Ce chapitre présente les principaux éclairages apportés par le rapport et les replace dans un contexte plus large. Il fournit également une vue d’ensemble du cadre de modélisation et décrit les scénarios élaborés dans ce rapport en matière de politiques publiques.
Scénarios d’action pour l’élimination de la pollution plastique à l’horizon 2040
1. Vers l’élimination de la pollution plastique : cartographie des voies possibles
Copier le lien de 1. Vers l’élimination de la pollution plastique : cartographie des voies possiblesAbstract
1.1. Contexte et objectifs
Copier le lien de 1.1. Contexte et objectifsLe rôle important et croissant joué par les plastiques dans l’économie, associé à l’attention accrue que portent le grand public, les scientifiques et les pouvoirs publics à leur devenir dans l’environnement, a entraîné une vigilance sans précédent à l’égard des conséquences sanitaires, environnementales et socioéconomiques liées au cycle de vie des plastiques. D’une part, ceux-ci apportent d’innombrables avantages à la société, comme le montre l’utilisation généralisée des matières plastiques dans les produits de consommation tels que les récipients de boissons, le matériel médical de protection ou encore les matériaux légers et bon marché utilisés pour les voitures. D’autre part, la production, l’utilisation et l’élimination des plastiques ont des répercussions négatives graves sur l’environnement et la santé humaine, ainsi que sur nos économies et nos moyens de subsistance (OCDE, 2023[1] ; OCDE, 2023[2]).
En mars 2022, les 193 pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont pris la décision historique d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris en milieu marin, fondé sur une approche globale qui couvre l’ensemble du cycle de vie des plastiques (Résolution 5/14 de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement [ANUE] intitulée « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant »). Bien que les pouvoirs publics ressentent de plus en plus l’urgence d’atténuer et de prévenir les nombreuses conséquences néfastes de la pollution plastique, les politiques actuelles n’ont pas permis d’infléchir les tendances concernant les flux de matières plastiques dans l’environnement et la pollution qui en résulte. Le futur instrument juridique représente une occasion unique pour l’action publique de passer à la vitesse supérieure et de catalyser l’intervention immédiate et au niveau mondial qui s’impose pour lutter contre la pollution plastique. Le Comité intergouvernemental de négociation (CIN) chargé d’élaborer cet instrument a commencé son travail au second semestre 2022, avec l’ambition de mener à bien les négociations d’ici fin 2024 (UNEP, 2024[3]) et d’adopter un traité début 2025.
Dans le cadre des négociations internationales, les décideurs et les négociateurs débattent des stratégies, des objectifs et des mesures qui permettraient d’atteindre l’objectif ambitieux fixé par la Résolution 5/14 de l’ANUE. Dans ce contexte, on observe une volonté politique de plus en plus affirmée de mettre en œuvre des approches exhaustives, couvrant la totalité du cycle de vie des plastiques, en vue de l’objectif international commun d’éliminer la pollution plastique à l’horizon 2040. Outre la contribution apportée par certains pays membres au CIN, les initiatives internationales suivantes visent à soutenir cette ambition :
Les signataires de la Coalition de haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique1 (2024[4]) ont appelé à la création d’un traité international juridiquement contraignant, fondé sur « une approche globale et holistique capable de mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040, notamment en s’engageant à prendre des mesures immédiates à tous les niveaux et tout au long du cycle de vie des plastiques », afin de protéger la santé humaine et l’environnement tout en contribuant à la restauration de la biodiversité et à l’atténuation du changement climatique.
En avril 2024, les ministres du Climat, de l’Énergie et de l’Environnement du G7 (2024[5]) ont réitéré leur engagement à mettre fin à la pollution plastique, annonçant l’objectif « de ramener à zéro toute pollution plastique supplémentaire d’ici à 2040 » et de prendre des mesures ambitieuses tout au long du cycle de vie des plastiques pour mettre fin à la pollution plastique. Ils appellent par ailleurs la communauté internationale à faire de même, dans le but de réduire et, le cas échéant, de restreindre la production et l’utilisation de polymères plastiques primaires à l’échelle planétaire.
Parallèlement, les préférences des pays et des régions du monde varient en ce qui concerne le type et la rigueur des instruments d’action susceptibles d’être employés pour atteindre ces objectifs. En conséquence, les positions sur la portée du futur traité et ses éléments divergent, notamment s’agissant de l’importance des mesures visant à réduire la production et la demande de plastiques primaires par rapport à celles portant sur l’amélioration de la collecte et de la gestion des déchets. En outre, certains pays pourraient être confrontés à des difficultés considérables pour accroître leur action et leurs investissements. La suppression des décharges à ciel ouvert et du brûlage à l’air libre ainsi que la mise en place de systèmes de collecte et de gestion des déchets constituent des défis de premier plan pour de nombreux pays à faible revenu. L’absence d’un soutien suffisamment fort à la mise en œuvre des politiques pourrait faire obstacle à leur efficacité en matière de réduction des rejets de plastiques dans l’environnement, sans parler de leur élimination.
Sans préjuger de leur issue, ce rapport entend fournir des éléments utiles aux négociations en cours en apportant un éclairage sur les conséquences et les avantages potentiels de différents degrés d’ambition de l’action internationale visant à éliminer la pollution plastique. Pour ce faire, il élabore et compare plusieurs scénarios d’action qui simulent différents degrés de rigueur des mesures, de couverture du cycle de vie et de couverture géographique.
Ce rapport vise à fournir des éclairages sur les principales questions suivantes.
Quel ensemble de mesures permettrait de parvenir à une économie des plastiques qui soit durable et mettrait les pays sur la voie de l’élimination de (certains aspects de) la pollution plastique d’ici 2040 ? Quelles possibilités s’offriront aux décideurs, à quels obstacles seront-ils confrontés et quelles devront être leurs priorités pour atteindre cet objectif ?
Quelles sont les conséquences environnementales (mauvaise gestion des déchets, rejets dans l’environnement, notamment dans les cours d’eau et les océans, émissions de gaz à effet de serre...) et économiques (incidence sur le PIB, coûts de gestion des déchets...) si on limite le degré d’ambition des mesures ?
Une couverture limitée du cycle de vie, moyennant un ensemble de mesures mettant l’accent sur l’amélioration de la collecte et de la gestion des déchets, mais peu ou pas d’interventions pour réduire les apports et les flux de plastique (primaire) dans l’économie.
Une couverture géographique restreinte, avec une ambition élevée limitée à un groupe d’économies avancées mettant en œuvre un ensemble de mesures ambitieuses couvrant la totalité du cycle de vie dans le but d’éliminer la pollution plastique d’ici 20402.
Une action étendue pour ce qui est de la couverture géographique et du cycle de vie, mais avec une rigueur faible des mesures, par exemple des taux d’imposition faibles et des objectifs de recyclage peu ambitieux.
Ce rapport est structuré comme suit. Le présent chapitre fournit une vue d’ensemble de la méthode utilisée ainsi qu’un résumé de haut niveau des principaux éclairages découlant de l’analyse. Le chapitre 2 présente les projections et les conclusions issues du scénario de Référence à l’horizon 2040. Le chapitre 3 expose en détail le cadre de modélisation et présente les scénarios d’action utilisés dans l’analyse. Le chapitre 4 examine les répercussions des scénarios ayant une ambition partielle. Le chapitre 5 met ensuite en évidence les avantages de scénarios plus intégrés et plus ambitieux, qui combinent une action étendue des pouvoirs publics à l’échelle mondiale et tout au long du cycle de vie. Le chapitre 6 compare les coûts macroéconomiques et ceux de la gestion des déchets dans les différents scénarios. Enfin, le chapitre 7 remet les résultats dans un contexte plus large en soulignant les difficultés à surmonter pour concrétiser les avantages environnementaux de manière efficace et économe.
