Andy Sumner
King’s College de Londres
Arief Anshory Yusuf
Université Padjadjaran, Indonésie
Andy Sumner
King’s College de Londres
Arief Anshory Yusuf
Université Padjadjaran, Indonésie
L’élimination de la pauvreté dans le monde et la réduction des inégalités sont interdépendantes et s’imposent de toute urgence dans le sillage de la pandémie. Le changement climatique et l’augmentation du coût du service de la dette dans les pays en développement menacent d’exacerber la pauvreté et d’entraver les efforts déployés pour réduire les inégalités. Dans ce chapitre, on s’appuie sur un large éventail de données et d’éléments factuels récents pour examiner la pertinence des définitions actuelles de la pauvreté. La relation complexe entre l’évolution des niveaux d’inégalité, la pauvreté et la croissance économique y est examinée, ainsi que les implications pour la coopération pour le développement et l’élaboration des politiques nationales. Ce chapitre décrit les efforts qu’il faudra déployer pour éliminer la pauvreté dans le monde et réduire les inégalités, rappelant qu’il est urgent d’atteindre ces objectifs. Sa conclusion est la suivante : le coût annuel de l’élimination de la pauvreté n’est pas prohibitif, mais si nous n’y mettons pas fin, les conséquences financières pourraient être catastrophiques pour des milliards de personnes.
Les auteurs remercient Ida Mc Donnell, Eleanor Carey, Danielle Mallon et Harsh Desai pour leurs commentaires et leurs contributions.
Il faut éliminer la pauvreté et réduire les inégalités au plus vite, avant qu’il ne devienne plus difficile et plus coûteux d’atteindre ces objectifs en raison des conséquences du changement climatique : phénomènes météorologiques extrêmes, évolution des modèles agricoles, élévation du niveau de la mer et, potentiellement, migrations de masse entre les pays et en leur sein.
Il ne sera pas facile d’éliminer la pauvreté et de réduire les inégalités. La pauvreté dans le monde se répartit entre les pays fragiles et touchés par des conflits, où les progrès sont difficiles, et ceux qui ne le sont pas, ainsi qu’entre les pays où l’aide publique au développement (APD) joue un rôle crucial et ceux où elle est moins déterminante.
La croissance économique et la hausse des revenus sont des facteurs importants, mais la croissance a un effet plus bénéfique sur la pauvreté lorsque les inégalités de revenu sont faibles ou en recul ; par ailleurs, la croissance ne bénéficie pas toujours aux plus pauvres, en particulier lorsque les inégalités de revenu sont élevées.
Les stratégies de subsistance, c’est-à-dire la façon de générer des revenus, sont déterminées par les actifs, à savoir le capital humain, social, naturel, physique et financier, les revenus tirés de ces actifs, ainsi que la fourniture et la qualité des biens publics.
Une action publique efficace pour éliminer la pauvreté et réduire les inégalités repose notamment sur des aides sociales, qui peuvent par exemple prendre la forme de transferts monétaires, d’une assurance sociale, comme une assurance maladie, de mesures visant à élargir les possibilités d’éducation et de politiques actives du marché du travail.
Les pays de la zone OCDE devraient mener des partenariats plus différenciés selon que l’APD joue un rôle important ou non dans les différents pays partenaires. Dans les pays où la fourniture de services publics dépend vraiment de l’APD, il est essentiel d’accroître cette aide et d’alléger la dette. Là où elle représente une part moins importante des financements publics, la cohérence des politiques est essentielle, par exemple en ce qui concerne les politiques déployées par les pays de la zone OCDE en matière d’échanges, d’assistance technique et de cofinancement des biens publics mondiaux et régionaux.
L’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités sont essentielles, et ce, pour des raisons bien connues. Certaines sont ancrées dans des valeurs liées à la méritocratie, à l’équité et aux chances de réussir dans la vie. D’autres raisons tiennent au fait que l’élimination de la pauvreté et la lutte contre les inégalités sont essentielles au développement durable. Par exemple, en l’absence de mesures ou de forces pour compenser des inégalités de revenu élevées ou croissantes, celles-ci peuvent avoir un impact négatif à long terme sur la croissance économique, les résultats en matière de santé et d’éducation, et même la qualité de la gouvernance, que ce soit en termes de qualité des institutions, de corruption, de participation politique, de démocratie ou de soutien à celle-ci. Bien sûr, aucun de ces effets n'est inévitable. Ils dépendent de divers facteurs. Il est important de rappeler que les pouvoirs publics peuvent intervenir pour faire en sorte de les neutraliser.
L’élimination de la pauvreté est étroitement liée aux inégalités. On a plus de chances d’y parvenir plus rapidement lorsque les inégalités de revenu sont stables ou en recul. Les données montrent que la réduction de la pauvreté dépend non seulement de l’augmentation du revenu moyen, mais aussi de l’évolution des inégalités de revenu et de leur niveau initial (Ferreira et Ravallion, 2011[1] ; Ravallion, 1997[2]). En résumé, plus les inégalités sont initialement marquées, plus le taux de croissance nécessaire pour parvenir à réduire la pauvreté sera élevé. En effet, une baisse de seulement 1 % par an du coefficient de Gini pour chaque pays pourrait réduire le nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde de près de 90 millions d’ici 2030 (Lakner et al., 2022[3]).
En effet, une baisse de seulement 1 % par an du coefficient de Gini pour chaque pays pourrait réduire le nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde de près de 90 millions d’ici 2030 (Lakner et al., 2022[3]).
L’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités sont des objectifs urgents et interdépendants. La prochaine décennie et les suivantes seront probablement marquées à la fois par des facteurs de perturbation à long terme et par des chocs soudains et brutaux liés au changement climatique et à d’autres déterminants mondiaux. Il serait moins coûteux et plus facile de mettre fin à la pauvreté et de réduire les inégalités dès maintenant plutôt que d’attendre que le contexte soit marqué par des facteurs de perturbation et des chocs climatiques1. Cela permettrait également de mieux se préparer à la hausse des températures. En résumé, il est essentiel de mettre fin à la pauvreté absolue et de réduire les inégalités avant que le changement climatique ne rende ces tâches plus difficiles encore en raison de phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, de l’évolution des modèles agricoles, de l’élévation du niveau de la mer et, potentiellement, des migrations de masse entre les pays et en leur sein. L’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités pourraient d’ailleurs contribuer à améliorer la résilience face au changement climatique (voir le chapitre 4) et alléger, au moins dans une certaine mesure, la pression qui poussera les populations à migrer.
Il serait moins coûteux et plus facile de mettre fin à la pauvreté et de réduire les inégalités dès maintenant plutôt que d’attendre que le contexte soit marqué par des facteurs de perturbation et des chocs climatiques.
Pour mieux comprendre l’urgence de la situation, il est important de se pencher sur la façon dont tous les individus, que ce soit ceux qui vivent dans la pauvreté ou les autres, assurent leur subsistance et celle de leur famille ou de leur ménage. La stratégie de subsistance des personnes, c’est-à-dire la façon dont elles génèrent leurs revenus, est déterminée par leurs actifs, les revenus tirés de ces actifs, ainsi que la fourniture et la qualité des biens publics2. Les ménages peuvent détenir cinq types d’actifs, généralement définis comme étant le capital humain, le capital social, le capital naturel, le capital physique et le capital financier. Un ensemble de facteurs contextuels et de gouvernance influent sur la valeur des actifs, sur leur accumulation (ou leur dégradation) et sur les flux de revenus qu’ils génèrent. Ces facteurs comprennent l’état et la gestion de la macroéconomie (et donc les perspectives d’emploi), l’exposition aux facteurs de perturbation et aux chocs, l’exposition aux discriminations, la répartition des droits aux ressources publiques et l’ensemble des politiques publiques mises en place pour favoriser l’amélioration du niveau de vie et fournir une assurance collective contre les risques3. Les pouvoirs publics peuvent soutenir de diverses manières l’accumulation d’actifs, les redistribuer et mettre en place des mécanismes d’assurance contre les facteurs de perturbation et les chocs.
