Felipe González-Zapata
Direction de la gouvernance publique, OCDE
Mariane Piccinin-Barbieri
Direction de la gouvernance publique, OCDE
Felipe González-Zapata
Direction de la gouvernance publique, OCDE
Mariane Piccinin-Barbieri
Direction de la gouvernance publique, OCDE
Permettant de caractériser et d’analyser comparativement la transition de l’administration électronique à une administration numérique plus globale, l’indice de l’administration numérique de l’OCDE est le résultat de l’évaluation de six dimensions qui s’avèrent cruciales aux fins des compétences numériques du secteur public. Bien que les pays de l’OCDE aient avancé dans la mise en place du socle nécessaire à l’administration numérique, ils devront mieux exploiter les outils et données numériques pour transformer le secteur public à l’aide de ces derniers. Les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent tirer plusieurs enseignements pour eux‑mêmes de la mise en œuvre de stratégies d’administration numérique dans les pays membres de l’OCDE et autres pays faisant l’objet d’un indice.
C’est par une approche commune à toutes les composantes de l’administration et centrée sur l’humain que les administrations pourront redessiner leur fonctionnement et les services publics, en adoptant des outils et des données numériques propices à une plus grande ouverture et à une participation renforcée des acteurs concernés.
Les pays qui affichent les meilleurs scores en termes d’indice de l’administration numérique de l’OCDE s’attachent à jeter les bases d’un secteur public dont les capacités numériques répondent aux besoins de leurs citoyens, et qui transcende les mandats politiques successifs.
Pour éviter le creusement de fossés numériques tenant à l’écart des groupes de population déjà défavorisés, les services numériques devraient coexister avec des services fournis en personne ou par téléphone à ceux qui en ont besoin, et reposer sur des processus intégrés et cohérents.
Les premiers efforts d’administration électronique visaient à mettre en ligne des dispositifs et des services analogiques, de façon à réduire la dépendance à l’égard de l’accomplissement de formalités sur papier et en personne (OCDE, 2020[1]). S’ils ont permis de rationaliser des procédures dans certains domaines, ces efforts ont néanmoins produit d’une manière générale un résultat qui est souvent fragmenté et centré sur l’administration publique. Apparue plus récemment, l’administration numérique au plein sens du terme vise à repenser et à remodeler le fonctionnement des administrations et les services publics afin qu’ils répondent aux besoins et aux attentes des usagers.
Les faits observés dans les pays de l’OCDE montrent que la transition progressive vers l’administration numérique est fondée sur une stratégie, une gouvernance et des investissements solides favorisant la collaboration entre les entités du secteur public. En conséquence, l’adoption d’une approche numérique dès le départ, la participation des usagers à la conception et à la prestation des services, la gestion et l’utilisation éthiques des données publiques, et le développement des talents et des compétences numériques peuvent contribuer au succès de l’administration numérique.
En s’appuyant sur le Cadre d’action de l’OCDE en matière d’administration numérique, on examine dans ce chapitre le changement de paradigme en faveur de l’administration numérique, qui est essentiel afin d’encourager une transformation centrée sur l’humain, juste et pérenne de l’administration publique, et de dépasser la vision selon laquelle la numérisation des services publics et du fonctionnement de l’administration est un résultat isolé et un effet dérivé de politiques indépendantes.
C’est en exerçant son rôle de régulateur que l’administration donne corps à la transformation numérique de la société et de l’économie, par l’élaboration de politiques publiques qui font concorder les intérêts et influencent les mesures incitatives et par la refonte de la gouvernance publique à l’aide d’outils et de données numériques afin de bâtir un secteur public plus démocratique, plus juste et plus durable. La plupart des pays commencent par mettre en ligne leurs services analogiques, ce processus qu’on appelle « administration électronique » et qui se caractérise souvent par une approche centrée sur l’administration et guidée par les technologies. Au-delà de l’administration électronique, la notion « d’administration numérique » à part entière implique de prendre des décisions stratégiques sur les technologies numériques et les données et sur l’utilisation qui en est faite, afin de repenser les modalités de conception et de mise en œuvre des politiques et des services publics en vue de répondre à l’évolution des besoins et des attentes des citoyens.