1.2. Vue d’ensemble du cadre méthodologique
Copier le lien de 1.2. Vue d’ensemble du cadre méthodologiqueL’analyse des scénarios d’action se fonde sur les deux précédents rapports Perspectives mondiales des plastiques publiés par l’OCDE et utilise le même cadre de modélisation que ces derniers pour quantifier les principaux mécanismes à l’origine de la production et de l’utilisation de plastiques, ainsi que des déchets et de la pollution qui en découlent (OCDE, 2023[1] ; OCDE, 2023[2])3. L’infographie 1.1. présente succinctement le cadre de modélisation.
ENV-Linkages, le modèle d’équilibre général calculable dynamique interne de l’OCDE, est utilisé pour estimer le niveau des activités économiques à l’origine de l’utilisation de plastiques. Il s’agit d’un modèle dynamique multisectoriel et multirégional qui relie l’activité économique aux questions énergétiques et environnementales ; il fournit des projections annuelles de l’activité économique et des pressions environnementales entre 2020 et 20604. ENV-Linkages a été amélioré grâce à l’ajout de données sur l’utilisation de plastiques, les déchets plastiques et leur traitement en fin de vie (voir OCDE (2022[6]) pour de plus amples détails). Le cadre de modélisation relie directement l’utilisation de plastiques à des intrants spécifiques dans les processus de production et à la consommation de biens, permettant ainsi des projections sectorielles et régionales détaillées du cycle de vie des plastiques, par polymère et par application. Un vaste éventail d’instruments peuvent être modélisés dans ce cadre, notamment les mesures en amont et en milieu de cycle visant à influencer la production et la consommation, ainsi que les mesures en aval destinées à améliorer le recyclage et à réduire la mauvaise gestion des déchets.
Dans ce rapport, les scénarios d’action regroupent des ensembles de mesures variés. Tous les scénarios intègrent (en totalité ou en partie) les dix mêmes instruments d’action intervenant à plusieurs étapes du cycle de vie des plastiques, mais postulent des degrés d’ambition variables. Outre un scénario de Référence, le rapport décrit cinq scénarios d’action qui diffèrent selon trois aspects : la couverture géographique (mondiale ou économies avancées seulement), la couverture du cycle de vie (politiques ciblant l’ensemble de ce cycle ou sa partie aval seulement) et la sévérité ou rigueur des mesures (rigueur élevée, rigueur faible ou mesures actuelles). Trois scénarios hypothétiques d’ambition partielle simulent des orientations stylisées pour le traité international actuellement en cours de négociation, à savoir :
une action très rigoureuse, mais axée exclusivement sur l’amélioration de la collecte et du traitement des déchets en aval (leviers d’action 3 et 4), avec une portée mondiale (scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée) ;
une action très rigoureuse tout au long du cycle de vie des plastiques, mais limitée à un ensemble choisi d’économies (scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée) ;
une action et des objectifs mondiaux communs sur le cycle de vie des plastiques, mais avec des mesures relativement peu sévères (scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible).
Deux scénarios hypothétiques intégrés d’ambition élevée sont également examinés :
une action mondiale sur la totalité du cycle de vie, mais avec des mesures plus ou moins sévères (scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur variable) ;
une action mondiale très rigoureuse, avec des mesures ciblant l’ensemble des quatre leviers d’action (scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]).
Le Tableau 1.1 décrit les scénarios et présente une visualisation des ensembles de mesures modélisés dans chaque scénario. Le chapitre 3 donne davantage de précisions sur la structure des scénarios d’action et sur les instruments d’action modélisés. La mise en œuvre chiffrée des scénarios d’action dans le cadre de modélisation est détaillée à l’annexe B.
Encadré 1.1. Clarifications concernant la portée du présent rapport et les limites de l’analyse
Copier le lien de Encadré 1.1. Clarifications concernant la portée du présent rapport et les limites de l’analyseLes projections ne sont pas des prédictions ou des prévisions ; il s’agit davantage de représentations stylisées de la manière dont des hypothèses spécifiques, par exemple concernant les changements de politiques publiques, agiront sur l’évolution de variables clés. Les modèles constituent une version stylisée de la réalité, qui néglige de nombreux facteurs susceptibles d’influencer les résultats économiques et environnementaux. Les projections à long terme sont inéluctablement entourées d’incertitudes, puisqu’il n’est pas possible de prévoir les changements socioéconomiques des prochaines décennies avec un degré élevé de précision. Néanmoins, les scénarios d’action demeurent précieux dans la mesure où ils peuvent mettre en évidence les conséquences possibles à long terme des choix politiques actuels, ainsi que les coûts et les avantages d’une politique publique ambitieuse.
En comparant les divers scénarios hypothétiques présentés dans ce rapport, les décideurs peuvent se faire une idée des conséquences environnementales et économiques de différents choix dans l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique. Les scénarios d’action présentés dans ce rapport ne sont pas destinés à représenter précisément les négociations en cours concernant le traité ni à décrire les positions spécifiques des pays. Cependant, ils ont été conçus à la lumière des questions transversales actuellement débattues dans le cadre des négociations relatives au traité, notamment l’équilibre entre les mesures visant à limiter la production et la demande de plastiques et celles destinées à améliorer la gestion des déchets.
Les auteurs sont conscients que la pollution plastique englobe l’ensemble des émissions et des risques résultant du cycle de vie des plastiques (OCDE, 2023[2]). Toutefois, aux fins de la modélisation analytique utilisée dans le présent rapport, ils ont construit les scénarios d’action en se concentrant sur les rejets de macroplastiques dans l’environnement (y compris en en identifiant la part qui se retrouve dans les cours d’eau et les océans). Cette orientation est dictée par les données et les informations limitées disponibles concernant d’autres aspects, comme par exemple :
les rejets de microplastiques ou l’efficacité des mesures visant à atténuer la pollution par les microplastiques. Cependant, la quantification des rejets de microplastiques est abordée dans les rapports précédents, qui comportent des efforts similaires de modélisation (OCDE, 2023[1]) ;
les émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce rapport ne peut quantifier les émissions de GES qu’à certains stades du cycle de vie des plastiques, en particulier la production et la transformation, ainsi que lors du recyclage et de l’incinération en fin de vie. L’analyse des politiques d’atténuation du changement climatique qui visent spécifiquement à réduire les émissions de GES n’entre pas dans le cadre de ce rapport. Cependant, (OCDE, 2023[1]) examine les interactions entre les politiques relatives aux plastiques et les politiques d’atténuation ;
divers autres effets résultant du cycle de vie des plastiques, parmi lesquels la raréfaction des ressources, l’utilisation des sols, la formation d’ozone troposphérique et la toxicité pour l’être humain, sortent également du champ de ce rapport. Toutefois, (OCDE, 2023[1]) expose en détail une analyse (mondiale) du cycle de vie (ACV) concernant la production et l’élimination de sept polymères communément utilisés, en mettant en évidence les effets sur l’utilisation des sols, la formation d’ozone, l’eutrophisation, l’écotoxicité, la toxicité et l’acidification, avec des projections jusqu’en 2060.