La cause sous-jacente de la pauvreté extrême ou absolue est simple : ces situations se produisent lorsqu’une personne ne dispose pas des actifs nécessaires pour générer un revenu raisonnable, que ces actifs sont inégalement répartis à l’échelle de la société et qu’une gouvernance défaillante expose la personne à des facteurs de perturbation et à des chocs (y compris des conflits) sans la protéger par une assurance et/ou entraîne une instabilité macroéconomique. Les individus cherchent à générer des actifs ou à les renforcer pour bâtir une stratégie de subsistance qui les mènera à de meilleurs résultats. Par exemple, pour ceux qui sont pauvres ou proches du seuil de pauvreté et qui vivent en milieu rural, comme c’est le cas pour la plupart des personnes en situation d’extrême pauvreté, ces stratégies peuvent notamment reposer sur une intensification et/ou une extensification agricoles, une diversification des moyens de subsistance ou une migration depuis une zone rurale vers une zone urbaine. Les politiques publiques peuvent être un moyen de soutenir ces initiatives.
La cause sous-jacente de la pauvreté extrême ou absolue est simple : ces situations se produisent lorsqu’une personne ne dispose pas des actifs nécessaires pour générer un revenu raisonnable, que ces actifs sont inégalement répartis à l’échelle de la société et qu’une gouvernance défaillante expose la personne à des facteurs de perturbation et à des chocs (y compris des conflits) sans la protéger par une assurance et/ou entraîne une instabilité macroéconomique.
Examiner la pauvreté à travers ce prisme des « actifs » montre à quel point il est urgent de réduire à la fois la pauvreté et les inégalités face au changement climatique. Le réchauffement du climat risque d’entraîner une hausse de la fréquence et de l’ampleur des facteurs de perturbation et des chocs. Ces chocs éroderont ensuite les actifs existants et nuiront à leur accumulation, dans la mesure où les personnes se trouveront davantage exposées aux difficultés tandis que la diminution des actifs réduira leur capacité à y faire face au fil du temps. Les facteurs de perturbation et les chocs contribuent également à faire (re)tomber les individus dans la pauvreté.
La réponse réside dans un renforcement des actifs aux niveaux des ménages et de la société, grâce aux politiques publiques. Un environnement propice au renforcement des actifs est déterminant pour permettre à un individu d’échapper à la pauvreté. Dans une enquête empirique fondée sur des ensembles de données longitudinales provenant de pays à faible revenu (PFR) et de pays à revenu intermédiaire (PRI), Dercon et Shapiro (2007[4]) identifient la principale raison du maintien dans la pauvreté comme étant l’accumulation insuffisante d’actifs ; à cela s’ajoutent des facteurs liés au contexte et à la gouvernance tels que l’exclusion sociale, la discrimination ou le fait de vivre dans des zones isolées ou autrement défavorisées. D’un autre côté, selon les résultats de l’enquête, les gens tombent dans la pauvreté en raison de facteurs de perturbation et de chocs tels que la maladie et les dépenses liées à la santé, les dépenses sociales et coutumières (par exemple, le coût des mariages et des funérailles), les prêts privés à taux élevé, les maladies touchant les cultures, ainsi que les sécheresses et les défaillances des systèmes d’irrigation. Pour faire face aux chocs, même temporaires, ils peuvent être amenés à vendre des actifs, une stratégie qui peut les plonger dans une plus grande insécurité à long terme. La pandémie de COVID‑19 illustre parfaitement le phénomène de l’érosion des actifs, en cela qu’elle a contraint les populations à effectuer des ventes en catastrophe, à manquer une partie de leur éducation et à moins bien s’alimenter. Les stratégies visant à réduire autant que possible les risques sont d’autant plus importantes dans des situations où les facteurs de perturbation et les chocs sont aggravés, répétés et complexes, ce qui risque davantage de se produire dans le contexte du changement climatique.
Cela ne fait aucun doute : le changement climatique accentuera la fréquence et la sévérité des facteurs de perturbation et des chocs, notamment les phénomènes météorologiques extrêmes, l’élévation du niveau de la mer et l’évolution des modèles agricoles, avec un impact particulièrement marqué sur la productivité agricole. Les PFR et les PRI seront davantage exposés à ces facteurs de perturbation et à ces chocs, déjà parce que ceux-ci toucheront une part plus importante de leur population, et ensuite parce que leurs recettes publiques sont plus limitées, leur gouvernance moins réactive et les capacités de leurs administrations potentiellement plus faibles (par rapport aux pays de l’OCDE qui sont confrontés aux mêmes types de facteurs de perturbation et de chocs mais qui sont mieux positionnés pour y faire face). En outre, l’exposition à ces facteurs de perturbation et à ces chocs aura un impact considérable sur les personnes qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté, ou qui en sont proches.
L’examen détaillé des résultats d’études empiriques consacrées à l’impact du changement climatique sur la pauvreté et les inégalités réalisé par Dang, Hallegatte et Trinh (2024[5]) est très instructif. Premièrement, la hausse des températures est associée empiriquement à une augmentation de la pauvreté et des inégalités, les pays pauvres et d’Afrique subsaharienne y étant particulièrement vulnérables. Les températures élevées sont également associées à des naissances prématurées plus nombreuses, à des poids plus bas à la naissance, à une diminution de l’assiduité scolaire et à de moins bons résultats scolaires. Deuxièmement, les variations des précipitations sont associées à une plus grande probabilité que des conflits et des migrations aient lieu, ce qui exacerbe la pauvreté et les inégalités, et de nouvelles transformations des modèles agricoles peuvent entraîner une hausse des prix des aliments et une insécurité alimentaire, aggravant encore la situation. Les études empiriques consacrées à l’impact du changement climatique sur les inégalités à l’échelle internationale tendent à montrer que la hausse des températures entraîne un creusement des inégalités de revenu à court terme, et souvent à long terme. Celles menées à l’échelle d’un seul pays parviennent à des conclusions mitigées. En effet, certaines montrent que les inégalités se creusent sous l’effet du changement climatique ; pour d’autres, ce n’est pas le cas.
Quelle pourrait être l’ampleur de l’exposition aux facteurs de perturbation et aux chocs ? D’après les estimations d’Adom (2024[6]) ; de Wiebe, Robinson et Cattaneo (2019[7]) ; du CIESIN et du CIDR (2023[8]) ; et du Centre de Recherche sur l’Épidémiologie des Désastres (2024[9]), les impacts du changement climatique pourraient notamment être les suivants :
on estime que 60 millions de personnes en Afrique et 500 millions en Asie risquent de subir les conséquences de l’élévation du niveau de la mer du fait qu’elles vivent dans des zones côtières à faible altitude.
Environ 1.2 milliard de personnes en Afrique et 4.5 milliards en Asie pourraient être exposées à des conditions météorologiques extrêmes en raison du changement climatique.
En Afrique, la productivité agricole devrait baisser de 10 à 20 % d’ici 2050 (par rapport à 2008), et près de 200 millions de personnes pourraient être exposées au risque de faim en Afrique subsaharienne. En Asie, on estime que l’agriculture subira des pertes de productivité de 2 % à 12 % d’ici 2050 ; en Asie et Pacifique, le nombre de personnes exposées au risque de faim pourrait également dépasser les 200 millions.
En résumé, les effets probables du changement climatique sont tels qu’il est crucial de travailler dès maintenant à éliminer la pauvreté et à réduire les inégalités. Toutefois, cibler seulement l’extrême pauvreté ne suffira pas, car la somme de 2.15 USD par jour représente un très faible niveau de revenu. Ce montant ne suffit pas nécessairement à assurer une bonne alimentation, une scolarisation ou des soins de santé. Il est plus ambitieux d’éliminer la pauvreté absolue, mais il faudra pour cela mettre en place les mesures nécessaires pour éviter que certaines personnes ne repassent sous ce seuil. À cause du changement climatique, le risque de retomber dans la pauvreté sera plus élevé. Il faut donc revoir les ambitions à la hausse avant que les conséquences du changement climatique ne deviennent plus marquées.
