Ce chapitre analyse l’évolution du financement climatique privé mobilisé. Il examine les principales caractéristiques en termes de mécanismes de mobilisation de financements privés, de thèmes liés au climat, de types de fournisseurs, de secteurs, ainsi que sur la base de diverses caractéristiques et catégories de pays bénéficiaires. Il présente ensuite de nouveaux éclairages sur ces tendances, ainsi que des perspectives sur les possibilités d’accroître la mobilisation de financements privés.
Financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés en 2016-2020
Financement climatique privé mobilisé : tendances, éclairages et opportunités
Abstract
D’après (OCDE, 2022[5]), le financement climatique public fourni par les pays développés a mobilisé 13.1 milliards USD de financements privés en 2020. Bien qu’en hausse par rapport à 2016 (10.1 milliards USD), il s'agit d’une baisse par rapport aux niveaux relativement stables observés en 2017 (14.5 milliards USD), 2018 (14.7 milliards USD) et 2019 (14.4 milliards USD).
Dans la pratique, la capacité des pays développés à mobiliser des financements privés pour l’action climatique dans les pays en développement dépend de nombreux facteurs. Il s’agit notamment de la composition des portefeuilles de fournisseurs bilatéraux et multilatéraux (atténuation-adaptation, instruments et mécanismes, géographie et secteurs), des politiques publiques et des environnements propices dans les pays en développement, ainsi que des conditions macroéconomiques générales.
Caractéristiques du financement climatique privé mobilisé
Les fournisseurs de financement public mobilisent des financements privés par le biais de différents types de mécanismes, comme résumé dans le Graphique 12. À l’exception des garanties, ces mécanismes sont étayés par les instruments de financement public (prises de participation, dons, prêts) analysés dans le chapitre précédent, par exemple les parts dans des organismes de placement collectif (OPC) se composent d’investissements sous forme de prises de participation, les investissements directs dans des entreprises et les structures ad hoc peuvent prendre la forme de prises de participation ou de prêts, le cofinancement simple implique des dons ou des prêts.
Les investissements directs dans des entreprises ou des structures ad hoc ont mobilisé près de la moitié (44 %) du financement climatique privé sur la période 2016-20. Viennent ensuite les garanties (19 %), les prêts syndiqués (14 %), les lignes de crédit (9 %), les dispositifs de cofinancement simple (8 %) et les parts dans des organismes de placement collectif (OPC) (6 %) (Graphique 12). Toutefois, les financements privés mobilisés par chaque mécanisme ont varié sensiblement d’une année sur l’autre. Cette variation peut tenir non seulement à la nature volatile des flux de financement privé, mais aussi à la disponibilité de réserves de projets et de possibilités d’investissement qui peuvent être réparties de manière inégale dans le temps, comme on le verra plus en détail dans les sections suivantes de ce chapitre.
S’agissant des groupes de fournisseurs, entre 2016 et 2020, la majeure partie du financement climatique privé mobilisé a été attribuable aux BMD (57 %), suivies des fournisseurs bilatéraux (36 %) et des fonds climatiques multilatéraux (7 %) (Graphique 13). Pour les trois groupes de fournisseurs, l’investissement direct dans des entreprises ou des structures ad hoc a mobilisé la majeure partie de leurs financements privés totaux (la moitié des financements privés mobilisés par les BMD et un tiers pour les donneurs et les fonds climatiques). Le rôle joué par d’autres mécanismes varie selon les types de fournisseurs. Par exemple, les garanties ont représenté 20 % des financements privés mobilisés par les BMD et les fournisseurs bilatéraux, mais sont très rarement utilisées par les fonds climatiques multilatéraux. Les lignes de crédit ont représenté 20 % du financement climatique privé mobilisé par les fournisseurs bilatéraux, tandis que 19 % du financement climatique privé mobilisé par les BMD l’a été au moyen de prêts syndiqués.
