentiels publiée par le Gouvernement fédéral et offrent une caractérisation très similaire de ce groupe, sauf pour ce qui est d’une plus forte représentation des hommes. Ils constatent également que les immigrés et les minorités ethnoraciales sont surreprésentés parmi les travailleurs de première ligne. Les données d’Eurofound ne fournissent pas d’informations sur ces caractéristiques, mais les minorités et les immigrés sont, comme précédemment indiqué, surreprésentés dans les emplois à risque aux États-Unis et au Royaume‑Uni (Graphique 1.27).
Les travailleurs de première ligne avaient une plus grande probabilité que les télétravailleurs d’avoir le sentiment d’occuper un emploi précaire (12 % contre 7 %) et de faire état d’un mauvais état général de santé (6 % contre 4 %) (Graphique 1.28). Ils déclaraient par ailleurs des niveaux de bien-être mental légèrement inférieurs (53 contre 55) sur l’échelle de bien-être mental OMS‑5 (qui va de 0 à 100 –, les personnes dont l’indice est inférieur à 50 étant considérées comme présentant un risque de dépression), sur la base de la fréquence des sensations positives au cours des deux semaines précédentes (Eurofound, 2021[65]).
Il est tout à fait vraisemblable que la pandémie ait pu exacerber les disparités existantes du point de vue de la sécurité de l’emploi et du bien-être, mais cette hypothèse ne peut être vérifiée faute d’informations comparables portant sur les mêmes travailleurs avant la pandémie. Toutefois, que cette présomption soit ou non exacte, les résultats sont conformes à l’hypothèse que les travailleurs qui se sont probablement trouvés en première ligne pendant la pandémie occupent des emplois de moindre qualité et bénéficient de manière générale d’un moins grand bien-être39.
Cette conclusion est de fait conforme à celle tirée d’autres études qui se sont penchées sur d’autres aspects de la qualité des emplois, malgré des différences dans la définition des travailleurs de première ligne. Amossé et al. (2021[66]) constatent que les travailleurs de première ligne se caractérisent (traditionnellement) en France par un plus grand risque de perte d’emploi et par des perspectives limitées d’avancement professionnel. Samek Lodovici et al. (2022[20]) constatent quant à eux que, dans les pays européens, les travailleurs de première ligne ont une plus grande probabilité d’occuper des emplois temporaires et sont surreprésentés dans des secteurs – tels que l’agriculture, les soins à domicile et le transport routier de marchandises – où le travail non déclaré est largement répandu. Un lien a été établi à l’échelle internationale entre d’une part les bas salaires et la faible qualité des emplois (y compris une forte incidence des formes d’emploi atypiques, telles que le travail posté ou le travail temporaire) et d’autre part les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins de longue durée, un important secteur « de première ligne » qui figure généralement sur la liste des secteurs essentiels dans les différents pays (OCDE, 2020[67]). Le Chapitre 3 montre que les marchés du travail tendent à être plus concentrés dans le cas des métiers à risque, ce qui contribue à dégrader la qualité des emplois. Eurofound (2021[68]) constate que la durée hebdomadaire du travail fixée par les conventions collectives est supérieure à la moyenne de l’UE, soit 37.8 heures, dans les secteurs considérés comme essentiels dans beaucoup de pays européens pendant la pandémie, et qu’elle atteignait 39.2 heures dans celui des transports. Bien des travailleurs de première ligne ont vu leur durée du travail s’accroître pendant la pandémie. Par exemple, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, la Pologne et le Portugal ont mis en œuvre des dispositions allongeant la durée du travail, limité les périodes de repos et reporté les congés annuels dans les secteurs de la santé, des transports et de la logistique (Eurofound, 2021[68]).