La Recommandation du Conseil sur les stratégies numériques gouvernementales de l’OCDE (OCDE, 2014[2]) insiste sur le fait que l’administration numérique rend possible le bon fonctionnement du secteur public dans l’environnement numérique par le décloisonnement de ses activités afin de fournir des services publics ininterrompus et dirigés par les usagers, tout en réduisant les risques que les technologies numériques présentent aux particuliers et à la société. Le Cadre d’action de l’OCDE en matière d’administration numérique (OCDE, 2020[1]) (DGPF) définit six dimensions caractéristiques d’une administration numérique centrée sur l’humain et pérenne (Graphique 11.1. ).
L’indice de l’administration numérique (DGI) de l’OCDE mesure la maturité de l’administration numérique en couvrant les six dimensions du Cadre d’action de l’OCDE en matière d’administration numérique (DGPF) (OCDE, 2020[4]). Les constats de la première édition pilote du DGI en 2019 (Graphique 11.2) font état d’un renforcement de la part des pays de l’OCDE de leurs systèmes de gouvernance, de leurs outils numériques partagés et compatibles et, dans une moindre mesure, de leur gouvernance, partage et utilisation stratégiques des données du secteur public en faveur de l’amélioration des politiques publiques et des services (dimensions 1 à 4 du DGPF). Toutefois, ces avancées sont à mettre en contraste avec les progrès limités enregistrés au niveau des outils et des données qui permettent de comprendre les besoins des citoyens, d’y répondre et de les anticiper (dimensions 5 et 6). En 2019, la plupart des pays de l’OCDE étaient encore dépourvus des politiques publiques et des mécanismes nécessaires pour être pilotés par les usagers et proactifs lors de la conception et de la prestation de services aux citoyens.
Les trois pays les plus hauts classés : à savoir la Corée, le Royaume-Uni et la Colombie, se sont attachés à jeter les bases du passage au numérique du secteur public afin de transformer les services publics et les processus de l’administration pour qu’ils répondent aux besoins du citoyen. De même, le Brésil et l’Uruguay doivent les progrès accomplis en la matière à des efforts stratégiques soutenus à caractère transformateur au sein d’un éventail d’administrations. Quel que soit le stade d’avancement de leur transformation numérique, des pays pourraient trouver utile de connaître les moyens qui ont permis à des pays de l’OCDE de progresser dans certaines dimensions du DGPF et des obstacles auxquels ils se sont butés dans d’autres.
La dimension « Numérique par nature » (dimension n° 1) correspond à l’exploitation des technologies numériques en vue de repenser et de remodeler les processus publics, de simplifier les procédures, et d’établir de nouvelles formes de communication et d’implication. L’adhésion au changement, en tant que caractéristique essentielle de l’administration numérique, contribue à gérer les incertitudes liées aux technologies numériques et à l’élaboration de projets. Cette approche requiert des méthodes de gestion suffisamment souples au cours du cycle de développement pour réitérer, tirer des leçons et améliorer des projets à base de technologies numériques et de données et contribuer ainsi à réduire les risques de projets volumineux et rigides. Il est fondamental aussi de faire participer les usagers à la conception de services dictés en fonction des besoins des citoyens (OCDE, 2020[6]).
Une telle démarche nécessite des stratégies, une impulsion politique, des efforts de coordination, des modèles institutionnels et des ressources pour mettre les technologies numériques au service de la transformation de politiques publiques en des services publics concrets. Les administrations publiques qui obtiennent de bons scores à la dimension n° 1 ont tendance à récolter aussi de bons résultats dans d’autres dimensions. Or les investissements dans la gouvernance numérique peuvent pérenniser les efforts des pouvoirs publics au sein de plusieurs administrations à la fois et solliciter la collaboration d’autres organismes publics. Ces avantages aident à surmonter les difficultés que présentent des systèmes politiques moins stables afin de favoriser la continuité de l’action publique. L’un des facteurs de réussite constatés dans les six pays les plus performants tient à la présence de mécanismes officiels de coordination de projets de TIC communs à l’ensemble de l’administration, où plusieurs domaines de l’action publique sont représentés. Par exemple, depuis 2001 en Corée, le Comité spécial de l’administration électronique, présidé par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, rassemble des ministères aux côtés d’experts du secteur privé en vue de définir la stratégie et les plans d’action de l’administration numérique (Ministère coréen de l’Intérieur et de la Sécurité, 2020[7]). A contrario, force est de constater l’absence de tels mécanismes dans quatre des six pays les moins performants (OCDE, 2020[4]). En outre, l’approche adoptée en matière de financement détermine à quel point les technologies numériques transforment des stratégies d’administration numérique en des politiques et des services publics concrets. Par exemple, l’Australie et le Danemark favorisent l’essor de l’administration numérique par la gestion d’un portefeuille favorable à des investissements dans le numérique (Agence danoise pour la transformation numérique, sans date[8] ; Australian Digital Transformation Agency, sans date[9]) et, à l’instar du Chili, emploient des mécanismes à valeur ajoutée pour approuver et financer des investissements numériques dans le secteur public (Direction du budget du Chili, 2021[10] ; Australian Digital Transformation Agency, 2015[11]). En plus de la dimension financière, des normes et pratiques de gestion de projet (par exemple, des méthodologies de gestion agile) qui favorisent une culture d’agilité pour réitérer, tirer des leçons et améliorer progressivement des projets numériques sont des vecteurs de réussite : elles permettent en effet d’éviter les projets volumineux et rigides qui sont plus susceptibles d’être voués à l’échec (OCDE, 2020[6]).
