Ce chapitre se penche de manière approfondie sur les défis liés au logement et à l’habitat dans les villes du Maroc et offre une analyse des programmes actuellement mis en œuvre, notamment la politique d’habitat social et la lutte contre l’habitat insalubre. En s’inscrivant dans les orientations du Chapitre 4, ce chapitre propose ensuite des recommandations pour améliorer la politique du logement et de l’habitat dans les villes marocaines, notamment pour impulser une production de logement social raisonnée et de meilleure qualité, soutenir l’amélioration de l’habitat dans le cadre d’une approche intégrée de renouvellement urbain, intégrer le logement locatif dans la politique du logement, et mesurer et évaluer les politiques au niveau national, régional et local.
Revue de la politique urbaine nationale du Maroc
5. Résoudre le défi du logement et de l’habitat dans les villes du Maroc
Copier le lien de 5. Résoudre le défi du logement et de l’habitat dans les villes du MarocAbstract
Introduction et principales conclusions
Copier le lien de Introduction et principales conclusionsL’accès à un logement convenable a été reconnu comme faisant partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (ONU Habitat, 2010[1]).
Au Maroc, disposer d’un logement décent et adapté aux besoins des ménages est un droit constitutionnel. À l’instar des pays de l’OCDE, le logement et l’habitat sont un levier important de développement social et territorial, et moteur de croissance économique. C’est pourquoi, depuis plusieurs décennies, le Maroc a mis en œuvre des politiques interventionnistes majeures destinées à répondre à une demande croissante en logements, notamment dans les villes et à promouvoir la production afin de contribuer à la réduction du déficit de logements et d’améliorer les conditions de vie des ménages marocains, notamment les plus démunis. Les politiques mises en œuvre ont ainsi permis des progrès décisifs et des acquis structurants, y compris en termes de développement urbain.
Cependant, de nombreux défis existent, avec des déficits quantitatifs et qualitatifs en logements qui restent importants. L’inadéquation entre l’offre et la demande, qui persiste depuis plusieurs années et est essentiellement causée par la cherté du foncier, la complexité administrative, et la pression fiscale exercée sur ce secteur, a été amplifiée par les crises mondiales et catastrophes naturelles récentes, et leurs conséquences en termes d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat. Paradoxalement, si les besoins en logements courants et futurs sont très importants dans les villes du Maroc, le nombre de logements vacants est également élevé et en hausse dans les zones urbaines, et doit faire l’objet d’une attention particulière. De plus, certaines politiques de logement mises en œuvre depuis deux décennies au Maroc ont montré des limites. C’est le cas de la politique du logement social, qui a souvent bénéficié à des ménages de classe moyenne plutôt qu’à des ménages à faible revenu, et du programme Villes sans Bidonvilles qui, malgré son succès d’ensemble, n’est pas parvenu à toucher tous les ménages ciblés. Des difficultés persistent également en matière d’intégration du logement dans le tissu urbain en raison de l’insuffisance d’équipements et services dans certains quartiers.
En 2021, le nouveau modèle de développement (NMD) du Maroc qui représente la feuille de route du programme gouvernemental, a préconisé « d’améliorer l’accès à un logement décent et d’adopter une politique de l’habitat qui favorise la mixité sociale, qui contribue à la mobilité et l’inclusion socioéconomique et à un meilleur cadre de vie, et assure un usage efficient des ressources publiques ». Aussi, une nouvelle politique du logement et de l’habitat s’impose au Maroc, fondée sur une production de logements raisonnée, de meilleure qualité qui réponde aux besoins de toutes les catégories sociales, la mise en place d’un cadre d’action et des aides en faveur de l’autoconstruction et/ou l’autoproduction encadrée, une amélioration de l’habitat dans le cadre d’une approche intégrée de renouvellement urbain, une meilleure prise en compte du logement locatif dans la politique du logement, et la promotion de mesures d’évaluation au niveau national, régional et local.
Les défis liés au logement et à l’habitat dans les villes du Maroc
Copier le lien de Les défis liés au logement et à l’habitat dans les villes du MarocDe nombreuses données évoquées dans cette section reposent sur le Recensement de la population et de l’habitat de 2014 (RGPH 2014), l’Enquête Logement réalisée en 2012, et l’Enquête nationale sur la demande d’habitat de 2015, ce qui constitue une limite pour l’analyse. Un nouveau recensement général de la population et de l’habitat sera réalisé en septembre 2024 et une enquête logement est programmée pour 2026.
Des besoins accumulés et futurs en logements importants
Copier le lien de Des besoins accumulés et futurs en logements importantsMalgré une nette amélioration de la situation du logement et de l’habitat dans les villes du Maroc entre les deux derniers recensements de 2004 et 2014 grâce à des politiques interventionnistes majeures comme les programmes d’habitat social, de logements à faible valeur immobilière (VIT) et de Villes sans Bidonvilles (VSB), un certain nombre de défis continuent de se poser. Le premier d’entre eux est la persistance de besoins encore importants. Ces besoins sont liés, d’une part, au déficit quantitatif de logements existants (c’est-à-dire le nombre de logements qui manquent pour satisfaire les besoins actuels) et, d’autre part, aux besoins futurs qui vont se présenter avec la formation de nouveaux ménages et le nécessaire renouvellement du parc de logements. D’après une étude menée en 2014 (dernière estimation disponible), les besoins cumulés en logement (déficit quantitatif de logement et besoins courants et futurs) pour les zones urbaines du Royaume à l’horizon 2030 étaient estimés à 2,9 millions d’unités : près de 600 000 pour le déficit quantitatif à combler, 2,1 millions pour les besoins futurs liés à la formation de nouveaux ménages, et près de 200 000 logements appelés à disparaître. Si ces besoins cumulés ont certainement diminué depuis 2014 grâce à une baisse du déficit quantitatif courant (d’après des données récentes, le déficit en logement a diminué ces toutes dernières années, passant de près de 386 000 unités en 2020 à près de 340 000 unités en 2022), les besoins en logement courants et futurs demeurent importants, résultat de l’accroissement démographique et de l’exode rural. Cette inadéquation entre l’offre et la demande de logements est également due à la cherté du foncier, les lenteurs administratives, et la pression fiscale exercée sur ce secteur. Ces obstacles entraînent ainsi une prolifération de groupements d’habitat sous-équipé et non-réglementaire, notamment en périphérie urbaine. La vétusté et la précarité qui caractérisent l’habitat ancien et l’insalubrité dans plusieurs tissus d’habitat en milieu urbain sont également dues à la pauvreté de leurs occupants.
Si la proportion de bidonvilles et d’habitat sommaire a fortement diminué depuis la mise en place du programme Villes sans Bidonvilles en 2004 (avec un taux de réalisation de 74 % du total des objectifs, plus de 300 000 ménages ayant vu leurs conditions d’habitat s’améliorer à fin 2021 soit 68 % des ménages ciblés actuellement et plus de 100% du nombre initial des ménages ciblés en 2004 (270 000)), la problématique reste encore présente, surtout dans les grandes villes. Le déficit quantitatif de logements est essentiellement composé de logements insalubres à remplacer car ils ne remplissent pas les conditions minimales d’habitat adéquat. Il s’agit notamment des constructions sommaires et menaçant ruine situées dans des bidonvilles, dans des quartiers d’habitat en dur ou dans des tissus urbains anciens de médina, et qui présentent une structure dangereuse, sommaire ou inexistante. La ville de Casablanca est la plus touchée (Encadré 5.1), suivie de Fès, Marrakech, Salé, Tanger et Rabat, ces villes totalisant plus de 40 % du parc de logements devant être remplacés à l’échelle nationale. Les besoins accumulés en logement et non encore satisfaits incluent également les ménages contraints de cohabiter avec d’autres dans leur logement, soit plus de 5 % des ménages des zones urbaines du pays concernés par la cohabitation. Le nombre de logements à produire pour répondre aux besoins des nouveaux ménages correspond à la plus grande part du déficit quantitatif (plus de 70 %) et concerne essentiellement les zones urbaines où il est prévu que la plupart des ménages habiteront dans les décennies à venir.
Encadré 5.1. Bidonvilles et habitat sommaire : une partie importante du déficit quantitatif urbain, en particulier à Casablanca
Copier le lien de Encadré 5.1. Bidonvilles et habitat sommaire : une partie importante du déficit quantitatif urbain, en particulier à CasablancaEn 2014, les trois-quarts des logements de type bidonville ou habitat sommaire, étaient situés dans les zones urbaines.
Au niveau des régions, la région de Casablanca-Settat est de loin la plus concernée par ce type d’habitat. En 2014, elle concentrait environ 45 % du total des logements de ce type dans l’ensemble des zones urbaines du pays et près de la moitié de la population urbaine concernée (près de 500 000 personnes), devant les régions de Rabat-Salé-Kénitra (25,0 % de la population des bidonvilles, avec plus de 260 000 personnes concernées) et de Marrakech-Safi (5,9 %, près de 63 000 personnes). Près de 10 % de la population urbaine de la région du Grand Casablanca-Settat résidait en 2014 dans des logements de type bidonville ou habitat sommaire. La proportion était quant à elle de 8,0 % dans la région de Rabat-Salé-Kenitra.
Au niveau des villes, la ville de Casablanca arrive en tête, avec un peu plus du quart du parc total de bidonvilles urbains du pays. Elle est suivie par la municipalité de Témara (5,5 % du parc), Marrakech (5,1 %), et la municipalité de Ain Harrouda, site d’implantation du grand projet urbain de Zenata, avec un peu plus de 10 000 logements de bidonvilles.
À l’échelle des zones urbaines du pays, plus des deux-tiers des ménages habitants des bidonvilles étaient propriétaires, 11,0 % locataires et 14,6 % logés à titre gratuit. En matière d’équipement, 89 % des bidonvilles disposaient d’une cuisine et 94 % de toilettes. En revanche, 93,3 % n’avaient ni bain moderne ni douche. Seulement 42,0 % des bidonvilles étaient raccordés au réseau de distribution de l’électricité et 70 % au réseau de distribution de l’eau. L’évacuation des eaux usées de ces bidonvilles moyennant le réseau public était quant à elle seulement de 39,0 %.
Source : RGPH 2014.
Des logements vacants très nombreux et en hausse dans les zones urbaines
Copier le lien de Des logements vacants très nombreux et en hausse dans les zones urbainesParadoxalement, si les besoins en logements courants et futurs sont très importants dans les villes du Maroc, le nombre de logements vacants est également élevé et en hausse dans les zones urbaines. Les logements vacants représentent près de 16 % du parc de logements urbains. Environ 90% des logements vacants du pays sont concentrés dans les zones urbaines. D’après les données fournies par l’Enquête Logement de 2012, qui s’était également penchée sur les logements vacants, ceux-ci étaient pour la plupart des logements récents (plus des deux-tiers achevés après 1990) et en relativement bon état. La durée de vacance était relativement élevée puisque 56 % d’entre eux au niveau national étaient inoccupés depuis plus de 24 mois, suggérant une inadéquation entre la demande de logements et la production récente d’habitat (possiblement en termes de types de logement ou de localisation).
Le défi majeur de l’amélioration de l’habitat dans les villes
Copier le lien de Le défi majeur de l’amélioration de l’habitat dans les villesEn plus des besoins quantitatifs en logements, l’amélioration de la qualité de l’habitat dans les villes constitue un autre défi majeur. Cette notion de « déficit qualitatif », qui est employée dans certains pays de l’OCDE tels que le Chili, le Mexique et la Colombie (OECD, 2022[2]), n’existe pas en tant que telle au Maroc. Le déficit qualitatif se réfère aux logements qui ne sont pas considérés comme adéquats mais peuvent néanmoins être améliorés sans être remplacés. Le déficit qualitatif est cependant abordé de façon indirecte et implicite à travers la question de l’insalubrité, qui constitue l’approche privilégiée au Maroc pour évaluer l’état actuel du parc de logements. Depuis plusieurs décennies, la problématique de l’insalubrité occupe une place très importante au Maroc dans le champ des politiques publiques en matière d’habitat. Elle a donné lieu à l’élaboration d’un cadre de référence très détaillé comprenant six niveaux d’insalubrité, destiné à permettre d’identifier de façon très fine les différentes situations existantes en la matière.1
Selon l’Enquête Logement réalisée en 2012, près d’un tiers du parc de logement situé en zones urbaines présentait un niveau d’insalubrité ou un autre, et près des deux-tiers du parc de logements urbains insalubres se situaient dans les régions de Casablanca, Rabat, Tanger, Fès, Meknès et Marrakech. À titre de comparaison, le déficit qualitatif de logements était estimé à 20 % du parc de logement au niveau national au Chili (Henoch, 2022[3]) et concernait 29 % des ménages en Colombie (OECD, 2022[2]). D’après cette même enquête de 2012, pour tous les niveaux d’insalubrité, hormis le premier (qui correspond à des constructions précaires), la maison marocaine moderne, type d’habitat urbain individuel dense, produit par autoconstruction ou autoproduction2, et très répandu au Maroc, est le plus touché par l’insalubrité : près de 90 % de ces logements ne disposaient pas d’au moins un des trois équipements de base, à savoir l’eau potable, l’électricité et l’assainissement ; 82 % n’offraient pas un niveau de confort minimum, c’est-à-dire une cuisine ou des toilettes indépendantes ; 76% présentaient un mauvais rapport avec le milieu extérieur en termes d’ensoleillement, de ventilation et d’éclairage naturel ; 47 % étaient localisés « dans un environnement nuisible en termes de zones infestées, d’atmosphère polluée, de microclimat nuisible et de zones à nuisances » ; et 81 % présentaient une densité d’occupation élevée, avec moins de 9 m² par personne (MHPV, 2015[4]).
Un développement modeste du logement locatif dans les villes marocaines
Copier le lien de Un développement modeste du logement locatif dans les villes marocainesEn milieu urbain, plus de six ménages marocains sur dix (67,3 %) étaient propriétaires de leur logement en 2022 – une proportion élevée même si plus faible que la moyenne des pays de l’OCDE (71,5 %) (OECD, s.d.[5]) – tandis que 22,0 % sont locataires. Entre 2005 et 2022, le Maroc a assisté à une légère augmentation de la part des ménages urbains propriétaires de leur logement (passant de 66,0 % à 67,3 %) tandis que la part des locataires a baissé (passant de 25,2 % à 22,0 %). La part des ménages ayant une autre forme d’occupation (ménages logés gratuitement, ménages occupant des logements de fonction, etc.) a quant à elle légèrement augmenté de 8,8 % à 10,7 % (Haut-Commissariat au Plan, 2024[6]). Malgré les révisions de la loi 67-12 qui régit le secteur du logement locatif, celui-ci représente toujours une faible part des logements au Maroc, notamment en raison des différentes politiques publiques qui ont privilégié l’accès à la propriété grâce à la construction de masse et la réalisation de lotissements. De plus, le recours à l’alternative de la location est limité par la valeur sociale et culturelle accordée à l’accès à la propriété. Selon une enquête réalisée sur les besoins d’habitat en 2015, l’aspiration au logement locatif est très réduite au Maroc, avec seulement 13 % des ménages aspirant à louer leur logement.
En matière de propriété du logement dans les villes, il existe deux modes d’acquisition du logement, d’importance quasi égale : d’une part, l’achat auprès d’un particulier ou d’une entreprise (45,3 % des propriétaires), et d’autre part, l’autoconstruction/production (44,8 %), y compris en milieu urbain, même si celle-ci demeure un peu moindre dans les grandes villes. Cette pratique de l’autoconstruction/production est plus prisée dans certaines régions. Elle atteint ainsi 68,5 % du parc de logements en propriété pour la région de Souss-Massa, 71,5 % pour Draa-Tafilalet, 59,1 % pour l’Oriental et 54,4 % pour Tanger-Tétouan. Même s’il demeure important, le mode d’acquisition par autoconstruction/production est plus faible dans les régions du Grand Casablanca-Settat (31,4 %), de Marrakech-Safi (35,6 %), de Fès-Meknès (37,8 %) et dans la région de Rabat-Salé-Kenitra (41 %). Cette différence s’explique pour une large part par le fait que ces régions sont le territoire des moyennes et grandes opérations immobilières (MHPV, 2016[7]).
