Ce chapitre passe en revue les défis liés au développement urbain au Maroc, la problématique du logement et de l’habitat faisant l’objet d’un chapitre à part entière (Chapitre 5). Il commence par une analyse de la planification urbaine au Maroc, avant de proposer des recommandations pour en améliorer la coordination et promouvoir la densification. Le chapitre analyse ensuite les défis de développement économique et de compétitivité auxquels les villes marocaines font face et comment réduire les disparités territoriales. Cette analyse est suivie d’un examen des politiques pour favoriser une croissance inclusive, en donnant des recommandations pour soutenir l’emploi dans les villes, assurer l’accès aux services et espaces publics pour tous, et recentrer la Politique de la Ville sur ses objectifs initiaux. Enfin, le chapitre examine les défis liés à la mobilité dans les villes ainsi qu’en termes de soutenabilité environnementale, et offre des recommandations pour les surmonter et promouvoir des villes durables et résilientes.
Revue de la politique urbaine nationale du Maroc
4. Pour des villes marocaines compétitives, inclusives, durables et résilientes
Copier le lien de 4. Pour des villes marocaines compétitives, inclusives, durables et résilientesAbstract
Introduction et principales conclusions
Copier le lien de Introduction et principales conclusionsAfin de tirer au mieux parti de l’urbanisation rapide du pays et de promouvoir des villes marocaines compétitives, inclusives, durables et résilientes, la politique urbaine du Maroc doit adopter une approche holistique et intégrée, qui prenne en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales.
Pour atteindre cet objectif, la planification urbaine doit être améliorée. En effet, le développement urbain au Maroc est guidé par un ensemble d’outils de planification et documents d’urbanisme qui sont souvent trop rigides, ne sont pas suffisamment adaptés aux nouveaux enjeux tels que ceux liés au changement climatique, et pâtissent de la multiplicité d’acteurs, de la complexité et de la lenteur des procédures, et du manque de données et d’indicateurs. De plus, certains projets urbains se développent selon une logique d’opportunité foncière, au détriment d’une logique de densification, entraînant un phénomène d’étalement urbain. Pour améliorer la planification urbaine, le Maroc pourrait promouvoir une meilleure coordination et intégration des différents niveaux de planification urbaine, et ce à la bonne échelle territoriale, c’est-à-dire au niveau des zones urbaines fonctionnelles. En outre, le Maroc pourrait de manière plus systématique privilégier la rénovation urbaine et la densification à l’étalement urbain, encourager une approche flexible de la planification sans toutefois avoir recours à l’urbanisme d’exception, et favoriser davantage une approche innovante et prospective de la planification urbaine, fondée sur l’utilisation de données fiables.
Le Maroc doit également promouvoir le développement économique des villes et réduire les disparités territoriales. Pour cela, le Maroc pourrait clarifier les droits fonciers, faciliter l’accès au sol aux petites et moyennes entreprises et simplifier les modalités d’octroi des autorisations d’urbanisme. De plus, le rôle des autorités locales dans l’accompagnement des entreprises pourrait être renforcé, par exemple en créant des plateformes numériques régionales permettant de faciliter la communication concernant les programmes d’appui aux entreprises et porteurs de projets. Afin d’attirer les investissements et promouvoir la croissance économique, les bénéfices de la transformation numérique pourraient être mieux exploités en renforçant l’accès aux infrastructures digitales et en mettant en place des initiatives de villes intelligentes. Le renforcement de la territorialisation des politiques urbaines pourrait contribuer à réduire les disparités territoriales, notamment en renforçant les initiatives en faveur des villes de petite taille et des villes intermédiaires et en renforçant les liens urbain-rural.
Réduire les inégalités urbaines et promouvoir une croissance inclusive constitue également un enjeu essentiel pour le Maroc. Pour lutter contre le chômage et le sous-emploi urbain, l’action locale pourrait être davantage promue, en partageant les compétences entre le niveau national et le niveau local, avec des interventions ciblées pour les femmes et les jeunes. Afin d’améliorer les conditions de vie dans les zones urbaines défavorisées, la Politique de la Ville pourrait se recentrer sur ses objectifs initiaux, à savoir ses priorités de lutte contre la précarité et l’exclusion et un meilleur ciblage des quartiers prioritaires. De plus, le rôle de l’Agence nationale pour la Rénovation Urbaine et la Réhabilitation des Bâtiments Menaçant Ruine (ANRUR) pourrait être renforcé dans la coordination des initiatives de rénovation urbaine, le financement des projets, et la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation. Enfin, pour réduire les inégalités urbaines et favoriser un accès aux opportunités pour tous dans les villes, il est crucial d’assurer à tous les habitants de toutes les villes un meilleur accès aux services essentiels et aux espaces publics pour tous, comme les places, les jardins, les espaces verts et les souks, qui sont des lieux de vie essentiels pour les habitants.
Les insuffisances et défis liés à la mobilité dans les villes marocaines, notamment le faible maillage de transports publics, la mauvaise qualité des voiries entravant une marche en sécurité, ainsi que les problèmes de congestion et de pollution, nuisent au développement économique des villes et à la qualité de vie de leurs habitants. Promouvoir davantage les transports publics urbains permettrait de répondre à ces défis, tout en contribuant aux objectifs de développement durable. Les modes de mobilité douce pourraient être encouragés grâce à l’aménagement d’infrastructures dédiées, qui permettraient notamment de faciliter la marche qui est le mode de déplacement le plus utilisé dans la plupart des villes marocaines. L’inclusivité des transports urbains devrait également être renforcée, pour accroître leur utilisation par les femmes et autres groupes de population vulnérable, ce qui permettrait de garantir l’égalité des chances en termes d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux services publics et aux loisirs, ainsi que de réduire les inégalités. Enfin, la gouvernance des transports dans les villes pourrait être améliorée par la mise en place de mécanismes de coordination et de partenariats entre tous les acteurs concernés, l'harmonisation des politiques et des réglementations à travers les différents niveaux de gouvernement, et l’adoption d’une approche métropolitaine du transport urbain.
Enfin, une approche territoriale de l’action climatique et de la résilience permettrait de construire des villes marocaines durables et résilientes. Cela implique de promouvoir l’efficacité énergétique au niveau local, par exemple dans les secteurs du bâtiment, du transport, et de l’éclairage public ; décarboner l’environnement bâti ; soutenir la transition vers un tourisme plus durable dans les villes marocaines ; améliorer de la gestion des déchets solides par la mise en place de stratégies d’économie circulaire ; intégrer la problématique de l’eau dans la politique urbaine nationale du Maroc ; et intégrer les priorités de l’adaptation au changement climatique dans l’urbanisme.
Améliorer la planification urbaine au Maroc
Copier le lien de Améliorer la planification urbaine au MarocL’urbanisation rapide du Maroc a engendré des transformations profondes du pays, notamment en termes de fonctionnement spatial. Comme vu dans les précédents chapitres, le taux d’urbanisation est passé de moins de 10 % en 1912 à 65,2 % en 2024, avec des prévisions de près de 70 % à l’horizon 2030. Les espaces urbains constituent donc le cadre de vie d’une grande majorité de marocains, et concentrent l’essentiel des richesses, de la production industrielle et des emplois du pays. Le Maroc doit donc relever le défi de l’urbanisation, non seulement en termes d’anticipation et de maîtrise de la croissance urbaine, mais aussi en termes d’atténuation des déficits et d’accompagnement des besoins, par exemple en termes de logements et d’infrastructures, et ce dans un contexte de transformation économique et sociale du pays sous l’impulsion du Nouveau Modèle de Développement. Pour répondre à ces enjeux, une planification urbaine mieux coordonnée, intégrée, flexible, innovante et anticipative, privilégiant la rénovation urbaine et la densification, est nécessaire.
Des documents d’urbanisme rigides et dépassés sur le terrain
Copier le lien de Des documents d’urbanisme rigides et dépassés sur le terrainComme vu dans le Chapitre 3, le Maroc possède une longue et riche histoire de politiques urbaines, qui a conduit à l’élaboration de nombreux documents d’urbanisme à différentes échelles territoriales, notamment le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU) qui constitue le document de planification stratégique définissant l’organisation générale du développement urbain du territoire auquel il s’applique, le Plan de Zonage (PZ) qui permet de respecter les dispositions du SDAU et définit l’utilisation des sols, et le Plan d’Aménagement (PA) qui planifie l’usage des sols au niveau communal (Encadré 4.1).
Si ces outils de planification ont permis le développement d’équipements publics, de zones d’activités, d’habitat ou de loisirs, les documents d’urbanisme au Maroc font face à quatre défis principaux dont pâtissent surtout les grandes villes et les aires métropolitaines : un contenu rigide et inadapté ; une multiplicité d’acteurs ; l’absence d’outils d’opérationnalisation et d’équité foncière ; et enfin d’importants retards en matière de mise en œuvre. En effet, les documents de planification urbaine ne sont pas assez souples et flexibles pour pouvoir s’adapter aux nouveaux besoins qui peuvent émerger et qui demandent des réponses rapides, notamment dans les domaines du transport, et d’équipements de proximité. De plus, ces documents s’appuient sur des diagnostics peu précis et sur des analyses parfois incomplètes, du fait de leur contenu qui dépend de zonages figés et standardisés, et d’affectations et de réglementations contraignantes reproduites sur tous les territoires quelle que soit leur échelle, qu’il s’agisse de métropoles, villes de taille intermédiaire ou de petites villes, et quelles que soient leurs spécificités géographiques ou socio-économiques. Les documents d’urbanisme sont par ailleurs peu adaptés aux nouveaux enjeux, tels que ceux liés à l’accélération du changement climatique. Par exemple, la problématique liée au stress hydrique est rarement intégrée dans les choix d’aménagement, tandis que peu de documents de planification prévoient la prévention ou la gestion des risques naturels et de l’impact du changement climatique (voir section Construire des villes marocaines durables et résilientes). La législation en vigueur en matière d’urbanisme peine ainsi à accompagner le développement des territoires et à anticiper et répondre aux défis environnementaux ainsi qu’aux mutations sociales, économiques et spatiales. Ces défis ne trouvent pas de solutions dans le cadre des lois en vigueur, voire se trouvent amplifiés par la complexité du cadre juridique et réglementaire qui n’est plus adapté à un contexte en perpétuelle mutation.
De plus, l’élaboration des documents d’urbanisme reste marquée par la multiplicité des acteurs – ceux-ci pouvant atteindre jusqu’à 33 intervenants et l’élaboration pouvant nécessiter 133 signatures – qui n’ont pas de champs d’intervention ou de responsabilités claires et précises (Direction de l’urbanisme, 2022[1]). L’élaboration des documents d’urbanisme souffre également de la complexité et de la lenteur des procédures (6 ans en moyenne), ainsi que de difficultés à maîtriser les délais ou accéder aux données. L’efficacité des documents d’urbanisme pâtit d’une absence d’outils d’opérationnalisation et d’équité foncière. En effet, les documents de planification stratégique et les documents d’utilisation du sol ne sont accompagnés ni de programmations, ni d’échéanciers de réalisation des différentes opérations d’aménagement ou d’équipements prévus. Très souvent, les terrains réservés restent sous le coup de la déclaration d’utilité publique pendant une longue période (10 ans), sans que les projets ne se réalisent, pénalisant ainsi de nombreux propriétaires terriens et gelant inutilement le foncier.
Enfin, les prévisions des documents d’urbanisme ne sont pas suffisamment prises en compte dans la réalisation de programmes et d’équipements par d’autres départements, qui sont souvent guidés par des opportunités foncières et urgences diverses, ce qui a un impact sur la cohérence des politiques publiques. En l’absence d’une concertation en amont et d’une contractualisation des objectifs en aval, la phase d’opérationnalisation ne peut exploiter de façon optimale les synergies entre l’urbanisme et les autres secteurs de politique publique.
Encadré 4.1. Principaux documents de planification locaux au Maroc
Copier le lien de Encadré 4.1. Principaux documents de planification locaux au MarocAu niveau local au Maroc, les principaux documents de planification comptent :
Le Schéma Directeur D’aménagement Urbain (SDAU) : Le SDAU constitue le document de planification stratégique et tient compte des orientations du Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT). Il planifie pour une durée ne devant excéder 25 ans, l’organisation générale du développement urbain du territoire auquel il s’applique. Le Schéma Directeur est opposable aux administrations, aux collectivités territoriales et aux établissements publics. Il est établi à l’initiative de l’autorité gouvernementale en charge de l’urbanisme avec la participation des communes. Les administrations et établissements publics sont tenus de communiquer, dans un délai de trois mois, les programmes, stratégies, plans d’actions et projets d’intérêt national et régional. Après un long processus de concertations réglementaires, le SDAU est approuvé par décret publié au Bulletin Officiel après visa du Ministre de l’Intérieur, des Finances, de l’Agriculture et de l’Équipement. Une nouvelle génération de SDAU a été mise en place à partir de 2011 :
Nouvelle échelle : l’aire d’étude des Schémas Directeurs d’Aménagement Urbain n’englobe plus seulement la ville centre et sa périphérie immédiate mais des territoires plus vastes (une ou plusieurs Provinces ou Préfectures, des territoires métropolitains, etc.) ; Priorité est donnée pour les grandes villes, les territoires sous pression démographique ou connaissant une dynamique urbaine importante.
Recentrage des objectifs : la nouvelle génération ambitionne davantage la cohérence territoriale, l’inter-territorialité et le développement polycentrique équilibré, inclusif et durable.
Nouveaux contenus : à la différence des contenus précédents orientés davantage sur des prescriptions d’usage des sols, ceux afférents à la nouvelle génération relèvent davantage de stratégies intégrées de développement et d’aménagement.
Collecte en amont : de l’ensemble des stratégies et programmes sectoriels.
Concertation dynamique et orientée : en prônant une démarche participative, il est prévu l’organisation de quatre ateliers thématiques (urbanisation et environnement, emploi et économie, mobilité et infrastructures et modèle d’aménagement) et la mise en place d’une page web interactive dédiée à chaque SDAU offrant ainsi la possibilité aux citoyens et intervenants de formuler leurs observations et propositions ainsi que de s’enquérir de l’état d’avancement de chaque document.
Tenue des comités centraux de suivi de l’ensemble des phases des études, suivi des phases de concertations réglementaires et préparation des décrets d’approbation.
Le Plan de Zonage (PZ) : Instrument transitoire entre le SDAU et le plan d’aménagement (PA), il permet de respecter les dispositions du premier et de définir l’utilisation des sols. Il est établi par l’autorité gouvernementale communale chargée de l’urbanisme, avec les communes concernées. Son approbation intervient par arrêté pris par l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme et publié au bulletin officiel. Dès son approbation, il prend effet pour une durée maximale de 2 ans à partir de sa date de publication au bulletin officiel.
Le Plan d’Aménagement (PA) : le PA planifie l’usage du sol à une échelle communale, en conformité avec les dispositions du SDAU. Le texte d’approbation vaut déclaration d’utilité publique sur dix ans pour la voirie, les espaces publics, les espaces destinés au sport, les équipements publics et les secteurs à restructurer ou à rénover. Le projet de PA devient le document de référence à compter de la date de clôture de l’enquête publique et pendant un délai maximum de douze mois précédent sa publication au Bulletin Officiel. Préalablement à l’élaboration du PA, un arrêté de mise à l’étude sur une durée de six mois (renouvelable) peut être pris par le président de la commune (sursis à statuer sur les demandes d’autorisation, possibilité d’autorisation si compatibilité avec les orientations du SDAU ou la vocation du secteur). Le PA est élaboré à l’initiative de l’agence urbaine avec la participation des conseils des collectivités territoriales concernés. Le projet de PA arrêté est soumis à l’avis du comité local présidé par le Gouverneur. Le projet de PA est soumis pour examen des conseils des collectivités territoriales pour une durée de deux mois. Le projet de PA fait l’objet d’une enquête publique d’un mois pour collecter les observations des citoyens. Le PA est approuvé par décret et publié au Bulletin Officiel.
Une nouvelle génération de plans d’aménagement a été mise en place depuis 2011 :
Réalisation du Plan d’Aménagement et de Sauvegarde (voir ci-dessous) et de l’évaluation de la mise en œuvre des documents préalablement au lancement du PA.
Diagnostic partagé sous forme d’ateliers thématiques.
Page web participative et réseaux sociaux.
Intégration du principe du dernier paragraphe de l’article 19 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme (possibilité de modification du zonage et des règles d’utilisation sous condition).
Nouvelle approche de la densité au lieu du zonage et nouvelle programmation des équipements.
Le Plan d’Aménagement et de Sauvegarde (PAS) des médinas est un plan d’aménagement qui définit le droit d’intervention à l’intérieur du tissu ancien (médina, ksour et kasbahs) auquel il s’applique. Il transforme les orientations d’aménagement et de sauvegarde (restauration, rénovation, réhabilitation, etc.) en prescriptions légales opposables à l’administration et aux tiers. Obéissant aux mêmes procédures d’élaboration et d’approbation d’un plan d’aménagement, le PAS est approuvé par Décret sur proposition du Ministère chargé de l’urbanisme. La durée de validité de la déclaration d’utilité publique est fixée à 10 ans calculée à partir de la date de publication au Bulletin officiel. Le règlement y afférent définit les actions à entreprendre dans le but de maîtriser la gestion urbaine des tissus anciens et de promouvoir leurs développements socio-économique et spatial. Il définit également les prescriptions des actions ponctuelles notamment la restauration, la réhabilitation et la rénovation sur le plan architectural et artistique (volumétrie, mitoyenneté, typologie architecturale, éléments de décors, etc.) et sur le plan technique.
Source : Direction de l’Urbanisme du MATNUHPV.
Mieux coordonner et intégrer les différents niveaux de planification urbaine, à la bonne échelle territoriale
Copier le lien de Mieux coordonner et intégrer les différents niveaux de planification urbaine, à la bonne échelle territorialeS’il existe une hiérarchisation des documents d’urbanisme, avec le plan de zonage et le plan d’aménagement devant respecter les dispositions du SDAU, sans cadre de coordination entre les différents niveaux de planification urbaine, la multiplicité des documents pose le défi majeur de la cohérence de ces documents. Il est en effet essentiel que ces objectifs soient alignés afin d’éviter des contradictions et des chevauchements qui pourraient entraver un développement urbain efficace et durable. Concernant la cohérence verticale entre les niveaux de planification, du plus général (SDAU) au plus spécifique (PA), une difficulté majeure réside dans la mise à jour et l'adaptation des documents plus anciens aux orientations des documents plus récents ou plus généraux. Par exemple, un SDAU peut être élaboré sans tenir compte des documents supra existants, créant ainsi des discordances dans les priorités de développement.
Le Maroc est en effet actuellement caractérisé par la cohabitation de deux systèmes de planification régionale (OCDE, 2018[2]). Même si les villes marocaines sont engagées dans un effort de simplification de leurs systèmes de planification, depuis 2015, l’articulation entre les anciens (PA, Plans de Déplacement Urbain (PDU), SDAU) et nouveaux documents (Programmes de Développement Régional (PDR), SRAT) qui régissent la planification des villes marocaines n’est pas clairement définie. C’est le cas par exemple à Casablanca où cohabitent deux systèmes de planification (Encadré 4.2).
Encadré 4.2. La cohabitation de deux systèmes de planification régionale à Casablanca
Copier le lien de Encadré 4.2. La cohabitation de deux systèmes de planification régionale à CasablancaCasablanca illustre la concomitance de plusieurs systèmes de planification, avec une juxtaposition de documents entre plusieurs secteurs de politiques et plusieurs niveaux de gouvernement (Tableau 4.1). En matière d’urbanisme, l’ancienne région du Grand Casablanca est soumise au Schéma Directeur d’Aménagement Urbain 2010-2030 (SDAU) élaboré par l’Agence urbaine de Casablanca. Adopté en 2009 et homologué en 2010, le SDAU a été révisé en 2014 et s’articule autour de 9 « pôles périphériques » à « vocation non-exclusive ». Le SDAU prévoit également d’ouvrir 25 000 nouveaux hectares à l’urbanisation d’ici 2030, dont 5 000 hectares pour les activités industrielles et tertiaires. Les dispositions du SDAU sont opposables aux administrations publiques et s’appliquent aux documents d’urbanisme inférieurs, tels que les Plans d’aménagement urbain. De son côté, la nouvelle région de Casablanca-Settat doit en principe également adopter un Schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT). Si la préparation et la conception de celui-ci a démarré il y a plusieurs années, il doit encore à ce jour être validé par le Ministère de l’Intérieur.
En parallèle, le Plan de Développement du Grand Casablanca 2015-2020 (PDGC) élaboré par la wilaya de l’ancienne région Grand Casablanca en 2014 s’articule autour de quatre axes stratégiques : i) cadre de vie (amélioration des conditions de vie des habitants) ; ii) plateforme (renforcement de la mobilité) ; iii) excellence (promotion de l’attractivité économique) ; et iv) animation (consécration de la région en tant que destination nationale et internationale). Suite à la réforme de régionalisation qui charge les nouvelles régions d’élaborer leur propre feuille de route stratégique au cours de leur première année, la région de Casablanca-Settat a adopté en 2017 son Programme de Développement Régional (PDR) 2017-2023 autour de cinq nouveaux axes stratégiques : i) transport ; ii) attractivité socioculturelle et qualité de vie ; iii) entreprise, innovation et emploi ; iv) générations futures et environnement ; et v) milieu rural intégré.
Ce PDR marque un tournant important puisqu’il s’impose aux autres documents de planification tels que les Plans d’action communaux (PAC). Son introduction permet d’engager un effort de mise en cohérence des autres documents de planification locaux. Le deuxième PDR pour la période 2022-2027 a également 5 axes. Ceux-ci différent de ceux du premier PDR, reflétant de nouvelles priorités en réponse à un contexte en évolution et un nouveau paradigme urbain : i) cadre de vie locale ; ii) mobilité régionale ; iii) locomotive de l’économie nationale ; iv) hub international ; v) adaptation et résilience environnementale.
Tableau 4.1. Cadre de planification stratégique en vigueur à Casablanca
Copier le lien de Tableau 4.1. Cadre de planification stratégique en vigueur à Casablanca
Avant la réforme de 2015 |
Après la réforme de 2015 |
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Développement |
Transport |
Urbanisme |
Développement |
Transport |
Urbanisme |
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Région |
Plan de développement du Grand Casablanca (PDGC) 2015-2020 – élaboré par la Wilaya de l’ancienne région Grand Casablanca |
Plan de déplacements urbains (PDU) du Grand Casablanca 2004-2008 |
Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) 2009-2030 |
Programme de développement régional (PDR) 2022-2027 – élaboré par la nouvelle région Casablanca-Settat |
Plan de transport régional |
Schéma régional d’aménagement territorial (SRAT |
Intercommunalité (Al Beida) |
n.a. |
n.a. |
n.a. |
n.a. |
Plan de déplacements urbains (PDU) post-2019 en projet |
n.a. |
Préfecture de Casablanca |
Programme de développement de la Préfecture ou de la Province (PDP) |
n.a. |
n.a. |
Programme de développement de la Préfecture ou de la Province (PDP) 2017-2021 |
n.a. |
n.a. |
Commune de Casablanca |
Plan communal de développement (PCD) |
n.a. |
Plan d’aménagement communal 2009 |
Plan d’actions communal (PAC) |
n.a. |
Plan d’aménagement communal |
Source : OCDE (2018[2]), Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial : Enjeux et Recommandations pour une action publique coordonnée, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264302884-fr.
Dans la mesure où les nouveaux documents n’ont pas remplacé les anciens mais se sont juxtaposés à eux, le contenu des anciens documents doit être intégré dans les nouveaux afin d’éviter la superposition de documents-cadres qui pourraient être contradictoires. Si cette étape d’inventaire et de mise en correspondance des documents de planification a commencé, elle doit être menée à son terme en assurant une meilleure articulation de ces deux « générations » de documents. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de coordination entre les différents niveaux de gouvernement, par exemple par l’intermédiaire d’un document de planification urbaine unifié qui permette la cohérence entre les différents niveaux de documents de réglementation en vigueur, d’inciter à une meilleure communication entre les différents acteurs de la planification, et de prévoir une révision périodique des documents de planification pour assurer leur alignement et leur actualité, en s’appuyant notamment sur les Walis qui ont un rôle central dans la coordination en tant que représentants du pouvoir central et présidents des Comités Régionaux de Coordination. Il existe également un manque de coordination intersectorielle et les villes marocaines continuent souvent d’adopter une approche où les différents secteurs liés au développement urbain sont abordés en silos. Pour favoriser une meilleure coordination entre les niveaux de planification et entre les secteurs de politique urbaine, le Maroc pourrait par exemple s’inspirer de l’approche de l’aménagement du territoire adoptée par l’Autriche, qui a mis en place en 1971 la Conférence Autrichienne sur l’Aménagement du Territoire (Österreichische Raumornungskonferenz – ÖROK). Il s’agit en effet d’un organe politique spécifiquement chargé de coordonner la planification. Ses membres incluent des représentants de tous les niveaux de gouvernements (national, régional, municipal) ainsi que des partenaires économiques et sociaux à titre consultatif. L’ÖROK révise tous les dix ans le Concept de Développement Spatial Autrichien, qui est conçu de telle manière à prendre en compte la diversité spatiale des villes autrichiennes (ÖROK, s.d.[3]) (voir également le Chapitre 6 pour plus de détails sur la coordination entre niveaux de gouvernement et intersectorielle).
Il existe aussi un manque de coordination au niveau des territoires entre les différents plans d’aménagement dans une même zone urbaine fonctionnelle, c’est-à-dire les communes très densément peuplées (centres urbains) auxquelles s'ajoutent les communes adjacentes qui présentent une intégration économique forte, mesurée par l'importance des trajets domicile-travail avec le centre urbain, selon la définition de l’OCDE et de l’Union Européenne (OCDE, 2013[4]). Des approches fragmentées dans une même zone urbaine fonctionnelle peuvent conduire à des incohérences dans l’utilisation des sols et à des infrastructures inadéquates. Une meilleure coordination au sein des zones urbaines fonctionnelles, c’est-à-dire en fonction des bassins de vie et d’emploi, présente de nombreux avantages. Par exemple, d’après les travaux de l’OCDE, les pays qui mettent en place des outils de planification à l’échelle des zones urbaines fonctionnelles utilisent en moyenne 32 % moins de terre que les pays qui utilisent des approches fragmentaires de planification urbaine (OCDE, 2018[2]).