La part prépondérante qu’occupe l’atténuation (86 %) dans les financements climatiques privés mobilisés par les pays développés sur la période 2016-2020 est en partie liée aux contraintes auxquelles sont confrontés les investissements commerciaux dans les projets d’adaptation. Il en résulte une répartition très inégale des financements climatiques mobilisés par secteur, le secteur de l’énergie représentant plus de la moitié des financements climatiques privés (Graphique 14). La moitié restante des financements climatiques privés mobilisés sur la période 2016-2020 a été répartie entre divers autres secteurs, en particulier l’industrie, l’exploitation minière et la construction (11 %) ; les services bancaires et financiers (9 %) ; les transports et le stockage (4 %) ; et l’agriculture, la foresterie et la pêche (4 %). Pourtant, en 2020, les financements climatiques privés mobilisés dans le secteur de l’énergie ont sensiblement diminué en termes relatifs et absolus, chutant de 0.9 milliard USD et ne représentant que 35 % du total des financements climatiques mobilisés cette année-là.
En revanche, sur la période 2016-2020, les financements climatiques privés mobilisés à des fins d’adaptation ciblaient principalement l’industrie, l’exploitation minière et la construction (36 % du total des financements climatiques privés mobilisés au titre de l’adaptation), même si cela a été largement influencé par un projet d’infrastructure énergétique de grande ampleur en Afrique de l’Est soutenu par une BMD en 2020.1 Viennent ensuite l’énergie, l’eau et l’assainissement, qui représentent tous deux 14 % du total des financements mobilisés au titre de l’adaptation sur la période de cinq ans. Sans surprise, les secteurs dans lesquels la part des financements climatiques privés mobilisés pour l’adaptation est nulle ou très faible sont la santé, l’administration publique et la société civile, et l’éducation.
Entre 2016 et 2020, le financement climatique privé destiné à des secteurs qui impliquent souvent des projets d’infrastructure, comme l’énergie, les transports et l’industrie, l’exploitation minière et la construction ou les communications, a été principalement mobilisé par le biais de mécanismes généralement utilisés dans le cadre du financement de projets, à savoir des garanties, des prêts syndiqués et des investissements directs dans des entreprises ou des structures ad hoc. Ces trois mécanismes ont représenté plus de 80 % du financement climatique privé mobilisé dans ces secteurs. En revanche, dans les services bancaires et financiers, les lignes de crédit, qui sont souvent utilisées dans le contexte du développement local des PME, ont joué un rôle important.
Financement climatique privé mobilisé par catégorie de pays bénéficiaire
Entre 2016 et 2020, l’Asie a été la principale région bénéficiaire du financement climatique privé mobilisé, représentant 38 % du total. Viennent ensuite les Amériques (26 %) et l’Afrique (21 %), tandis que l’Europe (5 %) et plus encore l’Océanie (0.1 %) représentent des parts beaucoup plus faibles (Graphique 15). La répartition régionale de la mobilisation du financement privé a été relativement similaire à celle du financement climatique total sur la période de cinq ans, à l’exception d’une focalisation légèrement plus marquée sur les Amériques et un peu plus faible sur l’Asie et l’Afrique.
Au niveau agrégé, la part des financements climatiques privés mobilisés dans les PRI (notamment les PRITS) a été nettement plus importante que dans les autres catégories de revenu : Les PRI ont représenté 67 % du financement climatique privé mobilisé pour chaque pays en 2016-2020, contre 7 % pour les PRI et seulement 5 % pour les PFR, les 21 % restants n’étant pas ventilés par pays. L’atténuation a représenté 91 % du financement climatique privé mobilisé dans les PRI, tandis que l’adaptation a représenté plus de 50 % du financement climatique privé mobilisé dans les PFR.
Entre 2016 et 2020, les financements climatiques privés mobilisés ont affiché un degré élevé de concentration, 10 pays bénéficiaires ayant bénéficié de plus de la moitié (55 %) du total des financements climatiques privés alloués à des pays individuels. La concentration est encore plus marquée si l’on considère les dix pays les plus performants en termes de financement privé de l’adaptation, dont la part s’élevait à 81 %. Les 10 premiers PRITS et les 10 premiers PFR ont bénéficié respectivement de 97 % et 99.7 % du financement climatique privé mobilisé au titre de l’adaptation au sein de chaque groupe de revenu. La forte concentration du financement climatique privé destiné aux PFR et à l’adaptation est toutefois principalement due au projet d’infrastructure énergétique à grande échelle mentionné plus haut dans un PMA.
Financement climatique privé mobilisé dans les PEID, les PMA et les États fragiles
En 2016-2020, les PEID, les PMA et les États fragiles ont représenté 1 %, 8 % et 16 % du total du financement climatique privé mobilisé, ce qui correspond à une moyenne annuelle de 0.1 milliard USD, 1.1 milliard USD et 1.7 milliard USD respectivement. Au cours de la période considérée, l’adaptation a représenté 38 % du total des financements climatiques privés mobilisés dans les PMA (15 % sans le projet d’infrastructure énergétique de grande échelle susmentionné) et seulement 6 % dans les PEID.