La modélisation fait principalement appel à des instruments économiques pour représenter les interventions à des étapes spécifiques du cycle de vie des plastiques, comme les taxes sur la consommation de plastique des ménages et des industries en aval. Ces instruments sont efficaces et économes et offrent un point de repère par rapport auquel les pays peuvent évaluer d’autres instruments. Faute de modélisation détaillée pour la production de plastiques à l’échelle régionale, le présent rapport ne modélise pas les mesures qui viseraient directement à maîtriser ou à restreindre d’une manière quelconque la production totale de plastiques ou celle de plastiques primaires. Cependant, dans le modèle économique, le comportement des agents est motivé par l’écart entre les prix à la production et à la consommation, ce qui fait qu’une taxe sur la consommation a un effet équivalent à une taxe à la production avec des répercussions partielles sur le consommateur. En raison d’un manque de données, l’analyse ne prend pas en considération les options de réforme des subventions à la production de plastiques primaires, par exemple les subventions aux combustibles fossiles utilisés comme matière première.
Certains scénarios d’action présentés dans ce rapport se fondent sur l’analyse exposée dans l’ouvrage (OCDE, 2023[1]). L’Encadré 1.2 précise la portée de la présente analyse par rapport à ces travaux antérieurs.
Encadré 1.2. Quel est le lien entre cette analyse et les Perspectives mondiales des plastiques de l’OCDE ?
Copier le lien de Encadré 1.2. Quel est le lien entre cette analyse et les Perspectives mondiales des plastiques de l’OCDE ?Ce rapport emploie la méthode élaborée dans les rapports Perspectives mondiales des plastiques de l’OCDE (OCDE, 2023[2] ; OCDE, 2023[1]), notamment le modèle ENV-Linkages, qui calcule les rejets de macroplastiques. Les rejets de macroplastiques dans l’environnement aquatique sont établis à partir des projections ENV-Linkages en utilisant un modèle spatialement explicite (Lebreton, 2024[7]) qui évalue la probabilité que les déchets plastiques finissent dans les milieux aquatiques (OCDE, 2023[1]). Les émissions de GES liées aux plastiques sont également quantifiées dans le modèle ENV-Linkages. La quantification des autres effets néfastes des plastiques sur l’environnement et la santé sort du champ de cette analyse, même si certains de ces aspects sont évalués qualitativement pour fournir davantage de contexte.
Certains scénarios d’action présentés dans ce rapport ont déjà été examinés dans les Perspectives mondiales des plastiques (OCDE, 2023[1]). Une version antérieure du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible était appelée « Action régionale » dans le rapport précédent, et une version antérieure du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Retardée était appelée « Ambition mondiale ». Les calculs de ces scénarios ont été refaits en utilisant des projections économiques de référence actualisées (OCDE, 2021[8]) et en procédant à des adaptations mineures des ensembles de mesures mises en place. Les chiffres présentés ici constituent donc une mise à jour de ceux figurant dans le rapport Perspectives mondiales des plastiques. Les projections numériques ci-incluses diffèrent légèrement de celles des scénarios du rapport Perspectives mondiales des plastiques, ce qui s’explique par des variations dans les tendances économiques sous-jacentes du scénario de référence, mais les tendances d’ensemble des flux de plastiques restent très similaires.
1.3. Principaux enseignements tirés de l’analyse
Copier le lien de 1.3. Principaux enseignements tirés de l’analyseCe rapport examine les conséquences environnementales et économiques de scénarios reflétant des niveaux d’ambition divers. Comme décrit à la section 1.2 et illustré au Graphique 1.1, tous ces scénarios intègrent (en totalité ou en partie) les dix mêmes instruments d’action, mais avec des degrés d’ambition variables en ce qui concerne trois aspects :
la rigueur des mesures, c’est-à-dire les objectifs envisagés pour chaque mesure modélisée ;
la couverture du cycle de vie, avec soit des mesures visant essentiellement à améliorer la collecte et le traitement des déchets, soit des interventions sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques ;
la couverture géographique, c’est-à-dire l’application de mesures plus ambitieuses soit par un ensemble de pays sélectionnés, soit par toutes les régions du monde.
Les bienfaits écologiques des scénarios d’action modélisés dépendent de quatre leviers d’action : i) la réduction de la production et de l’utilisation de plastiques primaires ; ii) la réduction de l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie ; iii) l’augmentation des taux de recyclage ; iv) l’élimination des rejets plastiques dans l’environnement5.
1.3.1. Sans changement de politique, la pollution plastique devrait continuer à augmenter
Le scénario de Référence prévoit un accroissement de la population (mais pas dans toutes les régions), une hausse des revenus dans toutes les régions, ainsi que des évolutions technologiques engendrant des améliorations de l’efficacité de la production et des changements structurels (allant notamment vers une plus grande part de services) dans toutes les régions. La conjonction de ces facteurs entraîne une augmentation au niveau mondial de 70 % des volumes de plastique qui sont produits, utilisés et transformés en déchets chaque année entre 2020 et 2040 (Graphique 1.2). L’utilisation totale de plastiques passerait de 435 millions de tonnes (Mt) en 2020 à 736 Mt en 2040, les plastiques primaires représentant approximativement 94 % du total sur cette période. Cette augmentation concerne toutes les applications et tous les polymères. C’est dans les économies émergentes et en développement comme l’Inde et l’Afrique subsaharienne que l’utilisation de plastiques devrait augmenter le plus rapidement.
Malgré les progrès en matière de collecte, de tri et de traitement des déchets qui sont attendus à politiques inchangées, l’accroissement des déchets plastiques produits (617 Mt en 2040 contre 360 Mt en 2020) entraînerait une augmentation des volumes absolus de déchets mal gérés (autrement dit les déchets qui ne sont pas éliminés de manière rationnelle d’un point de vue environnemental), de 81 Mt en 2020 à 119 Mt en 2040 (Graphique 1.3 ; diagramme de gauche) dans le scénario de Référence. De même, alors que les volumes recyclés devraient continuer à augmenter, la mise en décharge et l’incinération des déchets resteraient des modes de traitement importants des déchets plastiques en fin de vie du fait de la hausse de la production de déchets plastiques.
En l’absence de mesures plus strictes, l’expansion rapide de la production et de l’utilisation de plastiques ainsi que des déchets plastiques aggraverait encore davantage les risques environnementaux associés. En raison de l’augmentation des déchets plastiques mal gérés, les rejets de macroplastiques dans l’environnement devraient continuer à augmenter pour s’élever à 30 Mt par an en 2040 (par rapport à une estimation de 20 Mt en 2020). La majorité des rejets de plastiques (en poids) concerne les milieux terrestres, mais une part importante se retrouve dans les milieux aquatiques (9.3 Mt à l’horizon 2040 ; diagramme de droite du Graphique 1.3). Les projections du modèle indiquent que, d’ici 2040, les plastiques accumulés dans l’environnement s’élèveront à 300 Mt rien que dans les cours d’eau et les océans (contre une estimation de 152 Mt en 2020). En d’autres termes, à moins de renforcer les mesures de lutte contre la pollution plastique, le volume total de plastiques accumulés dans les milieux aquatiques en à peine 20 ans (148 Mt de stocks accumulés) sera approximativement aussi important que la totalité des rejets accumulés historiquement dans ces mêmes milieux avant 2020 (152 Mt).
Outre les rejets de plastiques, d’autres types de pollution associés à la production et au cycle de vie des plastiques devraient également connaître une hausse notable. Cette étude ne permet pas de quantifier toutes les sources de pollution liées à la production, à l’utilisation et au traitement en fin de vie des plastiques. L’évaluation générale des répercussions environnementales présentée dans le rapport (OCDE, 2023[1]) met en évidence l’accroissement important d’un large éventail de problèmes pour l’environnement et pour la santé humaine dans les décennies à venir à cause de la pollution due aux plastiques. En particulier pour la projection de Référence, les émissions de gaz à effet de serre (GES) devraient augmenter du fait de la hausse des volumes produits, transformés et gérés au stade de déchets. Malgré les politiques actuelles d’atténuation du changement climatique, les émissions de GES liées aux plastiques devraient représenter 5 % des émissions planétaires de GES en 2040 (2.8 milliards de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone [Gt éq. CO2]), ce qui n’est pas conforme à l’Accord de Paris6. Dans le scénario de Référence, l’étape de fabrication des plastiques – production et transformation – représente près de 90 % des émissions quantifiées liées aux plastiques7. En conséquence, d’autres effets négatifs sur les écosystèmes, le bien-être humain et les économies côtières continuent de s’amplifier dans le scénario de Référence, ce qui risque d’entraîner des dommages potentiellement irréversibles.