Pour renforcer la coordination de la planification entre niveaux de gouvernement et entre les territoires, le Maroc peut s’appuyer sur le Nouveau Modèle de Développement, notamment les choix stratégiques de l’Axe 4 « Des territoires résilients, lieux d’ancrage du développement » qui affirme la place centrale des territoires et prône un renouveau de la gouvernance des territoires et l’articulation des échelons territoriaux. Le renforcement de la coordination concerne non seulement l’articulation entre les différents documents de planification existants, leur programmation et mise en œuvre, mais également entre les différents schémas et stratégies sectoriels. Ces objectifs de plus grande coordination et cohérence pourront être réalisés grâce aux propositions de réforme issues du Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat tenu en septembre 2022, qui a confirmé la forte volonté d’asseoir une planification territoriale anticipative, intégrée et cohérente portée par une gouvernance multi-échelle et partenariale. Trois niveaux de planification sont ainsi proposés dans l’objectif de maîtriser toutes les liaisons fonctionnelles pour aller de la métropole à la commune, et de la commune aux quartiers :
Un niveau stratégique métropolitain et d’agglomération prospectif à long terme qui définit les grandes orientations de développement territorial, économique, social et environnemental permettant de fixer les règles et prérequis d’ouverture à l’urbanisation, de renforcer et d’équilibrer la trame structurante, de renforcer le lien fonctionnel urbain-rural, de territorialiser les stratégies et programmes de manière intégrée, complémentaire et convergente et de planifier les projets structurants.
Un niveau de planification opérationnelle de l’usage du sol à l’échelle communale et/ou intercommunale, sans distinction urbain-rural, intégrant les périmètres péri-urbains à forte pression, avec des règles fixes et variables, des indicateurs de performance et de développement durable, des périmètres libres négociés d’impulsion économique. Ce niveau de planification nécessite un meilleur accès à l’information foncière et parcellaire permettant un partage équitable de la plus-value et une participation équilibrée des propriétaires terriens.
Un niveau opérationnel de détail et d’unité de voisinage qui peut être le support des opérations d’aménagement à l’échelle des quartiers pour lancer des opérations soit de rénovation urbaine, soit de restructuration, soit pour créer des secteurs à régime juridique particulier, pour accueillir des grands projets urbains, soit pour aménager des secteurs à équipement progressif, soit enfin des zones franches urbaines pour accueillir les grands projets d’investissement dans l’esprit d’un urbanisme négocié.
La simplification, adaptation et amélioration du contenu des documents permettrait également une plus grande coordination et intégration de la planification urbaine.
Au Maroc, les agences urbaines pourraient voir leur rôle renforcé pour assurer cette coordination, aussi bien entre les différents niveaux de planification urbaine, qu’entre les politiques sectorielles, et à la bonne échelle territoriale. À l’heure actuelle, les agences urbaines jouent déjà un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire, grâce à leur expertise, leur ancrage local et leur contribution à la planification et au développement urbains. Afin qu’elles puissent jouer pleinement ce rôle de coordination, il est primordial de revoir la fonction et le rôle des agences urbaines dans la structure territoriale. Les réformes institutionnelles et le déplacement de l’autorité vers le niveau régional offrent ainsi une opportunité de redéfinir leur mission et leur place. Pour cela, il est nécessaire de repositionner géographiquement ces agences en élargissant leur zone d’intervention pour devenir de grandes entités régionales, favorisant ainsi une cohérence accrue entre les différents niveaux de planification (SRAT, SDAU, PA) et une plus grande coordination entre régions, agglomérations et communes (voir Chapitre 6).
Privilégier la rénovation urbaine et la densification à l’étalement urbain
Copier le lien de Privilégier la rénovation urbaine et la densification à l’étalement urbainComme vu dans le Chapitre 2, l’urbanisation du Maroc s’est accompagnée d’un phénomène de métropolisation et d’une périurbanisation étendue sur de larges territoires. La périurbanisation et l’étalement urbain ont pu notamment être incités par certains outils de planification ou programmes de développement urbain qui ont permis de nouvelles constructions en périphérie des centres-villes, au détriment de logiques de densification ou de réhabilitation.
L’urbanisation périurbaine au Maroc a été largement facilitée par une orientation des politiques publiques ces dernières décennies favorisant le développement de projets d’aménagement en dehors des centres-villes. Les projets de « villes nouvelles », par exemple, et la production de logements sociaux destinés au relogement des populations les plus démunies loin des centres-villes ont favorisé l’étalement urbain au Maroc. Ces projets se développent essentiellement selon une logique d’opportunité foncière, au détriment d’une utilisation raisonnée des sols. Par exemple, depuis la fin des années 1990, la périphérie de Marrakech est marquée par une logique d’étalement urbain, du fait notamment de la multiplication de complexes touristiques dotés d’équipements de loisirs (golfs, piscines) qui nécessitent de vastes emprises foncières. L’étalement urbain de Marrakech résulte aussi d’un grand nombre d’opérations immobilières périurbaines à destination des classes moyennes. La superficie bâtie de Marrakech a pratiquement doublé depuis la fin des années 1990, résultat d’une volonté des pouvoirs publics d’encourager l’investissement en particulier dans les secteurs touristique et résidentiel. L’agglomération a ainsi connu une euphorie immobilière entre 2000 et 2008, avec une augmentation très forte des investissements immobiliers. La majorité de ces développements s’est faite en fonction d’opportunités foncières et sur la base de dérogations. En effet, plus de 1 700 dérogations ont reçu un accord de principe entre 1999 et 2013 pour une superficie totale de 17 705 hectares, les trois quarts ayant concerné la périphérie et essentiellement des projets touristiques et d’habitat. Plus de la moitié (55,1 %) de ces projets ont été autorisés dans des zones non couvertes par des documents d’urbanisme.
Cette logique de périurbanisation et d’étalement urbain entraîne des externalités négatives, du fait notamment de l’impact environnemental de la multiplication de ces vastes emprises foncières en périphérie des villes marocaines. L’étalement urbain engendre également des contraintes conséquentes en matière de besoins en équipements et en raccordement aux réseaux de transports, eau et assainissement, et d’approvisionnement en énergie (OECD, 2018[5]). Dans le cas de Marrakech par exemple, les dérogations ont pu conduire au développement de projets sous forme discontinue, au gré des disponibilités foncières plutôt qu’en réponse à une action urbanistique planifiée. Il convient donc de limiter l’étalement urbain et de favoriser un développement urbain plus compact.
Pour cela, la densification doit être privilégiée, notamment en optimisant l’utilisation des espaces urbains existants. À cet égard, la maîtrise de l’étalement urbain est un objectif du projet de loi 99-14 relatif aux documents d’urbanisme : « La maitrise de l’étalement urbain à travers la rationalisation de la consommation foncière et l’incitation au renouvellement et à la revitalisation des espaces évitant le mitage et la dispersion des périphéries ». De plus, dans le but d’optimiser la consommation de l’espace (notamment agricole) et de lutter contre l’étalement urbain, un Référentiel des Densités et Formes Urbaines a été mis en place en 2016 au profit des décideurs, planificateurs et aménageurs (MATNUHPV, 2022[6]). L’accent est mis sur la rénovation urbaine pour limiter l’étalement urbain, notamment grâce à l’action de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine et la Réhabilitation des Bâtiments Menaçant Ruine (ANRUR), qui a pour objectif de promouvoir la rénovation urbaine à travers un modèle intégré au service du développement socioéconomique et durable des populations cibles (ANRUR, n.d.[7]). Plusieurs projets-phares de rénovation urbaine ont ainsi été lancés comme l’avenue royale à Casablanca ou encore le projet Casa Anfa visant à transformer l’ancien aéroport historique de la ville pour créer une nouvelle centralité urbaine abritant environ 100 000 habitants et 100 000 emplois (Casa Anfa, s.d.[8]). Basé sur les principes de développement durable, le projet prévoit la création d’un grand parc central et d’un réseau d’espaces verts, la construction d’un réseau de transports collectifs, ainsi que le développement d’un quartier d’affaires et d’équipements (éducation, santé, loisirs, culture, etc.) répondant aux besoins des habitants de Casa Anfa et des quartiers voisins (Médias24, 2022[9]).
Plus récemment, afin de lutter contre l’étalement urbain et limiter les impacts négatifs de la rareté du foncier sur les marchés immobiliers, le renouvellement urbain fait également l’objet d’une stratégie nationale datant de 2023. Une évaluation a ainsi été effectuée de la capacité de densification et d’aménagement de 15 villes pilotes (Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir, Rabat, Salé Meknès, Oujda, Kénitra, Tétouan, Témara, Safi, El Jadida et Béni Mellal), en identifiant leur potentiel foncier pour le renouvellement urbain (friches urbaines, terrains militaires, sites de mutations urbaines, etc.). La définition des axes majeurs des aires de renouvellement urbain s’articule autour d’un diagnostic territorial, urbain et environnemental (Direction de l’Urbanisme, 2023[10]).
Plusieurs villes ont également opéré un tournant en matière de planification et de développement urbain, en adoptant des logiques « d’urbanisme frugal » ou de « reconstruction de la ville sur la ville », en mobilisant du foncier déjà construit afin d’adapter les constructions à des usages différents, selon des logiques de rénovation, réhabilitation, ré-usage, multi-usage ou densification. C’est le cas par exemple du plan d’aménagement unifié de Rabat qui a prévu, à travers un zonage urbain incitatif, la mutation urbaine de plusieurs quartiers dans le cadre d’une vision intégrée de renouvellement urbain. Pour permettre le développement de ces stratégies de rénovation et de densification, les villes marocaines doivent avoir la possibilité de mettre en place un zonage urbain flexible, pour autoriser notamment le changement d’usage commercial ou industriel en usage résidentiel ou la densification des surfaces déjà bâties.
Par ailleurs, la participation des citoyens doit être centrale à la réalisation de ces objectifs de rénovation urbaine et densification. Au Chili, par exemple, le programme de logement « Je reste ici » (« Aqui me quedo ») vise la densification de parcelles où sont déjà construits des logements qui avaient été en grande partie fournis à des ménages à faible et moyen revenu il y a plusieurs décennies dans le cadre de la politique nationale du logement. Cette stratégie de « construire la ville sur la ville » propose donc une alternative aux programmes traditionnels de politique du logement, qui tendent souvent à construire de nouveaux logements sociaux dans des emplacements périphériques. La participation et la collaboration avec les résidents de ces parcelles ont été centrales dans la mise en œuvre de ce programme (OECD, 2022[11]).
Lutter contre l’étalement urbain, et privilégier la densification et la reconstruction de la ville sur la ville, peut avoir de nombreuses avantages économiques, environnementaux et sociaux, notamment :
La réhabilitation des tissus et bâtiments existants est souvent plus écologique et économique que de construire de nouveaux bâtiments en périphérie des villes. Cela permet également de préserver le patrimoine architectural et de réduire la consommation d’énergie et de matériaux.
La densification permet d’optimiser l’espace disponible, en construisant des bâtiments plus hauts, en créant des espaces multifonctionnels ou en transformant des espaces sous-utilisés (comme les parkings) en espaces résidentiels ou commerciaux.
La densification permet de réduire la dépendance à la voiture individuelle là où des alternatives crédibles existent, notamment en matière de transports publics, contribuant à réduire la pollution et les problèmes de congestion du trafic.
Les zones urbaines denses offrent souvent une plus grande mixité sociale et une meilleure accessibilité aux services et aux équipements collectifs, contribuant ainsi à réduire les inégalités.
Encourager une approche flexible de la planification sans avoir recours systématiquement à l’urbanisme d’exception
Copier le lien de Encourager une approche flexible de la planification sans avoir recours systématiquement à l’urbanisme d’exceptionComme vu précédemment, les documents d’urbanisme et de planification au Maroc sont jugés trop rigides et difficilement modifiables, et ils n’adoptent pas d’approche prospective qui permettrait d’absorber les chocs et les mutations socio-économiques. Ce défi est dû en grande partie à la complexité et à la lenteur juridique et technique de l’élaboration des documents d’urbanisme.
Devant la rigidité et le manque de flexibilité des documents d’urbanisme en vigueur, le Maroc a donc amorcé une nouvelle politique d’aménagement sous forme de grandes opérations de développement urbain, fréquemment réalisées dans un cadre dérogatoire. Les grandes opérations urbaines relevant d’un urbanisme opérationnel ayant un plan d’aménagement spécial (PAS) sont en effet nombreuses au Maroc, comme les projets d’aménagement de Casa Anfa, de la Vallée du Bouregreg (Encadré 4.3) et Tanger Med. La dérogation, processus destiné à faciliter les investissements et à pallier l’insuffisance en documents d’urbanisme, a été introduite en 1999 et est très largement utilisée depuis (PPIAF, 2019[12]). Elle peut facilement rendre un terrain agricole urbanisable, par exemple, et été souvent déployée pour viabiliser des opérations immobilières et d’aménagement en permettant une plus forte plus-value foncière par le changement d’usage ou la densification de larges périmètres. Les contreparties fournies par les bénéficiaires peuvent notamment être constituées par des cessions de terrains à la collectivité (pour des équipements notamment), ou le financement ou la construction d’équipements sur site ou hors site. Cette pratique a cependant connu de nombreuses limites, telles que la dérégulation des marchés immobiliers ou l’émiettement du tissu urbain en périphérie des villes.
Pour éviter ces conséquences négatives, l’usage de la dérogation a été progressivement restreint par des circulaires successives en 2003 et 2010. Par exemple, dans la région de Casablanca-Settat, tout octroi de dérogation en matière d’urbanisme est réservé à la production de logement social ou d’activités économiques, et doit prouver que le projet s’inscrit dans le cadre des orientations du SDAU (PPIAF, 2019[12]). Face à l’usage peu maîtrisé de la dérogation au cours de la décennie 2010, l’État marocain souhaite désormais en limiter la portée. La dérogation a notamment été remise en cause du fait du manque de critères objectifs pour l’octroi des dérogations et la demande de compensations, du manque de suivi de la réalisation des engagements des bénéficiaires, et de l’absence de prise de compte des impacts urbains des projets autorisés (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2014[13]). De plus, la loi 47-18 portant sur la réforme des Centres Régionaux d’Investissement (CRI) au Maroc et la création des Commissions Régionales Unifiées de l’Investissement (CRUI) (loi promulguée en 2019) a donné un fondement juridique à la procédure dérogatoire via l’article 30 qui prévoit que (« […] la Commission Régionale est chargée […] d’accorder des dérogations en matière d’urbanisme au profit des projets d’investissement productifs et générateurs d’emplois […] toutefois, aucune dérogation en matière d’urbanisme ne peut porter sur des terrains destinés aux équipements publics, aux espaces verts, […] » (Secrétariat Général du Gouvernement, 2019[14]).
Encadré 4.3. Le projet d’aménagement de la Vallée du Bouregreg
Copier le lien de Encadré 4.3. Le projet d’aménagement de la Vallée du BouregregDes objectifs de développement urbain intégré et durable aux réalisations ambitieuses
Copier le lien de Des objectifs de développement urbain intégré et durable aux réalisations ambitieusesLa région de Rabat-Salé-Témara, deuxième agglomération démographique et économique du Maroc et centre politique du pays, est séparée en deux par la vallée du fleuve Bouregreg. Le projet de développement de la vallée du Bouregreg a été lancé en janvier 2006 pour réhabiliter les rives du fleuve, offrir un lieu de vie agréable aux habitants de la région, et répondre à un besoin de développement urbain intégré et durable. Ce projet d’aménagement repose sur la création de nouveaux espaces urbains en s’appuyant sur quatre objectifs : i) la protection de l’environnement de la vallée ; ii) la démarche sociale et l’action citoyenne ; iii) la préservation et la réhabilitation du patrimoine ; et iv) l’amélioration du cadre de vie des populations de l’agglomération. Le projet s’étend sur une superficie de 6 000 ha s’étirant sur 17 km, de l’estuaire de la kasbah des Oudaïas au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah en amont.
Le projet de développement prévoit des restructurations urbaines lourdes, notamment deux nouvelles infrastructures traversantes, dont le tramway qui dessert les deux villes de Rabat et Salé, un nouveau pont de 14 m de hauteur et 46 m de largeur, deux rocades urbaines au cœur de la plaine, un tunnel de 1,5 km sous les murailles du secteur patrimonial de la kasbah, l’aménagement d’un quartier de luxe avec un programme d’équipements et de commerces à rayonnement métropolitain et international (marina, grand théâtre, tour de 250 m de hauteur). La première tranche de ce projet d’aménagement a été achevée, avec notamment l’inauguration du tramway de Rabat-Salé et du pont Hassan II ainsi que la mise en service du tunnel des Oudayas en 2011.
Un projet d’aménagement rendu possible par une série de dérogations
Copier le lien de Un projet d’aménagement rendu possible par une série de dérogationsLa totalité de la mission d’aménagement a été confiée à l’Agence d’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB), établissement public doté d’autonomie financière et placé sous la tutelle de l’État, qui a été créée en vertu de la loi 16-04 relative à l’aménagement et à la mise en valeur de la vallée du Bouregreg. Conformément aux dispositions de cette loi, l’AAVB exerce trois rôles : i) le rôle d’autorité urbaine ; ii) le rôle d’aménageur ; et iii) le rôle de développeur. L’agence a maîtrise d’œuvre en matière d’urbanisme, d’environnement, de programmation sociale et économique et de gestion du patrimoine. Elle a également tous les pouvoirs décisionnels pouvant être octroyés à une puissance publique en matière d’aménagement, pouvant ainsi procéder à des acquisitions foncières ou agir en dérogation avec la loi sur l’urbanisme.
La loi n° 16-04 a prévu la mise en place d’un plan d’aménagement spécial (PAS). En plus d’aspects communs aux plans d’aménagement habituels, le PAS du Bouregreg prévoit une série de dérogations concernant notamment la procédure d’élaboration, d’approbation et de mise en œuvre du PAS, les modalités d’octroi des autorisations de construction, de morcellement ou de lotissement et de création des groupes d’habitation, la mise en œuvre de lotissement ainsi que la répression des infractions aux lois d’urbanisme et de construction. La loi n° 16-04 a aussi prévu de limiter le montant de l’indemnité d’expropriation à la valeur vénale de l’immeuble ou des droits réels immobiliers à la date de la publication au Bulletin officiel de la loi sur le Bouregreg (décembre 2005), plutôt que de considérer la valeur du bien au jour de la décision prononçant l’expropriation, soit octobre 2009, comme cela est stipulé dans la loi relative à l’expropriation.
La nécessaire prise en compte des citoyens
Copier le lien de La nécessaire prise en compte des citoyensLa consultation et la prise en compte des intérêts des citoyens dans le cadre du projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg s’est déroulée en plusieurs étapes. Face aux expropriations prévues par le projet d’aménagement et l’importance du pouvoir accordé par la loi 16-04 à l’AAVB, des oppositions citoyennes se sont organisées. En réponse à cette émergence de mouvements contestataires, l’AAVB a alors mené une démarche participative, demandant en 2002 à l’Association Bouregreg d’organiser une table ronde sur la réflexion citoyenne sur l’avenir de la vallée du Bouregreg. Celle-ci a réuni des experts internationaux, des représentants ministériels, des représentants du secteur académique, et des citoyens de Rabat et Salé. Cette table-ronde a été suivie par cinq réunions citoyennes nommées Chantiers du Bouregreg. Cependant, ces initiatives ont été davantage perçues comme un moyen de légitimer l’aménagement de la vallée plutôt que comme une réelle démarche d’implication citoyenne.
Les citoyens ont également été invités à se prononcer sur le PAS via une enquête publique qui est intervenue après le lancement et l’élaboration du PAS. Un total de 906 observations a été ainsi enregistré – un nombre bien supérieur à la quantité d’observations enregistrées lors des enquêtes publiques relatives aux anciens plans d’aménagement communaux de Salé. Ces observations ont principalement émané des habitants directement touchés par le plan d’aménagement et la procédure d’expropriation. La quasi-totalité des oppositions (sauf deux) ont été rédigées à Salé, provenant d’habitants du secteur de Bab Chaafa-Sidi Ben Acher ou du quartier Rmel de l’arrondissement Salé Lamrissa. Cette mobilisation citoyenne a permis une recherche de compromis entre l’AAVB et les citoyens, le recul de l’AAVB sur certaines procédures d’expropriation, et le soutien des élus, notamment de Salé. Ainsi, la version finale du PAC concernant le quartier Ben Acher indique que le projet n’impliquera qu’un réaménagement des espaces publics, aires de promenade et espaces verts et que « la population locale sera maintenue sur place et les constructions existantes seront dotées d’équipements divers nécessaires à leur mise à niveau ».
Source : UPFI (n.d.[15]), Projet d'aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat, https://upfi-med.eib.org/fr/projects/projet-damenagement-de-la-vallee-du-bouregreg-a-rabat-sequence-3/ ; Rachid (2022[16]), Gouvernance des projets d’aménagement de la Vallée du Bouregreg (Rabat-Salé) et de l’Ecocité de Zenata (Grand Casablanca), https://revues.imist.ma/index.php/AMJAU/article/view/32834 ; Mouloudi (2016[17]), Le projet d'aménagement de la vallée du Bouregreg à l'épreuve de l'enquête publique et des délibérations communales, https://www.cairn.info/revue-participations-2016-2-page-221.htm ; Hajar (2020[18]), La participation citoyenne dans les projets urbains, https://issuu.com/nizarh10/docs/participation_citoyenne_nh_memo ; et d’après un entretien avec l’Agence d’Aménagement de la Vallée du Bouregreg, décembre 2022.
Afin d’adopter des approches de planification urbaine plus flexibles et stratégiques qui tiennent compte des spécificités territoriales, sans pour autant avoir recours systématiquement à l’urbanisme d’exception, le Maroc pourrait se tourner vers un urbanisme de projet codifié. Dans le cadre de l’aménagement de la Vallée du Bouregreg, l’agence en charge du projet, l’AAVB, a d’ailleurs pour projet de transformer l’exemple de l’urbanisme d’exception mis en place pour Bouregreg en droit commun. Les Groupements d’Intérêt Économique (GIE), définis par la loi no. 13-97 par le Dahir no. 1-99-12 du 5 février 1999 ont pour objectif de faciliter et d’organiser la mise en œuvre et le financement d’opérations d’aménagement d’ensemble et des équipements nécessaires via des contrats entre des propriétaires fonciers privés et/ou des opérateurs. Pour de futurs grands projets de développement urbain, le Maroc pourrait également s’inspirer des Opérations d’Intérêt National (OIN) ou des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) en France. Ces deux formats, mis en place pour les opérations d’urbanisme de grande ampleur en France, proposent un cadre d’élaboration et de mise en œuvre partenariales de projets d’urbanisme dans des périmètres définis, à législation constante et avec une évolution réglementaire si nécessaire. Ces outils permettent ainsi d’éviter les écueils liés aux dérogations en établissant un cadre contraignant, tout en ménageant la possibilité d’introduire des modifications pour débloquer des freins éventuels (Encadré 4.4).
Encadré 4.4. Les Opérations d’Intérêt National (OIN) et les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) en France – deux outils-cadres distincts et complémentaires
Copier le lien de Encadré 4.4. Les Opérations d’Intérêt National (OIN) et les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) en France – deux outils-cadres distincts et complémentairesLes Opérations d’Intérêt National (OIN) sont des opérations d’aménagement qui répondent à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite la mobilisation opérationnelle et financière de l’État. L’OIN est un outil utilisé dans le cadre d’opérations d’aménagement de quartiers, de secteurs ou de territoires, comme le quartier d’affaires de La Défense. Dans le cadre de l’aménagement de La Défense, l’OIN s’est surimposé aux documents de planification en vigueur dans le Grand Paris (le schéma directeur de la région d’Ile-de-France (SDRIF), le schéma d’aménagement régional (SAR), et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET)). D’autres exemples d’OIN incluent l’aménagement de la zone de Fos-sur-Mer et la réalisation de certains ouvrages olympiques en Seine-Saint Denis en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) sont des opérations publiques d’aménagement de l’espace urbain, instituées par la loi d’orientation foncière (LOF) de 1967. Amendées par la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (SRU) de 2000, les ZAC sont d’après l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme « les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis, ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ».
La distinction principale entre ces deux outils-cadres relève de l’échelon qui a la prérogative décisionnelle sur le projet d’aménagement. Pour les OIN, c’est toujours l’État qui aménage et délivre les autorisations d’occupation des sols et permis de construire, tandis qu’une commune peut par exemple avoir la prérogative décisionnelle, comme en matière de délivrance d’outils d’urbanisme, lors de l’aménagement d’une ZAC sur son périmètre communal.
Source : CEREMA (2021[19]), Projet d'intérêt général et opération d'intérêt national : Présentation comparée ; CEREMA (2020[20]), Aménagement opérationnel – ZAC.