Plus encore que la part très importante occupée par la propriété, la tendance de celle-ci à s’accroître toujours plus, au détriment de la location, constitue un point d’attention pour le gouvernement marocain en matière de politique de l’habitat au Maroc. En effet, les travaux de l’OCDE montrent que la propriété permet certes une accumulation de richesse par le biais de la constitution d’un patrimoine (Causa, Woloszko et Leite, 2019[8]), mais que les propriétaires apparaissent moins mobiles que les locataires, ce qui peut les pénaliser au regard des transformations du marché de l’emploi (OCDE, 2021[9]). Le parc locatif joue par ailleurs un rôle très important dans les parcours résidentiels des ménages, à certaines étapes de leur cycle de vie.
En ce qui concerne le niveau des loyers, 73,7 % des ménages locataires urbains payaient en 2015 un montant mensuel variant de moins de 500 MAD à 1 500 MAD (45 EUR à 140 EUR). Le loyer moyen toutes villes confondues était quant à lui de 1 144 MAD (105 EUR), avec toutefois des variations importantes entre les régions. Grand Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima étaient les trois régions affichant les loyers les plus élevés (MHPV, 2016[7]).
Un parc de logements urbains et une production encore largement dominés par l’habitat individuel ou semi-individuel autoconstruit ou autoproduit
Copier le lien de Un parc de logements urbains et une production encore largement dominés par l’habitat individuel ou semi-individuel autoconstruit ou autoproduitMême si la part des appartements a légèrement progressé au sein du parc de logements urbains du pays, passant de 14 % en 2000 à 17,5 % en 2022, la maison marocaine moderne constituait toujours en 2022 le type d’habitat prédominant, avec même une légère augmentation de sa part dans le nombre total de logements, passant de 63 % du nombre total des logements principaux en 2004 à 65 % en 2022 (Haut-Commissariat au Plan, 2024[6]). Ce type d’habitat individuel ou semi-individuel dominait dans toutes les régions et les villes du pays. Bien que moins prégnante dans le Grand Casablanca-Settat que dans d’autres régions, la maison marocaine3 moderne y représentait tout de même la moitié du parc de logements en 2014. En termes de ménages concernés, ce type d’habitat apparaissait également en tête, avec plus des deux-tiers de l’ensemble des ménages.
La particularité de la maison marocaine moderne est d’être une construction essentiellement autoconstruite ou autoproduite par ses propriétaires (MHPV, 2016[7]). Ce type de construction est fortement présent dans les zones urbaines et tend à s’y maintenir. Malgré une orientation à la baisse, en particulier depuis 2012, les maisons marocaines autoconstruites ou autoproduites demeurent une modalité de production de l’habitat très importante dans les zones urbaines du pays. Parmi les logements produits en 2017 (environ 125 000 unités), 40 % des logements étaient encore des maisons marocaines en autoconstruction/production (près de 50 000 maisons), contre seulement 9 % pour les opérations de logements de moyen et haut standing (11 000 logements) et 0,9 % pour les villas, les 50 % restant étant constitués de logements économiques ou sociaux (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
De manière générale, l’autoconstruction/production de l’habitat occupe une place majeure au Maroc en milieu urbain, même si elle apparaît un peu moindre dans les grandes villes où se développent des opérations immobilières de plus grande envergure. Selon l’Enquête Logement de 2012, 92 % des maisons marocaines modernes ont été produites par autoconstruction/production, de même que 91 % des villas, tandis que les immeubles se sont autoconstruits ou autoproduits que dans une proportion de 52 % (ce qui demeure une proportion élevée compte-tenu du type d’habitat).
Si le logement de type individuel autoconstruit/produit présente de très nombreux atouts, en particulier son processus de production progressif, étalé dans le temps en fonction des possibilités financières des ménages et la possibilité de l’adapter aux besoins de la famille, et doit continuer d’avoir une place au sein du parc et de la production de logements dans les villes marocaines, sa très forte présence et sa permanence posent plusieurs défis, notamment concernant l’occupation des superficies urbanisées pour pouvoir répondre aux besoins de logement de la population. La maison marocaine moderne est en effet un type d’habitat individuel ou semi-individuel fortement consommateur d’espace, dont la prédominance apparaît peu compatible avec les objectifs de durabilité urbaine ainsi que d’une limitation de la consommation de foncier et de l’étalement urbain. Selon l’Enquête Logement de 2012, 60 % du parc de logements urbains avait au plus deux niveaux et 92 % au plus trois niveaux. Les constructions de plus de quatre niveaux ne représentaient que 8 % du parc urbain. Cette prévalence d’habitats individuels ou semi-individuels dans les villes marocaines questionne donc les perspectives de développement durable et d’utilisation de l’espace, allant à l’encontre des objectifs de villes plus denses et compactes (Moreno Monroy et al., 2020[11]).
Analyse des programmes mis en œuvre en matière de logement et d’habitat dans les villes marocaines
Copier le lien de Analyse des programmes mis en œuvre en matière de logement et d’habitat dans les villes marocainesL’accès à un logement décent constitue une priorité majeure pour les pouvoirs publics marocains. La nouvelle Constitution de 2011, dans son article 31, a d’ailleurs consacré le droit à un logement décent, au même titre que celui à la santé, l’éducation ou bien encore au travail. Dans le cadre de cette priorité, une politique de l’habitat très volontariste a été conduite depuis deux décennies, centrée en particulier sur la production de logement social et le traitement de l’habitat insalubre (Graphique 5.1). Si le bilan global est positif, un certain nombre d’éléments invitent à infléchir l’action publique dans le domaine du logement et de l’habitat afin de faciliter l’accès à un logement adéquat et abordable pour l’ensemble des ménages, mais aussi de contribuer à un développement plus durable et résilient des zones urbaines.
Afin de réaliser les orientations stratégiques en matière de logement et d’habitat, le Maroc a lancé plusieurs réformes visant à assurer une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de logements, et à renforcer la lutte contre l’habitat non-réglementaire :
Sur le plan foncier, le foncier public est mobilisé pour intensifier et diversifier l'offre de logements en ouvrant environ 8 720 hectares à l'urbanisation depuis 2003, dont 63 % ont été réalisés ou sont en cours d'achèvement (60 % pour des projets de logements sociaux, dont 14 % en partenariat avec le secteur privé ; 22 % pour la construction de zones industrielles et d'équipements publics pour créer une dynamique économique et sociale ; et 18 % dans le cadre de projets budgétaires pour fournir des produits à tous les segments de la société) et la création de 20 pôles urbains et de 4 villes nouvelles ;
Sur le plan financier, le coût total des programmes contractualisés entre 2002 et 2023 est d'environ 126 351 milliards MAD. Le MATNUHPV a contribué à hauteur de 50 658 milliards MAD dont 30 512 milliards MAD dans le cadre des programmes de lutte contre le mal-logement. Un fonds de garantie pour vulgariser l'accès aux prêts bancaires Fogarim et Focaloge a été également mis en place. Par ailleurs, le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSH) créé en 2002 continue de mobiliser les ressources des taxes spéciales appliquées au ciment, au béton et au sable, ainsi que les fonds du budget général de l'État, afin de promouvoir l'investissement public dans le logement.
Sur le plan fiscal, une exonération fiscale est accordée aux promoteurs immobiliers construisant des logements sociaux et à faible valeur immobilière.
Sur le plan institutionnel, le groupe Al Omrane a été créé en 2007 en intégrant un groupe d'institutions publiques en vue d’en faire un acteur spécialisé dans la mise en œuvre de la politique de l'État dans le domaine du logement et du développement urbain.
Habitat social : une politique ambitieuse et soutenue dans le temps, mais des limites importantes
Copier le lien de Habitat social : une politique ambitieuse et soutenue dans le temps, mais des limites importantesUne politique de production massive de logement social
Copier le lien de Une politique de production massive de logement socialLa politique marocaine en faveur du logement social s’est concentrée depuis deux décennies sur l’accession à la propriété, avec l’objectif de permettre à un très grand nombre de ménages modestes de devenir propriétaires d’un logement décent et abordable, et notamment ceux qui résident dans les bidonvilles, objets d’un plan ambitieux de résorption. La production de deux types d’habitat social a été ainsi favorisée : d’une part, celle de logements sociaux, dits « à 250 000 MAD », et d’autre part, celle de logements à faible valeur immobilière, dits « à 140 000 MAD » (logements « très sociaux »). Ces deux programmes de logements, à 250 000 et 140 000 MAD, sont arrivés fin 2020 à leur terme programmé. Des ensembles de logements, déjà autorisés, continuent néanmoins à être développés.
Cette production de logement social est apparue comme une réponse à des besoins très importants dans les zones urbaines du Maroc. Ces besoins ont été estimés au milieu des années 2010 à partir des données de l’Enquête Logement de 2012 et en fonction des revenus des ménages à quelque 1,86 million d’unités à l’horizon 2030, dont 1,42 million de logements très économiques à 140 000 MAD, soit plus des trois-quarts du total. Si l’ensemble des zones urbaines du Royaume est concerné par ces besoins très importants, la région de Casablanca concentre près de 20 % de ces besoins, suivi par Rabat-Salé (12 % des besoins) et Tanger-Tétouan (11 %) (Synthèse de l’enquête nationale du logement, 2012).
Ces deux types d’habitat social ont été basés sur un principe commun : celui d’une production assurée par des promoteurs publics ou privés (pour la production du logement social à 250 000 MAD, à 95 % par le secteur privé) qui bénéficient, via des conventions signées avec l’État, d’un ensemble d’incitations fiscales importantes. Le groupe public Al Omrane4, créé en 2007 par regroupements successifs de plusieurs sociétés pour devenir l’opérateur spécialisé de l’État dans le secteur de l’habitat et de l’aménagement, a joué un rôle central dans la production des programmes de logement social et très social, que ce soit pour aménager du foncier destiné à recevoir des opérations de logement social ou pour produire directement des logements. Un grand nombre de logements sociaux a été construit dans le cadre de quatre villes nouvelles développées dans le pays (Tamansourt, près de Marrakech ; Tamesna, à côté de Rabat ; Chrafate, aux portes de Tanger ; et Lakhyata, au sud-ouest de Casablanca) – la décision de créer ces villes étant entre autres liée à la nécessité de lever la contrainte foncière pour augmenter l’offre de logements sociaux, ainsi que de permettre le décongestionnement et la réduction de la pression sur les grandes villes. Le groupe Al Omrane est toutefois confronté à de multiples contraintes dans l’exécution de ses programmes, comme le changement de la programmation conventionnée au niveau des territoires, la multiplicité des donneurs d’ordre, et le désengagement des parties engagées dans le financement (MATNHUPV, 2022[12]).
Bien que fondés sur un principe commun d’incitations fiscales, les programmes de logements à 250 000 MAD et 140 000 MAD diffèrent de façon importante en ce qui concerne leur cible et leur fonctionnement (Encadré 5.2). Ces programmes ont également, depuis leur mise en place, affiché des résultats contrastés. En effet, alors que les besoins en habitat social concernaient très largement (aux trois-quarts) les logements à 140 000 MAD, ces derniers ont été bien moins nombreux à être construits dans le pays que les logements sociaux à 250 000 MAD. Plusieurs raisons permettent d’expliquer cette faible production. Tout d’abord, la marge bénéficiaire étant plus faible pour les promoteurs que celle permise par les logements à 250 000 MAD, le développement de ces programmes s’est avéré moins attractif. De fait, après avoir connu un bon démarrage en 2008 (53% des réalisations du dispositif dans les trois premières années), le programme de logements à 140 000 MAD a montré des signes d’essoufflement à partir de 2010, année qui coïncide avec le lancement du programme du logement social à 250 000 MAD (Cour des Comptes, 2018[13]). Les logements à 140 000 MAD ont également souffert de retards importants dans l’établissement des listes de bénéficiaires, ce qui a engendré des frais supplémentaires pour les promoteurs concernés et limité d’autant plus leurs marges de bénéfice (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
Encadré 5.2. Les programmes de logements sociaux à 250 000 MAD et 140 000 MAD
Copier le lien de Encadré 5.2. Les programmes de logements sociaux à 250 000 MAD et 140 000 MADLe logement social à 250 000 MAD
Copier le lien de Le logement social à 250 000 MADSelon la Loi de finances 2010, le logement social est une unité d’habitation dont la superficie couverte est comprise entre 50 m2 et 100 m2 et le prix de cession est au maximum de 250 000 MAD hors taxes (il était, auparavant, de 200 000 MAD). Ce type de logement, en accession à la propriété et non en location, ne se définit pas par un critère spécifique en matière de caractéristiques socio-économiques ou de seuil de revenus de ses acquéreurs. Son prix plafond est identique dans toutes les régions du Maroc, malgré les différences qui peuvent exister en termes de coûts de construction et de niveaux de vie des ménages.
Bien que le programme de logements sociaux à 250 000 MAD ait officiellement débuté en 2010, ses origines remontent à 1995, avec le lancement du programme de construction de 200 000 logements sociaux à 200 000 MAD. Plusieurs mesures d’exonérations fiscales ont ensuite été adoptées afin de favoriser la construction de ce type d’habitat. Un nouveau dispositif incitatif a été mis en place en 2010 (avec comme horizon butoir l’année 2020). Il avait pour but de donner une forte impulsion au développement du logement social, grâce à l’instauration de mesures incitatives au profit des promoteurs immobiliers et des acquéreurs, ainsi qu’à l’introduction d’importantes simplifications des procédures liées à la construction, notamment l’obtention des permis de construire, conformément à l’article 15 de la convention (« exigence du respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et l’obtention des autorisations exigibles y afférents »).
Le promoteur bénéficie, dans le cadre d’une convention avec l’État assortie d’un cahier des charges, d’un ensemble d’exonérations fiscales (sur l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu, la taxe professionnelle et la taxe sur les terrains non-bâtis, les droits de conservation foncière et la taxe spéciale sur le ciment). En contrepartie, il s’engage à construire au moins 500 logements sociaux sur une période n’excédant pas 5 ans. L’acquéreur bénéficie, quant à lui, à l’achat d’un logement social, d’une exonération de paiement de la TVA et d’un taux réduit de droits d’enregistrement de 3 %, à condition qu’il ne soit pas déjà propriétaire d’un logement et que le logement soit utilisé comme habitation principale durant au moins quatre années.
D’après les données de la Direction de la promotion immobilière du MATNUHPV, 1 507 conventions ont été signées entre 2010 et fin 2020 pour la réalisation de 2 107 543 logements à 250 000 MAD (1 450 avec le secteur privé, pour 2 037 466 logements, et 57 avec le secteur public, pour 70 077 unités), soit l’équivalent de 34 % du parc total de logements urbains en 2014. Entre 2016 et 2020, 274 978 unités sociales ont été construites et plus de 704 000 logements ont fait l’objet de conventions signées. En ce qui concerne la répartition géographique des programmes de logements sociaux à 250 000 MAD, 70% de ces derniers se sont concentrés dans trois régions : Casablanca-Settat (44 %), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (12 %) et Rabat-Salé-Kénitra (15 %).
Le logement à faible valeur immobilière à 140 000 MAD
Copier le lien de Le logement à faible valeur immobilière à 140 000 MADInitié en 2008 avec l’objectif initial de construire 130 000 logements à l’horizon 2012, ce programme concerne la production d’unités d’habitation très économiques dont la superficie couverte est comprise entre 50 et 60 m2. Les logements sont destinés à des ménages à faibles revenus, tout particulièrement ceux qui vivent dans des logements menaçant ruine et des bidonvilles, et à ceux dont le revenu mensuel ne dépasse pas 2 fois le salaire minimum garanti ou son équivalent, s’ils ne sont pas déjà propriétaires d’un logement.
Aux avantages fiscaux au profit des promoteurs et des acquéreurs s’ajoute une aide de l’État :
D’une part, à travers la mobilisation et la viabilisation de foncier public, qui permet d’aménager des terrains publics au coût de revient. Puisée principalement dans le domaine privé de l’État, une assiette foncière de près de 9 400 hectares (ha) a été mobilisée sur la période 2002-2011, dont 83,2 % ont été dédiés aux projets inscrits dans le cadre du logement social. L’effort de soutien de l’État à travers le foncier s’est ensuite poursuivi avec la mobilisation d’une assiette de 2 333 ha de 2014 au premier semestre de 2018.
