La confiance des citoyens varie considérablement selon les différentes institutions. L'enquête de l'OCDE sur la confiance demande aux personnes interrogées d'indiquer leur niveau de confiance dans le gouvernement national, les autorités locales, la fonction publique, le système judiciaire et juridique, les partis politiques, les parlements et les congrès, les médias, les organisations intergouvernementales et les autres personnes. Ce chapitre présente les niveaux transnationaux de confiance dans ces institutions et explore le degré de corrélation significative entre différents traits institutionnels - comme la fiabilité, la réactivité, l'intégrité, l'ouverture et l'équité - et les niveaux de confiance dans les pays de l'OCDE.
Instaurer la confiance pour renforcer la démocratie
2. Dans quelle mesure vos institutions sont-elles dignes de confiance ?
Abstract
Principales conclusions et points d'attention
L'enquête de l'OCDE sur la confiance soumet aux répondants une série de questions simples : « Dans quelle mesure faites-vous confiance aux différentes institutions publiques ? ». En réponse à ces questions, seules quatre personnes interrogées sur dix, en moyenne dans les pays de l’OCDE étudiés, font confiance à leur gouvernement national. Les autorités locales et les fonctionnaires sont légèrement mieux perçus : près de la moitié des personnes interrogées, en moyenne, déclarent avoir confiance dans leurs autorités locales, et une proportion semblable, dans les fonctionnaires. La majorité des personnes interrogées font confiance aux tribunaux et à la police de leur pays, tandis que la cote des partis politiques, des institutions législatives, comme le parlement et le congrès, et des médias est relativement basse.
Plusieurs mesures de la fiabilité des institutions publiques (par exemple, la préparation à une future pandémie), le sentiment d’avoir voix au chapitre sur l’action publique menée, l’ouverture à l’égard des opinions exprimées lors des consultations publiques, et la confiance dans la capacité des pouvoirs publics à adopter des réformes orientées vers l'avenir, sont davantage corrélés sur le plan statistique avec la confiance qui est accordée au gouvernement national.
La perception de la fiabilité, de l'équité et de la réactivité des autorités entretient une relation statistiquement significative avec la confiance accordée à la fonction publique. La satisfaction à l'égard des services administratifs, la perception de l'équité des employés publics dans leur façon de traiter différentes personnes ou demandes de prestations publiques, la confiance dans l'utilisation de données personnelles par l’administration publique à des fins légitimes, le sentiment d’avoir voix au chapitre concernant l’action publique, et la réactivité des organes publics dans l’adoption d’idées innovantes ont une relation statistiquement significative avec la confiance dans la fonction publique.
La perception de l'ouverture, de la fiabilité et de la réactivité de l’administration est fortement liée à la confiance accordée aux autorités locales. Le sentiment des citoyens de pouvoir exprimer leur point de vue concernant les décisions des autorités locales et d'avoir voix au chapitre sur l’action publique menée, conjointement avec la satisfaction à l'égard des services administratifs, la perception que les autorités sont préparées aux crises futures et la réactivité des organes publics à adopter des idées novatrices, sont autant de variables qui présentent une relation statistiquement significative avec la confiance dans les autorités locales.
En termes de confiance ou de défiance, comment la population des pays de l’OCDE se positionne-t-elle à l’égard des différentes institutions publiques ? Les réponses varient selon les institutions et les acteurs. En moyenne, tous pays confondus, les personnes se vouent une grande confiance mutuelle. En ce qui concerne spécifiquement les institutions, les sondés font en moyenne davantage confiance aux autorités locales, et surtout aux fonctionnaires, qu’à leur gouvernement national. Ils ont également un niveau de confiance assez élevé dans les institutions de la justice, comme la police, les tribunaux et le système judiciaire. En revanche, les institutions législatives représentatives, les médias et les partis politiques sont les moins bien perçus, puisque les personnes interrogées, tous pays confondus, affichent un réel scepticisme à l’égard de ces institutions (Graphique 2.1).
Il convient également de noter que la sensibilisation aux différents niveaux et ministères de l’administration publique, ainsi qu’à leurs différentes responsabilités, peut varier énormément d’un pays à l’autre. Pour cette raison (et pour d’autres), les questions de l’enquête sur la confiance ont été adaptées aux besoins et aux contextes propres aux pays participants et devraient être évaluées en permanence pour permettre une comparaison transnationale (Encadré 2.1).