Les travailleurs qui travaillaient sur leur lieu de travail physique et à proximité d’autres personnes avaient assurément le sentiment de se trouver en première ligne dans la bataille contre le COVID‑19. Ils avaient en effet une bien plus grande probabilité que les télétravailleurs de se sentir exposés au risque de contracter le virus du COVID‑19 du fait de leur travail (60 % contre 29 %) (Graphique 1.28). Les données disponibles indiquent que ce sentiment était loin d’être exagéré. En Italie, une large part des indemnités d’accidents du travail liées au COVID‑19 accordées par l’Institut national d’assurance contre les accidents du travail (INAIL) concernaient les professions à risque (Basso et al., 2022[62]). Par ailleurs, les indemnités de congé de maladie n’ont augmenté au même rythme que le nombre de cas de COVID‑19 que dans les secteurs caractérisés par une forte proportion d’emplois à risque. Au Royaume‑Uni, les travailleurs qui occupaient des emplois exigeant une étroite proximité avec d’autres personnes ont enregistré les plus forts taux de mortalité imputables au COVID‑19, le taux le plus élevé étant observé chez les hommes exerçant des professions élémentaires (Windsor-Shellard et Nasir, 2021[69]). Aux États-Unis, les employés des commerces essentiels avaient une bien plus grande probabilité d’être testés positifs au COVID‑19 –, ce phénomène n’ayant pas exclusivement touché les travailleurs du secteur de la santé (Song et al., 2021[70])40.
Le risque accru d’infection auquel sont exposés de nombreux travailleurs de première ligne est vraisemblablement fonction d’un plus ample ensemble de facteurs liés à leur situation socioéconomique plus large (Windsor-Shellard et Nasir, 2021[69]). Les travailleurs à faible revenu ont une plus grande probabilité de vivre dans des logements surpeuplés et avec d’autres personnes occupant également des emplois les exposant à un plus grand risque d’infection41. Les personnes soumises à de mauvaises conditions de travail ont une plus grande probabilité d’aller travailler alors même qu’elles sont malades (Bryan, Bryce et Roberts, 2020[71]). Ce phénomène est observé même lorsqu’il leur est possible d’obtenir des congés de maladie rémunérés, mais il est vraisemblablement plus prononcé là où elles n’ont qu’un accès limité à ce type de prestations42. Lorsqu’ils tombent malades, les membres des ménages à faible revenu déclarent éprouver davantage de difficultés à accéder aux soins de santé, même dans les pays où cet accès est quasi universel (OCDE, 2019[72]). Ces difficultés sont souvent amplifiées pour les immigrés et pour les travailleurs non déclarés (Samek Lodovici et al., 2022[20]).
Au quatrième trimestre 2021, près de deux ans après le début de la pandémie, le pourcentage de travailleurs occupant des emplois à risque avait en moyenne régressé de 3.5 points dans les 27 pays pour lesquels on dispose de données. Cette diminution s’est produite dans la plupart des pays et elle a dépassé les 10 points de pourcentage en République slovaque, en Irlande, au Royaume‑Uni et en Estonie. Elle s’explique en partie par la forte progression de l’emploi enregistrée au cours de cette période dans les secteurs de services offrant une rémunération élevée, qui emploient relativement peu de travailleurs à de tels postes (voir la Section 1.3). Cependant, en braquant les projecteurs sur les conditions de travail offertes par ces emplois et en accroissant les risques qui leur sont liés, la pandémie a probablement réduit l’offre de travail pour ces emplois, exacerbant les pénuries de main-d’œuvre qui touchaient déjà un grand nombre de ces professions avant la crise, surtout dans le secteur de la santé (voir la Section 1.2). En effet, dans la plupart des pays de l’OCDE, les services publics de l’emploi font savoir qu’ils éprouvent depuis le début de la pandémie de COVID‑19 de plus grandes difficultés à pourvoir les postes de première ligne vacants (voir le Chapitre 2).
1.6. Conclusions
Plus de deux ans après l’irruption brutale de la crise du COVID‑19, la reprise de l’activité économique a été plus vigoureuse que beaucoup ne l’attendaient. La vigueur de cette reprise est à présent menacée par les retombées économiques de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, qui devraient ralentir la croissance économique et continuer de nourrir l’inflation au cours de 2022.
