Ce chapitre présente des analyses ventilées et des éclairages sur l’évolution du financement climatique de l’atténuation, de l’adaptation et transversal. Il examine les caractéristiques de la répartition des thèmes climatiques par type de fournisseur, par secteur et en fonction des caractéristiques et des groupes de pays bénéficiaires. L’analyse porte sur les quatre composantes du financement climatique : le financement public bilatéral, le financement public multilatéral, les crédits à l’exportation et les financements privés mobilisés.
Financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés en 2016-2020
Financement climatique fourni et mobilisé : une analyse par thème climatique
Abstract
Comme indiqué dans le (OCDE, 2022[5]), le financement climatique total fourni et mobilisé par les pays développés en faveur des pays en développement s’est élevé à 83.3 milliards USD en 2020. Sur ce total, 48.6 milliards USD (58 %) ont été alloués à l’atténuation, 28.6 milliards USD (34 %) à l’adaptation et 6.0 milliards USD (7 %) à des activités transversales. Entre 2016 et 2020, c’est le financement de l’adaptation qui a le plus progressé en termes absolus et relatifs. En 2016, les mesures d’atténuation ont représenté 42.2 milliards USD (72 %), les mesures d’adaptation 10.1 milliards USD (17 %) et les mesures transversales 6.2 milliards USD (11 %).1
Répartition des thèmes climatiques entre les quatre composantes du financement climatique
Dans chacune des quatre composantes, le financement de l’atténuation a représenté en moyenne la plus grande part au cours de la période 2016-2020, bien que sa part ait considérablement varié entre les quatre (Graphique 1). Le financement climatique privé mobilisé et les crédits à l’exportation étaient presque exclusivement axés sur l’atténuation, tandis qu’environ un quart du financement climatique public ciblait l’adaptation.2 Le financement transversal, qui peut concerner à la fois l’atténuation et l’adaptation, a représenté une part relativement importante du financement public bilatéral (16 % en moyenne sur la période 2016-20), mais moins de 5 % du financement multilatéral public, des crédits à l’exportation et des financements climatiques privés mobilisés sur la même période. Parmi les fournisseurs multilatéraux, la part des financements transversaux était plus élevée pour les fonds climatiques multilatéraux (16 %) que pour les BMD (2 %). Les BMD et les fonds climatiques fournissent et mobilisent des parts similaires du financement axé sur l’adaptation (32 % et 30 %, respectivement).
La part des financements ciblant uniquement l’adaptation est restée inférieure à un tiers dans chaque composante, mais a augmenté dans le financement public bilatéral et multilatéral entre 2016 et 2020. En particulier, la part du financement de l’adaptation dans le financement climatique bilatéral a doublé, passant de 18 % en 2016 à 36 % en 2020. La part des financements à l’appui de l’adaptation dans le financement privé mobilisé a connu une forte hausse en 2019-20, passant de 11 % à 25 %. Cette augmentation est principalement due à un projet d’infrastructure de grande ampleur dans un PMA africain, soutenu par une institution multilatérale et notifié avec un important volet adaptation au changement climatique. Ce projet illustre comment des investissements isolés peuvent contribuer de manière substantielle à la montée du financement climatique dans différents thèmes, secteurs ou zones géographiques, comme expliqué plus en détail dans une section ultérieure de ce chapitre (page 21).
Le financement « Ciblant les deux objectifs » correspond au financement de projets bénéfiques sur le plan de l’atténuation et de l’adaptation ou au financement climatique qui n’était pas encore attribué à des activités d’atténuation et/ou d’adaptation au moment où les données ont été communiquées — par exemple, dons pour le renforcement des capacités, dont l’affectation est à la discrétion du bénéficiaire. La part des financements transversaux a progressivement diminué pour les BMD au cours des cinq années considérées, mais est restée relativement importante pour les fournisseurs bilatéraux et les fonds climatiques multilatéraux. Cette différence est toutefois probablement due à des pratiques méthodologiques et de notification différentes, qui peuvent à leur tour avoir un impact sur les volumes et la répartition thématique du financement climatique. Contrairement aux fournisseurs bilatéraux et aux fonds climatiques multilatéraux, les BMD utilisent rarement la catégorie transversale dans leurs activités de suivi et de notification du financement climatique, car elles s’efforcent de séparer les volets atténuation et adaptation au sein de projets individuels répondant à ces deux objectifs (Groupe des banques multilatérales de développement (BMD), 2021[6]). S’agissant du financement climatique public bilatéral, le format dans lequel les données sont notifiées ne permet pas de procéder à une analyse granulaire de la nature exacte des activités notifiées comme « transversales ». Néanmoins, on peut observer qu’au cours des dernières années, un nombre croissant de fournisseurs bilatéraux se sont également efforcés de réduire le recours à la catégorie transversale pour la notification de leurs contributions au financement climatique (voir Annex A).