La pauvreté absolue aura été éliminée lorsque tous les individus disposeront de l’ensemble des éléments essentiels à un niveau de vie minimum. Les besoins fondamentaux sont notamment un revenu monétaire suffisant (ODD 1), une alimentation sûre, nutritive et suffisante (ODD 2), l’accès aux soins de santé (ODD 3), une éducation de qualité (ODD 4) et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement (ODD 6). Cette liste est alignée sur les objectifs des autres tentatives générales de définir la pauvreté fixés lors des principaux sommets des Nations Unies (ONU) des années 1990, comme le Sommet mondial pour le développement social de 1995, qui a ensuite inspiré les Objectifs du Millénaire pour le développement prévus pour 2015, puis les ODD pour 2030, que tous les pays ont négociés ensemble et ont pris l’engagement d’atteindre.
...les moyennes et les chiffres, à eux seuls, ne rendent pas compte de tous les aspects de la pauvreté.
Il est important de garder à l’esprit que les moyennes et les chiffres, à eux seuls, ne rendent pas compte de tous les aspects de la pauvreté telle qu’elle est vécue, et qu’il y a des limites à ce que les données reflètent. Bien que les ODD s’articulent autour d’une conceptualisation multidimensionnelle de la pauvreté, l’existence de dimensions supplémentaires ou cachées a été révélée dans le cadre d’un processus participatif mis en œuvre dans 60 pays. D’après les travaux de Narayan et al. (2000, pp. 4-5[10]), les personnes vivant dans la pauvreté mentionnent non seulement ses dimensions objectives, comme la faim ou les problèmes de santé, mais aussi ses aspects subjectifs, à savoir leur ressenti, qu’elles décrivent comme un sentiment de honte, d’impuissance et d’humiliation.
Lorsqu’on évalue les niveaux de pauvreté et les tendances en la matière, on s’intéresse souvent en premier lieu à la pauvreté monétaire. Au niveau national, les seuils de pauvreté monétaire sont généralement déterminés en fonction du montant des dépenses monétaires nécessaires pour pouvoir consommer environ 2 100 calories par jour, comme l’a recommandé l’Organisation mondiale de la santé, et se procurer les produits non alimentaires essentiels. À l’échelle mondiale, la Banque mondiale a fixé trois seuils pour mesurer la pauvreté monétaire et permettre les comparaisons entre les pays : 2.15 USD, 3.65 USD et 6.85 USD par jour et par personne en USD de 2017 à parité de pouvoir d’achat (PPA). Ces trois seuils correspondent à la médiane des seuils de pauvreté nationaux harmonisés dans les PFR, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI) et les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS), respectivement. Parmi les autres méthodes permettant de mesurer la pauvreté, l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM), élaboré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Initiative d’Oxford pour la pauvreté et le développement humain (OPHI), est un indicateur composite de dix indicateurs en lien avec l’éducation, la santé, la nutrition et les actifs.
Aux fins de cette discussion, les seuils de la pauvreté sont définis comme suit :
l’extrême pauvreté désigne le fait pour une personne de vivre avec moins de 2.15 USD par jour.
La pauvreté absolue désigne le fait pour une personne de vivre avec moins de 3.65 USD par jour (ce que la Banque mondiale appelle la pauvreté modérée) et inclut l’extrême pauvreté monétaire.
La pauvreté multidimensionnelle recouvre l’absence d’éducation de base, la pauvreté sanitaire, ou le fait de ne pas disposer des actifs de base ou d’une alimentation adéquate (et on considère qu’un ménage est pauvre si une personne est défavorisée dans plus d’un tiers des indicateurs pondérés).
Le seuil de 2.15 USD par jour, à savoir celui de l’extrême pauvreté, est celui sur lequel se fondent les ODD ; malheureusement, c’est généralement le seuil qui est retenu dans le cadre de l’objectif d’éliminer la pauvreté partout dans le monde4. Mais cela pose un problème : la plupart des personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde ne vivent pas dans les PFR mais dans les PRITI, où le seuil de pauvreté national moyen est plus élevé (3.65 USD par jour). Par conséquent, le seuil de pauvreté le plus pertinent au regard du lieu où vivent la plupart des personnes en situation d’extrême pauvreté (et de pauvreté absolue) dans le monde est celui de 3.65 USD. À titre de comparaison, le seuil de pauvreté moyen dans les pays à revenu élevé (PRE) est d’environ 25 USD par jour ; cependant, dans ces pays, on utilise généralement les seuils de pauvreté relative plutôt qu’absolue.
...les personnes vivant dans la pauvreté mentionnent non seulement ses dimensions objectives, comme la faim ou les problèmes de santé, mais aussi ses aspects subjectifs, à savoir leur ressenti, qu’elles décrivent comme un sentiment de honte, d’impuissance et d’humiliation.
Une question importante est de savoir s’il est possible de vivre avec 2.15 USD par jour. Cette somme permet-elle d’acheter des biens de première nécessité et de supporter les coûts liés à la santé et à l’éducation ? En effet, le seuil d’extrême pauvreté monétaire n’est peut-être pas adapté pour rendre compte de la nature multidimensionnelle de la pauvreté. Si l’on considère le nombre de personnes vivant dans la pauvreté dans les PFR et les PRI, la corrélation entre le taux de pauvreté monétaire et le taux de pauvreté multidimensionnelle est beaucoup plus forte au seuil de 3.65 USD qu’au seuil de 2.15 USD (Sumner et Yusuf, à paraître[11]). Cela aussi laisse penser que les pouvoirs publics devraient avoir pour ambition d’éliminer la pauvreté absolue.
La persistance des retards de croissance chez les enfants (lorsqu’ils ont une taille ou un poids faibles pour leur âge) indique également que l’objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté monétaire n’est peut-être pas assez ambitieux. En effet, ce problème est étonnamment fréquent dans de nombreux pays qui ont réussi à réduire l’extrême pauvreté monétaire, et qui pourraient même y mettre fin d’ici 2030. Par exemple, dans certains pays d’Asie du Sud-Est où le taux d’extrême pauvreté est inférieur ou égal à 10 %, un quart, voire un tiers, des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance (Sumner et Yusuf, à paraître[11]). Ces enfants subissent des effets négatifs à long terme en matière de développement physique et cognitif, ce qui entrave alors leur capacité à accumuler des actifs. Un large éventail de privations peuvent finir par entraîner des retards de croissance, notamment une mauvaise alimentation maternelle pendant la grossesse et une mauvaise alimentation de l’enfant pendant les premières années de vie, les infections ou les diarrhées répétées, ou le manque d’assainissement et d’hygiène. En fin de compte, la pauvreté monétaire est-elle la meilleure façon de mesurer la pauvreté ?
Une question importante est de savoir s’il est possible de vivre avec 2.15 USD par jour. Cette somme permet-elle d’acheter des biens de première nécessité et de supporter les coûts liés à la santé et à l’éducation ?
Mesurer les tendances en matière de pauvreté à l’aune de la pauvreté monétaire peut par ailleurs ne pas refléter pleinement les fluctuations probables des différents niveaux. Par exemple, on peut sortir temporairement de la pauvreté monétaire mais risquer néanmoins d’y retomber plus tard. Certaines personnes peuvent sortir de la pauvreté et y retomber au fil du temps, et lorsqu’elles en sortent, ce n’est pas parce que leur situation est devenue très prospère du jour au lendemain. La transition est plutôt lente et progressive.
En effet, l’insécurité est un vrai problème. Des millions de personnes dans le monde vivent à peine au-dessus des seuils de 2.15 USD et de 3.65 USD, et elles risquent de (re)tomber dans la pauvreté si elles sont confrontées à des facteurs de perturbation ou à des chocs, comme l’a montré la pandémie (Sumner, Ortiz-Juarez et Hoy, 2021[12]). Le fait qu’autant de personnes vivent autour des seuils de pauvreté montre également combien les estimations mondiales dépendent de la valeur précise du seuil pris en compte. D’ailleurs, pour chaque intervalle de 0.20 USD au-dessus du seuil de 2.15 USD dans le monde, le nombre d’individus vivant dans la pauvreté augmente d’environ 150 millions de personnes en moyenne (Graphique 2.1). Voici une autre façon de voir les choses : alors qu’environ 700 millions de personnes vivent sous le seuil d’extrême pauvreté de 2.15 USD, environ un milliard vivent au-dessus de ce seuil tout en se trouvant en situation de pauvreté absolue (en dessous du seuil de 3.65 USD).