Un secteur public adepte aux technologies numériques favorise les compétences (techniques, socio-émotionnelles, professionnelles et de leadership) et l’environnement nécessaires pour développer et retenir les talents numériques (OCDE, 2021[12]). Dès 2019, plusieurs pays donnaient la priorité à des stratégies dédiées (79 %) ou à des initiatives concrètes (50 %) au service du développement des compétences numériques, que ce soit par l’utilisation d’outils numériques, l’analyse des données, la gestion de projets, la conception de services, des travaux de recherche sur les usagers, ainsi que la publication et la réutilisation de données publiques ouvertes (OCDE, 2020[4]). Par exemple, au Royaume-Uni, le programme complet de formation en ligne et en personne de la Government Digital Service Academy a vocation à favoriser le renforcement des compétences dans les domaines des recherches sur les usagers, des données et du leadership numérique (OCDE, 2021[12]).
Il est important ici de faire la distinction entre les dimensions « Numérique par nature » et « Numérique par défaut » (dimension qui revient à obliger les usagers à accéder à des services uniquement disponibles en ligne) : cette dernière crée de nouvelles formes d’exclusion à cause du fossé numérique tenant à l’écart les groupes de population dont l’accès aux technologies numériques ou leur capacité à les utiliser sont limités.
Il est important ici de faire la distinction entre les dimensions « Numérique par nature » et « Numérique par défaut » (dimension qui revient à obliger les usagers à accéder à des services uniquement disponibles en ligne) : cette dernière crée de nouvelles formes d’exclusion à cause du fossé numérique tenant à l’écart les groupes de population dont l’accès aux technologies numériques ou leur capacité à les utiliser sont limités (OCDE, 2020[1]). La mise en œuvre réussie de la dimension « Numérique par nature » se caractérise par le fonctionnement ininterrompu des services du secteur public sur une multitude de canaux en ligne et hors ligne, qui garantit qu’aucun citoyen n’est laissé pour compte en raison d’inégalités d’accès aux technologies numériques ou faute des compétences nécessaires pour les utiliser (OCDE, 2020[1]).
Le secteur public « étayé par des données » (dimension n° 2) considère les données comme un actif stratégique et établit des cadres éthiques et de confiance en matière de gouvernance, d’accès, de partage et de réutilisation des données, au bénéfice de l’amélioration des processus décisionnels et des services publics. Les pays de l’OCDE évoluent lentement vers un secteur public étayé par des données. Pourtant cette dimension figure à l’avant-dernière place à l’indice DGI, contrairement à l’accent et à l’élan politique consacrés à la promotion de données publiques ouvertes (OCDE, 2020[4]). Comme le font apparaître les éléments probants tirés des travaux de l’OCDE sur les données publiques, l’un des obstacles à un secteur public étayé par des données tient à l’absence des cadres de gouvernance, des outils et des compétences nécessaires pour recueillir et analyser les données. Or dès lors que cet obstacle est surmonté, leur présence peut être utiles pour faire en sorte de fonder les politiques et les services publics sur des données factuelles et pas seulement sur des considérations purement politiques (OCDE, 2021[13]).