D’autre part, via un appui financier du Fonds de Solidarité Habitat et Intégration Urbaine (initialement Fonds de Solidarité Habitat). Alimenté essentiellement par la taxe sur le ciment, ce Fonds couvre également la lutte contre les bidonvilles, la mise à niveau urbaine et la restructuration d’habitat insalubre, l’aménagement.1
Enfin, à travers le Fonds de garantie immobilière (FOGARIM), créé en 2004 pour permettre aux ménages à faible revenu d’acquérir un logement social via un crédit garanti par l’État. Le montant global des crédits ayant bénéficié de cette garantie s’est élevé à 24,6 milliards MAD sur la période 2004-2017 et ce dispositif a permis à plus de 160 000 ménages à faible revenu d’accéder à la propriété.2
Alors que les logements sociaux à 250 000 MAD peuvent être acquis directement sur le marché par n’importe quel ménage, les logements à 140 000 MAD, principalement destinés aux ménages relogés à la suite d'opérations de résorption de bidonvilles ou d’habitat menaçant ruine, sont attribués par des commissions locales.
Entre 2008 et fin décembre 2020, 82 conventions ont été établies, et 29 486 logements ont reçu le certificat de conformité. Sur le plan de la répartition géographique de la production de logements à faible valeur immobilière, 94 % des logements achevés entre 2008 et 2023 ont été construits dans 5 régions : Fès-Meknès (30 %), Souss-Massa (29 %), Casablanca-Settat (21 %), Marrakech-Safi (5 %) et Oriental (9 %).
1. Sur la période 2002-2017, le secteur de l’habitat a pu bénéficier d’une dotation globale de près de 22,5 milliards MAD au titre de la contribution du FSHIU, soit un montant annuel moyen de 1,4 milliard MAD avec des pics qui dépassent dans certaines années 2 milliards MAD (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
2. Depuis 2017, l’octroi de ce crédit par les banques a toutefois baissé à cause de son risque élevé. Désormais, seules deux banques octroient plus de 80% des crédits FOGARIM, alors que toutes les banques sont en principe éligibles (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
Les limites de la production d’habitat social pour satisfaire la demande
Copier le lien de Les limites de la production d’habitat social pour satisfaire la demandeLa politique du logement social a incontestablement instauré une dynamique positive au sein du secteur de l’habitat. Alors que la production de logements s’élevait à 4 000 unités en moyenne annuelle entre 1995 et 2002, celle-ci est passée à près de 48 000 unités par an sur la période 2011-2017, et la production cumulée au cours de cette période a représenté le double de celle réalisée sur la période 2003-2010 (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]). Par ailleurs, la contribution économique en termes de création de richesse et d’emploi, en particulier du dispositif à 250 000 MAD, a été significative, avec un investissement annuel estimé à 18 988 MAD, une valeur ajoutée annuelle de 16 404 MAD et une moyenne annuelle de 28 430 d’emplois permanents, dont 96 % directs (Cour des Comptes, 2018[13]).
Cette politique du logement social a cependant montré plusieurs limites importantes, qui l’ont éloignée de ses objectifs initiaux. D’une part, son ciblage est remis en question, en particulier pour les logements à 250 000 MAD, qui sont les plus nombreux à avoir été produits. En raison des avantages fiscaux existants pour les acquéreurs, mais aussi de l’absence de critères d’éligibilité pour accéder aux logements, ces logements ont suscité un fort intérêt de la part de ménages de la classe moyenne. Les acquéreurs ne relèveraient ainsi que très partiellement des couches sociales ciblées : près de 60 % d’entre eux seraient des ménages disposant d’un revenu supérieur à 4 000 MAD.5 De nombreux bénéficiaires de logements sociaux les auraient même acquis à des fins de spéculation ou pour un usage de résidence secondaire, au détriment des catégories de population ciblées en principe par cette offre de logements. La proportion importante d’appartements et de logements récents au sein du parc de logements vacants pourrait refléter, pour une large part, de telles motivations d’acquisition. Par ailleurs, selon la Cour des comptes, s’agissant du dispositif 140 000 MAD, à la fin décembre 2016, sur une production d’environ 21 000 unités, seules 6 020 avaient été affectées à des ménages issus de bidonvilles relogés, soit seulement 27 %, et 1 113 unités à l’habitat menaçant ruine, soit 5 %.
Un second dysfonctionnement identifié en matière de ciblage de la production de logements sociaux a trait à la répartition de la production dans les différentes régions du Royaume. Si des régions ont connu une production à la hauteur de leurs besoins, comme Casablanca, Oriental et Fès-Meknès, d’autres ont été victimes d’une surproduction, comme Tanger-Tétouan et Souss-Massa, ou d’une production insuffisante, comme c’est le cas de Rabat-Salé-Kénitra et Béni Mellal-Khénifra, qui affichent des déficits relativement importants du fait de l’insuffisance des actions en matière de promotion du logement destiné aux couches vulnérables (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]). D’une manière générale, le programme pâtit de la concentration de la production de logements dans les grandes villes.
De plus, la question de la surproduction de logements à 250 000 MAD est fréquemment soulevée. Alors que l’objectif assigné initialement était de construire 300 000 logements à l’horizon 2020, fin 2016, les unités conventionnées avaient déjà atteint le chiffre de plus de 1,5 million, soit plus de cinq fois l’objectif attendu à l’horizon de 2020. Selon la Cour des Comptes, la surproduction de logements sociaux à 250 000 MAD, conjuguée à l’insuffisance des conditions de ciblage, est à l’origine des phénomènes de « glissement » (c’est-à-dire le phénomène selon lequel le programme a profité à un groupe de population autre que celui ciblé initialement) et de vacance de logements dans ce segment. Si ces phénomènes sont bien réels selon les professionnels du secteur, ils sont toutefois difficiles à mesurer en l’absence de données fiables sur les catégories socioprofessionnelles des ménages acquéreurs et sur les logements vacants (Cour des Comptes, 2018[13]).
Les difficultés d’intégration urbaine des opérations de logement social constituent une autre limite de ces politiques. Selon les données de l’étude sur l’évaluation du programme de logements sociaux à 250 000 MAD et du programme de logements à faible valeur immobilière de 140 000 MAD citée par la Cour des comptes, 83 % des projets des logements sociaux de 250 000 MAD sont localisés en périphérie de communes. Ce taux, qui varie d’une région à une autre, est de 71 % à Casablanca-Settat et 31 % à Beni Mellal-Khénifra. Ceci est dû à une planification urbaine qui prévoit des zonages pouvant accueillir ce type de logement à la périphérie des villes ou à des contraintes urbanistiques n’offrant la possibilité de réalisation de ce type de logement qu’à la périphérie, parfois en dérogation, là où l’opportunité foncière permet l’équilibre financier des opérations (Cour des Comptes, 2018[13]). La localisation des logements sociaux en périphérie urbaine constitue un défi important dans la mesure où il s’agit de secteurs urbains d’expansion dans lesquels de nombreux services et équipements font défaut, de même que les opportunités d’emploi.
Les projets de villes nouvelles et de nouveaux pôles urbains sont également confrontés à ce défi d’intégration urbaine. En effet, bien que destinés à créer les conditions d’une insertion urbaine adéquate pour les opérations de logement social, les villes nouvelles et les nouveaux pôles urbains n’ont pas réussi à remplir cet objectif. Faute de coordination des actions des différents partenaires et d’un cadre juridique approprié, les villes nouvelles et les nouveaux pôles urbains se heurtent à des problèmes d’insuffisances d’infrastructures de base et de connexion aux réseaux routiers qui compromettent aujourd’hui leur existence et leur devenir (Harroud, 2017[18]). Leur situation géographique, dictée non pas par leur vocation économique et leur proximité aux bassins d’emplois, mais par des opportunités foncières, conduit ces nouvelles localités à n’avoir d’autre vocation que celle d’habiter et les réduisent à la fonction de cité dortoir (Cour des Comptes, 2018[13]) (voir Chapitre 4 pour plus de détails sur le manque de coordination entre les politiques sectorielles conduisant à ces écueils).
Les caractéristiques des logements constituent également une limite importante des programmes de logement social. Des cahiers des charges définissent les prescriptions minimales urbanistiques, architecturales et techniques que doivent respecter les promoteurs pour pouvoir bénéficier de l’exonération fiscale prévue. En termes de superficie, les logements sociaux produits au Maroc se caractérisent par des standards qui sont supérieurs à ceux d’autres pays de l’OCDE globalement comparables en ce qui concerne la nature de leur demande de logement et ayant également mis en œuvre des politiques favorisant la production massive d’habitat social (par exemple, la superficie des logements sociaux à 250 000 MAD construits entre 2010 et 2017 est de 55 m2, alors qu’au Mexique et en Colombie, la taille des logements sociaux construits ces 20 dernières années est souvent inférieure à 40 m2)6. Malgré cela, les logements sociaux au Maroc sont souvent jugés de taille insuffisante par les ménages (en particulier par rapport à la figure de la maison marocaine autoconstruite). Mais c’est également et surtout la qualité des logements qui est fréquemment questionnée. La Cour des comptes signale que les cahiers des charges ont souvent un caractère sommaire et laissent une grande marge de manœuvre aux promoteurs immobiliers, ce qui se traduit ensuite par une mauvaise qualité des logements. La qualité médiocre des logements aurait une incidence sur la commercialisation des logements sociaux, en particulier des logements les plus économiques. En effet, malgré leur tarif très attractif, ces derniers peinent à trouver des acheteurs, notamment en raison de leur superficie jugée petite, ainsi que des finitions et des matériaux utilisés pour la construction. D’autres contraintes affectent les programmes de logement social, en particulier le programme à 250 000 MAD. Celles-ci incluent : i) les crises récentes de COVID-19 et énergétique qui ont provoqué l’augmentation des prix des matériaux de construction et une rareté de certaines matières premières ; ii) le manque de diversité de l’offre de logements sociaux ; et iii) la production centralisée, avec 25 % du programme de logements sociaux réalisé par seulement six promoteurs immobiliers.
Vers un changement de paradigme et nouvel élan porté par le Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat : de l’exonération fiscale des promoteurs à une aide personnalisée aux ménages acquéreurs
Copier le lien de Vers un changement de paradigme et nouvel élan porté par le Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat : de l’exonération fiscale des promoteurs à une aide personnalisée aux ménages acquéreursUne fois le programme de logements sociaux à 250 000 MAD arrivé à son terme programmé fin 2020, et dans le contexte des nombreux points d’attention soulevés par une surproduction, mais demeurant limitée sur le plan de ses impacts pour loger les ménages initialement ciblés, une importante remise à plat de la politique en matière de logement a été lancée. Celle-ci s’inscrit également en cohérence avec le Nouveau Modèle de Développement établi pour le pays afin de guider l’ensemble des politiques publiques à l’horizon 2035. L’une des préconisations importantes du Nouveau Modèle de Développement étant la nécessaire sortie de l’ère des incitations fiscales, la politique du logement doit être repensée de façon à passer des aides fiscales aux promoteurs (jusqu’alors pilier central de la politique d’impulsion à la production de logements sociaux et très sociaux) à une aide personnalisée à l’accession, sous la forme d’une subvention octroyée directement aux ménages.
Le Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat tenu en septembre 2022, portant sur une réforme globale et intégrée des secteurs de l’urbanisme et de l’habitat, conformément aux Hautes Instructions Royales et en application des orientations du Nouveau Modèle de Développement, de la décentralisation et de la régionalisation avancée, a permis l’adoption d’une feuille de route basée sur les défis de « renouveau », de « l’incitation » et de la « proximité ». Cette feuille de route comprend de nombreuses pistes opérationnelles de transformation pour le secteur du logement (Encadré 5.3).
Encadré 5.3. Pistes opérationnelles de transformation issues du Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat
Copier le lien de Encadré 5.3. Pistes opérationnelles de transformation issues du Dialogue National de l’Urbanisme et de l’HabitatPlans Régionaux de l’Habitat (PRH)
Copier le lien de Plans Régionaux de l’Habitat (PRH)Afin d’évaluer les besoins en logement, tout en tenant compte des spécificités locales et régionales, l’élaboration de Plans Régionaux de l’Habitat est indispensable. Ces PRH ont vocation à fournir un cadre contractuel permettant de doter les régions et les provinces d’une vision du développement de l’habitat sur 10 ans. À cet effet, il est nécessaire de :
Généraliser la couverture en PRH : 12 plans à l’horizon 2024
Mettre en œuvre les dispositions des PRH sur la base d’un cadre contractuel État-Région.
Un meilleur ciblage et un renforcement du pouvoir d’achat des familles
Copier le lien de Un meilleur ciblage et un renforcement du pouvoir d’achat des famillesLa politique publique en matière d’accès au logement est appelée à marquer une rupture avec les anciennes approches en adoptant la logique de la protection sociale avec diverses actions telles que :
Une aide directe aux ménages afin de réduire le décalage entre la capacité d’achat et les prix du logement ;
Un accompagnement bancaire au profit des acquéreurs qui pourrait prendre diverses formes :
Une prise en charge par l’État des taux d’intérêt ;
Une garantie de l’État au profit de ceux qui contractent des emprunts immobiliers.
Cette vision requiert également que l’État intervienne sur les leviers de la production afin de réduire ledit décalage d’une manière pérenne et durable, à savoir :
Opérer une régulation foncière en injectant dans le marché des terrains aménagés destinés au secteur privé ;
Contrôler les prix des matériaux de construction avec un référentiel par territoire ;
Accompagner l’investissement immobilier sur le plan urbanistique pour des espaces compacts évitant les déperditions foncières ;
Adopter un régime de taxation incitatif ;
Mettre en place une plateforme numérique qui permettra aux ménages éligibles de bénéficier de l’aide au logement, de simplifier au maximum les procédures et de réduire les déplacements.
Dynamiser le marché du logement locatif
Copier le lien de Dynamiser le marché du logement locatifDans la perspective de stimuler l’offre en logements locatifs, l’État est appelé à jouer un rôle facilitateur au profit des locataires, notamment ceux à revenu modeste en mettant en place des procédures juridiques, institutionnelles et fiscales pour relancer le marché du locatif à travers les mesures suivantes :
Réviser le cadre juridique régissant le marché locatif : bail, location, accession et leasing ;
Réduire la charge locative notamment pour les étudiants et les ménages à faible revenus ;
Mettre en place un système d’assurance pour garantir le paiement des loyers aux propriétaires ;
Mettre en place une instance d’intermédiation et un fonds dédié mettant en confiance les deux parties concernées.
Une offre en logements diversifiée et intensifiée
Copier le lien de Une offre en logements diversifiée et intensifiéeLe droit à l’accès au logement est un droit constitutionnel pour tous les citoyens, ce qui met les pouvoirs publics face au défi d’aider toutes les tranches sociales à disposer d’un logement décent en déployant des dispositifs et des leviers de stimulation. Au-delà des typologies classiques (logement social, logement destiné à la classe moyenne, etc.), les pouvoirs publics devraient prospecter de nouveaux segments où le besoin est indéniablement présent tels que le logement des séniors ou le logement des étudiants. Ces nouveaux produits doivent être expérimentés afin de stimuler la demande et de créer un marché en démontrant la fonctionnalité de cette offre. Dans ce sillage, les opérateurs de l’État notamment le Groupe Al Omrane, est appelé à déclencher de nouvelles niches de production, par :
La création d’une dynamique d’offre pour les segments spécifiques, (séniors, étudiants, etc.) ;
La stimulation de nouveaux marchés, notamment autour des bassins d’emplois, et accompagner la politique d’accélération industrielle en termes d’habitat.
