Angela Attrey
Direction de la science, de la technologie et de l'innovation (OCDE)
Coopération pour le développement 2021
9. Les politiques à l’ère du numérique : une élaboration agile, globale et fondée sur des principes
Abstract
La transformation numérique est riche de promesses pour le développement, stimulant une innovation propre à améliorer la vie des individus partout dans le monde. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence le potentiel des technologies numériques dans la gestion des crises et le renforcement de la résilience. Elle a également fait naître des inquiétudes concernant la gouvernance des données et la protection de la vie privée et souligné la nécessité d’une action publique intégrée et agile. Des approches stratégiques globales sont nécessaires pour relever des défis interdépendants comme la sécurité et la fiscalité numériques. L’élaboration des politiques publiques doit également être agile pour accompagner les progrès technologiques rapides et gérer les risques. Ce chapitre met en lumière les enseignements du projet de l’OCDE « Vers le numérique », qui prône une approche de l’élaboration des politiques intégrée et fondée sur des principes afin de garantir une transformation numérique inclusive, de renforcer les cadres institutionnels et réglementaires de gouvernance du numérique et de favoriser la croissance et le bien-être.
Principaux messages
On observe d’importantes disparités en matière de disponibilité et d’utilisation des technologies numériques : en 2020, on dénombrait 33 abonnements au haut débit fixe pour 100 habitants dans les pays de l’OCDE, contre 11.9 dans les pays non membres.
Des politiques qui stimulent l’investissement et renforcent la concurrence entre les réseaux haut débit sont indispensables pour faire progresser la connectivité, réduire les fractures numériques et tirer pleinement profit des avantages de la transformation numérique.
La transformation numérique transcende les cloisonnements sectoriels traditionnels et nécessite une démarche globale, à l’échelle de l’ensemble de l’administration, afin d’exploiter son plein potentiel et de gérer les arbitrages entre les domaines de l’action publique.
Une action publique agile et fondée sur des principes est nécessaire pour s’adapter à l’évolution rapide des technologies. La réussite de ces stratégies passe par un suivi régulier, en s’appuyant notamment sur les comparaisons entre les pays que permettent la Boîte à outils de l’OCDE sur la transformation numérique et l’Observatoire OCDE des politiques relatives à l’IA.
De plus en plus d’activités économiques et sociales dans le monde sont numériques et fondées sur des données, ce qui transforme radicalement la façon dont les individus vivent, travaillent, interagissent, prennent part à l’activité économique et échangent avec les pouvoirs publics. Ces changements, généralement regroupés sous le vocable « transformation numérique », promettent de stimuler l’innovation, de générer des gains d’efficience et d’améliorer la croissance économique et le bien-être. Mais la transformation numérique remodèle aussi les entreprises et les marchés, ce qui suscite des inquiétudes quant au respect de la vie privée, à la sécurité et à l’inclusion. Dans la mesure où les données, informations et idées franchissent facilement les frontières, la montée en puissance du numérique est également source de préoccupations à l’échelle mondiale. Le rythme des évolutions ne cesse de s’accélérer. La pandémie de COVID-19 a précipité le passage au numérique des activités et accentué la pression sur les réseaux, mettant par là même en lumière les possibilités et les défis qui accompagnent la transformation numérique.
Même si les pays sont à différents stades de leur transformation numérique, des enjeux et thèmes communs intéressant l’action publique se dégagent. Dans un premier temps, les décideurs devraient garantir une connectivité fiable, car elle sous-tend les interactions entre les individus, les organisations et les machines – une condition préalable indispensable à la transformation numérique. Les expériences relevées dans les pays de l’OCDE donnent à penser qu’outre des infrastructures et services de communication de qualité, un cadre d’action intégré et fondé sur des principes est important pour façonner une transformation numérique inclusive. Enfin, les incidences de la transformation numérique à l’échelle mondiale appellent une coopération internationale. Ainsi, à mesure que le commerce électronique se développe et se mondialise, de nouvelles approches sont nécessaires – tant pour régir les flux de données internationaux qui sous-tendent les échanges numériques devenus planétaires tout en protégeant la vie privée (Casalini et López González, 2019[1]) que pour gérer le risque de sécurité numérique qui peut facilement s’étendre au-delà des frontières par le biais des entreprises et des chaînes de valeur mondiales (OCDE, 2015[2] ; 2019[3]).
