Ce chapitre examine le cadre institutionnel, la stratégie et les politiques de promotion et de facilitation de l’investissement au Maroc et les considère dans le contexte de reprise économique durable à la suite de la crise du COVID-19. Le rôle de l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations est au centre de ce chapitre, qui comprend une comparaison internationale de sa structure institutionnelle, ses méthodes, ses activités et ses outils de promotion de l’investissement. Le chapitre examine également les mesures plus larges visant à améliorer le climat des affaires et autres initiatives pour faciliter les investissements et les expansions au Maroc. Des standards et outils de l’OCDE sont utilisés pour analyser ces éléments à la lumière des évolutions et réformes récentes, notamment les réponses des autorités marocaines à l’enquête OCDE-BID auprès des agences de promotion des investissements.
Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement : Maroc 2024
5. Promotion et facilitation des investissements au Maroc
Copier le lien de 5. Promotion et facilitation des investissements au MarocAbstract
5.1. Introduction et orientations générales
Copier le lien de 5.1. Introduction et orientations généralesLes politiques de promotion et de facilitation de l’investissement peuvent contribuer à la compétitivité du pays hôte grâce à des mesures d’attraction ciblées et à des services facilitant l’établissement ou l’expansion des investisseurs. De telles initiatives sont essentielles pour favoriser un climat de l’investissement attractif et bénéficier de l’apport des entreprises multinationales sur les objectifs de développement national. Elles sont particulièrement importantes pour répondre à la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, en conséquence de laquelle la contraction économique et la baisse des investissements directs étrangers (IDE) en 2020, ainsi que la pression sur les budgets publics, ne sont pas sans conséquences sur les politiques et les institutions chargées de promouvoir et de faciliter les investissements au Maroc. Il est toutefois important que ces efforts de promotion et de facilitation complètent – et ne remplacent pas – les mesures visant à garantir un cadre de politique d’investissement solide, telles que celles examinées dans les autres chapitres de cette revue (OCDE, 2015[1]).
Le Royaume du Maroc affiche de grandes ambitions pour renforcer l’attractivité et la compétitivité de son économie. Le Nouveau modèle de développement, un document stratégique des autorités qui apporte des éléments de projection et de prospective à l’horizon 2035, vise « un renforcement de la capacité d’attraction des IDE » (Royaume du Maroc, 2021[2]). Alors que la contribution de l’investissement privé à l’atteinte des objectifs de développement durable est indispensable dans le contexte de reprise par suite de la crise du COVID-19, les outils de promotion et de facilitation des investissements se doivent d’être pertinents et adaptés pour soutenir les ambitions du Nouveau modèle de développement.
À la suite des élections législatives de 2021, les autorités marocaines ont révisé leur cadre institutionnel pour la promotion et la facilitation de l’investissement afin de lui donner une nouvelle impulsion. Ainsi, conformément aux hautes orientations de Sa Majesté le Roi, visant à donner une importance stratégique et horizontale à la politique de l’investissement, le Ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques Publiques (MICEPP) a été créé. Dans ce même élan et sous l’égide de ce nouveau ministère, la loi-cadre 03-22 formant Charte de l’investissement a été adoptée à la fin de 2022 et une nouvelle feuille de route sur le climat des affaires dévoilée en 2023 avec l’ambition de stimuler et promouvoir les investissements privés internationaux et nationaux au Maroc. Au niveau opérationnel, l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), sous la tutelle du nouveau ministère, est au centre du cadre stratégique de la promotion de l’investissement au niveau national. Elle est complétée par l’action des Centres Régionaux d’Investissement (CRI) au niveau infranational, qui, depuis mai 2023, sont rattachés au Chef du gouvernement, qui en a délégué une partie des prérogatives au MICEPP. Avec cette nouvelle gouvernance unifiée et territorialisée de l’investissement, le Maroc ambitionne de donner davantage de coordination et de cohérence à sa politique de l’investissement, et de renforcer la convergence et les synergies en matière d’investissement au niveau central et territorial.
L’AMDIE a la responsabilité de mettre en œuvre le régime incitatif prévu dans la Charte de l’investissement et assure le secrétariat de la Commission nationale des investissements présidée par le Chef du gouvernement en charge d’approuver les nouvelles conventions d’investissement. L’AMDIE a vu ses ressources humaines et financières quelque peu affectées par la crise du COVID-19, mais a toutefois su en faire une opportunité pour accélérer sa transition numérique, à l’instar de nombreuses agences de promotion des investissements (API) de l’OCDE. Bien qu’elle soit active dans toutes les fonctions classiques de la promotion et de la facilitation de l’investissement, l’AMDIE a progressivement mis l’emphase sur la création d’image, notamment avec l’initiative Morocco NOW mise en place en 2021. L’AMDIE aligne sa stratégie de promotion de l’investissement sur les orientations générales du gouvernement et les stratégies économiques sectorielles. Durant de nombreuses années, ses actions de ciblage et de priorisation des investisseurs étrangers ont été insuffisamment sélectives, se concentrant sur certains secteurs de l’économie mais priorisant relativement peu de pays ou de projets d’investissement. Toutefois, depuis 2022, davantage d’actions de démarchage ont été tenues dans un groupe de pays prioritaires, ce qui témoigne d’une volonté accrue des autorités de rendre les activités de promotion de l’investissement plus sélectives et donc plus efficaces. Afin d’améliorer l’impact de son action, l’AMDIE a également mis en place des outils de suivi et évaluation, bien que certains indicateurs puissent être davantage développés.
Les activités de ciblage se calquent sur les secteurs porteurs identifiés dans la nouvelle charte de l’investissement, à savoir : l’industrie, l’industrie culturelle, les énergies renouvelables, la logistique et le transport, l’aquaculture, le tourisme et les loisirs, le numérique, la transformation et valorisation des déchets, et l’outsourcing.
Comme dans de nombreux pays au monde, la facilitation de l’investissement est une tâche pangouvernementale au Maroc. Les autorités ont mis l’accent depuis de nombreuses années sur l’amélioration de l’environnement des affaires, ce qui s’est traduit par des avancées significatives reconnues internationalement. Récemment, la simplification, la dématérialisation et la déconcentration des procédures et démarches administratives pour l’investisseur ont été au centre des réformes du climat des affaires du Maroc. La mise en place du MICEPP a notamment pour objectif de faciliter l’acte d’investir et d’élever les investissements privés à deux tiers des investissements totaux d’ici 2035. Depuis 2022, les pouvoirs publics se sont engagés dans la préparation d’une nouvelle feuille de route pour l’amélioration du climat des affaires avec pour ambition de libérer le plein potentiel des investisseurs et faciliter l’acte d’entreprendre. Cette feuille de route, élaborée en consultation avec l’ensemble des parties prenantes publiques et privées, adresse plusieurs chantiers stratégiques visant l’amélioration des conditions structurelles de l’acte d’investir et d’entreprendre, l’appui à la transformation de l’économie nationale, le renforcement de sa compétitivité, le développement d’un environnement propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation, et le renforcement de l’éthique, de l’intégrité et de la prévention de la corruption.
Le Royaume a également participé aux négociations sur la facilitation de l’investissement pour le développement à l’organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui devrait donner une impulsion à ses réformes nationales lors de la mise en œuvre de l’accord. L’AMDIE et les centres régionaux d’investissement (CRI) complètent ces initiatives par des services de facilitation aux nouveaux investisseurs et de suivi aux investisseurs établis, y compris par des services de conciliation au niveau des CRI ainsi que des comités régionaux de l’environnement des affaires œuvrant à la mise en place des chantiers de la feuille de route nationale de l’amélioration de l’environnement des affaires.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionTirer les pleins bénéfices d’un nouveau cadre institutionnel plus cohérent et de la nouvelle Charte de l’investissement pour donner une impulsion à la politique de promotion et de facilitation de l’investissement et un rôle plus central dans la politique du gouvernement, où le ministère, l’AMDIE et les CRI se positionnent en leaders institutionnels avec des rôles distincts et complémentaires. À cet effet, il pourrait être opportun de renforcer le rôle de l’AMDIE en tant que point focal national pour les investisseurs étrangers, y compris pour les secteurs d’activités qui ne sont pas sous sa responsabilité à l’heure actuelle.
Clarifier les mandats de l’AMDIE, dont le nombre est relativement élevé et le champ d’action large, et renforcer les mécanismes de coordination avec les autres entités publiques nationales et infranationales ayant des mandats similaires. Continuer la mise en œuvre d’une politique de gouvernance solide de l’AMDIE articulée autour d’un conseil d’administration fonctionnel et équilibré.
Faire de l’AMDIE une agence plus proactive et centrée sur la promotion de l’IDE, au-delà de l’administration du régime incitatif de la Charte de l’investissement, en renforçant ses fonctions de génération et de facilitation des investissements, qui sont les fonctions essentielles des API. Il serait judicieux d’adopter une stratégie d’attraction de l’investissement plus ciblée et sélective, avec des secteurs prioritaires plus détaillés et une priorisation par pays ainsi que par projet ou par investisseur. Une présence à l’étranger accrue de l’AMDIE pourrait également contribuer à mieux cibler les investisseurs potentiels et à optimiser ses activités de démarchage.
Développer davantage d’indicateurs d’évaluation de performance au sein de l’AMDIE, en particulier des indicateurs de résultats, afin de s’assurer que les activités de l’agence remplissent leurs objectifs et de mieux mesurer l’impact des IDE sur l’économie locale. Dans ce contexte, s’assurer que le CRM de l’AMDIE soit opérationnel le plus rapidement possible et, dans la mesure du possible, lié aux CRM des CRI pour une coordination optimale des activités entre les différents niveaux de gouvernement.
Poursuivre et renforcer les efforts de simplification des procédures administratives pour les entreprises, y compris au travers d’une digitalisation renforcée et élargie, et réduire les démarches redondantes ou inutiles afin de faciliter les nouveaux investissements et d’encourager des réinvestissements et des expansions. Les autorités marocaines pourraient, à cet effet, envisager de passer d’un système d’autorisation à un système de cahier des charges, où les nouveaux investissements sont autorisés de prime abord s’ils respectent un certain nombre de critères.
Poursuivre la participation active du Maroc dans les négociations sur la facilitation de l’investissement pour le développement au sein de l’OMC, préparer la mise en œuvre de l’accord et considérer donner le rôle de point focal à l’AMDIE.
Renforcer les services de facilitation et de suivi aux investisseurs de l’AMDIE, y compris par la mise en place du Centre Aftercare, afin de soutenir davantage les entreprises déjà établies. Dans le même cadre, renforcer les programmes de promotion des liens d’affaires entre multinationales et petites et moyennes entreprises (PME) locales et, ce faisant, s’assurer d’une coordination optimale entre les différents acteurs en place.
5.2. Une stratégie de promotion des investissements innovante au service des priorités nationales du Maroc
Copier le lien de 5.2. Une stratégie de promotion des investissements innovante au service des priorités nationales du MarocLes gouvernements conçoivent des stratégies de promotion des investissements afin de fournir aux autorités compétentes des objectifs, des cibles, des moyens et des activités pour attirer des IDE. Ces stratégies portent essentiellement sur des questions visant à déterminer : (i) comment mettre en pratique cette stratégie, autrement dit le cadre institutionnel général et, plus particulièrement, le rôle de l’API ; (ii) ce qu’il faut promouvoir, c’est-à-dire les secteurs, les pays, les projets et les investisseurs à cibler ; et (iii) comment mesurer la mise en œuvre et les résultats de la stratégie, notamment grâce aux mécanismes de suivi et d’évaluation.
5.2.1. Cadre institutionnel et analyse comparative de l’AMDIE
L’AMDIE est au centre de la stratégie de promotion de l’investissement au Maroc
Bien que le cadre institutionnel diffère grandement d’un pays à l’autre, la plupart des juridictions ont établi des API dédiées à l’attraction et à la facilitation des IDE afin de mettre en œuvre la stratégie de promotion des investissements de leur gouvernement. Les API ne sont jamais les seuls acteurs en place et d’autres entités publiques jouent souvent des rôles complémentaires – parfois se chevauchant – pour promouvoir et faciliter l’investissement. La façon dont les gouvernements organisent leur cadre institutionnel pour la promotion de l’investissement répond à leurs objectifs politiques et à la priorité qu’ils accordent à l’investissement. Ces choix peuvent toutefois grandement influencer leur capacité à attirer des IDE de façon efficiente et efficace.
Au Maroc, l’AMDIE est l’acteur principal de la mise en œuvre de la politique de promotion et de facilitation de l’investissement. Elle est le point focal pour les investisseurs étrangers et domestiques. Depuis les élections de 2021, l’AMDIE se retrouve sous la tutelle du MICEPP nouvellement créé. Ce changement de tutelle devrait lui donner davantage de visibilité et de cohérence, ainsi qu’un champ d’action plus large. Il pourrait aussi s’accompagner de défis puisque tous les mandats de l’AMDIE n’ont pas forcément directement trait à l’investissement (voir plus loin).
