Timothy Shipp
Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER)
Kunal Sen
UNU-WIDER
Patricia Justino
UNU-WIDER
Timothy Shipp
Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER)
Kunal Sen
UNU-WIDER
Patricia Justino
UNU-WIDER
Ce chapitre examine les résultats d’un programme de recherche mondial sur cinq ans qui peuvent orienter les décideurs nationaux et les programmes de coopération pour le développement vers les solutions les plus efficaces pour lutter durablement et simultanément contre la pauvreté et les inégalités. Pour que ces efforts portent leurs fruits, il faut augmenter les budgets publics, renforcer l’équité fiscale et élargir considérablement la protection sociale, mais aussi déployer des efforts ciblés visant à faire entrer dans l’économie formelle les travailleurs informels et à accroître la mobilité de la main-d’œuvre. Ce chapitre présente plusieurs exemples, notamment l’extension du congé de maternité obligatoire au Viet Nam, ou des programmes de transferts en numéraire en Afrique du Sud, en Équateur et en Zambie, entre autres ; le renforcement du système fiscal en Tanzanie et en Ouganda, et les politiques de salaire minimum et de protection par l’État pour les travailleurs des secteurs vulnérables durant la transformation structurelle en Indonésie.
Les auteurs remercient les équipes de recherche de l’UNU-WIDER pour leurs suggestions et contributions supplémentaires, ainsi que les contributeurs au programme de travail 2019‑23, dont les plus de 800 travaux de recherche forment la base des connaissances synthétisées dans ce chapitre. Pour une synthèse plus approfondie de ces travaux, voir UNU‑WIDER, https://www.wider.unu.edu/publication/towards-peace-decent-work-and-greater-equality.
Les pays à revenu faible ou intermédiaire ont besoin d’une plus grande capacité budgétaire pour investir dans une action publique qui réduise les inégalités notamment entre les genres, stimule la mobilité sociale et élimine l’extrême pauvreté.
Les stratégies de réduction de la pauvreté ont plus de chances de réussir si elles sont associées à des politiques de soutien à la transformation économique.
Les programmes qui appuient l’expansion des systèmes de protection sociale et améliorent les moyens de subsistance et les conditions de travail des travailleurs informels les plus vulnérables comptent parmi les moyens les plus efficaces de garantir des progrès inclusifs dans la réalisation des objectifs mondiaux.
Il est essentiel d’améliorer la disponibilité des données et les capacités locales afin d’analyser les effets des réformes des régimes fiscaux et des systèmes de prestations sur la pauvreté et les inégalités, de manière à accroître les ressources financières nationales dans les « pays du Sud » et à encourager une gestion macroéconomique prudente.
Pour consolider les progrès réalisés en matière de réduction des inégalités et permettre aux populations d’échapper à la pauvreté sur le long terme, les objectifs des politiques publiques et des programmes devraient se concentrer sur l’augmentation continue des revenus des ménages et l’expansion constante de la classe moyenne.
La pauvreté et les inégalités sont à la fois des moteurs et des conséquences de la fragilité et du conflit. Les efforts de renforcement de l’État qui tiennent compte de la sécurité économique et des besoins sociopolitiques des populations locales sont plus susceptibles de parvenir à faire reculer ces deux problèmes à long terme.
À l’approche de l’échéance de 2030 pour les Objectifs de développement durable (ODD), une avalanche de chocs économiques mondiaux a réduit à néant une grande partie des progrès réalisés depuis 2015. Des projections récentes montrent clairement que les progrès accomplis dans la réalisation de certaines cibles critiques des ODD liés à la pauvreté sont déjà compromis, ce qui menace la vie et les moyens de subsistance de centaines de millions de personnes (Yusuf et al., 2023[1] ; Yusuf, Zuzy et Komarulzama, 2023[2]). Les pays du Sud disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée pour financer les nombreuses mesures publiques nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Plus de la moitié des pays à revenu faible ou intermédiaire sont déjà soit « en situation de surendettement » soit « à risque élevé de surendettement » (PNUD, 2024[3]). Si des ressources supplémentaires ne sont pas allouées au développement, les perspectives de réalisation des ODD sont faibles.
Néanmoins, les progrès réalisés au cours des dernières décennies en matière de développement ont permis à de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire de mieux résister aux chocs mondiaux que par le passé, ce qui favorise un renforcement de l’action publique pour amortir les ondes de choc et soutenir à la fois le développement économique et la réduction de la pauvreté et des inégalités. La disponibilité des données s’est améliorée, tout comme la capacité à prendre des décisions éclairées au niveau national. Le renforcement considérable des marchés financiers et de capitaux permet aux économies du Sud d’accéder plus facilement aux financements. Par ailleurs, une dynamique se dessine en faveur de réformes importantes de composantes clés de la gouvernance économique mondiale en 2024. Toutes ces évolutions positives confortent l’idée qu’il est encore possible de remettre sur les rails les objectifs mondiaux, au centre desquels se trouve la réduction de la pauvreté et des inégalités, et d’inverser la tendance en matière de changement climatique.
Au niveau national, l’amélioration du fonctionnement des marchés du travail peut doper les revenus et favoriser la mobilité de la main-d’œuvre, ce qui permet de consolider et d’élargir la classe moyenne et de consolider les progrès réalisés en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités. L’amélioration de la mobilisation des ressources intérieures peut ouvrir la voie à la réduction de la pauvreté et des inégalités au moyen de transferts sociaux et de systèmes de protection, à condition que le budget des États ne soit pas trop lourdement grevé par la dette publique. Au niveau international, le soutien aux initiatives qui luttent efficacement contre le surendettement peut accroître la marge de manœuvre budgétaire dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, tandis que la coopération pour le développement devrait soutenir les capacités locales en vue d’améliorer le recouvrement de l’impôt et le respect des obligations fiscales et encourager les actions qui renforcent l’investissement national dans le développement durable. Il s’agit là des conditions préalables à la réussite, qui jettent les bases des transformations économiques, sociales et étatiques nécessaires pour rattraper le retard et aller de l’avant.
La pauvreté et les inégalités n’évoluent pas toujours dans le même sens, mais il ne faut pas y voir la preuve d’une tension significative. La réduction de la pauvreté aujourd’hui peut favoriser la réduction des inégalités demain et inversement. Pauvreté et inégalités entretiennent une relation complexe qui dépend du contexte national. Il est donc important de regarder au-delà des indicateurs principaux pour comprendre ce que traduisent les changements dans les données sous-jacentes.
Par exemple, la réduction des inégalités de revenus peut coïncider avec une absence de progrès en matière de pauvreté lorsque cette réduction résulte de changements dans la distribution des revenus au-dessus du seuil de pauvreté – par exemple, une diminution de la part des résultats économiques revenant aux classes supérieures et une augmentation de la part revenant aux familles de la classe moyenne inférieure, juste au-dessus du seuil de pauvreté. Dans ce cas, mesurer les progrès en fonction des seuls chiffres de la pauvreté ne permettrait pas de saisir les importants gains réalisés en matière d’égalité.
De même, un pays peut pratiquement éliminer l’extrême pauvreté grâce à des politiques sociales qui poussent la consommation des ménages au-dessus du seuil d’extrême pauvreté. Mais il peut aussi enregistrer de fortes augmentations des inégalités. Par exemple, la République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») a enregistré une baisse de l’extrême pauvreté (selon le seuil international à 1.90 USD par jour), qui est passée de 88.0 % de la population en 1981 à seulement 0.7 % en 2015 (Graphique 3.1) (voir également le Chapitre 10). Dans le même temps, les inégalités de revenus se sont rapidement creusées, même si la mobilité ascendante des ménages au-dessus de seuils de pauvreté plus élevés à l’avenir devrait commencer à réduire les inégalités (Li et Xing, 2020[4]).
Quel que soit le contexte, si la pauvreté ou les inégalités (ou les deux) reculent, il est important de consolider les gains à court terme et de trouver des stratégies pour que ces gains se traduisent à l’avenir par des réductions pérennes de la pauvreté et des inégalités. Si, au cours des dernières décennies, plusieurs économies ont connu des pics d’inégalités simultanément à un recul de la pauvreté, l’augmentation continue et à long terme des inégalités n’est pas une conséquence inévitable de la réduction de la pauvreté ou du développement économique (Alisjahbana, Sen et Sumner, 2022[5]). Une action publique forte garantissant une croissance inclusive peut créer des conditions telles que celles qui ont prévalu entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1990 en Indonésie, lorsque cette dernière constituait un rare exemple de pays où les inégalités diminuaient en même temps que la pauvreté. Cette évolution découle des politiques adoptées par l’Indonésie en matière de développement rural, d’éducation et de dépenses en faveur des pauvres, qui ont coïncidé avec une transformation économique rapide (Alisjahbana et al., 2022[6]).