1.3.2. Les mesures d’ambition partielle permettraient au mieux de ralentir les rejets de plastiques
Aucun des scénarios caractérisés par une ambition limitée en termes de couverture du cycle de vie, de couverture géographique ou de rigueur (Action mondiale en aval, Rigueur élevée ; Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée ; et Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible) ne parviendrait à modifier notablement les tendances de la pollution plastique, tous aboutissant à des résultats limités au regard des quatre leviers d’action et des avantages écologiques associés (Graphique 1.4).
Aucun de ces scénarios ne peut stabiliser la production et l’utilisation de plastiques primaires à des niveaux égaux ou inférieurs à ceux de 2020, ce qui est essentiel pour : i) réduire les émissions de GES et les autres effets négatifs associés à l’extraction et à la production ; ii) ralentir l’utilisation de plastiques dans l’économie et diminuer le volume de déchets à gérer. Les mesures plus strictes visant à limiter la production et la demande ainsi qu’à améliorer l’écoconception, mises en œuvre dans le scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée, font baisser l’utilisation de plastiques primaires uniquement dans les économies en question.
La réduction de l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie mondiale permettrait un découplage de la croissance économique et de la production et de l’utilisation de plastiques, facilitant ainsi le développement économique tout en atténuant la pollution plastique. Le scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée est partiellement efficace, mais les améliorations sont en grande partie limitées aux pays prenant des mesures, c’est-à-dire ceux de l’OCDE et les pays de l’Union européenne non membres de l’OCDE, avec une très faible incidence sur les autres pays et des retombées marginales dans l’ensemble sur les flux mondiaux de plastiques. Le scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée n’a pratiquement aucun effet sur l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie mondiale, car ses mesures mettent l’accent sur les étapes d’aval du cycle de vie des plastiques. Avec une rigueur limitée des mesures, le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible ne diminuerait que partiellement l’utilisation et l’intensité d’utilisation de plastiques.
L’augmentation des taux de recyclage pour en faire la principale solution de gestion des déchets est un préalable à la transition vers une économie circulaire, et elle est essentielle pour produire les débris nécessaires à la production de plastiques secondaires susceptibles de remplacer les plastiques primaires. La hausse des taux de recyclage contribuerait par ailleurs à éviter la mauvaise gestion des déchets. Tous les scénarios qui incluent des mesures très rigoureuses en aval (Action mondiale en aval, Rigueur élevée et Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée) conduiraient à de vastes améliorations en matière de recyclage. En supposant que les obstacles actuels au développement du recyclage mécanique soient levés, le scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée permettrait de quadrupler le taux de recyclage dans le monde. Ainsi, d’ici 2040, 42 % des déchets plastiques seraient collectés pour être recyclés, traités et utilisés pour la production de plastiques secondaires. Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible est moins efficace pour améliorer le recyclage, et les progrès en la matière sont limités à un sous-ensemble de pays dans le scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée.
Pour ce qui est des rejets de plastiques dans l’environnement, un aspect central de la pollution plastique, ils baissent fortement dans le scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée (-55 % par rapport au scénario de Référence), ce qui montre que des mesures rigoureuses en aval sont importantes pour réduire la mauvaise gestion des déchets et les rejets de plastiques. En revanche, le scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée ne ferme pas toutes les voies de rejet en l’absence d’action permettant de ramener l’utilisation de plastique et les volumes de déchets qu’elle engendre à des niveaux plus gérables.
L’effet combiné des mesures sur le cycle de vie (pour limiter la production et la demande, favoriser l’écoconception et améliorer la collecte et la gestion des déchets), selon la simulation du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur variable, engendrerait des incitations suffisantes pour modifier les flux de plastiques à l’échelle mondiale, faisant ainsi passer tant la production et l’utilisation de plastiques que les rejets dans l’environnement sous les niveaux de 2020 (Graphique 1.5). En conjuguant la baisse de la demande totale de plastiques et l’augmentation du recyclage, ce scénario garantit que toute croissance de l’utilisation de plastiques est couverte par les plastiques secondaires. Cependant, le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur variable n’entraînerait que des progrès mineurs en ce qui concerne le volume total de plastiques (primaires et secondaires) produits et utilisés ainsi que l’intensité d’utilisation de plastiques. De plus, ce scénario n’élimine pas complètement les rejets de plastiques dans l’environnement, faute d’une action ambitieuse en amont et en milieu de cycle (pour limiter la production et la demande et pour promouvoir l’écoconception) dans les économies les moins avancées.
En revanche, la mise en œuvre d’un ensemble de mesures très rigoureuses dans toutes les régions du monde et couvrant les quatre leviers d’action (Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]) surpasserait les autres scénarios à de multiples égards, comme l’illustre le Graphique 1.5. Seul le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] est susceptible de mettre fin à la mauvaise gestion des déchets plastiques et aux rejets de plastiques, car cela nécessite à la fois de limiter les quantités totales de déchets produits et d’améliorer les systèmes de gestion des déchets.
1.3.3. Très rigoureux et couvrant tout le cycle de vie, le scénario Ambition mondiale peut définir une voie à suivre viable pour éliminer les rejets de plastiques à l’horizon 2040
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] permettrait d’éliminer presque totalement la mauvaise gestion des déchets et les rejets de macroplastiques d’ici 2040. Dans ce scénario, il ne reste que 4 Mt de déchets mal gérés et 1.2 Mt de rejets de macroplastiques en 2040 (Graphique 1.6 ; 3e et 4e diagrammes)8. Dans les pays disposant de systèmes perfectionnés de gestion des déchets, les rejets de macroplastiques diminuent déjà de manière constante dans le scénario de Référence, mais dans les autres régions, cet ensemble de mesures permet de juguler une progression des quantités annuelles de rejets de plastiques qui s’annonce significative dans le scénario de Référence.
Les projections indiquent qu’un renforcement ambitieux des interventions en aval dans le cycle de vie des plastiques sera nécessaire afin de réduire les rejets de plastiques. En particulier, il sera capital de permettre à tous les pays de disposer de systèmes de gestion des déchets appropriés à l’horizon 2040 pour mettre fin aux rejets de macroplastiques. Si la plupart des pays développés ont déjà généralisé la collecte et le traitement des déchets municipaux, ce n’est pas le cas d’une grande partie des pays en développement, notamment en dehors des zones urbaines. Pour mettre un terme à la pollution plastique, il est urgent de commencer par développer les systèmes de collecte des déchets, car les déchets non collectés sont le plus souvent mal gérés et peuvent finir dans les milieux naturels ou être brûlés de manière informelle, ce qui a de lourdes conséquences pour la santé humaine et les écosystèmes naturels. Parallèlement, les pays membres et non membres de l’OCDE doivent également développer les infrastructures de traitement des déchets en vue d’améliorer le recyclage.