En vertu de la loi 60-16 portant création de l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations, l’AMDIE est le fruit de la fusion, en 2017, de trois agences distinctes, à savoir Maroc Export, l’Agence Marocaine de Développement des Investissements, et l’Office des Foires et Expositions de Casablanca. L’AMDIE est une agence autonome et opérationnelle, chargée de mettre en œuvre la stratégie de l’État en matière de promotion des investissements nationaux et étrangers ainsi que des exportations des produits et services. Elle est chargée notamment de :
Réaliser des études sur les opportunités d’investissement ;
Accompagner les investisseurs marocains dans leurs projets d’investissements au niveau international ;
Accueillir, informer, orienter et accompagner les investisseurs dans la conduite de leurs projets d’investissement au Maroc en coordination avec les autorités, les collectivités territoriales et les organismes concernés ;
Prêter l’assistance et le conseil technique aux entreprises dans le domaine du soutien à l’export, notamment à travers l’organisation d’opération de prospection de nouveaux clients et la mise en relation des exportations marocains et les donneurs d’ordre à l’international ; et de
Réaliser des études et des investigations sur les marchés étrangers prometteurs.
En matière de promotion de l’investissement, l’AMDIE a la charge de mettre en œuvre le régime incitatif prévu dans la nouvelle Charte de l’investissement. À cet effet, l’agence assure le secrétariat de la Commission nationale des investissements, présidée par le Chef du gouvernement, et porte ainsi assistance aux pouvoirs publics en matière de conclusion des contrats et conventions à conclure avec des investisseurs dans le cadre de la charte. Une nouvelle Charte de l’investissement, faisant suite à des années de réflexion quant à la refonte du régime incitatif de l’investissement au Maroc, a été finalisée et votée en 2022 (Encadré 5.1).
Encadré 5.1. La nouvelle Charte de l’investissement
Copier le lien de Encadré 5.1. La nouvelle Charte de l’investissementLa première charte de l’investissement (loi cadre 18-95) a été promulguée en 1995. Depuis lors, les autorités marocaines se sont penchées durant de nombreuses années sur sa refonte afin de s’adapter aux nouvelles réalités du pays. Ainsi, la nouvelle Charte de l’investissement a été adoptée à la Chambre des conseillers le 29 novembre 2022. Son objectif est de fournir un cadre unifié pour l’investisseur et de détailler les différents régimes d’incitations disponibles.
La loi-cadre a pour ambition de donner un nouveau souffle au climat de l’investissement au Maroc et concerne essentiellement les primes à l’investissement. Celles-ci doivent suivre des critères bien définis et transparents, visant à soutenir les projets d’investissement créateurs d’emplois, à réduire les disparités entre les régions et à développer l’investissement dans les secteurs d’activité prioritaires. Des dispositifs spécifiques sont également prévus pour soutenir les projets d’investissement à caractère stratégique, les très petites, petites et moyennes entreprises et le développement des entreprises marocaines à l’international.
La Charte reconnaît que des réformes doivent être poursuivies en parallèle du régime d’incitations afin d’améliorer l’attractivité du Maroc et de favoriser l’investissement privé. Ces réformes concernent essentiellement l’accès au financement, le renforcement de la compétitivité du secteur de la logistique, le recours aux énergies renouvelables, l’accès au foncier et la facilitation de l’acte d’investir.
Le travail de l’AMDIE est complété par celui de nombreuses structures gouvernementales jouant un rôle clé aussi bien au niveau national qu’infranational. En particulier, les CRI jouent un rôle central dans la promotion et la facilitation des investissements au niveau des différentes régions du Royaume. En mai 2023, dans le cadre de cette nouvelle gouvernance unifiée et territorialisée de l’investissement, les CRI ont été rattachés au Chef du gouvernement, qui en a délégué une partie des prérogatives au MICEPP, conformément au décret 2.23.310 adopté le 04 mai 2023 et portant application de la loi 47.18 portant réforme des centres régionaux d’Investissement et création des commissions régionales unifiées d’investissement. Leur mission principale est d’encourager l’investissement au niveau régional et de contribuer à promouvoir le potentiel des territoires régionaux.
Comme détaillé plus loin dans ce chapitre et dans le chapitre 6, les CRI jouent également un rôle important dans la facilitation des investissements et la simplification des procédures connexes. Ce rôle a été renforcé par la Loi n°47-18 de février 2019.
Au niveau national, un certain nombre d’agences économiques sectorielles ont la charge de la promotion des investissements dans leur secteur d’activité. C’est le cas de l’agence nationale de développement de l’aquaculture, de l’agence pour le développement agricole et de la société marocaine d’ingénierie touristique (en charge de la promotion des investissements touristiques). De plus, l’agence du développement du digital (ADD) a pour mission la mise en œuvre, en coordination avec les autorités et les organismes concernés, de la stratégie de développement, de promotion et d’incitation à l’investissement dans le domaine de développement du digital, y compris en favorisant le développement de l’écosystème et de l’innovation numérique au Maroc.
Enfin, l’agence de la promotion des petites et moyennes entreprises (Maroc PME) et l’office de développement de la coopération ont la charge de favoriser l’entrepreneuriat et l’investissement national. L’action de Maroc PME, en particulier, vise à l’amélioration de la compétitivité des PME et à la création d’emplois au travers d’activités de conseil et d’assistance technique et de renforcement de l’écosystème entrepreneurial en favorisant le déploiement du statut de l’autoentrepreneur et l’accompagnement à la formalisation des activités.
Les mandats de l’AMDIE sont variés et ont augmenté au cours de ces dernières années
De grandes différences existent entre API en termes de structures organisationnelles, de politique de gouvernance, de priorités stratégiques, et d’outils et d’activités de promotion de l’investissement. Afin de mieux comprendre les caractéristiques et la dynamique de promotion des investissements au Maroc et de comparer son agence nationale avec ses pairs internationaux, le Maroc a participé à une enquête sur les API mise au point par l’OCDE et la Banque interaméricaine de développement (BID) et menée par l’OCDE dans le cadre de ce rapport (Encadré 5.2). Les résultats servent de base à l’analyse comparative menée dans ce chapitre et permettent d’observer des évolutions temporelles et de comparer l’AMDIE à ses pairs de l’OCDE et d’autres régions.
Encadré 5.2. L’enquête OCDE-BID auprès des API
Copier le lien de Encadré 5.2. L’enquête OCDE-BID auprès des APIL’OCDE et la BID ont conçu conjointement une enquête complète sur les API nationales présentée sous la forme d’un questionnaire en ligne et divisée en neuf parties :
Profil de base ;
Budget et personnel ;
Bureaux (nationaux et à l’étranger) ;
Activités ;
Priorisation ;
Suivi et évaluation ;
Interactions institutionnelles ; et
Perceptions de l’API sur l’investissement international.
En 2017-18, l’enquête a été partagée avec des représentants d’agences de 32 pays de l’OCDE (34 depuis lors) et de 19 pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Dans la foulée, 10 agences nationales du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, y compris le Maroc, ont également participé à la même enquête et 10 autres pays d’Eurasie ont effectué le même exercice l’année suivante.
Les résultats de l’enquête sont présentés dans des rapports de cartographie des API, qui fournissent une image complète et comparative des API dans les régions sélectionnées. Les rapports évaluent les agences les unes par rapport aux autres ainsi que l’API moyenne d’une région à l’autre.
Depuis lors, cette enquête est également utilisée dans le cadre de la préparation des examens de l’OCDE de la politique d’investissement. Ainsi, l’AMDIE a participé à l’enquête en 2021-22 dans le cadre de ce deuxième examen. Les résultats sont utilisés pour fournir une analyse approfondie de l’agence et la comparer dans le temps ainsi qu’à d’autres agences de par le monde.
Note : Pour plus d’informations, voir http://www.oecd.org/investment/investment-promotion-and-facilitation.htm.
Les API peuvent être soit entièrement dédiées à l’attraction et à la facilitation des investissements étrangers entrants, soit faire partie d’une agence plus large qui comprend des mandats supplémentaires, tels que la promotion des exportations, de l’innovation, du développement régional, des investissements extérieurs et des investissements nationaux, entre autres. Dans la pratique, pour des raisons d’efficacité et de synergies, la plupart des API dans le monde ont des mandats multiples et mènent des activités qui vont au-delà de la promotion des investissements étrangers.
L’AMDIE a indiqué dans ses réponses à l’enquête de l’OCDE-BID auprès des API avoir huit mandats officiels (sur un total de 18 mandats possibles) :
Promotion des investissements étrangers
Promotion des exportations
Promotion du développement régional
Promotion des investissements nationaux
Promotion des investissements vers l’extérieur
Filtrage des investissements ou enregistrement des investisseurs
Négociation d’accords internationaux d’investissement
Gestion des zones franches, zones économiques ou parcs industriels
Avec trois mandats de plus qu’en 2018, les responsabilités de l’AMDIE se sont élargies au cours des dernières années. Elles lui donnent un rôle plus important sur des questions horizontales, notamment le développement régional, mais aussi sur la gestion d’outils de promotion de l’investissement, tels que les zones économiques et l’enregistrement des investisseurs (Tableau 5.1). La majorité des mandats de l’AMDIE sont ceux que l’on retrouve le plus fréquemment dans les pays de l’OCDE. L’élargissement à la promotion du développement régional reflète également une pratique courante dans les pays de l’OCDE.
Tableau 5.1. Évolution des mandats de l’AMDIE et comparaison avec les agences de l’OCDE
Copier le lien de Tableau 5.1. Évolution des mandats de l’AMDIE et comparaison avec les agences de l’OCDE
Maroc (2022) |
Maroc (2018) |
Moyenne OCDE |
|
---|---|---|---|
Promotion des investissements étrangers |
100 % |
||
Promotion des exportations |
56 % |
||
Promotion de l’innovation |
53 % |
||
Promotion du développement régional |
47 % |
||
Promotion des investissements nationaux |
38 % |
||
Promotion des investissements vers l’extérieur |
29 % |
||
Octroi d’incitations financières |
29 % |
||
Filtrage des investissements ou enregistrement des investisseurs |
24 % |
||
Facilitation des échanges |
24 % |
||
Octroi d’autres incitatifs |
15 % |
||
Fonctionnement du guichet unique |
12 % |
||
Gestion des partenariats public-privé |
9 % |
||
Octroi d’incitations fiscales |
9 % |
||
Négociation d’accords internationaux d’investissement |
9 % |
||
Gestion des zones franches, zones économiques ou parcs industriels |
3 % |
||
Négociation et administration des concessions publiques |
3 % |
||
Octroi de permis d’entreprise |
0 % |
||
Gestion des privatisations |
0 % |
Note : L’information concernant la moyenne OCDE date de 2018. Elle intègre les données des nouveaux pays membres (Colombie et Costa Rica), ce qui peut expliquer des chiffres différents des moyennes OCDE précédemment publiées.
Source : (OCDE-BID, 2018[3] ; OCDE-BID, 2022[4]).
Il est néanmoins relativement plus rare qu’une API combine autant de mandants en son sein. Bien que le nombre total de mandats d’une agence puisse varier considérablement d’un pays ou d’une région à l’autre, l’AMDIE possède un nombre de mandats plus élevé qu’un certain nombre d’agences de pays comparateurs dans différentes régions du monde (Graphique 5.1). Elle est supérieure à la moyenne du nombre de mandats des agences des pays de l’OCDE, où seulement cinq agences regroupent dix mandats ou plus en leur sein (Estonie, Lettonie, Norvège, Slovénie et Tchéquie). A l’inverse, la moitié des agences de l’OCDE ont reporté avoir un maximum de cinq mandats, reflétant une volonté de rendre leurs API plus spécialisées. Chaque État doit adopter l’approche qui lui convient le mieux et, comme on peut le constater sur le graphique, la taille du pays n’a pas nécessairement d’incidence sur le nombre de mandats.
L’approche du Maroc, où l’agence intègre des mandats qui ne sont pas liés directement à la promotion et la facilitation des IDE, tels que la promotion de l’exportation, du développement régional et de l’investissement national, peut lui permettre d’adopter une mise en œuvre plus cohérente et plus intégrée de ses activités, où la promotion de l’investissement international est mise au service de ces différents objectifs de développement durable et inclusif. Il est toutefois important que la diversité de ces mandats n’entrave pas son rôle principal d’attraction de l’investissement étranger. Cela demande également une coordination renforcée avec les autres agences de terrain impliquées dans des fonctions similaires ainsi qu’avec les ministères de tutelle afin d’éviter une duplication des tâches et des mandats au niveau national.
Selon l’enquête menée dans le cadre de ce rapport, un certain nombre de mandats de l’AMDIE sont également exécutés par d’autres agences ou ministères nationaux ainsi que par les autorités infranationales (Tableau 5.2). Le rôle de premier plan des autorités infranationales – à savoir les CRI – dans la promotion et la facilitation des investissements témoigne de l’engagement du Maroc à mettre l’IDE au service du développement régional, mais peut également soulever des défis potentiels de coordination (voir Chapitre 6). La décision récente de rationaliser le cadre institutionnel pour la promotion et la facilitation de l’investissement en déléguant au MICEPP une partie des prérogatives des CRI et en lui donnant la tutelle de l’AMDIE reflète néanmoins un objectif de cohérence qui devrait se traduire par une plus grande efficacité d’action.