Adopter une approche innovante et prospective de la planification urbaine, basée sur des données fiables
Copier le lien de Adopter une approche innovante et prospective de la planification urbaine, basée sur des données fiablesLa crise de COVID-19 a entraîné l’accélération de l’adoption par les villes marocaines d’e-services, tels que les géoportails, les requêtes, instructions et paiements en ligne, les bureaux virtuels et les commissions d’instruction en visioconférence. À titre de comparaison, seulement 55 % de ces procédures s’effectuaient virtuellement en mars 2020, contre 97 % aujourd’hui (Raqui, 2021[21]). En parallèle, plus de 1 200 documents d’urbanisme ont été numérisés et placés en libre accès sur le géoportail national des documents d’urbanisme, permettant d’appuyer les efforts menés en matière d’homologation et de géoréférencement des documents d’urbanisme, et illustrant le tournant de l’e-urbanisme pris par les villes marocaines. Ce travail de nomenclature unifiée accessible aux citoyens et professionnels, en application de la loi 31.13 qui instaure le droit d’accès à l’information publique par les citoyens et de la loi 55-19 qui instaure de nouvelles mesures pour faciliter la relation entre l’administration et les usagers à travers la simplification des procédures administratives, mérite d’être poursuivi et généralisé à l’ensemble du territoire marocain. Ces efforts pourraient à cet égard prendre exemple sur l’initiative américaine du National Zoning Atlas aux États-Unis, qui a permis de rendre accessibles plus de 30 000 codes d’urbanisme municipal (Encadré 4.5). D’autres initiatives innovantes commencent également à être mises en œuvre au Maroc, telles que l’utilisation de l’intelligence artificielle et la mise en place de jumeaux numériques. À Rabat par exemple, l’Agence Urbaine de Rabat-Salé a mis en place la première plateforme jumelle numérique du pays en 2020. Cette ville jumelle permet notamment de tester des aménagements pilotes avant leur mise en œuvre. L’adoption plus généralisée de telles innovations par les villes marocaines permettrait de promouvoir une planification urbaine plus efficiente. De plus, une approche prospective de la planification urbaine est essentielle, notamment afin de privilégier la densification et le renouvellement plutôt que l’étalement urbain, par exemple en faisant des études en amont des zones urbaines à densifier.
Encadré 4.5. Le National Zoning Atlas (États-Unis)
Copier le lien de Encadré 4.5. Le National Zoning Atlas (États-Unis)Le National Zoning Atlas est une collaboration de chercheurs qui numérisent, interprètent et rendent accessibles plus de 30 000 codes de l’urbanisme municipaux, dans un contexte américain où le zonage est très fragmenté et quasiment non harmonisé d’un État à l’autre. Or, le zonage a des répercussions directes sur des dimensions clés de la qualité de vie urbaine, telles que la disponibilité des logements, les systèmes de transport, ou encore l’environnement. Cette plateforme collaborative, en cours de construction, aide les usagers et les professionnels à mieux comprendre ces lois parfois opaques mais très influentes, en décrivant leurs principaux attributs à travers un outil de cartographie facile à utiliser. Ce projet de data science déploie de nouveaux systèmes de collecte, d’analyse et d’affichage de données géospatiales et réglementaires. C’est aussi un projet d’humanités numériques, innovant dans sa méthodologie et ayant le potentiel de débloquer de nouvelles recherches sur l’instrument central qui façonne l’environnement bâti urbain. C’est enfin un projet de computer science et de machine learning, puisqu’il déploie une série d’algorithmes afin de lire et de traduire ce corpus conséquent de textes réglementaires complexes. Le National Zoning Atlas permet également de réaliser des comparaisons entre différents territoires, afin d’éclairer les tendances régionales et étatiques et de renforcer la planification des villes américaines.
Source : (Atlas, s.d.[22]).
Promouvoir le développement économique des villes et réduire les disparités territoriales
Copier le lien de Promouvoir le développement économique des villes et réduire les disparités territorialesLe développement économique des villes marocaines fait face à de nombreux défis
Copier le lien de Le développement économique des villes marocaines fait face à de nombreux défisComme vu dans le Chapitre 2, les villes marocaines concentrent les activités économiques du pays, avec 80% de l’activité productive (industrie et services) et 75% des emplois. À elles seules, les trois régions de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, abritant 44,7 % de la population du pays et 50,7 % de la population urbaine, étaient responsables de la création d’environ 59 % de la richesse nationale en 2020. Les villes sont également les principales sources des recettes fiscales de l’État. Cependant, l’urbanisation du Maroc ne parvient pour le moment pas à tirer pleinement parti des leviers de croissance économique qu’elle génère, conduisant à de faibles niveaux de productivité, favorisant la création de déséquilibres sociaux et territoriaux, et contribuant à la persistance d’importantes disparités territoriales entre zones rurales et urbaines. Les villes étant le moteur principal de l’économie marocaine, mieux exploiter leur potentiel économique est un enjeu majeur pour le Maroc et pourrait permettre au pays de passer de la catégorie « revenus intermédiaires de la tranche inférieure » à la catégorie « revenus intermédiaires de la tranche supérieure » ou « revenus élevés » d’après la classification des pays de la Banque Mondiale selon leurs revenus (World Bank, 2022[23]).
Les investissements et la croissance économique des villes marocaines se trouvent aujourd’hui limités par plusieurs obstacles. Même si le climat des affaires au Maroc a connu une amélioration remarquable au cours de la dernière décennie, puisque le Maroc est passé du 130ème rang mondial du classement de la Banque Mondiale en 2009 au 60ème rang en 2019, de nombreux facteurs continuent de freiner le développement économique des villes au Maroc. Parmi ces facteurs figurent la difficulté de l’accès aux sols, le manque d’infrastructures de transports, et la persistance d’un important secteur informel. D’après l’Enquête des entreprises marocaines menée par la Banque Mondiale en 2019, respectivement 6,7 %, 8,7 % et 9,1 % des entreprises pointent ces trois facteurs comme l’obstacle principal aux affaires, ce qui représente des chiffres nettement supérieurs aux moyennes de 2,5 %, 4,0 % et 7,3 % dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (The World Bank, 2020[24]).
Premièrement, la difficulté de l’accès aux sols, ainsi que les faiblesses de l’administration et de la gestion du foncier, constituent un frein majeur aux projets d’investissements publics et privés et nuisent au développement économique des villes marocaines. Les contraintes liées à l’accès au sol sont multiples et tiennent notamment à : une structure foncière marocaine complexe, héritage de facteurs historiques, sociaux et économiques générant une diversité des régimes juridiques encadrant le foncier ; la désuétude de l’arsenal juridique régissant le foncier ; l’absence d’une vision globale et intégrée de la gestion des sols ; la dualité du régime foncier marocain entre celui des immeubles immatriculés et celui des immeubles non-immatriculés hors du champ d’application des dispositions de l’immatriculation foncière ; des modes d’exploitation et de transmission hétérogènes et la coexistence de terres qui relèvent du domaine privé de l’État, de terres collectives ou de terrains habous ; la multiplicité d’acteurs intervenant dans sa gestion (Bronin, 2021[25]), (Conseil Économique Social et Environnemental, 2017[26]) ; la non-actualisation des titres fonciers (la mise à jour des titres fonciers étant facultative et dépendant de la volonté du propriétaire) et obsolescence des droits d’occupation des sols ; et l’absence d’un cadastre global des terres tous régimes juridiques confondus (Assises nationales sur la politique foncière de l’État, 2015[27]). Cette complexité se traduit par une lenteur et un manque d’actualisation du cadastre foncier (l’immatriculation des sols n’étant pas obligatoire au Maroc, raison pour laquelle le cadastre juridique ne reflète que la situation des biens immatriculés ou en cours d’immatriculation), rendant la mobilisation du foncier compliquée et freinant un développement urbain cohérent et durable. Le manque de transparence sur la propriété et les coûts qui y sont associés ralentissent les opérations sur le marché foncier, empêchant les entreprises de se développer. Comme vu dans la section précédente, il est prioritaire d’améliorer la qualité de l’information sur le foncier, en assurant l’immatriculation de tous les terrains dans les zones urbaines, et ce non seulement pour améliorer la planification urbaine mais aussi pour promouvoir le développement économique des villes.
Deuxièmement, le manque d’infrastructures de transport, de communication et de logistique efficaces entre les villes (voir section du même chapitre Améliorer la mobilité dans les villes marocaines) entrave la mobilité des biens, des services, de la main d’œuvre et des idées, limitant ainsi les bénéfices potentiels des économies d’agglomération. En limitant l’accès aux emplois et aux services, les problèmes de congestion et les coûts de transports élevés réduisent l’attractivité des villes pour les travailleurs et les entreprises, ainsi que les effets d’agglomération qui peuvent en découler. Le coût élevé des transports de biens entre les villes et le manque d’infrastructures sont des obstacles majeurs à l’intégration économique marocaine. En effet, le coût des transports représente 17 % de la valeur des marchandises au Maroc, contre 7 % dans les pays voisins, tandis que le niveau insuffisant de connectivité (le taux de pénétration du haut-débit fixe est deux fois moins élevé au Maroc que la moyenne du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord) ralentit la circulation des idées (World Bank, 2019[28]).
Enfin, la forte présence du secteur informel dans les villes marocaines peut limiter les opportunités de collaboration formelle et d’échanges économiques dans les zones urbaines marocaines. La forte présence du secteur informel entrave l’accumulation du capital humain en raison du non-respect des réglementations, et de la tendance à embaucher des travailleurs moins qualifiés, ce qui peut ralentir le processus d’adoption des technologies par ces entreprises. L’informalité est en effet associée à une productivité plus faible en raison d’un manque d’accès aux ressources, aux technologies modernes, à la formation professionnelle, freinant la capacité du secteur informel à contribuer à la croissance économique des villes en termes de création d’emplois de qualité, de développement de nouvelles compétences et de promotion de l’innovation et de la productivité. De plus, de nombreuses entreprises informelles ont un accès limité au financement et sont contraintes à une production à petite échelle, ce qui entrave leur potentiel à se développer.
Enfin, la fragmentation des politiques et initiatives de développement économique entre les différents niveaux de gouvernement (voir Chapitre 6) peut entraver la planification stratégique à l’échelle urbaine, rendant difficile l’exploitation des potentielles synergies économiques pourtant offertes par la proximité géographique des entreprises et des travailleurs.
Améliorer la compétitivité des villes en attirant les investissements et en favorisant l’entrepreneuriat
Copier le lien de Améliorer la compétitivité des villes en attirant les investissements et en favorisant l’entrepreneuriatLe paradigme de développement urbain au Maroc a évolué ces dernières décennies, passant d’une logique de rattrapage vers une vision des villes comme pôles de développement économique compétitifs et attractifs. Une nouvelle vision des villes comme moteur de développement économique du pays a ainsi émergé au Maroc, avec notamment la révision de la Stratégie Nationale de Développement Urbain (SNDU) en 2007, et plus récemment avec le Schéma National d’Armature Urbaine (SNAU) en 2020.
La SNDU révisée en 2007 a cherché à promouvoir les villes comme pôles économiques, en encourageant la diversification économique et la création de « clusters » économiques dans différentes régions du pays, afin de stimuler la croissance et la création d’emplois dans les villes. La SNDU a également mis en place des mesures pour encourager les investissements dans les villes, notamment en simplifiant les procédures administratives, en offrant des incitations fiscales et en facilitant l’accès au foncier pour les projets d’investissement. Le SNAU a ensuite permis d’asseoir une vision de développement urbain à l’horizon 2050 axée sur la croissance et le développement économique du Maroc, en continuant d’ériger les villes en pôles réels de développement, de compétitivité, et d’attractivité, et surtout en encourageant la réduction des disparités territoriales de développement. Les OPPAT (Orientations de la Politique Publique de l’Aménagement du Territoire) visent également à promouvoir un développement équilibré et durable au Maroc, en cherchant à réduire les disparités régionales, en améliorant l’accès aux services de base, et en accroissant l’offre infrastructures.
Cependant, comme vu précédemment, les villes marocaines, bien que principal moteur économique du pays, peinent à tirer pleinement profit des économies d’agglomération, notamment à cause d’un climat d’investissement peu favorable. Pour susciter la création d’entreprises et rendre le climat d’investissement plus propice, le Maroc devra tout d’abord clarifier les droits fonciers, faciliter l’accès au sol aux petites et moyennes entreprises et simplifier les modalités d’octroi des autorisations d’urbanisme, par exemple grâce à la dématérialisation des demandes d’autorisation d’installation. En effet, le foncier constitue un pilier primordial pour stimuler l’investissement productif, générateur de revenus et créateur d’opportunités d’emplois, et pour lancer des projets d’investissement dans les différents domaines de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme et des services (Assises Nationales du Foncier, 2015[29]). Les Assises Nationales du Foncier de 2015, qui ont reconnu le rôle essentiel joué par le foncier dans le développement urbain, ont d’ores et déjà été suivies par l’élaboration de la Stratégie nationale foncière. Celle-ci souligne la nécessité d’améliorer l’immatriculation des terrains et l’information sur le foncier, avec un levier dédié à la généralisation de l’immatriculation foncière au Maroc, ainsi que le besoin de renforcer les capacités techniques et juridiques pour améliorer la connaissance et la gestion du foncier au sein des gouvernements locaux. Cette Stratégie est maintenant finalisée et en phase de déploiement. C’est une étape essentielle à opérer en priorité pour permettre l’amélioration de la qualité de l’information sur le foncier, en assurant l’immatriculation de tous les terrains dans les zones urbaines. La simplification et la dématérialisation des procédures d’octroi des autorisations de l’ensemble des actes à caractère urbanistique et économique à travers une plateforme dédiée « Rokhas » enclenchée par le Ministère de l’Intérieur, est un autre progrès important pour faciliter les procédures, permettre une traçabilité de la procédure de traitement et d’octroi des autorisations suscitées, et raccourcir les délais.
De plus, le rôle des autorités locales dans l’accompagnement des entreprises mériterait d’être renforcé, par exemple en créant des plateformes numériques régionales permettant de faciliter la communication concernant les programmes d’appui aux entreprises et porteurs de projets, sur la base du modèle du portail national d’appui à l’entrepreneuriat (Portail national d’appui à l’entrepreneuriat, s.d.[30]). La création d’incubateurs, accélérateurs et espaces de co-working dans les villes marocaines peut également aider à promouvoir la création d’entreprises dans les villes marocaines, en offrant du mentorat, de la formation et un espace à coût réduit aux jeunes entreprises. Ce mouvement est déjà en cours dans certaines villes comme Casablanca, avec le Technopark qui offre de multiples services et accompagne les créateurs de start-ups depuis la conception de leur business model et leurs démarches administratives jusqu’à la recherche de clients ou de financement. Si ces initiatives se développent dans de plus en plus de villes marocaines, elles restent encore limitées et pourraient être déclinées à plus grande échelle.
Pour étendre ce type d’initiatives à un plus grand nombre de villes, le gouvernement marocain pourrait mettre en place un programme national visant à développer l’écosystème entrepreneurial dans les villes et améliorer leur compétitivité. Pour cela, le Maroc pourrait notamment s’inspirer du cas de l’Estonie et de son programme Startup Estonie, qui vise à développer et renforcer l’écosystème des start-ups en encourageant l’entrepreneuriat local et en attirant des entrepreneurs étrangers à développer leur entreprise en Estonie. Les gouvernements locaux marocains pourraient également favoriser la collaboration entre les entreprises et les universités, investir dans des programmes de formation notamment pour les jeunes en matière de compétences numériques, et organiser des événements (e.g. hackathon) pour encourager l’innovation.
Les investissements pour promouvoir la productivité et la compétitivité des villes et accroître les économies d’agglomération pourraient également être stimulés en tirant parti de la nouvelle Charte d’Investissement promulguée à la fin de l’année 2022 (Centre Régional d’Investissement Casablanca-Settat, s.d.[31]). En effet, celle-ci vise à encourager l’investissement dans les zones à fort potentiel de développement, notamment les zones urbaines. La Charte comprend également des incitations fiscales et des avantages pour les entreprises qui investissent dans des projets liés au développement urbain, encourageant ainsi les entreprises à investir dans ces villes et y développer leur activité. La promotion de la coopération entre les entreprises, les universités et les centres de recherche fait également partie intégrante de la Charte et vise à stimuler l’innovation et la création de nouvelles entreprises. Pour tirer parti au mieux de la nouvelle Charte d’Investissement et attirer les investissements dans les villes, un comité de renforcement de l’attractivité pourrait être instauré pour développer des stratégies ciblées, promouvoir les opportunités locales, et faciliter les démarches administratives pour les investisseurs. La Charte promeut par ailleurs une approche territoriale en s’appuyant sur les Centres régionaux d’investissement (CRI). Les CRI peuvent jouer un rôle important dans la promotion de l’investissement et le développement économique des villes marocaines. Ils remplissent un double rôle de soutien à la création d’entreprises et d’aide à l’investissement. Ils peuvent ainsi faciliter les investissements dans les villes marocaines en informant et en guidant les investisseurs dans les processus administratifs notamment. Les CRI peuvent également collaborer avec les autorités locales pour identifier les infrastructures nécessaires pour rendre les villes plus attractives pour les investisseurs et peuvent aider à mobiliser les ressources financières nécessaires à la réalisation de ces projets. Les CRI peuvent enfin aider à promouvoir certains secteurs comme le secteur touristique en soutenant le développement d’infrastructures. Pour attirer les investissements dans les villes marocaines, l’immatriculation obligatoire des sols recommandée ci-dessus permettra d’améliorer la transparence sur la propriété et aux entreprises de s’implanter plus facilement dans les villes.
Pour attirer les investissements dans les villes du Maroc, il est également nécessaire de repenser et améliorer les espaces d’accueil dans les zones industrielles des pôles urbains pour les investisseurs. Un menu d'actions pourrait être envisagé, comme la création de territoires d’impulsion et d’espaces de développement intégré. Les territoires d’impulsion pourraient offrir des infrastructures modernes, des services de soutien aux entreprises et des incitations fiscales, servant ainsi de catalyseurs pour l'innovation et la croissance. Les espaces de développement intégré, quant à eux, viseraient à réunir les activités industrielles, résidentielles et commerciales. D’autres initiatives telles que l'amélioration des réseaux de transport, la mise en place de zones franches, et le développement de parcs technologiques pourraient renforcer l’attractivité des villes marocaines pour les investissements nationaux et internationaux.
Renforcer la mise en œuvre de la territorialisation des politiques urbaines pour réduire les disparités territoriales
Copier le lien de Renforcer la mise en œuvre de la territorialisation des politiques urbaines pour réduire les disparités territorialesComme vu dans le Chapitre 2, le paysage urbain du Maroc se caractérise par la présence de quelques grandes villes le long du littoral atlantique et de nombreuses villes de petite taille et de taille intermédiaire à l’intérieur du pays, ces dernières étant à la traîne des grandes villes en matière de dynamisme économique. En s’appuyant sur le SNAT, la vision du SNAU promeut une nouvelle lecture de l’armature urbaine avec la canalisation de l’urbanisation vers l’intérieur du pays (par opposition à la littoralisation historique de l’urbanisation au Maroc, comme vu dans le Chapitre 2) ainsi que le développement de nouveaux corridors de développement et neuf aires métropolitaines. Il s’agit de consolider les corridors d’intégration internationale (euro-méditerranéen, trans-africain et trans-maghrébin) et de développer le corridor intérieur (Agadir-Marrakech-Beni Mellal-Fès vers la Méditerranée) en soutenant les métropoles comme moteurs de développement et en renforçant le rôle des villes intermédiaires et petites villes comme maillons stratégiques des systèmes urbains régionaux pouvant stimuler les dynamiques locales.
Le SNAU adopte également une approche différenciée selon le degré d’urbanisation et les tailles de villes. Les villes intermédiaires sont ainsi considérées comme facteurs de résilience de l’armature urbaine, tandis que les petites villes permettent l’encadrement des systèmes ruraux. Comme vu dans le Chapitre 2, le Maroc est caractérisé par une prédominance de petites villes. Étant donné les enjeux qu’implique cette catégorie de villes pour promouvoir un développement territorial équilibré, le Maroc a adopté une stratégie de développement des petites villes territorialement différencié (Encadré 4.6) (MATNUHPV, 2022[6]).
Encadré 4.6. Politique des petites villes au Maroc
Copier le lien de Encadré 4.6. Politique des petites villes au MarocLe Maroc a adopté une stratégie de développement des petites villes territorialement différencié pour l’accompagnement, le renforcement, la relance ou la refonte de la structure socio-économique et spatiale des petites villes en fonction de leur performance. Cette stratégie identifie quatre catégories de petites villes pour lesquelles les objectifs de la politique sont différents :
Les petites villes à la périphérie des grandes villes et métropoles – objectif : rehausser le niveau de développement socio-économique et spatial
Les petites villes situées dans les espaces productifs – objectif : appuyer leur rôle dans la mise en œuvre des stratégies de développement rural
Les petites villes situées dans des espaces ruraux défavorisés – objectif : renforcer leurs rapports avec les programmes de développement régionaux dans une logique de solidarité des territoires
Les petites villes situées dans les espaces sensibles – objectif : sauvegarder et valoriser leur identité territoriale spécifique
Source : MATNUHPV (2022[32]), Rapport national sur la mise en œuvre du nouvel agenda urbain 2016-2020, https://www.urbanagendaplatform.org/sites/default/files/2022-03/Kingdom%20of%20Morocco%20NUA%20Report%2018%20March%202022.pdf.
Si le SNAU encourage la territorialisation des politiques urbaines, l’adoption d’une approche différenciée selon le degré d’urbanisation et les tailles des villes doit être renforcée en s’appuyant davantage sur l’échelon local et en encourageant les partenariats avec les différentes parties prenantes. Le Maroc pourrait par exemple mettre en place une politique ciblée pour les villes intermédiaires. Le MATNUHPV lancé un chantier pour l’élaboration de la Stratégie Nationale des Villes Intermédiaires. La première phase de l’élaboration de cette stratégie « État des lieux et diagnostic stratégique territorial » a permis la définition commune du concept de la ville intermédiaire au Maroc moyennant des indicateurs d’intermédiation, le diagnostic des enjeux et les défis auxquels sont et seront confrontées ces villes, ainsi que l’identification des catégories homogènes des villes intermédiaires qui feront l’objet de stratégies d’interventions spécifiques. La deuxième phase « Vision prospective et stratégie nationale des villes intermédiaires » permettra d’asseoir et de formuler une vision prospective et la décliner en stratégies différenciées et en programmes d’actions susceptibles de renforcer le rôle des villes intermédiaires dans l’armature urbaine nationale et d’accroitre l’équité territoriale et le développement des territoires décentrés. Cette phase se terminera par le choix de villes intermédiaires pilotes qui feront l’objet d’implémentation de la stratégie et du programme d’action. Pour la mise en œuvre de cette stratégie, le Maroc peut s’inspirer du plan Action Cœur de Ville (ACV), qui vise spécifiquement le développement des villes intermédiaires (Encadré 4.7). Ce programme est ambitieux tant dans ses objectifs de revitalisation des centres-villes des villes moyennes en agissant sur l’ensemble des facteurs d’attractivité de ces villes (logement, développement économique et commerce, accessibilité et cadre de vie), que dans ses moyens – 5 milliards EUR engagés par l’État français et ses partenaires – et sa gouvernance en territorialisant l’action, en prenant en compte les spécificités locales et en privilégiant l’échelon local (Cour des Comptes, 2022[33]). Après cinq années d’exercice du plan ACV, la plupart des élus manifestent un attachement au plan dont le label est largement reconnu, alors qu’un effet d’entraînement a pu être observé sur les politiques locales mettant au cœur des priorités la réhabilitation des villes moyennes et de leurs centres. Par ailleurs, le plan ACV a conduit les différents partenaires du programme à adapter leurs moyens et leurs méthodes à ces priorités.
Pour réduire les disparités territoriales et enclencher des dynamiques de développement économique endogènes, le Maroc peut combiner les actions en matière de redistribution et de subventions aux territoires défavorisés. De plus, il est nécessaire de renforcer l’accès aux services de base et aux services essentiels, y compris les services digitaux, dans les villes de toutes tailles, ainsi que dans les zones périurbaines qui sont essentielles au développement économique des villes du Maroc.
Les liens urbain-rural doivent également être renforcés. Exploiter les liens entre les zones urbaines et zones rurales est essentiel pour promouvoir la croissance économique des villes et plus largement de l’ensemble du territoire. En effet, les zones urbaines et rurales bénéficient d’atouts différents et souvent complémentaires, rendant leur intégration importante pour la performance socio-économique du pays. Les liens potentiels entre les zones urbaines et rurales incluent des aspects liés aux dynamiques démographiques, au marché du travail, aux services publics et à l’environnement au travers des usages des sols, de la consommation de l’eau, etc. (OECD, s.d.[34]). Pour renforcer ces liens, le Maroc pourrait s’appuyer sur les Centres Ruraux Émergents (CREM) qui sont au cœur de sa stratégie pour exploiter les interdépendances entre les zones urbaines et rurales et dépasser la gestion binaire de l’armature urbaine entre villes de grande et moyenne taille d’un côté et zones rurales polarisées avec des petites villes de l’autre. Le Maroc a par ailleurs réalisé une mise à niveau et une redynamisation de ces centres à travers le Programme National de Développement Intégré des CREM (PNDI-CREM), afin d’en faire des centres d’urbanisation intermédiaire permettant la croissance et le développement des zones rurales dans lesquelles ils s’insèrent. Une étude portant sur 12 CREM pilotes (soit 1 CREM par région) a débouché sur des propositions de plans d’actions en cours d’examen et de validation par les Gouverneurs, Présidents des Conseils des régions, Présidents des Conseils des communes et par les services déconcentrés des départements sectoriels. Les CREM ont de nombreux objectifs, en premier lieu celui de promouvoir la collaboration entre zones urbaines et zones rurales en facilitant les échanges, les synergies et les partenariats. Ils favorisent également le transfert de connaissances et de compétences entre les zones urbaines et rurales en encourageant les partenariats entre les acteurs urbains et ruraux tels que les autorités locales, les entreprises et les organisations de la société civile, permettant de créer des synergies pour le développement économique des zones rurales. Cependant, la mise en place des CREM au Maroc en est encore à ses prémices. De plus, les CREM font souvent face à des défis tels qu’un manque de ressources financières, humaines et matérielles, et une faible coordination entre les acteurs. Les CREM pourraient renforcer les interdépendances et la collaboration entre les zones urbaines et rurales en mettant en place sur le territoire où ils sont implantés des partenariats urbains-ruraux dans plusieurs secteurs, comme les transports, le logement, les infrastructures, ou certains secteurs économiques comme le tourisme. En Pologne, par exemple, les collectivités territoriales se sont engagées dans des partenariats urbains-ruraux dans de nombreux domaines tels que les transports publics, la promotion des entreprises (en collaboration avec le secteur privé), le tourisme, les chaînes d’approvisionnement alimentaire, la numérisation des services publics, et pour fournir certains services publics conjointement (OECD, 2022[35]).
