Macky Sall
Coopération pour le développement 2024
25. Point de vue : Le rétablissement du dialogue et l’unité mondiale autour de solutions fondées sur la coopération sont essentiels pour les populations et la planète
Copier le lien de 25. Point de vue : Le rétablissement du dialogue et l’unité mondiale autour de solutions fondées sur la coopération sont essentiels pour les populations et la planèteNous sommes pris entre deux feux. D’un côté, l’émergence de blocs régionaux risque de créer une fragmentation économique à l’échelle mondiale en privilégiant des politiques protectionnistes, en entraînant un raccourcissement des chaînes de valeur, en réduisant les investissements et en accentuation l’isolationnisme. Un monde plus fragmenté signifie l’abandon des approches fondées sur la coopération et l’absence de consensus sur la voie à suivre pour atteindre des objectifs communs tels que la lutte contre le changement climatique et le règlement des questions relatives à la dette.
De l’autre côté, nous avons plus que jamais besoin de coordonner nos efforts pour financer la lutte contre le changement climatique et les inégalités croissantes. Les effets combinés des crises liées à la pandémie de COVID-19, aux conflits, au changement climatique et à la perte de biodiversité ont forgé un monde dans lequel la pauvreté et les inégalités s’accroissent et les progrès sur la voie de la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) sont compromis. Le déficit annuel de financements requis pour concrétiser les ODD s’est nettement creusé, pour atteindre 4 200 milliards USD. Parallèlement, pour parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, les investissements mondiaux dans les énergies propres devront tripler et 2 000 milliards USD seront nécessaires pour opérer la transition énergétique et climatique dans les pays émergents et en développement.
Alors que l’ampleur des besoins de financement est considérable, l’aptitude de nombreux pays en développement à mobiliser des ressources financières à l’appui du développement et du climat est très limitée. Aujourd’hui, plus de la moitié des pays à faible revenu sont lourdement endettés. Les pays en développement doivent supporter des coûts d’emprunt élevés et de nombreux États doivent consacrer une part importante de leurs recettes au paiement du service de la dette, au détriment d’investissements dans la santé, l’éducation et la protection sociale. Des disparités importantes subsistent également en ce qui concerne l’accès des pays aux liquidités par temps de crise. Les pays ne devraient pas avoir à choisir entre le climat, le développement et la dette.
Les pays ne devraient pas avoir à choisir entre le climat, le développement et la dette.
Il est de toute urgence nécessaire d’instaurer une coordination à l’échelle mondiale. Nous devons repenser le fonctionnement du système financier international et des institutions de Bretton Woods. Nous avons besoin d’un système plus juste qui permette de mobiliser plus rapidement des financements plus nombreux en faveur des pays qui en ont le plus besoin. Le multilatéralisme reste la meilleure forme de coopération et de dialogue face aux difficultés communes qui ont une incidence sur l’économie mondiale et sur nos vies.
Il est également urgent de rétablir le dialogue entre les pays du Nord et ceux du Sud. Les pays du Sud sont les premiers touchés par les crises climatique et économique. Si l’on veut concevoir une architecture financière internationale plus efficace et plus juste, il faut faire en sorte que ces pays soient équitablement représentés au sein des forums économiques mondiaux tels que le Groupe des Sept (G7) et le Groupe des Vingt (G20). L’attribution d’un siège à l’Afrique au sein du G20 et la création d’un troisième siège pour le continent au sein du Conseil d’administration du Fonds monétaire international sont autant d’avancées prometteuses dans ce sens.
Le renforcement du dialogue entre Nord et Sud était justement l’ambition première du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial de juin 2023, qui a réuni une quarantaine de chefs d’État, dont certains de grands pays émergents, ainsi que des institutions financières internationales. Le Sommet visait à trouver des solutions pour que les pays émergents n’aient pas à choisir entre le développement et le climat. Il a permis de prendre acte du besoin urgent de réformer l’architecture financière internationale et de créer une dynamique.
Cette dynamique s’illustre dans les chiffres. En 2022, pour la première fois, nos engagements en faveur du financement climatique dans les pays en développement ont dépassé l’objectif de 100 milliards USD, pour atteindre 115.9 milliards USD. Pour ce qui est de l’Alliance pour des infrastructures vertes en Afrique, en date de mai 2024, nous avions réussi à obtenir des engagements à hauteur de 260 millions USD sur les 300 millions USD visés pour financer des projets et des programmes écologiques et de résilience au climat. Lors du Sommet sur les modes de cuisson propres en Afrique, 2.2 milliards USD ont été annoncés en vue de financer et d’investir dans des initiatives de cuisson propre sur le continent africain.
Ce n’est toutefois toujours pas suffisant. Nous devons opérer des transformations plus systémiques et nous accorder sur des mandats clairs. Nous devons aller plus loin en réaffectant des droits de tirage spéciaux par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement, en mobilisant des apports privés plus importants et effectivement dirigés vers les pays qui en ont le plus besoin, et en réévaluant les critères d’évaluation des agences de notation.
Nous devons opérer des transformations plus systémiques et nous accorder sur des mandats clairs.
Nous devons instaurer un dialogue entre les banques multilatérales de développement, les institutions de financement du développement, les autorités de réglementation, les agences de notation de crédit et d’autres partenaires afin d’examiner les réglementations financières et les éventuelles conséquences imprévues que les cadres prudentiels peuvent avoir sur les investissements dans les pays en développement. Ce dialogue devrait également porter sur les règles et les pratiques établies de longue date en matière d’évaluation des risques et de notation des risques de crédit au niveau des pays qui peuvent ne pas refléter comme il se doit la réalité des contextes nationaux. Nous devons de toute urgence organiser une consultation internationale sur les critères appliqués par les agences de notation afin de les rendre plus équitables et plus transparents. Enfin, nous devrions renforcer le déploiement des partenariats pour une transition énergétique juste, qui peuvent fournir un cadre consensuel pour assurer cette transition.
La dynamique créée par le Sommet pour un nouveau pacte financier a également ouvert la voie à une nouvelle forme de multilatéralisme et d’’impulsion politique. Le Pacte de Paris pour les peuples et la planète a été établi pour que les pays en développement puissent faire entendre leur voix et participer sur un pied d’égalité aux discussions qui se tiennent traditionnellement dans des enceintes auxquelles ces pays ont un accès limité et au sein desquelles ils exercent une influence réduite. La plateforme a déjà réuni des coalitions de pays autour de questions relatives à la dette, aux crédits de biodiversité, à la fiscalité internationale, aux marchés du carbone et aux modes de cuisson propres – soit les principales préoccupations qui appellent des mesures, en tenant compte de tous les aspects relatifs au développement et à la transition. La plateforme du Pacte de Paris pour les peuples et la planète offre également aux pays développés un cadre au sein duquel ils peuvent démontrer leur attachement à mobiliser davantage de financements et à mettre en place une gouvernance financière plus représentative et plus efficace.
C’est seulement en unissant nos efforts que nous parviendrons à adapter nos institutions internationales de sorte qu’elles soient à même de relever les défis communs qui se posent à nous. Pour cela, nous devrons passer du stade de la prise de conscience à celui de l’action afin d’assurer notre avenir, celui de la planète et celui des générations futures.
Je soutiens fermement les travaux entrepris par l’OCDE pour produire des données plus transparentes et plus détaillées et promouvoir une action coordonnée en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Ces travaux permettent d’améliorer les évaluations des pays, de mobiliser des investissements et d’aider les pouvoirs publics à mettre au point des politiques crédibles et ambitieuses, sur le long terme, afin de réduire la pauvreté et les inégalités.