Thèmes climatiques dans les différents secteurs
Les financements à l’appui de l’atténuation ont été principalement orientés vers les secteurs de l’énergie (46 %) et des transports (17 %), qui, ensemble, ont représenté près des deux tiers du total des financements à l’appui de l’atténuation en 2016-20. Tous les autres secteurs ont représenté chacun moins de 6 % du financement total de l’atténuation. Toutefois, sur la période de cinq ans, les financements à l’appui de l’atténuation ciblant le secteur de l’énergie ont diminué, tant en termes relatifs (de 51 % à 44 %) qu’en termes absolus (soit 0.8 milliard USD de moins en 2020 qu’en 2016). À l’inverse, le financement de l’atténuation a régulièrement augmenté dans les secteurs qui, les années précédentes, étaient principalement liés au financement de l’adaptation. C’est le cas pour l’agriculture, la foresterie et la pêche, ainsi que pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement, où le financement de l’atténuation a plus que triplé, en termes relatifs et absolus, principalement grâce au financement climatique public multilatéral. Par exemple, la part des financements ciblant l’agriculture, la foresterie et la pêche a presque quadruplé, passant de 1.8 % en 2016 à 7 % en 2020 (soit une augmentation de 2.5 milliards USD).
Par rapport à l’atténuation, le financement de l’adaptation a été réparti entre un plus grand nombre de secteurs. Les deux secteurs les plus importants étaient l’eau et l’assainissement, ainsi que l’agriculture, la foresterie et la pêche. Ces deux secteurs ont représenté respectivement 21 % et 19 % du total des financements à l’adaptation en 2016-2020, suivis de secteurs multiples (13 %) et des transports (11 %). Chacun des autres secteurs restants représentait en moyenne 5 % ou moins du financement total de l’adaptation. Entre 2016 et 2020, l’augmentation la plus notable du financement de l’adaptation dans un secteur donné a été enregistrée dans les transports ; celui-ci a plus que quintuplé, passant de 0.7 milliard USD en 2016 à 4.7 milliards USD en 2020. Au cours de la même période, le soutien aux activités liées à la santé, aux politiques et programmes en matière de population et à l’éducation a également fortement augmenté, passant de 0.1 milliard USD à 1.2 milliard USD. Parmi les autres secteurs où le financement climatique a connu une croissance rapide figurent les entreprises et les autres services, ainsi que l’infrastructure et les services sociaux.3
En 2016-2020, les financements transversaux, qui sont principalement notifiés par les fournisseurs bilatéraux, ont ciblé pour la plupart le secteur de la protection de l’environnement en général (21 %), l’agriculture, la foresterie et la pêche (17 %) et les secteurs dits « multisectoriels » (14 %). Ces proportions sont restées stables au cours des cinq dernières années.
Thèmes climatiques dans différentes catégories de pays bénéficiaires
Le financement de l’atténuation a représenté plus des deux tiers du total des financements climatiques fournis et mobilisés dans chaque région au cours de la période 2016-2020, à l’exception de l’Océanie (voir Graphique 2). Néanmoins, entre 2016 et 2020, la part des financements à l’adaptation fournis ou mobilisés dans chaque région a augmenté, en particulier en Afrique, où elle est passée de 25 % en 2016 à 45 % en 2020 (soit une hausse de 6.6 milliards USD).4 Dans toutes les régions sauf l’Océanie, la part des financements transversaux est restée faible (moins de 10 %).
En termes relatifs, le financement de l’adaptation représentait une part plus importante dans les régions comptant un nombre relativement élevé de pays à faible revenu (Afrique, Asie) que dans celles comptant un plus grand nombre de pays à revenu intermédiaire (Europe, Amérique). Au niveau agrégé, plus le groupe de revenu est faible, plus la part du financement de l’adaptation est élevée et plus la part du financement de l’atténuation est faible. Dans les PFR, l’adaptation a représenté pas moins de 50 % du financement climatique total fourni et mobilisé, contre 15 % dans les PRITS. À l’inverse, la part du financement de l’atténuation était de 78 % dans les PRITS et de 40 % dans les PFR. Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ont bénéficié ensemble des deux tiers du financement de l’adaptation en 2016-20.
Dans le même temps, les tendances globales peuvent masquer des différences significatives dans les tendances propres à chaque pays. Au sein des régions et des groupes de pays, la répartition thématique du financement climatique varie considérablement selon les pays bénéficiaires. Par exemple, la part du financement de l’adaptation dans les pays bénéficiaires allait de 1 % à 95 % en 2016-2020. Dans la moitié des pays bénéficiaires, la part du financement de l’adaptation a augmenté au cours de cette période.