L’Indonésie constituait un rare exemple de pays où les inégalités diminuaient en même temps que la pauvreté. Cette évolution découle des politiques adoptées par l’Indonésie en matière de développement rural, d’éducation et de dépenses en faveur des pauvres, qui ont coïncidé avec une transformation économique rapide (Alisjahbana et al., 2022[6]).
Au niveau mondial, la relation entre pauvreté et inégalités est tout aussi complexe, mais pour des raisons légèrement différentes. D’après les mesures habituelles des inégalités de revenus et de la pauvreté dans le monde, la tendance est à la baisse depuis des décennies (Gradín et Oppel, 2021[7] ; Banque mondiale, 2024[8]). Cependant, selon les experts, la tendance en matière d’inégalités va s’inverser à mesure que les revenus – c’est-à-dire le produit intérieur brut (PIB) par habitant – des pays les plus peuplés dépasseront les revenus moyens mondiaux (Kanbur, Ortiz-Juarez et Sumner, 2024[9]). Si ces progrès se poursuivent, on peut s’attendre à un recul de la pauvreté dans le monde parallèlement à un creusement des inégalités.
Les mesures des inégalités au niveau mondial incluent des composantes relatives aux inégalités à l’intérieur d’un même pays, ainsi que d’un pays à l’autre. Les inégalités entre les pays sont actuellement la composante dominante de l’évolution (UNU-WIDER, 2023[10]). Tant que les inégalités entre les pays constituent la composante la plus importante, les gains de revenus moyens des économies à faible revenu, par exemple en Afrique subsaharienne, devront dépasser ceux des économies à revenu intermédiaire, comme la Chine et l’Inde, pour empêcher un inversement de la tendance à la réduction des inégalités au niveau mondial. Même si les économies à faible revenu parviennent à augmenter leur PIB par habitant, la composante intra-pays des inégalités mondiales gagne déjà du terrain et pourrait devenir la composante dominante à l’avenir (Graphique 3.2). Par conséquent, la trajectoire à la hausse à long terme de la composante intra-pays doit également être stoppée de toute urgence afin d’éviter que les inégalités mondiales déjà fortes ne s’aggravent.
Ces tendances et ces dynamiques (Graphique 3.2) démontrent que la réduction de la pauvreté au niveau mondial ne suffit pas à elle seule pour atteindre les objectifs mondiaux. Les progrès en matière de réduction de la pauvreté dans le monde doivent être à la fois significatifs et durables, et il faut empêcher le creusement des inégalités tant d’un pays à l’autre qu’à l’intérieur d’un même pays. Au niveau des pays, ce qui importe, c’est de consolider les acquis en matière de réduction de la pauvreté, de compenser une hausse initiale des inégalités en aidant les ménages à faible revenu restants à sortir de la pauvreté, et d’éviter le brusque retour en arrière et la perte d’avancées associés aux crises périodiques.
La trajectoire à la hausse à long terme de la composante intra-pays doit également être stoppée de toute urgence afin d’éviter que les inégalités mondiales déjà fortes ne s’aggravent.
Certains obstacles à la réduction efficace et durable de la pauvreté et des inégalités sont propres au contexte. En effet, il se peut que les mesures publiques dont on sait qu’elles réduisent la pauvreté et les inégalités dans les pays à revenu élevé ne soient pas aussi efficaces dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Il faut tenir compte de plusieurs différences majeures entre les contextes à faible revenu et à revenu élevé, qui sont principalement liées aux inefficiences du marché du travail dans les pays du Sud et à la capacité globale de l’État à réaliser des investissements publics essentiels, à collecter des recettes et à redistribuer. Selon les travaux de recherche menés par l’UNU-WIDER, les principaux objectifs de réduction des inégalités dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont les suivants : réduire les inégalités économiques sur le marché du travail, grâce à des marchés du travail plus inclusifs et au développement économique ; et réduire les inégalités post-marché, grâce à des transferts sociaux et à la fourniture de biens publics essentiels comme la santé, l’éducation et les infrastructures de transport et de transit. Il est également important de comprendre comment aborder les difficultés spécifiques au contexte pour réduire efficacement la pauvreté et les inégalités. Par exemple, la pauvreté et les inégalités sont à la fois des moteurs et des conséquences de la fragilité et du conflit. L’instauration d’une paix juste et durable est une condition préalable indispensable pour briser le cycle dans les situations de fragilité et de conflit (Encadré 3.1).
Le conflit et la fragilité sont des facteurs clés de la pauvreté et des inégalités. Alors qu’à l’échelle mondiale, la pauvreté a reculé pendant la majeure partie des 34 dernières années, elle progresse dans les pays touchés par un conflit, et l’écart entre les pays en paix et les pays touchés par un conflit devrait encore se creuser (Banque mondiale, 2022[12]). Dans plus de la moitié des pays fragiles ou touchés par un conflit, le revenu par habitant est inférieur à celui de 2019 (Banque mondiale, 2024[13]). Les conflits, en particulier, peuvent modifier l’ordre social, politique et économique, ouvrant la voie à des cycles d’exclusion et de violence si aucune intervention appropriée n’est engagée.
Les conflits entraînent des souffrances et des pertes considérables. Ils conduisent également à de profonds changements institutionnels aux résultats inattendus. Par exemple, dans certains cas, il a été démontré que l’exposition à certaines formes de gouvernance en temps de guerre renforçait la participation et la capacité d’organisation des populations locales (Steele et Weintraub, 2022[14]) et créait une plus grande résilience économique aux chocs post-conflit (Ibáñez et al., 2023[15]). Cela ne signifie pas que l’exposition aux conflits améliore la vie des gens. Cela signifie que la dynamique des conflits est complexe et qu’elle peut parfois déboucher sur certains résultats positifs. Ces effets positifs sont généralement associés à l’amélioration d’infrastructures et à la fourniture de biens publics par les groupes armés tant étatiques que non étatiques, y compris l’amélioration des systèmes de règlement des litiges au niveau local (Bakke et Rickard, 2023[16] ; Kloppe-Santamaría, 2019[17]).
Les efforts de consolidation de l’État qui ont plus de chances de réussir sont ceux qui donnent la priorité aux besoins des populations locales. Pour rétablir l’État en tant qu’acteur légitime, il est important que les pouvoirs publics et les acteurs de la coopération pour le développement se concentrent sur le renforcement de la capacité de l’État à garantir les droits fondamentaux et à répondre aux besoins économiques de base, ce qui, à son tour, accroît la capacité de l’État à contrôler efficacement le territoire. La mise en place d’une représentation politique (en particulier si le conflit repose sur des motifs identitaires) permet non seulement de réduire les inégalités fondées sur l’appartenance à un groupe, mais aussi de prévenir de manière significative les conflits violents (Bhalotra, Caillots-Figueras et Iyer, 2023[18]). Simultanément, le soutien à la démocratie de proximité peut contribuer à faire connaître les préoccupations des catégories de population pauvres et marginalisées, à consolider les pratiques démocratiques et à rétablir la confiance dans l’État (Cremaschi et Masullo J., 2023[19]).
Les populations locales ont besoin d’alternatives économiques viables pour maintenir leurs moyens de subsistance, d’une large inclusion socio-économique et d’une protection contre les puissantes organisations criminelles. Les efforts déployés par l’État pour remplacer une économie de guerre lucrative, reposant souvent sur des marchés illicites, et les programmes de transferts monétaires (Sviatschi, 2022[20]) peuvent renforcer la sécurité économique. L’abandon des politiques coercitives, qui réduisent la confiance dans l’État, au profit d’approches plus coopératives peut également consolider la légitimité de l’État et le contrat social (Ortiz-Ayala, 2021[21]).
La formation d’un État légitime pendant la transition vers une situation de paix est la base nécessaire pour commencer à faire reculer la pauvreté et les inégalités dans les contextes fragiles ou touchés par un conflit. La communauté internationale peut soutenir au mieux ces efforts en intégrant une compréhension plus approfondie des réseaux économiques et des structures de pouvoir établis pendant le conflit (Justino, 2022[22]).