Afin que la territorialisation des politiques urbaines porte ses fruits en termes de développement économique, il est nécessaire que ces politiques urbaines soient articulées avec les autres politiques territoriales. En effet, les quatre premières années d’exercice du plan ACV en France ont montré les difficultés à articuler ce plan avec les autres politiques qui peuvent être déclinées dans les villes moyennes, et le risque de créer des concurrences entre les villes cibles des différents types de programmes territoriaux. Ces défis appellent donc à une articulation et une cohérence accrue entre les politiques publiques déclinées à l’échelle territoriale (Cour des Comptes, 2022[33]).
Encadré 4.7. Plan Action Cœur de Ville (France)
Copier le lien de Encadré 4.7. Plan Action Cœur de Ville (France)Un programme visant à dynamiser les villes moyennes
Copier le lien de Un programme visant à dynamiser les villes moyennesLancé en 2018, le plan Action Cœur de Ville (ACV) est un programme du gouvernement français d’ambition nationale qui vise à donner un nouvel élan aux villes moyennes de France, améliorer les conditions de vie de leurs habitants et conforter le rôle de moteur de ces villes dans le développement du territoire. Élaboré en concertation avec les élus et les acteurs économiques des territoires, le plan Action Cœur de Ville vise à soutenir les collectivités locales, à inciter les acteurs du logement et de l’urbanisme à réinvestir les centres-villes, et à favoriser le maintien ou l’implantation d’activités en cœur de ville.
Le plan ACV concerne 234 communes sur 222 territoires métropolitains et ultramarins. Il cible en majorité des villes moyennes de 20 000 à 100 000 habitants qui rencontrent des défis en termes de revitalisation de leur centre-ville, comme des difficultés d’attractivité, la présence de logements dégradés ou de vacances commerciales. Les villes sont sélectionnées sur la base de critères tels que la démographie, la situation économique, le patrimoine architectural et les besoins de rénovation urbaine.
Une fois sélectionnées, les villes signent une convention-cadre avec le gouvernement pour participer au programme. Construites autour d’un projet de territoire, ces conventions-cadres définissent les objectifs et les actions spécifiques à mettre en œuvre pour revitaliser les centres-villes. En échange, le programme prévoit un financement pluriannuel pour soutenir ces actions. Les financements proviennent d’un partenariat entre l’État, les collectivités locales et d’autres partenaires locaux tels que des entreprises, des associations, etc.
Les villes participantes bénéficient également d’un accompagnement technique pour les aider à mettre en œuvre les actions prévues dans le contrat. Cet accompagnement peut inclure des conseils en matière d’urbanisme, d’architecture, de mobilité, de gestion de projet, de participation citoyenne, etc.
Des moyens ambitieux et innovants
Copier le lien de Des moyens ambitieux et innovantsDans ses objectifs, le programme est conçu comme transversal, avec la volonté d’agir sur les facteurs majeurs de l’attractivité, tels que : l’habitat et le logement ; le développement économique et le maintien des commerces de proximité ; l’accessibilité du centre-ville et les transports ; l’accès aux services publics et aux équipements ; le patrimoine, l’offre culturelle et les loisirs.
Quant aux financements, le programme repose sur un effort partagé entre l’État et trois autres opérateurs : la Banque des territoires ; l’Agence nationale de l’habitat (Anah), et Action Logement. Ces quatre partenaires se sont engagés à consacrer au programme ACV un montant de 5 milliards EUR.
De nouveaux outils ou dispositifs ont également été mobilisés, comme les opérations de revitalisation du territoire (ORT) ou les « Territoires pilotes de sobriété foncière ».
Le dispositif ACV apparaît ainsi triplement ambitieux. Il l’est dans ses objectifs et son contenu, en voulant agir sur l’ensemble des facteurs de l’attractivité dans une perspective transversale. Il l’est dans ses moyens, en partageant l’effort financier initial dans le cadre d’un partenariat qui réunit l’État et trois autres partenaires. Il est ambitieux enfin dans sa déclinaison territoriale, en privilégiant l’échelon local et en confiant la maîtrise d’ouvrage de son application aux maires des villes adhérentes.
Source : Cour des Comptes (2022[33]), Action Cœur de Ville Exercices 2018-2021, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-09/20220929-S2022-1266-1-programme-action-coeur-ville.pdf.
Tirer parti de la transformation numérique pour accroître la compétitivité des villes marocaines
Copier le lien de Tirer parti de la transformation numérique pour accroître la compétitivité des villes marocainesLe digital et la transformation numérique sont des leviers importants de développement pour les villes marocaines. Le Maroc fait déjà figure de pionnier en matière de transition numérique et représente l’un des champions africains de la technologie. Le nombre de personnes ayant accès à Internet au Maroc a d’ailleurs fortement augmenté ces dernières années. En 2022, près de 90 % de la population marocaine avait une connexion Internet, contre 65% en 2018 (ANRT, 2023[36]) – un taux légèrement en-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE de 91,6%, mais supérieur au taux enregistré dans certains pays de l’OCDE tels que la Colombie (59,5 %), le Mexique (68,5 %), ou encore les États-Unis (81,8 %) (OECD, s.d.[37]). Comme vu dans le Chapitre 2 et selon la dernière enquête sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), le taux d’utilisation d’Internet en milieu urbain au Maroc s’est accru pendant la crise de COVID-19, passant de 79,7 % à 91,5 % entre 2019 et 2021.
Si le Maroc a réalisé des progrès significatifs dans l’extension de l’accès à Internet dans les villes, avec une couverture relativement large dans les centres urbains, notamment dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, ou Marrakech, il reste encore des défis à relever, comme la nécessité de réduire la fracture numérique qui peut exister au sein même des villes. L’importance de la fracture numérique dans l’exclusion territoriale et individuelle avait également été mise en évidence par la crise de la pandémie de COVID-19, dès lors qu’une connexion Internet est indispensable pour avoir accès au télétravail, à l’enseignement en ligne et aux services gouvernementaux en période de confinement. Les taux de pénétration d’Internet sont en effet souvent plus élevés dans les quartiers les plus aisés que dans les quartiers plus défavorisés. De plus, certains groupes de population parmi les plus vulnérables, tels que les femmes, les personnes âgées et les personnes vivant en situation de précarité, ont un accès relativement plus limité aux technologies numériques.
Le gouvernement marocain a pris des mesures pour réduire cette fracture numérique, notamment en investissant dans l’extension de l’accès à Internet, en soutenant la création de centres de formation aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), et en encourageant les entreprises pour répondre aux besoins des populations les plus défavorisées. De plus, le gouvernement a lancé en 2015 la stratégie Maroc Digital 2025 qui vise à faire du Maroc un hub numérique régional et à favoriser l’innovation et la compétitivité du pays dans l’économie numérique mondiale. Cette stratégie s’articule autour de trois axes principaux : développer l’infrastructure numérique, en augmentant la couverture haut débit et en améliorant la qualité des services de télécommunication ; favoriser l’innovation et l’entrepreneuriat numérique, en soutenant la création de start-ups ; et développer les services publics numériques afin de simplifier les procédures administratives. Les grandes villes marocaines sont particulièrement concernées par cette stratégie puisqu’elles sont souvent des centres d’innovation et d’entrepreneuriat numérique, avec la création de hubs de start-ups tels que Casablanca Finance City, Rabat Technopolis et Marrakech Biotech.
La mise en place d’initiatives de villes intelligentes peut également soutenir les efforts en vue de construire des villes plus compétitives, durables et inclusives. Il existe déjà plusieurs initiatives de villes intelligentes au Maroc. Casablanca a lancé un programme pour moderniser son système de transport en commun en installant des bus équipés de géolocalisation. La ville a également lancé des initiatives pour améliorer la gestion des déchets et l’éclairage public à travers des solutions numériques. Rabat a installé des capteurs de pollution dans les rues pour améliorer la qualité de l’air. Marrakech a lancé un programme pour améliorer la gestion de l’eau en installant des capteurs de mesure de la consommation d’eau dans les bâtiments publics, les parcs et les jardins. La ville a également lancé une initiative pour améliorer la gestion des déchets en installant des poubelles intelligentes équipées de capteurs de remplissage pour optimiser la collecte des déchets. Des projets plus récents, tels que les éco-cités de Zenata et Benguerir (Encadré 4.8), considérées comme faisant partie des projets de villes intelligentes les plus ambitieux au Maroc, ont été lancés dans le cadre de la stratégie nationale Maroc Digital 2020 et Maroc Digital 2025, et ont été conçues pour contribuer à rendre les villes plus vertes, intelligentes et durables, en s’appuyant sur une gestion efficace des ressources, une connectivité avancée et une qualité de vie élevée pour ses habitants. Cependant, ces initiatives restent encore limitées, souvent par faute de moyens financiers et humains.
Déployer les stratégies de villes intelligentes à plus grande échelle peut non seulement stimuler le développement économique du pays en encourageant l’innovation, en attirant les investissements et en créant des emplois dans les secteurs des technologies, mais aussi améliorer le bien-être des citadins. Les gouvernements locaux et nationaux, ainsi que le secteur privé, peuvent jouer un rôle clé dans le développement de villes intelligentes à travers des financements, des incitations fiscales et des partenariats public-privé pour stimuler l’innovation. Un cadre national pour les villes intelligentes, qui pourrait être développé en collaboration avec le Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration, pourrait également aider à promouvoir davantage d’initiatives, en coordonnant les efforts et en garantissant une approche cohérente dans l’ensemble du pays. En effet, l’expérience des pays de l’OCDE suggère que bien que les villes soient souvent en première ligne pour lancer des initiatives de villes intelligentes, les gouvernements nationaux ont un rôle crucial à jouer pour faciliter la mise en place de solutions innovantes, pour renforcer les capacités des gouvernements locaux, et pour développer à plus grande échelle les solutions existantes (OECD, 2019[38]). Pour définir une stratégie nationale des villes intelligentes, le Maroc pourrait notamment s’inspirer du Programme Villes Innovantes lancé en Finlande en 2017 pour encourager l’innovation et la croissance économique dans les villes finlandaises. Ce programme national vise à soutenir les villes dans la création d’un environnement favorable à l’innovation, à renforcer la collaboration entre les villes et les entreprises et à promouvoir le développement de biens et services innovants. Sa mise en œuvre a permis de tirer des leçons qui peuvent être particulièrement intéressantes pour le Maroc. Tout d’abord, ce programme est ouvert à toutes les villes finlandaises, indépendamment de leur taille ou de leur situation géographique. Le programme encourage la collaboration entre les villes et les entreprises, l’utilisation de données pour orienter la prise de décisions publiques, et le développement de compétences numériques dans les villes, permettant aux habitants de s’adapter aux nouveaux emplois et nouvelles technologies. De plus, la Finlande a lancé une plateforme pour les six plus grandes villes du pays (Helsinki, Espoo, Vantaa, Tampere, Oulu et Turku) où les parties prenantes peuvent partager leurs expériences et solutions de villes intelligentes (OECD, 2019[38]).
Encadré 4.8. Éco-cités de Zenata et Benguerir
Copier le lien de Encadré 4.8. Éco-cités de Zenata et BenguerirL’éco-cité de Zenata comporte les facteurs suivants :
Infrastructures de transport intelligentes : réseau de transport en commun électrique, connecté et intelligent, qui utilise des technologies avancées de géolocalisation et de billetterie électronique
Gestion intelligente de l’eau et de l’énergie : capteurs de mesure de la consommation et des systèmes de gestion automatisés
Connectivité avancée : la ville est équipée d’un réseau de fibre optique à haut débit
Gestion intelligente des déchets : technologies utilisées pour la collecte, le tri et le traitement des déchets, avec des systèmes de collecte intelligents
L’éco-cité de Benguerir est également considérée comme un des projets de ville intelligente les plus ambitieux d’Afrique, à travers :
La gestion intelligente de l’eau : la ville dispose d’un système de récupération des eaux de pluie pour arroser les espaces verts et les jardins publics, ainsi que d’un système de recyclage des eaux usées pour l’irrigation des champs agricoles
Infrastructures de transport intelligentes
Connectivité avancée
Gestion intelligente des déchets
Mieux articuler les objectifs de développement économique des villes avec la planification territoriale et urbaine
Copier le lien de Mieux articuler les objectifs de développement économique des villes avec la planification territoriale et urbaineLe Maroc a entrepris de grands projets pour répondre à la pression créée par l’urbanisation croissante et aux besoins de développement économique du pays. Plusieurs exemples attestent des interactions positives entre développement urbain et croissance économique, comme à Kénitra dont l’urbanisation est étroitement liée au développement économique à travers de nombreux plans nationaux (par exemple le plan d’accélération industrielle 2014-2020, la stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, etc.) avec la création d’Atlantic Free Zone, d’une usine de production automobile et du nouveau port de Kénitra Atlantique (NPKA). Le projet Tanger-Med est un autre exemple de grand programme à impact significatif sur le développement économique de la région, le port de Tanger-Med étant l’un des plus grands d’Afrique et du bassin méditerranéen. Ce projet a ainsi permis de stimuler l’économie locale et nationale, en attirant les investissements internationaux, et créant des emplois.
Cependant, le développement économique des villes au Maroc ne semble pas toujours connecté de près aux dimensions de planification territoriale et urbaine. En effet, les grands projets sectoriels d’intérêt national, régional ou métropolitain s’articulent souvent autour d’un nouveau développement – ville nouvelle, nouvelle université ou pôle d’innovation – et n’intègrent pas toujours suffisamment les dimensions territoriale, environnementale et sociale, comme l’accès aux transports et au logement ou les impacts environnementaux. Les villes nouvelles et nouveaux pôles urbains, généralement situés en périphérie de villes existantes, se heurtent ainsi très souvent à des insuffisances d’infrastructure de base, équipements ou transports, limitant à leur tour le développement économique de ces villes. Or, si les villes nouvelles ont souvent été créées pour répondre aux besoins de la population en matière de logement et d’emploi, leur réussite est conditionnée à la qualité des infrastructures et des services offerts, ainsi qu’à leur capacité à attirer des investissements et des habitants. Près de Rabat, par exemple, la ville nouvelle de Tamesna, créée en 2007 pour désengorger la capitale marocaine, fait aujourd’hui figure de ville morte, avec moins de 40 000 habitants et une insuffisance d’espaces publics et d’équipements collectifs, d’entreprises et d’hôpital, ainsi que seulement très peu de commerces, illustrant le manque de coordination entre les objectifs économiques et ceux de mobilité et accessibilité (Kadiri, 2017[40]). Il est donc nécessaire de mieux articuler les objectifs économiques et la planification territoriale et urbaine, notamment dans les dispositifs pré-opérationnels et d’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation, en coordination avec l’extension des réseaux d’infrastructures (voirie, assainissement et transports) pour améliorer l’accès aux infrastructures et le développement des services publics essentiels dans les zones périurbaines.
Lutter contre les inégalités urbaines et promouvoir la croissance inclusive
Copier le lien de Lutter contre les inégalités urbaines et promouvoir la croissance inclusiveMalgré les avancées considérables réalisées ces dernières décennies en matière de développement humain au Maroc grâce à de nombreuses politiques volontaristes, les villes marocaines continuent de faire face à des inégalités importantes, avec un accès inégal à l’emploi, aux logements et aux équipements, ainsi qu’à une persistance de phénomènes de pauvreté urbaine. Plus d’un million de citadins vivent toujours sous le seuil de pauvreté, 3 millions se trouvent dans une situation de vulnérabilité économique et 13 % de la population urbaine réside dans un habitat insalubre. Ces inégalités sont également à l’origine de ségrégation socio-spatiale, notamment dans les grandes villes, entre les pôles urbains centraux et les couronnes périphériques.
La pandémie de COVID-19 a creusé ces inégalités existantes et le taux de pauvreté absolue a augmenté significativement, passant de 1,7 % en 2019 de la population à 11,7 % pendant le confinement de 2020. Cette hausse a été particulièrement prononcée en milieu urbain, le taux de pauvreté absolue passant de 0,5 % à 7,1 %. Le taux de personnes en situation de vulnérabilité a également plus que doublé, de 7,3 % avant le confinement à 16,7% pendant le confinement. De même, cette hausse a été beaucoup plus sensible en milieu urbain qu’en milieu rural, le taux de vulnérabilité passant de 4,5 % à 14,6 % en milieu urbain. Le secteur informel, qui représente près de 80 % des emplois au Maroc selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), a été frappé de plein fouet. Le gouvernement a donc mis en place une série de mesures, telles qu’une aide financière aux ménages dans le besoin, ce qui a permis d’atténuer les effets du choc. Le taux de pauvreté absolue est ainsi retombé à 2,5 % et celui de vulnérabilité à 8,9 % (Haut Commissariat au Plan, 2020[41]). Ces mesures ont cependant été temporaires et des mesures structurelles sont nécessaires pour réduire durablement la pauvreté et les inégalités dans les villes marocaines.
D’après les Principes de l’OCDE sur la Politique Urbaine, pour promouvoir des villes inclusives qui offrent des opportunités à tous, il est nécessaire de : i) assurer à tous les habitants et usagers des zones urbaines – indépendamment de leur sexe, âge, origine ethnique ou état de santé – un meilleur accès aux moteurs de l’inclusion sociale que sont les services publics locaux, un logement abordable et de qualité, des transports, l’éducation, la santé, des perspectives d’emploi et débouchés économiques, le patrimoine et les équipements culturels, les loisirs ou des espaces publics sûrs ; ii) soutenir les politiques nationales et locales de croissance inclusive qui aident les villes à gérer leur évolution démographique et susciter la cohésion sociale à toutes les échelles allant des quartiers aux zone métropolitaines ; et iii) promouvoir une identité et une culture urbaines, ainsi qu’un cadre de vie de qualité dans tous les quartiers, notamment les plus dégradés (OCDE, 2019[42]). De plus, favoriser l’accès aux opportunités pour tous dans les villes favorise également la croissance économique, en permettant à tous les individus de participer pleinement à l'économie, ce qui augmente la productivité et stimule l'innovation. Pour mettre ces principes en pratique, le Maroc pourrait envisager d’inclure dans ses objectifs de politique nationale urbaine la création d’emplois dans les villes, en particulier pour les groupes de population vulnérables ; de recentrer la Politique de la Ville sur ses priorités de lutte contre la précarité et l’exclusion au niveau des quartiers et des communes ; et d’améliorer l’accès aux services essentiels et moteurs de l’inclusion sociale et aux espaces publics pour tous, en particulier pour les femmes.
L’action locale pour soutenir l’emploi, en particulier des jeunes et des femmes, doit être promue davantage
Copier le lien de L’action locale pour soutenir l’emploi, en particulier des jeunes et des femmes, doit être promue davantageSi les villes marocaines représentent le principal vivier d’emplois au Maroc, le chômage et le sous-emploi urbain y demeurent un problème majeur, et sont un facteur de pauvreté et d’inégalités. Le chômage au Maroc touche particulièrement les jeunes, qui sont beaucoup plus susceptibles d’être sans emploi que leurs aînés, notamment dans les villes. En 2022, 46,7 % des 15-24 ans en milieu urbain étaient au chômage, contre 24,8 % pour les 25-34 ans, 8,4 % pour les 35-44 ans et 4,6 % pour les 45 ans et plus (Haut Commissariat au Plan, s.d.[43]). De plus, près de 30 % des jeunes de 15 à 24 ans ne sont pas en train de travailler ni d’investir dans leur avenir en se formant (les « NEET » selon l’acronyme anglais, Not in Education, Employment, or Training). Le taux de participation des femmes au marché du travail est également très faible au Maroc, à moins de 30 %. Le Maroc est même l’un des rares pays de la région MENA où le taux d’activité féminin recule. En outre, des disparités importantes existent entre zones urbaines et zones rurales dans ce domaine. Le taux d’inactivité des femmes est plus élevé dans les zones urbaines (supérieur à 80%) que dans les zones rurales (Banque Mondiale, 2021[44]). L’informalité concerne également des millions de travailleurs urbains. Si ces emplois peuvent aider à sortir beaucoup de travailleurs informels de la pauvreté, ces travailleurs et leurs familles souffrent néanmoins d’un accès insuffisant aux services de santé, aux droits à la retraite et à l’assurance chômage.
Pour favoriser le développement économique et la réduction des inégalités, la politique nationale urbaine du Maroc pourrait avoir comme un de ses objectifs explicites la création d’emplois et la formalisation de l’emploi dans les villes. C’est le cas dans d’autres pays de l’OCDE, comme en Pologne où la politique nationale urbaine compte la création d’emplois parmi ses six objectifs principaux pour 2030 : « ville productive : favoriser le développement urbain grâce à une diversification économique qui fournisse des emplois aux résidents et crée une base d’investissement solide pour un développement urbain durable » (Ministry of Development Funds and Regional Policy of Poland, 2022[45]).
Il faut donc renforcer le rôle que jouent les villes marocaines en matière d’accès de la population à des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Si les politiques nationales et les réformes structurelles contribuent à créer un cadre macroéconomique stable et à encourager le développement des entreprises dans les villes (notamment grâce à l’amélioration du climat des affaires), les politiques nationales en matière d’emploi et de formation sont plus efficaces lorsqu’elles s’appuient sur les connaissances des gouvernements locaux sur les conditions du marché du travail local (OECD, 2016[46]). En effet, une connaissance approfondie des spécificités des bassins d’emploi est nécessaire à l’élaboration d’actions qui soient adaptées à chaque contexte. Les collectivités locales peuvent également jouer un rôle essentiel dans l’amélioration et le soutien à la formation des compétences et à la création d’emplois, par exemple en mettant en place des systèmes locaux d’information sur les carrières et des parcours de formation, en mettant en œuvre des actions spécifiques pour favoriser l’insertion des entreprises au tissu local, et en promouvant la montée en compétences et les reconversions pour répondre aux nouveaux besoins du marché du travail. De plus, les communes sont bien placées pour soutenir les partenariats avec les établissements d’enseignement, les entreprises sur leur territoire, et les organisations de la société civile (OECD, 2016[46]). Aux Pays-Bas, par exemple, les responsabilités en matière de politiques actives du marché du travail sont réparties entre le service public national de l’emploi et les communes. Ces dernières jouent en effet un rôle majeur dans l’activation des chômeurs de longue durée et des personnes inactives, dans la lutte contre le chômage des jeunes et dans l’intégration des migrants dans les marchés du travail locaux. De plus, les communes néerlandaises disposent d’une grande marge de main d’œuvre dans la conception et la mise en œuvre de ces politiques (OECD, 2023[47]).
Des interventions ciblées sont nécessaires pour relever le défi des jeunes au chômage et celui de la faible participation des femmes au marché du travail urbain, et plus généralement l’accès à l’emploi des catégories de population vulnérables, notamment au travers du développement des compétences. Les villes et les gouvernements locaux jouent un rôle essentiel dans la création de systèmes de formation des adultes. En tant que niveau de gouvernement le plus proche des citoyens, ils sont les mieux placés pour identifier les défis auxquels sont confrontés les employeurs et les travailleurs. Avec le soutien du gouvernement marocain, les gouvernements locaux peuvent mettre en place de nombreuses mesures pour améliorer l’accès à l’emploi des jeunes, des femmes et des catégories de population vulnérables. Les gouvernements locaux peuvent notamment collaborer avec différentes sortes d’acteurs locaux, comme des associations ou des entreprises, pour aider les jeunes à intégrer le marché du travail. Cette collaboration s’est avérée essentielle dans d’autres pays de l’OCDE. Par exemple, la ville de Toronto au Canada collabore avec le mouvement à but non lucratif United Way Greater Toronto pour offrir une orientation professionnelle aux jeunes. Aux Pays-Bas, Rotterdam a mis en place un programme d’orientation professionnelle pour les jeunes appelé Bridge en étroite collaboration avec les employeurs locaux (OECD, 2022[48]).
Les gouvernements locaux pourraient également ajuster l’offre de formation pour répondre à la demande locale de compétences et orienter la production de nouvelles compétences vers les secteurs en croissance, par exemple les compétences numériques. À Londres, au Royaume-Uni, le programme Talents Numériques (Digital Talent Programme) vise à augmenter le volume et la qualité de la formation dans le domaine des technologies numériques et ainsi accroître les opportunités de travail pour les jeunes, en particulier les femmes, les groupes défavorisés et les personnes issues de minorités (OECD, 2022[48]). En Autriche, la ville de Vienne s’est engagée à aider les jeunes fortement touchés par la crise de COVID-19 à travers des formations, tandis que la ville de Donegal en Irlande a mis en œuvre un programme pour aider les femmes les plus éloignées du marché du travail à retrouver un emploi (Encadré 4.9).
Pour soutenir l’action des villes marocaines à améliorer l’accès à l’emploi, en particulier des catégories de population vulnérables, le gouvernement national a un rôle important à jouer, notamment pour renforcer les capacités humaines et financières des personnels des gouvernements locaux (voir Chapitre 6).
Encadré 4.9. Sélection d’exemples internationaux de programmes locaux de formation qui ciblent les jeunes et les femmes
Copier le lien de Encadré 4.9. Sélection d’exemples internationaux de programmes locaux de formation qui ciblent les jeunes et les femmesProgramme Talents numériques à Londres (Royaume-Uni)
Copier le lien de Programme Talents numériques à Londres (Royaume-Uni)Le programme consiste en une série de projets conçus pour remédier aux inégalités dans le secteur du numérique, notamment la sous-représentation des femmes et des travailleurs issus des minorités. Le programme permet aux personnes entre 18 et 24 ans d’acquérir des compétences numériques, de recevoir des conseils en matière de carrière et de bénéficier d’un soutien pour créer leur propre entreprise dans le secteur des technologies. Le programme apporte également un soutien aux employeurs et aux formateurs pour améliorer l’orientation professionnelle des jeunes dans le secteur du numérique. Le programme facilite aussi les partenariats avec les établissements d’enseignement supérieur et les PME.