Financement de l’adaptation pour les PEID et les PMA
En moyenne, près de la moitié du financement climatique total fourni et mobilisé en faveur des PEID et des PMA entre 2016 et 2020 ciblait spécifiquement l’adaptation (48 % et 45 %, respectivement) (Graphique 3). En outre, 12 % et 7 % du financement climatique total fourni et mobilisé dans les PEID et les PMA ciblaient des objectifs transversaux. Sur la période de cinq ans, 3.6 milliards USD ont été fournis et mobilisés au total pour l’adaptation dans les PEID et 28.6 milliards USD dans les PMA, soit une moyenne annuelle de 0.7 milliard USD et 5.7 milliards USD.5
Par habitant, les PEID ont bénéficié d’une médiane annuelle par habitant de 33 USD pour l’adaptation, soit près de quatre fois la médiane annuelle pour l’adaptation par habitant dans tous les pays en développement (9 USD). En revanche, les PMA ont bénéficié de 8 USD par habitant.
En valeur absolue, les financements à l’appui de l’adaptation fournis et mobilisés dans les PEID et les PMA ont augmenté régulièrement au cours des cinq années considérées. Toutefois, le financement de l’adaptation destiné aux PEID et aux PMA était relativement concentré dans un petit nombre de pays. Entre 2016 et 2020, plus de 40 % du financement total de l’adaptation destiné aux PMA n’ont été dirigés que vers 5 des 45 pays les moins avancés. De même, 39 % du financement de l’adaptation destiné aux PEID ont été dirigés vers 5 des 40 PEID.
Les financements publics ont représenté l’écrasante majorité (98 % et 93 %) du financement total de l’adaptation fourni et mobilisé dans les PEID et les PMA. La part des financements climatiques privés mobilisés est restée extrêmement faible (2 % en moyenne), tandis que celle des crédits à l’exportation était proche de zéro. L’année 2020 constitue une exception, puisque 10 % des financements à l’appui de l’adaptation destinés aux PMA proviennent du volet privé mobilisé. Cela est toutefois presque entièrement dû au projet d’infrastructure à grande échelle mené dans un PMA, comme indiqué précédemment.
Financement de l’atténuation dans les pays fortement émetteurs
Les niveaux et la composition des émissions nationales de GES varient considérablement d’un pays en développement à l’autre, et les grands émetteurs tendent à attirer une part plus importante du financement climatique à l’appui des activités d’atténuation. Les 10 pays en développement affichant le niveau global d’émissions d’équivalent CO2 le plus élevé en 2016-2019 (ci-après les « 10 premiers émetteurs »)6, et qui représentaient 68 % des émissions totales d’équivalent CO2 des pays en développement en 2016-2019, ont bénéficié de 25 % du financement total de l’atténuation fourni et mobilisé sur la période 2016-2020. À l’inverse, les 50 pays en développement qui émettent le moins d’équivalent CO2, soit 1 % du total des émissions de ces pays, n’ont bénéficié que de 3 % du financement total de l’atténuation fourni et mobilisé en 2016-20 (Graphique 4).
L’examen des valeurs médianes des financements à l’appui de l’atténuation fournis et mobilisés par habitant offre un point de vue différent qui nuance le tableau : la médiane annuelle du financement climatique par habitant fourni et mobilisé dans les dix premiers pays en développement émetteurs était de 3 USD par habitant sur la période 2016-2020, contre 17 USD par habitant dans les 50 pays les moins émetteurs.
En 2016-2020, seuls 3 % des financements climatiques ont été fournis et mobilisés pour les dix pays en développement affichant la croissance des émissions d’équivalent CO2 la plus rapide (en valeur absolue) sur la période 1990-2020. Toutefois, la plupart de ces émetteurs à croissance rapide sont des PEID dont la population est très restreinte, ce qui explique également que le montant médian par habitant des financements à l’appui de l’atténuation fournis et mobilisés dans ces pays soit nettement supérieur à la moyenne, soit 48 USD sur la période 2016-20.
Enseignements tirés de l’analyse détaillée du financement de l’adaptation et de l’atténuation
Comme on l’a vu dans (OCDE, 2022[5]) et expliqué en détail dans les sections précédentes, le financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés était principalement axé sur l’atténuation. Si le financement de l’adaptation a augmenté en termes absolus et relatifs, il reste principalement alimenté par le secteur public et cible principalement les pays à faible revenu et les plus vulnérables. Cette section présente les explications possibles de ces tendances observées.