Sources : Banque mondiale (2022[12]), Perspectives économiques mondiales, juin 2022, https://www.banquemondiale.org/fr/publication/global-economic-prospects ; Banque mondiale (2024[13]), Perspectives économiques mondiales, janvier 2024, https://www.banquemondiale.org/fr/publication/global-economic-prospects ; Steele et Weintraub (2022[14]), « Rebel governance and political participation », https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/232-4 ; Ibáñez et al. (2023[15]), « The long-term economic legacies of rebel rule in civil war: Micro evidence from Colombia », https://doi.org/10.1177/00220027231170569 ; Bakke et Rickard (2023[16]), « ’Ten pound touts’: Post-conflict trust and the legacy of counterinsurgency in Northern Ireland », https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/326-0 ; Kloppe-Santamaría (2019[17]), « Lynching and the politics of state formation in post-revolutionary Puebla (1930s–50s) », https://doi.org/10.1017/S0022216X18001104 ; Bhalotra, Clots-Figueras et Iyer (2023[18]), « Ethnic conflict: the role of ethnic representation », https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/392-5 ; Cremaschi et Masullo (2023[19]), « The political legacies of wartime resistance: How local communities in Italy keep anti-fascist sentiments alive », https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/352-9 ; Sviatschi (2022[20]), « Making a NARCO: Childhood exposure to illegal labor markets and criminal life paths », https://doi.org/10.3982/ECTA17082 ; Ortiz-Ayala (2021[21]), « They see us like the enemy: Soldiers’narratives of forced eradication of illegal crops in Colombia », https://doi.org/10.1080/14678802.2021.1986305 ; Justino (2022[22]), « Wartime governance and state-building trajectories in post-conflict societies », https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/179-2.
Pour parvenir à des économies plus égalitaires et durables, il faut des marchés du travail performants et inclusifs qui offrent aux travailleurs des emplois stables, sûrs et assortis d’une rémunération juste.
Les marchés du travail des pays du Sud se caractérisent par des niveaux élevés d’emplois informels (Fields et al., 2023[23]) (Graphique 3.3). Dans les pays à faible revenu en particulier, la plupart des emplois relèvent de l’activité indépendante ou du travail familial non rémunéré dans l’agriculture ou les services. Ces emplois sont souvent mal rémunérés, temporaires et précaires, et ne bénéficient d’aucune protection juridique formelle des droits des travailleurs (OIT, 2019[24]). En outre, à cause de l’informalité, certains travailleurs ont moins de pouvoir de négociation que d’autres, ce qui constitue un obstacle à la réduction des inégalités salariales entre les différentes catégories de travailleurs (voir également le Chapitre 8).
Des niveaux élevés d’informalité ont également pour conséquence qu’un grand nombre de personnes ne bénéficient pas d’un accès adéquat à la protection sociale (OIT, 2021[26]), ce qui constitue en soi une inégalité susceptible de compromettre les efforts déployés pour en réduire d’autres. Dans les pays à revenu élevé, par exemple, les taux de participation plus élevés aux régimes d’assurance contributifs, comme l’assurance chômage, permettent une stabilisation automatique plus forte en période de ralentissement économique que dans les pays à faible revenu où la protection sociale se caractérise par des pourcentages relativement plus importants de personnes qui sont couvertes par des régimes non contributifs, comme les transferts monétaires. C’est pourquoi des taux élevés d’informalité peuvent affaiblir la capacité de la protection sociale à servir de rempart en cas de crise économique.
Des niveaux élevés d’informalité ont également pour conséquence qu’un grand nombre de personnes ne bénéficient pas d’un accès adéquat à la protection sociale, ce qui constitue en soi une inégalité susceptible de compromettre les efforts déployés pour en réduire d’autres.
L’amélioration des revenus et des conditions de travail des travailleurs informels vulnérables dans les pays du Sud est l’un des principaux moyens de lutter contre les inégalités sur le marché du travail. Si une plus grande formalisation des marchés du travail peut présenter des avantages considérables, un taux élevé de formalisation est une perspective à long terme qui nécessiterait des progrès exceptionnels au regard de ce qui a été enregistré jusqu’à présent en matière de transformation économique, que peu de pays ont réalisés. Pour réduire les inégalités, les mesures visant à encourager la formalisation doivent donc être complétées par des mesures destinées à remédier aux mauvaises conditions de travail, aux faibles revenus et à l’absence de protection sociale des travailleurs informels d’aujourd’hui (UNU-WIDER, 2023[27]).
Les actions susceptibles de permettre aux travailleurs de quitter les emplois sans avenir (c’est-à-dire d’augmenter le taux de passage d’un emploi moins bien rémunéré et moins sûr à un emploi mieux rémunéré et mieux protégé) peuvent également contribuer à créer une voie pour sortir de la pauvreté. Un examen récent du passage d’un statut de travailleur à l’autre dans plusieurs pays à l’aide de données de panel a révélé que dans presque tous les pays analysés, les emplois se classent dans les catégories suivantes : travail formel bien rémunéré, au sommet de l’échelle des emplois, puis travail formel, travail informel du segment supérieur et, au bas de l’échelle, travail informel du segment inférieur (Fields et al., 2023[23]). Les données relatives à la fréquence de passage des travailleurs d’une catégorie à l’autre montrent que le travail informel du segment inférieur est une impasse (Fields et al., 2023[23]). Une fois que les travailleurs entrent dans ce secteur, en particulier dans les pays du Sud, il y a peu d’espoir qu’ils gravissent un jour l’échelle des emplois (OCDE, 2024[28]). Par exemple, les taux de persistance les plus élevés, c’est-à-dire la proportion des travailleurs observés qui conservent la même situation professionnelle au fil du temps, dans l’emploi indépendant informel du segment inférieur se trouvent en Chine (86 %), en Indonésie (81 %), au Niger (79 %), en Ouganda (73 %), au Ghana (67 %), en République‑Unie de Tanzanie (65 %) et au Nigéria (61 %). Les taux les plus bas sont observés au Costa Rica (34 %) et au Nicaragua (34 %). Dans l’emploi salarié informel du segment inférieur, les taux de persistance les plus élevés sont observés au Mexique (49-57 %) et au Paraguay (53 %) et les plus faibles au Costa Rica (28 %) (Fields et al., 2023[23]).
Pour réduire les inégalités, les mesures visant à encourager la formalisation doivent donc être complétées par des mesures destinées à remédier aux mauvaises conditions de travail, aux faibles revenus et à l’absence de protection sociale des travailleurs informels d’aujourd’hui.
L’emploi informel du segment supérieur, en particulier l’emploi salarié informel du segment supérieur, est le statut dans l’emploi qui perdure le moins et constitue donc un tremplin potentiel vers l’emploi salarié formel. Les décideurs politiques qui espèrent augmenter les taux de formalisation peuvent cibler les travailleurs de cette catégorie. Toutefois, les travailleurs qui occupent des emplois informels du segment inférieur ont besoin d’un soutien ciblé pour améliorer leurs conditions de travail actuelles, bénéficier d’une protection sociale et augmenter leurs revenus.
Dans les pays du Sud, les décideurs politiques doivent disposer de moyens efficaces pour repérer et encourager les catégories d’entreprises informelles qui favorisent la mobilité ascendante des travailleurs et pour décourager celles qui y font obstacle. Les recherches doivent s’intéresser davantage aux questions suivantes : Quels types d’interventions permettent d’éviter que les travailleurs occupant un emploi formel ne glissent vers le bas ? Quels types d’interventions favorisent l’emploi informel du segment supérieur tout en réduisant l’emploi informel du segment inférieur ? Et de quels autres moyens les décideurs politiques disposent-ils pour améliorer les moyens de subsistance des travailleurs informels du segment inférieur qui sont prisonniers d’emplois sans avenir ?
Les disparités entre les genres constituent un obstacle à la transformation des marchés du travail.
Les données relatives aux caractéristiques démographiques des travailleurs et à leur position sur le marché du travail mettent en évidence les obstacles à la mobilité ascendante et attirent l’attention des décideurs politiques sur certains domaines. Fields et al. (2023[23]) ont constaté que l’instruction est positivement corrélée à la stabilité de l’emploi dans les catégories de travailleurs les mieux rémunérés et qu’elle réduit le risque qu’un travailleur ne glisse vers le bas de l’échelle. En outre, les hommes ont une plus grande probabilité que les femmes de gravir les échelons. Si les hommes mariés, en particulier, sont plus susceptibles de s’élever dans l’échelle des emplois, les femmes mariées, quant à elles, le sont moins. Les hommes sont également plus susceptibles d’occuper un emploi salarié, tandis que les femmes sont plus susceptibles d’exercer une activité indépendante. Ces constatations viennent compléter un vaste corpus d’études qui indiquent que les disparités entre les genres constituent un obstacle à la transformation des marchés du travail.