En réalité, lorsque l’on se base sur le seuil de pauvreté le plus élevé, à savoir 14 USD par personne et par jour, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté atteint plus de 5 milliards (Graphique 2.1). C’est le seuil qu’applique la Banque mondiale pour l’Amérique latine. Dans la région, il est associé à une faible probabilité de tomber dans la pauvreté absolue dans les études longitudinales, celle-ci étant mesurée au seuil de pauvreté de 6.85 USD par jour dans les PRITS [voir López-Calva et Ortiz-Juarez (2014[13]) et Fernandez, Olivieri et Sanchez (2023[14])]. En d’autres termes, le risque de retomber dans la pauvreté ne devient faible que pour les personnes vivant avec au moins 14 USD par jour.
Une alternative à l’utilisation de la pauvreté monétaire comme indicateur consiste à agréger les dimensions non monétaires fondamentales de la pauvreté, comme le font le PNUD et l’OPHI chaque année pour produire une mesure de la pauvreté multidimensionnelle (Alkire et al., 2015[16]). Leur IPM repose sur dix indicateurs se rapportant à trois dimensions : 1) la santé (nutrition et mortalité infantile) ; 2) l’éducation (nombre d’années de scolarité et taux de fréquentation) ; et 3) le niveau de vie (accès à l’électricité, à l’assainissement, à l’eau potable et au logement, types de combustibles de cuisson et actifs des ménages). Bien que cet indice ne reflète pas l’intégralité des dimensions de la pauvreté que les personnes pauvres ont elles-mêmes citées dans le cadre de l’enquête de Narayan et al. (2000[10]), les aspects dont il rend compte sont plus diversifiés que ce qu’il est possible de dépeindre avec des indicateurs de la pauvreté monétaire. Par exemple, environ 700 millions de personnes dans le monde vivent dans l’extrême pauvreté monétaire, tandis que plus d’un milliard vivent dans une pauvreté multidimensionnelle. Cela confirme que le niveau de revenu au seuil d’extrême pauvreté (2.15 USD) est potentiellement trop bas pour permettre de se nourrir correctement et de payer les coûts liés à la scolarité et aux soins de santé. Il serait donc peut-être plus raisonnable de se fonder sur un seuil de pauvreté de 3.65 USD.
Par exemple, environ 700 millions de personnes dans le monde vivent dans l’extrême pauvreté monétaire, tandis que plus d’un milliard vivent dans une pauvreté multidimensionnelle.
Pour la grande majorité, les personnes en situation de pauvreté monétaire et non monétaire sont jeunes et vivent en milieu rural, mais leur principale forme de travail n’est plus forcément l’emploi agricole. D’après les travaux de Castañeda et al., qui se sont concentrés sur la pauvreté monétaire (2018[17]) , deux tiers des personnes vivant dans l’extrême pauvreté travaillent dans l’agriculture, 80 % d’entre elles résidant dans des zones rurales et 45 % étant des enfants de moins de 15 ans. Une analyse fondée sur l’IPO de l’OPHI et du PNUD dresse un constat quelque peu différent : si elle parvient aux mêmes conclusions en ce qui concerne le caractère jeune et rural de la pauvreté, elle montre que 30 à 50 % des ménages pauvres ne comptent aucun membre employé dans l’agriculture (Robles Aguilar et Sumner, 2020[18]).
Quand on considère l’ampleur de la tâche, la bonne nouvelle est que depuis les années 1990, le taux de pauvreté monétaire dans le monde diminue de façon évidente. Cette baisse s’observe pour les deux seuils mentionnés, même si une hausse a été observée pendant la pandémie, certaines personnes étant alors retombées dans la pauvreté (Graphique 2.2). Dans la plupart des pays, la pauvreté multidimensionnelle agrégée a également diminué depuis 2010 (Graphique 2.3). En outre, pour l’ensemble des ODD en lien avec la pauvreté, à savoir ceux qui portent sur la sous-alimentation, les retards de croissance, la mortalité des enfants de moins de 5 ans, la mortalité maternelle et l’accès à l’eau salubre, une amélioration assez rapide a été observée au cours des années 2000 (Graphique 2.4).
Toutefois, le contexte de l’après-pandémie, caractérisé par une croissance lente, des chocs sur les prix et une hausse du coût du service de la dette, a perturbé la réalisation des ODD en lien avec la pauvreté. D’après les projections de Yusuf et al. (2023[20]), la forte diminution de la pauvreté multidimensionnelle observée depuis les années 2000 a marqué le pas (Graphique 2.4). En 2030, plus de 600 millions de personnes devraient rester dans l’extrême pauvreté monétaire et 665 millions devraient souffrir de sous-alimentation.
Les données sont alarmantes : le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation sera plus élevé en 2030 qu’avant la crise du COVID, et même plus élevé que l’année où les ODD ont été adoptés, à savoir 2015. Si les taux de retard de croissance et de mortalité infantile et maternelle se sont considérablement améliorés, en particulier depuis l’année 2000, on projette néanmoins que plus d’un enfant sur cinq souffrira d’un retard de croissance en 2030. En outre, même si la mortalité des enfants de moins de 5 ans et la mortalité maternelle devraient continuer de baisser, les progrès seront lents. L’accès à l’eau salubre pourrait également rester un défi majeur : en 2030, on projette que 800 millions de personnes n’en disposeront toujours pas et, potentiellement, que 1.7 milliard de personnes n’auront toujours pas accès à des services d’assainissement de base (Graphique 2.4).
Ces reculs pourraient être particulièrement marqués en Afrique subsaharienne, où les projections annoncent une hausse de l’extrême pauvreté monétaire (seuil de 2.15 USD). Heureusement, l’extrême pauvreté devrait reculer en Asie du Sud. La sous-alimentation devrait suivre la même tendance, avec une hausse en Afrique subsaharienne et une baisse en Asie du Sud. Toutefois, on observe actuellement en Asie du Sud des taux importants de retards de croissance, qui devraient rester élevés : d’après les projections, plus d’un quart des enfants seront touchés en 2030. Néanmoins, les taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans et de mortalité maternelle devraient s’améliorer lentement. En Afrique subsaharienne, ces taux devraient rester exceptionnellement élevés, même s’ils diminuent progressivement. Si les taux de mortalité sont plus faibles en Asie du Sud, les progrès devraient être lents jusqu’en 2030.
Les inégalités sont les différences, notamment de revenu, entre les individus à l’échelle mondiale ou au sein d’un pays. La pauvreté, quant à elle, est définie comme le fait de ne pas détenir suffisamment des actifs nécessaires pour générer un revenu raisonnable, notamment parce que ceux-ci sont inégalement répartis au sein de la société. En d’autres termes, la pauvreté et l’inégalité sont liées et interdépendantes, et les évolutions de l’une ont un impact sur l’autre.
On considère qu’une bonne façon de réduire les inégalités consiste à augmenter la part des revenus qui revient aux segments les plus pauvres de la population. La réalisation de cet objectif pourrait n’être politiquement possible que dans un contexte de croissance économique et d’augmentation des revenus pour toutes et tous. Il est important de noter qu’il existe souvent des interactions et des recoupements entre les différences de revenu observées entre les individus et un certain nombre de disparités qui existent par ailleurs entre les groupes. Ces facteurs s’aggravent les uns les autres et créent des schémas complexes d’exclusion et de défavorisation selon le genre, l’origine ethnique et la région infranationale. En outre, l’extrême pauvreté dans de nombreux pays est liée à des inégalités profondément enracinées, c’est pourquoi il est stratégiquement nécessaire de mettre davantage l’accent sur des politiques visant à les atténuer.
...il existe souvent des interactions et des recoupements entre les différences de revenu observées entre les individus et un certain nombre de disparités qui existent par ailleurs entre les groupes. Ces facteurs s’aggravent les uns les autres et créent des schémas complexes d’exclusion et de défavorisation selon le genre, l’origine ethnique et la région infranationale.