Le financement climatique fourni et mobilisé a été principalement axé sur l’atténuation
Il est difficile de fournir une explication complète des tendances de la répartition thématique du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés, en raison de la complexité de l’architecture financière internationale, ainsi que de l’impact des grands projets individuels et des méthodes de suivi du financement de l’adaptation et de l’atténuation. Cependant, jusqu’à présent, les fournisseurs ont peut-être été davantage incités à donner la priorité au financement climatique pour les activités d’atténuation.
Premièrement, la perspective de viabilité financière et de rendement, qui sont plus faciles à atteindre dans les projets d’atténuation que dans les projets d’adaptation, incite les parties prenantes publiques et privées à investir. Les activités d’atténuation consistent souvent en des projets d’infrastructure dans les domaines de la production d’énergie (par exemple, construction de centrales électriques) et des transports (par exemple, construction de lignes de métro, de voies ferrées), qui sont souvent associés à un flux de recettes et génèrent ainsi des flux de trésorerie suffisants pour récupérer l’investissement initial et générer des rendements (Tableau 1). Si le financement de l’adaptation peut soutenir de grands projets d’infrastructure (par exemple, digues, routes surélevées et voies ferrées), de nombreuses activités d’adaptation ont tendance à se concentrer sur le renforcement des capacités ou l’assistance technique qui n’ont qu’un rendement financier limité, voire nul. En outre, il existe une incitation à soutenir des projets « prêts à démarrer » (c’est-à-dire des projets à des stades avancés de développement), qui sont souvent liés à l’atténuation. À l’inverse, les projets plus axés sur la planification, la communication ou l’engagement, qui relèvent souvent des activités d’adaptation, sont moins encouragés (Moser et al., 2019[7]).
Tableau 1. Exemples d’activités d’atténuation et d’adaptation
Thème climatique |
Description du projet |
Flux de recettes disponibles au profit du bailleur de fonds ? |
---|---|---|
Atténuation |
Conception, construction et exploitation d’une centrale photovoltaïque (PV) de 33 MW et d’une ligne de transmission de 33 kV sur 2.8 km. |
Oui |
Construction d’une ligne de métro de 23 km et achat d’un parc d’environ 80 voitures de métro. |
Oui |
|
Mise en place d’un système régional intégré de gestion des déchets solides comprenant la collecte, le transfert et le traitement à l’aide d’une technologie avancée de valorisation énergétique des déchets |
Oui |
|
Adaptation |
Construction de citernes pour la collecte, le stockage et la distribution de l’eau. |
Potentiellement |
Amélioration des plans existants de gestion de la réduction des risques de catastrophe aux niveaux régional, national et local. |
Non |
|
Contribution à l’amélioration de la résilience des petits producteurs agricoles au changement climatique en fournissant des crédits et une assistance technique de base |
Oui |
Note : Les auteurs ont sélectionné ces exemples pour donner un aperçu non exhaustif des activités communes liées à l’adaptation et à l’atténuation soutenues par le financement climatique. Ce tableau doit être lu dans le contexte plus large du chapitre.
Source : Sur la base des rapports biennaux à la CCNUCC, des statistiques du CAD de l’OCDE et du Groupe sur les crédits à l’exportation, et des montants faisant l’objet d’une notification supplémentaire à l’OCDE.
Deuxièmement, l’importance accordée au fil des ans à l’atténuation dans le contexte de l’action climatique offre des incitations plus fortes en matière de planification et de gouvernance publique pour les projets d’atténuation que pour les projets d’adaptation. Si l’urgence et l’importance de l’adaptation au changement climatique ont pris de l’ampleur au cours de la dernière décennie, l’atténuation occupait auparavant une place plus importante dans les politiques climatiques nationales et internationales. Cela tient aussi en partie au fait que pour atténuer le changement climatique à l’échelle mondiale, un effort collectif de chaque pays est nécessaire. L’adaptation, en revanche, dépend du contexte propre à chaque pays et, pour l’essentiel, les mesures d’adaptation sont prises individuellement et indépendamment les unes des autres. De fait, dans le cadre de l’Accord de Paris, les pays « doivent mettre en œuvre des mesures d’atténuation nationales », mais aucune exigence similaire n’est prévue pour les mesures d’adaptation (CCNUCC, 2015[8]).
En outre, les actions et les objectifs nécessaires pour atténuer le changement climatique sont plus facilement identifiables (par exemple, parvenir à la neutralité carbone). En revanche, la disponibilité d’évaluations d’impact au niveau des pays pour constituer une base convenue sur laquelle concevoir des mesures d’adaptation est plus limitée. De ce fait, de nombreux pays en développement peuvent avoir mis en place des cadres de planification et de financement plus solides pour les activités liées à l’atténuation (réglementation de l’efficacité énergétique ou des énergies renouvelables, incitations fiscales, etc.).