Programmes d’éducation et de formation pour les jeunes à Vienne (Autriche)
Copier le lien de Programmes d’éducation et de formation pour les jeunes à Vienne (Autriche)La pandémie de COVID-19 a eu un impact très important sur le marché du travail à Vienne, en particulier pour les jeunes qui ont vu leur taux de chômage gonfler de plus de 50% entre mai 2019 et mai 2020. Pour relever ce défi, la ville de Vienne a lancé en juin 2020 un programme d’éducation et de formation d’un montant de 17 millions EUR, dont 10 millions EUR pour la formation en apprentissage dans les entreprises et 7 millions EUR pour la formation des jeunes sans emploi. Cette formation offre des passeports de compétences pour les professions dans les domaines de la santé, des soins et des technologies de l’information.
Programme de formation et renforcement de la confiance en soi des femmes à Donegal (Irlande)
Copier le lien de Programme de formation et renforcement de la confiance en soi des femmes à Donegal (Irlande)La ville de Donegal a mis en place le projet WISE (Women’s Integration Skills and Employment) entre 2017 et 2020 pour aider les femmes les plus éloignées du marché du travail à retrouver un emploi, entreprendre une formation ou à devenir travailleuses indépendantes. Le projet, co-financé par le Fonds social européen et le ministère de la justice et de l’égalité irlandais, a fourni des services gratuits pour doter les femmes de tout âge des compétences et de la confiance nécessaires pour retourner à l’emploi. Chaque femme participante a reçu les services d’un conseiller personnel en matière d’emploi (rédaction de CV, conseils pour performer en entretien, etc.). Le programme a aussi sélectionné des postes auprès d’employeurs locaux susceptibles de convenir aux candidates. Il a également un service de suivi aux participantes après leur embauche, pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois, afin de les aider à obtenir des financements publics pour continuer à se former et pour obtenir une aide à la garde d’enfants.
Source : OECD (2022[48]), Future-proofing adult learning systems in cities and regions : A policy manual for local governments, https://www.oecd-ilibrary.org/employment/future-proofing-adult-learning-systems-in-cities-and-regions_11fa26cc-en.
La Politique de la Ville doit être recentrée sur ses objectifs initiaux
Copier le lien de La Politique de la Ville doit être recentrée sur ses objectifs initiauxLa Politique de la Ville a été définie dans le Programme Gouvernemental en 2012 comme une « politique publique volontariste basée sur une démarche transversale visant à lutter contre la précarité et l’exclusion, notamment dans les zones urbaines sensibles sujettes à des pressions multiformes ». C’est une politique interministérielle, intégrée, multi-partenariale, contractuelle et participative (MATNUHPV, 2018[49]). Depuis son lancement, le MATNUHPV a mis en œuvre environ 200 projets pour une contribution financière de 8,37 milliards MAD (pour un coût global de 38,4 milliards MAD) (MATNUHPV, 2021[50]). Ces projets visent à améliorer les conditions de vie dans les zones urbaines défavorisées, notamment en termes d’habitat, d’infrastructures, de services publics, d’emploi et de loisirs, et peuvent également accompagner la fourniture d’équipements des villes nouvelles, tels que la voirie, les espaces verts, les espaces publics, etc. Les projets de la Politique de la Ville se déclinent à plusieurs échelles, de la médina et du quartier à la région en passant par la commune. Dans le cadre des projets, la collectivité désigne son maître d’ouvrage (Al Omrane pour près de 60 % des projets, ainsi que des agences de développement ou des sociétés d’aménagement).
L’opérationnalisation de la Politique de la Ville s’est cependant heurtée à plusieurs difficultés, notamment : i) un champ d’intervention trop hétéroclite entre zones urbaines défavorisées et villes nouvelles ; ii) un manque de clarté quant à l’échelle d’intervention (quartier, ville, territoire) ; iii) une opérationnalisation trop lente due aux contraintes sur le terrain ; iv) un manque de coordination et d’articulation avec les autres programmes en place qui visent également l’amélioration du cadre de vie en milieu urbain, comme le programme Habitat Menaçant Ruine (HMR) ou le programme de Mise à Niveau Urbaine (MANU) ; v) un défaut de consultation avec les parties prenantes ; et vi) une absence de définition claire du rôle de la commune dans la mise en œuvre des projets (MATNUHPV, 2021[50]).
Un recentrage de la Politique de la Ville sur ses priorités de lutte contre la précarité et l’exclusion devrait donc être encouragé, par exemple en renforçant la planification stratégique et en mettant en place une stratégie pluriannuelle ainsi qu’une géographie prioritaire des zones éligibles à l’intervention de la Politique de la Ville. En ce sens, il serait également nécessaire de recentrer les actions de rénovation et de renouvellement urbain au niveau des plans d’aménagement. Parallèlement à la planification stratégique, les échelles d’intervention devraient également être redéfinies, en concentrant les efforts sur les quartiers et les communes. Une nouvelle approche de la Politique de la Ville est d’ailleurs en cours, avec un ciblage des quartiers ou sites prioritaires, et doit être mise en œuvre de manière plus généralisée. L’accélération de la numérisation des bases de données relatives à la Politique de la Ville pourrait également remédier à la lenteur des processus en facilitant et en optimisant le suivi des projets. La consultation renforcée avec les parties prenantes et la convergence entre les acteurs permettrait quant à elle de promouvoir la coordination et l’articulation avec les autres programmes de rénovation urbaine. Enfin, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine et la Réhabilitation des Bâtiments Menaçant Ruine (ANRUR) pourrait voir son rôle dans la mise en œuvre de la Politique de la Ville renforcé, par exemple dans la coordination des initiatives de rénovation urbaine et de réhabilitation des bâtiments délabrés, dans le financement des projets de rénovation urbaine, et dans la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation des impacts des projets de rénovation urbaine. En cela, l’ANRUR pourrait s’inspirer du cas de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en France, qui finance et accompagne la transformation de quartiers de la Politique de la Ville (Encadré 4.10).
Encadré 4.10. L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en France
Copier le lien de Encadré 4.10. L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en FranceL’ANRU est un établissement public industriel et commercial qui finance et accompagne la transformation de quartiers de la Politique de la Ville en France. L’ANRU a été créée en 2003, quelques mois après le vote de la loi d’orientation et de programmation pour la ville, afin de piloter et financer le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). En 2014, dans le cadre de la programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le Gouvernement a annoncé la création du Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine (NPNRU), avec l’ANRU toujours chargée de le piloter. LE NPNRU est doté de 12 milliards EUR d’équivalent-subvention (14 milliards EUR de concours financier) attribués par l’ANRU pour financer la rénovation de 450 quartiers. Le programme est financé par : Action Logement (à hauteur de 8,4 milliards EUR), l’Union Sociale pour l’Habitat (à hauteur de 2,4 milliards EUR) et l’État (à hauteur de 1,2 milliards EUR). L’objectif principal du NPNRU est de rénover les quartiers en profondeur en favorisant la mixité sociale, la diversification des logements et bâtiments, le désenclavement et le développement économique.
En termes de gouvernance, le NPNRU connaît trois évolutions par rapport au PNRU : i) une contractualisation en deux temps pour mieux définir les projets (protocole de préfiguration puis convention opérationnelle) ; ii) portage des projets au niveau de l’agglomération plutôt qu’au niveau des communes ; iii) une participation forte des parties prenantes dès la conception des projets via les conseils citoyens et les maisons de projet.
Les projets de renouvellement urbain sont approuvés par un comité d’engagement national qui définit la participation financière de l’ANRU en fonction des ambitions et de la stratégie d’action de chaque opération. Une convention est ensuite signée par l’ANRU, les porteurs de projet et les maitres d’œuvre.
Source : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (s.d.[51]), https://www.anru.fr/.
L’accès aux services essentiels et aux espaces publics pour tous dans les villes marocaines doit continuer d’être amélioré
Copier le lien de L’accès aux services essentiels et aux espaces publics pour tous dans les villes marocaines doit continuer d’être amélioréPour réduire les inégalités urbaines et favoriser un accès aux opportunités pour tous dans les villes, il est crucial d’assurer à tous les habitants de toutes les villes un meilleur accès aux services essentiels qui sont également moteurs de l’inclusion sociale. Cela comprend l’accès à l’eau et l’assainissement, l’énergie, l’éducation, le numérique et la culture. L’accès aux infrastructures numériques en particulier est essentiel pour connecter les populations aux opportunités économiques et éducatives des villes. L'extension de la couverture Internet haut débit fixe et mobile doit ainsi être favorisée pour réduire la fracture numérique. Promouvoir la culture comme levier d’inclusion dans les villes, en soutenant d’une part les initiatives culturelles locales, et d’autre part en facilitant l'accès à la culture pour tous les habitants, en particulier ceux issus de groupes de populations vulnérables, permet également de renforcer la cohésion sociale.
L’accès aux espaces publics pour tous est également un facteur essentiel pour réduire les inégalités dans les villes et promouvoir la croissance inclusive car ils sont censés offrir un accès égalitaire à tous les habitants et sont un vecteur d’intégration et d’inclusion, permettant ainsi de renforcer la cohésion sociale dans les zones urbaines. Les espaces publics dans les villes marocaines, comme les places, les jardins, les espaces verts et les souks, sont des lieux de vie essentiels pour les habitants, pour favoriser la sociabilisation et pour accéder aux équipements publics. D’après ONU Habitat, les espaces publics sont des lieux d’usage public, accessibles et profitables gratuitement par tous. Ils constituent un élément central du bien-être individuel et collectif, des lieux de vie collective et de cohésion sociale. Il existe trois catégories principales d’espaces publics : les rues (trottoirs), les espaces publics ouverts (parcs), et les équipements publics (marchés) (UN Habitat, 2020[52]). Avec la pandémie de COVID-19, leur rôle est devenu encore plus essentiel, notamment pour préserver le lien social, d’autant plus qu’il a été démontré que le taux de contagion était plus faible en espace extérieur.
Cependant, ces espaces font face à de nombreux défis tels que le manque d’entretien, des inégalités d’accès pour certaines catégories de population comme les femmes et les personnes ayant un handicap, et les difficultés à se déplacer sur les trottoirs. Certains espaces publics dans les villes marocaines sont en effet mal entretenus, mal éclairés et mal équipés, avec un manque d’équipements de base comme des bancs et des poubelles, ce qui les rend peu attractifs pour les habitants. De plus, de nombreux espaces publics sont envahis illégalement par les commerces, empêchant l’appropriation de ces espaces par les piétons.
C’est pourquoi de nombreuses initiatives ont été lancées pour encourager l’accès à l’espace public pour tous dans les villes marocaines. La Politique de la Ville promeut ainsi la création d’espaces publics de qualité propices aux échanges sociaux et culturels et l’accès à la culture, aux loisirs et aux sports de proximité comme vecteur d’épanouissement social et personnel (MATNUHPV, 2018[49]). Le Programme Villes Accessibles, mis en place par le Ministère de la Solidarité, du Développement Social, de l’Égalité et de la Famille en 2018, vise à étendre au niveau national le programme d’amélioration de l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite à Marrakech. Le gouvernement marocain a également mis en place plusieurs programmes de rénovation et de requalification des espaces publics dans les villes marocaines, en partenariat avec les autorités locales et les acteurs de la société civile. Par exemple, le programme « Rabat Ville Lumière : capitale marocaine de la culture », initié en 2014, vise à préserver les espaces verts et l’environnement, améliorer l’accès aux services et équipements sociaux de proximité et à offrir des équipements sportifs et culturels aux habitants de la ville.
Cependant, la question de l’accès des espaces publics aux femmes demeure un défi majeur dans les villes marocaines. Les problèmes rencontrés par les femmes dans les espaces publics urbains au Maroc sont multiples et recouvrent plusieurs dimensions, notamment l’appropriation des espaces publics, la sécurité et le ressenti. Par exemple, selon des enquêtes réalisées par le gouvernement, 82 % des femmes interrogées déclarent avoir des difficultés à se déplacer dans la rue du fait de l’accessibilité réduite des trottoirs. 75 % estiment avoir du mal à accéder à des activités artistiques et culturelles dans leur ville, tandis que 51 % disent se faire harceler verbalement au moins une fois par semaine dans l’espace public urbain (Graphique 4.1) (MATNUHPV et ONU Femmes, 2020[53]). Pour répondre à ces défis, le MATNUHPV a, dans le cadre de la Politique de la Ville, lancé une initiative pour accompagner la conception et la mise en œuvre de projets d’aménagement d’espaces publics qui répondent à l’impératif d’accès égal et intègrent les besoins des femmes et des filles sous la forme d’un guide. Ce guide vise à fournir aux autorités et aux maîtres d’ouvrage des indications pratiques sur les aménagements à intégrer dans les espaces publics, afin de les rendre plus accessibles à tous, en particulier aux femmes et aux filles (MATNUHPV et ONU Femmes, 2020[53]).
Pour augmenter l’offre d’espaces publics adéquats et promouvoir encore davantage l’accès des groupes de population vulnérables aux espaces publics, en particulier les femmes, mais aussi les enfants, les jeunes, les séniors et les personnes à besoins spécifiques, il est important d’intégrer la question de l’espace public dans la politique urbaine nationale et de renforcer le lien entre planification urbaine, aménagement des sols et accessibilité. Une définition claire des espaces publics et des standards minimums requis (par exemple en matière de dimensions, etc.) au niveau de la politique urbaine nationale est nécessaire, tandis que la conception universelle (universal design en anglais), c’est-à-dire la conception d’espaces publics qui soient adaptés à tous, doit être encouragée. Une implication plus large et systématique des citoyens et parties prenantes doit être encouragée afin de s’assurer que les documents de planification urbaine et les espaces publics répondent aux besoins des habitants (voir Chapitre 6). Les innovations numériques peuvent également contribuer à faire en sorte que les espaces publics soient bien accessibles à tous, en simulant l’accessibilité des espaces publics notamment aux personnes ayant un handicap, tandis qu’une évaluation régulière permet d’identifier les espaces publics nécessitant des améliorations.
Les avantages économiques liés à l’amélioration des espaces publics doivent également être mieux reconnus et exploités pour augmenter la compétitivité des villes marocaines. Pour cela, le Maroc pourrait mettre en place un mécanisme national visant à aider les collectivités locales à mettre en place des instruments de captation de la valeur foncière provenant des investissements dans l'amélioration de l'espace public. En effet, si les collectivités locales marocaines sont autorisées à mettre en œuvre des instruments de captation de la valeur foncière suite à des investissements dans des équipements comme des espaces publics, en pratique, ces instruments sont rarement utilisés par manque de capacité administrative des gouvernements locaux (OECD/Lincoln Institute of Land Policy, PKU-Lincoln Institute Center, 2022[54]). Les capacités des acteurs locaux doivent donc être renforcées pour leur permettre de mettre en œuvre ces différentes mesures (voir Chapitre 6).
Améliorer la mobilité dans les villes marocaines
Copier le lien de Améliorer la mobilité dans les villes marocainesLes insuffisances et défis liés à la mobilité dans les villes marocaines nuisent au développement économique des villes, à la qualité de vie des résidents urbains, et à l’environnement
Copier le lien de Les insuffisances et défis liés à la mobilité dans les villes marocaines nuisent au développement économique des villes, à la qualité de vie des résidents urbains, et à l’environnementLa croissance urbaine et l’étalement des villes accroissent les besoins en mobilité urbaine et interurbaine, engendrant une demande croissante en infrastructures et en services de transport. Ces besoins vont continuer d’augmenter dans les prochaines décennies puisqu’à l’horizon 2030, près de 70 % de la population marocaine habitera dans les villes. Les progrès économiques enregistrés au Maroc sont aussi à l’origine de l’augmentation de la demande en mobilité urbaine, le développement d’activités économiques et commerciales dans les villes et en dehors des centres-villes contribuant à l’augmentation des déplacements. Au cours des 30 dernières années, le nombre total de déplacements a au moins doublé dans la plupart des villes marocaines (Banque Mondiale, 2015[55]). Cependant, comme vu dans le Chapitre 2, les transports et la mobilité dans villes marocaines font face à de nombreux défis.
Dans la plupart des villes marocaines, la majorité des déplacements se font à pied. Par exemple, d’après l’étude pour le Plan de Déplacement Urbain du Grand Casablanca, la marche à pied constitue 62 % des déplacements, avec une part plus élevée pour les femmes (76 %) que pour les hommes (57 %) (Casa Transport, 2018[56]). Cependant, ce mode de déplacement est en réalité souvent un mode de déplacement contraint par les manques de moyens des ménages ne pouvant financer une voiture individuelle ou les déplacements en transports publics, ou par l’absence de transports publics de qualité conduisant les ménages à se rabattre sur les déplacements à pied. De plus, ce mode de mobilité dite « douce » se heurte à des problèmes liés aux voiries inadaptées, comme des trottoirs mal entretenus et peu accessibles, des passages piétons peu ou pas formalisés, etc.
La part modale des transports en commun dans les villes marocaines est relativement faible comparée à d’autres pays de l’OCDE. Selon une enquête réalisée dans le cadre du Plan de Déplacements Urbains de Casablanca en 2018, seulement 13 % des déplacements à Casablanca se font en bus (Casa Transport, 2018[56]). C’est beaucoup moins qu’à Mexico, Mexique (60 %) ou à Santiago, Chili (50 %) (Coopération Municipale CoMun, 2015[57]). Ceci est dû notamment à un faible maillage du transport en commun urbain. En effet, le Maroc compte un bus pour 5 000 habitants, alors que dans les pays à revenus moyens, il y a environ un bus pour 2 000 habitants (Medias 24, 2022[58]). De plus, les bus sont considérés comme de « mauvaise qualité » par 77 % de la population, n’encourageant pas à leur utilisation. En revanche, le tramway est considéré comme de « bonne » ou de « très bonne » qualité par près de 85 % de la population casablancaise (Casa Transport, 2018[56]). Cependant, ce mode de transport public est encore relativement peu utilisé. À Casablanca, la part du tramway (inauguré en 2012) dans les déplacements était de 1,4 % en 2018 ou 4 % des modes motorisés (Delahais et Alouis, 2021[59]). Les transports en commun urbains sont également souvent considérés comme trop chers par la population. Les dépenses en transport urbain peuvent en effet représenter jusqu’à près de 20 % des revenus des ménages les plus pauvres, pour un niveau de service relativement faible (Banque Mondiale, 2015[55]). En plus d’être en nombre insuffisant et trop onéreux, les transports publics urbains sont souvent trop lents, avec une vitesse commerciale d’environ 5 km/h en moyenne dans les zones urbaines les plus denses du pays aux heures de pointe, à cause des embouteillages, d’arrêts trop fréquents, et d’une désorganisation générale du trafic dans les villes (Banque Mondiale, 2015[55]).
Du fait notamment de l’étalement urbain et de l’absence d’offre adéquate de transports en commun, l’équipement automobile est en progression au Maroc. À Casablanca par exemple, le taux de voitures pour 1 000 habitants a augmenté de 90 en 2004 à 113 en 2018 (Casa Transport, 2018[56]) et le nombre de déplacements en voiture a doublé ces 30 dernières années (Casa Transports, 2018[60]). La prédominance des véhicules individuels et des taxis parmi les moyens de transport, ainsi que la non-optimisation des plans de circulation, engendrent d’importants problèmes de congestion dans les villes marocaines. Par ailleurs, le nombre de motos dans le pays est très important, avec plus de 1,4 million de motos en circulation en octobre 2020. Les problèmes de congestion associés à une désorganisation chronique du trafic routier ont également pour conséquence une importante insécurité routière. En 2019, le nombre de morts sur la route pour 100 000 habitants était de presque 17 au Maroc, un chiffre bien supérieur à la moyenne de 6,4 des pays de l’OCDE (World Health Organisation, s.d.[61]).
Un autre défi majeur lié à la mobilité dans les villes marocaines est le niveau élevé de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre dues aux transports dans les villes. Le transport routier est la deuxième source d’émissions au Maroc. Ceci est dû notamment aux embouteillages qui entraînent une augmentation des émissions par véhicule-km et à l’utilisation de véhicules privés au lieu des transports publics, contribuant à un fort taux d’émissions par passager-km. De plus, l’étalement urbain qui caractérise les villes marocaines conduit à des trajets plus longs et donc à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’à une augmentation de l’utilisation des véhicules privés, qui sont pour la plupart des véhicules d’occasion, rendant plus difficile l’adoption de technologies pouvant décarboner la flotte automobile (ITF, 2021[62]).
Ces problèmes structurels liés aux transports et à la mobilité ont des conséquences négatives importantes sur de nombreuses dimensions du bien-être des habitants des villes marocaines. La pollution atmosphérique a des implications directes sur la santé des habitants, entraînant des problèmes respiratoires et d'autres maladies liées à la qualité de l'air (OECD, 2014[63]), ainsi que des coûts économiques importants liés aux dépenses de santé et à la perte de productivité. De plus, la qualité de vie en général s’en trouve affectée, car les fréquents embouteillages et les déplacements inefficaces rendent les déplacements quotidiens laborieux et nuisent au bien-être des résidents. En outre, ces défis liés à la mobilité ont des répercussions sur l'accessibilité des opportunités d'emploi, services publics et équipements essentiels. Les retards fréquents dans les déplacements peuvent entraver l'accès des travailleurs aux emplois, compromettant ainsi les opportunités professionnelles et la croissance économique. De plus, la difficulté d'accès aux services publics et aux équipements de base tels que les écoles et les hôpitaux contribue à creuser les inégalités sociales et économiques.
L’actualisation de la Stratégie Nationale des Déplacements Urbains en cours cherche à répondre aux défis de mobilité dans les villes marocaines
Copier le lien de L’actualisation de la Stratégie Nationale des Déplacements Urbains en cours cherche à répondre aux défis de mobilité dans les villes marocainesLa Stratégie Nationale des Déplacements Urbains (SNDU) du Maroc a été validée en 2008 et lancée en 2010, avec le soutien technique de la Banque Mondiale, dans un contexte de réforme et de revitalisation du secteur des déplacements urbains, pour répondre aux défis posés par l’urbanisation rapide et l’accroissement de la demande de mobilité urbaine. L’objectif de cette stratégie a été d’établir un système de transport urbain efficace, socialement inclusif, et qui permette d’atteindre les objectifs de durabilité du pays (Portail National des Collectivités Territoriales, n.d.[64]). Elle a été appuyée par la création du Fonds d’accompagnement des réformes du transport routier urbain et interurbain (FART) en 2007, destiné à soutenir les réformes dans le secteur des transports urbains et interurbains au Maroc en finançant les besoins des villes en termes de transports urbains. De plus, un projet de feuille de route stratégique pour la mobilité durable (urbaine et péri-urbaine) est actuellement en élaboration par le Ministère de l’Intérieur. Cette feuille de route a pour finalité la mise en cohérence et la convergence des résultats d’études stratégiques réalisées en rapport avec le secteur des transports, et l’alignement des pratiques nationales avec les standards internationaux du secteur. Elle permettra ainsi d’établir une vision prospective de la mobilité urbaine et périurbaine durable dans les agglomérations marocaines, notamment en termes de renforcement des capacités institutionnelles, d’élaboration de plans de mobilité urbaine et de développement des transports de masse dans les corridors et les sites propres, de création et de renforcement des infrastructures (parking, routes, rocades, trémies, etc.) et de satisfaction des engagements internationaux du Maroc en matière de changement climatique et de développement durable.
Cependant, comme vu précédemment, les défis liés à la mobilité dans les villes marocaines demeurent, voire s’intensifient à mesure que l’urbanisation augmente. Devant cette persistance des défis, le gouvernement marocain cherche à actualiser cette stratégie à l’horizon 2040, en adaptant le cadre stratégique aux nouvelles exigences socio-économiques et environnementales liées à la mobilité urbaine, et en mettant l’accent sur un nouveau modèle d’accompagnement financier et la refonte du mode de gouvernance, en particulier le modèle de la gestion déléguée. Cette actualisation s’effectue via l’élaboration d’une feuille de route nationale pour une mobilité durable à l’horizon 2040, en parallèle d’une étude interne pour estimer les besoins d’investissements dans les transports urbains pour la période 2024-28 (Badrane, 2024[65]).
Pour améliorer la mobilité urbaine, cette stratégie à l’horizon 2040 pourrait se concentrer sur les points suivants :
Développer et étendre les réseaux de transports publics urbains, y compris les tramways et les bus à haut niveau de service, en renforçant la multi-modalité et en intégrant les technologies intelligentes pour la gestion du trafic et l’information aux voyageurs
Promouvoir les modes de mobilité douce, à travers l’aménagement d’infrastructures dédiées
Renforcer l’inclusivité de l’utilisation des transports urbains, en particulier pour les femmes
Améliorer la gouvernance et adopter une approche métropolitaine
Promouvoir davantage les transports publics urbains pour favoriser la croissance économique et contribuer aux objectifs de durabilité du Maroc
Copier le lien de Promouvoir davantage les transports publics urbains pour favoriser la croissance économique et contribuer aux objectifs de durabilité du MarocPromouvoir les transports publics urbains est un levier essentiel à la croissance économique des villes et du pays dans son ensemble. En facilitant la mobilité des travailleurs, les transports publics rendent les déplacements, notamment professionnels, plus efficaces, favorisant ainsi une productivité accrue et contribuant à long terme à la compétitivité économique du Maroc. L'amélioration de la connectivité entre les quartiers résidentiels et les centres d'emploi stimule l'activité économique et encourage l'investissement dans les différentes régions du pays. En investissant dans des modes de transport collectif modernes, tels que les bus rapides et bus à haut niveau de service (BHNS), les tramways et les métros, le Maroc peut également promouvoir une urbanisation plus durable et résiliente. En effet, ces modes de transport contribuent à réduire l'empreinte carbone des villes marocaines en limitant la dépendance aux véhicules à combustion, principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre. De plus, le développement des transports en commun encourage une utilisation plus rationnelle de l'espace urbain, réduisant l'étalement urbain et préservant les ressources naturelles. Des investissements accrus dans les transports publics urbains contribueraient ainsi à atteindre les objectifs de développement durable en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en créant des environnements urbains plus durables, et soutiendraient la vision d'un Maroc plus vert et résilient, notamment à travers son Nouveau Modèle de Développement, et en phase avec ses engagements envers les Accords de Paris et les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.