Les interventions permettant de limiter la production et la demande de plastiques primaires et de stimuler l’écoconception des produits et des emballages en plastique sont essentielles pour réduire les volumes de déchets plastiques à collecter et à traiter, ainsi que pour atténuer les effets néfastes sur l’environnement et la santé le long du cycle de vie des plastiques. Les mesures du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] réduiraient de moitié l’utilisation de plastiques primaires (pour les emballages comme pour les autres applications) par rapport au scénario de Référence (Graphique 1.6 ; 1er diagramme). Cet effet est principalement induit par les mesures destinées à limiter la production et la demande et à améliorer l’écoconception pour la circularité. L’utilisation globale de plastiques serait réduite d’un tiers (élément non illustré par le graphique). Grâce à une croissance moindre de l’utilisation de plastiques, les déchets plastiques générés diminuent d’un quart par rapport au scénario de Référence (Graphique 1.6 ; 2e diagramme). Le fait d’éviter la production de 158 Mt de déchets environ d’ici 2040 (par rapport au niveau du scénario de Référence) atténuerait la sollicitation des systèmes de gestion des déchets dans le monde entier. Soulignons également que la production de déchets prévue dans les pays non membres de l’OCDE évoluerait différemment entre 2020 et 2040 : au lieu de doubler comme dans le scénario de Référence, elle augmenterait de 40 % au cours dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]9.
Les leviers d’action consistant à limiter la production et la demande et à encourager la conception pour la circularité contribuent également à réduire les volumes de déchets plastiques mal gérés et rejetés dans l’environnement. En diminuant les quantités totales de déchets produits, il est possible d’améliorer sensiblement les résultats en aval, même en l’absence d’améliorations apportées aux systèmes de gestion des déchets. Pour éliminer complètement les rejets de plastiques, il est toutefois également essentiel de faire des efforts pour augmenter le recyclage ainsi que pour améliorer la collecte, le tri et le traitement des déchets, ces deux éléments contribuant respectivement à 26 % et à 44 % de la baisse totale des rejets. L’ensemble complet de mesures du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] facilite en outre la transition vers une utilisation plus circulaire des plastiques, car la production de plastiques secondaires augmente parallèlement à la disponibilité accrue des débris provenant des activités de recyclage en aval. De ce fait, la demande de plastiques primaires serait plus faible qu’en 2020.
L’ensemble complet de mesures envisagées en amont, en milieu de cycle et en aval dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] promet d’avoir d’importantes retombées positives à l’échelle mondiale sur les écosystèmes et la santé humaine. Les mesures de prévention des déchets combinées à l’amélioration de la collecte et de la gestion des déchets entraînent presque immédiatement une réduction des rejets de plastiques dans l’environnement et leur quasi-élimination à l’horizon 2040. Ce scénario devrait également avoir des retombées bénéfiques considérables sur la santé humaine, en particulier en atténuant les effets néfastes qui découlent de pratiques à risque en matière d’élimination des déchets, comme la pollution de l’air causée par le brûlage à l’air libre.
Soulignons que le cycle de vie des plastiques est étroitement lié au changement climatique, car la plupart des plastiques sont d’origine fossile et les plastiques primaires d’origine fossile sont aujourd’hui les plus produits et les plus utilisés. Comme l’explique le rapport (OCDE, 2023[1]), une réduction des émissions de GES liées aux plastiques est indispensable pour concrétiser les scénarios climatiques ambitieux, dont les scénarios de neutralité en GES. S’il venait à se réaliser, le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] pourrait aboutir en 2040 à une réduction de 41 % des émissions de GES liées aux plastiques par rapport aux niveaux prévus en cas de politiques inchangées (1.7 Gt éq. CO2, contre 2.8 Gt éq. CO2 dans le scénario de Référence). Ce scénario permettrait d’éviter une hausse notable des émissions par rapport aux niveaux de 2020, mais il ne serait pas compatible avec les ambitions de l’Accord de Paris.
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] permet une diminution très importante de l’accumulation de plastiques dans les milieux aquatiques par rapport au scénario de Référence, empêchant l’accumulation de 64 Mt de plastiques supplémentaires dans les cours d’eau et 11 Mt dans les océans. Même si tous les principaux flux aboutissant dans les milieux aquatiques sont nettement moins élevés dans ce scénario que dans le scénario de Référence, les stocks devraient néanmoins croître et atteindre 226 Mt de plastiques accumulés en 2040 d’après les projections. Étant donné que même l’élimination complète des rejets de plastiques à l’horizon 2040 ne peut pas empêcher une augmentation des stocks de plastiques dans les océans et les cours d’eau sur cette période, des mesures correctrices efficaces et économes seront requises pour atténuer les risques de pollution terrestre et aquatique par les plastiques.
Malgré les avantages importants attendus dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale], les dix instruments d’action modélisés pour éliminer la mauvaise gestion des déchets plastiques et les rejets de macroplastiques ne suffiraient pas pour régler pleinement tous les aspects de la pollution plastique. L’élimination progressive des produits chimiques préoccupants est également nécessaire afin de réduire les risques pour la santé humaine et l’environnement et de permettre un réemploi en toute sécurité ainsi que des taux de recyclage plus élevés. Il est en outre essentiel de progresser dans la lutte contre les rejets de microplastiques, comme les granulés de plastique et les microplastiques provenant des pneus des véhicules, des textiles ou encore des peintures (voir également la section 1.3.4).
1.3.4. Un ensemble d’interventions est néanmoins nécessaire pour surmonter les obstacles techniques et économiques de poids à la concrétisation du scénario Ambition mondiale
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] augmentant sensiblement le niveau de rigueur des dix instruments d’action inclus dans l’ensemble de mesures, il y aura des obstacles techniques et économiques non négligeables à surmonter pour permettre sa concrétisation.
Limiter la production et la demande, notamment en améliorant l’écoconception et en développant les systèmes de réemploi. Pour faire baisser la demande de plastiques et la découpler de la croissance économique, il est essentiel de promouvoir l’écoconception des produits et des emballages, en conformité avec le réemploi en toute sécurité et le recyclage, par exemple l’élaboration de normes de produits au niveau international. Les modèles de réemploi pourraient jouer un rôle essentiel pour réduire la demande d’applications à courte durée de vie et pour continuer à utiliser les matériaux plastiques plus longtemps avant leur élimination, mais des incitations publiques plus fortes et des normes de réemploi harmonisées sont requises afin de faciliter les investissements dans les infrastructures et le développement des modèles de réemploi. Il sera nécessaire de faire progresser la recherche concernant les incidences sur l’environnement des matériaux de substitution dans différentes applications en vue de mieux éclairer la conception des produits et d’éviter le risque d’effets imprévus liés aux matériaux de substitution. En outre, même si le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] pourrait aboutir à une réduction de 41 % des émissions de GES liées aux plastiques, la production de plastiques émettrait toujours 1.7 Gt éq. CO2 en 2040.
Améliorer la collecte, le tri et le traitement des déchets, en particulier dans les pays en développement. Il est essentiel d’améliorer la collecte des déchets pour réduire le volume de déchets mal gérés, en particulier dans les économies émergentes et en développement. De nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire utilisent moins de plastiques et produisent moins de déchets plastiques que les économies avancées. Toutefois, ces pays manquent de services performants de collecte et de gestion des déchets, recourant souvent au ramassage informel et à des pratiques telles que la mise en décharge à ciel ouvert et le brûlage à l’air libre, qui aggravent les problèmes environnementaux et sanitaires. Les difficultés de gouvernance et les ressources financières limitées freinent actuellement la mise en place rapide d’une infrastructure efficace de gestion des déchets dans ces contextes. Des solutions garantissant l’intégration du secteur informel dans les systèmes de gestion des déchets permettraient aux ramasseurs informels de participer à l’amélioration des systèmes de réemploi et à la hausse des taux de collecte tout en atténuant les préoccupations liées à la santé des travailleurs. Parallèlement, l’atténuation de la progression attendue de la demande peut jouer un rôle important dans la gestion des coûts de la collecte et du traitement des déchets.