Enfin, les responsables de l’action publique et les fournisseurs de financement climatique peuvent être incités à donner la priorité à la mise en œuvre d’activités pouvant manifestement contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris. Dans ce contexte, les impacts des projets d’atténuation peuvent être plus facilement mesurés et quantifiés (par exemple en termes de réduction des émissions) et évalués par rapport aux objectifs quantitatifs nationaux de réduction des émissions, par exemple ceux inclus dans les CDN des pays. En revanche, il est plus difficile de définir des projets et des activités d’adaptation fructueux et efficaces, et d’évaluer leur contribution à la réalisation des objectifs nationaux d’adaptation (voir le dernier chapitre).
Le financement de l’atténuation et de l’adaptation cible quatre secteurs économiques
Plus de la moitié (63 %) du total du financement climatique fourni et mobilisé se concentre dans quatre secteurs économiques : énergie, transports, eau et assainissement, et agriculture, foresterie et pêche, les financements à l’appui de l’atténuation étant axés sur les deux premiers, et les financements à l’appui de l’adaptation sur les deux derniers. Tous ces secteurs sont souvent inclus dans les CDN ou les stratégies de développement à long terme des pays bénéficiaires, et offrent des possibilités de projets liés aux infrastructures, offrant ainsi une destination attrayante pour les investissements.
La répartition sectorielle des financements à l’appui de l’atténuation et de l’adaptation fournis et mobilisés en 2016-2020 reflète globalement les secteurs prioritaires identifiés en termes qualitatifs dans le rapport du Comité permanent du financement de la CCNUCC sur la « détermination des besoins des pays en développement Parties en lien avec la mise en œuvre de la Convention et de l’Accord de Paris » (ci-après le « Rapport de détermination des besoins de la CCNUCC ») (CCNUCC CPF, 2021[9]). Selon les conclusions du rapport, la plupart des besoins de financement de l’atténuation concernent l’énergie ; l’utilisation des terres et la foresterie ; les transports ; l’agriculture ; et les déchets et l’assainissement. Pour le financement de l’adaptation, les besoins concernent principalement l’agriculture et l’eau. Une étude plus récente du secteur privé sur les informations communiquées par les pays en développement dans le cadre de leurs CDN aboutit à des conclusions similaires (Clima Capital Partners LLC et Aviva Investors, 2022[10]). D’après ses conclusions, les CDN des pays en développement font de la production d’énergie, des transports, de l’industrie et des industries extractives les secteurs les plus cités où le financement de l’atténuation est nécessaire. Ces deux rapports se heurtent à des limites et des difficultés en termes de couverture et de méthodologies utilisées pour évaluer et définir les besoins des pays en développement.7 Ils donnent néanmoins une idée générale des secteurs dans lesquels le financement de l’adaptation et de l’atténuation pourrait être le plus nécessaire au cours des prochaines années.
La tendance à la hausse du financement de l’atténuation fourni et mobilisé pour l’agriculture, la foresterie et la pêche concerne des secteurs qui sont également importants pour la réduction des émissions de GES. Selon le GIEC, le secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres affectations des terres (AFAT) peut jouer un rôle essentiel dans la réalisation de réductions des émissions conformes à l’objectif de température de l’Accord de Paris (GIEC, 2022[11]). Plusieurs pays en développement qui se sont fixé un objectif de neutralité carbone ou climatique incluent l’AFAT dans leurs engagements, et au moins 86 pays en développement ont adhéré à l’Engagement mondial pour le méthane (qui, outre l’énergie et les déchets, cible l’agriculture)8 (Climate Action Tracker, 2022[12] ; Global Methane Pledge, 2022[13]). Le financement de l’atténuation dans l’agriculture, la foresterie et la pêche est axé sur des projets concernant la production animale, le reboisement et les cultures durables. Un soutien dans ces domaines peut aider les pays en développement à pallier l’insuffisance des investissements nécessaires pour parvenir à réduire les émissions dans les AFAT.
En revanche, de nombreuses activités d’adaptation peuvent ne pas être clairement classées dans une catégorie sectorielle définie, comme en témoigne la répartition sectorielle diversifiée du financement de l’adaptation. L’eau et l’assainissement ainsi que l’agriculture, la foresterie et la pêche attirent une part plus importante du soutien, probablement en raison de leur vulnérabilité aux effets du changement climatique. L’agriculture, en particulier, est l’un des secteurs les plus exposés aux effets du changement climatique, et la plupart des financements à l’appui de l’adaptation destinés à l’agriculture soutiennent des projets visant à améliorer la résilience des cultures, par exemple en finançant des programmes d’irrigation ou des programmes de renforcement des capacités en matière de gestion intégrée de la fertilité des sols. En outre, l’eau et l’assainissement et l’agriculture, la foresterie et la pêche offrent en moyenne un meilleur retour sur investissement que d’autres activités d’adaptation.