Tableau 5.2. Existence d’autres structures publiques au Maroc avec des mandats similaires
Copier le lien de Tableau 5.2. Existence d’autres structures publiques au Maroc avec des mandats similaires
Autres structures nationales avec ce mandat |
Autres structures infranationales avec ce mandat |
|
---|---|---|
Promotion des investissements étrangers |
OUI |
OUI |
Promotion des investissements nationaux |
OUI |
OUI |
Promotion des investissements vers l’extérieur |
OUI |
OUI |
Filtrage des investissements ou enregistrement des investisseurs |
OUI |
OUI |
Négociation d’accords internationaux d’investissement |
NON |
NON |
Source : (OCDE-BID, 2022[4]).
La gouvernance de l’AMDIE reflète les bonnes pratiques internationales
La gouvernance d’une API concerne la manière dont elle est supervisée, orientée, contrôlée et gérée. Les politiques de gouvernance d’une API sont souvent dictées par leur contexte institutionnel ainsi que des choix de politiques plus larges. Elles sont importantes dans le sens où elles affectent son statut juridique, ses liens hiérarchiques et sa structure de gestion. Le statut juridique des API se classifie généralement en quatre catégories distinctes, à savoir – du moins indépendant au plus autonome : (i) les organismes gouvernementaux (par exemple un ministère ou une unité au sein d’un ministère), (ii) les organismes publics autonomes, (iii) les organismes mixtes public-privé et (iv) les organismes entièrement privés (OCDE, 2018[5]). L’AMDIE appartient à la seconde catégorie, comme la majorité des API de l’OCDE (60 %) ainsi que de la région Moyen Orient et Afrique du Nord (90 %) (OCDE, 2019[6]). En dehors de ces deux régions, on retrouve un grand nombre d’API privées ou semi-privées en Amérique latine ou, inversement, d’API totalement gouvernementales en Eurasie et en Asie du Sud-Est1.
L’AMDIE reporte à son ministère de tutelle, à savoir le MICEPP, mais également au Chef du gouvernement et à un Conseil d’Administration établi en 2017 dans la loi 60-16 portant création de l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations. La mise en place d’un conseil d’administration à l’AMDIE est une initiative positive et reflète une pratique majoritaire des API dans le monde et de 69 % des agences de l’OCDE. L’existence et le rôle du conseil d’administration ont une importance particulière dans la gouvernance d’une API. Il peut être chargé de superviser le travail de l’agence ou de le conseiller. Celui de l’AMDIE appartient à la première catégorie.
Les membres du conseil d’administration des API sont généralement composés de représentants des secteurs public et privé ainsi que, parfois, de la société civile et du monde universitaire. Au Maroc, le conseil d’administration compte 14 membres, dont un président, six représentants du secteur public et sept représentants du secteur privé. La représentation équitable entre représentants des secteurs public et privé est une bonne pratique qui se retrouve dans un certain nombre d’API dans le monde (Graphique 5.2). Cela permet de contribuer à garantir la prise en considération des perspectives et des intérêts des différents acteurs du marché dans les orientations stratégiques de l’agence.
Dans les API de l’OCDE, les conseils d’administration sont composés d’environ 10 personnes en moyenne et sont dominés par des représentants du secteur privé (41 % en moyenne) et du secteur public (38 %), les autres étant des représentants de la recherche et du monde universitaire, de la société civile ou d’autres domaines (OCDE, 2018[5]). L’AMDIE pourrait considérer intégrer d’autres parties prenantes dans son conseil d’administration, comme c’est le cas dans certaines API de l’OCDE notamment, afin de mieux représenter la diversité des intérêts de la société dans les décisions de l’agence. Cela pourrait contribuer ainsi à ce que la politique de promotion et de facilitation de l’investissement prenne davantage en considération des questions d’ordre social et environnemental, et s’intègre de façon plus holistique dans la politique de développement durable du pays.
L’AMDIE assure également la présidence et le secrétariat du Point de Contact National, permettant de promouvoir et diffuser les normes et les bonnes pratiques promus par l’OCDE auprès des acteurs publics et privés, notamment les principes directeurs pour la conduite responsable des entreprises (voir Chapitre 7). Le budget et le personnel de l’AMDIE ont augmenté à la suite de la fusion mais ont été négativement affectés par la crise du COVID-19
Les ressources financières d’une API déterminent l’étendue de ses activités, la quantité et le degré de compétences de son personnel, les mécanismes d’évaluation de performance et d’autres aspects organisationnels. Pour les agences qui ont un nombre élevé de mandats, la différence entre le budget total de l’API et celui dédié à la promotion et la facilitation des investissements peut être assez importante. Il en va de même pour le personnel.
Au Maroc, les ressources financières et humaines ont évolué au cours de ces dernières années, reflétant les changements institutionnels, l’intégration de nouveaux mandats et la plus grande multiplicité d’outils et d’activités mises en œuvre qui en découle (Graphique 5.3). D’une façon générale, l’évolution des ressources spécifiques à la promotion et la facilitation de l’investissement suit la même courbe que celle des ressources totales, contribuant à démontrer la centralité des fonctions liées directement à l’investissement par rapport aux autres fonctions de l’AMDIE. Alors que l’AMDIE a connu un pic en termes de ressources humaines et financières en 2018, également lié à la fusion des trois agences, ces ressources ont légèrement décliné en 2020 en raison probablement des contraintes budgétaires liées à la crise du COVID-19. Ces dernières années, comme reflété sur le graphique, le personnel de l’AMDIE spécialisé dans la fonction ‘investissement’ représente environ 70 % du personnel total, ce qui démontre encore l’importance de la fonction investissement au sein de l’agence.
Les fonctions principales de l’AMDIE ont évolué pour s’orienter vers davantage de création d’image et de plaidoyer politique
Dans le cadre de leur mandat principal de promotion et de facilitation des investissements, les API sont généralement des acteurs majeurs de la mise en œuvre de quatre fonctions principales : (i) la création d’image, dont l’objectif est de favoriser l’image positive du pays d’accueil et à le promouvoir comme destination d’investissement rentable ; (ii) la génération d’investissements, qui traite des techniques de démarchage et de marketing ciblant des secteurs, des pays, des projets, des activités et des investisseurs spécifiques, conformément aux priorités nationales ; (iii) la facilitation et le suivi des investissements, qui consiste à apporter un soutien aux investisseurs durant leur processus d’établissement et une fois installés ; et (iv) le plaidoyer politique, qui consiste à l’identification des goulets d’étranglement dans le climat d’investissement et à la formulation de recommandations au gouvernement afin de les résoudre. Alors que les deux premières fonctions concernent la promotion et l’attraction de l’investissement, les deux dernières traitent plutôt de sa facilitation (à savoir faciliter l’établissement et l’expansion des investisseurs).
D’après l’enquête de l’OCDE-BID auprès des API complétée par l’AMDIE en 2018 et en 2022, la part de ressources financières allouées aux fonctions de promotion est significativement plus élevée que celle allouée aux fonctions de facilitation (Graphique 5.4 Panel A). Par rapport à 2017, une part plus importante de ces ressources est maintenant allouée à la création d’image par rapport à la génération d’investissements. Cela peut correspondre à la mise en œuvre de la campagne Morocco NOW, qui, comme toute activité de création d’image, peut s’avérer coûteuse mais moins intensive en termes de personnel, ce qui explique la différence avec l’allocation du personnel (Graphique 5.4 Panel B). Cette campagne, coordonnée par l’AMDIE, représente la nouvelle identité visuelle de l’offre Maroc et vise à fédérer toutes les initiatives existantes pour promouvoir l’investissement au Maroc.
Il est toutefois surprenant d’observer que la fonction de génération d’investissements – qui représente la fonction principale des API de l’OCDE avec 42 % des ressources humaines en moyenne – ne représente plus que 30 % du budget et 10 % du personnel de l’AMDIE. La génération d’investissements est effectivement une des fonctions les plus efficaces de la promotion de l’investissement, mais elle requiert également une connaissance approfondie des secteurs et une bonne compréhension des stratégies d'internationalisation des multinationales (OCDE, 2011[7]). De façon générale, la variation entre allocation des ressources humaines et financières ainsi que celle au cours de ces quatre dernières années rendent la lecture des fonctions principales de l’AMDIE quelque peu difficile.
La fonction de facilitation et rétention et celle de plaidoyer politique représentent une part marginale des ressources financières mais nettement plus importante des ressources humaines. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’AMDIE dédie une grande partie de ses ressources (humaines en particulier) au traitement des projets qui sont soumis à la Commission national des investissements et à se concerter avec les CRI des régions ainsi que les départements ministériels concernés par lesdits projets pour étudier leur éligibilité aux avantages prévus dans le cadre du régime conventionnel. Par ailleurs, l’évolution des ressources humaines utilisées pour ces fonctions entre 2018 et 2022 est particulièrement frappante. L’AMDIE consacre une part sensiblement plus élevée de ses ressources humaines au plaidoyer politique que ses pairs de l’OCDE, ce qui pourrait être lié à l’intégration de nouveaux mandats au sein de l’agence (voir plus haut), mais ne l’explique pas entièrement. Ce choix, dans une certaine mesure, peut paraître judicieux car la crise du COVID-19 a entraîné une incertitude et une baisse des flux d’IDE qui réaffirme l’importance du rôle de plaidoyer politique des API pour soutenir un environnement des affaires sain (OCDE, s.d.[8]). Néanmoins, cette part dédiée au plaidoyer de politique semble particulièrement élevée pour une agence opérationnelle en charge principalement d’attirer et de faciliter des investissements.
En 2020, l’AMDIE a lancé Morocco NOW (www.morocconow.com), une nouvelle marque économique du Maroc visant à placer le Maroc comme plateforme industrielle et exportatrice de premier rang afin de promouvoir les investissements étrangers. Cette initiative met en avant quatre atouts distinctifs : NOW durable, NOW compétitif, NOW gage de succès et NOW agile.
Bien que cette initiative puisse être efficace pour attirer l’attention des investisseurs étrangers, il est nécessaire d’aller au-delà de telles campagnes de communication larges et coûteuses, particulièrement dans un pays comme le Maroc qui jouit déjà d’une image positive de pays stable et influent. Cette orientation devient encore plus importante dans le contexte de post-COVID-19, où des mesures d’attraction d’investissements ciblées, ainsi que de facilitation et de rétention, s’avèrent plus efficaces et pertinentes pour soutenir la reprise économique du Maroc, et devraient donc rester les fonctions principales de l’AMDIE.
5.2.2. Stratégie de promotion et d’attraction des investissements
Le cadre stratégique général donne les orientations de la promotion des IDE au Maroc
Les stratégies de promotion des investissements se doivent de présenter des orientations générales et des objectifs clairs mais également des moyens spécifiques pour les atteindre. Elles doivent s’appuyer sur les stratégies de développement économique du pays mais se concentrer sur ce que l’IDE peut apporter en plus de l’investissement national aux objectifs de développement.
Les orientations stratégiques de promotion de l’investissement au Maroc sont préparées conjointement par un ensemble de structures gouvernementales comprenant le Chef de gouvernement, le MICEPP, l’AMDIE, les CRI et des représentants du secteur privé, notamment la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). La nouvelles Charte de l’investissement s’inscrit dans le cadre de cette stratégie et fournit le régime incitatif des investissements. La préparation collégiale de la stratégie est une bonne initiative compte tenu du caractère horizontal de l’investissement. Il permet à la fois d’impulser les objectifs de développement national tout en reflétant le potentiel et les spécificités des différentes régions ainsi que les intérêts et les perspectives du secteur privé.
Les objectifs de promotion de l’investissement reflètent les grands axes de développement du pays. Ainsi, un des documents stratégiques les plus importants au Maroc est « Le nouveau modèle de développement : libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous ». Il s’agit d’un document d’orientation de politiques global préparé par la Commission spéciale sur le modèle de développement au cours de 2019-2021. Il présente un travail de diagnostic des contraintes au développement social et économique du Maroc et apporte des éléments de projection et de prospective à l’horizon 2035. Il identifie cinq leviers transformateurs d’amorçage du nouveau modèle de développement, à savoir : (i) le numérique comme levier de transformation rapide; (ii) un appareil administratif compétent et efficace ; (iii) la sécurisation des ressources nécessaires au financement des projets transformateurs ; (iv) la mise à contribution des Marocains du monde de leurs savoirs, réseaux et expertises; et (v) la mobilisation des liens de coopération avec les partenaires extérieurs du Royaume, selon une approche gagnant-gagnant (Royaume du Maroc, 2021[2]).
Les orientations stratégiques de promotion de l’investissement marocaine reflètent également les différentes stratégies sectorielles du gouvernement. Ce sont ces mêmes stratégies qui déterminent les secteurs prioritaires pour la promotion de l’IDE (voir ci-dessous). Bien que les orientations générales de promotion de l’investissement semblent bien établies au Maroc, en particulier depuis l’adoption de la nouvelle Charte de l’investissement, il serait souhaitable qu’une stratégie plus précise soit consolidée afin de donner plus de visibilité aux objectifs des autorités en termes de promotion de l’investissement et à clairement édicter les objectifs, les outils et le rôle de chaque partie prenante. Cette stratégie devrait inclure des cibles et des indicateurs plus précis, comme élaboré dans les sections suivantes. À cet effet, une stratégie de promotion de l’investissement est en cours d’élaboration par le MICEPP. D’après les autorités, elle sera également déclinée de manière sectorielle et régionale et inclura des indicateurs précis pour suivre et évaluer l’atteinte des objectifs fixés.