Les inégalités de revenu à l’échelle mondiale – à savoir les inégalités entre tous les individus dans le monde – diminuent depuis un certain temps, en grande partie sous l’effet de la croissance rapide du revenu par habitant en République populaire de Chine et dans d’autres PRI (Gradín, 2024[22] ; Kanbur, Ortiz-Juarez et Sumner, 2024[23]). Cela dit, cette époque est probablement révolue et il se pourrait bien qu’un « boomerang » des inégalités dans le monde se profile à l’horizon. Ces dernières années, les PRI, en particulier la Chine, se sont rapprochés des niveaux de revenu des PRE tout en s’éloignant des PFR. Si ces schémas de croissance économique se maintiennent, même à un rythme moins soutenu, les inégalités continueront de se creuser au niveau mondial, ce qui pourrait bien atténuer les effets positifs des forces nationales favorables en termes de réduction des inégalités (Kanbur, Ortiz-Juarez et Sumner, 2024[23]).
Dans le même temps, les dernières prévisions du Fonds monétaire international laissent entrevoir une croissance faible pour de nombreux pays parmi les plus pauvres de la planète (FMI, 2024[24]), ce qui assombrit encore les perspectives déjà pessimistes en matière d’inégalités de revenu à l’échelle mondiale.
Les inégalités de revenu ont diminué dans certains pays, notamment en Amérique latine, mais se sont creusées dans d’autres PFR et PRI. On observe cette même tendance à l’aune de plusieurs indicateurs utilisés pour mesurer l’évolution des inégalités de revenu : le coefficient de Gini, la part des revenus revenant aux 10 % les plus riches de la population au fil du temps ou la part des revenus revenant aux 40 % les plus pauvres.
Que disent les données ? En résumé [d’après (UNU-WIDER, 2023[25])] :
1. c’est en Afrique subsaharienne que les inégalités de revenu au sein des pays sont les plus fortes.
2. Les inégalités de revenu au sein des pays, autrefois élevées dans de nombreux pays d’Amérique latine, se sont réduites : la part des revenus des 40 % les plus pauvres a augmenté et celle des 10 % les plus riches a diminué depuis 1985. Cette évolution s’explique en grande partie par la mise en œuvre de programmes et politiques d’aide sociale contre la pauvreté, l’expansion de l’éducation de base et des interventions sur le marché du travail, notamment l’augmentation des salaires minimums réels (Cornia, 2012[26] ; Lustig, López-Calva et Ortiz-Juarez, 2013[27]).
3. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, les tendances sont très contrastées. D’après les données, les personnes les plus pauvres en Afrique subsaharienne reçoivent les plus faibles parts du revenu national, certains pays de la région ayant cependant vu ces chiffres s’améliorer depuis le milieu des années 1980. Les individus les plus riches reçoivent quant à eux les parts les plus importantes du revenu national.
La part des revenus revenant aux 40 % les plus pauvres de la population est généralement comprise entre 10 % et 20 % (pondérée par la population) dans les PFR et les PRI. Elle est particulièrement faible dans les PFR d’Afrique subsaharienne. La part des revenus des 10 % les plus riches y est comprise entre 25 et 45 % (pondérée par la population), les plus riches détenant une part particulièrement importante dans les PFR d’Afrique subsaharienne et les PRITI d’Asie du Sud.
Il est important de noter que ces chiffres se fondent sur les données d’enquête sur les ménages qui sont disponibles, et qu’ils ne tiennent peut-être pas pleinement compte des revenus des plus riches. En effet, les ménages très riches sont moins susceptibles d’apparaître dans les données d’enquête. Pour remédier à cela, certaines analyses ont cherché à examiner les données fiscales afin d’estimer la part des plus riches (Alvaredo et al., 2016[28] ; Bourguignon, 2015[29]). Des méthodologies innovantes en matière de création de comptes nationaux distributifs ont également vu le jour récemment. Les estimations de la part des revenus que perçoivent les 1 % les plus riches suggèrent non seulement que les inégalités au sein des pays sont plus marquées que ne le montrent les enquêtes, mais aussi qu’elles sont hétérogènes au sein des régions.
La Banque mondiale s’est fixé un nouvel objectif de réduction des inégalités de revenu dans les pays avec un coefficient de Gini supérieur à 0.40. Toutefois, un coefficient de Gini supérieur à environ 0.30, soit une valeur proche de la moyenne des pays développés et de la médiane de l’OCDE qui s’établit à 0.33, est déjà considéré comme ayant un impact négatif sur la croissance économique future.
Qu’est-ce que cela implique ? Dans leur analyse de la relation entre inégalités de revenu et développement économique, Grigoli et Robles (2017[30]) montrent que lorsque le coefficient de Gini dépasse 0.27, la croissance économique future ralentit. Lorsque les inégalités sont faibles, leur impact sur la croissance économique est positif. Au-delà de 0.27, les effets deviennent négatifs. Dans presque tous les pays en développement, le niveau des inégalités dépasse ce seuil. En bref, les inégalités ralentissent déjà probablement la croissance économique. Ce seuil de 0.27 est un « point de basculement » des inégalités, au-dessus duquel elles peuvent commencer à entraver la croissance économique.
Nous savons aussi que les fluctuations en matière d’inégalités de revenu ont plutôt tendance à se produire au sommet et au plus bas de l’échelle. Palma (2011[31]) a observé une stabilité surprenante à cet égard, avec un « milieu » pris en sandwich entre les 10 % les plus riches et les 40 % les plus pauvres de la population, qui capte toujours environ 50 % du revenu national. Cette répartition varie peu d’un pays à l’autre et dans le temps (Cobham, Schlögl et Sumner, 2016[32]). Ce sont en fait les parts des revenus que perçoivent les groupes les plus riches et les plus pauvres qui varient fortement d’un pays à l’autre, et on peut ainsi considérer que les inégalités de revenu sont le résultat de la concurrence politique entre les plus riches et les plus pauvres ou du fait que la catégorie du « milieu » se range du côté de l’un ou l’autre des groupes. En outre, un coefficient de Gini dépassant le seuil critique d’environ 0.30, au-delà duquel les inégalités de revenu freinent la future croissance économique, entrave la prospérité future de toutes et tous, y compris des riches.
Mettre fin à la pauvreté et faire reculer les inégalités sont des tâches complexes. Plusieurs difficultés entrent en jeu : ainsi, certaines personnes retombent dans la pauvreté après en être sorties, la pauvreté se déplace, et l’importance de l’APD peut varier, la stratégie consistant à compter sur la seule croissance économique ayant ses limites. En outre, des inégalités plus marquées peuvent avoir des effets négatifs sur la cohésion sociale au sein des sociétés. Par ailleurs, la dette consécutive à la pandémie épuise les ressources que les administrations nationales pourraient autrement mettre au service de l’élimination de la pauvreté et de la réduction des inégalités, tout en creusant le déficit de financement du développement. En effet, on a de plus en plus le sentiment que les apports d'APD et les sorties de fonds au titre du service de la dette à destination des créanciers constituent un jeu à somme nulle. On peut considérer que les coûts du service de la dette réduisent, ou contrebalancent, les effets positifs potentiels des ressources d’APD, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Il faudrait au minimum viser à mettre fin à la pauvreté monétaire absolue dans le monde, qui se situe au seuil de 3.65 USD, et à mettre en place des politiques publiques pour que les individus restent au-dessus de ce seuil.
En outre, réduire la pauvreté monétaire ne suffit pas, compte tenu des nombreuses autres dimensions de la pauvreté. Il faut également s’attaquer à la sous-alimentation, à l’insuffisance de l’éducation et aux problèmes de santé, ainsi qu’au manque d’accès à l’eau potable et à des services d’assainissement de base, non seulement pour atteindre ces objectifs en eux-mêmes, mais aussi pour veiller à ce que les personnes ne retombent pas dans la pauvreté en raison d’une mauvaise alimentation ou de problèmes de santé, par exemple.
La répartition géographique des personnes pauvres dans le monde évolue avec le temps. L’ensemble des formes de pauvreté sont de plus en plus concentrées en Afrique subsaharienne (Graphique 2.5). L’Asie du Sud continuera de compter une part non négligeable des personnes en situation d’extrême pauvreté. De même, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud concentreront le plus de cas de sous-alimentation et de retards de croissance, avec une augmentation en Afrique subsaharienne. C’est dans cette région que les perspectives de réduction de l’extrême pauvreté monétaire et des autres formes de pauvreté sont les plus faibles, même si des difficultés notables subsisteront en Asie du Sud et ailleurs.