La transformation numérique est au cœur des préoccupations de l’OCDE, un forum de dialogue international sur l’élaboration des politiques dans des domaines comme la fiscalité internationale, les échanges internationaux, la sécurité numérique et la coopération pour le développement. Compte tenu de la rapidité des changements qui s’opèrent, ces enjeux stratégiques revêtent désormais un caractère d’urgence. Dans le cadre de son projet « Vers le numérique » (Encadré 9.1), l’OCDE propose des outils et des éléments factuels pour aider les décideurs à concevoir des approches globales et des politiques robustes en matière de gouvernance des données et d’économie numérique, qui favorisent la croissance et le bien-être à l’ère du numérique.
Encadré 9.1. Projet de l’OCDE « Vers le numérique » : des politiques au service de la croissance et du bien-être à l’ère du numérique
Depuis 2017, le projet de l’OCDE « Vers le numérique » aide les responsables de l’action publique à mieux comprendre la transformation numérique et les effets des technologies numériques sur l’économie et la société pour façonner un avenir numérique positif. Il bénéficie de la contribution de la quasi-totalité des communautés de spécialistes de l’élaboration des politiques et de la mesure de l’OCDE, notamment du Forum international des transports et de l’Agence internationale de l’énergie, qui ont mis leur expertise au service du projet. Il donne lieu à la formulation de conseils ciblés dans des domaines particuliers – marchés du travail, échanges, finance, protection des consommateurs, PME, agriculture, santé, gouvernance publique, concurrence, environnement – auxquels s’ajoutent des analyses transversales, fondées sur des données factuelles, qui s’appuient sur le savoir-faire de l’OCDE en matière de mesure.
La première phase du projet (2017-18) a apporté de nouveaux éléments factuels et éclairages stratégiques concernant les effets de la transformation numérique sur les économies et les sociétés et a donné lieu au lancement de la Boîte à outils sur la transformation numérique (OCDE, s.d.[4]), qui vise à aider les pays à évaluer leur stade de développement du numérique. Parmi les réalisations importantes, citons le lancement du Cadre d’action intégré de l’OCDE sur la transformation numérique (OCDE, 2020[5]), qui a une portée transversale, a été utilisé pour élaborer des stratégies numériques nationales et a servi de grille d’analyse dans le cadre des examens de la transformation numérique menés par l’OCDE. Ces examens ont étudié la situation de plusieurs pays ou régions, dont la Suède (OCDE, 2018[6]), l’Asie du Sud-Est (OCDE, 2019[7]), la Colombie (OCDE, 2019[8]), le Brésil (OCDE, 2020[9]) et la Lettonie (OCDE, 2021[10]).
Sur cette base, la deuxième phase du projet (2019-20) a analysé des technologies de pointe, dont l’intelligence artificielle (IA) et la technologie des chaînes de blocs, en portant une attention constante à l’emploi, aux compétences et à l’inclusion sociale, ainsi qu’à la productivité, à la concurrence et aux structures de marché. L’une des principales réalisations de cette phase a été le lancement de l’Observatoire OCDE des politiques relatives à l’IA (OECD.AI) (OCDE, 2021[11]) et l’élaboration des Principes de l’OCDE sur l’IA (OCDE, 2019[12]), qui ont été adoptés par de nombreux pays et fournissent un cadre pour l’élaboration des politiques relatives à l’IA dans le monde entier.
La troisième phase (2020-21) s’intéresse aux données qui sont le moteur de la transformation numérique, une composante clé des technologies numériques, dont l’intelligence artificielle, et un levier essentiel de gains de productivité et d’amélioration du processus décisionnel, y compris durant la crise du COVID-19. Durant cette phase, le projet « Vers le numérique » a pour objet d’aider les pays à concevoir des stratégies de gouvernance des données interopérables au service de la croissance et du bien-être. Même s’ils sont encore en cours, ces travaux ont déjà fait progresser le programme d’action international, notamment grâce à la Recommandation du Conseil sur l’amélioration de l’accès aux données et de leur partage (OCDE, 2021[13]), adoptée en 2021.