Les marchés du travail formels des pays à faible revenu diffèrent eux aussi de ceux des pays à revenu élevé. Ils sont nettement plus susceptibles de souffrir de la segmentation du marché du travail en fonction, par exemple, du niveau de valeur ajoutée (faible ou forte) ou d’autres facteurs comme emploi rural ou emploi périurbain et urbain. Il peut également y avoir des différences importantes entre les travailleurs d’un même secteur et d’une même profession selon qu’ils produisent pour des chaînes de valeur nationales, mondiales ou régionales, ainsi que selon la taille des entreprises qui les emploient et le lieu où ils travaillent. Ces différences n’ont pas la même ampleur dans les économies à revenu élevé.
Une nouvelle étude sur les inégalités salariales en Afrique du Sud, par exemple, révèle que les marchés du travail duaux augmentent considérablement les majorations salariales au niveau de l’entreprise, à tel point que les différences de rémunération entre des travailleurs effectuant le même travail mais pour des entreprises différentes sont responsables d’un cinquième des inégalités salariales pour les travailleurs sud-africains employés dans le secteur formel (Foster, 2023[29]).
Une trop grande segmentation des marchés du travail fait que les bénéfices de la croissance économique ont peu de chances de profiter à plusieurs catégories de travailleurs à la fois, même lorsque la main-d’œuvre reçoit une partie des gains économiques. Si ces éléments font qu’il est plus difficile de réduire les inégalités, il existe néanmoins de nombreuses possibilités permettant de rendre la croissance plus inclusive. Des interventions plus actives sur le marché du travail, parallèlement à une politique sectorielle active, sont donc nécessaires pour garantir que les retombées futures des gains concentrés sur les revenus de certains travailleurs, qui exercent une pression à la hausse sur les inégalités, puissent compléter les efforts visant à réduire les inégalités à long terme.
Un examen des marchés du travail et de la composition sectorielle de 11 économies de marché émergentes et de l’économie mondiale, couvrant des pays de trois grandes régions du monde, met en évidence les profondes transformations de la main-d’œuvre dans ces économies au cours des années 2000 et 2010. Un grand nombre de travailleurs ont quitté l’agriculture pour rejoindre l’industrie manufacturière ou pour se tourner vers des services à faible productivité (Gradín et al., 2023[30]). Les études reclassent les emplois formels à l’aide d’un indice d’intensité en tâches routinières, solution qui permet de remplacer la dichotomie emplois qualifiés/non qualifiés, afin d’examiner la composition du marché du travail, les facteurs d’inégalité des revenus et le rôle de la technologie et de la mondialisation dans les tendances nationales en matière d’inégalité des revenus.
C’est en partie en raison de parts sectorielles plus faibles dans l’activité manufacturière mondiale et dans l’activité économique à forte valeur ajoutée observées dans les économies de marché émergentes, que l’adoption et la progression de la technologie dans la production ne sont pas d’importants moteurs des inégalités de revenus. Selon l’une des principales conclusions de l’étude transnationale, la polarisation salariale attestée qu’ont induite la technologie et la mondialisation dans les économies à haut revenu ne menace pas encore les économies à faible revenu. Toutefois, les effets de l’adoption de technologies et de la mondialisation sur les marchés du travail et les travailleurs du secteur informel sont un domaine qui mérite d’être approfondi.
La polarisation salariale attestée qu’ont induite la technologie et la mondialisation dans les économies à haut revenu ne menace pas encore les économies à faible revenu.
Dans de nombreux pays, une modification des primes salariales pour les professions nécessitant davantage de qualifications ou de diplômes se traduit par des changements dans les inégalités salariales, comme le prévoient de nombreux économistes du marché du travail. Cependant, l’interaction entre la composition du marché du travail et les caractéristiques des travailleurs n’est pas toujours un facteur déterminant de l’évolution des inégalités sur le marché. Dans plusieurs des cas examinés, des réformes actives de la politique du marché du travail (lois sur le salaire minimum, subventions salariales et institutions efficaces du marché du travail par exemple) ont en fait favorisé une plus grande égalité salariale en compensant la pression à la hausse sur les inégalités de revenus imputable à la croissance des majorations salariales pour une minorité de travailleurs hautement qualifiés ou très diplômés (Gradín et al., 2023[30]).
Traditionnellement, le développement économique transforme le marché du travail et entraîne une augmentation de la part de l’emploi formel, non agricole et urbain, ainsi que des revenus des travailleurs. Le processus économique responsable de ce type de transition, ou « transformation structurelle », crée une demande accrue de main-d’œuvre à plus forte productivité et est souvent alimenté par une forte croissance des secteurs manufacturiers, des biens échangeables à valeur ajoutée et de la technologie. Plus récemment, la croissance de l’emploi dans les secteurs du savoir et des services pouvant faire l’objet d’échanges internationaux, comme le génie logiciel, les communications et la médecine, a constitué une source de travail décent.
Les données factuelles sur la transformation structurelle contemporaine font apparaître différentes formes de transformation structurelle, y compris un développement économique qui suit des voies non conventionnelles.
Aujourd’hui, de nombreuses économies à faible revenu passent directement d’une activité essentiellement agricole à une activité de services non marchands, qui est moins susceptible de générer des gains de salaire et de productivité et plus difficile à formaliser.
Si l’on ne fait rien, ce modèle de croissance pourrait entraver la réduction de la pauvreté et des inégalités, ce qui laisse penser que les politiques publiques peuvent jouer un rôle en soutenant la création d’emplois dans les secteurs de croissance et les secteurs à plus forte productivité qui sont complémentaires d’une forte croissance des salaires pour les travailleurs. Ce soutien ne doit pas se limiter à la politique industrielle et aux incitations à l’investissement. Il devrait plutôt coïncider avec des politiques actives du marché du travail et d’autres mesures incitatives qui soutiennent des marchés du travail concurrentiels et la croissance des salaires parallèlement à l’augmentation des ventes, des recettes ou de la productivité des entreprises, c’est-à-dire des politiques qui garantissent une plus grande inclusivité de la croissance économique. Comme certains secteurs connaîtront une croissance des salaires plus rapide que d’autres, les pays peuvent subir une pression à la hausse sur les inégalités (le « dilemme du développeur »), mais un examen complet des exemples de développement montre qu’il existe plusieurs solutions pour améliorer l’inclusivité (Alisjahbana et al., 2022[6]).
En outre, il ressort de l’expérience passée que les investissements publics dans le développement rural et agricole peuvent réduire les écarts de revenus entre les villes et les campagnes, que la syndicalisation et les réformes agraires peuvent protéger les travailleurs à faible revenu et que la politique de l’éducation peut, à l’avenir, contribuer à réduire les écarts de revenus entre les travailleurs. L’accès à d’autres services publics, tels que les soins de santé, le logement et la sécurité sociale, protège également contre le creusement des inégalités sur le marché du travail (Alisjahbana et al., 2022[6]).
Les transferts publics directs présentent un plus grand potentiel de réduction de la pauvreté et des inégalités dans les pays à faible revenu, étant donné que la totalité des 40 % de personnes se situant au bas de la distribution sont souvent au chômage, sous-employées ou travaillent dans le secteur informel. Élargir les transferts sociaux à ces 40 % et au-delà (en termes de bénéficiaires ou de montants des prestations) peut faire une énorme différence même sans remédier aux inégalités de marché en matière de revenus et d’emploi. Étant donné que les personnes appartenant à cette catégorie ne perçoivent officiellement aucun revenu, même une faible augmentation de la consommation des ménages au bas de la distribution, qui s’explique directement par les transferts publics, peut entraîner une réduction substantielle de la pauvreté et des inégalités.
L’Afrique du Sud, lors du choc provoqué par la pandémie de COVID‑19, illustre bien cet effet potentiel. Entre avril et juin 2020, le gouvernement a fourni une aide sociale d’urgence, élargissant l’éligibilité à certains transferts sociaux à des catégories qui en étaient précédemment exclues. Grâce à cette décision, l’Afrique du Sud a vu la pauvreté reculer de façon soudaine et sans précédent, de l’ordre de 3 à 6 points de pourcentage, et la pression à la hausse sur les inégalités enregistrer une atténuation significative, au plus fort de la crise, alors que l’économie était sous pression et que le taux d’emploi actif était en baisse de 40 % (Schott et Zizzamia, 2021[31] ; Bassier, Budlender et Zizzamia, 2021[32]).
SOUTHMOD, un ensemble de modèles de microsimulation des prélèvements et des prestations, apporte des preuves supplémentaires de l’efficacité et du potentiel redistributif des réformes des politiques fiscales et de protection sociale. La pandémie a démontré que les systèmes fiscaux et de protection sociale africains sont généralement mal conçus pour protéger les ménages contre les pertes de revenus. Sur les sept pays africains étudiés (hors Afrique du Sud), seules les mesures d’action publique supplémentaires prises par le Mozambique et la Zambie ont quelque peu amorti le choc provoqué par la pandémie de COVID‑19 pour les ménages les plus pauvres (Lastunen et al., 2023[33]).