Dans certains pays, l’APD est essentielle au bon fonctionnement de l’administration et à la fourniture des services de base. Dans d’autres, elle joue un rôle beaucoup moins important grâce à l’augmentation des ressources intérieures dont disposent les pouvoirs publics. En outre, certains pays sont fragiles et touchés par des conflits, alors que d’autres ne le sont pas. Par conséquent, il faut adapter la coopération pour le développement de sorte à répondre aux besoins de quatre types de contextes nationaux, les priorités et les approches à adopter en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités devant être définies en fonction de ces contextes (Tableau 2.1). Cela rend la tâche des donneurs plus complexe, dans la mesure où les partenariats avec les administrations pourront sensiblement varier d’un contexte à l’autre.
L’APD répond aux besoins de seulement deux contextes sur les quatre, à savoir ceux des pays où elle revêt une importance, mais ces pays comptent seulement la moitié des personnes en situation d’extrême pauvreté, près de la moitié des personnes en situation de pauvreté multidimensionnelle et seulement un tiers des personnes en situation de pauvreté absolue dans le monde. Les autres se trouvent dans des pays où l’APD est moins cruciale (Sumner et Yusuf, à paraître[35]).
En 2022, environ 40 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté monétaire et dans la pauvreté multidimensionnelle dans le monde, ainsi qu’un tiers de celles vivant dans la pauvreté absolue, se concentraient dans des sociétés fragiles et touchées par des conflits ; cependant, parmi ces personnes, certaines se trouvaient dans des pays peu tributaires de l’APD. Les projections indiquent qu’une plus grande proportion de la pauvreté mondiale, tous types confondus, se concentrera dans des pays fragiles et touchés par des conflits d’ici 2030. Cette part devrait continuer d’augmenter pour avoisiner les 60 % en 2030 (Yusuf et al., 2023[20]).
Et aujourd’hui, comment se répartit la pauvreté dans ces quatre contextes ? Sumner et Yusuf (à paraître[35]) notent que :
les pays fragiles et touchés par des conflits avec un rapport APD/RNB (revenu national brut) élevé rassemblent un tiers de l’extrême pauvreté, un tiers de la pauvreté multidimensionnelle et un cinquième de la pauvreté monétaire absolue ;
les pays qui ne sont pas fragiles et touchés par des conflits avec un faible rapport APD/RNB rassemblent un tiers de l’extrême pauvreté, près de la moitié de la pauvreté multidimensionnelle et plus de la moitié de la pauvreté monétaire absolue ;
le reste est réparti entre, d’une part, les pays qui ne sont pas fragiles et touchés par des conflits avec un rapport APD/RNB élevé et, d’autre part, les pays fragiles et touchés par des conflits avec un rapport APD/RNB faible, les premiers comptant des parts plus importantes de chacun des types de pauvreté.
Importance de l’APD par rapport au RNB du pays bénéficiaire |
||
---|---|---|
Élevée |
Faible |
|
Pays fragiles et touchés par des conflits |
Type I Fortement tributaires de l’aide et situations de fragilité/de conflit |
Type II Peu tributaires de l’aide et situations de fragilité/de conflit |
Pays non fragiles et touchés par des conflits |
Type III Fortement tributaires de l’aide et sans fragilité/conflit |
Type IV Peu tributaires de l’aide et sans fragilité/conflit |
Note : APD : aide publique au développement ; RNB : revenu national brut. Importance de l’APD par rapport au RNB du pays bénéficiaire = APD nette reçue en pourcentage du RNB.
La coopération pour le développement peut faire beaucoup, et le fait déjà, dans des contextes où l’APD a moins d’importance. Elle peut par exemple favoriser la cohérence des politiques (par exemple en promouvant des politiques commerciales et en soutenant de nouvelles règles fiscales mondiales) ; soutenir l’ouverture des processus de l’action publique (bien que cela puisse ressembler à de l’ingérence politique) ; étoffer la base de données factuelles étayant l’élaboration des politiques en apportant des éclairages tirés d’autres contextes et en soutenant les travaux des groupes de réflexion et des instituts de recherche nationaux, régionaux et mondiaux ; mettre à disposition une assistance technique ; et permettre le cofinancement de biens publics mondiaux et régionaux.
La croissance économique et les variations des inégalités de revenu peuvent avoir un impact sur la pauvreté monétaire. En général, le taux de pauvreté diminue et les revenus des pauvres augmentent en même temps que ceux des autres groupes sociaux (Dollar et Kraay, 2002[36] ; Dollar, Kleineberg et Kraay, 2016[37] ; Kraay, 2006[38]), mais ce n’est pas toujours le cas. Des analyses récentes ont rouvert le débat sur la relation entre croissance économique et pauvreté en mettant l’accent sur les épisodes de croissance inégalement répartie pendant lesquels le revenu moyen augmente, mais pas le revenu des pauvres ou des plus pauvres. Selon Shaffer (2023[39]), qui fournit les estimations les plus à jour établies à partir des données de la PIP pour 1990-2023, un épisode de croissance sur six dans l’ensemble n’entraîne pas une diminution de la pauvreté et/ou une augmentation des revenus des plus pauvres, un épisode de croissance correspondant à une augmentation du revenu moyen sur une période d’au moins cinq ans (Tableau 2.2).
...ont rouvert le débat sur la relation entre croissance économique et pauvreté en mettant l’accent sur les épisodes de croissance inégalement répartie pendant lesquels le revenu moyen augmente, mais pas le revenu des pauvres ou des plus pauvres.
Ces épisodes de croissance qui ne bénéficient pas aux pauvres s’observent tout particulièrement en Afrique subsaharienne, où le revenu des 10 % les plus pauvres de la population n’a pas augmenté dans près d’un quart des 50 épisodes de croissance recensés dans la région entre 1990 et 2023. Pourquoi ? Parce que les pays d’Afrique subsaharienne affichent des niveaux élevés d’inégalités de revenu et que les parts des revenus qui reviennent aux personnes les plus pauvres de la région sont faibles. Ainsi, les plus pauvres bénéficient moins des hausses du revenu moyen et, parfois, n’en bénéficient pas du tout. Comme l’a noté Shaffer (2023[39]), cela pourrait indiquer qu’il est nécessaire de disposer d’un niveau minimum d’actifs pour pouvoir en accumuler davantage et augmenter ses revenus. Ces actifs seraient par exemple des terres d’une superficie minimum ou des troupeaux d’une taille minimum, ou encore des avances de fonds pour l’achat d’intrants agricoles. Cela pourrait également indiquer que les conflits peuvent causer une perte d’actifs, une baisse de la production et une insécurité chez les plus pauvres, même dans un contexte général de croissance économique. Une autre explication possible est que les facteurs de perturbation comme les sécheresses, les inondations et les mauvaises récoltes frappent les plus pauvres si durement qu’ils anéantissent leurs tentatives de progrès. En résumé, l’exposition aux conflits, aux catastrophes naturelles et à d’autres facteurs de perturbation entrave sévèrement l’accumulation d’actifs.
10 % les plus pauvres |
20 % les plus pauvres |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|
Nb d’épisodes sans augmentation des revenus |
Nb total d’épisodes |
% d’épisodes sans augmentation des revenus |
Nb d’épisodes sans augmentation des revenus |
Nb total d’épisodes |
% d’épisodes sans augmentation des revenus |
|
Asie de l’Est et Pacifique |
4 |
23 |
17.4 |
3 |
30 |
10.0 |
Europe et Asie centrale |
0 |
9 |
0.0 |
0 |
13 |
0.0 |
Amérique latine |
11 |
53 |
20.8 |
9 |
56 |
16.1 |
Moyen-Orient et Afrique du Nord |
1 |
7 |
14.3 |
3 |
16 |
18.8 |
Asie du Sud |
0 |
13 |
0.0 |
0 |
14 |
0.0 |
Afrique subsaharienne |
12 |
50 |
24.0 |
12 |
53 |
22.6 |
Total |
28 |
155 |
18.1 |
27 |
182 |
14.8 |
Note : Les épisodes de croissance sont définis comme des épisodes d’augmentation du revenu moyen pendant au moins cinq ans.
Source : Données de Shaffer (2023[39]), « Growth, poverty and immiserizing growth: Empirical evidence » (« Croissance, pauvreté et croissance inégalement répartie : Données empiriques »), https://d.docs.live.net/3c6a1bfca63c80ba/DCR 2024/CHAPITRE 1 DE IDA/10.13140/RG.2.2.10061.20961.