Le ciblage sélectif des IDE demeure relativement limité dans la stratégie de l’AMDIE
De façon plus opérationnelle, les API ont généralement la charge de la mise en œuvre de la stratégie de promotion de l’investissement et disposent d’une certaine marge de manœuvre pour leur réalisation. La priorisation des IDE est une pratique dominante dans les activités de promotion des API. Elles l’effectuent en ciblant certains investissements plutôt que d’autres, soit en raison de leur plus grande probabilité de réalisation, soit en raison des bénéfices qu’ils peuvent apporter à l’économie. La priorisation peut se faire au niveau des pays, des secteurs, des projets ou des investisseurs, ou d’une combinaison de ces facteurs. Dans les pays de l’OCDE, par exemple, 84 % des agences ciblent des secteurs particuliers, 59 % ciblent certains pays, 78 % ciblent des projets et 47 % ciblent des investisseurs (OCDE, 2018[5]).
L’AMDIE cible des secteurs spécifiques, mais s’est seulement récemment mise à proactivement cibler des pays prioritaires. D’autre part, l’agence priorise relativement peu de projets d’investissements ou d’investisseurs particuliers. Selon les autorités, les secteurs prioritaires ciblés sont les secteurs, notamment industriels, ceux à haut potentiel ainsi que les secteurs identifiés dans les stratégies sectorielles et la nouvelle charte de l’investissement (voir ci-dessus). A l’inverse, les secteurs de l’immobilier et du négoce, ainsi que l’agriculture sont exclus des activités de promotion proactive de l’AMDIE car ils demeurent la prérogative d’autres agences opérationnelles.
Un autre aspect témoignant du manque de priorisation de l’AMDIE est la multitude de critères utilisés pour cibler les secteurs prioritaires (Tableau 5.3). Les critères de sélection de ces secteurs doivent se baser sur la stratégie de promotion de l’investissement. Ils incluent aussi bien les atouts du pays que les domaines que l’IDE peut contribuer à renforcer. Par exemple, les activités de promotion doivent trouver un équilibre entre la volonté du gouvernement de diversifier l’économie et celle de s’appuyer sur des capacités locales solides. Mais il est difficile, voire impossible, d’établir une stratégie basée sur la totalité de ces critères.
Tableau 5.3. Critères utilisés par l’AMDIE et d’autres agences de pays comparateurs pour déterminer les secteurs prioritaires de promotion
Copier le lien de Tableau 5.3. Critères utilisés par l’AMDIE et d’autres agences de pays comparateurs pour déterminer les secteurs prioritaires de promotion
Maroc |
Espagne |
France |
Portugal |
Tchéquie |
Tunisie |
Moyenne OCDE |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|
Forte capacité locale |
64 % |
||||||
Potentiel de diversification de l’économie |
58 % |
||||||
Position concurrentielle vis-à-vis des autres pays |
58 % |
||||||
Impact sur l’emploi et/ou les conditions de travail |
55 % |
||||||
Liens importants avec le reste de l’économie |
48 % |
||||||
Importance pour le développement régional |
48 % |
||||||
Forte demande mondiale |
48 % |
||||||
Investissement vert |
27 % |
||||||
Existence de défaillance du marché |
21 % |
||||||
Impact sur l’environnement ou le climat |
21 % |
Note : les critères de sélection étant révisés de façon relativement fréquente, les informations concernant les pays de l’OCDE peuvent avoir changé depuis l’enquête effectuée en 2018. Il est par exemple très certain que la proportion d’API utilisant le critère de l’impact sur l’environnement ou le climat soit nettement plus important de nos jours.
Source : (OCDE-BID, 2018[3] ; OCDE-BID, 2022[4]).
L’AMDIE pourrait considérer une stratégie de priorisation plus ciblée pour ses activités de marketing et de démarchage, avec des secteurs plus détaillés et hiérarchisés ainsi que des pays, des projets ou des investisseurs prioritaires. Adopter et mettre en œuvre une telle stratégie devrait rendre le travail de l’AMDIE plus percutant et plus performant. Il est démontré qu’une priorisation plus ciblée a un impact avéré sur les décisions d’investissement des entreprises multinationales (Encadré 5.3).
Dans un contexte de ciblage et de promotion sélective, il pourrait être pertinent pour l’AMDIE d’accroître sa présence à l’étranger, soit au travers de liens renforcés avec les missions diplomatiques, soit en établissant directement des bureaux dans certains marchés clés. Les trois quarts des agences des pays de l’OCDE ont leurs propres bureaux à l'étranger, dont une bonne moitié a la responsabilité de la promotion de l’investissement et des exportations (OCDE, 2019[6]). En moyenne, l’API moyenne de l’OCDE compte 34 bureaux à l’étranger, ce qui témoigne de l’importance accordée à ce choix organisationnel. La présence à l’étranger, au moins dans certains marchés prioritaires, permet effectivement de mieux rassembler des informations de veille commerciale, de développer des prospects et de mettre en place des activités de démarchage proactifs auprès de cibles potentielles.
Une stratégie détaillée facilite également la tâche du personnel de l’agence en lui permettant de mettre en œuvre des activités de promotion plus concrètes, de suivre les progrès réalisés et de mesurer les résultats plus facilement. La mise en œuvre de la stratégie de promotion pourrait également être facilitée par la mise en place d’une unité consacrée aux secteurs prioritaires au sein de l’agence, comme c’est le cas dans plus de la moitié des API de l’OCDE. L’AMDIE devrait également se concentrer sur des projets dans des secteurs où la performance des investissements étrangers est supérieure à celle des investissements nationaux, notamment en termes de productivité et d’innovation, de développement des compétences et de la qualité d’emploi, de performance environnementale et de technologies propres, et d’inclusion économique des femmes. Dans ce contexte, le travail de l’OCDE sur les indicateurs de qualité de l’IDE pourrait s’avérer utile pour orienter les choix stratégiques de l’AMDIE (Chapitre 2)2.
Encadré 5.3. Impact de la priorisation par secteurs et par pays sur l’efficacité de l’API : l’expérience de l’Amérique latine et des Caraïbes
Copier le lien de Encadré 5.3. Impact de la priorisation par secteurs et par pays sur l’efficacité de l’API : l’expérience de l’Amérique latine et des CaraïbesLa Banque interaméricaine de développement a collecté des données au niveau de l’entreprise auprès de 12 agences nationales d’Amérique latine et des Caraïbes dans le cadre d’une série d’études d’impact des API de la région visant notamment à déterminer si leurs stratégies de priorisation (par secteur, par pays ou les deux) avaient un effet sur l’efficacité de leurs activités d’attraction des IDE.
Les résultats confirment que les stratégies de priorisation s’avèrent bel et bien importantes pour l’efficacité des API. Celles hautement spécialisées et dont les stratégies de promotion des IDE sont particulièrement ciblées sont les plus efficaces pour attirer des nouvelles entreprises multinationales. Ceci est particulièrement vrai pour les agences qui attribuent relativement plus de ressources à la génération et à la facilitation des investissements. La priorisation par pays et une combinaison de priorisation par pays et par secteur sont associées à un impact plus élevé du rôle de l’agence sur l’établissement d’un investisseur étranger dans l’économie hôte. Dans le cas de la priorisation par secteur, l’impact des activités l’API est plus élevé lorsqu’il est combiné à la présence d’un bureau dans le pays d’origine de l’investisseur étranger. L’impact des activités des API est le plus élevé dans le cas des investisseurs provenant de pays moins familiers avec le pays hôte et pour lesquels l’information est plus difficile à obtenir.
Source : (Volpe Martincus, 2021[9]).
Bien qu’il soit important que la promotion des IDE s’aligne sur les stratégies sectorielles, les autorités marocaines doivent également pouvoir adapter leur processus de sélection des secteurs prioritaires au regard du contexte post-COVID-19 et des nouvelles tendances mondiales. Ainsi, dans les pays de l’OCDE par exemple, 44 % des agences ont révisé leurs priorités sectorielles au cours de 2020-21, considérant que des facteurs tels que la transformation numérique (pour 50 % d’entre elles) ou le développement durable (44 %) exercent une influence essentielle sur la stratégie de priorisation de l’agence (Sztajerowska et Volpe Martincus, 2021[10]). L’IDE peut jouer un rôle significatif dans la transformation numérique au Maroc. Une promotion des IDE ciblée, qui repose sur un écosystème digital attractif et un climat des affaires favorable au développement du digital sont autant d’éléments essentiels pour le succès de cette démarche (De Crombrugghe et Moore, 2021[11]). Cet aspect est examiné en profondeur dans le Chapitre 8. De même, la priorité affichée d’un grand nombre de pays, notamment européens, pour développer rapidement et massivement une économie verte est une opportunité importante dans la stratégie de promotion des IDE du Maroc.
L’AMDIE a accéléré sa transition numérique pour faire face à la pandémie de COVID-19
Dans un monde dominé par la pandémie de COVID-19 en 2020-21, toutes les institutions publiques et privées ont dû adapter leurs modes et processus de travail pour y faire face. Les API n’y font pas exception et ont adopté de nouvelles pratiques de promotion de l’investissement pour répondre aux défis posés par les nouvelles technologies et s’adapter aux nouveaux modèles économiques des entreprises (Encadré 5.4).
Encadré 5.4. Numérisation de la promotion de l’investissement dans un contexte de pandémie : expérience de certaines agences de l’OCDE
Copier le lien de Encadré 5.4. Numérisation de la promotion de l’investissement dans un contexte de pandémie : expérience de certaines agences de l’OCDELa réponse au COVID-19 a considérablement accéléré la tendance à une plus grande numérisation des API. Alors que de nombreuses agences ont vu un impact immédiat de la crise sur la manière de mener leurs activités, les moyens numériques leur ont permis de continuer à servir leurs clients existants et à identifier de futurs clients. En même temps, la pandémie n’a été que le prétexte pour accélérer une tendance déjà existante de numériser plus largement les services aux investisseurs.
IDA Ireland, par exemple, a maintenu un dialogue soutenu avec ses entreprises clientes sur une base individuelle par le biais de diverses plateformes digitales et d’événements en ligne et de webinaires. Elle a développé au cours de 2020 de nouveaux outils sur-mesure pour permettre, là où c’était possible, de décrocher des investissements à distance, dont la facilitation de visites à distance de sites par les entreprises clientes. IDA Ireland a également utilisé ses capacités numériques pour offrir aux entreprises clientes une assistance pour accéder à des services de conseil en gestion.
CINDE Costa Rica a également profité de la pandémie pour accélérer ses solutions numériques, notamment en intégrant l’intelligence artificielle dans ses activités de marketing et dans ses services de mise en relation d’employeurs étrangers avec les talents existants. Business Sweden a développé une carte interactive en ligne de sélection de sites d’investissements pour aider les investisseurs à déterminer les sites disponibles les mieux adaptés à leurs besoins. Chaque site est présenté avec des détails tels que le type de propriété, la taille, les détails de l’infrastructure et les secteurs appropriés. De façon similaire, les outils numériques de Switzerland Global Enterprise aide les investisseurs à trouver un emplacement en leur donnant la possibilité de les comparer en fonction de certains critères particuliers. Ils fournissent notamment des informations sur la démographie, les données commerciales et sectorielles, et le bassin de talents.
Source : Auteur sur base de (OCDE, s.d.[8] ; De Crombrugghe et Moore, 2021[11]).
Comme la majorité des agences de l’OCDE (53 %), l’AMDIE indique que la pandémie de COVID-19 l’a considérablement incitée à utiliser davantage d’outils numériques dans ses activités de promotion des investissements. L’AMDIE accorde effectivement une grande importance à l’amélioration de son utilisation d’outils numériques et à leur intégration dans l’environnement de travail. L’agence œuvre à identifier et cartographier en temps réel les besoins du marché et repositionner son offre pour être la plus compétitive possible dans un contexte de relance économique post-crise, marqué par une importante transition numérique.
À la suite de la crise liée au COVID-19, l’AMDIE a dû intégrer un certain nombre d’outils numériques pour faire face au travail à distance, très tôt mis en place au Maroc. Ces outils ont permis de maintenir une bonne communication interne mais également de proposer de nouvelles prestations digitales comme des webinaires, des rencontres d’affaires virtuelles et des visioconférences. Ces actions ont notamment concerné la promotion des secteurs du textile et cuir, de l’agro-industrie, de l’aéronautique et de l’automobile, et ont ciblé différents marchés (Afrique, MENA, Europe).