La pandémie a démontré que les systèmes fiscaux et de protection sociale africains sont généralement mal conçus pour protéger les ménages contre les pertes de revenus.
Le cas de la Zambie illustre un scénario commun aux pays du Sud : il donne à voir la nécessité de continuer à élargir les systèmes de protection sociale, en termes de couverture et de montant de l’aide reçue par les bénéficiaires, et la manière dont les modèles de microsimulation des prélèvements et des prestations peuvent fournir des données solides aux décideurs politiques. En 2019, la Zambie a largement étendu son système de prestations, principalement en ajoutant un ensemble de transferts sociaux en espèces appelé Cash Plus. Selon une étude d’impact, ce système permet de faire reculer la pauvreté de 4 à 6 points de pourcentage. Le système de protection sociale dans son ensemble fournit une aide à 76 % des personnes en situation d’extrême pauvreté, et les nouveaux transferts en espèces n’atteignent que 36 % de cette population. Si les personnes âgées, les personnes porteuses de handicap et les ménages dirigés par une femme sont bien ciblés, les membres de la population extrêmement pauvres ne faisant pas partie de ces catégories, en particulier dans les zones urbaines, sont moins soutenus (Tableau 3.1). Dans l’ensemble, le système de prestations de la Zambie ne permettra pas d’atteindre les objectifs nationaux ambitieux en matière de lutte contre la pauvreté si l’aide aux catégories non couvertes n’est pas renforcée (Gasior et al., 2021[34]).
En Amérique latine, les systèmes de prélèvements et de prestations sont légèrement mieux à même d’amortir les pertes de revenus. Pendant la crise du COVID‑19, d’importants transferts monétaires discrétionnaires d’urgence ont permis de venir en aide aux plus démunis. Mais dans l’ensemble, les systèmes latino-américains n’ont pas joué de rôle anticyclique important. Les systèmes fiscaux n’ont permis qu’une stabilisation automatique limitée, car les réductions d’impôts et de cotisations de sécurité sociale ne concernaient que la petite partie des travailleurs du secteur formel située au sommet de la distribution des revenus, tandis que les conditions d’éligibilité et les montants des prestations ne tenaient pas compte des pertes soudaines de revenus dans les autres segments de la distribution des revenus (Rodríguez et al., 2022[35]).
En Équateur, par exemple, le taux de pauvreté national a progressé, passant de 25.7 % à 58.2 % au cours des six premiers mois de la pandémie, l’extrême pauvreté de 9.2 % à 38.6 %, et les inégalités, mesurées par le coefficient de Gini, de 46 à 59. L’ajout d’un nouveau transfert social, le « bon de protection familiale » (Bono de Protección Familiar), au système de protection sociale a principalement aidé les 20 % les plus pauvres et, bien que non négligeable, n’a pas été totalement suffisant pour contrer l’impact du choc (Jara, Montesdeoca et Tasseva, 2021[36]).
Le soutien international et la coopération multilatérale ont clairement un rôle à jouer dans l’augmentation du financement dont disposent les systèmes de protection sociale dans les pays du Sud. Premièrement, le financement de l’aide internationale peut aider directement les pouvoirs publics à développer les systèmes de protection sociale. Deuxièmement, la coopération multilatérale et bilatérale peut promouvoir une plus grande équité fiscale et soutenir les améliorations de la mobilisation des ressources intérieures, générant ainsi davantage de fonds pour les programmes de lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT, 2021[26]), plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à la protection sociale pour se protéger de la vulnérabilité à la pauvreté. Pourtant, comme l’a montré une analyse réalisée pour le Groupe d’experts suédois pour les études sur l’aide (EBA), la part de l’aide destinée à la protection sociale diminue par rapport à des niveaux déjà faibles (environ 2 %), malgré une relation positive et statistiquement significative entre l’aide destinée à la protection sociale et le pourcentage d’une population couverte par des systèmes de prestations (Niño-Zarazúa et al., 2022[37]).
Une plus grande équité fiscale est essentielle pour générer les recettes publiques nécessaires, et la coopération internationale peut jouer un rôle important en luttant contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le transfert de bénéfices par les entreprises les plus rentables et les particuliers les plus riches. Dans les années 1970, les entreprises transféraient moins de 2 % de leurs bénéfices annuels vers les paradis fiscaux. En 2019, cette proportion était passée à 37 %, ce qui représente une perte globale de recettes équivalente à 250 milliards EUR, soit un dixième du total des recettes annuelles issues de l’impôt sur les sociétés dans le monde (Graphique 3.4 et Graphique 3.5) (Wier et Zucman, 2022[38]). Grâce aux données fiscales de l’Afrique du Sud1 (Encadré 3.2) auxquelles ils ont depuis peu accès, les chercheurs ont pu estimer les pertes annuelles imputables au transfert de bénéfices des entreprises à environ 7 milliards ZAR (rands sud-africains), soit l’équivalent de 400 millions EUR, chaque année (Wier et Reynolds, 2018[39] ; Wier, 2019[40]).
Les partenaires internationaux peuvent favoriser la mobilisation des ressources nationales à long terme en renforçant la capacité locale à analyser les moyens les plus efficaces d’améliorer les systèmes fiscaux, de soutenir le développement économique et de faire reculer les inégalités et la pauvreté.
Ainsi, l’UNU-WIDER a appuyé les efforts déployés par l’administration fiscale et le Trésor national d’Afrique du Sud pour construire un laboratoire de données sécurisé et permettre aux chercheurs et aux responsables politiques locaux et internationaux d’accéder aux données fiscales nationales.
Ce laboratoire, hébergé par le Trésor national, est une plateforme qui constitue désormais une nouvelle interface entre ces acteurs. Par exemple, les responsables politiques indiquent directement aux chercheurs qui utilisent les données dans le cadre de leurs travaux universitaires quels types d’analyses seraient les plus utiles. Les analystes et les responsables des organismes publics ont désormais accès à des ensembles de données et à des conseils d’experts pour mener à bien leurs propres analyses. D’autres pays d’Afrique subsaharienne ont manifesté leur intérêt pour cette approche et il existe une forte demande pour la mise en place de nouvelles capacités locales. L’UNU-WIDER a, depuis, appuyé la création d’un laboratoire de recherche sécurisé au sein de l’Autorité fiscale ougandaise et collabore actuellement avec la Zambie dans le cadre d’efforts similaires.
Les ensembles de données fiscales administratives sont un complément naturel au projet SOUTHMOD, qui comprend un ensemble librement accessible de 13 modèles de microsimulation des prélèvements et des prestations pour les économies du Sud. Les analystes et les décideurs politiques peuvent utiliser ces modèles pour simuler les effets immédiats des réformes des systèmes de prélèvements et de prestations sur la pauvreté et les inégalités au niveau des ménages et des individus. Les modèles sont des outils essentiels pour comprendre l’effet potentiel des politiques publiques et des réformes sur différentes catégories de population. Le projet SOUTHMOD met à jour les modèles avec les données d’enquête et les régimes politiques les plus récents, forme les responsables locaux et les analystes à l’utilisation des modèles et effectue des recherches comparatives originales, propres à chaque pays et transnationales, sur les systèmes de prélèvements et de prestations. Tout comme la recherche originale menée à partir de données administratives nouvellement accessibles, la recherche et l’analyse utilisant les modèles SOUTHMOD sont largement axées sur la demande, et répondent directement aux besoins des décideurs politiques nationaux.
Parallèlement à l’augmentation des capacités et de l’espace budgétaire, des systèmes fiscaux plus efficaces peuvent permettre d’améliorer la mobilisation des ressources intérieures pour un coût relativement faible dans de nombreux pays. L’accès aux données fiscales administratives peut s’avérer précieux pour repérer les possibilités de réformes futures ou évaluer les effets des réformes antérieures, comme l’ont démontré plusieurs études de l’UNU-WIDER. Par exemple, en Ouganda, où le ratio impôts/PIB est de 11.4 % (UNU-WIDER, 2023[41]), les chercheurs ont établi que les multinationales payaient un taux d’imposition effectif inférieur de 20 points de pourcentage à celui des grandes entreprises nationales (Koivisto et al., 2021[42]). Une autre étude a montré que les incitations fiscales accordées aux entreprises nationales et multinationales coûtent à l’État ougandais un montant équivalent à un cinquième de l’impôt sur le revenu annuel des entreprises (Musoke, Palanská et Schimanski, 2023[43]), tandis que d’autres recherches ont révélé que moins de 15 % des entreprises locales de Kampala, la capitale de l’Ouganda, respectent pleinement leurs obligations fiscales et déclarent à la fois des licences commerciales locales et l’impôt national sur le revenu des entreprises (Vincent, Dietrich et McNabb, 2023[44] ; UNU-WIDER, 2023[45]). En combinant les estimations relatives au respect des obligations fiscales avec les images de Google Street View, les chercheurs ont constaté que le respect des obligations par les entreprises est lié à la qualité des infrastructures publiques dans le voisinage de l’entreprise, ce qui laisse supposer que le respect des obligations est plus élevé là où les investissements publics sont plus visibles (Vincent, Dietrich et McNabb, 2023[44] ; UNU-WIDER, 2023[45]).