L’« administration comme plateforme » (dimension n° 3) déploie des conseils, des normes et des outils numériques pour aider les équipes à placer les besoins des usagers au cœur de la conception et de la prestation des services publics. Délaissant les approches cloisonnées guidées par les technologies de l’administration électronique, l’administration numérique investit dans des biens et des infrastructures numériques partagés, normalisés et compatibles. Une telle approche implique des investissements dans des outils numériques open source et réutilisables qui permettent aux équipes de numériser des services tout en favorisant l’intégration verticale et horizontale entre organisations publiques. De même, des outils ouverts et compatibles éliminent les obstacles, ce qui permet au secteur privé (y compris les entrepreneurs dits de « GovTech », des technologies de l’administration publique) de contribuer à l’essor de systèmes et de services intégrés, en particulier dans les pays dont les capacités internes du secteur public sont limitées.
L’infrastructure publique numérique (qu’il s’agisse de plateformes de cloud partagées ou de systèmes d’interopérabilité) et les biens publics numériques tels que les systèmes d’identité, de notification et de paiement en sont de bons exemples. Ils permettent une transformation de bout en bout des services et favorisent une expérience ininterrompue pour les usagers dans leurs interactions avec des services publics numériques. Les pays de l’OCDE ont fait des progrès dans l’élaboration de composantes fondamentales communes : ainsi, en 2019, 75 % d’entre eux avaient en place un système d’identité numérique unique. Parmi eux, 48 % des systèmes d’identité numérique donnaient accès à au moins la moitié des services numériques (OCDE, 2020[4]).
Pour autant, comme on le constate parmi les pays du G20, l’intérêt que suscitent des services transnationaux pose désormais le défi de l’interopérabilité des systèmes d’identité numérique au niveau international et de la capacité des citoyens de consentir à donner leurs données à caractère personnel et de les contrôler (G20/OCDE, 2021[14]). La disponibilité de solutions d’identité portables et transfrontières pour utiliser des services numériques de confiance requiert un renforcement de la coopération et l’établissement de normes, comme celles offertes par l’OCDE et le G20, l’e-IDAS de la Commission européenne et la signature numérique transfrontalière du réseau GEAL en Amérique latine et dans les Caraïbes.
La dimension « Ouverte par défaut » (dimension n° 4) consiste à mettre à la disposition du public les données publiques et les processus décisionnels de l’administration (y compris les algorithmes), dans les limites de la législation en vigueur et en respectant l’équilibre entre l’intérêt national et l’intérêt général. Grâce à la disponibilité et à la réutilisation de données publiques lisibles par machine et libres d’utilisation, les données publiques ouvertes peuvent être propices à un renforcement de la collaboration au sein de l’administration publique. Dans cette dimension, ce sont les pays participants qui ont obtenu le plus haut score à l’indice DGI. L’Indice des données ouvertes, utiles et réutilisables (OURdata) de l’OCDE montre que, malgré leurs efforts d’intégration des données publiques ouvertes, les pays doivent renforcer leurs politiques publiques et leurs mesures propices à l’essor de l’écosystème de données et à la collaboration avec celui-ci pour créer de la valeur ajoutée pour la société (OCDE, 2020[15]). C’est dans cet esprit que des pays comme la Colombie et la Corée mettent en place des initiatives complètes de données publiques ouvertes, qui encouragent la disponibilité d’ensembles de données publiques et leur réutilisation tant au sein qu’en dehors du secteur public.
Le fonctionnement axé sur l’usager (dimension n° 5) accorde un rôle central à la prise en compte des besoins des citoyens et à l’accessibilité dans l’élaboration des processus, des services et des politiques publiques, et adopte des mécanismes inclusifs afin d’y parvenir. Ces nouvelles formes d’interaction contribuent à la confiance du public dans l’administration et sont déterminantes pour renforcer la relation entre les citoyens et l’État et favoriser le bien-être de tous (OCDE, 2021[16] ; 2020[6] ; Welby, 2019[17]).
Or la compréhension, la satisfaction et l’anticipation des besoins des usagers requièrent à l’égard des services publics l’adoption d’une approche qui vient de la base, axée sur les besoins et les attentes des citoyens. Il est impératif que les pays de l’OCDE investissent davantage dans la recherche sur les usagers : 45 % des pays font état de mécanismes d’engagement des usagers au stade de la conception des services et 27 % au stade de la fourniture. Seulement un tiers d’entre eux obligent les ministères ou les organismes publics à utiliser des outils numériques pour favoriser les contributions participatives des parties prenantes au cours de l’élaboration des services (OCDE, 2020[4]). La prise en compte des besoins des usagers nécessite d’une part d’abandonner les hypothèses imposées d’autorité et d’autre part de donner les moyens aux équipes de service de travailler aux côtés des citoyens, dans l’objectif d’offrir des services rationalisés et ininterrompus (OCDE, 2020[6]). À titre d’exemple, le service numérique de l’administration publique du Royaume-Uni utilise une norme de service et un manuel axés autour de 14 principes en faveur d’une approche cohérente et concertée de la conception et de la prestation, articulée autour de plusieurs priorités, notamment la compréhension des besoins des usagers, la résolution des problèmes, la prestation omnicanale, la simplicité, l’inclusivité, l’agilité, l’ouverture et la fiabilité (Government Digital Service du Royaume-Uni, 2016[18]).
