La tâche consistant à promouvoir le respect de la réglementation et à faire respecter les règles devrait être laissée aux forces du marché, au secteur privé et à la société civile, dans toute la mesure du possible ; les inspections et la mise en application ne sauraient constituer une solution universelle valable pour toutes les situations, et il existe bien d’autres moyens d’atteindre les objectifs de la réglementation.
Boîte à outils de l’OCDE sur le contrôle et la mise en œuvre de la réglementation
Critère 2. Sélectivité
Principales questions :
D’autres solutions qu’une mise en application pilotée par l’État sont-elles véritablement envisagées dans le cadre du processus d’analyse d’impact ?
Existe-t-il des dispositifs juridiques et institutionnels permettant, quand la situation s’y prête, de recourir à d’autres solutions qu’une mise en application pilotée par l’État ?
Sous-critère 2.1. D’autres solutions qu’une mise en application pilotée par l’État sont véritablement envisagées dans le cadre du processus d’analyse d’impact.
Comme on l’a indiqué au sujet du sous-critère 1.1, il est très important, dans le cadre de toute procédure d’analyse d’impact d’un projet de texte, de tenir véritablement compte des aspects liés aux inspections et à la mise en application, plutôt que de traiter ces aspects comme une évidence. À ce titre, il convient d’examiner les ressources, les dispositifs institutionnels et les méthodes d’inspection devant être mis en place, mais aussi les solutions pouvant être envisagées en dehors d’une mise en application pilotée par l’État (telles qu’une mise en application pilotée par le marché, le secteur privé ou encore la société civile). En premier lieu, il est nécessaire d’examiner si des activités directes d’inspection et de mise en application se justifient, ou si les données probantes semblent montrer que le respect des textes pourrait être assuré par d’autres moyens (forte probabilité de respect spontané des textes, possibilité de s’appuyer sur une obligation d’assurance, possibilité de recourir à des procédures civiles, etc.). En deuxième lieu, il convient d’examiner quels dispositifs, structures, etc. existants pourraient être mis au service de cet objectif. En troisième lieu, si ces dispositifs et structures sont jugés insuffisants, mais qu’une activité directe d’inspection et de mise en application par les autorités d’État n’apparaît pas comme la solution optimale, l’analyse doit indiquer les changements à apporter (au niveau des textes, des institutions, des ressources, etc.) pour pouvoir déployer la solution jugée comme préférable1.
Au moment d’examiner si une mise en application pilotée par l’État est véritablement nécessaire, il est important de tenir compte des incitations au respect des textes. En effet, quand les incitations pour les entreprises (rentabilité) coïncident en grande partie avec les objectifs et la teneur d’un texte2, il est particulièrement judicieux d’examiner de près la nécessité réelle de mobiliser des ressources pour la mise en application. La situation est différente quand le respect d’un texte impose clairement des coûts supplémentaires aux entreprises et réduit leur rentabilité (du moins à court ou à moyen terme). La nature du préjudice que le texte vise à prévenir constitue elle aussi un aspect déterminant. S’il est possible de remédier à ce préjudice pour un coût raisonnable (c'est-à-dire que des mesures correctives existent, et qu’elles ne sont pas beaucoup plus coûteuses que les activités de prévention), la mise en application n’est peut-être pas aussi indispensable que dans l’hypothèse où remédier au préjudice implique des solutions très coûteuses (beaucoup plus que la prévention), ou est tout bonnement impossible (préjudice irréversible).
Éléments probants : lignes directrices en matière d’AIR, teneur des AIR publiées
Sous-critère 2.2. Il existe des dispositifs juridiques et institutionnels permettant, quand la situation s’y prête, de recourir à d’autres solutions qu’une mise en application pilotée par l’État, et ces dispositifs sont employés dans les cas de figure où ils peuvent être efficaces.
Il n’est pas toujours préférable de recourir à d’autres solutions que la mise en application pilotée par l’État – qu’il s’agisse de compter sur le respect spontané des textes (avec, éventuellement, des dispositifs visant à favoriser ce respect, y compris une certification volontaire, la publication du nom des contrevenants, etc.), d’instaurer une assurance obligatoire, de créer des recours du type action de groupe ou de s’en remettre aux actions civiles qui seront engagées à titre individuel par des demandeurs. Toutes ces solutions ont leurs forces et leurs faiblesses, leurs coûts et leurs avantages ainsi que leurs limites. Par exemple, l’obtention d’une certification délivrée par une tierce partie, couplée à une obligation d’assurance et à la possibilité de procédures civiles entre assureurs et assurés, s’est avérée efficace dans certains contextes3. Cela étant, elle passe par un dispositif complexe conjuguant une infrastructure juridique, un marché de l’assurance robuste et des parties bien informées, et elle entraîne des coûts non négligeables (coûts de certification, primes d’assurance, expertises, recours, etc.). Autre exemple : de nombreuses études ont montré que les dispositifs de type action de groupe n’étaient que d’une efficacité limitée s’agissant de faire évoluer le comportement des entreprises et d’améliorer le respect des règles – mais des affaires très médiatiques ont montré que ces dispositifs pouvaient être efficaces dans certaines circonstances. Quoi qu’il en soit, ces dispositifs ont un coût, et ils aboutissent souvent à une répartition non optimale des coûts et des avantages. Toujours est-il qu’ils peuvent représenter la meilleure solution dans certains contextes (difficulté à recenser les risques, risques diffus et incertains, coût élevé des activités directes d’inspection et de mise en application, avec des avantages incertains, etc.).