Une campagne d’enregistrement des contribuables menée par les autorités ougandaises a permis d’augmenter de 70 % le nombre de petites entreprises déclarant des impôts forfaitaires. La mise en place d’un système de déclaration électronique plus simple, en plus de la campagne d’enregistrement, a été encore plus efficace, faisant presque doubler le nombre de contribuables soumis à l’imposition forfaitaire (Jouste, Nalukwago et Waiswa, 2021[46]). Ces deux réformes ont permis de multiplier par deux environ les recettes issues de cette imposition forfaitaire, même s’il convient de noter que les sommes provenant des petites entreprises ne représentent que 0.04 % de l’ensemble des recettes fiscales ougandaises (Jouste, Nalukwago et Waiswa, 2021[46]).
En Tanzanie, dans le cadre d’une collaboration entre l’administration fiscale tanzanienne et l’administration fiscale finlandaise, une nouvelle approche fondée sur les données pour les contrôles fiscaux dans les centres des impôts de Dar Es Salam a permis d’augmenter de 15 % le revenu imposable ajusté au cours de la première année (Ebrahim et al., 2021[47]). De même, les résultats concernant la Zambie indiquent que l’adoption d’un nouveau système de retenue de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en 2018 a permis d’augmenter les recettes de TVA de 13 % (Adu-Ababio et al., 2023[48]). Ces constatations montrent clairement que les pays à faible revenu peuvent facilement augmenter leurs recettes fiscales nationales en améliorant l’administration fiscale.
Dans une vaste étude sur la création d’États compétents sur le plan fiscal, Savoia, Sen et Tagem (2022[49]) ont constaté que, parmi divers facteurs politiques, les contraintes imposées au pouvoir exécutif en particulier étaient essentielles pour modifier la composition des recettes publiques et passer d’impôts prélevés sur une assiette restreinte à des impôts prélevés sur une assiette large, comme l’impôt sur le revenu. En effet, des mécanismes d’équilibre des pouvoirs institutionnalisés réduisent le pouvoir discrétionnaire des dirigeants sur les décisions en matière de finances publiques, améliorent la responsabilité publique et renforcent la légitimité, ce qui tend à inciter les citoyens et les entreprises à payer des impôts.
Malgré les lacunes importantes en matière de données et de connaissances sur la mobilité sociale dans les pays du Sud (Iversen, Krishna et Sen, 2021[50]), il est largement admis que la réduction de la pauvreté est souvent temporaire. La plupart des ménages qui s’élèvent au-dessus du seuil de pauvreté, par exemple, risquent toujours de retomber dans la pauvreté. Les progrès réalisés en matière de réduction des inégalités courent eux aussi le risque d’un retour en arrière. Sans une amélioration des taux de mobilité sociale ascendante, la réduction des inégalités résultant de l’augmentation des revenus au bas de l’échelle sera elle aussi précaire.
Il est largement admis que la réduction de la pauvreté est souvent temporaire.
Pour consolider les progrès réalisés en matière de réduction des inégalités et permettre aux populations d’échapper durablement à la pauvreté, les objectifs politiques et programmatiques devraient se concentrer sur l’augmentation continue des revenus des ménages et l’élargissement de la classe moyenne. Toutefois, les taux de pauvreté et les niveaux d’inégalité sont des indicateurs instantanés qui ne rendent pas compte d’aspects essentiels que sont la résilience et la vulnérabilité, lesquels conditionnent en fin de compte la pérennité de la réduction des inégalités et de la pauvreté. Pour préserver les progrès réalisés, il convient de cibler, mesurer, suivre et communiquer des indicateurs allant au-delà des taux de pauvreté et des niveaux d’inégalité, en particulier ceux liés au bien-être général, à la vigueur de l’économie et à d’autres indicateurs du développement humain.
Selon une analyse transnationale utilisant des données de panel sur plus de 145 pays de la base de données sur les inégalités de revenus dans le monde de l’UNU-WIDER (UNU-WIDER, 2023[10]), il existe une forte corrélation entre des niveaux d’inégalité élevés et des indices de développement humain (IDH, qui mesurent les niveaux d’instruction, de santé publique et d’espérance de vie à l’échelle de la société, ainsi que de performances économiques) faibles (Castells-Quintana, Gradín et Royuela, 2022[51]). Comme l’illustre le Graphique 3.6, la force de la corrélation varie en fonction de l’indicateur retenu pour mesurer les inégalités, mais elle est la plus forte lorsque les inégalités sont mesurées par la part des revenus qui va aux 10 % les plus riches ou aux 40 % les plus pauvres. Par conséquent, ce n’est pas seulement l’ampleur des inégalités, mais aussi l’absence de classe moyenne qui en découle, qui fait baisser le score d’un pays en fonction de l’IDH.
La croissance d’une classe moyenne est favorisée par des investissements dans des biens publics essentiels comme l’accès à la santé publique et à l’assainissement, à l’eau potable, à l’éducation et aux infrastructures, et des investissements supplémentaires dans l’éducation préscolaire, les soins de santé maternelle et l’aide aux familles sont autant d’éléments susceptibles de favoriser une mobilité sociale ascendante.
Si les investissements dans les biens publics constituent une base utile, il est peu probable qu’ils permettent de corriger les inégalités systémiques à long terme entre les catégories, comme les inégalités liées au genre. Depuis le début des années 1990, par exemple, les écarts entre les genres en matière d’éducation se sont réduits dans les pays du Sud, mais ces progrès ne se sont pas traduits par une réduction des écarts entre les genres sur le marché du travail. Le taux d’emploi des femmes reste nettement inférieur à celui des hommes et elles occupent souvent des emplois moins bien rémunérés, assortis de protections plus limitées. Selon des données provenant de 101 pays et en fonction des caractéristiques des individus et des ménages, les femmes sont 7 points de pourcentage plus susceptibles que les hommes d’occuper un emploi précaire (Lo Bue et al., 2021[52]). D’après une estimation, 57 % des travailleuses dans le monde ont un emploi précaire, caractérisé par de mauvaises conditions de travail, l’insécurité de l’emploi et des revenus insuffisants, contre 48 % pour les hommes qui travaillent. En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, respectivement 64 % et 76 % des travailleuses occupent un emploi précaire, contre 47 % et 63 % des hommes (Graphique 3.7).
Pour faire progresser l’égalité des genres, les décideurs nationaux essaient principalement de s’attaquer aux contraintes du côté de l’offre, comme le faible niveau de formation des femmes. Mais la levée de ces obstacles conduit rarement à une amélioration de la situation des femmes sur le marché du travail. Le taux de participation des femmes au marché du travail en Inde, pour ne citer qu’un exemple, est l’un des plus faibles au monde malgré une forte croissance économique, un niveau d’instruction élevé chez les femmes et des taux de fécondité en baisse (Deshpande et al., 2024[53] ; UNU-WIDER, 2024[54]).
Les trains de mesures standard visant à améliorer la capacité des femmes à accéder au marché du travail et à concurrencer les hommes pour obtenir des emplois décents grâce à la fourniture de biens publics universels ne sont pas vraiment suffisants. Ces efforts se concentrent davantage sur les facteurs individuels qui empêchent les femmes d’exercer un travail rémunéré (contraintes du côté de l’offre), mais ne tiennent pas compte des facteurs qui influencent la mesure dans laquelle les employeurs et les économies offrent aux femmes des possibilités de travail décent (contraintes du côté de la demande). Les mesures publiques qui allègent les contraintes du côté de l’offre doivent être associées à des efforts visant à accroître la demande de main-d’œuvre féminine dans les emplois rémunérés, en particulier de la part des 40 % les plus pauvres, qui sont en outre souvent marginalisés pour des raisons de race, d’appartenance ethnique, de religion ou autres.