Les pays européens doivent en particulier relever dans l’immédiat le défi d’intégrer dans leurs marchés du travail le plus important nombre de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 6.5 millions de personnes ont déjà dû fuir l’Ukraine pour se réfugier dans d’autres pays d’Europe, et les déplacés de l’intérieur sont encore bien plus nombreux. Les flux de réfugiés provoqués par la guerre se traduiront à court terme par des dépenses publiques supplémentaires dans les pays d’accueil qui seront toutefois compensées au fil du temps à mesure que les réfugiés entreront sur le marché du travail. Les expériences récentes de divers pays européens fournissent de précieux enseignements pour faciliter l’intégration des réfugiés sur le marché du travail et faire en sorte que leurs compétences ne restent pas trop longtemps inexploitées.
Les répercussions de la guerre sur les marchés de l’énergie, de l’alimentation et des produits de base amplifient les fortes pressions inflationnistes qui étaient déjà apparues à la fin de 2021 à la suite des perturbations des chaines d’approvisionnement. La hausse de l’inflation a de plus importants effets sur les revenus réels des ménages vulnérables, qui avaient déjà été frappés de plein fouet par la crise du COVID‑19. En effet, l’augmentation des dépenses entraînée par les récentes hausses des prix de l’alimentation et de l’énergie représente une plus forte proportion du budget total des ménages à faible revenu, et ceux-ci n’ont que des possibilités limitées d’y faire face en puisant dans leur épargne ou en réduisant leurs dépenses discrétionnaires (OCDE, 2022[4]). Ces ménages incluent un pourcentage disproportionné de travailleurs faiblement rémunérés qui avaient une plus grande probabilité de subir une réduction de leurs revenus pendant la crise du COVID‑19 à la suite d’une perte d’emploi ou d’une réduction de leur nombre d’heures travaillées (OCDE, 2021[5]). À l’avenir, il est crucial de suivre de près les effets différentiels de l’inflation selon les niveaux de revenu des ménages.
Les pouvoirs publics disposent de divers outils complémentaires pour amortir l’impact de l’inflation sur les ménages à faible revenu, notamment en favorisant les conventions collectives, en ajustant les salaires minimums légaux et le système d’impôts et de prestations, ou en offrant temporairement des primes énergie (voir le Chapitre 2 pour un examen des interventions récentes des pouvoirs publics dans les pays de l’OCDE).
Avant même le nouveau choc négatif dû à la guerre en Ukraine, le marché du travail ne s’est rétabli de la crise du COVID‑19 que de manière incomplète et inégale selon les pays. Même si les répercussions inégales supportées par différentes catégories de travailleurs au début de la crise sont partiellement résorbées, les jeunes et les travailleurs non diplômés du supérieur sont restés à la traîne de la reprise dans de nombreux pays.
Rien n’indique pour l’heure l’existence d’un décalage qualitatif entre l’offre et la demande en raison de l’impact asymétrique de la crise sur les différents secteurs. Ce décalage pourrait toutefois apparaître plus clairement lorsque l’actuelle vague d’offres d’emploi non pourvues qui touche tous les secteurs aura reflué. Ce chapitre montre que les secteurs qui ont connu un essor depuis le début de la crise sont très différents de ceux qui ont enregistré un effondrement de l’emploi. Par ailleurs, en plus des tensions suscitées par les évolutions qui pourraient avoir été déclenchées ou accélérées par la pandémie proprement dite, beaucoup de pays ont l’intention de mettre à profit leurs plans de relance pour promouvoir la transformation numérique et la transition vers une économie neutre pour le climat. Ces mesures accéléreront vraisemblablement de nouvelles transformations structurelles du marché du travail qui pourraient également contribuer à accroître les déséquilibres.
Dans ce contexte, il reste essentiel de suivre l’évolution des compétences demandées et des performances des différents travailleurs sur le marché du travail afin d’ajuster et de cibler au mieux les mesures destinées à assurer une bonne adéquation entre les travailleurs et les emplois, de manière à promouvoir un marché du travail inclusif.