Encadré 2.1. Améliorer l'enquête de l'OCDE sur la confiance en vue de l'adapter aux différents contextes nationaux
L’enquête de l’OCDE sur la confiance vise à harmoniser la mesure de la confiance dans les institutions publiques des pays de l’OCDE, ce qui nécessite de rendre les questions, et donc les résultats, aussi comparables que possible. Un document méthodologique détaillé, qui comprend un aperçu des échantillons nationaux, les méthodes d'enquête et un tableau reprenant les différentes questions posées dans les différents pays, et qui identifie les défis liés à l'interprétation des résultats dans un contexte transnational, est disponible à l’adresse http://oe.cd/trust.
La nature même d'une enquête transnationale implique des compromis entre les informations spécifiques à chaque et celles comparables au niveau transnational. Des questions spécifiques dans un pays peuvent ne pas être pertinentes dans d'autres pays, ce qui complique la comparabilité. Ainsi, la question générique de l'OCDE, de type échelle de Likert, sur la « confiance dans les systèmes judiciaire et juridique » est cohérente avec le regroupement de ces institutions dans d'autres enquêtes transnationales (par exemple, l’enquête Gallup World Poll demande de répondre par oui ou par non à des questions portant sur la confiance accordée aux systèmes judiciaire et juridique), mais il pourrait s’avérer pertinent de décomposer plus finement ces institutions dans les futures itérations de l'enquête sur la confiance. Le ministère public, les tribunaux, le ministère de la Justice et d'autres composantes du système juridique pourraient être évalués indépendamment dans les questions de l'enquête. Les résultats de la Corée illustrent l'avantage qu’il y aurait à mieux clarifier ces institutions : alors que le résultat de la Corée concernant la confiance dans les systèmes judiciaire et juridique (sous une désignation commune) se situe dans la moitié inférieure des résultats transnationaux de l'OCDE, le pays obtient de bons résultats à la question plus ciblée de la perception de l'indépendance politique du système judiciaire. D'autres institutions publiques méritent également d'être examinées de plus près, comme les services des impôts ou les offices nationaux de statistiques, qui jouent un rôle important en tant que fournisseurs d'informations dans un contexte où les sources d'information ne sont pas toujours jugées fiables (chapitre 6).
Il est également probable qu'il existe systématiquement un biais spécifique aux pays dans les réponses collectées, même si un soin tout particulier est apporté à la formulation des questions et aux choix de réponses. Par exemple, l'enquête de l'OCDE sur la confiance utilise une échelle de 11 points en réponse à la plupart des questions de cette enquête (voir encadré 4.1 au chapitre 4). Pour autant, les recherches basées sur des enquêtes révèlent, par exemple, une plus grande propension à une « réponse médiane » aux questions de type « échelle de Likert » dans les pays asiatiques et une plus grande propension à des réponses situées aux extrémités de l'échelle dans les pays d'Amérique latine (Moss and Vijayendra, 2018[1]; Yoshino, 2015[2]). Cela est conforme à certains des résultats de l'enquête de l'OCDE sur la confiance, par exemple au Japon, où une part relativement importante des personnes interrogées a tendance à donner une réponse médiane (neutre) ou une réponse « Ne sait pas » (voir Graphique 1.2 au chapitre 1). C’est particulièrement préoccupant pour les questions afférentes à la confiance accordée aux différentes institutions. Ce point est peut-être en rapport avec les facteurs de confusion mentionnés au paragraphe précédent concernant la confiance dans le système judiciaire. En outre, pour un très petit nombre de questions, la proportion de réponses « Ne sait pas » est plus élevée que la moyenne au Danemark, en France et en Suède.