Transformation numérique : promesses, écueils et pandémie
L’accès à l'internet et aux technologies numériques ouvre tout un horizon de nouvelles possibilités économiques et sociales. La facilité d’accès à des informations nouvelles et actualisées permet d’abaisser les coûts de coordination, de réduire les asymétries d’information et de favoriser l’émergence de nouvelles formes d’innovation fondées sur les données dans un large éventail d’applications, dont la finance, la santé, l’éducation, l’agriculture et la gouvernance publique (OCDE, 2019[14] ; 2020[15]). Ces informations ont déjà transformé la vie des citoyens des pays à revenu faible et intermédiaire (Banque mondiale, 2016[16] ; 2021[17]). En permettant les flux de données entre des appareils connectés, l'internet facilite des transactions autrefois impossibles, comme les ventes sur des plateformes de commerce électronique entre des producteurs et des consommateurs très éloignés les uns des autres (OCDE, 2019[18] ; 2019[19]). Grâce à d’autres innovations comme les paiements mobiles, les technologies numériques permettent d’accélérer des activités qui existaient déjà, d’en renforcer l’efficience et de mettre les services à la portée d’individus qui en étaient jusque-là privés (CUA/OCDE, 2018[20]).
Le rythme de la transformation numérique s’accélère, avec pour corollaire une pénétration accrue des technologies numériques et des données, qui gagnent toutes les sphères de la vie. On estime que, fin 2019, 4 milliards d’individus utilisaient l’internet, soit quatre fois plus qu’en 2005 (UIT, 2021[21]) (voir Graphique 9.2). Si la plupart des individus y accèdent via les réseaux mobiles, la disponibilité et l’utilisation de ces réseaux varient d’un pays à l’autre et en leur sein. Dans les pays non membres de l’OCDE, 56 personnes sur 100 en moyenne étaient titulaires d’un abonnement au haut débit mobile en 2020, soit 13 fois plus qu’en 2010 (UIT, 2021[21]). La moyenne était de 118.3 dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2021[22]). De même, en décembre 2020, les pays de l’OCDE affichaient un niveau de pénétration du haut débit fixe près de trois fois supérieur à la moyenne observée dans les pays non membres, avec respectivement 33 abonnements pour 100 habitants contre 11.9.
La connectivité est non seulement une condition préalable à la transformation numérique, mais aussi un prérequis pour garantir que personne ne soit laissé de côté à mesure que les activités sociales et économiques et la prestation des services publics migrent vers l’environnement en ligne. Le renforcement de la connectivité ne pourra se faire sans surmonter les obstacles aux investissements dans le haut débit, notamment l’absence de concurrence et les barrières stratégiques et réglementaires au déploiement des infrastructures. De même, pour accroître la disponibilité et l’utilisation des technologies numériques, les politiques publiques devront favoriser les leviers d’adoption et traiter des risques liés à la sécurité numérique et à la protection de la vie privée.
Les technologies numériques se sont révélées essentielles pour gérer la crise du COVID-19
La pandémie a montré à quel point l’internet est devenu un facteur essentiel de résilience pendant une crise. Les restrictions aux déplacements pour des raisons de santé publique en ont fait le principal espace de commerce de détail, de travail, d’éducation, de commerce international, de culture et d’autres activités quotidiennes. Pour poursuivre leurs activités, de nombreuses organisations ont accéléré leurs investissements dans les technologies numériques (OCDE, 2021[23] ; 2020[24]). Dans les pays de l’OCDE, 21.15 millions de nouvelles connexions au haut débit fixe – un record – ont été enregistrées pour la seule année 2020 (OCDE, 2021[22]). Parallèlement, dans certains pays, le trafic internet a grimpé en flèche, avec des hausses allant jusqu’à 60 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, les activités gourmandes en bande passante, comme les visioconférences, étant devenues incontournables pour beaucoup (OCDE, 2020[15]). Les fractures numériques d’un pays à l’autre et en leur sein, plus marquées dans les pays à revenu faible et intermédiaire, se sont donc creusées. La vie économique et sociale se déroulant en ligne, les populations sans connexion se sont retrouvées non seulement confinées, mais aussi exclues. Cette situation demeure préoccupante car de nombreuses activités se déroulent en ligne, et la pression exercée sur les réseaux devrait perdurer après la fin de la pandémie (McKinsey & Company, 2020[25] ; Cil et Golnarian, 2020[26] ; OCDE, 2021[27]).