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Annexe 1.A. Résultats complémentaires
Annexe 1.B. Correction des ruptures des séries chronologiques d’Eurostat
En 2021, Eurostat a apporté un certain nombre de changements méthodologiques au mode de collecte et de gestion des données de l’Enquête européenne sur les forces de travail, ainsi que certaines modifications à la définition des différents statuts au regard du marché du travail. Ces changements ont produit une rupture des séries statistiques relatives à l’emploi et au chômage fournies par Eurostat au premier trimestre de 2021. Au printemps de 2022, Eurostat a publié des séries corrigées de cette rupture pour l’emploi comme pour le chômage, ainsi qu’une ventilation démographique de certaines des données. La méthodologie employée est décrite par Eurostat (2022[28]). Ce chapitre s’appuie chaque fois que possible sur les séries corrigées de la rupture récemment publiées. Tel est par exemple le cas des taux globaux d’emploi et de chômage, ainsi que des séries ventilées selon le niveau d’études, le sexe et le groupe d’âge.
Cependant, pour certaines des séries utilisées dans ce chapitre, Eurostat n’a pas fourni de version corrigée de la rupture. Tel est par exemple le cas de l’emploi par secteur, de l’emploi et du chômage selon le pays de naissance et de l’emploi par secteur et selon diverses caractéristiques démographiques. Dans tous ces cas, le chapitre utilise des séries corrigées à l’aide d’un coefficient de correction calculé en tirant parti de la disponibilité de séries corrigées et non corrigées de la rupture à un degré plus élevé d’agrégation.
Pour illustrer la procédure, considérons le cas de l’emploi par secteur. Dans ce cas, un coefficient de correction (pour chaque pays et chaque trimestre) est calculé en prenant le ratio entre l’emploi agrégé corrigé de la rupture et l’emploi agrégé non corrigé. Le même coefficient de correction est ensuite multiplié par le niveau d’emploi (non corrigé) de chaque secteur au trimestre correspondant. Par exemple, pour corriger le niveau d’emploi d’un secteur donné au premier trimestre 2019, le niveau d’emploi pour ce secteur communiqué par Eurostat est multiplié par le ratio entre l’emploi total corrigé au premier trimestre 2019 et l’emploi total non corrigé correspondant au même trimestre.
Une procédure similaire est appliquée pour les autres séries utilisées dans ce chapitre. Lorsque les séries concernées sont exprimées sous la forme d’un ratio, les coefficients de correction sont également calculés à partir des ratios corrigés et non corrigés. Par exemple, pour les séries relatives à la proportion d’un groupe démographique donné employée dans un secteur donné (par exemple, la proportion de l’ensemble de la population féminine qui travaille dans le secteur de la finance et des assurances), le coefficient de correction est calculé sur la base du ratio entre le taux d’emploi corrigé et non corrigé correspondant à ce groupe démographique (il s’agirait dans notre exemple du ratio entre la fraction corrigée et non corrigée de la population féminine occupant un emploi).
Eurostat n’a pas publié de série corrigée pour l’emploi par pays de naissance. Le coefficient de correction appliqué à la proportion de la population née à l’étranger occupant un emploi est égal au ratio entre le taux d’emploi corrigé et non corrigé correspondant à l’ensemble de la population. Le même coefficient de correction est ensuite utilisé pour corriger la série relative à l’emploi par pays de naissance par secteur.
La principale limite de cette approche tient à l’hypothèse sous-jacente, à savoir que la rupture de la série a les mêmes effets sur l’ensemble des différents groupes auxquels le coefficient de correction est appliqué. Par exemple, dans le cas de l’emploi des femmes par secteur, cette procédure suppose que la variation proportionnelle de l’emploi agrégé des femmes provoquée par la rupture est également observée à l’échelle de chaque secteur considéré isolément.