Pour renforcer la confiance des citoyens dans l’administration, un secteur public dirigé par les usagers peut être utile, à condition toutefois d’adopter une approche inclusive dès le début des réformes de l’administration numérique (OCDE, 2021[16]). Plusieurs pays utilisent des outils numériques au service de la démocratisation et de l’inclusivité du secteur public. Par exemple, la Colombie (« Urna de Cristal »), le Danemark (« Høringsportalen ») et le Portugal (« Simplex ») utilisent des outils numériques pour canaliser les retours des citoyens dans une démarche de collaboration et de co-création qui reflète les attentes du public en matière de politiques publiques et de services. En outre, l’essor d’une administration numérique centrée sur l’humain passe forcément par le respect de principes éthiques quant à l’utilisation des technologies numériques et des données. C’est ce que l’on constate lorsque des services d’identité numérique donnent aux citoyens le contrôle de leurs données et le consentement à leur utilisation (OCDE, 2019[19] ; G20/OCDE, 2021[14]), ou quand des principes éthiques régissent l’accès aux données, leur partage et leur utilisation dans le cadre de la formation de modèles d’intelligence artificielle afin de lutter contre les biais, les discriminations et le manque de qualité des données (OCDE, 2020[4] ; 2021[20]).
Certains pays prennent également des mesures de promotion de l’éthique numérique. Par exemple, la France a présenté en 2019 le projet de loi pour une République numérique en vue de promouvoir l’égalité d’accès et des droits à l’ère numérique. De même, le cadre d’éthique des données au Royaume-Uni et l’outil d’évaluation de l’incidence algorithmique au Canada défendent l’intégrité et l’équité lors de l’utilisation d’outils et de données numériques dans le secteur public. Malgré cela, en 2019, seulement 34 % des pays de l’OCDE faisaient état d’obligations de respect de lignes directrices en vue de l’application de principes éthiques dans le cadre d’initiatives liées aux données (OCDE, 2020[4]).
La « proactivité » (dimension n° 6) fait référence à l’anticipation des besoins des citoyens et à la satisfaction rapide de ceux-ci, évitant ainsi la nécessité de mettre en œuvre des processus fastidieux pour la fourniture de services et de données. Pour l’administration numérique, cela signifie des pratiques de travail numérique, une utilisation avancée des données et un déploiement approprié des biens et des infrastructures publics numériques. La conception proactive et dirigée par l’usager implique une approche omnicanale pour assurer une transformation numérique inclusive. Il s’agit d’assurer la coexistence des services numériques avec la prestation de services en face-à-face ou par téléphone pour ceux qui en ont besoin, ainsi que l’intégration et la cohérence des technologies numériques dans les processus sous-jacents (OCDE, 2020[6]). Par exemple, les « boutiques et kiosques pour les citoyens » au Portugal combinent des canaux en ligne à des sites en personne disséminés à travers le pays afin d’assurer la disponibilité des services publics à l’ensemble des citoyens portugais.
L’exploitation des avantages que procure l’administration numérique met à rude épreuve tous les pays, indépendamment de leur niveau de développement économique et numérique. En outre, comme cela est indiqué plus haut dans le présent rapport, en dépit des obstacles en matière de connectivité et d’infrastructures numériques auxquels ils sont confrontés, rien n’empêche pour autant les pays à revenu faible ou intermédiaire de prendre des décisions stratégiques et de réaliser des investissements de même nature en vue de faire progresser durablement la transformation numérique du secteur public. Forts des enseignements tirés de la transition qu’ont opérée les pays de l’OCDE de l’administration électronique vers l’administration numérique, les pays en développement peuvent se concentrer sur six éléments au service d’une administration numérique pérenne et centrée sur l’humain :
1. Renforcer les compétences en matière de gouvernance pour pérenniser la prestation des services. Les pays peuvent encourager des mécanismes d’impulsion politique et de coordination pour légitimer et promouvoir leur programme de transformation numérique tant au sein qu’en dehors du secteur public. Une large adhésion sera utile pour surmonter les incertitudes induites par les modifications apportées aux systèmes politiques, tout en favorisant une transformation cohérente, systémique et à l’échelle de l’ensemble de l’administration. De telles approches de la gouvernance se sont révélées fructueuses dans les pays de l’OCDE pour la prise de décisions stratégiques et la réalisation d’investissements de même nature en matière d’adoption et d’utilisation des technologies numériques.
