Simon Stiell
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
Coopération pour le développement 2024
16. Point de vue : La coopération pour le développement et l’action climatique sont intrinsèquement liées
Copier le lien de 16. Point de vue : La coopération pour le développement et l’action climatique sont intrinsèquement liéesLa coopération pour le développement et l’action climatique sont intrinsèquement liées. Elles représentent à la fois une nécessité impérieuse que nous ne pouvons ignorer et une occasion exceptionnelle que nous devons impérativement saisir.
Intensifier la lutte contre les changements climatiques est indispensable pour réduire la fréquence et l’intensité croissantes des catastrophes naturelles, qui anéantissent les progrès vers la réalisation de l’ensemble des Objectifs de développement durable. Ces efforts sont essentiels pour que les populations soient mieux préparées et que le rétablissement s’opère plus rapidement. En outre, renforcer la coopération pour le développement améliore la résilience sur laquelle reposent les transitions sociales et économiques déjà en cours vers une énergie propre et accessible et une résilience face au changement climatique qui bénéficieront à toutes et tous.
Lorsqu’ils sont associés, le développement et l’action climatique se renforcent mutuellement. Si nous trouvons la bonne façon de les articuler, nous pourrons faire en sorte de ne laisser aucun segment de la société de côté en veillant à ce que les nouvelles possibilités économiques et sociales qui en découlent soient réellement inclusives.
Ces principes sont étayés par la science. Selon l’édition 2023 du rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, des actions accélérées et équitables en faveur de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à ses effets sont déterminantes pour le développement durable. Des publications comme le rapport « Coopération pour le développement » de l’OCDE apportent de nouveaux arguments en faveur du rapprochement des actions à l’appui du développement durable et des mesures spécifiquement relatives à la lutte contre les changements climatiques. Ces rapports nous aident à comprendre les interactions entre la coopération pour le développement et l’action climatique et à compléter nos connaissances en la matière. De plus, ils permettent de consolider et d’élargir le socle de données factuelles sur lequel peuvent s’appuyer les responsables de l’action publique et les leaders de l’économie réelle et la société civile.
Lorsqu’ils sont associés, le développement et l’action climatique se renforcent mutuellement. Si nous trouvons la bonne façon de les articuler, nous pourrons faire en sorte de ne laisser aucun segment de la société de côté en veillant à ce que les nouvelles possibilités économiques et sociales qui en découlent soient réellement inclusives.
Prenons l’exemple de l’accès à l’énergie. Les pays en développement ont besoin de plus d’énergie, que ce soit pour alimenter la modernisation de leur économie ou pour améliorer le niveau de vie de leur population, par exemple en amenant l’électricité dans toutes les zones rurales. L’accès à l’énergie ouvre un nombre considérable de perspectives pour les personnes, les sociétés et les économies, aujourd’hui et à l’avenir. Il permet à plus d’enfants d’avoir suffisamment de lumière pour faire leurs devoirs, et aux microentreprises et petites entreprises d’avoir la possibilité d’accéder à la finance au format numérique ou d’atteindre plus de clients et de recevoir des paiements plus sécurisés et rapides grâce à des outils numériques, ce qui bénéficie en particulier aux femmes.
Le type d’énergie disponible est déterminant. Les installations qui exploitent les renouvelables, en particulier l’énergie éolienne et solaire, sont désormais moins chères à construire que les centrales thermiques fossiles dans 85 % du monde. Cependant, pour les 15 % restants, d’importantes barrières structurelles empêchent d’effectuer cette transition, notamment en bloquant l’accès aux fonds nécessaires, auxquelles s’ajoutent d’autres conditions fiscales particulièrement défavorables, comme la spirale de la dette combinée à des besoins de développement urgents tels que la nutrition et l’accès à l’eau propre et à l’assainissement, à des logements et aux soins de santé. C’est pourquoi il est essentiel que les nations – avec l’aide d’autres institutions clés, en particulier les banques multilatérales de développement et le secteur privé – collaborent plus étroitement pour réaliser les progrès nécessaires en matière de financement. Cela nous donnera la possibilité de combler les lacunes en matière d’accès à l’énergie pour près d’un milliard de personnes qui n’ont toujours pas accès à l’électricité, tout en gagnant du terrain dans la lutte contre la pollution par le carbone à l’origine de la crise climatique.
Cela nous amène à ce moment, à cette décennie critique. En 2023, mon organisation, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a dressé le bilan des mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. Les résultats sont sans équivoque : nous ne sommes pas près d’atteindre nos objectifs. Pour nous remettre sur la bonne voie, nous devons déployer des actions à l’échelle de la société et de l’économie dans leur ensemble. Les émissions doivent diminuer de 43 % d’ici 2030. En parallèle, nous devons faire en sorte que 8 milliards de personnes, et en particulier les plus vulnérables, bénéficient d’une résilience considérablement renforcée face au changement climatique.
Tous les pays ayant participé aux discussions sur l’action climatique tenues en décembre 2023 à Dubaï se sont engagés à abandonner progressivement l’ensemble des combustibles fossiles et ont renouvelé leur engagement à faire en sorte que l’objectif de 1.5°C reste réalisable. Lors des négociations qui se tiendront à Bakou en 2024, nous devrons aller plus loin et produire davantage de résultats à l’appui ces mesures, dont la mise en œuvre nécessite un financement adapté à cet objectif.
Nous devrons pour cela nous accorder sur un nouvel objectif chiffré collectif pour le financement de l’action climatique et œuvrer en faveur d’un système mondial de financement aligné sur l’action climatique et le développement durable. La transparence est tout aussi essentielle, et des rapports biennaux de transparence, qui devront être soumis à la fin de cette année, permettront de déterminer beaucoup plus précisément quels sont les progrès de l’action climatique mondiale et quels sont les domaines où davantage d’initiatives ou de financements ou des capacités renforcées sont nécessaires pour instaurer des politiques climatiques nationales plus solides.
Nous devrons pour cela nous accorder sur un nouvel objectif chiffré collectif pour le financement de l’action climatique et œuvrer en faveur d’un système mondial de financement aligné sur l’action climatique et le développement durable.
À présent, il faudra que tous les pays présentent des plans climatiques réalisables et susceptibles de recevoir des investissements – la nouvelle génération de contributions déterminées au niveau national – qui couvrent tous les secteurs et tous les gaz à effet de serre, et qui débloquent davantage de fonds.
Il est crucial pour tous les aspects de l’élaboration des politiques climatiques que les pouvoirs publics jouent un rôle de chef de file. Mais nous n’atteindrons pas nos objectifs avec un processus purement vertical. Les voix des personnes touchées par l’action climatique et la transition énergétique – et de celles qui élaborent des solutions dans l’économie réelle, sur le terrain – doivent toutes être entendues, y compris celles des travailleurs et des travailleuses, des femmes et des communautés autochtones.
Dans la pratique, nous devons donner à ces personnes bien plus qu’une simple voix. Nous devons leur donner un véritable rôle, en mettant en place les politiques et le cadre réglementaire qui leur permettront d’agir contre les changements climatiques à tous les niveaux et en leur fournissant les ressources dont elles ont besoin pour le faire. Ainsi la transition, et tout notre travail à la fois dans le domaine de l’action climatique et de la coopération pour le développement, seront plus que des mots sur un morceau de papier, et nous produirons un effet tangible sur la vie des gens et sur les économies dont nous dépendons toutes et tous pour survivre et prospérer.