Les contrats extractifs durables reposent sur un système fiscal conforme aux objectifs économiques et budgétaires globaux des gouvernements, et prévoyant le partage équitable des gains financiers entre l’investisseur et le gouvernement du pays hôte, compte tenu des risques potentiels, des rétributions et des circonstances nationales. Comme il n’existe pas de régime fiscal idéal, le gouvernement de chaque pays hôte doit déterminer la combinaison optimale de dispositions et d’instruments fiscaux pour atteindre ses objectifs.
Un régime fiscal prévisible incluant des dispositions adaptables définies dans la législation et/ou le contrat afin d’ajuster la répartition des gains financiers globaux entre les gouvernements des pays hôtes et les investisseurs en fonction des variables influant sur la rentabilité du projet (comme la variation des prix des matières premières, des coûts, du volume de production ou de la qualité des ressources) contribue à la durabilité à long terme des contrats extractifs et réduit les motivations, pour l’une ou l’autre partie, à demander une renégociation des termes.
Les gouvernements des pays hôtes doivent tirer des avantages financiers de l’exploitation de leurs ressources. Les contrats extractifs durables évitent les périodes prolongées d’exploitation commerciale assortie de recettes limitées ou nulles pour le gouvernement.
46. Dans le secteur extractif, le système fiscal est une combinaison de la législation fiscale générale, de la législation sectorielle, et d’accords contractuels spécifiques aux projets, tels que : (1) les accords de concession, communs aux secteurs minier et pétrolier, dont les instruments principaux sont les redevances et les taxes ; (2) les contrats de partage de production, caractéristiques des régimes pétroliers, qui partagent la production entre l’État et l’investisseur (dans certains cas, des redevances et des taxes peuvent aussi s’appliquer) ; ou (3) les accords de service, parfois utilisés pour les ressources pétrolières, au titre desquels le gouvernement du pays hôte s’acquitte d’une redevance de service auprès de l’investisseur. Lorsqu’ils utilisent des instruments législatifs et contractuels multiples, les gouvernements des pays hôtes doivent tenir compte de la façon dont ceux-ci interagissent entre eux et avec la législation fiscale générale. Tout en reconnaissant que les spécificités du secteur extractif et la nécessité d’attirer les investissements entraînent certaines variations entre le régime fiscal standard et celui du secteur extractif, la limitation de ce type de variations peut contribuer à éviter la fragmentation, à minimiser la charge administrative et à garantir la cohérence globale du système fiscal.
47. Les gouvernements décident de la combinaison de dispositions et d’instruments fiscaux qu’ils jugent la plus adaptée à leurs circonstances individuelles. Ces circonstances incluent le montant escompté par le gouvernement en termes de dépenses et de recettes, mais aussi le niveau de compétitivité qu’il souhaite afficher pour attirer les investissements et encourager l’exploration, le développement et la production des ressources pour un recouvrement optimal. Il est important de concevoir une combinaison optimale de dispositions et d’instruments fiscaux compte tenu des circonstances nationales prévalentes, tout en gardant à l’esprit que chaque instrument comporte ses propres arbitrages et qu’il n’existe pas de régime fiscal idéal.
48. Le choix des dispositions et des instruments fiscaux peut être influencé par la capacité d’un pays donné à les mettre en œuvre. Une coordination étroite et constante entre les différentes agences gouvernementales, notamment les ministères de l’Énergie et des Mines, de l’Environnement, des Finances, de la Politique fiscale et de l’Administration, est essentielle pour parvenir au juste équilibre politique et à une mise en œuvre réussie.
49. Sans préjudice des arrangements applicables pour le partage des revenus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements sous-nationaux, les contrats extractifs qui reposent sur un régime fiscal adaptable prévoyant le partage équitable de la valeur à tous les stades du cycle de vie du projet, en tenant compte de la variation des résultats et des conditions du marché, ont plus de chances d’être durables. Les projets extractifs sont susceptibles de traverser différents cycles économiques et de connaître des booms, mais aussi des périodes de stress et de perte économique. Les gouvernements des pays hôtes doivent viser à structurer un système fiscal crédible, qui minimise les distorsions, s’adapte aux variations des prix, et permet aux gouvernements comme aux investisseurs de réduire les risques et de gérer de façon adéquate le caractère incomplet des informations au moment de la négociation et de la signature du contrat.
50. Les dispositions fiscales adaptables définies dans la législation et/ou le contrat anticipent différents scénarios de rentabilité (faisant varier les prix, les coûts, le volume, la qualité, etc.) et rééquilibrent le partage des gains financiers, favorisent la stabilité fiscale et contribuent à la durabilité du contrat. Dans ce contexte, le terme « adaptable » signifie que la part des gains financiers du gouvernement s’accroît automatiquement lorsque la rentabilité augmente, et diminue inversement lorsqu’elle baisse.
51. Cette structure peut également aider les gouvernements à gérer les pressions politiques, minimisant ainsi la probabilité de renégociation ou d’introduction de modifications, tout en maintenant la prévisibilité du contrat. Courir après le prix des matières premières en recourant à des renégociations répétées ne s’avère ni efficace (la volatilité des prix tendant à être une caractéristique structurelle de ce secteur), ni productif, l’expérience montrant qu’il en résulte une tension des relations entre les gouvernements des pays hôtes et les investisseurs.