Au cours des dernières années, le Maroc a reconnu l'importance de la promotion des transports publics urbains pour faire face aux défis croissants liés à la congestion et à la mobilité et pour promouvoir plus de croissance économique durable. Des initiatives ont été lancées dans plusieurs villes du pays pour améliorer les systèmes de transport public. Des villes comme Rabat ou Casablanca ont mis en œuvre des réseaux de tramway modernes, offrant une alternative efficace et durable aux modes de transport individuels. Parallèlement, des systèmes de bus rapides ont été introduits dans certaines villes pour offrir des options de transport public plus flexibles et accessibles. Ces initiatives visent notamment à connecter les quartiers résidentiels aux zones économiques et aux centres d'emploi, améliorant ainsi l'efficacité des déplacements pour les citoyens. À Casablanca, par exemple, les autorités ont mis l’accent sur le développement d’un réseau de transport public additionnel de près de 100 km d’ici 2025, avec quatre lignes de tramway et 2 lignes de transit de bus rapides (BRT). En 2024, 48 km de réseau de tramway étaient réalisés (lignes T1 et T2) et 26,5 km en cours de réalisation (lignes T3 et T4), tandis que 24,4 km de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS, lignes L5 et L6) ont été mises en service le 1er mars 2024. De plus, l’étude d’actualisation du PDU de Casablanca (en cours d’élaboration en 2024) préconise la réalisation de 61 km de transports collectifs en site propre (TCSP). À Rabat, les autorités ont investi dans le développement des infrastructures de transport en créant une ligne de tramway de 20 km entre 2011 et 2019. En 2024, la conurbation de Rabat-Salé-Témara dispose d’un réseau de tramway de 26,6 km et une étude pour la mise en œuvre d’autres lignes de BHNS est en cours d’élaboration. Les investissements dans les transports publics urbains au Maroc ne se limitent pas seulement aux infrastructures physiques, mais incluent également des initiatives visant à moderniser les systèmes de paiement et à fournir des informations en temps réel aux usagers. Ces mesures contribuent à rendre les transports publics plus attrayants, fiables et pratiques.
Cependant, malgré ces progrès, la couverture des réseaux de transport public reste limitée par rapport aux besoins de la population urbaine croissante du Maroc. De plus, les systèmes de transport public manquent souvent d'intégration, rendant les déplacements multimodaux (combinant par exemple tramway, bus, et vélo) peu pratiques pour les usagers. Le financement insuffisant et le manque de modèles économiques viables à long terme constituent également des obstacles majeurs à l'expansion et à l'amélioration des services de transport public. Pour y remédier et augmenter les investissements, le gouvernement national marocain pourrait s’appuyer sur le Fonds d’accompagnement des réformes du transport routier urbain et interurbain (FART), et en étendre la portée. Si le FART joue déjà un rôle clé dans les efforts déployés par les autorités locales en soutenant un large éventail de projets visant à améliorer la mobilité urbaine et à rendre les transports urbains plus efficaces et durables, ses financements doivent couvrir plus de villes et de régions pour répondre aux besoins de la population urbaine croissante.
En plus des investissements du FART, le Maroc pourrait explorer d’autres modèles de financement comme les partenariats public-privé (PPP), qui représentent un autre levier stratégique pour augmenter les investissements dans les modes de transports publics et de mobilité douce sur le long terme (OECD, 2023[66]). Ces partenariats permettent en effet de combiner l'expertise, les ressources financières et l'innovation du secteur privé avec les objectifs de développement durable et d'intérêt public du secteur public. Les projets de tramway de Casablanca et Rabat sont d’ailleurs des exemples réussis de PPP dans le domaine du transport urbain. En s'appuyant sur ces succès, le Maroc pourrait envisager des PPP similaires pour l'extension des réseaux existants, le développement de nouveaux tramways dans d'autres villes, ou le développement d’autres moyens de transport comme le BRT ou le système de bus à haut niveau de service (BHNS). Le BHNS de Curitiba, Brésil, est un exemple de transport public efficace mis en place grâce à des partenariats stratégiques avec le secteur privé. Afin de renforcer le rôle des PPP, le gouvernement marocain pourrait mettre en place un certain nombre d’actions, notamment : élaborer des cadres réglementaires et des incitations pour le secteur privé à investir dans des projets de transport public et de mobilité douce ; offrir des garanties pour réduire les risques financiers pour les investisseurs privés ; assurer la transparence dans les appels d’offres et les processus de sélection des partenaires ; et explorer des financements mixtes, combinant des investissements publics, privés et des fonds internationaux dédiés au développement durable (OECD, 2023[66]).
Pour accélérer les investissements dans les modes de transport publics durables, le Maroc peut tirer parti des événements majeurs à venir que sont la CAN 2025 et la Coupe du Monde de Football de 2030, comme cela a été fait par exemple en 2010 à Johannesburg en Afrique du Sud, qui avait profité de la Coupe du Monde 2010 pour réaliser de nouveaux investissements dans les infrastructures de la ville à travers deux projets ambitieux de transport public. D’une part, le système de Bus Rapid Transit a permis de connecter Soweto au centre-ville de Johannesburg, l'impératif de la date limite de 2010 pour l'événement ayant accéléré la mise en œuvre du projet et débloqué des financements cruciaux. D’autre part, la Coupe du Monde a également servi de catalyseur pour l'achèvement anticipé du Gautrain (train express régional dans la région du Gauteng), le premier train rapide de banlieue d'Afrique du Sud, qui relie Johannesburg, Pretoria et l'aéroport OR Tambo (OECD, 2024[67]).
Encourager les modes de mobilité douce, à travers l’aménagement d’infrastructures dédiées
Copier le lien de Encourager les modes de mobilité douce, à travers l’aménagement d’infrastructures dédiéesLa promotion des modes de mobilité douce dans les villes a de nombreux avantages et permet d’atteindre les objectifs de durabilité et d’inclusion. En effet, les modes de mobilité doux, tels que la marche et le vélo, ne produisent pas d’émissions, contribuant ainsi à réduire la pollution de l’air, et donc à améliorer la santé publique, ainsi qu’à lutter contre le changement climatique. De plus, en encourageant les citoyens à opter pour des modes de transport non-motorisés, le nombre de véhicules sur les routes diminue, réduisant la congestion et les temps de trajet. La mobilité douce favorise également l’activité physique, diminuant les risques de maladies chroniques et améliorant le bien-être. Enfin, les infrastructures de mobilité douce, telles que les pistes cyclables et les trottoirs larges, sont souvent moins coûteuses à développer et à entretenir que les infrastructures pour les véhicules motorisés.
Dans de nombreuses villes marocaines, les projets de transports publics sont accompagnés d’investissements dans la mobilité douce. Marrakech fut la première ville d’Afrique à mettre à la disposition de ses habitants des vélos en libre-service avec une flotte initiale de 320 vélos à l’occasion de la COP22 qui s’y était tenue en 2016. Dans l’Éco-cité de Zenata, le plan d’urbanisme a été conçu pour favoriser la mobilité collective et douce afin de limiter l’usage de la voiture individuelle sur les territoires où des alternatives crédibles existent pour les résidents urbains. Le plan de mobilité douce dédie ainsi aux piétons et cyclistes un circuit de 44 km de voies exclusives, sécurisées, déconnectées de celles consacrées aux voitures, reliant tous les quartiers de la ville. Benguerir est un autre exemple de ville marocaine ayant promu la conception de quartiers compacts et équipés, avec de nombreuses pistes cyclables et une utilisation systématique des bus électriques. Pour inciter la diminution de l’usage de la voiture individuelle et promouvoir une mobilité urbaine alternative, des villes mettent également en œuvre des politiques incitatives, comme la ville de Rabat qui a initié le programme « Rabat sans ma voiture ». Cette initiative vise à encourager les habitants et les visiteurs de la ville à opter pour des modes de déplacement plus écologiques et moins polluants que la voiture personnelle, comme la marche, le vélo, ou l'utilisation des transports en commun.
Comme vu précédemment, la marche à pied est le mode de déplacement le plus utilisé par les Marocains, même si c’est souvent un choix par défaut par manque de moyen pour s’offrir un autre mode de transport. Ce mode de déplacement fait face à de nombreux défis dans les villes du Maroc, tels que des infrastructures inadéquates (trottoirs en mauvais état ou trop étroits), un manque de passages piétons sécurisés, une accessibilité réduite pour les personnes à mobilité réduite comme les personnes âgées, les enfants ou les personnes souffrant de handicap, et l’insécurité ou le sentiment d’insécurité qui peut être lié à un manque d’éclairage public adéquat. Ainsi, pour que le Maroc puisse tirer profit de ce mode de mobilité douce largement utilisé par les Marocains, il est essentiel d’investir dans des infrastructures piétonnes de qualité, et que la politique urbaine du Maroc priorise la sécurité et le bien-être des piétons. Par exemple, l’accent peut être mis sur la rénovation et l’élargissement des trottoirs, comme cela est fait à Copenhague, Danemark. La création de zones piétonnes dans les centres-villes permet également de favoriser la marche, mais aussi de revitaliser les espaces urbains. La sécurisation des passages piétons en les rendant davantage visibles, ainsi que l’utilisation d’éclairage public adéquat et d’espaces plus ouverts, permettraient également d’augmenter la sécurité des piétons.
Enfin, l’intégration des modes de mobilité douce avec les réseaux de transport public, comme des aménagements piétonniers ou de parkings à vélos près des stations de transport en commun, est cruciale pour favoriser l’intermodalité et promouvoir une mobilité urbaine durable. À Zurich, Suisse, par exemple, la politique de mobilité donne la priorité aux transports publics et déplacements doux en aménageant des voies piétonnes larges et sécurisées menant aux stations de tramway et de bus. De plus, un système de tarification intégrée facilite l’utilisation combinée de plusieurs modes de transport. À Curitiba, Brésil, le système de Bus Rapid Transit (BRT) s’intègre avec des infrastructures piétonnes, ce qui a permis de réduire la dépendance à la voiture et d’augmenter l’utilisation des transports en commun.
Renforcer l’inclusivité de l’utilisation des transports urbains, en particulier pour les femmes
Copier le lien de Renforcer l’inclusivité de l’utilisation des transports urbains, en particulier pour les femmesIl est essentiel que les politiques de transport urbain dans les villes marocaines prennent en compte les besoins de tous les groupes de population, quelles que soient leur situation économique, géographique, ou leurs capacités physiques. Favoriser l’inclusivité des transports dans les villes permet en effet de garantir l’égalité des chances en termes d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux services publics, et aux loisirs, et de réduire les inégalités. Rendre les transports publics accessibles pour tous permet également de réduire la dépendance à la voiture individuelle, et donc de diminuer la congestion, la pollution de l’air, et les émissions de gaz à effet de serre, participant ainsi à soutenir les objectifs de développement durable.
Bien que beaucoup d’efforts aient été consentis ou soient en cours pour améliorer l’accessibilité et la qualité des services de transport dans les villes marocaines, les coûts peuvent encore représenter une barrière significative pour les personnes à faibles revenus, expliquant notamment la prépondérance de la marche comme moyen de déplacement dans les villes marocaines, comme vu précédemment. C’est pourquoi, afin de permettre à plus de personnes d’utiliser les transports en commun, plusieurs villes de l’OCDE ont mis en place une gratuité totale ou partielle de leur réseau de transports publics, mettant en avant que la gratuité permet d’assurer l’accès de tous aux transports sans discrimination de moyens, de limiter l’usage de la voiture individuelle, et d’améliorer la mobilité et de renforcer l’attractivité des centres villes. Ainsi, après avoir expérimenté la gratuité des transports en commun les samedis et dimanches, puis l’avoir étendue aux moins de 18 ans et plus de 65 ans en semaine, la métropole de Montpellier en France a opté pour une gratuité totale pour tous ses habitants à partir de décembre 2023. En Estonie, la ville de Tallinn a observé une hausse de la fréquentation du réseau depuis la mise en place de la gratuité de l’ensemble de son réseau de transport (5 lignes de tramway, 8 lignes de bus électrique et 57 bus), en particulier dans les quartiers populaires éloignés du centre-ville, suggérant ainsi une amélioration de l’accessibilité pour les habitants plus défavorisés (Vie publique, 2022[68]).
L’offre de transport en commun au Maroc demeure également souvent inadaptée aux besoins de certains groupes de population, comme les personnes âgées et les personnes souffrant de handicap, entravant leur accès aux opportunités d’emploi, aux services et aux loisirs (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2021[69]). Si le Maroc a une Politique publique intégrée pour la promotion des droits des personnes handicapées 2016-2025, avec notamment un Programme Villes Accessibles (Moudoun Walouja) lancé en 2018 (Ministère de la Solidarité, n.d.[70]), le volet transport et mobilité pourrait être davantage renforcé au sein de cette politique. Des villes d’autres pays de l’OCDE offrent notamment des exemples inspirants pour les villes marocaines en matière d’intégration de l’objectif d’accessibilité pour tous aux moyens de transport. À Londres, Royaume-Uni, Transport for London (TfL), l’organisation responsable des transports dans la capitale, a mis en place plusieurs initiatives pour améliorer l’accessibilité. Par exemple, l’intégralité du réseau de bus de Londres est accessible aux personnes en fauteuil roulant, avec des rampes automatiques et des espaces dédiés à bord. Par ailleurs, TfL fournit des informations dans des formats accessibles, y compris des plans de stations de métro en braille. Les voyageurs peuvent également facilement identifier les itinéraires à prendre pour avoir un trajet avec accès « sans marche » pour les personnes à mobilité réduite (Transport for London, n.d.[71]).
Il est également essentiel de rendre les transports publics des villes marocaines inclusifs pour les femmes. En effet, les études montrent que les schémas de déplacement des femmes diffèrent de ceux des hommes, aussi bien dans le choix du mode de transport, que dans l'heure de déplacement, le but du voyage, les itinéraires et la distance parcourue. Ces différences découlent notamment de disparités entre hommes et femmes en termes d’accès aux ressources, de responsabilités domestiques, de préférences de déplacement et des normes sociales entourant la mobilité pour les femmes (ITF, 2019[72]). Par ailleurs, les femmes sont plus susceptibles de faire face à des problèmes de sécurité dans les espaces publics et les transports en communs (ITF, 2018[73]). L’accessibilité, la fiabilité et l’abordabilité des transports en commun sont cruciales pour faciliter les déplacements quotidiens et influencent directement la capacité des femmes à participer au marché du travail et à entreprendre des activités économiques (ITF, 2019[72]). Pour améliorer l’accessibilité des femmes au transport, le Maroc pourrait intégrer la problématique du genre à sa politique nationale de transport, comme cela est fait au Chili et au Pérou (Encadré 4.11).
Encadré 4.11. Exemples de politiques nationales de transport intégrant la problématique du genre
Copier le lien de Encadré 4.11. Exemples de politiques nationales de transport intégrant la problématique du genrePerspective du genre dans la conception du système de transport public au Chili
Copier le lien de Perspective du genre dans la conception du système de transport public au ChiliPour répondre à la croissance rapide des villes chiliennes, et la nécessaire amélioration de la couverture et de la fréquence de l’offre de transport, le Chili s’est engagé dans l’expansion des réseaux de transport et la création de nouvelles connexions intermodales. Les politiques traditionnelles qui supposent des besoins uniformes en mobilité ont souvent négligé les besoins spécifiques des femmes, qui sont pourtant les utilisatrices majoritaires des transports publics à Santiago (51 %). En 2018, le Ministère des Transports et des Télécommunications a mis en place une Politique et un Agenda pour l’Équité des Genres dans les Transports pour répondre à ces enjeux. Cette politique sert de guide stratégique pour promouvoir un accès plus équitable et inclusif des transports publics aux femmes. Cette politique comporte des objectifs internes, tels que la mise en œuvre d’un vaste plan de formation pour sensibiliser et renforcer les compétences du personnel du secteur du transport, et des activités externes axées sur les réponses en cas de harcèlement sexuel dans les transports. De plus, des alliances stratégiques ont été créées avec le Service National de Formation et d’Emploi, le Service National pour les Femmes et l’Équité des Genres, et l’industrie des transports pour encourager l’inclusion des femmes comme conductrices de transports publics.
L’inclusion du genre dans la stratégie de transport urbain au Pérou
Copier le lien de L’inclusion du genre dans la stratégie de transport urbain au PérouAu Pérou, le Ministère des Transports et des Communications a élaboré une stratégie intersectorielle pour augmenter la sécurité de tous les usagers des transports dans les services de transport urbain. Cette stratégie inclut l'établissement d'obligations pour les transporteurs, ainsi que des protocoles, des procédures, et des mécanismes de prévention et d'information pour combattre le harcèlement sexuel dans les transports. En mai 2018, le gouvernement péruvien a approuvé la Politique Générale du Gouvernement (2018-2021), qui souligne l'importance de promouvoir l'égalité et la non-discrimination entre hommes et femmes et de protéger les enfants, adolescents et femmes contre toute forme de violence.
Pour concrétiser ces objectifs, le Ministère, en collaboration avec l'Agence Allemande de Coopération Internationale (GIZ), a mené une étude sur le genre et le transport urbain à Lima et Callao. Cette étude a mis en évidence le problème du harcèlement et révélé que sept femmes sur dix sont harcelées sexuellement dans les transports publics et que six sur dix ont subi du harcèlement sexuel pour la première fois entre treize et dix-huit ans. Pour lutter contre ce fléau, le Ministère travaille avec divers secteurs, des institutions publiques et privées, des agences de coopération internationale et la société civile pour concevoir un cadre réglementaire offrant aux usagers des transports des mécanismes de prévention et d'intervention ainsi que des protocoles en cas de harcèlement sexuel. Ces initiatives s'inscrivent dans une approche plus large visant à garantir la sécurité de tous les usagers des transports, en particulier les femmes, les filles et les garçons, soulignant l'engagement du Pérou à utiliser le transport comme un moyen de développement inclusif.
Source : ITF (2019[72]), Transport Connectivity: A Gender Perspective, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/transport-connectivity-gender-perspective.pdf.
Améliorer la gouvernance et adopter une approche métropolitaine du transport urbain au Maroc
Copier le lien de Améliorer la gouvernance et adopter une approche métropolitaine du transport urbain au MarocLa mobilité urbaine pâtit d’un morcellement et d’un chevauchement des compétences en matière de mobilité et transports entre plusieurs acteurs. Les autorités représentantes de l’État, comme le Wali au niveau de la Région ou le gouverneur au niveau de la Province, et les autorités élues, comme les Conseils Régionaux et les Conseils Communaux, se partagent de manière peu claire les compétences en matière d’élaboration et d’exécution des politiques publiques liées aux transports et à la mobilité (OCDE, 2018[2]). Les intercommunalités et les sociétés de développement local (SDL) peuvent aussi avoir des compétences en matière de mobilité.1 En effet, à l’instar de plusieurs grandes villes du Maroc, Casablanca s’est dotée d’une SDL pour exploiter le tramway et actualiser les études pour le Plan de déplacement urbain (PDU) du Grand Casablanca. Cet enchevêtrement de compétences peut entraver la capacité à concevoir et à mettre en œuvre une stratégie cohérente pour le développement de systèmes de transport public efficaces et intégrés. Le manque de coordination entre ces différents niveaux de gouvernance et acteurs peut en effet conduire à des doublons d'efforts, à une allocation inefficace des ressources et à des lacunes dans les services offerts à la population, impactant directement la qualité et l'efficacité de la mobilité urbaine.
Pour relever ce défi, il est impératif pour le Maroc d'adopter une approche plus intégrée et collaborative en matière de planification et de gestion des transports urbains. Cela implique la mise en place de mécanismes de coordination et de partenariats entre tous les acteurs concernés, ainsi que l'harmonisation des politiques et des réglementations à travers les différents niveaux de gouvernement. Les Plans d’Aménagement élaborés au niveau des communes peuvent constituer une plateforme de convergence, comme l’a montré l’exemple des Plans d’Aménagement de Rabat et Salé qui assurent également la connexion avec la périphérie. L'expérience d'autres pays de l’OCDE ayant réussi à surmonter des défis similaires pourrait également offrir des leçons intéressantes. Par exemple, la mise en place d’organes en charge de la mobilité dans certaines métropoles internationales, comme Transport for London pour le Grand-Londres (Royaume-Uni) ou Île-de-France Mobilités pour toute l’Île-de-France (France), a permis de centraliser la prise de décision et de rationaliser la gestion des transports au sein d'un territoire défini, assurant ainsi une meilleure intégration des services de transport et une plus grande efficacité dans la réponse aux besoins de mobilité des citoyens. Cela est déjà fait dans certaines zones métropolitaines comme celle de Rabat-Salé où le développement des réseaux de transports publics urbains, y compris les tramways et les bus, se fait dans le cadre d’une coordination avec Rabat-Région Mobilité (RRM). Ces expériences réussies pourraient s’étendre à davantage de zones métropolitaines. Le Maroc pourrait également s’appuyer sur les SDL pour jouer ce rôle de coordination de la mobilité sur les territoires.
Un autre défi de gouvernance tient à la difficile articulation des politiques de transport public avec les autres politiques urbaines comme les politiques de planification urbaine, d’usage des sols, ou politiques environnementales et du logement. Dans la plupart des villes marocaines, les plans de déplacement urbain (PDU) et les schémas directeurs d’aménagement urbain (SDAU) ou les Programmes de développement régionaux (PDR) sont élaborés de manière indépendante et parfois contradictoire. À Casablanca, par exemple, il n’existe pas de lien direct entre le Programme de développement régional de la région Casablanca-Settat et le Plan de déplacements urbains à l’échelle de l’intercommunalité Al Beida à laquelle appartient Casablanca – ces deux documents couvrant donc des échelles spatiales différentes (OCDE, 2018[2]). Si des PDU sont en cours d’actualisation, comme celui de Casablanca, une mise à jour plus régulière des PDU, en s’assurant qu’ils sont mieux intégrés avec les SDAU et les PDR, pourrait ainsi améliorer la cohérence entre la planification des transports et l'aménagement urbain, assurant ainsi une approche plus unifiée et synergique du développement urbain et régional. Le Maroc devrait également généraliser les PMUD (Plans Mobilité Urbaine Durable) pour intégrer les problématiques de durabilité, planification urbaine et transports. Les PDU/PMUD constituent en effet des documents de planification déterminant la vision prospective et les grandes orientations des déplacements et de la mobilité à l’échelle du territoire concerné et déclinant les actions à entreprendre pour répondre aux enjeux et aux besoins futurs en mobilité.2
Les stratégies de développement orienté vers le transport (Transit-Oriented Development, TOD) sont des exemples de stratégies qui cherchent à articuler différentes politiques publiques, en intégrant les objectifs de mobilité et transport avec d’autres objectifs comme ceux de logement, notamment à travers la densification résidentielle autour des nœuds de transport en commun. Cela permet de créer des quartiers où les habitants peuvent facilement accéder aux services, aux commerces et aux espaces de loisirs à pied ou en transport en commun, réduisant ainsi la dépendance à la voiture. En planifiant conjointement le développement du logement et du transport, les villes peuvent ainsi offrir une meilleure qualité de vie, favoriser l'inclusion sociale et répondre aux besoins de logement abordable. De tels types de projets pourraient être développés davantage dans les villes marocaines, tout en prêtant attention à éviter d’éventuelles conséquences sur les prix du logement. Les réseaux de tramway à Rabat et Casablanca, par exemple, pourraient servir de fondement à des projets TOD en encourageant le développement urbain autour de ces axes de transport en commun. Dans ce domaine, de nombreux exemples internationaux peuvent fournir des sources d’inspiration utiles pour les villes marocaines. Par exemple, à Vancouver, Canada, la Stratégie de Croissance Régionale de Métro Vancouver (2019) préconise une densité plus élevée près des centres de transit pour réduire la dépendance à la voiture, promouvoir la marche à pied dans les quartiers, et loger le million de nouveaux arrivants attendus d’ici 2040. Pour atteindre ces objectifs, la Stratégie Régionale de Transport « Transport 2050 » adoptée en 2022 est étroitement liée à la planification urbaine pour intégrer la planification de l’utilisation des sols avec les transports pour réduire la dépendance à la voiture individuelle et les émissions de gaz à effet de serre.
Construire des villes marocaines durables et résilientes
Copier le lien de Construire des villes marocaines durables et résilientesComme vu dans le Chapitre 2, les villes marocaines sont d’importantes sources d’émissions de gaz à effet de serre. Dans les plus grandes zones urbaines marocaines, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis 1970, notamment à Casablanca où les émissions liées à la production ont triplé. Le Chapitre 2 a également montré que dans des grandes villes telles que Casablanca, Fès et Marrakech, les secteurs de l’énergie et des déchets sont responsables de la part la plus importante de cette augmentation, suivis par l’industrie manufacturière et la construction. Les transports ont également contribué de manière croissante aux émissions des villes, à cause de la circulation des véhicules à moteur thermique qui entraînent une pollution très localisée, avec des effets néfastes sur la santé et le bien-être des citadins.
Par ailleurs, les villes marocaines font face à des risques climatiques et naturels croissants dus au changement climatique, tels que les inondations, les vagues de chaleur, la sécheresse, et des phénomènes à plus long terme comme l’élévation du niveau de la mer. En effet, en sus des épisodes de sécheresse souvent connus, des inondations et crues de forte intensité ont également touché plusieurs villes du pays, comme à Casablanca ou Tanger en 2021. Ces pressions environnementales multiples sont aggravées par de nombreux facteurs de vulnérabilité, notamment la persistance d’un habitat insalubre, une littoralisation accentuée de l’urbanisation et l’implantation des populations vulnérables dans les zones à risque (zones basses inondables ou sujettes à glissements de terrain). Les estimations montrent que les catastrophes naturelles coûtent annuellement 800 millions USD au Maroc (Banque Mondiale, 2022[74]) et affectent de manière disproportionnée les personnes vulnérables vivant en milieu urbain, notamment les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les femmes et les jeunes, les migrants et d’autres groupes minoritaires ayant un accès limité aux services et aux aides de l’État (Banque Mondiale, 2022[74]).