L'enquête de confiance de 2021 représentait la phase inaugurale du processus. L'OCDE s'engage à améliorer continuellement le questionnaire et l'analyse de l'enquête afin d'optimiser la comparabilité transnationale tout en reconnaissant les contextes culturels, institutionnels et socio-économiques spécifiques des différents pays. Parmi les domaines qui méritent d'être approfondis dans le cadre de recherches exclusives à un pays ou transnationales, citons : la propension spécifique à chaque pays à choisir les catégories « moyenne » ou « neutre » ou les réponses « Ne sait pas » ; la réalisation de tests cognitifs en vue d’évaluer la clarté et l'interprétabilité de certaines questions dans différents contextes culturels ; et l'essai de méthodes alternatives afin d’accroître la précision des réponses chez certains groupes de population généralement moins représentés dans les enquêtes par sondage.
Quelques adaptations nationales
Dans certains cas, les pays ont suggéré d’adapter la formulation de certaines questions préalablement à l’enquête pour qu’elles correspondent mieux à leurs contextes institutionnel et culturel, ou permettent de recueillir des informations supplémentaires.
Par exemple, au Mexique, comme dans de nombreux autres pays ayant un système fédéral, la configuration des différents niveaux d’administration publique est complexe. Ces niveaux sont au nombre de trois – la Fédération, les États et les municipalités – et chacun est chargé de la prestation de biens et services publics à des degrés divers, qui se chevauchent dans certains cas. Il est donc souvent difficile pour les personnes interrogées de savoir exactement quel niveau d’administration, ou quel ministère, fournit tel ou tel service ou programme. La présence du terme « gouvernement » dans les questions pouvant donner lieu à une mauvaise interprétation, l’Office national de statistiques du Mexique (INEGI) a interrogé les participants à l’enquête sur leur niveau de confiance dans le président et les gouverneurs des États. Bien que les estimations de la confiance accordée au président correspondent aux résultats des sondages d’opinion nationaux recueillis à peu près au même moment, il existe un risque, dans le cadre d’une harmonisation transnationale, de confondre la personne avec l’institution de l’exécutif. Aussi, pour le Mexique, les estimations de la « confiance dans la fonction publique » sont parfois utilisées en lieu et place des estimations de la « confiance dans le gouvernement national » dans ce rapport.
L'INEGI du Mexique a géré les nouvelles questions de l'enquête sur la confiance parallèlement à l'administration de son enquête nationale régulière et continue sur la qualité et l'impact des services et procédures gouvernementaux à différents niveaux de son administration, l'Encuesta Nacional de Calidad e Impacto Gubernamental (ENCIG). L'ENCIG examine de plus près les résultats spécifiques concernant les différents acteurs, institutions et niveaux de gouvernement. Cette approche pourrait s'avérer fructueuse pour les futures éditions de l'enquête sur la confiance de l'OCDE.
De même, la Nouvelle-Zélande a exclu certaines questions qui auraient enfreint les directives sur la neutralité politique des organismes publiques émises par la Commission du service public. Plus précisément, les questions concernant la « confiance dans le gouvernement national » et la « confiance dans les partis politiques » n'ont pas été posées. Les questions sur les priorités politiques, l'utilisation des données par l’administration nationale, l'intégrité perçue des élus et le changement des politiques en fonction des réactions du public ont également été exclues du questionnaire en Nouvelle-Zélande.
D'autres pays ont cherché à aborder des sujets supplémentaires ou ont recueilli des informations sur divers groupes. Ainsi, l’Irlande a ajouté des questions sur la confiance interpersonnelle et le capital social, basées sur des scénarios hypothétiques de perte d’un portefeuille. Le Royaume-Uni a posé des questions sur la satisfaction à l'égard de services publics spécifiques, tandis que le Portugal a inclus des questions exploratoires visant à évaluer l'importance perçue de la science et de l'engagement des citoyens dans le processus d'élaboration des politiques. La Nouvelle-Zélande a posé des questions sur l'ethnicité en tant que variable démographique. Les résultats de ces enquêtes spécifiques à chaque pays sont en cours d'évaluation dans les études de cas de l'OCDE ou par les offices nationaux de statistiques.
2.1. La fonction publique et les autorités locales sont jugées plus dignes de confiance que le gouvernement national
Interrogées sur leur confiance dans les différents niveaux d’administration publique, en moyenne sur les pays de l’OCDE étudiés, seuls quatre sondés sur dix (41.4 %) disent avoir confiance dans leur gouvernement national, cette proportion dépassant 50 % en Norvège,1 en Finlande, au Luxembourg, en Irlande et en Islande. 14.8 % ont une position « neutre », et 41.1 % ont tendance à ne pas avoir confiance dans leur gouvernement national (chapitre 1).