52. En l’absence d’adaptabilité des dispositions et des instruments fiscaux définis dans la législation et/ou le contrat, différentes raisons peuvent pousser les gouvernements et les investisseurs à exercer des pressions en faveur de la modification des conditions fiscales. À titre d’exemple, en l’absence de dispositions et d’instruments fiscaux adaptables, lorsque les prix des matières premières augmentent, on y voit souvent une véritable manne dont les investisseurs seraient les seuls bénéficiaires. Les gouvernements se trouvent ainsi incités à modifier les dispositions et les instruments fiscaux, dans l’espoir de corriger ce déséquilibre – qu’il soit réel ou perçu. Du côté des investisseurs, lorsque les prix chutent et que les dispositions et les instruments fiscaux ne sont pas adaptables, les projets peuvent ne plus être rentables. Cela les incite alors à demander aux gouvernements des pays hôtes des dispositions plus favorables afin de permettre la continuité des activités et de la production.
53. L’instabilité fiscale constitue l’un des principaux risques, aux côtés des risques géologiques, politiques, techniques et non techniques, influant sur l’idée que se fait l’investisseur du climat global d’investissement et sur son évaluation de l’attractivité de l’opportunité d’investissement. À titre d’exemple, la modification fréquente des dispositions et des instruments fiscaux par les gouvernements lorsque les prix augmentent crée un risque fiscal supplémentaire pour les investisseurs. Ceux-ci peuvent alors exiger des rendements plus élevés pour compenser ce risque, ou simplement ne pas entreprendre les projets. Il en résultera vraisemblablement une réduction substantielle des investissements et des recettes pour les gouvernements des pays hôtes, si le cadre fiscal du pays est jugé instable par les investisseurs.
54. Lorsque les investisseurs perçoivent une forte instabilité fiscale ou politique, ils peuvent souhaiter l’inclusion de clauses de stabilisation fiscale afin de réduire ces risques. Les gouvernements des pays hôtes peuvent ne pas avoir à proposer ou accepter l’inclusion desdites clauses de stabilisation, dans la mesure où il leur reste la possibilité d’attirer les investissements escomptés par le biais de négociations fermes et constructives, et d’un processus ouvert d’appel d’offres impliquant des investisseurs aux capacités techniques et financières suffisantes. Lorsque les gouvernements les jugent nécessaires, des dispositions de stabilisation fiscale peuvent être conçues pour minimiser l’impact sur la fiscalité générale, en limitant sa portée à certaines dispositions fiscales spécifiques clés (vs. l’ensemble des dispositions fiscales), telles que les taux convenus, pour une période définie (et non indéfinie), et en appliquant éventuellement une prime de stabilité sur les taux d’imposition. Proportionnellement, pour être durables, les contrats extractifs doivent établir clairement l’obligation, pour les investisseurs, de s’acquitter en totalité de leur part d’impôts au titre du contrat et de la législation en vigueur, et tout aussi clairement le droit, pour les gouvernements des pays hôtes, de faire respecter cette obligation. L’adoption de mesures de bonne foi de lutte contre l’évasion fiscale ou l’interprétation de la législation en vigueur par les gouvernements des pays hôtes pour protéger la base fiscale de l’érosion et du transfert des bénéfices (par exemple sur la limitation de la déduction des intérêts et le prix des transferts), conformément aux pratiques fiscales reconnues au niveau international, ne doivent pas être considérées comme des modifications de la législation.
55. Il convient toutefois de noter que la mise en place de ce type de régimes peut accroître la charge administrative. Si les capacités administratives du gouvernement et sa performance en matière de gestion de recettes variables sont limitées, il pourrait s’avérer plus adéquat de recourir davantage à des dispositions et des instruments moins adaptables, mais plus faciles à administrer.
56. Les bénéfices globaux que le gouvernement tire du développement de ses ressources naturelles dépassent les simples recettes fiscales et peuvent inclure le développement de nouvelles infrastructures, la création d’emplois, la formation, l’achat local de biens et services, et des projets communautaires. Toutefois, en cas de périodes prolongées de production assortie de recettes limitées ou nulles, la pérennité du contrat pourra se trouver compromise, les gouvernements des pays hôtes devant apporter la preuve que leur pays tire des gains financiers de l’exploitation de ses ressources épuisables.
57. En fonction du contexte, il pourra s’avérer opportun de garantir une part minimum des recettes au gouvernement du pays hôte pour chaque année de production commerciale. Les gouvernements ayant une économie diversifiée et/ou une large base de revenus peuvent ne pas nécessairement avoir besoin ou souhaiter recevoir de chaque projet un paiement pour chaque année de production. En revanche, pour les gouvernements des pays hôtes dont les recettes, l’accès aux marchés de capitaux et le portefeuille de projets sont limités, la garantie d’un niveau minimum de recettes est importante. En outre, pour les gouvernements où les industries extractives commencent tout juste à se développer, les flux initiaux de recettes sont importants pour renforcer le budget, au regard des attentes de la population, qui escompte des bénéfices immédiats de l’exploitation de ses ressources.
58. Il est possible de garantir une part minimum de recettes pour le gouvernement par le biais de redevances et/ou du plafonnement de la récupération des coûts dans les contrats de partage de production. Il convient aussi de noter que ces instruments fiscaux sont régressifs et peuvent décourager d’autres investissements dans des projets marginaux.
59. Un système fiscal incluant à la fois des instruments régressifs et progressifs, mais progressif dans son ensemble, contribuera à l’alignement des intérêts des gouvernements des pays hôtes et des investisseurs.