Annexe 1.C. Liste des professions à risque
Tableau d’annexe 1.C.1. Liste des professions à risque selon la classification de Basso et al. (2022)
CITP – 3 chiffres |
Intitulé CITP |
---|---|
131 |
Directeurs et cadres de direction, agriculture, sylviculture et pêche |
141 |
Directeurs et gérants, hôtellerie et restauration |
221 |
Médecins |
222 |
Cadres infirmiers et sages-femmes |
223 |
Spécialistes des médecines traditionnelles et des médecines complémentaires |
224 |
Praticiens paramédicaux |
225 |
Vétérinaires |
226 |
Autres spécialistes des professions de la santé |
232 |
Professeurs, enseignement technique et professionnel |
234 |
Instituteurs, enseignement primaire et éducateurs de la petite enfance |
312 |
Superviseurs, mines, industries manufacturières et bâtiment |
313 |
Techniciens, contrôle de processus industriels |
315 |
Contrôleurs et techniciens des moyens de transport maritime et aérien |
321 |
Techniciens de la médecine et de la pharmacie |
322 |
Personnel infirmier et sages-femmes (niveau intermédiaire) |
323 |
Praticiens des médecines traditionnelles et des médecines complémentaires |
324 |
Techniciens et assistants vétérinaires |
325 |
Autres professions intermédiaires de la santé |
335 |
Professions intermédiaires de l’application de la loi et assimilées |
342 |
Travailleurs du secteur des sports et des activités de remise en forme |
343 |
Professions intermédiaires de la culture, de la création artistique et des activités culinaires |
441 |
Autres employés de type administratif |
511 |
Agents d’accompagnement et assimilés (transports et tourisme) |
512 |
Cuisiniers |
513 |
Serveurs et barmen |
514 |
Coiffeurs, esthéticiens et assimilés |
516 |
Autre personnel des services directs aux particuliers |
522 |
Commerçants et vendeurs, magasins |
523 |
Caissiers et billettistes |
524 |
Autres vendeurs |
531 |
Gardes d’enfants et aides-enseignants |
532 |
Aides-soignants |
541 |
Personnel des services de protection et de sécurité |
611 |
Agriculteurs et ouvriers qualifiés, cultures commerciales |
622 |
Pêcheurs, chasseurs et trappeurs |
632 |
Éleveurs de bétail, subsistance |
634 |
Pêcheurs, chasseurs, trappeurs et cueilleurs, subsistance |
711 |
Métiers qualifiés du bâtiment (gros œuvre) et assimilés |
712 |
Métiers qualifiés du bâtiment (finitions) et assimilés |
713 |
Ouvriers peintres, ravaleurs de façades et assimilés |
741 |
Installateurs et réparateurs, équipements électriques |
742 |
Monteurs et réparateurs, électronique et télécommunications |
751 |
Métiers qualifiés de l’alimentation et assimilés |
754 |
Autres métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat |
815 |
Conducteurs de machines pour la fabrication de produits textiles et d’articles en fourrure et en cuir |
821 |
Ouvriers de l’assemblage |
832 |
Conducteurs d’automobiles, de camionnettes et de motocycles |
835 |
Matelots de pont et assimilés |
921 |
Manœuvres de l’agriculture, de la pêche et de la sylviculture |
931 |
Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics |
932 |
Manœuvres des industries manufacturières |
933 |
Manœuvres des transports et de l’entreposage |
941 |
Assistants de fabrication de l’alimentation |
961 |
Éboueurs |
962 |
Autres professions élémentaires |
Note : le tableau présente la classification des emplois à risque selon la CITP à trois chiffres.
Source : Basso et al. (2022[62]), Unsafe Jobs, Labour Market Risk and Social Protection, https://doi.org/10.1093/epolic/eiac004.
Notes
← 1. Ce chapitre a bénéficié de de l’assistance statistique d'Isac Olave Cruz et d'Agnès Puymoyen. Des versions antérieures du contenu des sections 1.4 et 1.5 ont également bénéficié de l'analyse statistique d'Inbar Amit.