2. Centrer les efforts sur les citoyens et leurs besoins. L’administration numérique consiste à donner la priorité aux citoyens et à motiver des décisions, des investissements et des démarches afin de répondre à leurs besoins. Il faut pour cela entretenir un dialogue permanent et inclusif avec les usagers, afin de comprendre leurs attentes et d’en tenir compte dans la conception et la prestation des services, qui sont fournis par des moyens distincts mais intégrés. Comprendre les besoins des usagers, c’est savoir faire la différence entre les besoins informationnels et ceux de nature transactionnelle, et les traiter en conséquence. De même, il faut encourager les talents et les formations qui permettent aux agents de la fonction publique d’exploiter pleinement les avantages de l’administration numérique tout en remédiant à ses inconvénients.
3. Investir dans un bien public numérique fiable, réutilisable et compatible. À l’aune des résultats des réformes de l’administration électronique, on constate que les pays se trouvent dorénavant face à des systèmes et à des outils cloisonnés et fragmentés, qui ont pour effet de tirer vers le haut les coûts d’intégration et d’harmonisation et qui entravent la transformation de l’ensemble des composantes de l’administration. Pour éviter ces difficultés, les pays en développement peuvent privilégier dès le départ des outils et infrastructures numériques qui soient réutilisables et compatibles. Parmi les pays de l’OCDE, 70 % sont dotés d’un cadre propice à des solutions libres (c’est-à-dire en open source), lequel peut être utile pour atteindre l’objectif d’interopérabilité, quoique des capacités locales d’adaptation, de déploiement et de maintenance des outils numériques soient nécessaires, et permet d’éviter la dépendance à l’égard de fournisseurs de solutions propriétaires. De même, les pays peuvent cibler en priorité les outils numériques à l’origine des retombées et des transformations les plus importantes, comme les systèmes d’identité numérique, qui permettent aux citoyens d’interagir avec le secteur public.
Parmi les pays de l’OCDE, 70 % sont dotés d’un cadre propice à des solutions libres (c’est-à-dire en open source), lequel peut être utile pour atteindre l’objectif d’interopérabilité, quoique des capacités locales d’adaptation, de déploiement et de maintenance des outils numériques soient nécessaires, et permet d’éviter la dépendance à l’égard de fournisseurs de solutions propriétaires.
4. Considérer les données comme un atout stratégique et l’ouverture comme un avantage. Le passage du secteur public au numérique crée des volumes de données sans précédent qui peuvent faciliter la gouvernance et la transformation des politiques et des services publics. Beaucoup d’avantages dont on peut bénéficier à l’ère du numérique dépendent de l’opportunité, de la fiabilité et de la qualité des données. Les pays en développement peuvent privilégier les efforts en faveur de la création et de la protection d’infrastructures de données conformes à des principes de représentation équitable de la société, et qui contribuent à l’intérêt général tout en respectant les intérêts particuliers. Les données peuvent aussi être utiles pour la création de nouveaux vecteurs d’interaction et de collaboration avec les populations et le secteur privé, ainsi que de transparence à leur égard, comme le montrent les initiatives d’ouverture de données publiques.
5. Évaluer les investissements dans l’administration numérique en termes de valeur ajoutée. Dans la mesure où les ressources financières sont limitées, il faut cibler en priorité les technologies numériques évolutives qui ont le plus d’impact, tout en assurant le maintien des systèmes existants. Les pays en développement peuvent renforcer leurs capacités de planification, de hiérarchisation des priorités, de financement et de surveillance appliquées aux technologies numériques pour s’assurer de retirer des avantages de ces dernières. Il s’agit notamment d’effectuer une analyse coûts-avantages pluridimensionnelle afin de déterminer la valeur ajoutée des projets d’administration numérique, de financer des systèmes numériques communs, et d’adopter des normes et pratiques adaptables pour évaluer l’impact, la faisabilité et l’évolutivité des projets de transformation numérique.