Les financements climatiques privés mobilisés dans les PEID et les PMA ont été concentrés dans un petit nombre de pays. En 2016-2020, 62 % du total des financements climatiques mobilisés dans les PMA n’ont bénéficié qu’à cinq des pays les moins avancés, et pas moins de 87 % du total des financements climatiques privés mobilisés dans les PEID n’ont bénéficié qu’à cinq des États insulaires. Près des deux tiers (64 %) des financements climatiques privés mobilisés en faveur des PEID ont été affectés aux pays et territoires de la région des Caraïbes. Pour les États fragiles, la situation est légèrement plus nuancée, puisque 54 % du financement climatique privé total n’a bénéficié qu’à cinq pays.
Tendances du financement climatique privé mobilisé, sur la base d’une sélection de notes de risque pays
Le risque peut décourager l’investissement privé s’il est jugé trop élevé et/ou s’il n’est pas réduit par des interventions publiques. Outre les obstacles aux investissements privés propres aux projets, d’autres risques concernent des aspects plus généraux des conditions politiques et réglementaires ainsi que des conditions macroéconomiques, juridiques ou commerciales de pays et régions spécifiques, comme on le verra plus en détail dans les sections suivantes de ce chapitre (voir page 44). Cette section utilise deux indicateurs composites complémentaires aisément disponibles pour analyser le financement privé mobilisé par les pays développés dans différents contextes et niveaux de risque nationaux : l’évaluation des risques pays à moyen terme d’Allianz (qui couvre un large éventail de types de risques différents) et l’évaluation du climat des affaires de Coface, qui est axée sur l’environnement des affaires et le risque de défaillance (Allianz, 2022[31] ; Coface, 2022[32]).
La principale conclusion est qu’au cours de la période 2016-2020, les fournisseurs publics de financement climatique ont principalement mobilisé des financements climatiques privés pour financer des projets dans des pays présentant un profil de risque moyen ou relativement faible (Graphique 16) :
D’après les notations des risques pays à moyen terme d’Allianz, les financements climatiques privés mobilisés ont profité principalement aux pays ayant une notation de risque plus faible (B/BB), représentant 45 % du total.
D’après l’évaluation du climat des affaires de Coface, environ 52 % des financements climatiques privés ont été mobilisés pour des projets dans des pays ayant obtenu la note de risque la plus faible (A).
Les financements climatiques privés mobilisés pour les pays les moins bien notés, à savoir D pour la notation Allianz ou C, D et E pour la notation Coface, représentaient respectivement 27 % et 19 %.
Les BMD semblent mobiliser des financements privés dans des environnements plus risqués que les pays donneurs et les fonds climatiques multilatéraux. Plus le risque est élevé, plus la part du financement climatique privé mobilisé par les BMD est élevée et plus la part des pays et des fonds climatiques est faible (Graphique 17) :
Sur la base des notations des risques pays à moyen terme d’Allianz, les BMD ont mobilisé un montant comparable de financements privés en 2016-2020 dans les trois catégories de risques (B/BB, C et D), tandis que les financements climatiques privés mobilisés par les fonds climatiques et les donneurs étaient plutôt concentrés dans des pays à profil de risque moins élevé (B/BB). Si 36 % seulement des financements climatiques privés mobilisés par les BMD l’ont été dans des pays présentant le risque le plus faible (B.B), ils ont été de 55 % dans le cas des pays donneurs et de 73 % pour les fonds climatiques.
Selon l’évaluation du climat des affaires de Coface, 53 % des financements climatiques privés mobilisés par les BMD ont été destinés à des pays présentant des niveaux de risque moyen à élevé (B, C, D et E). Cette part est tombée à 42 % pour les pays donneurs et à seulement 30 % pour les fonds climatiques multilatéraux (sachant que, pour les fonds climatiques, il s’agit d’un seul projet dans une structure d’investissement d’Amérique du Sud).