En outre, la pandémie a mis en lumière de nouveaux moyens d’utiliser les données et les technologies numériques. Les données en temps réel provenant des hôpitaux ont permis aux systèmes de santé publique surchargés de réaffecter les ressources là où les besoins étaient les plus importants (OCDE, 2020[28]) et les systèmes d’IA ont été mis à contribution pour accélérer la recherche médicale sur les médicaments, les traitements et les vaccins (OCDE, 2020[29]). De nouvelles sources de données, comme les données des appels mobiles et les enregistrements de géolocalisation, ont été utilisées pour suivre les déplacements de la population et coordonner les mesures de santé publique (OCDE, 2020[28]), tandis que les systèmes biométriques et d'IA, notamment ceux faisant appel aux données de reconnaissance faciale, ont été exploités par de nombreuses applications mobiles de recherche de contacts et de quarantaine conçues par les pouvoirs publics (OCDE, 2020[30]).
La crise a également recentré l’attention sur les conséquences de l’utilisation des outils numériques. Dans le contexte des mesures de santé publique exceptionnelles qui ont été prises, cette attention s’est portée sur les enjeux en matière de gouvernance des données et de protection de la vie privée, notamment lorsque ces technologies sont employées en l’absence d’orientations spécifiques ou de consentement pleinement éclairé (OCDE, 2020[30]). Les systèmes de reconnaissance faciale, y compris quand ils sont couplés à l'IA, peuvent également présenter des biais intrinsèques, par exemple lorsqu’ils sont fondés sur la race ou l'origine ethnique (OCDE, 2020[31]).
La pandémie et la transformation numérique rapide partout dans le monde témoignent de l’importance d’une action des pouvoirs publics pour maximiser les avantages et gérer les écueils de l’ère du numérique. Le projet de l’OCDE « Vers le numérique » vise à promouvoir une approche de l’élaboration des politiques intégrée et fondée sur des principes, qui garantit une transformation numérique inclusive, renforce les cadres institutionnels et réglementaires de la gouvernance du numérique et favorise la croissance et le bien-être.
Vers le numérique : des politiques pour favoriser l’investissement, gérer les risques et mettre à profit les avantages des technologies
Un accès équitable, de qualité et abordable à l’internet est une condition préalable à la transformation numérique, et à mesure qu’un nombre croissant d’activités migrent vers l’environnement en ligne, les besoins d’investissements dans les infrastructures augmenteront. Toutefois, pour profiter pleinement des avantages de ces changements dynamiques et relever les défis liés à l’évolution rapide des technologies numériques, les pays doivent adopter une approche globale et un ensemble plus vaste de politiques intégrées, comme le souligne le Cadre d’action intégré mis au point dans le cadre du projet de l’OCDE « Vers le numérique » (OCDE, 2020[5]).
Pour profiter pleinement des avantages de ces changements dynamiques et relever les défis liés à l’évolution rapide des technologies numériques, les pays doivent adopter une approche globale et un ensemble plus vaste de politiques intégrées.
Renforcer la connectivité par des politiques qui stimulent la concurrence et l’investissement
La mise en place d’un solide cadre institutionnel et réglementaire joue un rôle clé dans le développement du haut débit, et deux grands domaines d'action en particulier sont essentiels pour réduire les disparités en termes de connectivité : favoriser la concurrence sur les marchés du haut débit et y encourager les investissements (OCDE, 2021[32] ; 2021[33]).
Le renforcement de la concurrence sur les marchés des communications est l'un des leviers les plus puissants pour étendre la connectivité et améliorer la qualité, y compris dans les régions mal desservies. Les marchés des communications se caractérisent par des coûts fixes élevés et des barrières à l’entrée, ce qui signifie que les conditions de concurrence sectorielle peuvent avoir des répercussions importantes sur la qualité, l'accessibilité financière et la disponibilité des services. Un solide cadre institutionnel favorise également les investissements à long terme, car les acteurs du marché réalisent la plupart des investissements dans l’optique du déploiement du réseau. La concurrence sur les marchés des communications des pays de l’OCDE a contribué à stimuler l’innovation, renforcer les investissements et réduire le prix des services de communication (OCDE, 2021[33]). Par exemple, le Mexique a adopté, en 2013, des réformes réglementaires proconcurrentielles, qui ont eu pour effet la souscription de 50 millions d’abonnements au haut débit mobile supplémentaires jusqu’en 2017 (OCDE, 2017[34]).