L’une des premières contraintes réduisant la capacité des PFR et des PRI à éliminer la pauvreté et à lutter contre les inégalités est le coût du service de la dette héritée de la pandémie. Les niveaux de service de la dette ont augmenté de façon spectaculaire. Selon les estimations des Nations Unies, les PFR et les PRI enregistrent en moyenne des charges d’intérêts nettes représentant plus de 8 % des recettes publiques en 2024 (PNUD, 2024[40]). En fait, dans de nombreux pays parmi les plus pauvres affichant les plus hauts niveaux de pauvreté monétaire extrême et absolue et de pauvreté multidimensionnelle, les intérêts nets représentent au moins 5 % des recettes publiques, et ils dépassent 10 % dans un certain nombre de ces pays (Graphique 2.6 et Graphique 2.7). Plus de la moitié des PFR sont déjà soit « en situation de surendettement », soit « à risque élevé de surendettement » (FMI, 2024[24]).
Les coûts du service de la dette « compensent » aussi de façon significative les ressources d’APD fournies aux pays les plus pauvres en raison de leur fongibilité, et le fardeau continue de s’alourdir. En 2022 par exemple, les 75 pays les plus pauvres ont payé environ 90 milliards USD au titre du service de la dette publique extérieure, dont environ 25 milliards USD au titre des intérêts (Albert et al., 2023[41]). En outre, on estime que le coût du service de la dette publique extérieure payé par ces 75 pays les plus pauvres (qui sont admissibles à l’aide de l’Association internationale de développement) augmentera pour atteindre environ 125 milliards USD par an en 2023 et 2024 (Albert et al., 2023[41]).
La diversification de la structure des créanciers a eu pour conséquence un durcissement des conditions et modalités auxquelles les pays emprunteurs obtiennent des prêts, car les nouveaux prêteurs ont tendance à proposer des prêts moins concessionnels (Albinet et Kessler, 2022[42]). Les effets de cette évolution ont cependant été en partie compensés par l’augmentation concomitante du financement multilatéral du développement (Kessler, 2022[43]). Au niveau macroéconomique, les banques multilatérales de développement se sont efforcées d’atténuer les difficultés de financement en accordant des prêts supplémentaires (Albinet et Kessler, 2022[42]). Malgré cela, on a projeté que les apports nets de ressources extérieures des PFR et des PRITI deviendraient négatifs en 2024 (Diwan et Harnoys-Vannier, 2024[44]) en raison de l’augmentation des sorties de fonds, ce qui soulève des questions quant à l’efficacité du système d’aide, les fonds destinés à réduire la pauvreté étant détournés pour rembourser les créanciers. Les fournisseurs de coopération pour le développement se trouvent donc face à un dilemme difficile : soit ils jouent leur rôle d’acteurs contracycliques, au risque de rembourser principalement d’autres créanciers tandis que très peu d’argent frais est injecté dans les pays à court de liquidités, soit ils leur permettent d’être en défaut de paiement, même si ces pays ne semblent pas insolvables (Diwan et Harnoys-Vannier, 2024[44]).
Les estimations du coût de l’élimination de la pauvreté ont un caractère indicatif plutôt que précis dans la mesure où des coûts administratifs et logistiques entrent en jeu dans la mise en œuvre de tout système de transfert. Cependant, les infrastructures nécessaires pour mener à bien des programmes de transferts sociaux existent déjà dans de nombreux PFR et PRI. Un indicateur permettant d’estimer ce coût est la valeur monétisée annuelle de l’écart de pauvreté, qui figure au Tableau 2.3. Il s’agit du montant nécessaire pour augmenter les revenus des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté de sorte qu’ils atteignent un niveau équivalent à ce seuil.
Le Tableau 2.3 présente de nouvelles estimations, fondées sur cet indicateur, des coûts de l’élimination de l’extrême pauvreté monétaire (2.15 USD par jour) et de la pauvreté monétaire absolue (3.65 USD par jour). En ce qui concerne l’extrême pauvreté monétaire, le montant s’élève à plus de 65 milliards USD en dollars courants par an, ce qui correspond à 0.07 % du RNB mondial et à 0.12 % du RNB des pays de l’OCDE à haut revenu. Pour mettre fin à la pauvreté monétaire absolue, l’estimation est nécessairement plus élevée : environ 325 milliards USD en dollars courants par an, soit 0.32 % du RNB mondial et 0.56 % du RNB des pays de l’OCDE à haut revenu.
Quel serait le coût par personne en situation de pauvreté ? Pour les deux seuils de pauvreté monétaire, le coût annuel par personne est faible car il correspond au coût total divisé par le nombre de personnes vivant dans la pauvreté. Il s’élève ainsi à environ 100 USD par an par personne vivant dans l’extrême pauvreté et près de 200 USD par an par personne vivant dans la pauvreté absolue. C’est aux pays fragiles et touchés par des conflits qui sont tributaires de l’APD qu’est attribuable la plus grande part du coût de l’élimination de l’extrême pauvreté monétaire (environ 35 % du montant total). Cependant, en ce qui concerne l’élimination de la pauvreté absolue, c’est aux pays qui ne sont pas fragiles et touchés par des conflits et pour lesquels l’APD en pourcentage du RNB est faible qu’est attribuable une grande partie des coûts (41 %). Cela souligne une fois de plus l’importance de l’APD dans les pays fragiles et touchés par des conflits qui en sont tributaires, et de la cohérence des politiques des pays de l’OCDE pour soutenir les pays qui ne dépendent pas de l’APD et qui ne sont pas fragiles et touchés par des conflits.
En résumé, le coût financier de l’élimination de la pauvreté n’est pas prohibitif au regard des niveaux actuels d’APD, ni en proportion du RNB mondial ou du RNB des pays à revenu élevé de la zone OCDE. Bien entendu, ces valeurs ne se rapportent qu’à l’écart de pauvreté monétisé et ne tiennent pas compte des difficultés liées aux coûts administratifs. Le défi technique d’atteindre les individus, qui ne doit pas être sous-estimé, n’est pas non plus pris en compte. Les estimations suggèrent néanmoins qu’il ne serait pas impossible, d’un point de vue financier, de mettre fin à la pauvreté dans le monde si l’on rapporte les chiffres au RNB mondial ou à celui des pays de l’OCDE à haut revenu.
On dispose d’estimations du montant nécessaire pour faire face à certaines composantes spécifiques de la pauvreté multidimensionnelle, mais certaines sont anciennes et la plupart ont été établies avant la pandémie. Les estimations sont généralement difficilement comparables : les enquêtes visant à évaluer chacun des types de pauvreté n’ont pas été menées la même année, le coût moyen de l’élimination de chaque type de pauvreté varie au sein des pays et entre eux, et les hypothèses sous-jacentes diffèrent, ce qui rend difficile l’estimation des coûts (Kenny et Snyder, 2017[45] ; Manuel et al., 2019[46] ; Watkins et Nwajiaku-Dahou, 2024[47]).
Contrairement à l’élimination de la pauvreté, le coût direct de la lutte contre les inégalités est, en principe, nul. Cependant, cette estimation ne tient pas compte des coûts administratifs associés aux transferts de revenu ou à d’autres mesures telles que l’élargissement du recouvrement de l’impôt et l’application de la législation relative au salaire minimum. Toutes ces mesures entraînent des coûts nécessaires à la production des résultats attendus. Les obstacles sont plutôt politiques : il s’agit par exemple des intérêts particuliers, de ce qui est perçu comme étant possible ou non, et de qui pourraient être les gagnants et les perdants [voir l’analyse formulée dans Coolin, Sapienza et Sumner (2024[48])]. Ce n’est pas uniquement une question de coût.