En 2016-20, les garanties ont été utilisées principalement dans les pays à risque moyen à élevé. Selon l’évaluation du climat des affaires réalisée par Coface, 30 % des financements privés mobilisés grâce à des garanties l’ont été dans des pays présentant un profil de risque moyen (notés B, C et D), contre seulement 15 % dans des pays à faible risque (notés A). Les notations de risque pays à moyen terme d’Allianz indiquent que 39 % des financements climatiques privés mobilisés grâce à des garanties l’ont été dans des pays à risque élevé (catégorie D), 22 % dans des pays à risque moyen (catégorie C) et seulement 12 % dans des pays à risque faible (catégorie B/B). Ces résultats donnent à penser que plus les incertitudes économiques et politiques sont faibles et plus le climat des affaires est favorable, moins il est nécessaire d’obtenir des garanties pour mobiliser des financements privés pour les projets climatiques.
Enseignements tirés de l’analyse détaillée du financement climatique privé mobilisé
Cette section présente les explications possibles des tendances observées ci-dessus. Pour ce faire, elle s’appuie en outre sur des publications pertinentes ainsi que sur une enquête qualitative de l’OCDE (ci-après l’enquête 2022 de l’OCDE). L’enquête 2022 de l’OCDE a été menée pour mettre à jour les informations sur les portefeuilles de financement du développement des fournisseurs bilatéraux et multilatéraux, en mettant l’accent sur les mécanismes et instruments conçus pour mobiliser des financements privés, et pour recueillir des éclairages qualitatifs auprès des fournisseurs sur les principales incitations et les principaux obstacles à la mobilisation de financements privés à l’appui du développement durable et de l’action climatique.2
L’adaptation a continué de représenter une part minime du financement climatique total mobilisé
Plus de 90 % des financements à l’appui de l’adaptation fournis et mobilisés par les pays développés en 2016-2020 provenaient de sources publiques (Graphique 1 du chapitre 1). Si les dépenses d’adaptation peuvent stimuler l’activité du secteur privé, avec des avantages directs pour l’économie, elles sont souvent dépourvues de sources de recettes claires (par exemple, sous la forme de paiements effectués par les utilisateurs finals) et, par conséquent, ne répondent pas aux critères d’investissement du secteur privé.
En outre, les activités d’adaptation peuvent être moins attrayantes pour les investisseurs privés, qui ont tendance à opérer sur des horizons temporels plus courts que ceux qui caractérisent les scénarios futurs d’impacts climatiques. Par conséquent, il est souvent difficile d’argumenter en faveur de projets d’adaptation assortis de longs délais de récupération et dont les avantages sont conditionnés à des scénarios climatiques futurs présentant un degré élevé d’incertitude (PNUE, 2021[28]). Les sources publiques sont indispensables pour soutenir les projets et les activités qui ont un rendement social élevé et un rendement financier plus faible, ou lorsque des pays et des communautés particulièrement vulnérables ou marginalisés ont besoin d'aide (Pauw et al., 2021[33]). C’est dans ce contexte que les acteurs des finances publiques peuvent se substituer aux acteurs du marché en accordant des subventions ou des prêts à long terme à des conditions concessionnelles.
Les résultats de l’enquête 2022 de l’OCDE soulignent en outre que les projets d’adaptation ne présentent pas souvent l'ampleur ni le potentiel d’extensibilité que recherchent les acteurs privés. Plusieurs fournisseurs ont également mentionné le manque de connaissances des investisseurs privés sur les projets d’adaptation existants ou possibles, ainsi que le coût plus élevé des projets dans certains cas. En revanche, les fournisseurs ont indiqué avoir une plus grande capacité à mobiliser des investisseurs privés pour des projets qui contribuent à l’atténuation du changement climatique dans des secteurs qu’ils comprennent bien et avec des projets clairement identifiés comme l’énergie, les transports et l’industrie.
Il est possible de renforcer la participation du secteur privé aux projets liés à l’adaptation, notamment en améliorant les environnements propices dans les secteurs respectifs qui ont la nécessité de s'adapter et de devenir résilients. Les pouvoirs publics peuvent par exemple définir des objectifs d’action qui les aident à honorer leur engagement à faire respecter la résilience et investir dans des cadres juridiques et réglementaires qui facilitent les partenariats public-privé. L’enquête 2022 de l’OCDE souligne également la nécessité de structurer et de formuler les projets et programmes d’adaptation de manière à associer les investisseurs privés potentiels dès la phase de conception des possibilités de financement.