Les politiques visant à encourager l’investissement dans les infrastructures de réseaux mobiles comme fixes aident également à réduire les écarts de connectivité et mettre à profit les avantages de la transformation numérique. Des applications de base comme les messageries texte et les paiements mobiles ont d’ores et déjà transformé la vie de nombreux citoyens des pays à revenu faible ou intermédiaire. Néanmoins, comme il est apparu lors de la pandémie, les applications gourmandes en bande passante sont de plus en plus indispensables pour participer à la vie économique et sociale, et à mesure que les pays se développent, les besoins de transmission de données sur les réseaux devraient augmenter (OCDE, 2021[33]).
Dans le même temps, bien que la plupart des personnes accèdent à l’internet à partir de réseaux mobiles, les réseaux fixes sont également nécessaires pour faire face à l’augmentation du débit et des capacités exigée par les différentes technologies d’accès (OCDE, à paraître[35] ; 2020[15]). Cette situation implique de réaliser des investissements supplémentaires, notamment dans le déploiement de la fibre. L’intensification du déploiement de la fibre sur les réseaux fixes est jugée nécessaire pour améliorer la résilience des réseaux (OCDE, 2020[36]) et permettre l’avènement des technologies de réseau sans fil de cinquième génération (5G), qui prennent en charge les transferts de grands volumes de données, avec une faible latence, exigés par les nouvelles applications numériques, notamment celles qui utilisent les systèmes d’IA et l’internet des objets (OCDE, à paraître[35]).
Des politiques intelligentes favorisant le déploiement du haut débit permettent de réduire les coûts de déploiement des réseaux, de stimuler les investissements et de combler les fractures numériques. Le partage d’infrastructures, comme les antennes ou les câbles à fibre optique, a ainsi aidé à étendre la couverture du haut débit, y compris dans les zones mal desservies des pays de l'OCDE. Des mécanismes bien pensés d’attribution du spectre, comme les enchères, et l'allègement des contraintes administratives pour l'installation des infrastructures haut débit requises permettent également de stimuler l’investissement (OCDE, 2021[37] ; 2021[33]).
Nombreux sont les enseignements relatifs au renforcement de la connectivité, notamment dans les pays à revenu faible et intermédiaire, apportés par les travaux abondants de l’OCDE sur les politiques en matière d’infrastructures et de services de communication et son projet « Vers le numérique » (voir Encadré 9.1). Par exemple, l'OCDE a fourni au Brésil des conseils concernant l'adaptation du cadre réglementaire régissant les télécommunications, notamment pour ce qui est de la fiscalité et des redevances, et l'amélioration des conditions du marché pour encourager la concurrence et l’investissement (OCDE, 2020[38]). Par ailleurs, la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la connectivité à haut débit adoptée en février 2021 fournit aux décideurs une feuille de route afin qu’ils puissent exploiter le plein potentiel de la connectivité au service de la transformation numérique et garantir un accès équitable à tous les utilisateurs.
Des politiques intégrées permettent une approche globale des possibilités et des défis liés au numérique
Les possibilités et les défis interdépendants liés à la transformation numérique transcendent les frontières sectorielles traditionnelles, ce qui implique des arbitrages entre les domaines de l'action publique, remet en question les démarches cloisonnées de l'élaboration des politiques et nécessite une approche globale pour exploiter le potentiel de la transformation numérique (OCDE, 2020[5] ; 2020[9]). Le Cadre d’action intégré du projet de l’OCDE « Vers le numérique » sert de guide dans cette démarche. Comme l’illustre le Graphique 9.4, il s'articule autour de sept dimensions interdépendantes de l’action des pouvoirs publics – accès, utilisation, innovation, emplois, société, confiance et ouverture des marchés – et recense les différents domaines d’action de chacune de ces dimensions qui devraient être abordés conjointement plutôt que par silos. Le cadre souligne, par exemple, la nécessité de renforcer la confiance dans la transformation numérique en abordant conjointement les politiques en matière de sécurité numérique, de protection des consommateurs, de protection de la vie privée et de petites et moyennes entreprises, et en encourageant les individus et les organisations à gérer leurs risques numériques plutôt que de chercher à les supprimer totalement.