Source : MATNUHPV, résultats du Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Ce mécanisme d’aide directe aux acquéreurs de logements destinés à l’habitation principale a été adopté dans la loi de finances 2023 (article 8), et est entré en vigueur en janvier 2024 (Encadré 5.4). L’introduction de ce nouveau mécanisme signifie un changement de paradigme important en matière de politique du logement, avec le passage d’un système de subvention de l’offre (attribution d’aides aux promoteurs qui construisent les programmes de logements sociaux) à un principe de subvention de la demande (octroi d’une aide aux ménages pour acquérir des logements sur le marché), à l’image de ce qui est pratiqué dans des pays de l’OCDE engagés dans une démarche de production intense d’habitat social comme le Mexique et la Colombie et, dans une moindre mesure désormais, le Chili. Si les résultats de ce nouveau mécanisme au Maroc restent encore à être observés et mesurés, au Mexique et en Colombie, le système de subventionnement de la demande a permis le développement d’une offre massive d’habitat social mais dont la qualité et la localisation ont parfois été remises en question. Ces aspects devront donc être évalués avec attention.
Encadré 5.4. Un nouveau programme d’aide à la demande de logement au Maroc
Copier le lien de Encadré 5.4. Un nouveau programme d’aide à la demande de logement au MarocLe nouveau programme d’aide au logement du Maroc présenté en octobre 2023 s’inscrit dans la volonté politique de renforcer la capacité des citoyens à accéder à un logement décent.
Ce nouveau programme, qui s’étale sur la période 2024-2028, vise à renouveler l’approche d’aide à l’accès à la propriété et à venir en aide au pouvoir d’achat des ménages, à travers une aide financière directe à l’acquéreur. Y sont éligibles les Marocains résidant au Maroc ou à l’étranger, qui ne sont pas propriétaires au Maroc et qui n’ont jamais bénéficié d’une aide au logement.
Les montants de l’aide seront définis en fonction de la valeur du logement acquis. Ainsi, le montant de l’aide est fixé à 100 000 MAD pour l’acquisition d’un logement dont le prix de vente est inférieur ou égal à 300 000 MAD TTC (toutes taxes comprises), 70 000 MAD pour l’acquisition d’un logement entre 300 000 et 700 000 MAD TTC.
Ce programme vise à faciliter l’accès au logement pour les classes sociales à faible revenu et la classe moyenne (répondant ainsi à environ 70 % de la demande totale de logements), de contribuer à la réduction du déficit de logements tout en améliorant l’accès à des logements abordables, et d’accélérer l’achèvement du programme « Villes Sans Bidonvilles ». Sur le plan économique, ce programme vise à maintenir la position du secteur du logement dans l’économie nationale et renforcer sa contribution à l’investissement du pays, à promouvoir la création d’emplois dans le secteur, à stimuler la participation du secteur privé en particulier des petites et moyennes entreprises, et à réglementer et contrôler le marché immobilier.
La valeur totale des logements acquis grâce à ce programme s’élève à 6,3 milliards MAD en juin 2024. Les femmes représentent 44 % des bénéficiaires, les jeunes de moins de 35 ans 39 %, et 22 % des bénéficiaires sont des Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Depuis le lancement du programme, les indicateurs du secteur de l’habitat sont en hausse, avec une augmentation de 16 % du nombre de projets autorisés, une hausse de 20 % des ventes de ciment, et une augmentation de 1,5 % des prêts au logement et de 3,8 % des prêts aux promoteurs immobiliers entre mai 2023 et mai 2024.
Les régions de Fès-Meknès, Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra sont en tête en termes de nombre de bénéficiaires, tandis que les villes de Fès, Berrechid, Kénitra et Casablanca dominent au niveau des préfectures et provinces. Par ailleurs, 41 % des bénéficiaires ont acheté un logement dont le prix est inférieur ou égal à 300 000 MAD.
Plusieurs partenariats ont été mis en place pour garantir le succès du programme, notamment la signature d’une convention avec la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) pour la création d’une plateforme numérique dédiée à la gestion des subventions. Cette initiative vise à dématérialiser et simplifier les procédures, maîtriser les délais et améliorer la gestion du programme. Les ministères de l’Économie et des Finances, de l’Intérieur, ainsi que l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) participent également à l’échange de données pour une meilleure gouvernance du programme. De plus, les banques participatives ont été intégrées pour permettre aux bénéficiaires d’acquérir des logements.
Source : Communiqué Royal du 17 octobre 2023 et Déclaration de Madame Fatima Ezzahra El Mansouri, Ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville lors d’une présentation autour de la politique de l’habitat au Maroc devant la Commission de l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville de la Chambre des Représentants (mercredi 3 juillet 2024).
La lutte contre l’habitat insalubre : malgré des efforts significatifs, des avancées mitigées
Copier le lien de La lutte contre l’habitat insalubre : malgré des efforts significatifs, des avancées mitigéesLa lutte contre l’habitat urbain insalubre constitue une priorité au Maroc depuis plusieurs décennies en raison de l’existence cumulée, dans les zones urbaines, de plusieurs types d’habitat précaire, sous-équipés ou menaçant ruine : les bidonvilles (habitat précaire établi du foncier public ou privé occupé), l’habitat non-réglementaire (construit généralement en dur, mais sans autorisation de lotir et parfois sans titre foncier, caractérisé par des carences importantes en matière de raccordement aux services urbains essentiels), ainsi que l’habitat ancien, localisé en particulier dans les médinas. Plusieurs programmes ont donc été conduits pour traiter chacun de ces types d’habitat, dont l’analyse suit ci-dessous.
Résorption des bidonvilles : une réussite en demi-teinte
Copier le lien de Résorption des bidonvilles : une réussite en demi-teinteVilles sans bidonvilles (VSB) est l’un des programmes phares du Maroc en matière de logement et d’habitat. Destiné à traiter massivement la problématique de l’habitat insalubre et en particulier des bidonvilles, ce programme a bénéficié d’une importante reconnaissance au plan international, ayant notamment reçu le prix d’honneur « Habitat 2010 » décerné par l’ONU, qui récompense les personnes et institutions ayant mis en œuvre les projets les plus significatifs dans le domaine de l’habitat et du développement humain. Lancé en 2004, le programme avait pour ambition d’offrir un logement décent à l’ensemble des ménages résidant dans près de 1 000 bidonvilles localisés dans 85 villes et centres urbains, dont une grande majorité concentrée dans l’axe atlantique « Casablanca-Kenitra », le plus dynamique sur le plan économique. Entre 2004 et fin mars 2024, le programme a ainsi ciblé au total plus de 464 000 ménages bidonvillois (en 2014, 250 000 ménages vivaient dans des bidonvilles), alors qu’il était prévu initialement de toucher 270 000 ménages, soit un accroissement de plus de 70 % de la population cible initiale. Les conditions de vie se sont améliorées pour plus de 344 000 ménages. En 2021, 59 villes et centres urbains ont pu être déclarés « villes sans bidonvilles ». De plus, le rythme de traitement a presque triplé à partir de 2022, passant de 6 200 ménages par année durant la période 2018-21 à plus de 18 000 ménages annuellement de 2022 à mars 2024.
Trois modes de résorption des bidonvilles étaient prévus : la restructuration, le relogement et le recasement. La restructuration in situ consiste à réaménager les bidonvilles pouvant être intégrés au tissu urbain, en les dotant des infrastructures d’équipement nécessaires et en régularisant la situation des quartiers concernés sur le plan foncier et urbanistique. Bien que le programme initial ait prévu que 32 % des ménages seraient concernés par la restructuration, cette modalité a finalement été très peu mise en œuvre (ce qui serait dû en particulier au fait que les bidonvilles sont le plus souvent localisés sur du foncier privé). Le recasement consiste, quant à lui, à faciliter l’accès des ménages concernés à la propriété d’un lot d’habitat économique (superficie comprise entre 64 et 80 m2) à valoriser en autoconstruction, dans le cadre de lotissements à équipement préalable ou progressif. Les logements précaires du bidonville sont alors démolis. Le relogement diffère du recasement dans le sens où les ménages sont relogés dans un logement à faible valeur immobilière de 140 000 MAD, en habitat collectif (qu’on appelle parfois « cités de relogement ») dont la superficie est en général de 50 à 60 m2. Le relogement est envisagé en particulier dans les grandes agglomérations urbaines où le foncier public est rare (ONU Habitat, 2011[19])
Les particularités du programme VSB sont : une approche globale et innovante à l’échelle de la ville, considérée comme unité de programmation et d’action, et non pas du projet ; une démarche de contractualisation entre l’État et les collectivités locales7; et un dispositif d’accompagnement social des ménages transférés. Le programme a bénéficié d’une mobilisation foncière de terrains publics ainsi que d’un financement à travers un Fonds de solidarité de l’habitat (FSH).
S’il a certes permis de résorber une grande quantité de bidonvilles depuis son introduction, le programme Villes sans bidonvilles a aussi montré certaines limites, conduisant à remettre en question l’efficacité des interventions et l’adéquation des réponses apportées dans le cadre du programme. D’une part, certains ménages ont développé des stratégies pour bénéficier du programme (par exemple, installation d’une baraque en bidonville comme moyen d’accéder ensuite à une parcelle de terrain). L’absence d’un système d’information intégré à l’échelle nationale aurait en outre incité certains bénéficiaires à profiter de plusieurs opérations de résorption de bidonvilles dans différentes zones d’intervention dans le pays, ce qui expliquerait l’inflation considérable observée concernant le nombre de ménages relogés ou recasés dans le cadre des opérations réalisées (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
D’autre part, le programme n’est pas parvenu à toucher tous les ménages ciblés. Une évaluation approfondie réalisée à partir d’enquêtes dans des opérations de recasement8 a ainsi montré l’existence de phénomènes parfois importants de revente de lots par les bénéficiaires, avec des taux de glissement (rapport entre les lots habités par des ménages non-attributaires et l’ensemble des lots de recasement de l’opération habités) atteignant parfois jusqu’à 20 %. Cette évaluation a par ailleurs mis en évidence le faible taux d’adhésion de la part des familles bénéficiaires : plusieurs années après la résorption des bidonvilles concernés, la moitié environ des lots dans les opérations évaluées était occupée par les familles bénéficiaires, l’autre moitié des ménages ne s’étant pas installés (Toutain et Rachmuhl, 2014[20]). Néanmoins, une autre évaluation de grande ampleur réalisée en 2014 par le Ministère de la Politique de la Ville a montré des résultats contrastés, avec 9,7 % de bénéficiaires directs de programme VSB ayant vendu le terrain ou le logement après construction ou l’appartement après acquisition : un taux de glissement bien inférieur, d’environ 11 % pour le programme de recasement et de 3 % pour le programme de relogement (MHPV, 2015[21]).
En outre, les ménages bénéficiaires ont été confrontés à des difficultés d’intégration urbaine en raison de l’inachèvement des opérations et l’insuffisance des équipements et services, ainsi que l’éloignement et l’enclavement des quartiers. Malgré l’acquis du logement, les ménages ont donc constaté une dégradation de leurs conditions d’accès à des équipements et services publics (écoles, centres de santé, fours, hammams, etc.). Les familles ont également dû faire face à des difficultés liées à l’augmentation de leurs dépenses, notamment en transport, à la suite de leur déplacement. Pour ces différentes raisons et en dépit de l’amélioration incontestable de leurs conditions de logement, les ménages ont exprimé dans leur grande majorité une insatisfaction quant à leur nouveau cadre de vie (Toutain et Rachmuhl, 2014[20]).
Plusieurs dysfonctionnements ont également été pointés du doigt, comme la difficulté à mobiliser du foncier et à ouvrir à l’urbanisation des zones incluant du foncier mobilisé pour ce programme, ou encore la lenteur de réalisation du programme et des durées d’exécution très longues des projets (cette lenteur ayant été identifiée comme l’une des causes importantes du manque d’équipements dénoncé par les bénéficiaires) (MHPV, 2015[21]). Ces difficultés sont liées à une faiblesse du portage administratif (structures de suivi et défaillances de fonctionnement, contractualisation, viabilité du contenu et engagement des partenaires, augmentation des populations cibles, gouvernance locale, etc.) ainsi qu’aux aspects opérationnels (pertinence des modes opératoires, politiques de prévention et contrôle administratif, contributions financières et recours au crédit, accompagnement social et implication des partenaires) (ONU Habitat, 2011[19]).
Mise à niveau urbaine des quartiers sous-intégrés et de l’habitat non-réglementaire : une approche sectorielle centrée sur les réseaux urbains, les infrastructures et les équipements
Copier le lien de Mise à niveau urbaine des quartiers sous-intégrés et de l’habitat non-réglementaire : une approche sectorielle centrée sur les réseaux urbains, les infrastructures et les équipementsDepuis son lancement en 2002, le programme de mise à niveau urbaine de quartiers sous-équipés et d’habitat non réglementaire fait partie, au même titre que VSB, de l’importante mobilisation de l’État marocain contre l’habitat insalubre. Ce programme vise à intégrer au tissu urbain les constructions réalisées sur des terrains situés en périphéries urbaines, mais non ouverts à l'urbanisation et donc non viabilisés. Celles-ci étaient estimées en 2002, à près de 540 000 unités. Le programme, qui ne comporte pas de volet d’amélioration des logements en tant que tel, est centré sur des actions d’amélioration en matière d’assainissement, d’alimentation en eau potable, de mobilité, ou bien encore d’éradication des foyers d’insalubrité et d’anticipation des extensions urbaines. À ce titre, il a joué un rôle significatif pour l’amélioration de l’habitat urbain au sens large, c’est-à-dire le cadre de vie, de près d’1,325 million de ménages (MATNUHPV, 2022[22]). Il est fondé lui aussi sur un principe de contractualisation. C’est ainsi que 569 conventions ont été conclues entre l’État et les communes entre 2002 et 2017, pour un coût global de 22,33 milliards MAD et une subvention du Fonds de Solidarité Habitat et Intégration Urbaine (FSHIU) s’élevant à 13,02 milliards MAD. Depuis le démarrage des programmes de mise à niveau urbaine, 230 villes et centres urbains en ont été bénéficiaires.
Habitat menaçant ruine : des avancées conséquentes et la création récente d’une agence dédiée (ANRUR)
Copier le lien de Habitat menaçant ruine : des avancées conséquentes et la création récente d’une agence dédiée (ANRUR)L’habitat menaçant ruine (HMR) fait l’objet de différents traitements en fonction du degré de danger en matière d’effondrement (qui peut parfois être imminent). Les actions peuvent consister en un confortement du bâti concerné, sa démolition et/ou sa reconstruction in situ. Un bâtiment menaçant ruine est défini comme « toute construction ou installation de quelque type qu’elle soit, dont l’effondrement total ou partiel peut porter atteinte à la sécurité de ses occupants, de ses exploitants, à celle des passants ou des bâtiments avoisinants, même non contigus. On entend également par bâtiment menaçant ruine « toute construction ou installation ne remplissant plus les garanties de solidité nécessaire en raison du délabrement d’une de ses composantes principales intérieures ou extérieures ou du fait de son édification sur un terrain exposé aux risques » (loi 94-12 de 2016, article 2).
Le programme du traitement de l’habitat menaçant ruine consiste en des opérations de réhabilitation de constructions fragiles, ainsi que des actions de relogement des ménages habitant dans des maisons irrécupérables et donc vouées à être démolies. En 2012, une enquête menée par le Ministère de l’Intérieur a révélé que près de 44 000 habitations pouvaient être définies comme « menaçant ruine », soit 0,5 % du parc de logement. La moitié de ces logements était concentrée dans quatre provinces (Fès, Marrakech, Casablanca et Meknès) et abritait 69 % des ménages concernés. À elles seules, les médinas englobaient près de 19 000 habitations menaçant ruine (soit 42,5 % du total), dont près de 17 000 logements concernés étaient occupés par 42 650 ménages dans les villes de Marrakech, Fès, Meknès, Casablanca et Tétouan, le reliquat étant situé dans les quartiers irréguliers et sous-équipés ainsi que dans les centres anciens de certaines agglomérations urbaines (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
En 2016, la loi n°94-12 a instauré un nouveau cadre spécifique pour le traitement de cet habitat menaçant ruine, avec la réglementation des rôles de toutes les parties prenantes et la définition des responsabilités, y compris des propriétaires d'immeubles vétustes, et avec la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la réhabilitation des bâtiments menaçant ruine (ANRUR). Entité nationale chargée de la rénovation urbaine et de la restauration des bâtiments et des tissus anciens menaçant ruine ou délabrés, l’ANRUR est chargée des missions d’élaboration et d’étude des stratégies, programmes urbains et projets relatifs à la rénovation urbaine et à la réhabilitation des tissus et des bâtiments menaçant ruine, de l’élaboration et la supervision de la mise en œuvre des schémas et plans nécessaires à cet effet, ainsi que des opérations visant à valoriser les différents domaines urbains, que ce soit par les opérations de démolition, de reconstruction ou de rénovation ou à travers le développement des infrastructures, la desserte en équipements de base, de l’édification de logements ou la réalisation des opérations d’aménagement foncier. Sa mission, très large, va donc bien au-delà de l’intervention sur l’habitat menaçant ruine, puisqu’il s’agit de s’attaquer à la question de la rénovation urbaine dans son ensemble.9 L’ANRUR a par ailleurs pour vocation de mettre en œuvre une démarche participative pour mener à bien ses missions et faire adhérer l’ensemble des acteurs concernés à ses projets. Dans le contexte de la priorité donnée à la réhabilitation et la mise en valeur, notamment patrimoniale et culturelle, du tissu urbain ancien des médinas, l’agence constitue un outil décisif pour donner une impulsion à l’intervention sur l’habitat menaçant ruine, en changeant d’échelle et en intégrant une dimension urbaine intégrale.