Dans le même temps, la tendance croissante du soutien aux secteurs sociaux tels que l’éducation, la santé et les politiques démographiques concerne des secteurs essentiels au renforcement de la résilience et des capacités d’adaptation à long terme, dans la mesure où ils s’attaquent aux conditions contextuelles qui rendent les pays plus vulnérables au changement climatique (Atteridge, Verkuijl et Dzebo, 2019[14]). Les types d’activités soutenues dans ces secteurs comprennent, par exemple, des bourses d’études supérieures dans des matières en rapport avec l’action climatique, des programmes visant à sensibiliser les citoyens au problème du changement climatique, ou l’achat de matériel médical pour traiter des problèmes de santé exacerbés par le changement climatique. De même, la tendance croissante du financement de l’adaptation dans le secteur de la préparation aux risques découle en particulier du soutien croissant apporté aux projets visant à mettre en place ou à renforcer des systèmes d’alerte précoce, qui sont essentiels pour aider les pays en développement à éviter ou à réduire les dommages causés par les aléas climatiques.
Les méthodologies utilisées pour suivre le financement climatique influent sur la répartition thématique du financement climatique fourni et mobilisé
L’évolution de la répartition thématique du financement climatique fourni et mobilisé repose sur les déclarations officielles au niveau des activités et reflète donc les meilleures données disponibles. Dans ce contexte, toutefois, la répartition thématique du financement climatique au cours d’une année donnée et ses variations d’une année sur l’autre peuvent être fortement influencées par les méthodologies utilisées par les différents fournisseurs de financement climatique pour identifier les financements spécifiques à l’atténuation et à l’adaptation ainsi que les financements destinés à des activités transversales, et par les modifications éventuelles de ces méthodologies.
Plusieurs activités soutenues par le financement climatique fourni et mobilisé ciblent à la fois l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets. Lorsque les fournisseurs ne sont pas en mesure de séparer les deux composantes, le projet est qualifié de « transversal ». Toutefois, les fournisseurs bilatéraux s’efforcent de plus en plus d’estimer les montants des projets transversaux axés sur l’atténuation et l’adaptation en utilisant des coefficients, et notifient les montants qui en résultent comme deux lignes distinctes d’un même projet.9 Les pays donneurs, ainsi que les institutions multilatérales, utilisent différentes méthodologies pour estimer le financement spécifique à l’atténuation et à l’adaptation, et pour déterminer quelle part d’une contribution cible l’adaptation plutôt que l’atténuation. En particulier, si certains pays déterminent la part d’une contribution ciblant l’adaptation au cas par cas, la plupart des donneurs utilisent des coefficients normalisés pour estimer la part d’une contribution ciblant spécifiquement l’adaptation ou l’atténuation. Cette question est examinée plus en détail à l’annexe C et est décrite plus en détail dans (OCDE, 2022[15]).
Les méthodologies utilisées par les fournisseurs pour suivre les activités de financement de l’adaptation et estimer leur composante propre à l’adaptation (utilisation de coefficients, par exemple) peuvent avoir une incidence sur le volume et la part représentés par le financement de l’adaptation. De nombreuses activités d’adaptation relevant des secteurs de l’eau et de l’assainissement ; de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche ; de l’énergie et des transports font partie de projets d’atténuation plus vastes et liés aux infrastructures. C’est le cas des projets d’atténuation qui intègrent des considérations relatives aux activités visant à améliorer la résilience ou l’adaptation au changement climatique. Par exemple, une activité d’atténuation impliquant la construction d’une ligne de métro peut inclure un volet d’adaptation qui consiste à rendre l’infrastructure résiliente aux inondations. En fonction des méthodologies utilisées par les fournisseurs pour estimer la valeur de cette composante d’adaptation, la valeur de cette composante variera considérablement.
Enfin, la baisse de la part des financements à l’appui de l’adaptation peut aussi être liée aux difficultés rencontrées pour suivre les financements à l’appui de l’adaptation, principalement en raison de l’absence de définition précise de ce qui pourrait constituer une adaptation, ainsi que de son caractère transversal. Ces défis sont particulièrement importants dans le contexte du financement privé mobilisé, où les activités visant à améliorer la résilience au changement climatique sont rarement isolées, mais plutôt intégrées dans les activités normales des entreprises et les activités de développement, et donc souvent non notifiées séparément (Brown et al., 2015[16]). Des efforts accrus visant à mieux identifier les composantes de l’investissement privé liées à l’adaptation peuvent jouer un rôle important dans l’amélioration du suivi des financements privés mobilisés pour l’adaptation.