Dans les pays de l'OCDE, les stratégies nationales globales utilisent une telle approche intégrée de l'élaboration des politiques du numérique : 34 pays de l'OCDE disposent d’une stratégie numérique nationale et 24 ont également adopté une stratégie nationale en matière d'intelligence artificielle (OCDE, 2020[15] ; à paraître[39]). La réussite d’une politique en matière d’économie numérique passe par un suivi régulier, notamment à la faveur des comparaisons internationales que permet la Boîte à outils de l’OCDE sur la transformation numérique1, qui s’appuie sur les dimensions du Cadre d’action intégré du projet « Vers le numérique » (OCDE, 2020[5]). Ce dernier a également été mis en œuvre en dehors de l’OCDE. L’Encadré 9.2 examine comment la Thaïlande l’a utilisé, en mettant l’accent en particulier sur la dimension stratégique « utilisation ».
Encadré 9.2. Mise en œuvre du Cadre d’action intégré de l’OCDE sur la transformation numérique : le cas de la Thaïlande
La Thaïlande, qui n’est pas membre de l’OCDE, utilise depuis 2018 la Boîte à outils sur la transformation numérique et le Cadre d’action intégré de l’OCDE pour identifier les domaines qui appellent une action des pouvoirs publics. L’Office of the National Digital Economy and Society Commission (ONDE) a collaboré avec 19 partenaires publics et privés en vue d’évaluer le niveau de développement numérique de la Thaïlande, en s’appuyant pour ce faire sur les indicateurs décrits dans la Boîte à outils de l’OCDE sur la transformation numérique (Bureau de la Commission nationale de l’économie et de la société numériques, 2021[40]). Cette évaluation a permis de constater que la proportion de petites et moyennes entreprises thaïlandaises qui vendent des produits sur l’internet et le niveau de consommation mensuelle de données mobiles étaient tous deux supérieurs à la moyenne de l'OCDE en 2020. Malgré ce potentiel, les internautes thaïlandais achètent bien moins de produits en ligne et interagissent beaucoup moins avec les administrations publiques qu’un utilisateur moyen dans les pays de l'OCDE (The Reporter, 2021[41]). À partir des domaines d’action clés regroupés dans la dimension « utilisation » (voir le Graphique 9.5), les pouvoirs publics thaïlandais ont pu établir que le manque de culture numérique ainsi que les problématiques de sécurité numérique et de protection des consommateurs dans le cadre du commerce électronique étaient des domaines d’action prioritaires pour améliorer l’utilisation des technologies numériques. Il importe de souligner que l’exercice d’analyse transversale a débouché sur la signature d’un protocole d’accord entre les services publics thaïlandais afin de mettre sur pied une action publique intégrée.
Une action publique agile et fondée sur des principes est nécessaire pour s’adapter à l’évolution rapide des technologies
L’évolution rapide des technologies numériques peut soumettre à rude épreuve l’action publique traditionnelle, qui est généralement axée sur des processus et émane de procédures délibératives (OCDE, 2019[43]). Par exemple, l’IA a enregistré des progrès considérables et très prometteurs ces dernières années, mais la technologie manque parfois de transparence, ce qui remet en question les mécanismes de responsabilité traditionnels et peut favoriser les biais (OCDE, 2019[44]). Ces défis exigent une action publique qui réduit au minimum les risques, tout en conservant l’agilité nécessaire pour promouvoir la poursuite de la recherche, l'innovation et la diffusion des technologies.
Pour relever ce défi lié à la gouvernance des technologies, les pouvoirs publics des pays de l'OCDE adoptent des approches de la gouvernance fondées sur des principes. Les Principes de l'OCDE sur l’IA (OCDE, 2019[12]), qui ont été adoptés en 2019 et ont ensuite constitué le socle des Principes du G20 relatifs à l’IA (OCDE, 2019[7]) en sont un exemple probant. À ce jour, les pays de l’OCDE et huit pays non membres, dont cinq pays à revenu faible et intermédiaire, ont adhéré aux Principes de l’OCDE sur l’IA. Ces principes fondés sur des valeurs2 visent à favoriser l’adoption d’une IA digne de confiance et ont vocation à être mis en œuvre et à demeurer suffisamment souples pour s’adapter aux évolutions technologiques futures.