Les normes socioculturelles relatives au rôle des femmes exercent une influence considérable sur les résultats. Pour les décideurs politiques qui souhaitent modifier ces normes, une question importante se pose : quelles sont les normes qui comptent ? Par exemple, selon des études menées en Inde (Bengale occidental), ni le port du voile ni la religion ne réduisent sensiblement la participation des femmes au marché du travail, mais c’est surtout le fait de devoir assumer l’essentiel des tâches ménagères et domestiques qui constitue le facteur le plus important (Deshpande et Kabeer, 2024[55]). En revanche, pour une femme indienne, le fait qu’il y ait dans sa famille des femmes qui travaillent augmente de 18 à 21 points de pourcentage la probabilité pour elle d’occuper un emploi rémunéré (Deshpande et Kabeer, 2024[55]). Les normes relatives aux rôles assignés aux hommes et aux femmes et leur rapport aux responsabilités ménagères et aux soins aux personnes constituent l’un des obstacles les plus importants aux progrès en matière d’égalité entre les genres.
Une analyse des variables macroéconomiques corrélées à de meilleurs résultats pour les femmes dans 15 pays d’Amérique latine, la région qui est la mieux classée selon plusieurs indicateurs liés au travail des femmes, a révélé que « c’est la part des dépenses sociales publiques dans le PIB qui affiche la corrélation positive la plus significative et la plus robuste avec l’accès relatif des femmes à des emplois de qualité » (Arora, Braunstein et Seguino, 2023[56]). Les dépenses sociales peuvent atténuer les contraintes du côté de l’offre et créer des emplois pour les femmes.
L’obligation faite aux employeurs de proposer des congés familiaux plus favorables n’a pas réduit les possibilités d’emploi pour les femmes. Au contraire, cela a permis d’attirer davantage de femmes qualifiées qui, sinon, seraient restées dans le secteur informel.
Les mesures politiques visant à remédier à la surreprésentation des femmes dans l’emploi indépendant sont elles aussi prometteuses. Les niveaux élevés d’emploi indépendant chez les femmes sont le signe de cultures de travail qui ne favorisent pas la préférence plus marquée des femmes, et en particulier des mères, pour la flexibilité dans la vie professionnelle. La « pénalité liée à la maternité » est un facteur important des écarts entre les hommes et les femmes, en particulier en ce qui concerne les salaires et les revenus tout au long de leur vie. Au Viet Nam, la décision prise par le gouvernement d’allonger la durée du congé de maternité a entraîné une augmentation des taux de formalisation, en faisant passer les femmes du travail domestique agricole à l’emploi formel privé, ce qui a fait progresser l’emploi des femmes dans le secteur formel (Vu et Glewwe, 2022[57]).
L’élaboration de politiques et de programmes efficaces et inclusifs visant à lutter à la fois contre la pauvreté et contre les inégalités est un défi en constante évolution. Alors que les récents chocs mondiaux ont annulé des gains durement acquis depuis 2015, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire en Afrique, en Amérique latine et en Asie ont trouvé des solutions pour protéger leurs populations les plus vulnérables. Ces exemples et d’autres politiques et programmes donnent des indications importantes sur les mesures efficaces pour faire reculer la pauvreté et les inégalités. Les autorités nationales, les partenaires internationaux et la coopération pour le développement ont tous des rôles importants et interdépendants à jouer.
Tout d’abord, les principales contraintes auxquelles sont confrontés les pays du Sud sont liées à la marge de manœuvre budgétaire. Des réformes essentielles de l’architecture financière internationale et un soutien de la communauté internationale peuvent réduire les risques de chocs économiques mondiaux et les coûts du surendettement. Les initiatives multilatérales et la coopération internationale peuvent réduire les pertes de recettes en améliorant le recouvrement de l’impôt et le respect des obligations fiscales et en soutenant le renforcement des capacités de l’État au niveau local.
Deuxièmement, les autorités nationales doivent remédier à deux problèmes fréquents : des taux d’informalité relativement élevés et des systèmes d’imposition et de transfert relativement déficients. Le développement économique et la transformation structurelle qui favorisent une importante création d’emplois et la croissance des salaires et de la productivité, associés à de solides politiques du marché du travail visant à protéger les travailleurs fragiles (comme le salaire minimum) et à des mesures de redistribution destinées à soutenir une croissance inclusive (comme les transferts vers les zones rurales), peuvent accroître la formalisation et lutter à la fois contre la pauvreté et les inégalités. Des efforts ciblés visant à permettre aux travailleurs salariés informels du segment supérieur de rejoindre le secteur formel constituent une bonne stratégie de formalisation du travail, de même que des mesures susceptibles d’accroître la mobilité des travailleurs pour leur permettre de quitter des emplois sans avenir. L’aide à caractère social et la protection juridique des droits des travailleurs peuvent être utiles au grand nombre de travailleurs piégés dans des emplois informels du segment inférieur.
Enfin, la coopération pour le développement peut jouer un rôle plus important en soutenant les programmes et les politiques publiques dont la contribution à la réduction de la pauvreté et des inégalités a été démontrée. Au niveau mondial, seuls 2 % de l’aide publique au développement soutiennent expressément l’expansion des systèmes de protection sociale, par exemple. L’augmentation de ce soutien peut également améliorer le rôle anticyclique de la protection sociale dans les pays du Sud, qui est essentiel pour protéger les progrès lors des crises périodiques, en particulier dans les États les plus fragiles. Le soutien à la transformation à long terme des économies, des États et des sociétés peut en outre consolider les gains favorisés par ces actions publiques à grande échelle.
[48] Adu-Ababio, K. et al. (2023), Assessing the impact of an intervention to withhold value-added tax in Zambia, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/329-1.
[5] Alisjahbana, A., K. Sen et A. Sumner (2022), Inequality is not an inevitable consequence of economic development: Overcoming the developer’s dilemma, policy brief, United Nations University World Institute for Development, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/inequality-not-inevitable-consequence-economic-development.
[6] Alisjahbana, A. et al. (2022), The Developer’s Dilemma: Structural Transformation, Inequality Dynamics, and Inclusive Growth, WIDER Studies in Development Economics, Oxford University Press, Oxford, https://www.wider.unu.edu/publication/developers-dilemma.
[56] Arora, D., E. Braunstein et S. Seguino (2023), « A macro analysis of gender segregation and job quality in Latin America », World Development, vol. 164, p. 106153, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2022.106153.
[16] Bakke, K. et K. Rickard (2023), « Ten pound touts »: Post-conflict trust and the legacy of counterinsurgency in Northern Ireland, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/%E2%80%98ten-pound-touts%E2%80%99-post-conflict-trust-and-legacy-counterinsurgency-northern-ireland.
[13] Banque mondiale (2024), Global Economic Prospects, juin 2024, Banque mondiale, Washington, D.C., https://doi.org/10.1596/978-1-4648-2017-5.
[8] Banque mondiale (2024), Poverty and Inequality Platform version 20240326_2017_01_02_PROD (database), https://pip.worldbank.org/home.
[12] Banque mondiale (2022), Global Economic Prospects, juin 2022, Banque mondiale, Washington, D.C., http://hdl.handle.net/10986/37224.
[32] Bassier, I., J. Budlender et R. Zizzamia (2021), The Labour Market Impact of COVID-19 in South Africa: An Update with NIDS-CRAM Wave 3, National Income Dynamics Study – Coronavirus Rapid Mobile Survey, https://cramsurvey.org/wp-content/uploads/2021/02/2.-Bassier-I.-Budlender-J.-Zizzamia-R.-2021-The-labour-market-impact-of-COVID-19-.pdf.
[18] Bhalotra, S., I. Caillots-Figueras et L. Iyer (2023), Ethnic conflict: The role of ethnic representation, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/392-5.
[51] Castells-Quintana, D., C. Gradín et V. Royuela (2022), Inequality and human development: The role of different parts of the income distribution, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/230--0.
[19] Cremaschi, S. et J. Masullo J. (2023), The political legacies of wartime resistance: How local communities in Italy keep anti-fascist sentiments alive, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/352-9.
[55] Deshpande, A. et N. Kabeer (2024), « Norms that matter: Exploring the distribution of women’s work between income generation, expenditure-saving and unpaid domestic responsibilities in India », World Development, vol. 174, p. 106435, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2023.106435.
[53] Deshpande, A. et al. (2024), How to Create Decent Work for Women: Policy Lessons for Low- and Middle-income Countries, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER), Helsinki, https://www.wider.unu.edu/sites/default/files/Publications/Policy-brief/PDF/PB2024-01-How-to-create-decent-work-for-women.pdf.
[47] Ebrahim, A. et al. (2021), The effects of a risk-based approach to tax examinations: Evidence from Tanzania, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/090--0.
[23] Fields, G. et al. (dir. pub.) (2023), The Job Ladder: Transforming Informal Work and Livelihoods in Developing Countries, Oxford University Press, Oxford, https://global.oup.com/academic/product/the-job-ladder-9780192867339.