← 2. Les variations des chiffres de l’emploi et du chômage entre les pays tiennent en partie au fait que les personnes en situation de chômage temporaire sont considérées comme des chômeurs dans certains pays comme le Canada ou les États-Unis même quand ils comptent retrouver leur emploi, alors que, dans la plupart des pays, les travailleurs au chômage partiel sont considérés comme des actifs occupés. Voir le chapitre 1 de la publication (OCDE, 2021[5]) pour de plus amples informations.
← 4. Les informations sur le nombre de réfugiés en provenance d’Ukraine enregistrés en Europe sont tirées du site https://data.unhcr.org/en/situations/ukraine, consulté le 26 août 2022.
← 5. Pour illustrer le redressement du nombre d’heures travaillées au sortir de la crise du COVID‑19, le Figure 1.6 s’appuie sur des données portant sur le T1 2022, soit les données les plus récentes disponibles pour le plus grand nombre de pays de l’OCDE. Les données corrigées des variations saisonnières n’étant pas faciles à obtenir, on utilise des données non corrigées et on prend comme point de référence antérieur à la crise le premier trimestre 2019. Même si cette méthode peut surestimer la reprise en déduisant la majeure partie de la croissance du nombre d’heures en 2019, les résultats obtenus montrent néanmoins que le redressement du nombre d’heures n’est pas terminé dans la majorité des pays pour lesquels on dispose de données corrigées des variations saisonnières.
← 6. Pour les pays couverts par Eurostat, on constate une rupture des données au T1 2021 concernant les séries relatives à l’emploi (voir Eurostat (2022[28])). Chaque fois que possible, les séries corrigées des ruptures fournies par Eurostat sont utilisées dans l’analyse. Sinon, une correction décrite dans l’Annex 1.B est appliquée.
← 7. Entre le T4 2019 et le T4 2021, le Mexique a également enregistré une forte hausse proportionnelle, mais à partir d’un point de départ assez bas, son taux de chômage de longue durée étant passé de moins de 0.1 % à 0.24 %.
← 8. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1410032501&cubeTimeFrame.startMonth=10&cubeTimeFrame.startYear=2019&cubeTimeFrame.endMonth=10&cubeTimeFrame.endYear=2021&referencePeriods=20191001%2C20211001.
← 9. https://www.mbie.govt.nz/business-and-employment/employment-and-skills/labour-market-reports-data-and-analysis/jobs-online/using-the-all-vacancies-index-avi-as-main-indicator/.
← 11. Source : Statistiques à court terme de l’OCDE sur le marché du travail (base de données).
← 15. https://www.ons.gov.uk/businessindustryandtrade/business/businessservices/bulletins/businessinsightsandimpactontheukeconomy/27january2022#worker-shortages https://www.ons.gov.uk/businessindustryandtrade/business/businessservices/bulletins/businessinsightsandimpactontheukeconomy/21april2022#workforce.
← 17. En mars 2022, le nombre de démissions corrigé des variations saisonnières était supérieur de 75 % au niveau de décembre 2019 dans le secteur manufacturier (https://fred.stlouisfed.org/series/JTS3000QUR). Dans le commerce de détail, il était supérieur de 45 % (https://fred.stlouisfed.org/series/JTS4400QUR) et de 36 % dans la finance et l’assurance.
← 19. U.S. Bureau of Labor Statistics, Employment-Population Ratio [EMRATIO], extrait de FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis ; https://fred.stlouisfed.org/series/EMRATIO, 10 mars 2022.
← 20. Elle était également supérieure de 40 % au chiffre du premier trimestre 2020 – déjà partiellement touché toutefois par le début de la crise du COVID‑19. Voir https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/datasets/labourforcesurveyflowsestimatesx02.
← 21. https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/bulletins/uklabourmarket/february2022.
← 22. https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/mi-2021-un-niveau-eleve-de-demissions-de-cdi.
← 24. https://www.abs.gov.au/statistics/labour/employment-and-unemployment/job-vacancies-australia/latest-release.