Les Principes de l’OCDE sur l’IA sont un exemple de gouvernance en amont qui peut être complétée ultérieurement, si nécessaire, par des éléments en aval tels que la réglementation et les normes techniques (OCDE, 2021[45]). L’OCDE appuie et suit la mise en œuvre de ses Principes sur l’IA par le biais de l’Observatoire des politiques relatives à l’IA3 qui couvre plus de 60 pays, dont 12 pays à revenu faible et intermédiaire. Les Principes de l’OCDE sur l’IA ont nourri l’élaboration de lignes directrices en faveur d’une IA digne de confiance dans le monde entier, notamment le Cadre de référence pour la gouvernance de l’IA à Singapour et la future Charte sur une IA responsable en Égypte (OCDE, 2021[46]).
Références
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[36] OCDE (2020), « Maintenir l’accès à l’internet en temps de crise », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/maintenir-l-acces-a-l-internet-en-temps-de-crise-3cd99153/.
[15] OCDE (2020), OECD Digital Economy Outlook 2020, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/bb167041-en.
[38] OCDE (2020), OECD Telecommunication and Broadcasting Review of Brazil 2020, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/30ab8568-en.
[30] OCDE (2020), « Suivi et traçage du COVID-19 : Protéger la vie privée et les données lors de l’utilisation d’applications et de la biométrie », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/40a928d1-fr.
[24] OCDE (2020), « The Covid-19 crisis: A catalyst for government transformation? », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/the-covid-19-crisis-a-catalyst-for-government-transformation-1d0c0788.
[29] OCDE (2020), « Utiliser l’intelligence artificielle au service de la lutte contre le COVID-19 », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/0ef5d4f9-fr.
[19] OCDE (2019), An Introduction to Online Platforms and Their Role in the Digital Transformation, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/53e5f593-en.
[14] OCDE (2019), Digital Opportunities for Better Agricultural Policies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/571a0812-en.
[44] OCDE (2019), L’intelligence artificielle dans la société, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b7f8cd16-fr.
[8] OCDE (2019), OECD Reviews of Digital Transformation: Going Digital in Colombia, OECD Reviews of Digital Transformation, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/781185b1-en.
[12] OCDE (2019), Recommandation du Conseil sur l’intelligence artificielle, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0449.
[3] OCDE (2019), Recommandation du Conseil sur la sécurité numérique des activités critiques, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0456.
[7] OCDE (2019), Southeast Asia Going Digital: Connecting SMEs, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/digital/broadband/southeast-asia-connecting-SMEs-note.pdf.
[18] OCDE (2019), Unpacking E-commerce: Business Models, Trends and Policies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/23561431-en.
[43] OCDE (2019), « Vectors of digital transformation », Documents de travail de l’OCDE sur l’économie numérique, n° 273, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5ade2bba-en.
[6] OCDE (2018), OECD Reviews of Digital Transformation: Going Digital in Sweden, OECD Reviews of Digital Transformation, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264302259-en.
[34] OCDE (2017), OECD Telecommunication and Broadcasting Review of Mexico 2017, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264278011-en.
[2] OCDE (2015), La gestion du risque de sécurité numérique pour la prospérité économique et sociale : Recommandation de l’OCDE et document d’accompagnement, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264245471-en.
[39] OCDE (à paraître), Assessing the Comprehensiveness of National Digital Strategies and Their Governance, Éditions OCDE, Paris, à paraître.
[35] OCDE (à paraître), Networks of the Future, Éditions OCDE, Paris, à paraître.
[4] OCDE (s.d.), OECD Going Digital Toolkit, https://goingdigital.oecd.org/en/ (consulté le 1 March 2021).
[41] The Reporter (2021), « ONDE survey finds Thais spend up to 10 hours daily surfing », The Reporter, https://www.thereporter.asia/en/2021/09/20/onde-survey-thais-daily-surfing.
[21] UIT (2021), « Individuals using the Internet, total and by sex and age », ITU World Telecommunications/ICT Indicators database, https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Pages/stat/default.aspx (consulté le 28 July 2021).
Notes
← 1. Voir également : https://goingdigital.oecd.org.
← 2. Les Principes de l’OCDE sur l’IA fondés sur des valeurs sont les suivants : croissance inclusive, développement durable et bien-être ; valeurs centrées sur l’humain et équité ; transparence et explicabilité ; robustesse, sûreté et sécurité ; et responsabilité. Voir : https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0449.
← 3. Voir également : https://goingdigital.oecd.org.