En ce qui concerne les activités relatives à la communication et le marketing, l’AMDIE a également mené des campagnes orientées et ciblées sur les réseaux sociaux, renforçant ainsi considérablement sa présence digitale. Elle a également mis en place l’initiative Morocco NOW3, une campagne de promotion exhaustive présentant les atouts du pays, ses principales caractéristiques et secteurs économiques, et son cadre réglementaire (voir ci-dessus). L’AMDIE continue de travailler sur des projets qui ont pour objectif d’améliorer et optimiser la manière d’accompagner les exportateurs et les investisseurs, notamment au travers de la création de plateformes intelligentes et faciles d’utilisation. La mise en place d’outils digitaux de gouvernance fait également partie des priorités de l’agence, ceux-ci permettant d’assurer un meilleur suivi des actions et des décisions stratégiques qui résultent des conseils d’administration de l’agence.
Au-delà de la pandémie et des restrictions de mouvement s’y afférant, la numérisation des activités et processus des API peut les aider à devenir plus efficientes et à améliorer leurs performances. D’après les résultats d’une enquête menée auprès des pays de l’OCDE et du Maroc en 20214, les trois outils numériques les plus utilisés par les agences des pays de l’OCDE pour mener à bien leurs fonctions essentielles de promotion et de facilitation des investissements sont également ceux que l’on retrouve en premier lieu à l’AMDIE (Tableau 5.4).
Tableau 5.4. Outils numériques utilisés par l’AMDIE pour attirer des IDE en comparaison avec les agences de l’OCDE
Copier le lien de Tableau 5.4. Outils numériques utilisés par l’AMDIE pour attirer des IDE en comparaison avec les agences de l’OCDE
Maroc |
Moyenne OCDE |
|
---|---|---|
Campagnes sur les réseaux sociaux |
97 % |
|
Vidéoconférences, réunions électroniques, webinaires, foires virtuelles |
94 % |
|
Outils de communication interne, de gestion et de collaboration (par ex. cloud computing, signature électronique, messagerie interne, etc.) |
81 % |
|
Analyses « big data » (par ex. pour anticiper le comportement des investisseurs ou cibler des investisseurs spécifiques) |
47 % |
|
Cartes ou plateformes interactives en ligne avec accès aux systèmes d’information géographique (par. ex pour visualiser l’emplacement des fournisseurs locaux) |
39 % |
|
Visites virtuelles de sélection de sites et technologies basées sur la réalité virtuelle |
31 % |
|
Service numérique d’assistance à la clientèle (par ex. assistant de chat basé sur l’intelligence artificielle |
22 % |
|
Outils de marketing basés sur l’intelligence artificielle (par ex. site web alimenté par l’intelligence artificielle) |
14 % |
Source : (OCDE, 2021[12]).
Mis à part quelques exceptions notoires5, les API de l’OCDE, comme celle du Maroc, semblent s’appuyer principalement sur des outils existants et relativement simples, tels que les réseaux sociaux, plutôt que de développer des outils numériques de promotion des investissements plus sophistiqués. Par exemple, certaines agences des pays de l’OCDE utilisent des outils numériques telles que des analyses de mégadonnées (par exemple pour prédire le comportement des investisseurs ou cibler des investisseurs spécifiques), des cartes interactives en ligne disposant d’un accès à l’information géographique, des services numériques d’assistance aux clients ou des outils de marketing basés sur l’intelligence artificielle.
On note toutefois, dans le cas du Maroc, l’organisation de visites virtuelles de sélection de sites, lui permettant de conduire ses activités de marketing et de facilitation à distance. Mais cette tendance générale démontre qu’au-delà du rôle d’accélérateur qu’a eu la pandémie sur la numérisation des API, celle-ci est un processus à long terme qui nécessite une stratégie organisationnelle intégrée (De Crombrugghe et Moore, 2021[11]). L’AMDIE n’y fait pas exception et doit développer ses acquis afin de surmonter les obstacles les plus importants qu’elle a identifié au développement d’outils numériques, à savoir la difficulté de changer la culture d’entreprise, la nécessité de mettre le client au centre des solutions technologiques, le manque de compétence ou de formation adéquate, et la nécessité de se coordonner avec d’autres organismes. Le manque de compétence et de formation fait également partie des défis les plus fréquemment cités par les agences de l’OCDE.
5.2.3. Suivi et évaluation des activités de l’AMDIE
Assurer l’efficacité de l’action publique est une préoccupation constante des gouvernements et la promotion de l’investissement n’y fait pas exception. Le suivi et l’évaluation sont essentiels pour s’assurer que toute activité atteint ses objectifs, et ce de la manière la plus efficace possible, en termes de qualité et de temps. Une stratégie de promotion de l’investissement bien ficelée doit donc non seulement inclure un processus de ciblage et de priorisation adéquat, mais également un système de suivi et d’évaluation solide et des indicateurs de performance bien calibrés.
Un système de gestion de la relation client en refonte et graduellement connecté à ceux des CRI
Afin de monitorer et évaluer l’assistance fournie aux entreprises priorisées, la plupart des agences enregistrent systématiquement les informations sur cette assistance dans leur système de gestion de la relation client (Customer Relationship Management ou CRM). Le CRM est un des outils les plus utilisés pour le suivi et l’évaluation et accompagne les organisations dans la gestion de leurs relations avec les clients prospectifs ou existants et dans la collecte et l’analyse des données associées. Les API peuvent utiliser des systèmes CRM pour suivre leurs interactions avec les investisseurs et assurer un suivi de bout en bout de chaque relation prometteuse.
Parmi les pays de l’OCDE, l’écrasante majorité des agences (94 %) utilisent un logiciel CRM. Les API utilisent largement les utilisent pour surveiller l’efficacité de leurs canaux de projets d’investissement et identifier les plus performants (OCDE, 2018[5]). Au Maroc, l’ancienne agence – l’AMDI – avait un CRM fonctionnel, qui permettait de faciliter le processus de prospection et de conversion des prospects et de répertorier les interactions entre les utilisateurs et les investisseurs. D’après les autorités, ce modèle de CRM a ensuite été abandonné dû à la complexité de son utilisation et l’AMDIE est restée quelques années sans CRM suite à la fusion de 2017, ce qui a rendu l’évaluation de la performance de ses activités beaucoup plus difficile. Un nouveau CRM de gestion interne a toutefois été mis en place à l’AMDIE depuis le début de 2022 afin de piloter des actions de démarchage commerciale avec du développement spécifique. Ainsi, le CRM de l’AMDIE permet la gestion des contacts, des prospects et des projets, l’historisation et le suivi des interactions de l’AMDIE avec ses cibles potentielles et la gestion des évènements.
Afin de rendre les activités de l’AMDIE et des CRI plus pertinentes et coordonnées, il serait judicieux de connecter leurs différents systèmes de CRM, notamment pour les activités de démarchage citées ci-dessus. Un projet pilote en cours vise justement à relier le CRM de l’AMDIE à celui du CRI de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Cette initiative louable, qui devrait rendre le travail des agences plus efficaces, devrait être élargie à d’autres régions. Le changement de tutelle des CRI devrait contribuer à renforcer l’interconnexion digitale entre les CRI et l’AMDIE.
Des indicateurs de performance clé à développer pour prendre en considération l’impact des IDE
Les indicateurs de suivi et d’évaluation des API (Key Performance Indicators ou KPI) sont des indicateurs qui mesurent la performance d’une organisation et le succès à atteindre des objectifs ciblés. Ces indicateurs se départagent généralement entre les indicateurs d’activités et les indicateurs de résultats. Les premiers portent sur l’agence elle-même, ses activités (telles que le nombre de campagnes lancées), ses processus (tels que le temps de réponse) et ses résultats (tels que le nombre d’entreprises assistées) et fournit donc une indication de l’efficacité et l’efficience des mesures. Les seconds types d’indicateurs mettent l’emphase sur l’impact des investissements générés sur l’économie hôte.
L’AMDIE rapporte utiliser des KPIs opérationnels, d’impact et d’évènements. Quand on les rapporte aux catégories proposées ci-dessus, on constate que l’AMDIE est en-deçà des pays de l’OCDE en ce qui concerne l’utilisation de KPIs, aussi bien d’activités que de résultats (Tableau 5.5). Alors que l’AMDIE utilise des KPIs d’évènements qui mesurent le nombre d’évènements liées à la promotion de l’investissement et de l’exportation, il serait plus judicieux d’utiliser des indicateurs qui mesurent la performance de l’agence dans la mise en œuvre de ses activités, telles que le temps requis pour répondre aux requêtes des investisseurs ou pour organiser des visites, ainsi que la qualité des réponses fournies ou les coûts des activités. Le nombre d’évènements comptabilisé ne permet pas de mesurer de façon adéquate la performance de l’agence et de déterminer si elle répond à ses objectifs en termes d’attraction des IDE.
Tableau 5.5. Indicateurs de suivi et évaluation utilisés par l’AMDIE en comparaison avec les agences de l’OCDE
Copier le lien de Tableau 5.5. Indicateurs de suivi et évaluation utilisés par l’AMDIE en comparaison avec les agences de l’OCDE
Maroc (2022) |
Maroc (2018) |
Moyenne OCDE |
|||
---|---|---|---|---|---|
Indicateurs d’activités |
Nombre d’entreprises assistées |
65 % |
|||
Temps requis pour répondre |
50 % |
||||
Réponses aux requêtes sujettes à évaluation |
44 % |
||||
Coûts des activités |
38 % |
||||
Temps requis pour organiser des visites |
26 % |
||||
Études de marché sujettes à une revue par les pairs |
24 % |
||||
Indicateurs de résultats |
Indicateurs IDE |
Projets d’investissement |
91 % |
||
Volume total des IDE |
81 % |
||||
Nombre d’investisseurs |
66 % |
||||
Indicateurs socio-économiques |
Emploi |
88 % |
|||
Innovation / R&D |
50 % |
||||
Développement régional |
38 % |
||||
Exportations |
38 % |
||||
Image du pays |
29 % |
||||
Salaires |
26 % |
||||
Capacités des entreprises locales |
24 % |
||||
Investissement vert |
21 % |
||||
Durabilité |
18 % |
||||
Concurrence |
18 % |
||||
Recettes fiscales |
15 % |
||||
Historique des entreprises en terme de responsabilité sociale des entreprises |
6 % |
||||
Autres indicateurs |
Satisfaction des clients |
65 % |
|||
Réforme du climat des affaires |
29 % |
Note : les indicateurs étant révisés de façon relativement fréquente, les informations concernant les pays de l’OCDE, notamment les indicateurs de résultats, peuvent avoir changé depuis l’enquête effectuée en 2017-2018. Il est par exemple très certain que la proportion d’API utilisant les indicateurs d’investissement vert et de durabilité soient nettement plus importants de nos jours.
Source : (OCDE-BID, 2018[3] ; OCDE-BID, 2022[4]).
De même, l’AMDIE n’utilise pas suffisamment d’indicateurs de résultats, mis à part ceux mesurant le volume des IDE et la création d’emplois, qui sont également les indicateurs les plus courants dans le monde et les pays de l’OCDE. L’indicateur de satisfaction des clients, utilisé par 65 % des API de l’OCDE devrait être remis en place car il peut constituer un rôle de boussole pour l’agence et l’orienter dans ses services. Par ailleurs, bien que les indicateurs de résultats soient plus complexes à manier et dépendent notamment des méthodologies d’évaluation mises en place, il est important de développer quelques KPIs d’impact plus sophistiqués – notamment liés à l’innovation, au développement régional ou à la transition bas-carbone – pour s’assurer que la stratégie de promotion de l’investissement réponde aux objectifs de développement du pays (Encadré 5.5). Une stratégie de ciblage plus étroite de l’AMDIE, telle que recommandée plus haut, lui permettrait de mieux effectuer le suivi de ses activités et ses résultats, notamment en développant des indicateurs et des méthodologies spécifiques aux secteurs, pays et projets prioritaires.
Encadré 5.5. L’utilisation d’indicateurs d’investissements bas-carbone dans les pays de l’OCDE
Copier le lien de Encadré 5.5. L’utilisation d’indicateurs d’investissements bas-carbone dans les pays de l’OCDEDans leurs activités de ciblage et de priorisation des investissements, près de la moitié des API de l’OCDE ont développé des indicateurs liés à la transition bas-carbone. Ces indicateurs peuvent prendre différentes formes et avoir divers degrés de sophistication. La plupart de ces agences (dont le Chili, la Finlande, la Lettonie, les Pays-Bas et la République de Türkiye, par exemple) utilisent les secteurs bas-carbone qui sont ciblés pour développer leurs indicateurs, tandis que d’autres s’appuient sur les politiques internes des entreprises pour réduire leurs émissions de carbone (par exemple l’Islande et le Portugal) ou encore sur la propension de ces entreprises à contribuer à la décarbonation de l’économie (notamment l’Allemagne, le Canada, l’Irlande et la Suède).