Selon les dernières données du Département de l’habitat du MATNUHPV citées dans le rapport de la Cour des comptes 2019-2020, quelque 37 000 bâtisses avaient fait l’objet de conventions de financement et de réalisation, dont 22 000 achevées (Cour des Comptes, 2021[23]). Les données publiées en janvier 2022 par le MATUHPV indiquent qu’à la fin 2021, plus de 35 000 ménages logés dans de l’habitat menaçant ruine avaient été bénéficiaires d’interventions (MATNUHPV, 2022[22]).
Si les avancées sont soulignées, des critiques ont toutefois été émises par la Cour des comptes concernant la démarche de traitement de l’habitat menaçant ruine. D’une part, il n’y a pas de démarche commune et agréée entre les ministères de l’Habitat et de l’Intérieur pour l’identification des HMR, dans la mesure où elle est réalisée par des bureaux d’études spécialisés et où le recensement des bâtisses HMR et des bénéficiaires des aides publiques pour le traitement de ce type d’habitat relève des autorités locales déconcentrées du Ministère de l’Intérieur. Ce manque d’uniformisation conduit à des données différentes sur le parc HMR selon chaque département. D’autre part, bien que créée il y a déjà plusieurs années, l’ANRUR n’est pas encore véritablement passée en phase opérationnelle et n’a pas encore activé son plan d’action. Son positionnement devrait par ailleurs être précisé au sein du système d’acteurs intervenant sur l’HMR, afin de clarifier les rôles et les responsabilités et de chacun (Cour des Comptes, 2021[23]). D’autres difficultés liées à la résorption de l’habitat menaçant ruine ont été pointées du doigt, comme le manque d’expertise technique et d’entreprises spécialisées, l’absence d’un cadre juridique obligeant les propriétaires à procéder à des évaluations périodiques de l’état de leurs logements, les faibles revenus de certains ménages empêchant les rénovations, le manque de mécanismes permettant d’intervenir dans des situations d’urgence en cas de non-implication ou d’absence des propriétaires, et le soutien social insuffisant pour les familles impliquées dans le processus d’évaluation des bâtiments menaçant ruine.
Logement pour les classes moyennes et l’habitat locatif : une impulsion encore largement en devenir
Copier le lien de Logement pour les classes moyennes et l’habitat locatif : une impulsion encore largement en devenirLe programme de logement pour les classes moyennes urbaines
Copier le lien de Le programme de logement pour les classes moyennes urbainesAfin de faciliter l’accession à la propriété pour les ménages appartenant à la classe moyenne (caractérisée par un revenu mensuel net d’impôt qui ne dépasse pas 20 000 MAD, soit environ 1 800 EUR), des mesures incitatives pour le logement des classes moyennes ont été introduites par la Loi de finances 2013, en particulier en matière d’exonération des acquéreurs des droits d’enregistrement et de timbre fiscal, ainsi que des droits d’inscription à la conservation foncière. Afin de rendre ce dispositif plus attractif pour les promoteurs immobiliers, la Loi de finances 2014 a ensuite rehaussé les plafonds de prix de vente au m2 des appartements éligibles au dispositif et de superficies10, les promoteurs s’engageant en contrepartie à construire au moins 150 logements sur 5 ans. Un accord-cadre a été conclu en 2014 entre l’État et la Fédération nationale des promoteurs immobiliers pour construire 20 000 unités destinées aux classes moyennes à l’horizon 2016. De son côté, le Groupe Al Omrane s’est engagé à réaliser 3 680 logements relevant de cette catégorie.
La mise en œuvre du programme s’est cependant révélée être nettement en deçà des attentes. Selon les données actualisées du MATNUHPV, de 2013 à janvier 2022, 32 conventions avaient été visées, pour un total de 11 328 logements, mais seuls 253 logements avaient reçu leur certificat de conformité. Ce faible développement s’expliquerait pour une large part par la concurrence exercée par les programmes de logements sociaux à 250 000 MAD, acquis par de nombreux ménages de la classe moyenne et plus attractifs en termes de marge bénéficiaire pour les promoteurs immobiliers sur le plan de leurs avantages. En outre, le dispositif d’encouragement, conçu de manière uniformisée, ne tient pas compte des disparités des classes moyennes d’une région à l’autre (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]). Enfin, les logements s’avèrent peu adaptés aux exigences de la classe moyenne en termes de superficie (trop réduite), d’emplacement (éloignement du centre-ville pour leur majorité) et d’équipements de base (Benchanna, 2022[24]). Plus récemment, le nouveau programme d’aide aux acquéreurs a ciblé les classes moyennes avec une aide de 70 000 MAD, pour les logements dont le prix est inférieur ou égal à 700 000 MAD (voir Encadré 4.1). De plus, l’arsenal juridique est en cours de révision par le Département de l’Habitat du MATNUHPV qui a aussi conduit une étude sur la sécurisation du loyer résidentiel, dont les résultats sont à paraître.
L’habitat locatif dans le cadre des opérations de logements sociaux et à faible valeur immobilière : une portée très limitée
Copier le lien de L’habitat locatif dans le cadre des opérations de logements sociaux et à faible valeur immobilière : une portée très limitéeAfin de contribuer à renforcer l’habitat locatif, composante essentielle du marché du logement permettant d’accompagner la mobilité et de répondre aux besoins des ménages n’ayant pas encore suffisamment d’épargne pour accéder à la propriété d’un logement social, un dispositif destiné à encourager les opérations de location de logements sociaux et à faible valeur immobilière de 140 000 MAD a été instauré dans le cadre de la loi de finances 2013, puis revu en 2015. Des mesures d’incitations fiscales ont été prévues en faveur de personnes physiques ou morales acquérant dans le cadre d’une convention conclue avec l’État au moins 25 logements (initialement 20) et les affectent à la location à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de 8 ans. Les incitations consistent en l’exonération pendant une durée maximum de 8 ans, à compter de l’année du premier contrat de location, de l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu au titre des revenus afférents à la location, ainsi que de l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu au titre de la plus-value réalisée en cas de cession des logements au-delà de la période de huit ans. Ces exonérations sont accordées aux bailleurs à la condition qu’ils acquièrent les logements dans un délai maximum de douze mois à compter de la date de signature de la convention et qu’ils mettent en location les logements dans le délai maximum de 6 mois à compter de la date d’acquisition. La Loi de finances de 2015 a revalorisé le loyer mensuel maximal payé par le locataire à 2 000 MAD pour le logement social de 250 000 MAD (au lieu de 1 200 MAD initialement) et à 1 000 MAD pour le logement à 140 000 MAD (700 MAD au départ) (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[15]).
Bien que très intéressant sur le principe, ce dispositif du locatif à loyer encadré mis en place en 2012 et revu en 2015 n’est pas parvenu à attirer des investissements dans le segment du logement locatif. Fin 2022, seule une convention avait été signée, concernant un total de 50 logements (MATNUHPV, 2022[22]).
Recommandations : améliorer et diversifier la politique du logement et de l’habitat dans les villes en intégrant de nouveaux enjeux prioritaires
Copier le lien de Recommandations : améliorer et diversifier la politique du logement et de l’habitat dans les villes en intégrant de nouveaux enjeux prioritairesLa politique en faveur du logement et de l’habitat conduite au Maroc depuis deux décennies a été très volontariste, mais plusieurs des programmes et politiques mis en œuvre ont montré leurs limites. Par ailleurs, certains enjeux importants, comme le logement locatif ou l’autoconstruction/production encadrée et assistée n’ont jusqu’à présent pas été inclus ou l’ont été insuffisamment. Des recommandations concrètes peuvent être formulées afin de mettre en place un cadre de politique global, cohérent et articulé permettant de faire face aux défis de la demande de logements neufs et des besoins d’amélioration de l’habitat existant, tout en contribuant à créer les conditions d’un développement urbain plus durable, inclusif et résilient.
Impulser une production de logement social raisonnée, de meilleure qualité et mieux ciblée
Copier le lien de Impulser une production de logement social raisonnée, de meilleure qualité et mieux cibléeSi la production de logement social a certes été marquée par des dysfonctionnements de diverses natures, il apparaît cependant aujourd’hui nécessaire de poursuivre l’effort de construction d’habitat économique et très économique, en particulier au regard de l’ampleur des besoins futurs émanant des catégories modestes de la population. Néanmoins, la politique visant à impulser cette production de logement social devrait être repensée en intégrant trois priorités : plus raisonnée, de meilleure qualité et mieux ciblée.
La production de logement social devrait être plus raisonnée, c’est-à-dire moins massive au plan national et plus différenciée selon les types de territoires urbains, en fonction de l’ampleur et des caractéristiques des besoins de ceux-ci. En particulier, la construction de logements sociaux devrait être encouragée dans les villes et régions où ces logements sont insuffisants par rapport aux besoins. Inversement, elle ne devrait pas être impulsée là où de très nombreux programmes de logements ont déjà été réalisés et permettent déjà de faire face aux besoins. Une telle approche permettrait de limiter les effets de surproduction observés dans certaines régions et leur corollaire, comme la multiplication des logements vacants (notamment observée dans le parc d’appartements neufs). Pour mettre en œuvre cette approche, le Maroc devra s’appuyer sur une méthodologie territorialisée pour évaluer les besoins et assurer un suivi étroit de la production, comme cela est fait par exemple au Chili (Encadré 5.5).
À partir de cette connaissance des besoins, plusieurs options pourraient être envisagées. Le nouveau programme d’aide directe au logement aux nouveaux acquéreurs, entré en vigueur en janvier 2024, pourrait par exemple intégrer une dimension variable avec des aides aux ménages plus importantes pour l’acquisition de logements sociaux dans des territoires définis par le Ministère comme prioritaires. À titre d’exemple, cette variabilité en fonction du niveau de priorité selon les territoires a été mise en œuvre au Chili dans un autre contexte (celui de la nécessité de construire de nouveaux logements économiques dans les parties centrales des villes, alors en cours de dépeuplement). À partir des années 1990, le Chili a ainsi instauré une aide aux ménages plus importante dans le cas de l’acquisition de logements situés dans des secteurs définis au préalable comme de rénovation urbaine, ce qui a permis un retour de la promotion immobilière privée pour la production d’habitat au cœur des villes (OCDE, 2021[9]). Une telle mesure, destinée à renforcer la demande, risque toutefois de ne pas suffire à inciter les promoteurs à construire dans certaines régions considérées comme peu attractives (en raison de leur enclavement et/ou des coûts de construction, par exemple). Elle peut donc être accompagnée de mesures spécifiques de soutien à l’offre, comme la mise à disposition de foncier public quand cela est possible (comme cela a déjà été expérimenté au Maroc pour les logements à 140 000 MAD), ou le maintien de certains avantages fiscaux.
Dans tous les cas, il convient de s’assurer, dans les zones définies comme prioritaires pour la production de logement social, que les documents d’urbanisme et de planification urbaine permettent et favorisent la construction d’ensembles de logement. Dans le cas contraire, ces derniers devront être adaptés afin d’intégrer l’enjeu que constitue la production de logements sociaux.
La production de logement social doit également donner davantage la priorité à la construction de logements de bonne qualité. Les difficultés rencontrées quant à la qualité des logements sociaux ne sont pas le propre seulement du Maroc. Elles se posent dans la plupart des pays de l’OCDE qui se sont engagés dans un processus de production massive d’habitat social. Par exemple, plusieurs pays d’Amérique Latine dont la situation en matière de demande de logement est assez comparable à celle du Maroc ont adopté ce type de politique de production massive de logement social au cours des trente dernières années (le Chili, le Mexique et la Colombie). Bien que ces stratégies de production aient été un succès sur le plan du nombre de logements produits et du soutien apporté à l’économie, elles sont de plus en plus remises en cause en raison de la qualité insuffisante des logements et des quartiers où ils ont été construits, produits rapidement et en grand nombre (Aguilera, 2016[25]) (Fuster‑Farfán et Toro, 2021[26]). En conséquence, au Chili et au Mexique, les gouvernements nationaux se voient déjà contraints de mettre en œuvre des actions de rénovation complexes et coûteuses (Bustos-Peñafiel, 2020[27]) (OECD, 2015[28]).
Afin de prévenir un tel risque, des efforts devraient être consacrés à garantir la qualité des logements sociaux produits au Maroc ainsi que celle des quartiers où ils se situent, sur le plan des services, des équipements et de l’accessibilité. Des cahiers des charges exigeants pour les promoteurs devraient être établis par le MATNUHPV, et faire l’objet d’un suivi attentif. Tel que l’a déjà initié le Groupe Al Omrane, qui a engagé depuis déjà plusieurs années un mouvement d’intégration des enjeux de la durabilité au sein de ses activités11, les impératifs liés au développement durable devraient être intégrés dans ces documents, à la manière d’un fil conducteur, imposant par exemple aux promoteurs des normes dans le domaine de la sobriété énergétique, qui constitue par ailleurs un levier significatif pour faire baisser les charges des familles bénéficiaires. Au Mexique, le mécanisme de l’hypothèque verte a par exemple permis la généralisation de l’introduction d’écotechnologies dans la production de logement social (OECD, 2022[2]). Un travail de concertation avec l’ensemble des promoteurs permettrait d’établir un référentiel composé de normes applicables au logement social et de s’assurer de l’adhésion des promoteurs immobiliers à ce dernier. Il serait par ailleurs souhaitable qu’un tel « référentiel habitat social durable » ne se limite pas au volet environnemental et climatique (amélioration de l’efficacité énergétique des logements par exemple ou des dispositifs permettant de réduire les émissions), mais intègre également, à l’image de ce qui a été proposé au Chili, des éléments ayant trait au développement social et à l’inclusion, de façon à garantir la durabilité non seulement environnementale et énergétique, mais aussi sociale, des opérations de logement social (OECD, 2022[2]). Un accès adéquat à des solutions de mobilité, et l’existence, non seulement de services urbains essentiels, mais aussi d’équipements culturels et sportifs dont l’entretien est prévu et garanti, constituent des éléments qui devraient être intégrés à un label ou référentiel « habitat social durable ».
Parce qu’il est conditionné à l’octroi d’aides de l’État, l’habitat social peut offrir un levier puissant pour orienter la production d’habitat vers des critères de qualité. Il peut constituer un terrain d’innovations techniques, énergétiques, environnementales et sociales et jouer un rôle de moteur et de démonstrateur pour l’ensemble du secteur de la construction de logements. En Europe, c’est par exemple le cas aux Pays-Bas, où le logement social constitue un terrain d’innovations environnementales, énergétiques mais aussi sociales (Boerenfijn et al., 2018[29]). L’exemple de la France, où le logement social joue le rôle de laboratoire d’innovation environnementale et sociale, peut également être mentionné (Ecologik, 2017[30]).