6. Encourager la coopération numérique pour relever des défis qui transcendent les frontières. Des initiatives de promotion du dialogue sur l’action à mener et de collaboration entre États se révèlent efficaces pour relever les défis posés par l’ère du numérique. La promotion d’une prestation de services transnationale ainsi que de l’accessibilité et de la mutualisation de données à un niveau international suscite un intérêt croissant, ce qui exige une normalisation des biens publics numériques tels que l’identité numérique. Une coopération multilatérale peut être utile pour mettre en évidence des goulets d’étranglement, des moyens d’action et des outils numériques compatibles communs qui permettent de relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
[8] Agence danoise pour la transformation numérique (sans date), « Model for portfolio management of ICT systems », page web, https://en.digst.dk/ict-portfolio-management/model-for-portfolio-management-of-ict-systems.
[11] Australian Digital Transformation Agency (2015), ICT Business Case Guide, ministère australien des Finances, Canberra, https://www.dta.gov.au/sites/default/files/2021-09/ICT_Business_Case_Guide.pdf.
[9] Australian Digital Transformation Agency (sans date), « ICT investment approval process », page web, https://www.dta.gov.au/help-and-advice/digital-and-ict-investments/ict-investment-approval-process.
[10] Direction du budget du Chili (2021), Instrucciones para la formulación de proyectos TIC – EVALTIC 2022, Direction du budget du Chili, Santiago de Chile, https://digital.gob.cl/transformacion-digital/estandares-y-guias/instrucciones-para-la-formulacion-de-proyectos-tic-evaltic-2022.
[14] G20/OCDE (2021), G20 Collection of Digital Identity Practices: Report for the G20 Digital Economy Task Force, OCDE, Paris, https://assets.innovazione.gov.it/1628073752-g20detfoecddigitalid.pdf.
[18] Government Digital Service du Royaume-Uni (2016), Service Manual, Gouvernement du Royaume-Uni, Londres, https://www.gov.uk/service-manual.
[7] Ministère coréen de l’Intérieur et de la Sécurité (2020), Why Korean e-Government?, ministère coréen de l’Intérieur et de la Sécurité, https://www.mois.go.kr/cmm/fms/FileDown.do?atchFileId=FILE_00069021VA-a9ol&fileSn=1.
[20] OCDE (2021), Good Practice Principles for Data Ethics in the Public Sector, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/gov/digital-government/good-practice-principles-for-data-ethics-in-the-public-sector.htm.
[16] OCDE (2021), Panorama des administrations publiques 2021, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9556b25a-fr.
[13] OCDE (2021), Recommandation du Conseil sur l’amélioration de l’accès aux données et de leur partage, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0463.
[12] OCDE (2021), « The OECD Framework for digital talent and skills in the public sector », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 45, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4e7c3f58-en.
[6] OCDE (2020), Digital Government in Chile – Improving Public Service Design and Delivery, OECD Digital Government Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b94582e8-en.
[4] OCDE (2020), « Digital Government Index: 2019 results », Documents d’orientation sur la gouvernance publique de l’OCDE, n° 03, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4de9f5bb-en.
[5] OCDE (2020), « Digital Government Index: 2019 results », Documents d’orientation sur la gouvernance publique de l’OCDE, n° 03, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4de9f5bb-en.
[15] OCDE (2020), « Open, Useful and Re-usable data (OURdata) Index: 2019 », Documents d’orientation sur la gouvernance publique de l’OCDE, n° 01, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/45f6de2d-en.
[1] OCDE (2020), « The OECD Digital Government Policy Framework: Six dimensions of a Digital Government », Documents d’orientation sur la gouvernance publique de l’OCDE, n° 02, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f64fed2a-en.
[3] OCDE (2020), « The OECD Digital Government Policy Framework: Six dimensions of a Digital Government », Documents d’orientation sur la gouvernance publique de l’OCDE, n° 02, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f64fed2a-en.
[19] OCDE (2019), Digital Government in Chile – Digital Identity, OECD Digital Government Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9ecba35e-en.
[2] OCDE (2014), Recommandation du Conseil sur les stratégies numériques gouvernementales, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0406.
[17] Welby, B. (2019), « The impact of digital government on citizen well-being », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 32, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/24bac82f-en.