L’important, dans tous les cas, est de mettre en place les dispositifs juridiques et institutionnels nécessaires pour que ces solutions puissent être employées là où elles offrent la meilleure combinaison d’efficacité et d’efficience.
On considère souvent que les solutions autres que les inspections et la mise en application pilotées par l’État relèvent de deux grandes catégories (qui peuvent être combinées) : la certification et/ou l’assurance obligatoires par un tiers et les approches contentieuses (y compris, en particulier, les actions de groupe). Il existe toutefois d’autres solutions, qui peuvent être désignées comme « novatrices », non pas parce qu’elles sont nécessairement révolutionnaires, mais parce qu’elles restent peu connues, ou du moins peu employées, ou parce qu’on ne les considère pas comme de véritables substituts à la mise en application directe. On peut citer les solutions suivantes : les dispositifs de « co-réglementation » dans le cadre desquels les autorités publiques interviennent « en deuxième ligne » pour des textes directement mis en œuvre par des structures du secteur privé (l’État jouant un rôle de garant et pouvant intervenir si nécessaire, mais ne jouant pas directement un rôle actif). On peut aussi citer les dispositifs visant à défendre les droits du consommateur (par exemple en renforçant la transparence des renseignements relatifs à des opérateurs privés intervenant dans un secteur donné, et en cherchant activement à rendre l’information plus claire et plus facile à comprendre4), entre autres. Pour que de tels dispositifs soient efficaces, il faut leur assurer des ressources suffisantes (à des fins d’information, par exemple), et leur donner des fondements juridiques (responsabilité des opérateurs privés qui ne respecteraient pas les règles, par exemple). Les systèmes qui font le plus grand usage possible de tels outils ont des chances d’être les plus efficaces et efficients, dans les cas où les coûts d’une mise en application directe semblent l’emporter clairement sur ses avantages.
Éléments probants : textes ouvrant la voie à de telles solutions, par ex. mise en place des actions de groupe, obligation d’assurance, responsabilité des opérateurs économiques, etc. Exemples de recours concret à de tels dispositifs
Notes
← 1. Chaque fois qu’un nouveau texte est adopté, il est essentiel d’éviter que cela n’entraîne plus ou moins automatiquement la création de nouveaux pouvoirs de mise en application ou (de façon encore plus problématique) la création d’un nouvel organisme ou d’une nouvelle structure d’inspection et de mise en application. Dans certains pays, les pratiques législatives en place font que de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités sont systématiquement créés à l’adoption d’une nouvelle règle. Sans préjudice de la compétence générale de la police et des tribunaux en matière de mise en application des textes, il convient de mettre fin à ces pratiques de création de nouvelles responsabilités de mise en application.
Les auteurs des textes devraient plutôt, dans le cadre du processus de conception de la réglementation, examiner si une mise en application et des inspections pilotées par l’État constituent l’option la plus adaptée, si le nouveau texte est déjà couvert par des pouvoirs et structures existants et, dans le cas contraire, s’il existe un moyen facile et efficace d’ajouter de nouveaux pouvoirs de mise en application à ceux d’une structure existante, de façon à éviter l’éclatement des responsabilités et à assurer une mise en application plus cohérente. Ce n’est que dans l’hypothèse contraire qu’il devrait être envisagé de créer une nouvelle structure spécifiquement chargée de la mise en application du nouveau texte.
← 2. Dans le cas de la sûreté des aliments, par exemple, les entreprises ont normalement tout intérêt à fournir aux consommateurs des produits sûrs. Bien entendu, le consommateur ne sait pas toujours quel aliment peut présenter un danger pour sa santé, donc l’information est imparfaite, et l’incitation n’est pas absolue (et de nombreuses entreprises ont un comportement irrationnel). La concordance entre les objectifs d’un texte et les intérêts des entreprises ne garantit donc pas qu’une mise en application soit superflue. Il convient de noter que les incidents liés au manque de sûreté des produits alimentaires peuvent découler de l’ingestion de produits néfastes à court terme (par ex. produits présentant une toxicité aiguë, intoxication alimentaire d’origine microbienne) ou à long terme (ingestion au long cours de métaux lourds ou d’autres produits chimiques, par ex.).
← 3. Par exemple : encadrement réglementaire du secteur de la construction en France.
← 4. Voir, par exemple, les systèmes de notes d’hygiène alimentaire mis en place au Danemark, au Royaume-Uni, etc.