[29] Foster, S. (2023), Wage inequality, firm characteristics, and firm wage premia in South Africa, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/439-7.
[34] Gasior, K. et al. (2021), Towards greater poverty reduction in Zambia: Simulating potential Cash Plus reforms using MicroZAMOD, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/104-4.
[30] Gradín, C. et al. (dir. pub.) (2023), Tasks, Skills, and Institutions: The Changing Nature of Work and Inequality, Oxford University Press, Oxford.
[7] Gradín, C. et A. Oppel (2021), Trends in inequality within countries using a novel dataset, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/079-5.
[15] Ibáñez, A. et al. (2023), « The long-term economic legacies of rebel rule in civil war: Micro evidence from Colombia », Journal of Conflict Resolution, https://doi.org/10,1177/00220027231170569.
[50] Iversen, V., A. Krishna et K. Sen (dir. pub.) (2021), Social Mobility in Developing Countries: Concepts, Methods, and Determinants, Oxford University Press, Oxford, https://doi.org/10.1093/oso/9780192896858.001.0001.
[36] Jara, H., L. Montesdeoca et I. Tasseva (2021), The role of automatic stabilizers and emergency tax-benefit policies during the COVID-19 pandemic in Ecuador, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/938-9.
[46] Jouste, M., M. Nalukwago et R. Waiswa (2021), Do tax administrative interventions targeted at small businesses improve tax compliance and revenue collection? Evidence from Ugandan administrative tax data, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/951-8.
[22] Justino, P. (2022), Wartime governance and state-building trajectories in post-conflict societies, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/179-2.
[9] Kanbur, R., E. Ortiz-Juarez et A. Sumner (2024), « Is the era of declining global income inequality over? », Structural Change and Economic Dynamics, vol. 70, pp. 45-55, https://doi.org/10.1016/j.strueco.2024.01.002.
[17] Kloppe-Santamaría, G. (2019), « Lynching and the politics of state formation in post-revolutionary Puebla (1930s-50s) », Journal of Latin American Studies, vol. 51/3, pp. 499-521, https://doi.org/10.1017/S0022216X18001104.
[42] Koivisto, A. et al. (2021), The case of taxing multinational corporations in Uganda: Do multinational corporations face lower effective tax rates and is there evidence for profit shifting?, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/989-1.
[33] Lastunen, J. et al. (2023), Performance of tax-benefit systems amid COVID-19 crises in sub-Saharan Africa: A comparative perspective, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/438--0.
[4] Li, Y. et C. Xing (2020), Structural transformation, inequality, and inclusive growth in China, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/structural-transformation-inequality-and-inclusive-growth-china.
[52] Lo Bue, M. et al. (2021), Gender and vulnerable employment in the developing world: Evidence from global microdata, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/094-8.
[43] Musoke, N., T. Palanská et C. Schimanski (2023), Did Uganda’s corporate tax incentives benefit the Ugandan economy or only the firms?, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/441--0.
[37] Niño-Zarazúa, M. et al. (2022), The Rise of Social Protection in the Global South: The Role of Foreign Aid, Expert Group for Aid Studies, Stockholm, https://eba.se/en/reports/20402/20402.
[28] OCDE (2024), Breaking the Vicious Circles of Informal Employment and Low-Paying Work, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f95c5a74-en.
[25] OIT (2024), Indicators and data tools - SDG Labour Market Indicators (database), https://ilostat.ilo.org/data/#.
[26] OIT (2021), The World Social Protection Report 2020-22: Social Protection at the Crossroads – In Pursuit of a Better Future, Organisation internationale du Travail, Genève, https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_817572/lang--fr/index.htm.
[24] OIT (2019), Women and Men in the Informal Economy: A Statistical Update, Organisation internationale du Travail, Genève, https://www.ilo.org/publications/women-and-men-informal-economy-statistical-update.
[21] Ortiz-Ayala, A. (2021), « « They see us like the enemy »: Soldiers’ narratives of forced eradication of illegal crops in Colombia », Conflict, Security & Development, vol. 21/5, pp. 593-614, https://doi.org/10.1080/14678802.2021.1986305.
[3] PNUD (2024), No Soft Landing for Developing Economies, Programme des Nations Unies pour le développement, New York, https://www.undp.org/publications/no-soft-landing-developing-economies.
[35] Rodríguez, D. et al. (2022), The role of tax–benefit systems in protecting household incomes in Latin America during the COVID-19 pandemic, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/unu-wider/2022/258-4.
[49] Savoie, A., K. Sen et A. Tagem (2022), Constraints on the executive and tax revenues in the long run, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/unu-wider/2022/135-8.
[31] Schott, S. et R. Zizzamia (2021), The livelihood impacts of COVID-19 in urban South Africa: A view from below, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2021/994-5.
[14] Steele, A. et M. Weintraub (2022), Rebel governance and political participation, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/232-4.
[20] Sviatschi, M. (2022), « Making a NARCO: Childhood exposure to illegal labor markets and criminal life paths », Econometrica, vol. 90/4, pp. 1835-1878, https://doi.org/10.3982/ECTA17082.
[54] UNU-WIDER (2024), Women’s Work – Routes to Economic and Social Empowerment, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER), Helsinki, https://www.wider.unu.edu/project/womens-work-routes-economic-and-social-empowerment.
[41] UNU-WIDER (2023), Government Revenue Dataset Version 2023 (database), https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/GRD-2023 (consulté le 23 avril 2024).
[58] UNU-WIDER (2023), Towards Peace, Decent Work, and Greater Equality: Research Evidence for Transforming Economies, States, and Societies, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/towards-peace-decent-work-and-greater-equality.
[27] UNU-WIDER (2023), Towards Peace, Decent Work, and Greater Equality: Research Evidence for Transforming Economies, States, and Societies, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER), Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/towards-peace-decent-work-and-greater-equality.
[45] UNU-WIDER (2023), Why Are Businesses in the Capital Area of Uganda Not Paying Their Taxes? Combining Tax Data and Google Street View Images, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/sites/default/files/Publications/Research-brief/PDF/RB2023-06-Why-are-businesses-capital-are.pdf.
[10] UNU-WIDER (2023), World Income Inequality Database (WIID), United Nations University-World Institute for Development Economics Research, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/project/world-income-inequality-database-wiid.
[11] UNU-WIDER (2020), WIID Explorer: Gini Index, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www4.wider.unu.edu/?ind=1&type=ChoroplethSeq&year=70&byCountry=false&slider=buttons.
[44] Vincent, R., S. Dietrich et K. McNabb (2023), Compliance rates with local and national business taxes: Evidence from Kampala, Uganda, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/442-7.
[57] Vu, K. et P. Glewwe (2022), « Maternity benefits mandate and women’s choice of work in Vietnam », World Development, vol. 158(C), p. 105964, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2022.105964.
[40] Wier, L. (2019), The Impact of Tax Havens on South African Revenue, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/sites/default/files/Publications/Research-brief/PDF/RB2019-8-The-impact-of-tax-havens-on-South-African-revenue.pdf.
[39] Wier, L. et H. Reynolds (2018), Big and ’unprofitable’: How 10% of multinational firms do 98% of profit shifting, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/unu-wider/2018/553-4.
[38] Wier, L. et G. Zucman (2022), Global profit shifting, 1975-2019, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2022/254-6.
[1] Yusuf, A. et al. (2023), Will economic growth be sufficient to end global poverty? New projections of the UN Sustainable Development Goals, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://doi.org/10.35188/unu-wider/2023/431-1.
[2] Yusuf, A., A. Zuzy et A. Komarulzama (2023), Will the poverty-related SDGs be met? Global Projections for 2030, Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement de l’Université des Nations Unies, Helsinki, https://www.wider.unu.edu/publication/will-poverty-related-sdgs-be-met-global-projections-2030.
← 1. Ce résultat, basé sur les données fiscales de l’Afrique du Sud, a pu être obtenu car l’Afrique du Sud a été le premier pays à accorder aux chercheurs et aux analystes un accès sécurisé aux dossiers fiscaux administratifs aux fins de la réalisation d’une étude économique. L’Ouganda a été le deuxième pays africain à fournir un accès sécurisé à ses dossiers fiscaux administratifs en partenariat avec l’UNU-WIDER. De manière générale, l’UNU-WIDER a travaillé avec les autorités fiscales et d’autres organismes publics pour mettre les données fiscales administratives à la disposition de la recherche et de l’analyse des politiques. L’accès à ces données a permis de réaliser de nombreuses études d’où se dégagent des mesures permettant d’accroître la marge de manœuvre budgétaire dans les pays du Sud afin de financer les investissements publics et d’améliorer la protection sociale.