Les côtes marocaines sont particulièrement vulnérables à l’élévation du niveau de la mer, tant physiquement que socio-économiquement, principalement en raison de la faible topographie du Maroc et de leurs valeurs économiques, touristiques et écologiques élevées. De plus, avec la croissance démographique rapide dans les zones côtières urbaines, les côtes subissent la pression du logement et du développement, du tourisme, de l'exploitation minière, de la surpêche ainsi que de la montée du niveau de la mer. Les estimations montrent que l’érosion côtière touche 42 % des côtes marocaines, notamment à Tanger où la quasi-totalité (99.9 %) des infrastructures portuaires et 63 % de la zone industrielle risquent de disparaître si le niveau de la mer augmente de 0,86 m d’ici 2100 (World Bank, 2021[75]).
De même, le stress hydrique est particulièrement important au Maroc. L'augmentation de la fréquence, de la gravité et de la durée des sécheresses constitue une préoccupation majeure pour la résilience climatique à long terme et la capacité de gestion des catastrophes naturelles du pays. En effet, la diminution des précipitations, l'augmentation de l'aridité et des températures plus élevées, combinées à la croissance démographique et à l'urbanisation rapide, accroissent la vulnérabilité du Maroc face au stress hydrique (World Bank, 2021[75]).
Les villes marocaines sont également confrontées à des risques géologiques tels que les tremblements de terre. Le séisme de septembre 2023 dans la région de Marrakech-Safi – le plus violent depuis 120 ans avec une magnitude de 6,9 sur l’échelle de Richter – a entraîné un lourd bilan humain avec près de 3 000 victimes. Le séisme a également provoqué des dégâts importants. Si ce sont des zones rurales abritant des villages qui ont été les plus touchées, l’épicentre ayant été enregistré à Ighil, une commune rurale située au cœur du Haut Atlas, de grandes villes ont subi des dommages considérables, en particulier Marrakech mais aussi d’autres villes telles que Rabat, Casablanca, Essaouira et Agadir. Près de 2 millions de personnes vivent dans les zones fortement touchées par le tremblement de terre et il est estimé qu’environ 50 000 habitations ont été totalement ou partiellement détruites.
Si la résilience des villes marocaines a été mise à l'épreuve ces dernières années, par la crise de COVID-19 puis plus récemment par le séisme de 2023, ces événements ont souligné l'urgence d'adapter les villes aux défis posés par les catastrophes naturelles et le changement climatique, et la nécessité de renforcer la préparation et la réactivité des villes, d'investir dans des constructions résistantes aux séismes, et de promouvoir la sensibilisation de la population aux risques. Construire des villes durables et résilientes au Maroc est essentiel pour répondre aux défis environnementaux, soutenir le développement économique, améliorer la qualité de vie des citoyens, et réduire la vulnérabilité face au changement climatique, aux risques naturels et d’autres crises potentielles.
Adopter une approche territoriale de l’action climatique et de la résilience
Copier le lien de Adopter une approche territoriale de l’action climatique et de la résiliencePour promouvoir des villes durables et résilientes, il est nécessaire que le Maroc intègre les objectifs de durabilité et de résilience dans sa politique urbaine nationale et dans les politiques y afférentes, en adoptant une approche territoriale aux politiques climatiques et de résilience. Une approche territoriale de l’action climatique et de la résilience est définie par l’OCDE comme « un cadre politique holistique qui intègre une perspective territoriale dans les politiques climatiques nationales et infranationales et intègre les objectifs climatiques dans les politiques de développement urbain, rural et régional pour stimuler l’action climatique à toutes les échelles territoriales » (OECD, 2023[76])
En ce sens, le Maroc reconnaît le rôle indispensable des territoires pour atteindre les objectifs de durabilité. En effet, le Plan Climat National (PCN 2030) et la Stratégie Bas Carbone à Long Terme Maroc 2050, qui constituent les cadres de référence pour le développement d’une politique nationale climatique à moyen et long terme, prennent en considération la vocation territoriale en prônant notamment la généralisation des Plans Climats Régionaux (PCR) et les Plans Climat des Villes (PCV) (Ministère de l’Énergie, 2021[77]) et en affirmant la place centrale des communes et des villes dans les politiques publiques liées au changement climatique et de développement bas carbone (Ministère de la Transition Énergétique, 2021[78]). Pour réussir la généralisation des PCV, le Maroc a déjà identifié plusieurs mesures, notamment définir et institutionaliser un cadre de gouvernance pour le portage et la mise en œuvre des PCR et PCV ; mettre en place des programmes de renforcement des capacités au niveau des administrations locales ; articuler les PCR avec les SRAT, PDR et autres documents de planification territoriale ; assurer la cohérence entre les PCR et les PCV ; et soutenir les collectivités locales pour mobiliser les financements adéquats (Ministère de l’Énergie, 2020[79]). Cependant, ces mesures sont en attente de mise en œuvre. La promotion de l’efficacité énergétique au niveau local est également essentielle à l’atteinte des objectifs de durabilité des villes du Maroc, par exemple dans les secteurs du bâtiment, du transport, et de l’éclairage public. Les villes ont un rôle clé à jouer notamment dans la décarbonation de l’environnement bâti et des infrastructures urbaines, notamment des bâtiments, y compris résidentiels, car elles peuvent tirer parti de leurs prérogatives en matière de réglementation, de marchés publics et d'engagement des parties prenantes (OECD, 2022[80]). Ceci peut être atteint en renforçant les incitations pour encourager l’efficacité énergétique dans les documents d’urbanisme et les processus d’autorisation.
Pour accélérer la territorialisation de l’action climatique et de la résilience, le Maroc pourrait articuler son action autour de trois grand piliers (Graphique 4.2) : i) intégrer une perspective locale dans la politique climatique ; ii) développer une politique de développement régional résilient au changement climatique ; et iii) faciliter et intensifier l’action climatique locale et la résilience (OECD, 2023[76]). Pour atteindre ces trois objectifs, le Maroc peut mettre en œuvre plusieurs stratégies. Par exemple, le gouvernement national marocain pourrait jouer aider les villes à se doter d’objectifs climatiques et de PCV, en apportant un soutien financier et technique, comme le fait le Japon où la Feuille de route pour la décarbonation régionale vise à offrir un soutien financier et technique à 100 régions leaders en décarbonation et ciblant la neutralité carbone d’ici 2030 (OECD, 2023[76]). Le Maroc pourrait également intégrer explicitement les objectifs climatiques dans sa politique urbaine nationale (cf. Chapitre 3), en s’inspirant par exemple du cas de la Pologne dont la Politique Nationale 2030 inclut des actions concrètes pour faire face aux risques liés au climat et propose des réformes législatives afin d’introduire des mécanismes qui permettraient d’assurer leur suivi et de coordonner leur mise en œuvre.
Les projets climatiques mis en place à l’échelle des quartiers peuvent s’avérer particulièrement utiles pour atteindre les objectifs climatiques, expérimenter des solutions innovantes et cibler les populations les plus vulnérables au changement climatique grâce à une approche participative. En France, par exemple, le Programme « ÉcoQuartier » soutient la mise en œuvre de stratégies zéro-émission et de résilience à l’échelle du quartier, en utilisant un système de labellisation qui évalue les projets selon leur impact environnemental, économique et social. Si des « écoquartiers » ont vu le jour au Maroc, comme l’écoquartier de Marshan à Tanger, ces initiatives pourraient être étendues à beaucoup plus de villes du Royaume. Des solutions fondées sur la nature (SFN) peuvent également être mises en place, telles que la création de parcs urbains, qui favorisent la biodiversité, améliorent la qualité de l'air, et offrent aux résidents des espaces de détente et de loisirs, contribuant ainsi à leur bien-être et à leur résilience face aux changements climatiques.
Enfin, pour faciliter et intensifier l’action climatique locale et la résilience, le Maroc pourrait renforcer son cadre institutionnel et légal en introduisant des mécanismes d'alignement et de coordination entre les différents niveaux de gouvernement, et en renforçant les capacités locales pour impliquer toutes les villes et régions (voir dans le Chapitre 6 la section sur les capacités locales). De tels efforts ont en effet été observés dans d’autres pays de l’OCDE. Par exemple, le Mexique a adopté la Loi Générale sur le Changement Climatique en 2012, et un amendement de 2018 l'a rendue compatible avec l'Accord de Paris. La loi stipule notamment que les communes doivent promouvoir des politiques et actions pour réduire les émissions et établit des cadres institutionnels pour coordonner les politiques climatiques à travers les niveaux de gouvernement (OECD, 2023[76]).
Promouvoir la transition vers un secteur du tourisme plus durable dans les villes marocaines
Copier le lien de Promouvoir la transition vers un secteur du tourisme plus durable dans les villes marocainesAvec plus de 18 millions de visiteurs par an (c’est-à-dire presque 14,5 millions de touristes internationaux et 3,8 millions de visiteurs internes), le tourisme représente un moteur essentiel de l’économie marocaine. Il génère une part importante du PIB national (entre 7 et 8 %) (OCDE, 2023[81]) et plus de 800 000 emplois en 2022. Le Maroc bénéficie en effet de nombreux atouts attractifs pour les touristes, comme une situation géographique stratégique, d’importantes richesses culturelles et une grande diversité géographique. L’activité touristique est par ailleurs un phénomène essentiellement urbain au Maroc, qui se concentre sur un petit nombre de villes, avec Marrakech et Agadir représentant près des deux tiers des nuitées annuelles (Conseil économique, social et environnemental, 2020[82]).
Si la promotion du tourisme est donc essentielle au développement et au dynamisme économique du Maroc, notamment dans les villes, il est nécessaire d’opérer une transition vers un secteur du tourisme plus durable pour éviter les écueils du tourisme de masse. Ce dernier est dommageable pour les espaces naturels et les lieux culturels, appelant donc à un arbitrage entre promotion du tourisme et protection des sites naturels. En effet, l’activité touristique au Maroc exerce une pression majeure sur l'environnement marocain en augmentant les besoins en énergie, nourriture et eau, en contribuant à la création de déchets et en nuisant à la biodiversité (Conseil économique, social et environnemental, 2020[82]).
Le Maroc est déjà engagé vers un tourisme respectueux de l’environnement. Le pays a signé en 2006 la charte marocaine du tourisme responsable, en 2010 la stratégie du tourisme « Vision 2020 », et en 2016 la nouvelle charte pour le tourisme durable qui permet d'intégrer le facteur durabilité à l'ensemble des projets touristiques en termes d'impact sur l'environnement. La Feuille de Route 2023-2026 du secteur du tourisme accorde une place importante au développement durable. Le programme « Go Siyaha du Ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Solidaire et Sociale est» doté d’un budget de 720 millions MAD pour accompagner les entreprises dans leur transition vers des pratiques plus durables et innovantes, encourageant ainsi un tourisme responsable qui soutient à la fois l’économie locale et la préservation de l’environnement. Le Maroc a également mis en place divers labels écologiques tels que « clé verte » pour les hôtels et « pavillon bleu ». Cependant, le Maroc doit aller plus loin dans l’opérationnalisation des stratégies adoptées. De plus, la mise en place d’indicateurs de durabilité et de dispositifs de veille régionaux s’est heurtée à un manque d’adhésion des différentes parties concernées (Conseil économique, social et environnemental, 2020[82]).
La crise de COVID-19, l’évolution du paysage économique et géopolitique ces dernières années, et plus récemment le séisme de 2023 ont entraîné des changements importants pour les touristes, les entreprises et les destinations, ouvrant par là-même des possibilités de mutation et de promotion de la transition verte dans le secteur du tourisme que le Maroc doit saisir. Pour promouvoir un tourisme plus vert, le Maroc pourrait notamment (OCDE, 2023[83]) :
Développer une approche intégrée d’une vision durable du tourisme, incluant des objectifs et ambitions clairs, accompagnée de plans d'actions et de mécanismes permettant une coordination efficace entre les différents échelons de gouvernement ;
Mettre en place des outils de mesure basée sur des données factuelles ;
Promouvoir une « culture carbone » et renforcer la capacité des acteurs du tourisme à élaborer des solutions innovantes, offrir des solutions de voyages durables, et aider les entreprises à réduire leur impact environnemental ;
Tirer parti de cette mutation du secteur du tourisme vers un tourisme durable pour mettre en place des infrastructures touristiques ayant fait l’objet de marchés publics ou financées par des fonds publics qui contribueront à un développement touristique résilient à l’environnement et au climat.
Afin de mettre en œuvre ces recommandations, le Maroc pourrait s’inspirer de nombreuses politiques de pays de l’OCDE dont quelques exemples sont détaillés dans l’Encadré 4.12.
Encadré 4.12. La promotion du tourisme vert dans une sélection de pays et de villes de l’OCDE
Copier le lien de Encadré 4.12. La promotion du tourisme vert dans une sélection de pays et de villes de l’OCDEAu niveau national
Copier le lien de Au niveau nationalLa Norvège a développé un outil, appelé CO2rism, pour évaluer le volume d’émissions générées par le transport des voyageurs à destination de la Norvège et pendant leur séjour dans le pays.
Au Portugal, 43 indicateurs de durabilité sont utilisés pour établir une base de données et évaluer les progrès des entreprises du tourisme en matière de durabilité. Des enquêtes sont régulièrement réalisées sur les pratiques environnementales et la responsabilité sociale des hôtels et des terrains de golf.
Des pays comme l’Islande ou la Nouvelle-Zélande ont mis en place des pactes et des codes de conduite à l’intention des visiteurs pour susciter une évolution des comportements des touristes vers des comportements plus responsables. Le « serment islandais » ou la « promesse Tiaki » en Nouvelle-Zélande encouragent ainsi les voyageurs à être respectueux de l’environnement et à adopter un comportement actif dans la gestion de leur impact sur la nature.
Au niveau local
Copier le lien de Au niveau localLe plan Visit Valencia à Valence, Espagne, comporte des mesures concrètes pour que la ville devienne neutre en carbone d’ici 2025. Le plan s’appuie sur le guide des ODD (« SDG Compass ») pour évaluer et améliorer ses performances. La feuille de route pour la décarbonation comprend trois étapes : i) le calcul de l’empreinte carbone ; ii) la mise en œuvre d’un système de gestion informatique ; et iii) le développement de projets de compensation sur le territoire. La stratégie climatique adoptée a également pour objectif d’améliorer la qualité de vie des résidents et d’enrichir le patrimoine culturel et naturel de la ville.
En Autriche, les deux régions Nassfeld-Pressegger See/Lesachtal/Weissensee et Zell am See-Kaprun, deux régions touristiques du pays, ont été désignées régions modèles en matière d’action climatique. Depuis 2021, elles bénéficient ainsi chacune d’une dotation de 1 million EUR du Fonds pour le climat et l’énergie autrichien (Klimaund Energiefonds), qui a pour objectif de renforcer le recours aux sources d’énergie locales, d’améliorer l’efficience énergétique et d’œuvrer à la décarbonation de la mobilité. Le projet « Clean Alpine Region » déployé dans le Tyrol aide également les régions touristiques à adopter des mesures de protection du climat.
À Marseille en France, face au surtourisme et la surfréquentation du site des Calanques, le Parc national des Calanques a mis en place des règles limitant le nombre de visiteurs pour les calanques les plus fréquentées et qui sont victimes d’une érosion très marquée liée à la surfréquentation en soumettant leur accès à une réservation obligatoire (gratuite) pendant la très-haute saison. Cette mesure expérimentée pour la première fois en 2022 pour la calanque de Sugiton a permis d’observer des résultats encourageant concernant le ralentissement de l’érosion et la régénération de la nature. Cette mesure a été reconduite pour une période de 5 ans, de 2023 à 2027, au terme de laquelle des évaluations scientifiques seront réalisées pour mesurer la pertinence de cette mesure.
Venise, Italie, a mis en place des mesures pour limiter le tourisme de masse et promouvoir le tourisme durable, notamment l’interdiction d’entrée dans le port des plus gros navires de croisière, évitant environ 50 000 tonnes de déchets par an et des dégâts importants sur la lagune, et une taxe de 5 EUR pour les touristes venant un seul jour à partir de 2024.
Source : OECD (2023[83]), Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE 2022, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/d0aa9828-fr ; (Parc national des Calanques, s.d.[84]) ; Institut Sapiens (2023[85]), Venise et la gestion du tourisme de masse.
Des initiatives mises en place au niveau local au Maroc pourraient également servir d’inspiration et être adoptées de manière plus large au niveau national. Par exemple, Marrakech, la première ville touristique du pays, s'engage activement en faveur du tourisme durable en mettant en œuvre des politiques environnementales, une meilleure gestion des ressources en eau et en énergie, et des mesures de sensibilisation à l’environnement. Des établissements touristiques ont adopté des pratiques durables, recevant des labels écologiques comme la « clé verte ». La ville promeut également le tourisme éco-responsable à travers des projets comme les bus électriques et le système de vélos en libre-service, Medina Bike, contribuant à la réduction des gaz à effet de serre. De même, le projet « Renforcement du développement durable de Marrakech » est soutenu par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Lancé en mai 2023, il a pour objectif d’accélérer la transformation écologique de la ville de Marrakech, au travers de nombreux piliers, dont l’écotourisme (PNUD, 2023[86]).
Encourager le développement de l’économie circulaire dans les villes
Copier le lien de Encourager le développement de l’économie circulaire dans les villesPour atteindre les objectifs de durabilité, l’économie circulaire représente une opportunité majeure pour les villes marocaines de repenser les modèles de production et de consommation, en opérant une transition d’un modèle d’économie linéaire (extraire-fabriquer-consommer-jeter) à un modèle économique circulaire. Grâce à une utilisation plus efficace des ressources, à l'éco-conception, à la réutilisation, au réemploi et à la remanufacturation, l'économie circulaire propose une nouvelle manière de penser et permet également de renforcer la résilience des villes et du pays face aux crises futures. L'économie circulaire repose sur trois principes : i) éliminer les déchets et la pollution ; ii) continuer d’utiliser les produits et les matériaux ; et iii) régénérer les systèmes naturels. Dans les villes, l'économie circulaire implique un changement systémique. Elle implique que les services soient fournis sur la base d’une utilisation efficace des ressources naturelles comme matières premières et en optimisant leur réutilisation ; que les activités économiques soient planifiées et réalisées de manière à fermer, ralentir et réduire les boucles de chaînes de valeur ; et que les infrastructures soient conçues et construites de telle manière à ce qu’elles évitent le gaspillage de matériaux (OECD, 2020[87]).
L'adoption d’un modèle d’économie circulaire dans les villes marocaines devrait générer des impacts positifs sur l'environnement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, en augmentant la part des énergies renouvelables et des ressources recyclables, ainsi qu'en réduisant l'utilisation de matières premières, en particulier d’eau. Le changement de paradigme vers l’économie circulaire devrait aussi participer à promouvoir la croissance économique marocaine. En effet, il est estimé qu’à l’échelle mondiale, le passage d'une approche linéaire de « prendre, fabriquer et jeter » à un modèle circulaire pourrait générer jusqu'à 4,5 milliards USD de potentiel de croissance économique d'ici 2030, en plus des 700 milliards USD d'économies de matériaux. De plus, les activités liées à l’économie circulaire telles que la réparation, l'entretien, l'amélioration, la remanufacturation, la réutilisation, le recyclage des matériaux et l'extension de la durée de vie des produits, sont plus intensives en main-d'œuvre que l'extraction minière et la fabrication d'une économie linéaire, et pourraient donc créer des opportunités d'emploi (OECD, 2020[87]).
Le Maroc a placé l’économie circulaire au cœur de ses stratégies de développement durable. En effet, l’économie circulaire est un élément clé de la Stratégie Nationale de Développement Durable du Maroc, apparaissant comme un objectif central permettant de faire face à l’épuisement des ressources naturelles (« une réelle économie de l’environnement est possible à travers la mise en œuvre d’une économie circulaire »). L’économie circulaire fait également l’objet d’un axe stratégique intitulé « Promouvoir une gestion intégrée des déchets pour mettre en œuvre une économie circulaire ». De plus, au-delà de la loi-cadre sur la gestion des déchets adoptée en 2006, le Maroc a développé la Stratégie nationale pour la réduction et la valorisation des déchets, qui met l’accent sur la réduction, le recyclage et la valorisation des déchets.
Malgré l’existence de ces cadres, la mise en œuvre concrète de stratégies d’économie circulaire reste encore très limitée dans les villes du Maroc. Si certaines démarches locales, notamment dans les villes de Rabat, Fès et Oujda, ont enregistré des résultats encourageants dans la récupération et la valorisation de verre, carton et déchets industriels, les initiatives entreprises sont encore restreintes et connaissent des résultats relativement modestes en matière de recyclage et de valorisation. En effet, les déchets, responsables de 7,5 % des émissions de gaz à effet de serre au Maroc, ont un taux de recyclage d’environ seulement 10 %. Les villes sont les principales créatrices de déchets sur le territoire marocain, avec une production moyenne annuelle de déchets ménagers estimée à plus de 5,5 millions de tonnes de déchets par an en milieu urbain, soit environ 0,8 kg par jour et par individu, par rapport à 1,6 millions de tonnes de déchets par an en milieu rural, soit l’équivalent moyen de 0,3 kg par jour et par individu (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[88]).
La réutilisation des eaux usées demeure également modeste, avec un pourcentage d’utilisation des eaux usées épurées de 17 % dans le secteur industriel et de 51 % dans l’arrosage des espaces verts. Des initiatives très positives sont néanmoins mises en place dans certaines grandes villes pour promouvoir l’utilisation des eaux usées et réduire la consommation d’eau. C’est le cas notamment à Casablanca, qui a développé un programme de réutilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des espaces verts et des golfs de la commune dans le cadre de la démarche environnementale du plan communal 2023-2028, en réponse notamment au stress hydrique très important que subit la ville (Medias24, 2024[89]). Un projet de coopération internationale d’économie circulaire de l’eau en milieu urbain est également en cours avec l’Allemagne avec pour objectifs des aspects liés à l’approvisionnement durable, l’éco-conception, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de fonctionnalité, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage, et le recyclage et valorisation des eaux usées. Cependant, le faible niveau général de réutilisation des eaux usées dans les villes du Maroc trouve sa source dans plusieurs défis comme la difficulté d’accès au financement, le manque de disponibilité du foncier pour installer des stations d’épuration, et l’absence d’une réglementation relative à la mise en décharge des boues résiduelles (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[88]).
Pour accélérer les efforts et ériger l’économie circulaire en véritable pôle de développement durable dans les villes, le Maroc pourrait intégrer la promotion de l’économie circulaire comme un objectif stratégique de sa Politique Nationale Urbaine. C’est ce qu’a fait par exemple l’Espagne où l’Agenda Urbain (Agenda Urbana Española) – la stratégie du gouvernement espagnol pour atteindre les objectifs de durabilité – inclut comme quatrième objectif la promotion « d’une utilisation durable des ressources et la favorisation de l’économie circulaire » (OECD, 2020[90]). De plus, afin d’orienter les municipalités et les provinces dans leur transition vers un modèle d’économie circulaire, la Fédération Espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP) a développé un Modèle de Stratégie Locale d’Économie Circulaire (Modelo de estrategia local de economía circular) pour aider chacune des 8 131 municipalités espagnoles à élaborer son propre programme de durabilité autour de cinq axes : la gestion durable des déchets ; la réutilisation des eaux usées ; l’adoption d’une approche de planification urbaine régénérative pour revitaliser les anciens quartiers ; la favorisation de la consommation responsable et de la minimisation du gaspillage alimentaire ; et la communication et la sensibilisation.
D’autres types d’initiatives innovantes peuvent être mises en œuvre dans les villes pour réduire l’utilisation des ressources, tout en promouvant la durabilité et améliorant la qualité de l’air, la santé et le bien-être des résidents des villes marocaines. L’agriculture urbaine ou verticale, par exemple, offre une solution novatrice à la production alimentaire en milieu urbain, en valorisant des ressources d’habitude inexploitées (espaces vacants, la chaleur perdue, la matière organique des déchets ménagers ou verts, les eaux de ruissellement, etc.), s’inscrivant ainsi dans l’économie circulaire (Institut Veolia, s.d.[91]).
Intégrer la problématique de l’eau au cœur de la politique urbaine nationale du Maroc
Copier le lien de Intégrer la problématique de l’eau au cœur de la politique urbaine nationale du MarocLes villes au Maroc font face à plusieurs défis majeurs liés à l’eau. Tout d’abord, la croissance urbaine rapide que le Maroc a connu ces dernières décennies a exercé une pression accrue sur les ressources hydriques liée à l’augmentation de la demande en eau potable dans les villes. Ce stress hydrique est exacerbé par le changement climatique, avec des épisodes de sécheresse de plus en plus intenses, longs et fréquents, et une diminution des ressources en eau potable au cours de ces dernières années. De plus, l’accès inégal à l’eau potable reste un défi dans de nombreuses zones urbaines, affectant particulièrement les zones de logements informels et les groupes de population vulnérables. En plus du stress hydrique, les villes marocaines sont également confrontées à des risques d’inondations qui peuvent avoir des conséquences dévastatrices amplifiées par divers facteurs de vulnérabilité comme la présence d’infrastructures vieillissantes, la persistance d’un habitat insalubre ou l’implantation des populations vulnérables dans les zones à risque. Les inondations de 2021 à Casablanca et Tanger ont ainsi souligné la vulnérabilité des infrastructures urbaines face aux événements météorologiques extrêmes. L’élévation du niveau de la mer – conséquence du changement climatique – constitue un autre risque majeur lié à l’eau pour les villes marocaines, exacerbé par la topographie et la croissance démographique rapide sur le littoral. Les risques accrus d’inondations et d’érosion côtière menacent notamment les infrastructures urbaines et les zones résidentielles situées près des côtes.