Dans l’ensemble, pour générer des investissements dans l’adaptation et les porter à l’échelle voulue, il est important de comprendre et de distinguer les investissements dans l’adaptation qui peuvent être réalisés par le secteur privé pour répondre aux besoins et à la demande de produits et services d’adaptation ; et ceux qui prennent la forme d’investissements publics qui procurent des avantages économiques, mais ne disposent pas de modèle économique financier. À cet égard, l’accès aux financements et leur coût ont un fort impact sur les investissements dans l'adaptation qui se révèlent économiquement efficients dans un contexte donné (Mullan et Ranger, à paraître[34]).
Différents mécanismes visent à mobiliser des financements privés dans différents contextes
Les données recueillies par l’OCDE au niveau des activités sur le financement climatique privé mobilisé couvrent les principaux mécanismes utilisés par les IFD et les BMD, à savoir les garanties, les prêts syndiqués, les parts dans des organismes de placement collectif (OPC), les investissements directs dans des entreprises ou des structures ad hoc, les lignes de crédit et les dispositifs de cofinancement simple. L’Annexe A (Tableau A A.2) donne un aperçu des mécanismes de mobilisation et de leurs utilisations pour différents types d’activités et dans différents contextes.
L’enquête 2022 de l’OCDE sur les portefeuilles des fournisseurs a confirmé le rôle clé joué par le financement de projets, les garanties et les prêts syndiqués pour mobiliser des financements privés, que ce soit pour l’action climatique ou plus largement. Certains fournisseurs ont souligné l’efficacité des garanties pour mobiliser des financements privés sur les marchés naissants par le biais de l’atténuation des risques. D’autres évoquent également le rôle des prêts syndiqués dans la réduction des coûts des nouveaux entrants et dans l’encouragement des promoteurs à entrer sur le marché, ainsi que la capacité des lignes de crédit à soutenir le développement des PME locales en améliorant l’accès au financement.
L’innovation financière est un facteur important d’expansion des portefeuilles de mobilisation des fournisseurs. Si de nombreux fournisseurs ont généralement fait référence aux mécanismes relativement traditionnels et bien établis pour mobiliser des financements privés (prêts syndiqués, garanties, lignes de crédit et financement de projets, par exemple), certains ont également souligné la nécessité d’étudier des mécanismes nouveaux et innovants pour attirer l’investissement privé. Par exemple, plusieurs acteurs bilatéraux et multilatéraux ont mentionné le potentiel des investissements publics d’ancrage ou des souscriptions d’obligations pour la construction de marchés obligataires privés locaux de manière plus générale. D’autres ont indiqué envisager de mettre en place ou d’étendre des programmes de garantie. Un certain nombre de fournisseurs bilatéraux ont également fait référence à la capitalisation de fonds et mécanismes de financement mixte administrés par les BMD ou autres, qui visent à mobiliser des financements privés à des fins climatiques. En outre, certains fournisseurs ont commencé à étudier les approches possibles pour attirer les investisseurs institutionnels, par exemple au moyen de solutions d’investissement de portefeuille.
La majeure partie des financements climatiques privés a été mobilisée pour des projets dans des pays à revenu intermédiaire dotés d’un environnement relativement favorable et d’une notation de risque faible
La situation socioéconomique des pays en développement joue un rôle fondamental pour attirer les financements et les investissements privés. Les environnements propices sont liés à un large éventail de caractéristiques, telles que le cadre réglementaire sectoriel, ainsi que les politiques et dispositifs d’aide à l'investissement, les politiques de la concurrence, les politiques commerciales et les politiques relatives aux marchés financiers (Ang, Röttgers et Burli, 2017[35] ; OCDE, 2015[36] ; OCDE, 2021[37]) . D’autres facteurs jouent un rôle dans la capacité d’un pays à absorber et à accroître l’investissement, tels que sa capacité de mise en œuvre et de contrôle, son capital humain, sa main-d’œuvre qualifiée, le stock d’infrastructures économiques existant et son intégration dans les systèmes commerciaux mondiaux. En outre, le bon fonctionnement du système financier joue un rôle central pour faciliter la mobilisation, l’allocation efficace et l’accès aux financements à l’appui de l’investissement (Levine, 1996[38]). Enfin, il existe des leviers transversaux favorisant l’investissement : les données et informations ; la gouvernance, les systèmes et processus financiers publics et privés ; l'accès à la technologie (OCDE/La Banque mondiale/ONU Environnement, 2018[39] ; OCDE, 2021[37] ; OCDE, 2019[40]).