Enfin, la production de logement social devrait mieux cibler les types de ménages bénéficiaires clairement identifiés. Pour ce faire, il est important de fixer un plafond, non seulement pour le prix d’acquisition des logements qualifiés de sociaux ou très sociaux, mais également pour les revenus des ménages pouvant acquérir les logements. Jusqu’à présent, seul existait au Maroc un montant maximal pour le prix de vente des logements sociaux (250 000 ou 140 000 MAD) et tout ménage pouvait finalement acquérir une unité de ce type, ce qui a conduit à un phénomène de glissement, observé également dans d’autres contextes. En Colombie par exemple, les logements d’intérêt social (dits « VIS » pour vivienda de interés social), qui sont définis par un prix de vente plafonné, sont en principe destinés à être acquis par des ménages ciblés en fonction de leurs revenus et qui pourront bénéficier de subventions et/ou de crédits bonifiés octroyés par l’État. Ces mêmes logements sont toutefois également accessibles à tout type de clientèle ne bénéficiant pas d’aides publiques. En raison du faible coût des logements, un grand nombre de personnes ont acquis des unités non pas dans le but de les habiter, mais dans une perspective d’investissement, voire de spéculation, ce qui a conduit à un dévoiement de la politique du logement (OECD, 2022[2]). Ce principe devrait également s’appliquer au nouveau programme d’aide directe au logement aux nouveaux acquéreurs entré en vigueur au Maroc en janvier 2024, qui devrait intégrer comme condition d’éligibilité un plafond aux revenus des ménages.
Il est impératif de garantir que les logements ne puissent pas bénéficier à des populations non prioritaires. En ce qui concerne les montants maximums des prix de vente des logements et les plafonds de revenus, ces derniers ne devraient pas être fixés de façon uniforme au plan national, mais être adaptés à l’échelle régionale, en fonction de paramètres tels que le coût de la construction, la valeur du foncier, ainsi que le niveau des salaires. À titre d’illustration, le Chili dispose d’un système de ce type depuis de nombreuses années (voir Encadré 5.5).
Encadré 5.5. Au Chili, des aides de l’État pour acquérir un logement social variables selon les régions et les communes
Copier le lien de Encadré 5.5. Au Chili, des aides de l’État pour acquérir un logement social variables selon les régions et les communesDepuis le milieu des années 1980, la politique de l’habitat du Chili repose sur une production de logements par le marché (par des promoteurs privés) et l’octroi d’aides directes de l’État aux ménages acquéreurs des logements, sous la forme de subventions non remboursables. Il existe des aides variables pour les différents types de bénéficiaires, des plus vulnérables à la classe moyenne. Pour chaque type d’aide, les ménages sont ciblés de façon très fine par le biais du registre social des ménages, un outil qui permet de caractériser en temps réel le niveau socio-économique des ménages (il existe 7 niveaux socio-économiques) et qui s’appuie sur différentes bases de données de l’État. En ce qui concerne les logements destinés aux populations vulnérables, la subvention DS49 (décret suprême 49) prévoit que l’État apporte une contribution d’environ 12 740 EUR pour des logements dont la valeur maximale est d’environ 38 540 EUR. Il s’agit néanmoins d’une subvention plancher, à laquelle peuvent s’ajouter des aides supplémentaires en fonction des caractéristiques des ménages, mais qui peut être aussi et surtout majorée en fonction de la région et de la commune dans laquelle se situe le logement. La subvention maximale peut ainsi atteindre plus de 22 000 EUR dans le cas des régions très reculées. Au sein des régions très urbanisées, comme la région métropolitaine (capitale) de Santiago et celle de Valparaiso, les variations entre communes peuvent être assez importantes, atteignant un maximum de 16 400 euros.
Source : Ministère du logement et de l’urbanisme du Chili (MINVU).
Mettre en place un cadre d’action et des aides en faveur de l’autoconstruction et/ou autoproduction encadrée
Copier le lien de Mettre en place un cadre d’action et des aides en faveur de l’autoconstruction et/ou autoproduction encadréeComme vu précédemment, l’autoconstruction/production de l’habitat, en particulier de la maison marocaine moderne, occupe une place encore très importante dans les villes marocaines. Ce type d’habitat urbain individuel ou semi-individuel est intéressant en raison de son caractère abordable et à l’optimisation maximale du terrain d’assise qu’il implique (habitat de type maison de ville). Malgré cela, il peut constituer un problème sur le plan urbain, dans la mesure où il contribue au développement d’espaces relativement peu denses, dans un contexte de raréfaction et de renchérissement croissants du foncier.
Il semble toutefois important de lui maintenir une place parmi les modalités de production de l’habitat, en particulier pour les ménages modestes. Il s’agit en effet d’une option plébiscitée par la population en raison de son coût réduit, grâce à l’implication de la famille ou de proches ; de la progressivité de la construction, étalée dans le temps et en fonction des moyens disponibles ; et de l’adaptation du logement aux besoins et souhaits de la famille, au moment de la construction, mais aussi à venir. Des pays de l’OCDE comme le Mexique, qui ont opté au début des années 2000 pour le soutien uniquement de la production de logements sociaux, ont ensuite pris conscience de la nécessité de continuer à subventionner ce type d’option pour permettre l’accès au logement d’une partie de la population (Encadré 5.6). Il s’agit donc de ne plus laisser proliférer l’habitat non réglementaire, mais d’organiser et d’encadrer sa production, notamment dans un cadre collectif, conformément à la proposition stimulante de la production sociale de l’habitat, c’est-à-dire un processus collectif de production, par les habitants, de leur propre habitat (Habitat Worldmap, s.d.[31]) (Royez et al., 2015[32]).
Encadré 5.6. Au Mexique, le retour de l’autoconstruction/production de l’habitat au cœur de la politique du logement
Copier le lien de Encadré 5.6. Au Mexique, le retour de l’autoconstruction/production de l’habitat au cœur de la politique du logementÀ partir du milieu du XXème siècle, l’autoconstruction de logements non réglementaires a constitué le mode principal de production de l’habitat urbain au Mexique (comme dans l’ensemble de l’Amérique latine). L’action publique a longtemps consisté avant tout à l’accompagner a posteriori, en dotant les quartiers d’urbanisation irrégulière en équipements et services urbains essentiels, en soutenant parfois les initiatives de construction des ménages, voire en mettant à disposition des terrains à lotir. Au début des années 2000, la politique du logement a toutefois largement tourné le dos à l’autoconstruction/production, considérée comme responsable d’une grande partie des maux urbains, pour s’engager dans la seule production massive de logements sociaux. Celle-ci s’est ensuite révélée poser de nombreux problèmes en raison de la mauvaise qualité de l’habitat et des difficultés d’accessibilité des nouvelles zones d’habitat.
Dans ce contexte, en 2020, le gouvernement mexicain a décidé de revaloriser de façon importante l’autoconstruction/production de l’habitat, et de ne plus réserver les aides à la seule accession à la propriété dans des logements sociaux construits par des promoteurs privés et livrés clé en main. Désormais, les crédits octroyés par l’Institut national du Fonds du logement pour les travailleurs (INFONAVIT), principal financeur de l’immense majorité des quelque 10 millions de logements sociaux produits dans le pays depuis le début des années 2000, peuvent également être utilisés par les ménages pour autoconstruire ou autoproduire leur logement. Le Ministère en charge des questions urbaines et de l’habitat (SEDATU) a ouvert une plateforme très complète destinée aux ménages candidats à l’autoconstruction/production, qui rassemble toutes les informations qui pourraient leur être utiles, depuis des plans de logement et des listes d’artisans de différents corps de métier à une présentation détaillée de toutes les sources de financement existantes, en passant par des conseils pratiques pour mener à bien toutes les étapes du projet. Cette plateforme baptisée « Décide et construis » (Decide y Construye) fait partie de la nouvelle Stratégie nationale en faveur de l’autoconstruction qu’a lancée le Mexique et qui est actuellement encore en cours de déploiement.
Les défis qui se présentent sont cependant nombreux. En effet, il ne s’agit pas de favoriser des processus d’autoconstruction/production tels que ceux des années 1950 à 1980, qui avaient donné lieu à l’apparition d’espaces urbains sous-intégrés. L’objectif est de canaliser les projets d’autoconstruction/production des ménages vers des zones aptes à les accueillir, d’encadrer les ménages et d’accompagner les dynamiques de production de l’habitat, afin de contribuer à produire des espaces urbains viables et durables (ce que ne sont pas les quartiers d’habitat social massif, qui doivent aujourd’hui faire l’objet d’interventions en matière de rénovation).
Source: SEDATU et plateforme Decide y Construye.
La mise en place d’aides s’appliquant aux projets d’autoconstruction/production de l’habitat pourrait constituer dans les zones urbaines marocaines un puissant levier pour orienter et améliorer l’autoconstruction/production et éviter ainsi le développement de formes d’insalubrité, liée à un raccordement déficitaire aux réseaux urbains ou bien encore à une mauvaise conception des logements. L’octroi d’aides pourrait en effet être conditionné au respect de règles et de normes précises par les ménages constructeurs et ces derniers pourraient être épaulés par des professionnels (architectes, artisans de la construction). La production de formes d’habitat plus denses que la maison marocaine moderne, de type petit immeuble collectif (à 3 ou 4 étages), pourrait être fortement encouragée dans le cadre d’aides fournies aux ménages. À cet égard, le principe du tiers associé avait été expérimenté à Casablanca, par lequel deux ménages attributaires d’opérations de recasement avaient la possibilité de s’associer avec un tiers qui s’engageait à réaliser la construction du logement des deux ménages.12 Identifié comme une bonne pratique (Toutain et Rachmuhl, 2014[20]), ce principe pourrait être repris et amélioré. Grâce à des subventions octroyées aux ménages pour assurer l’autoproduction de logements ainsi qu’à un meilleur accompagnement, les constructions pourraient être de bien meilleure qualité.
De manière générale, une stratégie de financement de projets d’habitat autoconstruits/produits encadrés et assistés aurait toute sa place dans une politique du logement diversifiée, au côté de la poursuite d’aides centrées sur l’habitat social livré clé en main. Sur un plan urbain, elle doit être dûment pensée et intégrée dans les plans d’urbanisme, à travers la définition de zones dotées en services et accessibles, aptes à être loties et imposant par exemple le respect d’une densité minimale.
Soutenir l’amélioration de l’habitat dans le cadre d’une approche intégrée de renouvellement urbain
Copier le lien de Soutenir l’amélioration de l’habitat dans le cadre d’une approche intégrée de renouvellement urbainJusqu’à présent, la politique du logement s’est concentrée fortement sur le déficit quantitatif de logements : d’une part, en favorisant la production d’habitat social et très social, et d’autre part, en résorbant les bidonvilles via des opérations de relogement ou de recasement. Des interventions en matière d’amélioration de l’habitat ont certes été réalisées dans le cadre de l’habitat menaçant ruine, mais elles ont concerné avant tout un type d’habitat bien spécifique, celui des tissus anciens de médinas, et ont été en nombre limité. Dans les quartiers d’habitat non réglementaires où, en raison du mode de production basé sur l’autoconstruction, beaucoup de logements nécessitent d’être améliorés afin de pouvoir satisfaire des conditions décentes d’habitabilité, les actions ont été centrées sur la mise à niveau urbaine (c’est-à-dire l’accès aux services urbains essentiels et les équipements) et n’ont pas concerné l’habitat en tant que tel. Le défi que constitue le déficit qualitatif de logements, c’est-à-dire les logements non satisfaisants mais améliorables, est donc demeuré essentiellement non couvert par la politique du logement. Il est pourtant très important au Maroc, comme le reflètent les données en matière d’insalubrité. La politique du logement et de l’habitat reformulée devra donc s’atteler à cette question, qui se révèle par ailleurs essentielle au regard des enjeux de développement urbain durable, puisqu’elle permet de consolider et d’améliorer l’existant et non pas de recourir à de nouvelles constructions.
Ce défi de l’amélioration de l’habitat ne se limite pas à l’habitat menaçant ruine situé dans les tissus urbains anciens de médinas, ni aux quartiers d’habitat non réglementaire issus de processus d’autoconstruction. Il concerne plus largement l’ensemble des secteurs urbains consolidés centraux ou péricentraux, où les besoins de rénovation de l’habitat ancien (notamment énergétiques), bien que non quantifiés, sont également nombreux. Il est donc fondamental de mettre en place des aides aux propriétaires occupants et propriétaires bailleurs pour permettre l’amélioration de ce parc de logements diffus. Mobiliser, en les améliorant, ce stock de logements pour répondre aux besoins apparaît d’autant plus pertinent là où des investissements importants ont été réalisés en faveur du transport public et de la mobilité. En effet, les logements anciens situés le long des nouveaux axes de transport public bénéficient de ce fait d’une très bonne accessibilité et leur amélioration apparaît d’autant plus stratégique car elle permet d’optimiser les investissements publics réalisés. Il existe autour des axes de tramways et de bus à haut niveau de service un potentiel très significatif en matière de renouvellement urbain, dans lequel l’habitat doit occuper une place centrale (voir Chapitre 4 sur les stratégies de « Transit-Oriented Development », TOD). Cette approche intégrée de l’habitat doit prévoir un développement orienté et centré sur le citoyen en développant des concepts de logement innovants et résilients qui offrent plus de bénéfices aux résidents, en termes d’accès aux services, de mobilité et énergétique, environnementale et hydrique (notamment en lien avec les labels nationaux et systèmes de certification), afin de réduire les dépenses associées à la consommation d’énergie, diminuant ainsi le risque de pauvreté énergétique et contribuant à la réduction des inégalités dans les villes.
L’amélioration du parc de logement ancien diffus dans les parties consolidées des zones urbaines pourrait constituer un chantier prioritaire confié à l’ANRUR, dotée en particulier de nouveaux outils adaptés en matière de financement. Les expériences internationales montrent en effet qu’en matière de régénération urbaine (ou de renouvellement urbain), l’intégration de cet enjeu dans les instruments de planification urbaine, indispensable, n’est toutefois pas suffisante. La récente Revue de politique nationale urbaine de la Colombie de l’OCDE a bien montré, dans le cas de ce pays, que le fait de disposer de documents d’urbanisme prônant clairement la régénération urbaine comme une priorité ne suffisait pas à engager des dynamiques concrètes en la matière, malgré l’existence d’un potentiel énorme de reconstruction de la ville sur elle-même et l’existence de couloirs de transport récemment créés, en théorie propices à l’apparition de processus de reconquête urbaine (OECD, 2022[2]). En revanche, les leviers que constituent des aides dédiées s’avèrent décisifs. Dans ce domaine, l’expérience de l’Agence nationale de l’habitat française (ANAH) est intéressante (Encadré 5.7).
Encadré 5.7. L’agence nationale de l’habitat, acteur majeur de l’amélioration du logement et de l’habitat en France depuis 50 ans
Copier le lien de Encadré 5.7. L’agence nationale de l’habitat, acteur majeur de l’amélioration du logement et de l’habitat en France depuis 50 ansCréée en 1971 et financée par la taxe additionnelle au droit de bail, l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) a pour mission d'améliorer le parc de logements privés existants par des aides financières aux travaux, en accompagnant les propriétaires du parc privé ainsi que les collectivités. Elle contribue à la résorption de l’habitat indigne en proposant un accompagnement et un soutien financier aux propriétaires occupants ou bailleurs qui engagent des travaux importants de réhabilitation de leurs logements pour des conditions de vie plus dignes, à condition qu’ils n’excèdent pas un plafond de ressources défini. Les compétences de l’Agence ont été étendues en 2006, avec l’intégration de la possibilité de conclure des conventions avec des propriétaires bailleurs s’engageant à pratiquer des loyers inférieurs au prix du marché à des locataires dont les ressources ne doivent pas dépasser un certain plafond, afin de faciliter la mise à disposition d’un parc locatif rénové à loyer abordable. La rénovation énergétique et notamment la lutte contre la précarité énergétique sont devenues une priorité majeure pour l’Agence.
L’Agence est également un partenaire privilégié des collectivités territoriales qui engagent des actions coercitives pour réduire cet habitat indigne, notamment dans le cadre des Opérations programmées d’amélioration de l’habitat insalubre (OPAH) qui permettent la mise en œuvre d’une politique de réhabilitation du parc immobilier bâti et d’amélioration de l’offre de logements dans des quartiers dans lesquels sont identifiés des phénomènes de vacance ou une prégnance de l’habitat dégradé ou insalubre. Ces opérations s’attachent aussi à pallier l’insuffisance des services publics et le déclin des commerces pour répondre au mieux aux besoins des populations résidentes et à contribuer à l’amélioration du cadre de vie ainsi qu’à la préservation de la mixité sociale. Elles s’établissent par la voie de conventions entre les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d’habitat ou les syndicats mixtes ayant reçu mandat de ces derniers, en partenariat avec l’État et l’ANAH.