Un nombre beaucoup plus limité d’agences intègrent des indicateurs bas-carbone dans leurs dispositifs de suivi et évaluation, pourtant nécessaires pour mesurer les résultats de l’agence et la contribution effective des entreprises assistées par l’API à la décarbonation de l’économie. Ainsi, les API évaluent généralement le nombre d’investissements bas-carbone par rapport à leurs objectifs (en termes de volume, de pourcentage, etc.). Certaines ont élaboré des systèmes plus sophistiqués, tel que le mécanisme de notation de la durabilité des investissements développé par Germany Trade and Invest. Un questionnaire adressé aux entreprises assistées par l’agence leur est envoyé, ce qui lui permet d’évaluer la contribution de ces entreprises à un certain nombre de domaines sur l’économie hôte dont la durabilité. Business Finland a introduit un mécanisme d’évaluation d’impact similaire basé sur des entretiens directs avec des investisseurs. Des conseillers de l’agence posent des questions aux représentants de tout nouveau projet d’investissement traitant de leur impact carbone. Bien que les sources d’informations demeurent relativement subjectives, les réponses apportées leur permettent de formuler des indicateurs de résultats précis sur la contribution des investissements attirés à la transition bas-carbone.
Source : Questionnaire de l’OCDE sur le suivi et l’évaluation et la priorisation des API (2021) ; et Questionnaire de l’OCDE sur les mécanismes de notation de la durabilité (2022).
Les aspects institutionnels du suivi et de l’évaluation sont bien en place mais pourraient être renforcés
Le suivi et l’évaluation de l’AMDIE est conduit par un département de suivi de la performance, comme dans le cas de près de deux tiers des agences de l’OCDE. Ce département, qui existe depuis la création de l’AMDIE, est attaché à la direction stratégie, veille et suivi de performance. Il a pour principales attributions :
L’identification et la mise en place des indicateurs de productivité et d’impact ;
La mise en place des reportings et des tableaux de bord de gestion ;
Le suivi des réalisations et des résultats du plan d’action business par rapport aux objectifs arrêtés ; et
Le pilotage de l’activité commerciale.
Alors que l’AMDIE indique que la numérisation croissante de son organisation l’incite à adapter la nature de ses activités de ciblage et de services aux entreprises, cette numérisation peut également contribuer à améliorer la manière dont la promotion des investissements est évaluée. Ainsi, des solutions numériques renforcent le système de suivi et évaluation en permettant une collecte de données plus précise sur le parcours de l’investissement et un meilleur stockage de l’information obtenue (Sztajerowska et Volpe Martincus, 2021[10]). Cela permet également d’améliorer les instruments d’enquête et à comprendre la satisfaction des clients à propos des services fournis.
De façon plus générale, face aux ambitions fixées par le Nouveau Modèle de Développement, le Maroc a besoin de renforcer les flux de données permettant de monitorer la politique nationale d’investissements. À cet effet, l’Observatoire de l’investissement, en cours de réflexion, sera doté d’un dispositif de collecte de données permettant de reconstituer des indicateurs de suivi et d’évaluation de la politique nationale d’investissements, en plus d’un dispositif de veille pour accompagner la mise en œuvre de la politique d’investissement, mesurer l’évolution de l’investissement et sa répartition et améliorer la connaissance de l’écosystème de l’investissement.
L’Observatoire de l’investissement aura une responsabilité de production d’intelligence économique. Son étude est en cours de finalisation.
5.3. Mettre la facilitation des investissements au service d’une reprise économique résiliente et inclusive
Copier le lien de 5.3. Mettre la facilitation des investissements au service d’une reprise économique résiliente et inclusiveLa facilitation des investissements commence lorsqu’un investisseur manifeste de l’intérêt pour une localité. Cela intègre la manière dont les requêtes des investisseurs en phase de prospection sont traitées par les autorités compétentes, notamment l’API, et les mesures visant à réduire les obstacles potentiels auxquels sont confrontés les investisseurs une fois qu’ils ont décidé d’investir. Mais la facilitation des investissements ne s’arrête pas là : encourager l’expansion des investisseurs existants et les aider à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés dans l’exploitation de leur entreprise est au moins aussi important que de faciliter de nouveaux investissements (OCDE, 2015[1]). Alors que la promotion de l’investissement est principalement l’affaire des API, sa facilitation implique souvent une approche pangouvernementale (Novik et de Crombrugghe, 2018[13]).
Le gouvernement marocain a placé la nécessité d’améliorer l’environnement des affaires et l’appareil administratif en tête de ses priorités, reconnaissant la contribution majeure du secteur privé à une croissance économique durable et inclusive (Royaume du Maroc, 2021[2]). Alors que les investissements publics représentent encore la majorité des investissements totaux du Royaume, le gouvernement vise à infléchir la tendance en encourageant l’investissement privé, conformément aux objectifs de la nouvelle charte de l’investissement qui vise à atteindre une part de 65 % d’investissement privé à l’horizon 2035. L’objectif est également de placer cette nouvelle politique de l’investissement au cœur de la relance socio-économique du Royaume.
Des mesures successives pour faciliter l’implantation de nouvelles entreprises ont été également mises en place au cours des dernières années, notamment en simplifiant, en dématérialisant et en déconcentrant les procédures et les démarches administratives. Les réformes visant à améliorer l’environnement des affaires et les mesures visant à garantir la transparence et la prévisibilité de la réglementation des affaires sont particulièrement importantes dans le contexte de la reprise économique postpandémie.
5.3.1. Réformes et numérisation de l’environnement des affaires au Maroc
La simplification, la dématérialisation et la déconcentration des démarches administratives sont au cœur des réformes de l’environnement des affaires
L’amélioration continue de l’environnement des affaires est une priorité majeure du Royaume du Maroc depuis plusieurs décennies. Après de multiples initiatives au cours de la décennie 2000, la création du Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA) en 2009 répondit à un besoin de mise en cohérence et constitua une étape importante de ce processus. Les objectifs poursuivis par la création du CNEA étaient notamment de renforcer la coordination interministérielle et le dialogue public-privé sur les questions de l’environnement des affaires, et à instaurer un pilotage stratégique des réformes directement rattaché au Chef de l’Exécutif (Encadré 5.6).
Encadré 5.6. Le CNEA en tant que plateforme de dialogue public-privé fédératrice de réformes
Copier le lien de Encadré 5.6. Le CNEA en tant que plateforme de dialogue public-privé fédératrice de réformesDepuis sa création en 2009, le CNEA a permis d’accélérer l’identification et la mise en œuvre de plusieurs réformes structurantes en matière d’amélioration du climat des affaires au Maroc. Il est présidé par le Chef du gouvernement et regroupe en son sein les départements ministériels, les agences AMDIE et Maroc PME, les représentants du secteur privé, ainsi que plusieurs partenaires concernés par le développement du secteur privé et l’amélioration de l’environnement des affaires au Maroc.
En plus d’œuvrer comme catalyseur et promoteur de réformes de l’environnement des affaires, le CNEA est avant tout une plateforme de dialogue public-privé qui offre un espace de dialogue aux différents acteurs des secteurs public et privé pour se concerter et travailler de façon collaborative. Cette plateforme de dialogue vise la mise en place et le partage d’une vision commune des réformes et l’identification des chantiers prioritaires pour le développement du secteur privé. Ce dernier est représenté par la Confédération Générale des Entreprises au Maroc, la Fédération des Chambres de Commerce, d’Industrie et des Services, et le Groupement Professionnel des Banques du Maroc.
Le CNEA est composé de groupes de travail thématiques et vise à lever, sur la base de problématiques identifiées, les contraintes obstruant le climat des affaires. Les axes de travail principaux du CNEA sont le cadre légal et réglementaire des affaires, la dématérialisation et simplification des procédures, et la mise en place de guichets uniques. Le CNEA est à la fois une force de proposition, de pilotage de la mise en œuvre et d’évaluation des réformes tant au niveau national que celui des régions.
Plus récemment, le CNEA a travaillé à la mise en place de deux plateformes électroniques :
La plateforme https://business-dialogue.ma pour garantir un dialogue permanent avec le secteur privé sur des thématiques qui intéressent les entreprises ; et
La plateforme business-barometer.ma qui permet de mesure la performance des réformes engagées par le CNEA auprès d’un panel d’entreprises représentatives du tissu économique.
Source : Autorités marocaines et www.cnea.ma.
Cette initiative, parmi d’autres, a permis au Maroc de graduellement renforcer son climat des affaires, comme en témoigne son classement à l’Indice mondial de la compétitivité du Forum économique mondial et à l’Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale. Le CNEA a joué un rôle fédérateur autour de réformes clés et les progrès se sont fait ressentir sur plusieurs aspects du climat des affaires, notamment la création d’entreprises (Chauffour, 2018[14]).
Ces dernières années, le Royaume du Maroc a pris une série d’initiatives supplémentaires pour améliorer son environnement des affaires et faciliter l’investissement. Plusieurs priorités, qui se renforcent l’une l’autre, sont au cœur de l’action du gouvernement, notamment la simplification des procédures et démarches administratives, la déconcentration des décisions administratives et de l’accompagnement des investisseurs, et la numérisation et dématérialisation des services publics. Ces démarches s’inscrivent dans les objectifs plus larges de développement du numérique et de réforme de l’appareil administratif, qui figurent tous deux parmi les cinq leviers du changement du Nouveau Modèle de Développement (Royaume du Maroc, 2021[2]). Le numérique est présenté comme un levier efficace pour augmenter la confiance entre le citoyen, les entreprises et l’État, tandis que la réforme de l’administration est considérée comme une condition de réussite du nouveau modèle.
Ainsi, les autorités marocaines ont promulgué la Loi n°47-18 en février 2019 portant réforme des CRI qui vise la transformation de ces centres en établissements publics, instaure des Commissions Régionales Unifiées d’Investissement (CRUI) – en charge de l’examen et de l’instruction des dossiers d’investissement – et institue une commission interministérielle de pilotage. Les CRI sont donc devenus des entités publiques chargées de l’accompagnement des investisseurs dans la réalisation de leurs projets d’investissement, d’accompagner les PME, d’analyser les demandes pour bénéficier des subventions de l’État, de participer à la mise en œuvre de stratégies de promotion d’investissement et de jouer un rôle de médiation en cas de différends avec l’administration. L’un des projets prioritaires de la feuille de route de la réforme des CRI a consisté en la mise en place de la plateforme digitale CRI-INVEST (www.cri-invest.ma) en vue d’harmoniser, de simplifier et de dématérialiser les formalités et procédures de dépôt et de traitement des dossiers d’investissement et de leur instruction par les CRUI. Cette plateforme, partagée avec l’ensemble des administrations régionales concernées, permet le dépôt dématérialisé des dossiers d’investissements et la gestion de bout en bout des demandes d’actes et d’autorisations formulées par les investisseurs.
Un an plus tard, la Loi n° 55-19 sur la simplification des procédures et formalités a introduit des changements majeurs dans les principes de base des procédures et formalités administratives pour le traitement des demandes des usagers, tout en encourageant l’administration à promouvoir un climat propice au développement et aux investissements via notamment le renforcement de la transparence, le raccourcissement des délais de réaction de l’administration et la publication des lois, réglementations et mesures liées à l’investissement. Cette loi prévoit cinq ans pour la simplification et la digitalisation des actes et procédures administratives et instaure les principes généraux et les fondements encadrant la digitalisation de ces procédures.
Afin de libérer le plein potentiel des investisseurs et faciliter l’acte d’entreprendre, le gouvernement s’est engagé en 2022 dans la préparation d’une nouvelle feuille de route à l’horizon 2026 pour l’amélioration du climat des affaires. Cette feuille de route, élaborée conjointement par le MICEPP – doté d’une direction dédiée au climat des affaires – et les équipes du CNEA, en concertation avec les parties prenantes publiques et privées, adresse plusieurs chantiers stratégiques :
Le premier pilier vise à améliorer les conditions structurelles de l’acte d’investir et d’entreprendre, à travers le renforcement du cadre relatif au droit des affaires, l’optimisation, la digitalisation et la déconcentration des procédures administratives et le renforcement de la coordination et de la veille en matière d’environnement des affaires.
Le deuxième pilier vise le renforcement de la compétitivité nationale, à travers la mobilisation des financements pour une meilleure relance économique, l’amélioration de l’accès aux énergies renouvelables et la décarbonation industrielle, le renforcement de l’accès au foncier et le renforcement de la compétitivité logistique.
Le troisième pilier vise le développement d’un environnement propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation, à travers le développement des dispositifs de soutien aux PME et Startups, la promotion de l’innovation, des activités de R&D et de la culture entrepreneuriale, et le renforcement de l’offre de formation et de la performance du capital humain.
Le pilier transversal vise le renforcement de l’éthique, de l’intégrité et la prévention de la corruption.
D’après les autorités, plus de 70 % des initiatives incluses dans la feuille de route 2023-2026 relative à l’amélioration du climat des affaires ont déjà été lancées depuis leur annonce en mars 2023.
