Helena Gualinga
Militante de la protection de l’environnement et des droits humains
Coopération pour le développement 2024
32. Point de vue : Inscrire les droits humains, la justice et l’équité au cœur de l’action publique est la seule voie crédible pour les peuples autochtones
Copier le lien de 32. Point de vue : Inscrire les droits humains, la justice et l’équité au cœur de l’action publique est la seule voie crédible pour les peuples autochtonesLes peuples autochtones d’Amazonie se battent depuis longtemps pour protéger leurs terres, leurs forêts, leurs sources d’eau et l’ensemble des êtres vivants que ces ressources abritent, non seulement pour leur propre bien, mais pour celui de la planète entière. En première ligne de la défense de l’Amazonie, ils ont souvent risqué leur vie et fait l’objet de persécutions, d’incriminations, de menaces, d’actes d’intimidation et d’assassinats. Ils voient désormais leurs cultures et leurs moyens de subsistance détruits par le changement climatique, avec pour corollaire un appauvrissement culturel, spirituel et économique et l’apparition d’inégalités.
Les décideurs dans le monde favorisent de plus en plus ce qu’ils appellent la « transition écologique ». Mais de nombreux peuples autochtones, qui s’efforcent quotidiennement de protéger l’environnement, considèrent avec méfiance ce qui, à leurs yeux, constitue une nouvelle forme de colonialisme, généralement imposée au mépris ou au détriment de leurs droits. Nous devrions parler non pas de transition écologique mais d’abandon progressif des combustibles fossiles et de décarbonation de l’économie. Dans ce contexte, les responsables publics des pays Membres de l’OCDE devraient faire des droits humains, de la justice et de l’équité la pierre angulaire des mesures d’action publique prises à ces fins.
Nous devrions parler non pas de transition écologique mais d’abandon progressif des combustibles fossiles et de décarbonation de l’économie.
Droits humains. Les droits des peuples autochtones sont consacrés par différents instruments internationaux, tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux, la Convention américaine relative aux droits de l’homme, les constitutions nationales et la jurisprudence. Pourtant, des projets qui annoncent contribuer à l’atténuation du changement climatique, comme les centrales hydroélectriques, les plantations bioénergétiques, l’exploitation minière et les projets de compensation carbone, ont donné lieu à de graves violations des droits humains. À cet égard, j’appelle les responsables publics de l’OCDE et du monde entier à :
Respecter les obligations nationales et internationales relatives aux droits humains en adoptant des réglementations contraignantes sur le devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains incluant l’obligation d’obtenir un consentement libre, préalable et éclairé.
Apporter un soutien aux défenseurs des droits des peuples autochtones, y compris en leur assurant un accès à la justice.
Définir des zones de protection de la biodiversité et des droits humains interdites à l’exploitation minière, à l’extraction pétrolière et à d’autres activités nuisibles en Amazonie, en associant pleinement les peuples autochtones aux processus décisionnels, et exclure tout soutien diplomatique ou financier à l’appui de la conduite de projets dans ces zones.
Garantir que les droits des peuples autochtones, tels qu’inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, constituent un aspect central des politiques ou plans d’action relatifs à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets, à la biodiversité, à la bioéconomie et aux énergies renouvelables, et veiller à ce que ces politiques soient élaborées en consultant dûment et effectivement les peuples autochtones et en assurant leur participation réelle à la prise de décision.
Abolir les mécanismes de règlement des différends investisseur-État, qui sont incompatibles avec la protection des droits humains et de l’environnement et perpétuent la pauvreté et les inégalités.
Justice. Les peuples autochtones d’Amazonie font actuellement face à une situation désastreuse et à une possible disparition de la forêt amazonienne. En effet, nous sommes en passe d’atteindre plusieurs points de bascule menaçant la survie même de ces peuples, qui se battent sans relâche pour protéger la nature amazonienne. Il est injuste que les communautés autochtones fassent les frais des répercussions négatives aussi bien du changement climatique que des initiatives visant à l’atténuer et à s’adapter à ses effets. Pour que la transition vers une économie décarbonée soit juste, j’invite les responsables publics à prendre les mesures suivantes :
Reconnaître les différents rôles historiques, responsabilités et devoirs en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets. Coopérer avec les peuples autochtones pour remédier aux injustices de longue date et encore en vigueur, comme les conséquences environnementales de l’exploitation pétrolière et de l’extraction minière.
Consulter les peuples autochtones et coopérer avec eux dès lors qu’il s’agit de définir des politiques ou des plans d’action en matière de transition énergétique, en respectant leur droit au consentement libre, préalable et éclairé.
Adopter et mettre en œuvre des politiques, des réglementations et des lois efficaces qui remédient aux schémas de consommation non viables, réduisent la demande en ressources minérales et en biomasse et combattent toute activité illégale d’extraction et de commerce d’or et de bois en Amazonie, en coopération avec les peuples autochtones.
Équité. Il existe une grande diversité de peuples autochtones en Amazonie et dans d’autres régions du monde. Les communautés autochtones elles-mêmes sont très diversifiées. La transition vers une économie décarbonée doit être équitable pour tous les groupes, y compris les femmes, les jeunes, les enfants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Pour que la transition soit équitable, j’invite les responsables publics à prendre les mesures suivantes :
Apporter des financements flexibles directement aux peuples autochtones (y compris aux femmes et aux jeunes, aux défenseurs des droits fondamentaux des peuples autochtones, aux institutions représentant ces peuples et aux organisations ou réseaux locaux dirigés par des autochtones), sans recourir à des intermédiaires, pour les aider à se mobiliser, à se rassembler et à renforcer leurs capacités afin d’exercer leurs droits et de faire respecter leurs propres priorités sociales, culturelles et économiques.
Soutenir les activités d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets pilotées par les communautés autochtones, par exemple les projets d’énergie renouvelable et de conservation, notamment à l’aide de fonds d’urgence destinés à faire face aux sécheresses, aux inondations et aux feux de forêt.
Encourager la participation des communautés autochtones, y compris des femmes et des jeunes, aux processus décisionnels dans les enceintes internationales comme l’OCDE, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique, ainsi qu’au sein des organes décisionnels nationaux et infranationaux.