L’ANAH a financé en 2021 la rénovation de de plus de 750 000 logements, grâce à 3,11 milliards EUR d’aides distribuées. Cette activité a permis de générer plus de 8 milliards EUR de travaux et de créer ou préserver près de 900 000 emplois.
Source : ANAH, (CEREMA, 2021[33]).
En ce qui concerne les quartiers sous-intégrés d’habitat non réglementaire ainsi que les bidonvilles susceptibles d’être restructurés in situ (une modalité devant être sans doute renforcée chaque fois qu’elle est possible, afin d’éviter les déplacements de population, aux conséquences lourdes pour les ménages), le cadre déjà existant de la Politique de la Ville, que le MATNUHPV souhaite recentrer sur ses missions originelles, pourrait être particulièrement opportun pour le développement de projets territorialisés et intégrés d’amélioration de quartiers incluant des actions en matière d’habitat, de services urbains essentiels, mais également d’équipements culturels et sportifs ainsi que d’emploi et d’opportunités économiques. Les projets d’amélioration intégrale de quartiers développés dans de nombreux pays d’Amérique Latine depuis plusieurs décennies (mejoramiento integral de barrios) offrent une bonne illustration de ce type d’approche multisectorielle particulièrement intéressante, avec une priorité claire donnée à la dimension culturelle et à la participation citoyenne, leviers majeurs pour l’intégration urbaine et sociale des habitants des quartiers concernés (Encadré 5.8). Au Maroc, les approches privilégiées dans le cadre de la politique du logement et de l’habitat ont été avant tout sectorielles, centrées soit sur l’habitat, soit sur la mise à niveau urbaine. Comme souligné par la Cour des comptes en matière de recommandations pour le programme Villes sans bidonvilles, le programme de résorption des bidonvilles a été essentiellement axé sur le logement ; or, cette dimension, bien qu’essentielle, n’est toutefois qu’un élément du processus d’intégration urbaine qui inclut des paramètres économiques et sociaux : emploi, scolarisation, et insertion sociale (Cour des Comptes, 2020[34]).
Encadré 5.8. Les programmes d’amélioration intégrale de quartier en Amérique latine
Copier le lien de Encadré 5.8. Les programmes d’amélioration intégrale de quartier en Amérique latineDes programmes d’amélioration intégrale de quartier (Mejoramiento integral de barrios) sont développés dans de nombreux pays d’Amérique latine à l’initiative des gouvernements locaux et tout particulièrement en Colombie. Ils consistent en un ensemble d’interventions multisectorielles articulées entre elles et concentrées sur un territoire donné, considéré comme un espace urbain précaire à améliorer et à intégrer à la ville sur le plan social et urbain. Il s’agit en général de quartiers d’origine irrégulière situés dans les périphéries urbaines, mais également parfois, comme au Chili, de quartiers d’habitat social dégradés.
Si ces programmes comportent souvent un volet de régularisation préalable de la propriété et de mise à niveau urbaine (en matière de services urbains essentiels), ils vont toutefois bien au-delà. Ils incluent ainsi des actions en matière de mobilité et d’accessibilité (par exemple, en Colombie, l’installation de téléphériques urbains), des interventions en matière d’espaces publics, ainsi que la construction d’équipements socioculturels de quartier qui jouent un rôle majeur pour le développement d’initiatives permettant une amélioration du cadre de vie et des opportunités sociales et économiques pour les ménages. Des interventions en matière d’amélioration de l’habitat sont également en général présentes.
Outre ce caractère intégral, multisectoriel et articulé, les programmes d’amélioration intégrale de quartiers sont développés en concertation étroite avec la population, qui participent activement à la conception des projets et au suivi de leur mise en œuvre. Le développement de la participation citoyenne est l’une de leurs priorités. Si l’expérience de la ville de Medellín est sans doute la plus connue, de nombreux autres projets ont été mis en œuvre dans les villes de la région. Portés par les gouvernements locaux, bénéficiant pour certains d’entre eux du soutien de bailleurs comme la Banque interaméricaine de développement (BID), ils commencent désormais, dans certains pays comme la Colombie, à être adoptés et promus dans le cadre de politiques nationales. En Colombie, les documents d’urbanisme définissent explicitement des périmètres d’amélioration de quartiers.
Source : (OECD, 2022[2]), (Paquette Vassili, 2022[35])
Les différents enjeux que sont la rénovation du parc de logements anciens dans les zones urbaines consolidées centrales et péricentrales, l’amélioration de l’habitat insalubre et la mise à niveau urbaine pourraient être abordés dans le cadre d’une stratégie intégrée de renouvellement urbain, qui permettrait de mettre en œuvre une approche globale et transversale et de mobiliser les énergies dans le sens d’un réinvestissement des espaces urbains existants (qui fait aujourd’hui défaut). Dans ce contexte, les villes nouvelles existantes, qui connaissent des difficultés assez importantes, pourraient faire l’objet d’une démarche de réurbanisation et de renouvellement urbain, ambition qui pourrait être portée par leurs plans de relance. Dans ces espaces urbains récemment créés, tout comme dans les parties plus anciennes et consolidées des villes, la mise en œuvre d’une stratégie intégrée de renouvellement urbain pourrait être l’occasion de mobiliser une partie du parc de logements vacants. Il conviendrait toutefois au préalable de connaître en profondeur le phénomène de la vacance, afin de le caractériser et le territorialiser.
Soutenir l’amélioration de l’habitat dans le cadre d’une approche intégrée de renouvellement urbain doit également chercher à réduire la pollution dans les centres-villes, non seulement la pollution atmosphérique, mais aussi visuelle et sonore, à travers des actions de transformation et d’embellissement des quartiers résidentiels et des zones avec une population dense, à l’image des projets dédiés à la valorisation des médinas et des kasbahs.
Intégrer le logement locatif dans la politique du logement
Copier le lien de Intégrer le logement locatif dans la politique du logementLes efforts déployés dans le cadre de la politique marocaine du logement ont été centrés quasi exclusivement sur l’accession à la propriété, dont la part n’a d’ailleurs cessé de progresser. Or, tous les ménages, et en particulier les plus modestes, ne sont pas en condition de s’engager dans l’acquisition d’un logement, coûteuse et souvent risquée. Par ailleurs, les options locatives s’avèrent pertinentes non seulement à certaines étapes du cycle de vie des individus (jeunes adultes), mais aussi pour permettre une mobilité géographique liée au marché de l’emploi, qui est de plus en plus fréquente (OCDE, 2021[9]). Le développement d’un marché locatif formel plus conséquent est donc essentiel pour les villes marocaines.
Plusieurs mesures pourraient être envisagées de façon simultanée afin de renforcer les options locatives :
D’une part, dans le cadre du recentrage recommandé de l’habitat social et très social vers une production plus raisonnée, qualitative et ciblée, un programme destiné à la location-accession pourrait être créé. Si le programme Vivier de propriétaires (Semillero de propietarios), développé très récemment en Colombie et conçu comme une porte d’entrée vers le Programme de logement social, constitue une expérience intéressante (OECD, 2022[2]), d’autres pays ont également développé des programmes de ce type. Une étude comparative réalisée pour le compte de l’Agence française de développement et ayant porté sur quinze dispositifs fonctionnant ou ayant fonctionné dans onze pays d’Amérique Latine, Afrique et Asie, offre un aperçu de la diversité des expériences internationales de location-accession et permet d’identifier les enjeux du dispositif et ses conditions de succès (Agence française de développement, 2021[36]). Selon cette étude, afin de répondre à des objectifs sociaux, la mobilisation d’aides publiques et le soutien des collectivités locales apparaissent comme des facteurs clés. À défaut, la location-accession ne peut en effet être viable que pour des ménages de classe moyenne, voire moyenne supérieure. La location-accession, orientée vers l’accession à la propriété, n’est toutefois pas une forme de logement locatif en tant que telle. Elle constitue avant tout un produit d’appoint utile au sein d’une politique globale de l’habitat, qui peut par ailleurs contribuer à l’émergence d’un secteur locatif abordable, notamment par le renforcement des cadres réglementaires et des acteurs institutionnels du secteur (Agence française de développement, 2021[36]). Au Maroc, le mécanisme de l’Ijara montahia bi-tamlik immobilière (contrat par lequel un établissement de crédit met, à titre de location, un bien immobilier déterminé, identifié et propriété de cet établissement, à la disposition d'un client, assorti d'une promesse de vente du bien objet de la location en fin du contrat) peut être particulièrement opportun, notamment pour écouler les stocks de logements sociaux accumulés. Un programme de location-accession devrait toutefois être basé sur des aides spécifiques permettant notamment aux plus modestes d’accéder à des contrats de location-accession (Agence française de développement, 2021[36]).
D’autres mesures en faveur du logement locatif peuvent être mises en œuvre afin de compléter un dispositif de location-accession aidé. On peut penser en particulier à la création d’un parc public de logements locatifs sociaux, qui pourrait accueillir des ménages modestes aux ressources plafonnées, moyennant des loyers adaptés et également strictement régulés. Des logements sociaux récents actuellement vacants pourraient être acquis pour constituer ce parc, voire des logements anciens, via un mécanisme de type acquisition-amélioration destiné à des bailleurs institutionnels. En France, par exemple, l’acquisition-amélioration est une modalité de production d’offre de logements locatifs sociaux. À côté des financements majoritaires consacrés à la construction neuve, il a existé, de 1978 à 1990, des prêts spécifiquement destinés à aider les organismes de logement social à acquérir des logements existants pour leur donner un statut social après y avoir effectué des travaux d’amélioration. Pour en bénéficier, toute acquisition par un bailleur social devait alors obligatoirement donner lieu à des travaux. À partir de 1990, il a été rendu possible d’acquérir sans amélioration pour produire une offre très sociale destinée aux ménages défavorisés. Depuis 2001, afin de stimuler la production de logements sociaux, notamment dans les secteurs urbains denses où le foncier est rare, l’obligation de travaux est totalement levée (Politique du logement, s.d.[37]). Ces derniers pourraient être des entités publiques comme privées, mais aussi émaner de la société civile, comme le montre l’expérience de l’Afrique du Sud en la matière (voir Encadré 5.9).
Encadré 5.9. En Afrique du Sud, une politique de développement d’habitat locatif social comme alternative à l’accession à la propriété
Copier le lien de Encadré 5.9. En Afrique du Sud, une politique de développement d’habitat locatif social comme alternative à l’accession à la propriétéAprès avoir conduit une politique de production massive d’habitat social individuel en accession à la propriété dans le cadre de ses politiques publiques post-apartheid destinées à lutter contre la ségrégation et la discrimination raciale, l’Afrique du Sud a mis en place des programmes de logement locatif à partir du milieu des années 1990 pour répondre à l’énorme déficit quantitatif d’habitat encore présent dans le pays. Des organisations sans but lucratif (social housing institutions) créées pour l’occasion se sont chargées de constituer un parc social avec des subventions du gouvernement. Des promoteurs immobiliers privés ont également récupéré des bâtiments désaffectés dans les parties centrales de villes, en particulier à Johannesburg, pour les convertir en appartements à louer.
Une nouvelle politique publique a ensuite été mise en place en 2006, permettant la construction subventionnée de logements sociaux locatifs dans des zones dites de restructuration urbaine, caractérisées par des besoins importants en matière de régénération urbaine. En 2017, 138 zones de ce type (localisées dans six provinces et 38 municipalités) ont été ajoutées aux 127 déjà existantes. Ces zones concernent également les villes intermédiaires et les petites villes. Il existe aujourd’hui quelque 35 000 logements locatifs sociaux dans les zones urbaines du pays.
Bien qu’il se soit produit un glissement progressif de ce type d’offre de logements vers les périphéries (en raison du contexte de ralentissement de l’économie sud-africaine et de la forte inflation et des impacts sur les possibilités de développer des opérations dans des secteurs urbains valorisés), l’expérience sud-africaine est intéressante, en particulier parce qu’il existe très peu de programmes en faveur du logement locatif social dans le contexte des économies émergentes, où les politiques du logement ont tendance à favoriser massivement l’habitat social en accession à la propriété
Source : Salenson et al. (2021[38]), En Afrique du Sud, le logement social peut-il aider à dépasser enfin l'héritage de l'apartheid?, The Conversation https://theconversation.com/en-afrique-du-sud-le-logement-social-peut-il-aider-a-depasser-enfin-lheritage-de-lapartheid-157477 ; Scheba, Turok et Visagie (2021[39]), The role of social housing in reducing inequality in South African Cities, AFD Research Paper.
Mesurer, évaluer et programmer au niveau national, régional et local
Copier le lien de Mesurer, évaluer et programmer au niveau national, régional et localUne estimation rigoureuse des besoins en logement dans les villes marocaines est essentielle pour pouvoir élaborer et mettre en œuvre une politique du logement et de l’habitat adaptée et efficiente. S’il existe au Maroc une méthodologie bien établie pour déterminer le nombre de logements à produire (les unités manquantes et les besoins futurs), ce n’est en revanche pas le cas pour estimer le nombre de logements devant être améliorés pour pouvoir être considérés comme adéquats (ou convenables), c’est-à-dire le déficit qualitatif de logements. Cette notion est utilisée par un grand nombre de pays, notamment latino-américains, pour élaborer et calibrer leur politique d’amélioration de l’habitat (OECD, 2022[2]). Les données utilisées au Maroc pour la dimension qualitative du déficit d’habitat concernent l’insalubrité des logements. Aussi pertinentes soient-elles pour caractériser l’état actuel du parc de logements, celles-ci sont en réalité peu opérantes en termes de politique publique, car il n’existe ni priorisation des degrés d’insalubrité ni définition de la notion de logement adéquat. Par ailleurs, certains niveaux d’insalubrité s’apparentent au déficit quantitatif, alors que d’autres concernent la dimension qualitative. D’une part, certains niveaux de l’échelle d’insalubrité renvoient ou peuvent renvoyer à des besoins quantitatifs, c’est-à-dire des logements à remplacer. C’est le cas du premier niveau, mais aussi du sixième, qui a trait aux logements suroccupés. Alors que certains logements suroccupés pourraient être agrandis (améliorés), d’autres n’autoriseraient pas ce type d’amélioration et devraient donc être remplacés. La traduction du niveau 6 d’insalubrité en termes de besoins quantitatifs ou qualitatifs n’est donc pas claire. D’autre part, la question des seuils d’acceptabilité peut se poser de certains degrés d’insalubrité. C’est notamment le cas pour l’insalubrité de niveau 4, qui a trait aux rapports du logement avec le milieu extérieur en termes d’ensoleillement, de ventilation et d’éclairage naturel. En effet, il n’est pas clair que tous les logements concernés par ce type d’insalubrité font nécessairement partie des logements à améliorer.
Adopter une méthodologie rigoureuse d’estimation du déficit global de logement fondée sur une distinction claire entre les deux composantes que sont le déficit quantitatif et le déficit qualitatif constituerait une avancée importante pour la politique du logement marocaine. Un projet de circulaire conjointe entre le MATNUHPV et le Ministère de l’Intérieur relatif à la mise en œuvre des plans régionaux de l’habitat a d’ailleurs pour objectif le suivi du marché foncier au niveau régional afin de mieux prévoir la demande, fixer les besoins au niveau de chaque région et de limiter la mobilisation du foncier à la réalisation des projets d’habitat. Concernant le déficit qualitatif en logement, c’est-à-dire le déficit en logements de qualité, il est important tout d’abord d’établir une définition claire du concept de logement adéquat ou convenable tel qu’on l’entend dans le pays. Comme d'autres formes de besoin social, le besoin de logement est de type normatif. Les critères d'habitabilité peuvent donc différer selon les pays et les contextes : ce qui peut être considéré comme une solution de logement adéquate (en termes de matériaux, de confort thermique ou de nombre d'occupants) dans un pays, voire une région, peut être perçu comme inacceptable à un autre endroit. À l’échelle internationale, des exemples intéressants de méthodologies de définition du déficit qualitatif de logements, comme celles utilisées en Colombie et au Chili, pourraient servir de référence, même si une telle méthodologie doit être adaptée au contexte spécifique du Maroc (OECD, 2022[2]).