Le Maroc a déjà mis en œuvre de nombreuses initiatives en réponse à ces défis, comme la création d’une commission nationale de l’eau présidée par le Ministre de l’Équipement et de l’Eau. Pour faire face à la pénurie d’eau, de grands projets tels que la création de l’usine de dessalement d’Al Jadida ont été lancés, tandis que des changements majeurs dans la politique de l’eau ont été adoptés, notamment la loi 36-15 de 2018, qui vise à établir un cadre juridique pour le dessalement de l’eau de mer, à renforcer le cadre institutionnel, à fournir des outils pour protéger et préserver les ressources en eau, et à améliorer les conditions de prévention des phénomènes extrêmes liés au changement climatique.
Cependant, pour répondre aux enjeux spécifiques des villes, il est nécessaire d’intégrer la problématique de l’eau dans la politique urbaine nationale du Maroc, comme cela est fait par exemple dans la Politique Urbaine Nationale de l’Australie (Australian Government, 2024[92]). Ceci passe par la garantie de l’accès universel aux services d’eau et d’assainissement dans les grandes villes, dans les zones périurbaines et les villes de moyenne et petite taille, grâce à des investissements accrus dans la construction et la réhabilitation des infrastructures de distribution d’eau potable, en s’appuyant sur la Nouvelle Charte d’Investissement pour soutenir les projets innovants. Il est également essentiel de prendre en compte les risques de sécheresse et d’inondation dans les mécanismes de planification urbaine et processus décisionnels y afférents. Les solutions technologiques peuvent également contribuer à minimiser l’empreinte eau dans les aménagements urbains pour garantir une utilisation durable des ressources hydriques, réduire la pression sur les systèmes d'approvisionnement existants et améliorer la résilience des villes face aux défis du changement climatique. Pour cela, le Maroc peut s’appuyer sur des projets déjà en cours d’économie circulaire de l’eau en milieu urbain (voir section précédente).
Renforcer la résilience économique, sociale et environnementale des villes marocaines, notamment leur capacité d’adaptation au changement climatique
Copier le lien de Renforcer la résilience économique, sociale et environnementale des villes marocaines, notamment leur capacité d’adaptation au changement climatiquePromouvoir la résilience comme pilier central de la politique urbaine nationale du Maroc est essentiel pour les villes qui sont confrontées à des risques croissants, comme les catastrophes naturelles ou autres impacts du changement climatique, ou les crises sanitaires et chocs macroéconomiques.
Le Maroc a réalisé des progrès significatifs dans le renforcement de sa résilience aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques, mais doit encore changer plus profondément de paradigme pour passer d’une logique de gestion de crise à une approche de gestion de risques. La Stratégie Nationale de Gestion des Risques de Catastrophes Naturelles 2020-2030 a été mise en place dans l’optique de réduire la vulnérabilité et renforcer la résilience des populations et des territoires face aux catastrophes naturelles. Cette Stratégie s’articule autour de trois objectifs : améliorer la connaissance et l’évaluation des risques ; promouvoir la prévention des risques pour renforcer la résilience ; et améliorer la préparation aux catastrophes naturelles pour un relèvement rapide et une reconstruction efficace. Soutenu par la Banque Mondiale, le Maroc a également mis en œuvre plus de 230 projets de réduction des risques de catastrophes structurels, comme des mesures de protection contre les inondations, des systèmes d’alerte précoce et la cartographie des risques de catastrophe en tant qu’outil de prévention. Le système d’alerte précoce aux risques d’inondation, opérationnel depuis 2023, profite à environ 240 000 personnes dans les zones pilotes. En 2020, le Maroc a mis en place une structure dédiée à la gestion des risques de catastrophe au sein du ministère de l’Intérieur. L’année d’après, le pays a adopté sa première stratégie nationale de gestion des risques de catastrophe (2021-2030), conduisant à la création de plans d’action dont certains programmes et projets sont en cours. Le Maroc a également mis en place un régime innovant d’assurance contre les risques de catastrophe en 2016, suivi d’un Fonds public de solidarité (FSEC) pour les populations non assurées. L’efficacité de ce dernier a été démontrée après le tremblement de terre d’Al-Haouz, en septembre 2023, avec la mobilisation de 300 millions de dollars pour couvrir les pertes éligibles. De plus, un modèle de risque de catastrophe (MnhPRA) a été développé en 2012 pour estimer l’impact économique des catastrophes potentielles. Depuis 2021, le FSEC a mené de nouvelles modélisations des risques et coordonné des stratégies de résilience urbaine qui peuvent être reproduites dans d’autres communes. Dans le même sens, un Observatoire national des risques est en cours de renforcement, pour une pleine opérationnalisation.
Pour renforcer la résilience des villes marocaines, il est essentiel d’établir également une vision à la fois proactive et réactive, pour tous les projets structurants et les équipements urbains, notamment pour anticiper et gérer efficacement les besoins de réparation et de conservation des infrastructures urbaines et prolonger leur durée de vie tout en contribuant à renforcer la résilience des villes face aux défis environnementaux croissants, les risques naturels et géologiques, les risques de crise sanitaire et chocs macroéconomiques. Pour atteindre cet objectif, un certain nombre d’actions peuvent être mises en œuvre, notamment :
Moderniser le cadre réglementaire relatif à l’urbanisme pour l’adapter aux défis actuels et futurs ;
Intégrer la dimension risque dans l’ensemble des plans territoriaux et développer la cartographie des risques au niveau territorial, via l’élaboration de plans d’urgence, la mise en place de systèmes d’alerte précoce, le développement d’observatoires des aléas, et la généralisation de la cartographie des zones à risque prioritaires pour les interventions, comme cela est fait aux États-Unis, par exemple, avec le portail de cartographie climatique pour la résilience et l'adaptation qui aide les parties prenantes infranationales à suivre en temps réel les impacts du changement climatique et à trouver des opportunités de financement fédéral pour couvrir leurs projets de résilience climatique (OECD, 2023[76]) ;
Mieux intégrer les priorités de l’adaptation au changement climatique dans l’urbanisme afin de favoriser la résilience des infrastructures, services, activités économiques et populations dans les documents de planification urbaine ;
Sensibiliser les populations, notamment locales, à une culture du risque et de la résilience, par exemple grâce à une campagne nationale de communication sur les réflexes à avoir en cas de catastrophe naturelle ou crise majeure ;
Investir dans la construction et la rénovation d’infrastructures et bâtiments capables de résister aux épisodes extrêmes et intégrer des espaces refuges dans les plans d’urbanisme ;
Maximiser le potentiel des données et nouvelles technologies pour modéliser les crises et risques ainsi que leurs impacts sur les populations et infrastructures, dans le cadre d’un exercice prospectif afin de guider la prise de décision. Pour cela, le Maroc peut s’inspirer du modèle climatique à haute résolution spatiale développé en Italie qui aide les communes à comprendre leurs risques spécifiques en leur permettant de réduire l'échelle d’application du modèle et de faire fonctionner des modèles climatiques régionaux avec des mailles beaucoup plus petites, de l'ordre du kilomètre (OECD, 2023[76]). En Corée, le Centre coréen d'adaptation au changement climatique a développé un outil d'évaluation de la vulnérabilité au changement climatique (VESTAP) pour aider les provinces et les gouvernements municipaux à évaluer leur vulnérabilité. Cet outil, basé sur un système d'information géographique (SIG), aide les municipalités à visualiser leurs risques climatiques en offrant des données sur l'exposition au climat, la sensibilité et la capacité d'adaptation. Les gouvernements locaux peuvent également effectuer leur propre évaluation en modifiant les pondérations et en ajoutant de nouveaux indicateurs (OECD, 2023[76]).
Références
[36] ANRT (2023), Équipement et usages des TIC par les ménages et les individus, https://www.anrt.ma/sites/default/files/publications/enquete_tic_2023_-_synthese_fr.pdf?csrt=14557517448872084080.
[51] ANRU (s.d.), Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, https://www.anru.fr/.
[7] ANRUR (n.d.), Stratégie, https://anrur.gov.ma/pages/voir/032822-strategie-lanrur.
[29] Assises Nationales du Foncier (2015), La politique foncière de l’État et son rôle dans le développement économique et social.
[27] Assises nationales sur la politique foncière de l’État (2015), Rapport de synthèse sur l’état des lieux du secteur du foncier, http://www.agadirinvest.com/wp-content/uploads/2015/03/RAPPORT-DE-SYNTHESE-SUR-LETAT-DES-LIEUX-DU-FONCIER-AU-MAROC-1.pdf.
[22] Atlas, N. (s.d.), About the National Zoning Atlas, https://www.zoningatlas.org/about.
[92] Australian Government (2024), National Urban Policy (Consultation Draft), https://www.infrastructure.gov.au/sites/default/files/documents/draft-national-urban-policy.pdf.
[65] Badrane, M. (2024), Gestion déléguée/transport : Le ministère de l’intérieur veut revoir le modèle, https://aujourdhui.ma/actualite/gestion-deleguee-transport-le-ministere-de-linterieur-veut-revoir-le-modele.
[74] Banque Mondiale (2022), Donner aux villes marocaines les moyens de s’adapter et de prospérer face aux catastrophes naturelles, https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2022/12/20/empowering-moroccan-cities-to-adapt-and-thrive-in-the-face-of-disasters.
[44] Banque Mondiale (2021), Analyser les défis de l’emploi au Maroc, https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2021/03/30/employment-prospects-for-moroccans-diagnosing-the-barriers-to-good-jobs.
[55] Banque Mondiale (2015), Document d’évaluation de programme relatif à un prêt proposé d’un montant de 200 millions USD au Royaume du Maroc pour un Programme d’Appui au Secteur des Déplacements Urbains (PPR).
[25] Bronin, S. (2021), « Exclusion, Control, and Consequence in 2,622 Zoning Districts », SSRN Electronic Journal, https://doi.org/10.2139/ssrn.3792544.
[8] Casa Anfa (s.d.), Casa Anfa, https://casaanfa.com/fr/index.html#header.
[56] Casa Transport (2018), Plan de déplacements urbains, premiers résultats et horizons, https://casatransport.ma/storage/presses/19-01/NXYvm2Ogf37df45zTJArbdavzZ5pxgUFAnvzZ5Gq.pdf.
[60] Casa Transports (2018), Mobility strategy of Casablanca: Innovations in transportation and urban planning.
[31] Centre Régional d’Investissement Casablanca-Settat (s.d.), Charte de l’Investissement, https://casainvest.ma/fr/charte-de-l%E2%80%99investissement.
[19] CEREMA (2021), Projet d’intérêt général et opération d’intérêt national: Présentation comparée, https://outil2amenagement.cerema.fr/sites/outils2am/files/fichiers/2023/09/Fiche_outils_Le%20projet%20d%E2%80%99int%C3%A9r%C3%AAt%20g%C3%A9n%C3%A9ral_PIG_et%20l%E2%80%99op%C3%A9ration%20d%E2%80%99int%C3%A9r%C3%AAt%20national_OIN.pdf.
[20] CEREMA (2020), Aménagement opérationnel - ZAC, https://outil2amenagement.cerema.fr/sites/outils2am/files/fichiers/2023/08/Fiche_outils_ZAC.pdf.
[26] Conseil Économique Social et Environnemental (2017), Réussir la transition vers des villes durables, https://www.local2030.org/library/497/Rapport-sur-les-Cls-de-succs-de-management-de-la-transition-vers-des-villes-durables-au-Maroc.pdf.
[88] Conseil Économique, Social et Environnemental (2023), Intégration des principes de l’économie circulaire aux traitements des déchets ménagers et des eaux usées, https://www.cese.ma/media/2023/01/Economie-circulaire.pdf.
[69] Conseil Économique, Social et Environnemental (2021), La mobilité durable: Vers des moyens de transport durables et accessibles, https://www.cese.ma/media/2023/09/Mobilite%CC%81-durable.pdf.
[13] Conseil Économique, Social et Environnemental (2014), Étude d’impact des dérogations dans le domaine de l’urbanisme, https://www.cese.ma/media/2020/10/Rapport-Etude-d%E2%80%99impact-des-d%C3%A9rogations-dans-le-domaine-de-l%E2%80%99urbanisme-%E2%80%8B.pdf.
[82] Conseil économique, social et environnemental (2020), Le tourisme, levier de développement durable et d’intégration, https://www.cese.ma/media/2021/03/Avis-sur-le-tourisme-VF-1.pdf.
[57] Coopération Municipale CoMun (2015), Le service de transport public urbain: Diagnostic comparatif dans six agglomérations marocaines, https://www.mobiliseyourcity.net/sites/default/files/2019-12/3.%20Guide%20Diagnostic%20comparatif%20dans%206%20agglome%CC%81rations%20marocaines.pdf.
[33] Cour des Comptes (2022), Le Programme Action Coeur de Ville Exercices 2018-2021, Cour des Comptes, Paris, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-09/20220929-S2022-1266-1-programme-action-coeur-ville.pdf.
[59] Delahais, T. et J. Alouis (2021), « Évaluation ex post des impacts des tramways de Casablanca et de Rabat-Salé – 2020 », Évaluation de l’AFD, vol. 86, https://www.mobiliseyourcity.net/sites/default/files/2021-04/EXPOST_86_pages_web_FINAL.pdf.
[10] Direction de l’Urbanisme (2023), Stratégie nationale de renouvellement urbain au Maroc, https://aut.gov.ma/s/a/library/2024-02-29/db0ecfa4-d202-426f-a491-f4dc88ade1cf.pdf.
[1] Direction de l’urbanisme (2022), Évaluation en vue du Dialogue national de l’urbanisme et de l’habitat.
[18] Hajar, N. (2020), La participation citoyenne dans les projets urbains, https://issuu.com/nizarh10/docs/participation_citoyenne_nh_memo.
[41] Haut Commissariat au Plan (2020), Évolution du niveau de vie des ménages et impact de la pandémie COVID-19 sur les inégalités sociales, https://www.hcp.ma/Evolution-du-niveau-de-vie-des-menages-et-impact-de-la-pandemie-COVID-19-sur-les-inegalites-sociales_a2676.html.
[43] Haut Commissariat au Plan (s.d.), Indicateurs chômage, https://www.hcp.ma/Taux-de-Chomage-annuel-selon-le-milieu_a2930.html.
[85] Institut Sapiens (2023), Venise et la gestion du tourisme de masse, https://www.institutsapiens.fr/observatoire/venise-et-la-gestion-du-tourisme-de-masse/.
[91] Institut Veolia (s.d.), Agriculture urbaine: Nourrir les villes autrement, https://www.institut.veolia.org/sites/g/files/dvc2551/files/document/2019/11/Agriculture%20urbaine%2C%20une%20revue%20de%20l%27Institut%20Veolia.pdf.
[62] ITF (2021), Décarboner les Transports au Maroc: Quelques Pistes pour l’Avenir, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/decarboner-transports-maroc.pdf.
[72] ITF (2019), Transport Connectivity: A Gender Perspective, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/transport-connectivity-gender-perspective.pdf.
[73] ITF (2018), Women’s Safety and Security: A Public Transport Priority, https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/womens-safety-security_0.pdf.
[40] Kadiri, G. (2017), Tamesna, une ville « pas smart du tout » aux portes de Rabat, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/08/30/tamesna-une-ville-pas-smart-du-tout-aux-portes-de-rabat_5178701_3212.html#:~:text=Tamesna%2C%20cr%C3%A9%C3%A9e%20en%202007%20aux,qualit%C3%A9%20%C3%A0%20250%20000%20habitants.
[6] MATNUHPV (2022), Rapport national sur la mise en oeuvre du nouvel agenda urbain 2016-2020, https://www.urbanagendaplatform.org/sites/default/files/2022-03/Kingdom%20of%20Morocco%20NUA%20Report%2018%20March%202022.pdf.
[32] MATNUHPV (2022), Rapport national sur la mise en oeuvre du nouvel agenda urbain 2016-2020, https://www.urbanagendaplatform.org/sites/default/files/2022-03/Kingdom%20of%20Morocco%20NUA%20Report%2018%20March%202022.pdf.
[50] MATNUHPV (2021), La Politique de la Ville au Maroc: Diagnostic, Bilan, Evaluation et Feuille de Route.
[49] MATNUHPV (2018), Guide de la Politique de la Ville, http://www.mhpv.gov.ma/wp-content/uploads/2018/03/guide-pv.pdf.
[53] MATNUHPV et ONU Femmes (2020), Guide référentiel: Pour des espaces publics urbains plus accessibles aux femmes et aux filles, https://morocco.unwomen.org/sites/default/files/Field%20Office%20Morocco/Documents/Publications/2021/GUIDE%20REF%20fr%20050321.pdf.
[58] Medias 24 (2022), « Les recommandations d’experts pour améliorer la mobilité urbaine au Maroc », https://medias24.com/2022/06/28/les-recommandations-dexperts-pour-ameliorer-la-mobilite-urbaine-au-maroc/.
[89] Medias24 (2024), Casablanca: lancement de projets de réutilisation des eaux usées pour l’arrosage des espaces verts, https://medias24.com/2024/01/05/casablanca-des-projets-lances-pour-la-reutilisation-des-eaux-usees-pour-larrosage-des-espaces-verts/.
[9] Médias24 (2022), Le pôle urbain Casa Anfa prend forme, https://medias24.com/2022/08/22/images-le-pole-urbain-casa-anfa-prend-forme/.
[70] Ministère de la Solidarité, D. (n.d.), Programme d’instauration et de développement des accessibilités, https://social.gov.ma/programme-villes-accessibles/.
[78] Ministère de la Transition Énergétique (2021), Stratégie Bas Carbone à Long Terme Maroc 2050, https://unfccc.int/sites/default/files/resource/MAR_LTS_Dec2021.pdf.
[77] Ministère de l’Énergie (2021), Contribution déterminée au niveau national - actualisée, https://unfccc.int/sites/default/files/NDC/2022-06/Moroccan%20updated%20NDC%202021%20_Fr.pdf.
[79] Ministère de l’Énergie (2020), Plan Climat National À l’Horizon 2030, https://www.umi.ac.ma/wp-content/uploads/2020/11/ODD-13-A8-Plan-climat-national-horizon-2030.pdf.
[45] Ministry of Development Funds and Regional Policy of Poland (2022), National Urban Policy 2030, https://www.gov.pl/web/funds-regional-policy/national-urban-policy.
[17] Mouloudi, H. (2016), Le projet d’aménagement de la vallée du Bou Regreg à l’épreuve de l’enquête publique et des délibérations communales, Participations, https://doi.org/10.3917/parti.015.0221.
[81] OCDE (2023), « Maroc », dans Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 2022, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f25dc09e-fr.
[83] OCDE (2023), Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 2022, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d0aa9828-fr.
[42] OCDE (2019), Principes de l’OCDE sur la politique urbaine, https://www.oecd.org/cfe/cities/Principes-OCDE-sur-la-politique-urbaine.pdf (consulté le 10 mars 2021).
[2] OCDE (2018), Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial : Enjeux et Recommandations pour une action publique coordonnée, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264302884-fr.
[4] OCDE (2013), Panorama des régions de l’OCDE 2013, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/reg_glance-2013-fr.
[67] OECD (2024), Leveraging culture, sports and business events for local development, https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2024/07/leveraging-culture-sports-and-business-events-for-local-development_950ff8eb/9080aeae-en.pdf.
[76] OECD (2023), A Territorial Approach to Climate Action and Resilience, OECD Regional Development Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/1ec42b0a-en.
[66] OECD (2023), Financing Cities of Tomorrow : G20/OECD Report for the G20 Infrastructure Working Group under the Indian Presidency, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/51bd124a-en.
[47] OECD (2023), Policy Options for Labour Market Challenges in Amsterdam and Other Dutch Cities, OECD Reviews on Local Job Creation, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/181c0fff-en.
[80] OECD (2022), Decarbonising Buildings in Cities and Regions, OECD Urban Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/a48ce566-en.
[48] OECD (2022), « Future-proofing adult learning systems in cities and regions : A policy manual for local governments », OECD Local Economic and Employment Development (LEED) Papers, n° 2022/03, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/11fa26cc-en.
[11] OECD (2022), « Implementation toolkit of the OECD Principles on urban policy », OECD Regional Development Papers, n° 31, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/630e0341-en.
[35] OECD (2022), Urban-Rural Linkages in Poland, OECD Regional Development Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/94b5c782-en.
[87] OECD (2020), The Circular Economy in Cities and Regions : Synthesis Report, OECD Urban Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/10ac6ae4-en.
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[38] OECD (2019), Enhancing the contribution of digitalisation to the smart cities of the future, https://www.oecd.org/regional/regionaldevelopment/Smart-Cities-FINAL.pdf.
[5] OECD (2018), Rethinking Urban Sprawl : Moving Towards Sustainable Cities, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264189881-en.
[46] OECD (2016), Making Cities Work for All : Data and Actions for Inclusive Growth, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264263260-en.
[63] OECD (2014), The Cost of Air Pollution: Health Impacts of Road Transport, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/9789264210448-en.
[37] OECD (s.d.), Internet access, https://data.oecd.org/ict/internet-access.htm.
[34] OECD (s.d.), Rural-urban linkages, https://www.oecd.org/fr/regional/rural-urban-linkages.htm.
[54] OECD/Lincoln Institute of Land Policy, PKU-Lincoln Institute Center (2022), Global Compendium of Land Value Capture Policies, OECD Regional Development Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/4f9559ee-en.
[3] ÖROK (s.d.), Österreichische Raumordnungskonferenz, https://www.oerok.gv.at/.
[84] Parc national des Calanques (s.d.), Réservation Sugiton, https://www.calanques-parcnational.fr/fr/des-decouvertes/preparer-sa-visite/reservation-sugiton.
[86] PNUD (2023), Marrakech durable : Lancement d’un projet pionnier pour une ville prospère, https://www.undp.org/fr/morocco/communiques/marrakech-durable-lancement-dun-projet-pionnier-pour-une-ville-prospere.
[30] Portail national d’appui à l’entrepreneuriat (s.d.), Accueil, https://www.almoukawala.gov.ma/Pages/index.aspx.
[64] Portail National des Collectivités Territoriales (n.d.), Stratégie Nationale des Déplacements Urbains, https://collectivites-territoriales.gov.ma/fr/strategie-nationale-des-deplacements-urbains.
[12] PPIAF (2019), Étude sur le financement du developpement urbain: Rapport final, https://www.ppiaf.org/documents/5996.
[16] Rachid, A. (2022), Gouvernance des projets d’aménagement de la Vallée du Bouregreg (Rabat-Salé) et de l’Ecocité de Zenata (Grand Casablanca), https://revues.imist.ma/index.php/AMJAU/article/view/32834.
[21] Raqui, S. (2021), URBANISME, SIMPLIFICATION DES PROCEDURES, INVESTISSEMENT… LE BILAN AVEC NOUZHA BOUCHAREB, http://www.sdaugrandsafi.com/urbanisme-simplification-des-procedures-investissement-le-bilan-avec-nouzha-bouchareb/.
[39] SADV (2020), Ville verte de Benguérir, https://www.sadv.ma/sites/default/files/2020-10/OCP_Brochure%20SADV_VilleVerte_VFr_Couv3Volets%20V2.pdf.
[14] Secrétariat Général du Gouvernement (2019), Loi 47-18, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi_47-18.pdf.
[24] The World Bank (2020), Enterprise Surveys: Morocco 2019 Country Profile, https://www.enterprisesurveys.org/content/dam/enterprisesurveys/documents/country/Morocco-2019.pdf.
[71] Transport for London (n.d.), Transport accessibility, https://tfl.gov.uk/transport-accessibility/.
[52] UN Habitat (2020), National urban policies driving public space led development, https://unhabitat.org/sites/default/files/2020/07/national-urban-policies-driving-public-space-led-urban-development.pdf.
[15] UPFI (n.d.), Projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat, https://upfi-med.eib.org/fr/projects/projet-damenagement-de-la-vallee-du-bouregreg-a-rabat-sequence-3/.
[68] Vie publique (2022), Gratuité des transports en commun: une option qui fait débat, https://www.vie-publique.fr/eclairage/286538-transports-publics-gratuits-un-choix-qui-fait-debat.
[23] World Bank (2022), World Bank Country and Lending Groups, https://datahelpdesk.worldbank.org/knowledgebase/articles/906519-world-bank-country-and-lending-groups.
[75] World Bank (2021), Country risk profile: Morocco, https://v2022dev.lebrief.ma/wp-content/uploads/2021/02/15725-WB_Morocco-Country-Profile-WEB.pdf.
[28] World Bank (2019), Leveraging Urbanization to Promote a New Growth Model While Reducing Territorial Disparities in Morocco, The World Bank, Washington, https://openknowledge.worldbank.org/server/api/core/bitstreams/f8b96e97-0742-5460-af4f-d9a89fa71b75/content.
[61] World Health Organisation (s.d.), Estimated road traffic death rate (per 100 000 population), https://www.who.int/data/gho/data/indicators/indicator-details/GHO/estimated-road-traffic-death-rate-(per-100-000-population).
Notes
Copier le lien de Notes← 1. La loi organique 113-14 relative aux communes a doté ces entités territoriales de la compétence de « créer et gérer le service public du transport public urbain ». Aussi et afin d’adopter une approche soutenable en matière d’accompagnement du transport public urbain, et suite aux réformes du cadre institutionnel, législatif et réglementaire, les compétences territoriales ont été adaptées aux périmètres de mobilité urbaine à travers : i) la création des Établissements de coopération Intercommunale (ECI) et des Groupement des collectivités Territoriales (GCT) dans les grandes agglomérations comme cadre de développement de la coopération entre les communes pour une gestion efficace du transport urbain (à ce titre 14 ECI et 3 GCT ont été créés) et ii) la création des Sociétés de Développement Locale (SDL) pour exercer des activités économiques liées au secteur de transport urbain permettant la séparation entre les activités d’investissement et les opérations d’exploitation, et ce, pour épargner le risque commercial aux exploitants (à ce titre 6 SDL ont été créées).
← 2. 11 villes disposent en 2024 d’un PDU (Casablanca, Rabat, Kenitra, Marrakech, Oujda, Agadir, Fès, El Jadida, Tétouan, Beni Mellal et Settat), et d’autres villes sont en cours de réalisation, d’actualisation ou de lancement de leur PDU dans le cadre de la démarche durable PMUD. Toutes les villes et agglomérations urbaines dépassant les 150 000 habitants sont couvertes en documents de planification de la mobilité (PDU/PMUD).