L’environnement favorable et la capacité d’absorption des pays ont tendance à progresser avec le développement économique et les niveaux de revenu. L’analyse des données présentée plus haut montre que les pays développés ont principalement mobilisé des financements climatiques privés dans des pays dotés d’infrastructures économiques existantes et d’un certain degré de maturité des marchés, qui sont généralement des PRI. Bon nombre des possibilités d’investissement sous-jacentes liées au financement de projets font intervenir des capitaux privés et des emprunts mobilisés au moyen de prêts syndiqués, de garanties et d’investissements directs.
Le faible montant des sommes totales mobilisées dans les pays à haut risque (Graphique 16 ci-dessus) s’explique plutôt par les fortes incertitudes politiques et macroéconomiques qui y limitent les possibilités de développement du secteur privé que par le besoin de mécanismes de réduction des risques au niveau des investissements individuels. Ainsi, seuls 15 % des financements climatiques privés mobilisés en faveur des pays les plus à risque (catégorie E, selon l’évaluation Coface du climat des affaires) l’ont été au moyen de garanties, un instrument type de réduction des risques.
D’un autre côté, comme on le verra plus en détail dans la section suivante, les pays en développement dotés de marchés et de cadres réglementaires qui fonctionnent relativement bien peuvent mobiliser des financements privés sans qu’un financement climatique public international supplémentaire ne soit fourni. Par conséquent, dans de tels cadres, les interventions extérieures de financement public peuvent avoir une additionnalité limitée pour les projets climatiques dans des secteurs rentables tels que l’énergie et l’industrie dans les pays en développement, qui peuvent être entièrement financés par des investisseurs privés (voir la partie droite du Graphique 19 ci-après). Ainsi, lorsque les bailleurs de fonds privés ne bénéficient directement d’aucune forme d’intervention de financement public ou de mécanisme de mobilisation des pays développés, ils ne sont pas considérés comme mobilisés par les pays développés et, par conséquent, comme déjà mentionné dans la section Contexte du rapport, sortent du champ du cadre comptable de la présente analyse.
Possibilités d’accroître la mobilisation de financements privés
Difficultés à surmonter
L’accroissement de la mobilisation de financements climatiques privés s’est révélé difficile. L’enquête 2022 de l’OCDE auprès des fournisseurs a permis de recueillir des informations sur les facteurs susceptibles d’affecter leur capacité à mobiliser des financements privés dans les pays en développement, notamment pour l’action climatique. Les deux principaux défis identifiés sont des risques élevés et des rendements d’investissement relativement faibles, ainsi qu’un manque de possibilités d’investissement et de développement de portefeuilles de projets (Graphique 18).
Parmi les autres difficultés rencontrées par les acteurs publics, on peut citer le manque d’incitations et d’expertise internes (pour les institutions qui ne sont pas traditionnellement axées sur le secteur privé), et la concurrence croissante entre les acteurs publics. Le manque de capacités locales dans les pays en développement et le respect des réglementations locales sont considérés comme des obstacles supplémentaires pour les investisseurs privés. En outre, le manque d’innovation financière a été identifié comme un facteur limitant tant pour les fournisseurs publics que pour le secteur privé.
Pour relever les défis auxquels sont confrontés les investisseurs dans les pays en développement et accroître les volumes de financements climatiques privés mobilisés afin de combler le déficit de financement climatique, il faudra, dans les années à venir, une réorientation plus profonde et plus radicale des portefeuilles des fournisseurs. Le partage d’expérience entre les fournisseurs pourrait contribuer à faire évoluer les comportements et à renforcer les capacités et l’expertise financières des institutions (par exemple en développant des écosystèmes d’obligations vertes pour attirer les investisseurs privés). Une information et une communication plus complètes sur les dispositifs de cofinancement faisant intervenir des financements privés seraient non seulement très utiles à l’apprentissage mutuel, mais pourraient aussi contribuer à réduire la perception de risque élevé.