Seuil de pauvreté de 2.15 USD |
Seuil de pauvreté de 3.65 USD |
|
---|---|---|
Coût annuel, USD courants, milliards |
67.28 |
324.90 |
Part des coûts annuels par type de pays : |
||
Peu tributaire de l’APD, situation de fragilité/conflit (%) |
14.55 |
13.91 |
Peu tributaire de l’APD, sans fragilité/conflit (%) |
25.44 |
41.00 |
Fortement tributaire de l’APD, situation de fragilité/conflit (%) |
35.40 |
25.88 |
Fortement tributaire de l’APD, sans fragilité/conflit (%) |
24.32 |
18.95 |
Coût annuel par personne en situation de pauvreté, USD courants |
97.2 |
185.2 |
% du RNB mondial |
0.07 |
0.32 |
% du RNB des pays de l’OCDE à haut revenu |
0.12 |
0.56 |
Note : APD : aide publique au développement ; RNB : revenu national brut. Les estimations sont fondées sur les pays de plus d’un million d’habitants pour lesquels des données sont disponibles (103 pays).
Source : Sumner et Yusuf (à paraître[35]), d’après des données de la Banque mondiale (2024[15]), Plateforme Pauvreté et inégalités, https://pip.worldbank.org/home ; et de la Banque mondiale (2024[21]), Indicateurs du développement dans le monde (base de données), https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators.
À compter de la prochaine décennie, le contexte international sera probablement marqué par des chocs et des facteurs de perturbation liés au changement climatique et à d’autres déterminants mondiaux. Éliminer la pauvreté et réduire les inégalités dès aujourd’hui, et aussi vite que possible, serait moins coûteux et plus facile que dans un contexte de chocs climatiques et de facteurs de perturbations. Il serait également judicieux, pour se préparer au réchauffement climatique, d’éliminer la pauvreté et de réduire les inégalités avant que les effets du changement climatique ne rendent ces objectifs plus difficiles encore à atteindre alors qu’auront lieu des phénomènes météorologiques extrêmes, que les modèles agricoles évolueront, que le niveau de la mer s’élèvera et, potentiellement, que les populations migreront en masse d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays.
Éliminer la pauvreté et réduire les inégalités dès aujourd’hui, et aussi vite que possible, serait moins coûteux et plus facile que dans un contexte de chocs climatiques et de facteurs de perturbations.
Il est indéniable que l’ampleur de la tâche à accomplir pour éliminer la pauvreté et réduire les inégalités est considérable, et que la croissance économique et la hausse des revenus seront des facteurs importants pour y parvenir. Pour autant, la croissance ne garantit pas à elle seule une réduction de la pauvreté et peut même parfois court-circuiter les plus pauvres. Il est donc essentiel de mettre en œuvre des politiques publiques qui assureront une large répartition des bienfaits directs et indirects de la croissance. La réduction de la pauvreté non monétaire dépend cependant davantage de la qualité et de la fourniture des biens publics, par exemple l’éducation et la santé. Par le biais des politiques nationales, en particulier celles à l’appui du bien-être de la population, comme les politiques sociales, les pouvoirs publics disposent d’une marge de manœuvre considérable pour améliorer les tendances en matière de pauvreté et d’inégalités ainsi que leur niveau. Toutefois, la forte augmentation du coût du service de la dette depuis la pandémie a considérablement limité les dépenses nationales consacrées aux politiques sociales, en particulier dans les pays les plus pauvres. Il faut de toute urgence apporter une solution à ce problème, éventuellement dans le même esprit que l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés et des programmes connexes menés dans le cadre de l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale à partir du milieu des années 1990, qui ont abouti à un allégement de la dette de 100 milliards USD en faveur des pays les plus pauvres (Banque mondiale, 2024[49]). Des mesures pourraient ainsi être mises en œuvre, par exemple sous la forme d’un « pacte pour les ODD » ou de réparations au titre des pertes et préjudices liés au changement climatique.
Les administrations des PFR et des PRI ont bien les cartes en main en ce qui concerne les politiques nationales, notamment en matière de macroéconomie, de marché du travail, d’inégalités de patrimoine, de politique budgétaire (fiscalité et transferts) et de dépenses consacrées aux biens publics. Mais pour que ces politiques produisent les effets escomptés, les pouvoirs publics doivent activement influer sur la façon dont les actifs sont accumulés et distribués, par exemple par le biais de dépenses sociales, de transferts sociaux et de politiques sociales dont ils assureront la mise en œuvre et la gestion.
Enfin, l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités nécessiteront de s’adapter à un contexte en pleine transformation, ce qui aura d’importantes conséquences pour la coopération pour le développement et le financement du développement. L’évolution des caractéristiques de la pauvreté dans le monde et de sa répartition géographique est relativement claire. Dans les années à venir, la croissance économique pourrait ne pas suffire à faire augmenter les revenus des pauvres. L’expansion des transferts de revenus, le financement adéquat des biens publics, des mécanismes d’assurance et des politiques actives du marché du travail sont nécessaires pour éliminer la pauvreté et lutter contre les inégalités. En outre, environ la moitié des personnes les plus pauvres de la planète vivent dans des pays où les administrations sont fortement tributaires de l’APD pour leur bon fonctionnement, et notamment dans des sociétés fragiles et touchées par des conflits où il est particulièrement difficile d’éliminer la pauvreté. La deuxième moitié vivent dans des pays où l’APD est moins importante dans la mesure où les ressources intérieures y sont suffisantes. Dans ces pays, c’est la cohérence des politiques mises en œuvre par les pays de la zone OCDE qui revêt une importance capitale. La pandémie a entraîné une hausse des coûts du service de la dette et, par voie de conséquence, un resserrement budgétaire qui pèse lourdement sur les systèmes publics chargés de mettre en œuvre les mesures de réduction de la pauvreté et des inégalités. Il ne fait aucun doute que les pays les plus pauvres auront besoin de nouveaux financements.
[6] Adom, P. (2024), The socioeconomic impact of climate change in developing countries in the next decades, Center for Global Development, Washington, DC, https://www.cgdev.org/sites/default/files/socioeconomic-impact-climate-change-developing-countries-next-decades.pdf.
[41] Albert, M. et al. (2023), Global Economic Prospects, Banque mondiale, Global Economic Prospects, Washington, http://documents.worldbank.org/curated/en/099060723202024954/BOSIB03b0337cf0dd096470ad6bbabb2581.
[42] Albinet, C. et M. Kessler (2022), The coming debt crisis: Monitoring liquidity and solvency risks, Finance for Development Lab, https://findevlab.org/wp-content/uploads/2022/12/FDL_CAMK_DebtService.pdf.
[16] Alkire, S. et al. (2015), Multidimensional Poverty Measurement and Analysis, Oxford Academic Books, Oxford, Royaume-Uni, https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199689491.001.0001.
[28] Alvaredo, F. et al. (2016), Distributional national accounts guidelines: Methods and concepts used in the WID.world, https://wid.world/document/dinaguidelines-v1.
[49] Banque mondiale (2024), Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) Initiative, https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/hipc.
[21] Banque mondiale (2024), Indicateurs du développement dans le monde (base de données), https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators (consulté le June 2024).
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← 1. Le rapport Stern Review on the Economics of Climate Change, qui examine l’économie du changement climatique, avance un argument similaire, à savoir qu’une action précoce est plus avantageuse économiquement que l’inaction. Voir : https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/ukgwa/20100407172811/https:/www.hm-treasury.gov.uk/stern_review_report.htm
← 2. Cette approche de la conceptualisation de la stratégie de subsistance des individus est parfois qualifiée d’approche fondée sur les actifs ou d’« approche des moyens d’existence durables », et est associée à un article fondateur de Chambers et Conway : https://www.ids.ac.uk/publications/sustainable-rural-livelihoods-practical-concepts-for-the-21st-century.
← 3. Les chocs sont des événements à risque soudains tels que les inondations, les épisodes de sécheresse et la flambée des prix. Les facteurs de perturbation sont des changements plus progressifs, par exemple les inondations non catastrophiques régulières, la dégradation des sols et la marginalisation socio-économique. Même si un choc est de courte durée, ses effets peuvent persister longtemps après la survenue de l’événement initial et éroder des actifs qui contribuent à la résilience.
← 4. La question de savoir si, par élimination de l’extrême pauvreté, on entend l’élimination totale du phénomène fait également débat, la cible d’ODD 1.1 appelant à éliminer complètement l’extrême pauvreté dans le monde entier d’ici à 2030, tandis que l’objectif de la Banque mondiale vise à ramener le niveau d’extrême pauvreté à moins de 3 % de la population mondiale à ce même horizon.