Si l’estimation des besoins est une question fondamentale pour pouvoir mettre en œuvre une politique de l’habitat efficace, l’évaluation des programmes et actions conduits dans le cadre de cette politique l’est tout autant. Elle permet en particulier de vérifier que les ménages ciblés sont bien les principaux bénéficiaires des dispositifs d’aide mis en place et, le cas échéant, de modifier ou réorienter les dispositifs d’aide. Des efforts importants devraient être faits dans ce sens afin de développer une culture et une pratique de l’évaluation dans le cadre de la politique du logement, en mobilisant en particulier les différents services du ministère chargé des questions d’habitat. Comme l’a souligné la Cour des comptes dans plusieurs de ses rapports, les programmes mis en œuvre au Maroc en faveur du logement, que ce soit en matière de logement social ou de résorption de bidonvilles, n’ont pas fait l’objet d’évaluations suffisantes.
Tout comme l’estimation des besoins, l’évaluation des programmes et actions devrait être réalisée à l’échelle nationale, mais également régionale, voire plus locale. Les Plans régionaux de l’habitat lancés récemment constituent en ce sens une initiative très prometteuse. Afin de constituer des instruments pertinents, ces plans devront se centrer non seulement sur l’identification des besoins locaux (sur la base d’une méthodologie d’estimation quantitative et qualitative), mais également sur l’état du parc de logement (en prêtant une attention particulière aux logements vacants, très nombreux dans plusieurs régions du Royaume), ainsi que sur l’offre d’habitat existante. Les Programmes locaux de l’habitat développés en France depuis 40 ans constituent un exemple d’instruments de ce type (voir Encadré 5.10).
Encadré 5.10. Le Programme local de l’habitat (PLH), outil par excellence d'une stratégie locale de l'habitat en France
Copier le lien de Encadré 5.10. Le Programme local de l’habitat (PLH), outil par excellence d'une stratégie locale de l'habitat en FranceCréé en France il y a 40 ans, le programme local de l’habitat (PLH) est devenu un document structurant de la réflexion des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) afin de répondre aux préoccupations des habitants en matière de logement. Couvrant aujourd’hui la quasi-totalité du territoire métropolitain français, les PLH déclinent sur six années les réponses à apporter aux besoins en matière d’habitat et d’hébergement, en matière de développement ou d’adaptation de l’offre, pour tous les publics et notamment les ménages aux ressources les plus modestes.
Le PLH constitue un document stratégique important pour le territoire au niveau local, qui s’articule avec les instruments de planification territoriale. Il doit être compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et il oriente les plans locaux de l’urbanisme intercommunaux (PLUi) ou communaux (PLU). Il permet de répondre à des enjeux de territoire comme la densification urbaine, le renouvellement urbain, la promotion de bâtiment économes en énergie, et d'intégrer le confort et la qualité de vie. Il est fondé sur un diagnostic qui analyse le fonctionnement des marchés de l’habitat et du foncier, les besoins et les manques et il définit des objectifs et moyens à mobiliser sur les plans financier, urbanistique, foncier et humain.
Source : (CEREMA, 2021[33]).
Références
[36] Agence française de développement (2021), La location-accession: quel potentiel pour améliorer l’accès au logement abordable? Retours d’expérience sur trois continents.
[25] Aguilera, A. (2016), « Failed Markets », Latin American Perspectives, vol. 44/2, pp. 38-51, https://doi.org/10.1177/0094582x16682782.
[24] Benchanna, I. (2022), Nouveau virage pour les logements conventionnés, https://www.lavieeco.com/affaires/immobilier-nouveau-virage-pour-les-logements-conventionnes/.
[29] Boerenfijn, P. et al. (2018), « A multi-case study of innovations in energy performance of social housing for older adults in the Netherlands », Energy and Buildings, vol. 158, pp. 1762-1769, https://doi.org/10.1016/j.enbuild.2017.10.101.
[27] Bustos-Peñafiel, M. (2020), « Trayectoria, evolución y configuración de la regeneración urbana en Chile: del higienismo a la equidad territorial », Revista 180, vol. 46, pp. 75-90, https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0718-669X2020000200075.
[8] Causa, O., N. Woloszko et D. Leite (2019), « Housing, wealth accumulation and wealth distribution: Evidence and stylized facts », OECD Economics Department Working Papers, n° 1588, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/86954c10-en.
[33] CEREMA (2021), Réhabiliter le parc immobilier bâti. L’opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH), http://outil2amenagement.cerema.fr/IMG/pdf/fiche_opah_v2_cle018711.pdf.
[23] Cour des Comptes (2021), Rapport de la Cour des Comptes 2019-2020: Synthèse.
[34] Cour des Comptes (2020), Évaluation du programme « Villes sans bidonvilles: Contexte et principales recommandations ».
[13] Cour des Comptes (2018), Rapport 2016-2017.
[30] Ecologik (2017), Le logement social comme laboratoire d’innovations, pp. 40-42.
[26] Fuster‑Farfán, X. et F. Toro (2021), « Les espaces de la crise au Chili », Géographie et cultures, https://doi.org/10.4000/gc.15570.
[31] Habitat Worldmap (s.d.), Production sociale de l’habitat, https://habitat-worldmap.org/mots-cles/production-sociale-de-lhabitat/.
[18] Harroud, T. (2017), « Handicaps et contradictions du Programme de villes nouvelles au Maroc: Mode de gouvernance et processus de mise en oeuvre », Les Cahiers de l’EMAM, vol. 29.
[6] Haut-Commissariat au Plan (2024), Les indicateurs sociaux du Maroc, https://data.europa.eu/doi/10.2760/062975.
[3] Henoch, P. (2022), Calculando el déficit habitacional, Libertad y Desarrollo, https://lyd.org/wp-content/uploads/2022/11/SISO-195-CALCULANDO-EL-DEFICIT-HABITACIONAL-oct2022-3-SOCIAL.pdf.
[12] MATNHUPV (2022), Résultats du Dialogue National de l’Urbanisme et de l’Habitat.
[22] MATNUHPV (2022), Principaux indicateurs du secteur de l’immobilier.
[14] MATNUHPV (2018), Étude relative à l’évaluation du programmes de logements sociaux à 250 000 DH, http://www.mhpv.gov.ma/wp-content/uploads/2018/03/syn-250-VF.pdf.
[17] MATNUHPV (2016), Étude relative à l’évaluation du programme de logements à faible valeur immobilière de 140 000 DH.
[40] MATNUHPV (2016), Étude relative à l’évaluation du programme de logements sociaux à 250 000 DH.
[7] MHPV (2016), Étude relative à l’enquête nationale sur la demande d’habitat.
[4] MHPV (2015), Enquête logement 2012. Phase IV: Synthèse des résultats de l’enquête logement, interprétatio et élaboration d’une méthodologie d’évaluation du déficit et des besoins en logement.
[21] MHPV (2015), Enquête nationale d’évaluation d’impacts des programmes de lutte contre l’habitat insalubre sur les conditions de vie des ménages. Note synthétique de présentation des principaux résultats de l’évaluation d’impacts du programme Villes Sans Bidonvilles.
[15] Ministère de l’Économie et des Finances (2019), Guide incitations fiscales.
[10] Ministère de l’Économie et des Finances (2019), La politique publique de l’habitat, vers de nouvelles perspectives, http://depf.finances.gov.ma/wp-content/uploads/2019/02/pol_habitat_2019.pdf.
[11] Moreno Monroy, A. et al. (2020), « Housing policies for sustainable and inclusive cities : How national governments can deliver affordable housing and compact urban development », OECD Regional Development Working Papers, n° 2020/03, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/d63e9434-en.
[9] OCDE (2021), Boîte à outils de l’OCDE pour les politiques publiques du logement - Rapport de synthèse, https://www.oecd.org/fr/rcm/Bo%C3%AEte%20%C3%A0%20outils%20de%20l%E2%80%99OCDE%20pour%20les%20Politiques%20Publiques%20du%20logement%20%E2%80%93%20Rapport%20de%20Synth%C3%A8se.pdf.
[2] OECD (2022), National Urban Policy Review of Colombia, OECD Urban Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9ca1caae-en.
[28] OECD (2015), OECD Territorial Reviews: Valle de México, Mexico, OECD Territorial Reviews, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264245174-en.
[5] OECD (s.d.), OECD Affordable Housing Database, https://www.oecd.org/housing/data/affordable-housing-database/.
[19] ONU Habitat (2011), Évaluation du programme national Villes sans bidonvilles: Propositions pour en accroître les performances.
[1] ONU Habitat (2010), Le droit à un logement convenable, https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Publications/FS21_rev_1_Housing_fr.pdf.
[35] Paquette Vassili, C. (2022), Participatory neighborhood improvement programs: a way par excellence to promote greater urban and territorial equity from the bottom. Zooming into Latin-American inspirational experience, https://gold.uclg.org/sites/default/files/2022-06/ch4_commoning_1_0.pdf.
[37] Politique du logement (s.d.), Acquisition-amélioration, https://politiquedulogement.com/dictionnaire-du-logement/a/acquisition-amelioration/.
[32] Royez, C. et al. (2015), La production sociale de l’habitat, https://www.citego.org/bdf_dossier-268_fr.html.
[38] Salenson, I. et al. (2021), En Afrique du Sud, le logement social peut-il aider à dépasser enfin l’héritage de l’apartheid?, https://theconversation.com/en-afrique-du-sud-le-logement-social-peut-il-aider-a-depasser-enfin-lheritage-de-lapartheid-157477.
[39] Scheba, A., I. Turok et J. Visagie (2021), The role of social housing in reducing inequality in South African Cities.
[16] Secrétariat général de la promotion immobilière (2022), Principaux indicateurs immobiliers.
[20] Toutain, O. et V. Rachmuhl (2014), Évaluation et impact du Programme d’appui à la résorption de l’habitat insalubre et des bidonvilles au Maroc.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. Le premier niveau d’insalubrité concerne les logements avec des carences extrêmes et est assimilé au déficit quantitatif car les logements doivent être remplacés. Le niveau d’insalubrité 2 correspond aux logements qui manquent d’au moins un des trois équipements de base, à savoir l’eau potable, l’électricité et l’assainissement. Le niveau d’insalubrité 3 correspond aux logements qui ne disposent pas d’une cuisine ou de toilettes indépendantes. Le niveau d’insalubrité 4 correspond aux logements ayant un mauvais rapport avec le milieu extérieur en matière d’ensoleillement, de ventilation et d’éclairage naturel. Le niveau d’insalubrité 5 correspond aux logements situés dans un environnement nuisible en termes de zones infestées, d’atmosphère polluée, de microclimat nuisible et de zones à nuisances. Le niveau d’insalubrité 6 correspond aux logements présentant une densité d’occupation élevée, avec moins de 9 m² par personne.
← 2. Dans le cas des logements autoconstruits, le propriétaire construit lui-même son logement, le plus souvent progressivement, en fonction de ses moyens, tandis que dans le cas de l’autoproduction, il est son propre promoteur et fait appel à une petite entreprise pour construire son logement.
← 3. La maison marocaine correspond à un habitat dense de type maison de ville, individuel voire semi-individuel, construit en R+2 avec le plus souvent une occupation maximale du terrain. Il est en réalité défini statistiquement par défaut comme une « construction destinée à l’habitation ne répondant aux critères ni des immeubles ni des villas », qui sont d’autres catégories d’habitat individualisées dans les recensements de la population et de l’habitat ainsi que les enquêtes logement.
← 4. Le Groupe Al Omrane a été créé en 2007 par regroupements successifs de plusieurs sociétés pour devenir l’opérateur spécialisé de l’État dans le secteur de l’habitat et de l’aménagement. Établissement public doté de personnalité morale et d’une autonomie financière, il opère sous la tutelle du Ministère de l'Aménagement du Territoire National, de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Politique de la Ville et intervient en tant qu’opérateur public de mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière d’habitat, notamment pour ce qui a trait aux actions de résorption de l’habitat insalubre et aux autres composantes du déficit en logement, à la mise à niveau et au développement urbain, à la production de logement social et à la régulation du marché foncier. Le Groupe Al Omrane est présent dans l’ensemble des régions du Royaume à travers ses 14 filiales et 43 agences.
← 5. La population est divisée en 5 catégories sociales en fonction du revenu mensuel des ménages : « la classe vulnérable » correspond aux revenus mensuels inférieurs à 2 000 MAD (181 EUR) et la « classe sociale » à des revenus mensuels entre 2 000 et 4 000 MAD. Les seuils supérieurs sont 6 000 MAD pour la « classe intermédiaire inférieure » et 11 000 MAD pour la « classe intermédiaire supérieure ». La « classe aisée » se caractérise quant à elle par des revenus mensuels supérieurs à 11 000 MAD (1 000 EUR) (Ministère de l’Économie et des Finances, 2019[10]).
← 6. La superficie moyenne des logements sociaux à 250 000 MAD construits entre 2010 et 2017 est de 55 m2 et celle des logements à faible valeur immobilière de 140 000 MAD édifiés entre 2008 et 2017 est de 52 m2 (MATNUHPV, 2016[40]), (MATNUHPV, 2016[17]). Au Mexique, mais également en Colombie, la taille des logements sociaux produits au cours des vingt dernières années est le plus souvent inférieure à 40 m2 (pour un ménage composé de 4 personnes) ; en Colombie, il n’existe d’ailleurs pas de superficie minimale exigée pour les logements d’intérêt social (OECD, 2022[2]). Au Chili, pays qui a été pionner en matière de production d’habitat social de masse dans les années 1980, les standards minimums ont même atteint 27 m2 (ils ont été considérablement relevés depuis les années 2000 et sont fixés aujourd’hui à 55 m2).
← 7. Les contrats définissent ainsi les noms des bidonvilles et le nombre des ménages concernés ; le ou les modes opératoires arrêtés ; les délais de réalisation et la date prévisionnelle de déclaration de la « ville sans bidonvilles » ; les objectifs du programme et les données techniques et financières relatives aux assiettes foncières, à la consistance des opérations ainsi que les ressources allouées selon l’échéancier de réalisation arrêté ; le rôle et les responsabilités de chacun des partenaires dans la mise en œuvre des actions de résorption et de prévention (ONU Habitat, 2011[19]).
← 8. L’évaluation a concerné plus spécifiquement neuf opérations de recasement réparties en quinze tranches dans cinq villes, dont trois comptent parmi les grandes agglomérations particulièrement touchées par l’habitat insalubre : Agadir, Casablanca et Kénitra (Toutain et Rachmuhl, 2014[20]).
← 9. La rénovation est définie comme « les opérations visant à prendre soin des tissus urbains anciens et des vieux quartiers, à préserver le patrimoine architectural et civilisationnel des villes et valoriser les espaces urbains, soit par des opérations de restauration et de rénovation, le développement des infrastructures, la desserte en équipements de base et la construction de nouveaux logements » (Loi 94-12 de 2016).
← 10. Le prix de vente du mètre carré dans le cadre du dispositif est ainsi passé de 6 000 MAD TTC à 7 200 MAD TTC, et la superficie couverte, initialement de 80 m2 à 120 m2, à 80 m2 à 150 m2.
← 11. . Le Groupe Al Omrane travaille sur son propre référentiel d’aménagement et de construction durable et également sur des projets démonstrateurs situés dans différentes régions avec l’objectif de les labelliser comme « Eco-cités » (un label adapté au contexte marocain).
← 12. Ce dispositif a été expérimenté à Casablanca, dans le cadre de l’opération de recasement mise en place par le Groupe Al Omrane. Pour faire face aux contraintes foncières rencontrées, l’opération a été conçue de façon à reloger deux familles sur un même lot (d’une surface de 84m2) dans des immeubles à quatre étages (R+3). Les deux ménages attributaires, appelés binômes, avaient la possibilité de s’associer avec un « tiers associé » (promoteur, accédant à la propriété, etc.) qui s’engageait par contrat à financer et réaliser la construction des logements des deux familles. Il récupérait en contrepartie les deux étages restants (en général le rez-de-chaussée et le premier étage).