← 25. Duval et al. (2022[14]) fournissent des données préliminaires, dont il ressort que les salaires ont été plus sensibles aux tensions sur les marchés du travail dans les secteurs où les rémunérations sont faibles et que ce phénomène a contribué de manière significative à la croissance globale des salaires au cours de l’année 2021.
← 27. Des observations concordantes à celles communiquées plus haut au sujet des États-Unis ont été faites par Duval et al. (2022[14]) qui ont présenté les premiers résultats d’une analyse de régression qui tendent à montrer que les rémunérations étaient plus sensibles aux tensions sur les marchés du travail dans les secteurs à bas salaires au Royaume‑Uni et que cela contribuait en bonne partie à la croissance globale des salaires relevée sur l’année 2021.
← 28. Les données présentées dans le Figure 1.16 ont été communiquées par Eurostat à partir des résultats de l’enquête EFT-UE. Les données de l’Office fédéral de la statistique (Suisse) indiquent une contraction bien moindre de l’emploi dans les activités manufacturières, de 2 % environ, entre le T4 2019 et le T4 2021 (voir https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/activite-professionnelle-temps-travail/caracteristiques-main-oeuvre/section-economique.assetdetail.21825634.html).
← 29. Il convient de noter que les conclusions de toute étude sur les redéploiements d’emplois entre les secteurs dépendent sans doute dans une large mesure de l’intervalle de temps pris en considération. En effet, l’importance de telles transitions peut très bien avoir changé au cours de la crise dans la mesure où l’incertitude entourant les perspectives de chaque secteur a évolué de façon non linéaire avec la succession de vagues épidémiques d’intensité variable, les progrès de la campagne de vaccination et l’évolution de la nature des restrictions mise en œuvre.
← 30. Pour les pays couverts par Eurostat, on constate une rupture des données au T1 2021 concernant les séries relatives à l’emploi (voir Eurostat (2022[28])). Chaque fois que possible, les séries corrigées des ruptures fournies par Eurostat sont utilisées dans l’analyse. Sinon, une correction décrite dans l’Annex 1.B est appliquée.
← 31. Dans l’ensemble des pays pris en considération ici, la part des contrats à durée déterminée chez les jeunes a baissé en moyenne de plus de 2 points de pourcentage au deuxième trimestre 2020 par rapport au deuxième trimestre 2019 ; des baisses ont été observées dans 18 des 28 pays.
← 32. Selon les données de l’Enquête sur les forces de travail de l’Union européenne, entre le quatrième trimestre 2019 et le quatrième trimestre 2021, la population totale d’immigrés a baissé d’au moins 10 % en Pologne, en Irlande, au Royaume‑Uni, au Portugal et en Grèce. À l’inverse, la République tchèque, les Pays-Bas, la Hongrie, la Finlande et l’Islande ont tous enregistré une augmentation de plus de 10 % de leur population immigrée totale. En comparaison, dans tous ces pays, l’ensemble de la population de travailleurs nés dans le pays est restée largement stable (voir https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/LFSQ_PGACWS__custom_2759312/bookmark/table?bookmarkId=adc41851-d0c0-48e6-809a-a081f5282e4e) Aux États-Unis et au Canada, la population immigrée enregistrée dans la CPS et l’Enquête sur la population active a augmenté de moins de 2 %.
← 33. Les groupes ethnoraciaux pris en considération sont les suivants : Indiens, Pakistanais, Bangladais, Chinois, Britanniques afro-caribéens, et personnes faisant état d’une appartenance ethnique mixte ou multiple.
← 34. https://data.stat.gov.lv/pxweb/en/OSP_PUB/START__EMP__NB__NBLB/NBL030/ et https://andmed.stat.ee/en/stat/sotsiaalelu__tooturg__tooturu-uldandmed__aastastatistika/TT332/table/tableViewLayout2.
← 35. https://www.stats.govt.nz/information-releases/labour-market-statistics-december-2021-quarter.