Encourager l’amélioration du tri et du recyclage ainsi que l’innovation technologique. Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] postule également de très nettes améliorations en matière de recyclage dans toutes les régions, avec un taux de recyclage moyen à l’échelle mondiale passant de 9.5 % en 2020 à 42 % en 2040. Cela inclut aussi une large augmentation du recyclage mécanique en ce qui concerne les polymères et les applications pour lesquelles le recyclage est actuellement minimal. La concrétisation de cette ambition nécessiterait d’améliorer nettement les rendements et la qualité du recyclage, ainsi que de réduire les pertes de recyclage pour garantir une disponibilité suffisante de débris. Des investissements calibrés dans les technologies de recyclage, en association avec une amélioration de la conception pour la circularité, sont nécessaires pour accroître les sources de matières premières viables pour le recyclage mécanique. Le développement de marchés performants des débris plastiques et des plastiques secondaires est essentiel pour assurer l’intérêt économique du recyclage des plastiques. Si les percées techniques attendues ne se matérialisent pas, il faudra redoubler d’efforts sur d’autres aspects, par exemple faire baisser l’utilisation de polymères difficiles à recycler ou réduire la demande de manière plus importante, pour atteindre les objectifs de l’ensemble de mesures.
Améliorer la gestion des déchets municipaux. Même la mise en œuvre de l’ensemble de mesures ambitieuses envisagée dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] n’éliminerait pas complètement la pollution plastique. À l’horizon 2040, près de 4 Mt de plastiques seraient encore mal gérés dans ce scénario, principalement en raison des dépôts sauvages difficiles à collecter au moyen du ramassage des déchets municipaux. Une forte augmentation de la gestion des déchets municipaux sauvages est prévue, en particulier en Afrique et en Inde (de 65 % en 2020 à 75 % en 2040 dans ce scénario).
Encourager la recherche afin de favoriser la mise en œuvre de mesures efficaces et économes ciblant les rejets de microplastiques. Les rejets de microplastiques demeurent largement ignorés dans tous les scénarios. Si la réduction de l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie peut permettre de les faire baisser, des solutions ciblées sont également requises. Celles-ci peuvent comprendre des interventions visant la prévention des pertes de granulés (par exemple, manutention optimale, certifications obligatoires), l’amélioration de l’écoconception des produits (par exemple, pneus, véhicules, routes, peintures et textiles) afin de réduire au minimum les émissions, l’adoption de pratiques optimales au cours de l’utilisation ou encore les solutions de récupération en bout de chaîne dans les points sensibles (par exemple, amélioration du traitement des ruissellements routiers et des eaux pluviales).
Étudier la pertinence d’interventions correctrices. La pollution par les plastiques existante et les contributions supplémentaires encore attendues entre 2020 et 2040 entraîneraient une hausse continue de la pollution plastique. Les stocks de macroplastiques accumulés dans les cours d’eau et les océans, fréquemment utilisés comme indicateur de la pollution mondiale, devraient encore augmenter pour passer de 152 Mt en 2020 à 226 Mt en 2040 dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] (74 Mt de moins que dans le scénario de Référence). Outre les mesures envisagées dans ce scénario d’action, des interventions correctrices seraient importantes pour atténuer les risques environnementaux, en particulier dans les pays en développement les plus touchés par la pollution plastique. Les interventions de dépollution, comme les opérations de nettoyage citoyen et les interventions ciblant les points sensibles, peuvent par ailleurs permettre de recueillir des données concernant la pollution environnementale et d’éclairer les efforts des pouvoirs publics. Parallèlement, une attention particulière doit être accordée aux effets potentiels sur l’environnement des interventions de nettoyage, notamment en cas de recours à des technologies pouvant être associées à des risques de dommages aux écosystèmes et à une faible rentabilité.
Permettre la quantification des répercussions environnementales au sens large associées aux plastiques. Le rapport Perspectives mondiales des plastiques (OCDE, 2023[1]) contient une évaluation des répercussions environnementales du cycle de vie des plastiques dans le monde plutôt qu’à l’échelle des régions. En outre, la réduction de la pollution due aux déchets mal gérés qui découle de la fermeture des voies de rejet a été quantifiée seulement pour les rejets de plastiques dans le milieu (aquatique). Une meilleure compréhension des incidences des plastiques sur l’environnement à l’échelle régionale est essentielle pour une gestion efficace et une identification des mesures les plus adaptées pour mettre fin à la pollution plastique.
1.3.5. Il est plus efficace et moins onéreux d’intervenir sur tout le cycle de vie des plastiques que d’agir uniquement en aval
Les ensembles de mesures déséquilibrés qui négligent l’action en amont augmentent les coûts
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] permet d’obtenir les avantages les plus importants et de limiter les coûts globaux de la transition par rapport aux scénarios moins ambitieux et moins équilibrés (Graphique 1.7). Des interventions rigoureuses tant du côté de l’offre que de la demande constituent le moyen le plus efficace de ralentir la production et la consommation de plastiques, ainsi que de réduire les répercussions environnementales. Parallèlement, des mesures rigoureuses de gestion des déchets sont cruciales pour garantir l’élimination des déchets en toute sécurité et réduire les risques pour l’environnement et la santé humaine. L’amélioration du tri des déchets et des infrastructures de recyclage est également indispensable pour augmenter les taux de recyclage et accélérer la transition des plastiques primaires aux plastiques secondaires.
Le coût de la mise en œuvre des dix instruments d’action modélisés dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] s’élèverait à 0.5 % du PIB mondial en 2040. Dans l’ensemble, les coûts de mise en œuvre sont nettement plus élevés dans les pays non membres de l’OCDE que dans les pays de l’OCDE (0.62 % contre 0.37 % du PIB en 2040, respectivement, dans le scénario de Référence). Ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts de l’inaction ainsi évités et devraient être considérés dans le contexte d’une nette amélioration des résultats environnementaux. Or, une diminution des pressions exercées sur l’environnement, le climat et la santé humaine le long du cycle de vie des plastiques aurait des retombées économiques importantes. Même si ces retombées ne sont pas examinées dans le cadre des projections de cette analyse, elles devraient largement compenser les coûts quantifiés (OCDE, 2023[1]).
Les répercussions macroéconomiques varient notablement d’un levier d’action à l’autre dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] (voir chapitre 6). La majeure partie des coûts macroéconomiques est imputable aux mesures d’amélioration du recyclage. Les mesures visant à encourager la conception pour la circularité, en revanche, se distinguent par des coûts moins élevés. Une partie de ces mesures pourrait même avoir des retombées économiques et environnementales positives, étant donné qu’elles s’attachent davantage à améliorer l’efficacité économique de l’utilisation de plastiques (autrement dit à réduire l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie). Ces mesures ne sont pas rentables dans le scénario de Référence, où les plastiques restent bon marché, mais elles le deviennent lorsqu’elles sont associées à des interventions qui accroissent le coût d’utilisation de plastiques primaires (par exemple, taxes sur les plastiques prévues dans le levier « limiter la production et la demande »). Les mesures visant à fermer les voies de rejet peuvent être relativement peu onéreuses d’un point de vue macroéconomique, mais seulement si les volumes totaux de déchets ne sont pas trop élevés.