De nombreuses initiatives de numérisation des services publics auprès des entreprises ont été mises en œuvre par différentes parties prenantes de l’administration. Ainsi, par exemple, le ministère de la Justice a contribué aux efforts de dématérialisation des services aux investisseurs, notamment en instaurant un guichet virtuel unique pour l’immatriculation des entreprises au registre de commerce, en adoptant la signature électronique, en instaurant le paiement électronique pour le recouvrement des taxes, des frais de justice et des amendes, et en mettant en place une plateforme d'échange électronique entre les avocats et les tribunaux. Le Ministère de l’Aménagement du Territoire National a mis en ligne un géo-portail (http://www.taamir.gov.ma) permettant à l’ensemble des agences urbaines de publier leurs documents d’urbanisme homologués avec une nomenclature unifiée, accessible aux citoyens et professionnels et offrant des notes de renseignements urbanistiques indicatives, facilitant ainsi l’accès à l’information sur l’ensemble de l’information urbanistique nécessaire à l’investissement. De leurs côtés, alors que la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) œuvre pour consolider la confiance numérique au travers de missions d’assistance, de sensibilisation et d’information du secteur privé, la Commission du droit d’accès à l’information (CDAI) joue un rôle de sensibilisation sur l’importance de faciliter l’accès à l’information, et émet des recommandations pour améliorer la qualité, la transparence, l’accessibilité et la simplification des procédures administratives.
Ces réformes ont permis la numérisation d’un grand nombre de procédures et démarches administratives au Maroc. D’après l’enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et l’économie numérique conduite en 2021, la majorité des procédures et des exigences requises pour investir et établir son entreprise sont disponibles en ligne au Maroc, comme dans 47 % des pays de l’OCDE (De Crombrugghe et Moore, 2021[11]). Ce processus n’est toutefois pas encore entièrement numérisé, comme dans près d’un tiers des pays de l’OCDE. L’AMDIE rapporte également que plusieurs procédures spécifiques peuvent se faire en ligne, entièrement ou partiellement, comme dans la majorité des pays de l’OCDE (Graphique 5.5).
Il reste néanmoins un certain chemin à parcourir afin d’améliorer la qualité du service public au Maroc, y compris au travers de la numérisation, et de rendre ainsi des services aux investisseurs plus rapides et efficients. La Banque mondiale estime que la qualité de la réglementation fait encore partie des lacunes importantes de l’environnement des affaires au Maroc (Banque mondiale, 2021[15]). La simplification des procédures administratives pour les entreprises demeure une priorité majeure pour le secteur privé, aussi bien en termes de longueur et de visibilité des délais que de nombre d’autorisations et d’interactions avec les services publics (CGEM, 2021[16]). Ainsi, les entreprises marocaines passent en moyenne encore 200 heures par année en contact avec les services publics avec un taux d’insatisfaction d’environ 70 % (CNEA, 2021[17]). Deux tiers des entreprises estiment aussi que la complexité des procédures constitue un obstacle au bon déroulement de leur activité (ibid.). L’accès au foncier demeure également un obstacle à l’acte d’investir fréquemment cité par le secteur privé (voir Chapitre 3). Les goulets d'étranglement bureaucratiques affectent par ailleurs le processus d'approbation des projets, et créent un risque de dépassement des coûts qui peut dissuader les investisseurs. L'efficacité dans l'élimination de ces obstacles sera cruciale si le Maroc veut capitaliser sur ses avantages géographiques et économiques.
Les autorités marocaines pourraient, dès lors, envisager de passer à un système déclaratif (ou de cahier des charges), où les nouveaux investissements sont autorisés de prime abord s’ils répondent à un certain nombre de critères préétablis. La charge revient ainsi à l’administration de vérifier, à posteriori et dans un certain délai, si l’entreprise rempli les différents critères. Ainsi, en République de Türkiye par exemple, depuis l’adoption de la loi de 2018, les entreprises à capitaux étrangers doivent notifier les IDE au ministère de l’Industrie et de la Technologie, mais une autorisation n’est requise que pour établir des bureaux de liaison.
Par ailleurs, alors que le niveau de digitalisation est considéré comme encore insuffisant, le Département de la Réforme Administrative marocain a réalisé une étude couvrant la totalité des départements ministériels et près d’un tiers des établissements publics (Royaume du Maroc, 2019[18]).
Celle-ci vise à mesurer la maturité des services publics électroniques en les classant en quatre niveaux :
Niveau 1 : informationnel
Niveau 2 : transactionnel
Niveau 3 : dématérialisé partiellement
Niveau 4 : dématérialisé complètement
D’après les autorités marocaines, l’étude a conclu que, sur 453 services et démarches électroniques recueillis, une grande majorité (46 %) sont de niveau informationnel, alors que 28 % sont de niveau dématérialisation partielle et seulement 23 % sont digitalisés de bout en bout.
Afin de renforcer ce processus, l’ADD a élaboré une Note d’orientations générales pour le développement du digital au Maroc à horizon 2025, qui ambitionne – parmi d’autres objectifs de numérisation de l’économie et de la société – d’améliorer la qualité des services publics (Royaume du Maroc, 2020[19]). La note ébauche les actions à mettre en place pour avoir dans les cinq prochaines années une administration digitale au service des citoyens et des entreprises, avec comme objectif un taux de satisfaction de plus de 85 %.
Les réformes nationales sont complétées par des initiatives internationales
La facilitation de l’investissement est un sujet qui a été mis à l’agenda des discussions internationales ces dernières années, notamment depuis la mise en place du groupe de travail sur le commerce et l’investissement du G20 sous la présidence chinoise en 2016 (Novik et de Crombrugghe, 2018[13]). Ce thème est également au centre de la négociation de certains nouveaux traités bilatéraux d’investissement, notamment du Brésil ou de l’Union européenne. Mais plus important encore, la facilitation de l’investissement fait l’objet de négociations à l’OMC depuis 2017 (Encadré 5.7). Cette initiative est prometteuse dans le sens où elle contribue à mettre l’IDE au centre des discussions internationales liées à la relance économique mondiale, à utiliser l’investissement pour promouvoir le développement, à encourager des réformes nationales du climat de l’investissement et à renforcer la confiance dans le système économique multilatéral.
Le Maroc a adhéré à l’initiative de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement le 5 juin 2020 et a présenté sa propre proposition de cadre multilatéral en la matière le 27 décembre de la même année – proposition qui converge avec les objectifs de ladite initiative. La participation aux travaux de l’OMC s’appuie également sur l’adoption d’un nouveau modèle d’accord de promotion des investissements élaboré en concertation avec la CNUCED et qui s’aligne sur les recommandations de l’OCDE, ainsi que la ratification de plusieurs conventions internationales relatives à la garantie et à la protection des investissements.
L’enjeu de la participation du Maroc à cette initiative est double. D’une part, il s’agit de faire valoir les réformes menées au niveau national pour drainer davantage d’IDE, et d’autre part, faciliter la réalisation des investissements marocains à l’étranger, notamment en Afrique où le Maroc est le deuxième investisseur africain sur le continent. Le Maroc se positionne donc comme de nombreuses autres parties prenantes de l’initiative, qui y voient un bénéfice aussi bien en tant que récepteurs que pourvoyeurs d’IDE.
L’OCDE encourage le Maroc à poursuivre sa participation active à ces négociations ainsi qu’à la préparation de leur mise en œuvre, afin de continuer à mettre l’IDE au centre de sa politique économique extérieure, de démontrer sa volonté de continuer à conduire des réformes de son climat de l’investissement et d’encourager des réformes dans les pays où le Maroc opère en tant qu’investisseur étranger. En vertu des provisions de l’accord, le Maroc se doit de se doter d’un point focal pour la facilitation de l’investissement. Alors que la négociation a été conduite conjointement par le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Industrie et du Commerce, il pourrait être opportun que le Maroc sélectionne l’AMDIE – ou son ministère de tutelle – pour un tel rôle vu qu’elle exerce déjà le rôle de point focal national pour les investisseurs étrangers.
Encadré 5.7. La facilitation de l’investissement pour le développement à l’OMC
Copier le lien de Encadré 5.7. La facilitation de l’investissement pour le développement à l’OMCLancée par un groupe de pays en développement et moins avancés de l’OMC, l’Initiative conjointe sur la facilitation de l’investissement pour le développement vise à élaborer un accord multilatéral ou plurilatéral pour améliorer le climat des investissements et permettre aux investisseurs d’investir plus facilement, de mener à bien leurs activités et d’étendre plus facilement leurs opérations. Alors que l’initiative regroupait 70 pays membres à ses débuts, elle en comptait 112 au début de 2022, suite à la Déclaration conjointe de décembre 2021.
Les discussions s’articulent autour des thèmes suivants :
Améliorer la transparence et la prévisibilité des mesures d’investissement ;
Simplifier et accélérer les procédures administratives liées aux investissements ;
Renforcer le dialogue entre les gouvernements et les investisseurs, et promouvoir les pratiques de conduite responsable des entreprises, et la prévention et la lutte contre la corruption ; et
Assurer un traitement spécial et différencié, une assistance technique et un renforcement des capacités pour les pays en développement et les pays les moins avancés.
L’initiative ne couvre pas l’accès au marché, la protection des investissements et le règlement des différends entre investisseurs et États.
Source : www.wto.org.
5.3.2. Les services de l’AMDIE et les CRI pour maintenir un environnement de confiance avec les investisseurs étrangers et favoriser leur ancrage dans l’économie locale
Les services de facilitation et de suivi de l’AMDIE nécessitent une coordination optimale avec les CRI
Les API, qu’elles soient nationales ou infranationales, jouent un rôle important dans le soutien aux investisseurs étrangers une fois leur décision d’investir étant prise. Elles peuvent jouer un rôle important à tous les niveaux du parcours de l’investisseur, à savoir une assistance à la définition de projet, l’appui aux démarches administratives, les services de suivi (ou aftercare) tels que l’identification de partenaires locaux ou de résolution de litiges, et le plaidoyer de politiques pour proposer des réformes structurelles du climat des affaires.
Au niveau des agences d’exécution, la facilitation de l’investissement étranger et les activités de suivi au Maroc sont principalement départagées entre l’AMDIE et les CRI. L’AMDIE, pour sa part, assure un accompagnement de bout en bout des investisseurs comprenant l’identification des projets d’investissement à fort potentiel, l’apport d’informations sur le cadre réglementaire et juridique des affaires au Royaume, l’accompagnement dans les démarches d’implantation et d’investissements, la facilitation des contacts avec les instances administratives et les partenaires locaux, et le soutien à un meilleur environnement des affaires au Maroc. L’agence est en train de mettre en place un Centre Aftercare axé sur la proximité avec les investisseurs, par le biais de rencontres individualisées régulières et des visites sur site, ainsi qu’à travers des enquêtes de satisfaction. Étant donné l’importance de cette fonction pour la pérennisation des investissement existants, il est impératif que le Centre Aftercare soit opérationnel le plus rapidement possible.
Les CRI, quant à eux, fonctionnent comme guichets uniques œuvrant à l’examen des dossiers d’investissement, l’accompagnement des investisseurs pour l’obtention des autorisations et actes administratifs nécessaires et un suivi aux entreprises (notamment les PME) dans leur développement et leurs éventuelles difficultés. Ils contribuent également au règlement à l’amiable des différends, notamment au travers de missions de conciliation avec les administrations et organismes publics concernés lors de la réalisation ou de l’exploitation des projets d’investissement.
L’appui de l’AMDIE dans les différents domaines de la facilitation de l’investissement en fait une agence compétitive sur ces fonctions, notamment en comparaison avec les API de l’OCDE (Graphique 5.6, Panel A). Un grand nombre de ces activités sont menées conjointement avec les CRI, notamment les activités de facilitation et de suivi alors que celles de plaidoyer sont menées de façon plutôt autonome (Graphique 5.6, Panel B).
L’AMDIE et les CRI ont institutionnalisé leur coordination par l’intégration de cette première dans les conseils d’administration de ces dernières. D’après les autorités marocaines, l’AMDIE et les CRI partagent un certain nombre de tâches, notamment :
L’accompagnement des investisseurs, grâce à un partage des différents canevas et informations nécessaires pour le montage des dossiers d’investissement et à une coordination pour faciliter le contact entre les investisseurs avec les partenaires au niveau central et local ;
Les travaux des comités techniques de préparation et de suivi, au travers notamment de la réception des dossiers d’investissement au niveau local, de l’instruction des projets de conventions d’investissement au niveau régional et de la transmission de l’avis à l’AMDIE, ainsi que de la participation aux réunions du comité technique de préparation et de suivi par l’AMDIE ;
Le suivi des projets conventionnés au niveau local et les visites de constat et préparation des attestations nécessaires pour le déboursement des subventions d’investissement par le comité central ; et
Le suivi aux investisseurs, avec notamment la participation des CRI aux visites proposées par l’AMDIE et à la résolution des requêtes des investisseurs en collaboration avec les CRI.
À l’avenir, il est important que l’AMDIE et les CRI continuent à se répartir les tâches de facilitation de l’investissement de façon optimale afin de ne pas risquer de réduire leur impact, de faire passer des messages contradictoires aux investisseurs ou de favoriser une concurrence indésirable entre régions. Leur passage sous la même tutelle devrait favoriser cette tendance mais il est important de continuer à s’assurer que leurs activités ne se chevauchent pas et n’entrent pas en concurrence les unes avec les autres. Alors que l’AMDIE doit maintenir une vision et une action intégrée, elle doit continuer à favoriser des activités de promotion et de plaidoyer afin de laisser une place plus grande aux CRI dans les activités de facilitation et suivi. De façon générale, les API régionales sont des organisations locales plus proches de l’investisseur et de son environnement immédiat, et il est avéré que cette proximité leur permet d’influer efficacement sur les conditions opérationnelles de l’investissement en réduisant notamment les asymétries d’information et les défaillances institutionnelles (Crescenzi, Di Cataldo et Giuac, 2021[20]). La capacité des CRI à influencer les entrées d’IDE en supprimant les obstacles opérationnels et administratifs des investisseurs est donc un grand atout dans la politique d’attraction des IDE au Maroc. Cet aspect est examiné plus en détails dans le Chapitre 6.