Adapter l’agrégation des ressources et instruments publics et privés en fonction du contexte national, sectoriel et de risque
Graphique 19 Le graphique 19 propose une présentation stylisée de la combinaison de financements publics et privés dans différents contextes et à différents stades de développement. Dans un premier temps, le financement public a un rôle essentiel à jouer pour aider les pays en développement à créer des conditions plus propices à la mobilisation du secteur privé. Il s’agit notamment de soutenir l’élaboration et la mise en œuvre des politiques d’atténuation et d’adaptation et des mesures nécessaires pour attirer les investissements et les financements. Au fil du temps, cela peut conduire à une évolution dynamique, dans laquelle les financements et investissements privés peuvent être catalysés sur des marchés en cours de maturation sans qu’il soit nécessaire de continuer à utiliser les financements publics internationaux, permettant ainsi une mobilisation directe des financements publics vers des économies moins avancées, des technologies plus récentes et des investissements nécessitant une démonstration et une réduction des risques sur de nouveaux marchés (OCDE, 2018[41] ; OCDE, 2018[17]).
Toutefois, l’analyse des données fournies précédemment montrent que la combinaison de financements pour certains projets de grande envergure et d’autres opportunités d’investissement est restée largement dominée par les financements publics, laissant peu de place à la mobilisation de financements privés. Par exemple, bien que les fonds propres pour le financement de projets proviennent généralement de sources privées, le financement complémentaire par l’emprunt implique souvent des prêts syndiqués conclus par des acteurs publics du développement, tels que les BMD, les IFD bilatérales et les banques nationales de développement des pays en développement, les prêteurs privés jouant un rôle marginal ou n’étant pas du tout présents. En particulier dans les contextes présentant des risques élevés, la disponibilité de financements concessionnels peut s’avérer plus prioritaire que la recherche de co-investissements du secteur privé.
Dans ce contexte, les pays à faible revenu, les PMA et les PEID se trouveraient plus à gauche dans la représentation du Graphique 19, car ils sont généralement confrontés à davantage de contraintes pour attirer des financements et des investissements privés que les pays à revenu élevé ayant une capacité d’absorption relativement supérieure et un environnement plus favorable. Compte tenu de ces contraintes, une mobilisation accrue, qui permettrait de les faire évoluer vers la droite, serait un facteur important pour permettre une action climatique renforcée. Pour ce faire, toutefois, ils nécessiteraient davantage de soutien aux capacités de base, impliquant plus de financements publics internationaux concessionnels, afin d’accélérer les progrès dans cette direction, notamment en renforçant les capacités.
Les contraintes de capacités sont généralement exacerbées dans des pays comme les PEID, où des populations modestes et souvent dispersées signifient souvent un nombre relativement faible d’agents qualifiés travaillant dans les capacités clés, remettent en cause la capacité des pouvoirs publics à fournir des services de base et entravent la création de marchés intérieurs et d’un secteur privé d’envergure (OCDE, 2018[17]). Les fournisseurs peuvent aider les PEID et les PMA à surmonter les contraintes auxquelles ils sont confrontés. Il peut notamment s’agir de soutenir l’accès au financement climatique public, par exemple en simplifiant les procédures d’approbation de l’accès au financement de projets de petite taille et à faible risque, ou de financer l’accès à une expertise de qualité susceptible d’aider les pays à satisfaire aux exigences requises pour les propositions de projets (Caldwell et Larsen, 2021[19]).
En définitive, des mesures efficaces d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont prises en fonction de la situation socioéconomique de chaque pays et sont déterminées par celle-ci. L’ampleur et le type de financement climatique fourni et mobilisé varient selon les caractéristiques de chaque pays en développement. L’amélioration de l’environnement propice à l’action et à l’investissement climatiques comporte deux dimensions essentielles : des efforts visant à améliorer le cadre d’action et de réglementation, ainsi que le renforcement des capacités essentielles au niveau du pays.
Notes
← 1. Ce projet représente 46 % du total des financements climatiques privés mobilisés pour l’adaptation en 2020, et 25 % du total pour 2016-20.
← 2. L’enquête a été réalisée en mars-juin 2022, et administrée par les Direction de la coopération pour le développement par l’intermédiaire du Groupe de travail du CAD sur les statistiques du financement du développement (GT-STAT) en étroite collaboration avec le Programme de recherche collaborative sur le suivi du financement de l’action climatique, piloté par l’OCDE. Elle a été envoyée à 57 fournisseurs (30 fournisseurs bilatéraux et 27 institutions multilatérales). Des réponses complètes ou partielles ont été reçues de 21 et 16 institutions bilatérales et multilatérales respectivement, dont la plupart des fournisseurs mobilisant d’importants volumes de financement privé. Pour en savoir plus, voir oe.cd/mobilisation.