Une action ambitieuse nécessiterait une réorientation majeure des flux d’investissement pour appuyer la mise en œuvre de mesures rigoureuses le long du cycle de vie dans tous les pays, notamment une amélioration notable de la gestion des déchets plastiques, c’est-à-dire le renforcement de la collecte, du tri et du traitement des déchets, comme le prévoit le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]. Dans le scénario de Référence, les besoins d’investissement dans la collecte, le tri et le traitement des déchets plastiques devraient dépasser 1 000 milliards USD entre 2020 et 2040 pour l’ensemble des pays non membres de l’OCDE. Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] aurait deux effets distincts sur ces besoins d’investissement : i) d’une part, les mesures prises en amont et en milieu de cycle (premier et deuxième leviers d’action) sont susceptibles de réduire les volumes totaux de déchets plastiques, faisant ainsi baisser les coûts de la collecte, du tri et du traitement ; ii) d’autre part, les mesures prises en aval impliquent la collecte d’une plus grande part de déchets (et de dépôts sauvages) et le recours à des méthodes de gestion des déchets plus onéreuses, notamment pour le recyclage. Dans l’ensemble, un investissement supplémentaire de 50 milliards USD est nécessaire dans ce scénario par rapport aux projections du scénario de Référence.
Par comparaison, les ensembles de mesures uniquement axés sur les interventions en aval, autrement dit le scénario Action mondiale en aval, Rigueur élevée, font diminuer les rejets de plastiques sans réduire le total des déchets plastiques. En conséquence, les coûts totaux de gestion des déchets augmentent sensiblement, ce qui rend l’élimination des rejets beaucoup plus difficile, voire probablement impossible (Graphique 1.8). Il s’agit d’une question qui touche tout particulièrement les pays en développement dotés de systèmes de gestion des déchets peu perfectionnés, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie, qui seraient confrontés à une augmentation très importante de la production de déchets et des coûts de gestion des déchets. Au-delà des considérations de rentabilité, il existe des incertitudes autour de la viabilité d’une stratégie axée sur les mesures en aval dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, car ce scénario repose sur l’hypothèse que les pays qui ne disposent pas à l’heure actuelle de systèmes robustes de collecte et de traitement des déchets sont capables de mettre en œuvre rapidement les mesures requises pour améliorer ces systèmes. Les contraintes technologiques, dont le délai nécessaire pour construire des décharges contrôlées ou des installations de recyclage, ainsi que les difficultés de gouvernance pourraient faire obstacle à la mise en place rapide de systèmes de gestion des déchets et faire augmenter les coûts économiques de ce développement. Dans l’ensemble, comme le montrent les modélisations décrites dans ce rapport, les solutions en amont et en milieu de cycle qui réduisent les quantités de plastiques dans l’économie sont essentielles pour qu’un ensemble de mesures soit efficace et à même de rendre les solutions de gestion des déchets moins coûteuses et plus faciles à mettre en œuvre.
Si seuls les pays de l’OCDE et les pays de l’Union européenne non membres de l’OCDE font preuve d’ambition, comme dans le scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée, cela aura des effets très limités sur les coûts de gestion des déchets, la plupart des économies avancées ayant des taux très élevés de collecte des déchets et des installations de traitement adéquates, comme le reflète le scénario de Référence. De même, à l’échelle planétaire, la baisse des rejets de plastiques reste faible dans ce scénario.
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible, qui concilie mesures en amont et mesures en aval peu ambitieuses, semble indiquer qu’une amélioration graduelle des politiques actuelles ne permettrait pas d’éliminer la pollution plastique en l’absence de mesures et d’objectifs communs ambitieux.
La fusion des trois scénarios d’ambition partielle dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur variable permet d’éviter les coûts considérables du scénario En aval en intégrant des mesures ambitieuses en amont et en milieu de cycle dans les économies avancées (comme dans le scénario Action des économies avancées sur le cycle de vie, Rigueur élevée), même si ces mesures restent limitées dans les économies émergentes et en développement (avec le même niveau de rigueur que dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur faible). Cependant, ce scénario d’action intégré très ambitieux ne met pas fin à tous les rejets de plastiques et dépend encore trop des mesures en aval excessivement coûteuses.
Le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] peut améliorer le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur variable en harmonisant davantage les mesures en amont dans tous les pays, en éliminant les rejets de plastiques et en réduisant simultanément les coûts totaux de gestion des déchets dans le monde.
Les approches équilibrées couvrant la totalité du cycle de vie représentent la stratégie la plus rentable pour mettre fin à la pollution plastique, mais leur mise en œuvre nécessite une coordination internationale solide fondée sur des approches et des objectifs communs. En amont dans le cycle de vie des plastiques, en particulier, l’absence de coordination étroite entre les pays pourrait restreindre le potentiel des interventions requises pour modifier significativement les flux de plastiques et parvenir à une économie des plastiques qui soit sûre et circulaire. La coordination à l’échelle internationale favorise l’instauration de critères d’écoconception harmonisés, l’élaboration de normes communes de réemploi et l’action face aux produits chimiques préoccupants et aux polymères et plastiques problématiques.
Une coordination internationale limitée ou l’incapacité à surmonter les obstacles techniques, politiques et financiers à la mise en œuvre du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale] pourrait aboutir à un ralentissement de l’action mondiale, accompagné de répercussions environnementales et sanitaires importantes pour les générations futures (voir la section 6.5 du chapitre 6). Le scénario d’action retardée (Action mondiale sur le cycle de vie, Retardée, qui correspond à un objectif d’élimination des rejets de macroplastiques à l’horizon 2060) pourrait réduire les coûts macroéconomiques d’ici 2040, tandis que les coûts en 2060 seraient d’une ampleur similaire à ceux du scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]. Cependant, les gains économiques à court terme seraient réalisés au prix d’effets positifs bien moindres sur le climat et l’environnement, avec des répercussions à long terme.
Les importants besoins financiers et la répartition géographique inégale des coûts rendent la coopération internationale nécessaire
Même s’il n’existe pas de corrélation parfaite entre l’augmentation des coûts de gestion des déchets et les effets des scénarios d’action sur le PIB, les coûts les plus importants, à la fois pour ce qui est des coûts de gestion des déchets induits par les mesures et de la variation du PIB résultant d’une action mondiale ambitieuse, sont prévus dans les pays affichant une croissance rapide et dotés de systèmes de gestion des déchets peu perfectionnés, en particulier en Afrique subsaharienne (Graphique 1.9). Dans le scénario de Référence, les coûts de gestion des déchets sont relativement faibles en Afrique subsaharienne, et la progression de la collecte et la transition vers le recyclage s’accompagnent de coûts supplémentaires non négligeables. La baisse des coûts de gestion des déchets associée aux mesures ralentissant la production et l’utilisation de plastiques ainsi que le volume de déchets générés ne permet pas de compenser pleinement l’augmentation liée à l’accroissement des taux de collecte et de recyclage.
La République populaire de Chine (ci-après la Chine) et les pays de l’OCDE disposent généralement de systèmes perfectionnés de gestion des déchets, et leurs taux de recyclage sont déjà supérieurs à la moyenne mondiale dans le scénario de Référence. Dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale], les coûts supplémentaires associés aux mesures en aval sont donc limités, tandis que les économies réalisées grâce aux mesures en amont et en milieu de cycle sont notables. De plus, des économies stables et diversifiées peuvent absorber plus facilement les chocs des mesures en amont et donc limiter les répercussions macroéconomiques (sur le PIB).
Si les progrès vers l’objectif d’élimination de la pollution plastique devraient profiter à l’ensemble des pays, les coûts plus élevés pesant sur les pays en développement laissent penser qu’une coopération internationale renforcée est indispensable pour concrétiser ces avantages. Les pays en développement, dont les petits États insulaires en développement, sont généralement confrontés à de plus grandes difficultés pour réduire la pollution plastique. D’une part, ce sont souvent les plus touchés par cette pollution, ainsi que par les effets négatifs concomitants sur le bien-être humain et les secteurs économiques tels que le tourisme ou la pêche. D’autre part, ce sont eux qui devront déployer le plus d’efforts pour fermer les voies de rejet, car ils ne disposent pas encore de systèmes de collecte et de traitement des déchets permettant de gérer la hausse de la production de déchets prévue dans les années à venir (même en présence de mesures destinées à limiter la production et la demande).
