Les turbulences récentes ont gravement perturbé les sociétés et les économies à l’échelle mondiale. La pandémie de COVID-19 a contraint les pouvoirs publics à adopter des mesures sans précédent dans différents domaines pour préserver les vies et les moyens de subsistance des individus. Et tandis que la pandémie refluait, la guerre d’agression illégale menée par la Russie contre l’Ukraine a mis sous tension les marchés de l’énergie et des produits alimentaires, ce qui a eu des effets préjudiciables sur les populations de tous les pays et réduit la croissance.
Nous ne devons pas perdre de vue nos objectifs à long terme lorsque nous nous fixons un cap pour sortir d’une période difficile. Tous les gouvernements s’efforcent de relancer la croissance, d’améliorer les conditions de vie et de lutter contre le changement climatique. Cette édition 2023 d’Objectif croissance montre que, conjuguées à des politiques publiques judicieusement conçues, des réformes structurelles peuvent stimuler la croissance économique, améliorer la productivité et faire reculer les inégalités, tout en garantissant la transition vers un avenir décarboné.
Nos priorités d’action et les recommandations qui les accompagnent s’articulent autour de quatre piliers : améliorer l’efficience des aides, mieux utiliser les ressources, tirer parti de la transformation numérique et accélérer le processus de décarbonation.
Premièrement, tant la pandémie que la guerre ont souligné l’importance de disposer de solides systèmes de protection sociale et mis en évidence des lacunes majeures dans les systèmes en place. Dans de nombreux pays, une proportion importante de travailleurs, en particulier les plus vulnérables, ne sont pas couverts par les systèmes de sécurité sociale en raison de leur situation au regard de l’emploi. Par ailleurs, on pourrait mieux cibler les systèmes de protection sociale pour réduire leur coût et améliorer leur viabilité.
Deuxièmement, il est possible d’améliorer la situation des travailleurs et de l’économie dans son ensemble en mettant en œuvre des mesures qui rehaussent le taux d’activité, améliorent l’appariement entre les emplois et les actifs, et aident les entreprises à devenir plus dynamiques, innovantes et vertes. Une des sources de la faiblesse actuelle de la croissance potentielle réside dans des années d’atonie de l’investissement et de l’accumulation de capital. L’action publique peut renforcer les incitations des entreprises à investir et à moderniser leur capital. La concurrence est aussi un moteur de la croissance potentielle. Il est crucial de renforcer le cadre et les autorités de la concurrence, mais cela n’est souvent pas suffisant. Dans la plupart des pays, l’intensification du jeu de la concurrence passe par des réformes plus poussées de la réglementation dans un large éventail de secteurs, notamment dans les services où existent toujours des obstacles réglementaires à l’entrée.
Troisièmement, les récentes avancées ayant eu lieu dans le domaine de l’intelligence artificielle soulignent l’ampleur du potentiel de la transformation numérique en tant que vecteur de gains de productivité et de transformation des économies. Pour permettre aux entreprises et aux travailleurs d’en tirer pleinement parti, il faudra améliorer les politiques publiques dans de nombreux domaines. Il conviendrait notamment d’accroître les investissements dans les réseaux à haut débit et d’élargir l’accès à ces réseaux, ainsi que de renforcer les incitations et l’aptitude des entreprises à acquérir des technologies numériques ainsi qu’à adapter leurs modèles économiques. La rapidité des progrès accomplis dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) soulève également de nouveaux problèmes pour les pouvoirs publics et les sociétés, au vu desquels une coopération s’impose entre les différentes parties prenantes et les décideurs publics – au niveau national et international – pour garantir que ces puissants outils soient utilisés au bénéfice de tous. Les meilleures pratiques restent à déterminer dans ce domaine, mais la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’intelligence artificielle offre un ensemble de principes directeurs visant à stimuler l’innovation dans une IA digne de confiance.
Enfin, accélérer le processus de décarbonation pour atteindre les objectifs visés en matière de changement climatique est le principal défi que nous devons relever aujourd’hui. Il faudra utiliser à la fois des instruments d’incitation et de réglementation pour y parvenir. La tarification du carbone a un rôle important à jouer à cet égard. C’est également le cas des mesures destinées à accroître les investissements publics et verts, et à renforcer la réglementation, les institutions et les normes pour réduire les émissions.
Ces quatre piliers se renforcent. Des politiques climatiques et d’investissement cohérentes et des réformes structurelles efficaces peuvent conjuguer leurs effets pour faciliter la transition et favoriser la croissance, tout en protégeant les plus vulnérables. Il est essentiel de préparer la transition en amont, pour éviter qu’elle ne débouche sur des actifs échoués dans les secteurs à forte intensité de carbone ainsi que sur des personnes et des collectivités laissées pour compte.
Cette édition comporte une partie spécifiquement consacrée au domaine des échanges, dans lequel il est à craindre que certains effets positifs soient remis en cause et que de nouvelles possibilités soient manquées. Dans le chapitre 2 sont présentées de nouvelles analyses de l’OCDE relatives à l’intégration commerciale fondée sur les chaînes de valeur mondiales, mis en évidence des risques connexes, et préconisées des mesures à prendre pour les atténuer. La mondialisation a eu de nombreuses retombées positives, sous la forme d’un renforcement de la productivité, de baisses de prix, d’un élargissement de l’éventail de choix et de gains prospérité dont ont bénéficié des milliards de personnes, en particulier dans les économies de marché émergentes.
L’édition 2023 d’Objectif croissance offre des conseils concrets aux pouvoirs publics des pays de l’OCDE et de ses partenaires. Elle montre que des réformes structurelles peuvent améliorer à moyen et long terme la situation économique de millions de personnes dans ces pays, notamment celle des plus vulnérables. Et qu’il est possible de le faire tout en partageant largement les fruits de ces réformes et en garantissant la concrétisation de la transition écologique.
Clare Lombardelli
Cheffe économiste de l’OCDE