Le financement de l’adaptation représentait une part plus importante dans les pays vulnérables et/ou pauvres
Le GIEC définit la vulnérabilité comme « la mesure dans laquelle un système est sensible, ou incapable de faire face, aux effets défavorables des changements climatiques » (GIEC, 2022). Dans la pratique, certains pays sont plus vulnérables que d’autres aux effets du changement climatique en raison de leur situation géographique et de leur situation socioéconomique. Les PEID, les PMA et les PFR comptent parmi les pays les plus vulnérables aux effets néfastes du changement climatique. Pour les PEID, cela est dû à leur taille, leur éloignement et leur exposition aux risques naturels ; pour les PMA et les PFR, c’est parce qu’ils sont parmi les moins à même de se relever des tensions climatiques et que leur croissance économique dépend fortement de secteurs vulnérables aux effets du changement climatique. En outre, ces groupes de pays sont confrontés à des contraintes considérables en termes de capacité et de capacité à mobiliser des ressources intérieures et à accéder aux marchés financiers. Dans ces pays, des parts plus importantes du financement de l’adaptation sont nécessaires pour soutenir non seulement les projets d’infrastructure qui les aident à améliorer leur résilience face aux aléas et aux risques liés au climat, mais aussi les activités de renforcement des capacités qui peuvent aussi fortement contribuer à leur développement socio-économique à long terme.
Dans le même temps, il est important de veiller à ce que ces pays vulnérables et à faible revenu ne soient pas privés de financements pour les infrastructures et l’atténuation. À l’heure actuelle, l’élargissement de l’accès au financement climatique pour les projets de grande envergure pourrait se révéler difficile pour les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Par exemple, des données factuelles montrent que les PEID et les PMA rencontrent des difficultés pour accéder aux financements des fonds climatiques multilatéraux en raison de la complexité des processus de demande, pour lesquels il existe un manque de capacités techniques (OCDE, 2018[17] ; Garschagen et Doshi, 2022[18] ; Caldwell et Larsen, 2021[19]). L’analyse des données montre qu’au niveau agrégé, les groupes vulnérables de pays reçoivent une part plus importante de financements à l’adaptation. Cependant, les publications existantes (Doshi et Garschagen, 2020[20]) et les analyses quantitatives menées dans le cadre de ce rapport montrent qu’il n’existe pas de lien systématique ni de corrélation entre le niveau de vulnérabilité estimé au niveau des pays (tel que défini par certains indices de vulnérabilité) et le montant ou la part du financement de l’adaptation au changement climatique reçu ou mobilisé (voir Encadré 1).
Plusieurs autres facteurs peuvent en revanche jouer un rôle, du point de vue des donneurs, dans la manière dont le financement est fourni ou mobilisé dans différentes régions. Il peut s’agir de relations historiques ou commerciales avec le pays donneur, ou du niveau d’ambition déclaré du pays bénéficiaire en matière de CDN et/ou d’autres priorités politiques (Doshi et Garschagen, 2020[20] ; Saunders, 2019[21]). Certaines études mettent en évidence la capacité institutionnelle et réglementaire perçue des pays bénéficiaires à absorber et utiliser efficacement les fonds, qui est un facteur clé de leur capacité à attirer des financements climatiques (Barrett, 2014[22] ; Doshi et Garschagen, 2020[20]).
En d’autres termes, il peut y avoir un biais implicite en faveur des activités de soutien dans les pays qui peuvent présenter de meilleures propositions de projets qui offrent des rendements plus sûrs et qui ont une longue expérience de la gestion des financements. Toutefois, il est souvent difficile pour les pays les plus vulnérables et à faible revenu de faire la preuve de leurs capacités de gestion des fonds et de leur expérience de la mise en œuvre de projets au niveau national. Le sous-développement relatif des marchés financiers locaux et la capacité limitée de ces pays à obtenir et rembourser des prêts constituent un autre obstacle qui peut les empêcher d’accéder à des volumes de financement plus importants. L’assistance financière et technique aux projets et le développement des marchés financiers locaux sur les marchés frontières peuvent donc avoir un impact important sur le développement, en créant les conditions d’une aide au développement future et de la participation du secteur privé à l’avenir.