Les importants besoins financiers et la répartition inégale des coûts entre les pays rendent la coopération internationale nécessaire sous la forme d’aides techniques, technologiques et financières renforcées. Dans les pays non membres de l’OCDE, les besoins d’investissement dans les systèmes de gestion des déchets s’élèveraient à plus de 1 000 milliards USD sur 20 ans dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]. Des investissements seraient également requis pour appuyer la mise en œuvre de mesures ambitieuses en amont et en milieu de cycle, notamment les restrictions sur les plastiques problématiques ou non nécessaires, la mise en place de systèmes de réemploi, l’écoconception et la promotion des matériaux de substitution.
Étant donné le rôle essentiel des pays en développement dans l’élimination de la pollution plastique, la réalisation de cet objectif nécessite de faire appel au financement du développement, y compris par la réorientation et l’augmentation de l’aide publique au développement (APD). Les flux d’APD visant à soutenir la lutte contre la pollution plastique ont augmenté ces dernières années, atteignant 269 millions USD pour les plastiques en particulier et 1 191 millions USD pour la gestion des déchets solides plus généralement en 2022. Si l’APD seule ne suffira pas à couvrir tous les besoins d’investissement dans les années à venir, il existe de nombreuses possibilités d’accroître son influence grâce à un meilleur ciblage, notamment pour garantir qu’elle atteigne les régions où la majorité des rejets devraient avoir lieu dans les prochaines années. Par ailleurs, le rôle de catalyseur de l’APD peut contribuer à mobiliser d’autres sources de financement, y compris privées.
Un soutien technique renforcé est requis pour faire progresser la mise en œuvre de cadres d’action solides appuyant l’objectif d’élimination de la pollution plastique et créant un environnement favorable aux investissements. Il s’agit notamment de mettre en place des sources de revenus fiables pour le financement intérieur de la collecte et du traitement des déchets (par exemple, responsabilité élargie des producteurs) ou d’interdire ou taxer de façon ciblée les applications problématiques des plastiques. Comme indiqué plus haut, l’inclusion de mesures visant à réduire les flux de plastiques dans l’économie devrait rendre la transition plus efficace par rapport à son coût et plus viable sur le plan technique.
Il sera nécessaire de réorienter les flux financiers partout dans le monde. Dans les pays de l’OCDE, où les déchets mal gérés sont déjà en grande partie éliminés dans le scénario de Référence, les coûts supplémentaires sont concentrés dans les activités de recyclage et dépassent 120 milliards USD au cours de la période 2020-40 dans le scénario Action mondiale sur le cycle de vie, Rigueur élevée [Ambition mondiale]. En plus de développer le recyclage et de rendre possible le remplacement des plastiques primaires par des plastiques secondaires, il faudra réorienter les investissements afin de soutenir le déploiement de solutions en amont et en milieu de cycle dans la chaîne de valeur des plastiques, notamment afin de mettre en œuvre des systèmes de réemploi pour les emballages et les produits. Il est essentiel que les flux financiers provenant à la fois de sources publiques et privées soient à la hauteur des objectifs de l’instrument juridiquement contraignant en cours de négociation afin de permettre une transition complète à toutes les étapes du cycle de vie des plastiques.
Références
[10] Château, J., R. Dellink et E. Lanzi (2014), « An Overview of the OECD ENV-Linkages Model : Version 3 », OECD Environment Working Papers, n° 65, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jz2qck2b2vd-en.
[5] G7 Ministers of Climate, Energy and the Environment (2024), Climate, Energy and Environment Ministers’ Meeting Communiqué (Torino, April 29-30, 2024), https://www.g7italy.it/wp-content/uploads/G7-Climate-Energy-Environment-Ministerial-Communique_Final.pdf (consulté le 5 juin 2024).
[4] High Ambition Coalition to End Plastic Pollution (2024), High Ambition Coalition Ministerial Joint Statement INC-4, https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-4/ (consulté le 11 juin 2024).
[9] Karali, N., N. Khanna et N. Shah (2024), Climate Impact of Primary Plastic Production., https://escholarship.org/uc/item/12s624vf.
[7] Lebreton, L. (2024), Quantitative analysis of aquatic leakage for multiple scenarios based on ENV-Linkages, non publié.
[2] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5c7bba57-fr.
[1] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Scénarios d’action à l’horizon 2060, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/c5abcbb1-fr.
[6] OCDE (2022), Modelling plastics in ENV-Linkages: A novel approach to projecting future plastics use and waste, https://www.oecd.org/environment/plastics/Technical-Report-Modelling-plastics-in-ENV-Linkages.pdf.
[8] OCDE (2021), « Perspectives macro économiques à long terme : scénario de référence, No. 109 (Édition 2021) », Perspectives économiques de l’OCDE : statistiques et projections (base de données), https://doi.org/10.1787/e303b14b-fr (consulté le 27 août 2024).
[3] UNEP (2024), Intergovernmental Negotiating Committee on Plastic Pollution, https://www.unep.org/inc-plastic-pollution.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. La Coalition de haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique est un groupe de 64 pays partageant les mêmes idées, qui se sont engagés à élaborer un instrument international juridiquement contraignant ambitieux pour mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040. En mars 2024, 28 pays de l’OCDE étaient membres de la Coalition.
← 2. Le groupe des économies avancées est choisi pour représenter les pays ayant fait part de leur volonté d’appliquer des mesures ambitieuses couvrant l’intégralité du cycle de vie et visant à éliminer la pollution plastique d’ici 2040. Aux fins de la modélisation, les « économies avancées » englobent les pays de l’OCDE ainsi que les pays de l’UE non membres de l’OCDE.
← 3. La terminologie employée dans ce rapport utilise « production primaire » pour renvoyer à la « production de polymères primaires », « rejets » pour désigner les « émissions et rejets dans l’environnement » et « mauvaise gestion » pour décrire toutes les situations où les déchets ne font pas l’objet d’un recyclage, d’une incinération ou d’une mise en décharge contrôlée. Cette terminologie se veut largement compréhensible et cohérente avec les rapports connexes de l’OCDE, notamment les Perspectives mondiales des plastiques.
← 4. Voir Château, Dellink et Lanzi (2014[10]) pour la description complète du modèle.
← 5. Il s’agit là d’un sous-ensemble de résultats susceptibles d’avoir des effets positifs sur l’environnement. D’autres améliorations peuvent être obtenues, par exemple, en ciblant des polymères spécifiques, des applications problématiques ou des produits chimiques nocifs et en mettant en œuvre des mesures pour s’attaquer aux microplastiques. Une évaluation de ces résultats n’entre pas dans le champ de la présente analyse.
← 6. Si la décarbonation d’autres secteurs se poursuit ou s’accélère, cette part pourrait croître encore plus rapidement. Des politiques climatiques plus ambitieuses pourraient stimuler la réduction des émissions provenant de la production et de l’utilisation de plastiques ainsi que de la gestion des déchets plastiques.
← 7. Cette constatation souligne la contribution importante des étapes d’extraction et de production aux émissions de GES liées aux plastiques, comme l’indiquait le rapport Perspectives mondiales des plastiques (OCDE, 2023[1]). Karali et al. (2024[9]) ont découvert que 75 % des émissions de GES liées à la production étaient générées au cours des étapes précédant la polymérisation.
← 8. Une réduction totale de 100 % n’est pas réalisable, car certains flux de déchets continueront à échapper aux systèmes de gestion des déchets modélisés, notamment les microplastiques et les dépôts sauvages non collectés.
← 9. Voir chapitre 5 ; résultat non illustré par le Graphique 1.6.