La promotion des liens IDE-PME au cœur des services de suivi de l’AMDIE
La fonction de suivi est devenue particulièrement importante dans le contexte de la crise de COVID-19. Alors que celle-ci affecte les entreprises du monde entier, les API ont considérablement intensifié leurs activités de suivi pour aider les investisseurs existants à y faire face et pour soutenir leurs investissements ou opérations en cours (OCDE, s.d.[8]). Au Maroc, le processus de suivi a également été renforcé et les outils y afférant digitalisés avec comme objectif la pérennisation des investissements. Pour que ces services soient efficaces, ils doivent se concentrer sur les investisseurs qui ont la plus grande propension à étendre leurs activités et sur ceux qui ont le plus fort impact sur le développement durable du pays, que ce soit en termes de gains de productivité, de création d’emplois de qualité, de développement de l’économie verte ou de liens avec l’économie locale. Par souci de cohérence, d’efficacité et de développement des connaissances sectorielles, l’AMDIE devrait concentrer ses activités proactives de suivi sur les entreprises qui opèrent dans les mêmes industries et secteurs que ceux choisis pour attirer et générer des investissements (voir première partie du chapitre). Inversement, sa stratégie de promotion de l’investissement doit également se baser sur les atouts de l’économie locale afin de maximiser les possibilités de liens entre les investissements étrangers générés et les PME marocaines.
En effet, les multinationales ne s’engagent pas de façon automatique dans des relations avec des fournisseurs locaux – même lorsque les entreprises locales sont suffisamment compétitives. Si ce n’est à cause de contrats préexistants, cela peut être par facilité ou manque d’informations collectées auprès d’entreprises locales. Ces lacunes peuvent donc être comblées par des mesures ciblées pour faciliter l’échange d’informations. Ainsi, dans ses activités de suivi, l’AMDIE – comme beaucoup d’API de par le monde – est active dans la promotion de partenariats et de liens d’affaires entre investisseurs étrangers et fournisseurs locaux, notamment parmi les PME marocaines (Tableau 5.6). Différents programmes sont en place, notamment une base de données des fournisseurs locaux et des services de rencontres et mises en relation d’entreprises. La base de données est mise à jour chaque année et inclut la liste de tous les produits/services offerts par les fournisseurs locaux, leur localisation géographique ainsi que d’autres caractéristiques spécifiques (par exemple leur année d’établissement ou leur taille).
Tableau 5.6. Activités de l’AMDIE et des agences de l’OCDE pour la promotion des liens d’affaires entre investisseurs étrangers et fournisseurs locaux
Copier le lien de Tableau 5.6. Activités de l’AMDIE et des agences de l’OCDE pour la promotion des liens d’affaires entre investisseurs étrangers et fournisseurs locaux
Maroc (2022) |
Maroc (2018) |
Moyenne OCDE |
||
---|---|---|---|---|
Programmes de liens d’affaires |
Base de données des fournisseurs locaux |
67 % |
||
Mise en relation entre investisseurs étrangers et entreprises locales |
64 % |
|||
Soutien au renforcement des capacités des entreprises locales |
39 % |
|||
Programmes de recrutement du personnel |
Assistance au recrutement du staff local |
39 % |
||
Programmes d’éducation ou de formation du staff local |
21 % |
|||
Autres |
Programmes de clusters |
48 % |
Source : (OCDE-BID, 2018[3] ; OCDE-BID, 2022[4]).
Des études ont montré que les investisseurs étrangers établis de longue date, du fait de leur connaissance du contexte local, sont plus enclins à faire appel à des fournisseurs locaux plutôt que de s’approvisionner à l’étranger (Farole et Winkler, 2014[21]). Un suivi actif des investisseurs étrangers peut ainsi soutenir le double objectif de les aider à s’ancrer dans l’économie locale, tout en renforçant les retombées positives de leurs investissements sur le développement local.
Une coordination optimale de l’AMDIE et des CRI avec Maroc PME est évidemment indispensable pour que ces services de mise en relation soient fructueux et bénéficient aussi bien aux investisseurs étrangers qu’aux PME marocaines. Dans tout pays, la nature des politiques visant à renforcer les retombées de l’IDE sur les PME requiert des mesures dans différents domaines politiques liés à la promotion et à la facilitation des investissements, mais également à l’internationalisation des PME, à l’innovation et au développement régional. Quel que soit le cadre institutionnel qui régit ces domaines politiques, des mécanismes de coordination appropriés doivent être mis en place pour assurer l’alignement des politiques entre les départements ministériels, les agences d’exécution et les organes consultatifs (Encadré 5.8). La collaboration avec les CRI est particulièrement importante au vu de l’élargissement de leur mission à l’accompagnement des PME depuis la promulgation de la Loi n°47-18 en 2019. Il est essentiel que cette coordination se fasse aussi bien par des canaux formels qu’informels et soit complétée par des consultations régulières avec le secteur privé sur ses besoins en termes de fournisseurs locaux.
Enfin, l’AMDIE et les CRI peuvent également envisager d’utiliser leurs services de suivi aux investisseurs pour promouvoir une conduite responsable des entreprises existantes et les encourager à se conformer plus systématiquement à leurs obligations législatives, telles que celles sur le respect des droits de l’homme, la protection de l’environnement, les relations de travail et la responsabilité financière, ainsi que d’adopter des pratiques responsables et durables dans leurs opérations commerciales (voir Chapitre 7).
Encadré 5.8. Le cadre institutionnel et de politiques pour encourager les retombées des IDE sur les PME : le cas du Portugal
Copier le lien de Encadré 5.8. Le cadre institutionnel et de politiques pour encourager les retombées des IDE sur les PME : le cas du PortugalBien que le Portugal ait été fortement touché par la crise du COVID-19, notamment dû à une population importante de microentreprises ayant une capacité limitée à s’adapter aux mesures de confinement strictes, les liens de la chaîne de valeur entre les entreprises étrangères et locales demeurent bien établis. Les filiales étrangères établies au Portugal s’approvisionnent de façon intensive auprès de fournisseurs locaux (souvent des PME), en particulier dans le secteur manufacturier de haute technologie et les services de moindre technologie, ce qui accroît les opportunités de retombées positives dans ces secteurs. En outre, les entreprises portugaises bénéficient des intrants (de qualité) produits localement par les filiales étrangères.
La conception et la mise en œuvre de politiques permettant des retombées positives des IDE sur les PME locales couvrent plusieurs domaines de politiques au Portugal et impliquent donc de nombreuses institutions publiques. Les principales agences d’exécution – à savoir AICEP (l’agence de promotion de l’investissement portugaise), IAPMEI (l’agence de la compétitivité et l’innovation des PME), ANI (l’agence nationale de l’innovation), et dans une moindre mesure AD&C (l’agence pour la cohésion et le développement) – rendent compte à différents ministères de tutelle et opèrent dans des domaines politiques spécifiques, ce qui rend la coordination interinstitutionnelle impérative. La collaboration interministérielle est facilitée par trois conseils consultatifs de haut niveau qui se concentrent sur les domaines de l’entrepreneuriat et de l’innovation, du développement régional et de l’internationalisation de l’économie. L’essentiel de la coordination se fait cependant au niveau des agences d’exécution, à la fois par des canaux formels et informels. Ainsi, une majorité des politiques de diffusion IDE-PME (52 %) impliquent un élément de collaboration dans leur formulation et mise en œuvre.
Au niveau des politiques, celles-ci présentent un degré de sélectivité relativement élevé, motivé par des stratégies nationales et régionales de spécialisation intelligente. De nombreuses politiques ciblent des catégories d’entreprises spécifiques – en particulier les PME –, des secteurs prioritaires et des activités de la chaîne de valeur, ainsi que des zones géographiques particulières. Les politiques portugaises ont comme objectifs principaux l’attraction des IDE à forte intensité de connaissances, le renforcement des capacités d’absorption des PME et la promotion des partenariats IDE-PME.
Source : (OCDE, 2022[22]).
Références
[15] Banque mondiale (2021), Rapport de suivi de la situation économique au Maroc: de la reprise à l’accélération, https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/932951641921316905/morocco-economic-monitor-from-recovery-to-acceleration.
[16] CGEM (2021), Livre blanc: Vers une croissance économique soutenue, responsable et durable, https://drive.google.com/file/d/1iW8CEiZimb-9BpDp7Los88FswxIgGiDa/view.
[14] Chauffour, J. (2018), Le Maroc à l’horizon 2040 : investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique, https://doi.org/10.1596/978-1-4648-1078-7.
[17] CNEA (2021), Politique nationale d’amélioration de l’environnement des affaires au Maroc: Feuille de route 2021-2025, https://www.cnea.ma/sites/default/files/docuemtns_publications/Rapport%20Politique%20Nationale%20VF.pdf.
[20] Crescenzi, R., M. Di Cataldo et M. Giuac (2021), « FDI inflows in Europe: Does investment promotion work? », Journal of International Economics, vol. 132, https://doi.org/10.1016/j.jinteco.2021.103497.
[11] De Crombrugghe, A. et S. Moore (2021), « Investment Promotion and the Digital Economy: A Comparative Analysis of Investment Promotion Practices Across the OECD », OECD Investment Insights, https://www.oecd.org/daf/inv/investment-policy/Investment-Insights-Investment-Promotion-Digital-Economy-OECD.pdf.
[21] Farole, T. et D. Winkler (2014), Making Foreign Direct Investment Work for Sub-Saharan Africa : Local Spillovers and Competitiveness in Global Value Chains, World Bank, https://doi.org/10.1596/978-1-4648-0126-6.
[13] Novik, A. et A. de Crombrugghe (2018), « Towards an International Framework for Investment Facilitation », OECD Investment Insights, https://www.oecd.org/investment/Towards-an-international-framework-for-investment-facilitation.pdf.
[22] OCDE (2022), Strengthening FDI and SME Linkages in Portugal, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d718823d-en.
[12] OCDE (2021), Enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et l’économie numérique.
[6] OCDE (2019), « Cartographie des agences de promotion de l’investissement Moyen-Orient et Afrique du Nord », n° 49, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/961fae8b-fr.
[5] OCDE (2018), Mapping of investment promotion agencies in OECD countries, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/098e4f0e-en.
[1] OCDE (2015), Cadre d’action pour l’investissement, édition 2015, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264235441-fr.
[7] OCDE (2011), Attractiveness for Innovation: Location Factors for International Investment, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264104815-en.
[8] OCDE (s.d.), OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5b0fd8cd-en.
[4] OCDE-BID (2022), Enquête OCDE-BID auprès des API: Maroc.
[3] OCDE-BID (2018), Enquête OCDE-BID auprès des API: OCDE et MENA.
[2] Royaume du Maroc (2021), Le nouveau modèle de développement : libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous, https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.
[19] Royaume du Maroc (2020), Note d’orientations générales pour le développement du digital au Maroc à horizon 2025, https://add.gov.ma/storage/pdf/Avril_NOG_ADD_fr_SITE_VF.pdf.
[18] Royaume du Maroc (2019), Recueil des services électroniqueset l’évalusation de leur maturité, https://ereadiness.service-public.ma/.
[10] Sztajerowska, M. et C. Volpe Martincus (2021), « Together or Apart: Investment Promotion Agencies’ Prioritisation and Monitoring and Evaluation for Sustainable Investment Promotion », OECD Investment Insights, https://www.oecd.org/daf/inv/investment-policy/Investment-Insights-Investment-Promotion-Prioritisation-OECD.pdf.
[9] Volpe Martincus, C. (2021), Making Invisible Visible: Multinational Production and Investment Promotion in Latin, https://doi.org/10.18235/0003807.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. Pour plus d’informations sur les cartographies des agences de promotion de l’investissement dans les différentes régions du monde, veuillez consulter : https://www.oecd.org/investment/investment-promotion-and-facilitation.htm.
← 2. Pour plus d’informations, veuillez consulter : https://www.oecd.org/investment/fdi-qualities-indicators.htm.
← 3. Pour plus d’information, voir le site Morocco NOW accessible au lien suivant https://www.morocconow.com/.
← 4. L’OCDE a conçu une enquête pour collecter des informations systématiques sur la promotion des investissements et la numérisation. Les résultats permettent, d’une part, d’explorer comment les API ont adapté leurs priorités pour promouvoir les IDE dans l’économie numérique et, d’autre part, d’analyser comment les API ont adapté leurs façons de travailler avec des solutions numériques pour attirer et aider les entreprises. L'enquête a été partagée avec les représentants d’API des pays de l’OCDE et de la région MENA, y compris le Maroc.
← 5. Les API du Costa Rica, d’Estonie, de Finlande et de Türkiye sont, parmi les agences de l’OCDE, celles qui offrent les palettes les plus larges d’outils numériques de promotion des IDE.