Encadré 1. Niveau de vulnérabilité des pays et financement de l’adaptation fourni et mobilisé
Une analyse quantitative a été menée pour évaluer la relation entre le niveau de vulnérabilité des pays bénéficiaires et les montants de financement de l’adaptation fournis ou mobilisés dans ce pays, et a conclu à l’absence de lien ou de corrélation entre les deux (Graphique 5). Le niveau de vulnérabilité des pays bénéficiaires a été analysé à partir de deux indices de substitution : l’Indice mondial d’adaptation de Notre-Dame (ND-GAIN) et l’Indice de vulnérabilité physique au changement climatique (PVCCI) (Chen et al., 2015[23] ; Feindouno, Guillaumont et Simonet, 2020[24]). Ces deux indices donnent une indication du niveau de vulnérabilité au niveau des pays, même s’ils présentent tous deux certaines limites. Mesurer le niveau de vulnérabilité d’un pays est intrinsèquement difficile en raison du caractère général du concept de vulnérabilité lui-même, qui n’offre pas de définition précise. En outre, il est difficile de définir un indice unique permettant de rendre compte des diverses manifestations du changement climatique et de ses effets sur un pays. Par conséquent, la plupart des indices de vulnérabilité, dont le ND-GAIN et le PVCCI, sont composés d’ensembles de sous-indicateurs qui rendent compte de différents aspects de la vulnérabilité (Chen et al., 2015[23] ; Feindouno, Guillaumont et Simonet, 2020[24]). Dans le contexte de cette analyse, la variation significative des classements des pays entre les deux indices utilisés implique que leur valeur dépend largement de la sélection des sous-indicateurs utilisés pour chaque indice et des données utilisées pour leur estimation (Feindouno et Guillaumont, 2019[25]). Dans le même temps, la vulnérabilité est le plus souvent fonction du contexte et du lieu, et il existe des différences importantes au sein des pays en termes d’exposition aux risques liés au climat, et de fréquence et d’intensité de ces risques (OCDE, à paraître[26]). Pourtant, le niveau de ventilation de l’ensemble de données utilisé pour ce rapport ne permettait pas d’analyser quels groupes ou communautés sont concernés par le financement de l’adaptation au sein des pays.
Notes
← 1. Les chiffres étant arrondis, les totaux ne correspondent pas nécessairement à la somme de leurs composantes.
← 2. S’agissant des crédits à l’exportation, cette répartition thématique s’explique au moins en partie par des biais de couverture, car les données disponibles sur les crédits à l’exportation portent presque uniquement sur les opérations liées aux énergies renouvelables (voir l’annexe A pour plus de détails).
← 3. L’industrie, l’exploitation minière et la construction sont les secteurs qui ont connu la plus forte expansion en 2016-2020, enregistrant une croissance de 2 200 %, en précisant toutefois que le niveau était très bas au départ. Cela s’explique toutefois par le projet d’infrastructure à grande échelle mentionné plus haut.
← 4. Le financement de l’adaptation en direction de l’Afrique a régulièrement augmenté entre 2016 et 2019, avant de bondir notablement en 2019-2020 en raison du vaste projet d’infrastructure susmentionné soutenu par des financements climatiques privés mobilisés.
← 5. Ces deux groupes de pays se recoupant, ces chiffres ne peuvent pas être additionnés. Une liste complète des PEID et des PMA figure à l’Annexe B.
← 6. Les données sur les émissions d’équivalent CO2 proviennent de l’ensemble de données CAIT (Climate Watch, 2022[69]). Les données relatives aux émissions d’équivalent CO2 du CAIT ne sont disponibles que pour la période 1990-2019. Les dix premiers pays en développement émetteurs sont les dix premiers pays bénéficiaires affichant la moyenne des émissions d’équivalent CO2 la plus élevée sur la période 2016-19. Les dix pays en développement qui enregistrent la croissance la plus rapide sont les dix premiers pays destinataires dont les émissions ont le plus varié entre 1990 et 2019.
← 7. Les difficultés et les limites mentionnées dans les deux études sont les suivantes : (a) des incohérences entre les pays dans la définition des « besoins » ; (b) des incohérences entre les pays dans les méthodologies utilisées pour identifier et estimer les besoins ; (c) des incohérences entre les pays dans les définitions sectorielles et la classification sectorielle qui en découle des besoins identifiés ; et (d) des lacunes dans la couverture des informations, car un certain nombre de pays en développement n’ont pas communiqué d’informations sur les besoins (CCNUCC CPF, 2021[9] ; Clima Capital Partners LLC et Aviva Investors, 2022[10]).
← 8. Les participants à l’Engagement s’engagent à déployer un effort collectif pour réduire les émissions mondiales de méthane d’au moins 30 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2020 (Global Methane Pledge, 2022[13]).
← 9. Par exemple, un fournisseur peut conclure que 95 % d’un don de 100 000 USD contribuent à l’atténuation du changement climatique, tandis que les 5 % restants contribuent aux objectifs d’adaptation. Par conséquent, le don est notifié sur deux lignes distinctes : 5 000 USD de financement à l’appui de l’adaptation et 95 000 USD de financement à l’appui de l’atténuation.