← 36. Informations fournies par le Canada en réponse au Questionnaire d’enquête de l’OCDE sur les mesures prises face à la crise du COVID‑19 (voir le Chapitre 2 pour plus de précisions sur ce questionnaire).
← 37. Pour caractériser les travailleurs occupant ces emplois, ce chapitre reprend les travaux de Basso et al., (2022[62]) qui ont aimablement partagé leur code. Les auteurs définissent les emplois « à risque » comme ceux qui, d’après les informations antérieures à la pandémie, ne pouvaient être exercés à distance et impliquaient de considérables interactions avec d’autres personnes, et donc un risque accru d’infection par le COVID‑19 au travail, voir Basso et al. (2022[62]) pour plus de précisions sur la méthodologie. La même classification est également utilisée au Chapitre 3.
← 38. En pratique, les travailleurs de première ligne sont définis comme ceux qui répondent « Toujours », « La plupart du temps » ou « Parfois » à la question « Dans votre travail, êtes-vous habituellement en contact physique direct avec d’autres personnes (collègues, clients, passagers, élèves, patients, etc.) ? » et qui ne déclarent pas que leur domicile ait été leur lieu de travail pendant la pandémie. Les données utilisées dans l’analyse portent sur la seconde vague, qui a débuté en juin 2020, et elles ne couvrent que les pays européens. Les données relatives à la première vague (avril 2020) ne comportent pas d’informations sur l’existence d’un contact étroit au travail. Il est certes probable que le nombre de travailleurs retournant sur leur lieu de travail ait augmenté entre les deux vagues, compte tenu de l’évolution de la pandémie et de la nature des restrictions en vigueur, mais les caractéristiques démographiques des travailleurs qui ont continué à travailler sur leur lieu de travail physique pendant ces deux vagues restent les mêmes.
← 39. Les résultats n’impliquent pas nécessairement que ces emplois entraînent un moins bon état de santé ou un moins grand bien-être mental. De fait, ces disparités peuvent au moins en partie être la conséquence d’effets de sélection si les travailleurs ayant une moins bonne santé ou un moins grand bien-être mental peinent à trouver de meilleurs emplois. Quelle qu’en soit la cause exacte, les résultats n’en indiquent pas moins que les travailleurs qui occupent ces emplois sont défavorisés.
← 40. Toutes les études portent sur 2020 et le début de 2021 ; les répercussions du virus sur les différentes catégories professionnelles pourraient avoir évolué à mesure que des variants plus transmissibles – tels que Delta et Omicron – sont devenus dominants. Par ailleurs, parallèlement à la propagation de ces variants, les restrictions en vigueur ont en règle générale été assouplies à mesure que les taux de vaccination atteignaient des niveaux élevés dans la plupart des pays. La conjonction de ces divers facteurs a pour conséquence que le risque relatif d’exposition associé aux différents métiers pourrait bien avoir évolué au cours de la pandémie, tout en restant – selon toute vraisemblance – plus élevé pour les emplois qui impliquent un contact direct avec un grand nombre de personnes.
← 42. En Corée, les travailleurs n’ont pas légalement droit à des congés de maladie, qu’ils soient ou non rémunérés (OCDE, à paraître[73]), tandis qu’aux États-Unis 31 % seulement des travailleurs du décile inférieur de la distribution des salaires avait accès à des congés de maladie rémunérés en mars 2019, chiffre qui a augmenté pour atteindre 35 % en mars 2021 (https://www.bls.gov/ncs/ebs/xlsx/employee-benefits-in-the-united-states-dataset.xlsx). Les données récentes indiquent non seulement que la population n’est de manière générale guère au fait qu’une disposition fédérale instaurant un congé de maladie pour COVID‑19 a été adoptée aux États-Unis en mars 2020, mais aussi que le degré de connaissance et d’utilisation de la possibilité offerte par cette mesure est particulièrement bas parmi les personnes nées à l’étranger – un groupe surreprésenté dans les emplois de première ligne (Jelliffe et al., 2021[74]).