Les autorités locales inspirent généralement davantage confiance. En moyenne tous pays confondus, 46.9 % des sondés déclarent avoir confiance dans leurs autorités locales et seulement 32.4 % avouent ne pas lui faire confiance. Les fonctionnaires ont une meilleure image que les autorités locales et nationales, plus généralistes : en moyenne, la moitié (50.2 %) des personnes interrogées déclarent avoir confiance dans les fonctionnaires de leur pays. Surtout, elles sont moins d’un tiers à ne pas faire confiance à ces derniers.
La confiance peut également varier considérablement selon les institutions au sein d’un pays. Par exemple, 67.6 % des personnes interrogées en Irlande font confiance à la fonction publique, seulement 50.6 % au gouvernement national et moins de la moitié aux autorités locales (Graphique 2.2). L'écart est similaire en France.
Il est à noter qu’au Japon, les personnes interrogées expriment, dans une proportion élevée, un avis neutre quant à la confiance dans le gouvernement et les fonctionnaires ou ont indiqué « Ne sait pas », réponse qui n’est pas associée à une valeur numérique sur l’échelle. Au total, au Japon, les catégories des personnes qui font confiance, qui ont une opinion neutre ou qui déclarent ne pas savoir si elles font confiance à leur gouvernement national, aux autorités locales ou à la fonction publique représentent une forte majorité des personnes interrogées. Cela peut suggérer une flexibilité importante en termes de confiance dans les autorités publiques au Japon et l'interprétation de ces réponses devrait être explorée plus avant (Encadré 2.1).
Le fait que la fonction publique soit considérée comme davantage digne de confiance que le « gouvernement national » et les « autorités locales », qui sont des concepts plus abstraits, peut inciter à un optimisme prudent. Les fonctionnaires sont, à bien des égards, le visage humain des institutions publiques ; ils sont en contact direct à titre professionnel avec les citoyens et les usagers des services publics (OCDE, 2022[3]). En plus d’être des représentants importants des processus et programmes publics, ils peuvent être particulièrement efficaces et bien perçus lorsqu’ils ne sont pas sous influence politique (Dahlström and Lapuente, 2021[4]). Cette satisfaction relativement plus élevée à l’égard des fonctionnaires concorde également avec les perceptions relativement positives de la fiabilité des pouvoirs publics (chapitre 4).
Même dans les pays où la confiance dans le gouvernement national était faible comparativement aux autres en novembre 2021, comme en Autriche – peut-être parce que ce pays connaissaient la cinquième vague de COVID-19 –, la confiance dans la fonction publique est restée plus élevée. On peut donc conclure à l’existence d’une confiance sous-jacente, structurelle et de longue date envers les agents du secteur public.
2.2. La police et les tribunaux obtiennent de meilleurs résultats que les élus
En général, l’opinion à l’égard des institutions publiques chargées de la sécurité et de la justice est positive. En moyenne sur tous les pays étudiés, plus de deux tiers (67.1%) des personnes interrogées déclarent faire confiance à la police. Un peu plus de la moitié (56.9 % en moyenne) ont confiance dans les tribunaux et le système juridique (Graphique 2.3).
Ces résultats correspondent à peu près à la proportion de personnes interrogées qui, en moyenne, estiment que les tribunaux prennent leurs décisions sans subir d’influence politique, ajoutée à la proportion de celles qui ont une opinion « neutre » en ce qui concerne l’indépendance des tribunaux (chapitre 5). Cette indépendance est, dans la comparaison entre pays, positivement corrélée à la confiance dans les tribunaux et le système judiciaire (Graphique 2.4).
Il convient de noter que la question sur la « confiance dans les systèmes judiciaire et juridique » peut susciter des réponses différentes d'un pays à l'autre, en fonction de l'organisation nationale des différentes fonctions. Il pourrait s’avérer pertinent de décomposer plus finement ces institutions dans les futures itérations de l'enquête sur la confiance. Les résultats de la Corée, par exemple, illustrent l'avantage qu’il y aurait à mieux clarifier ces institutions : alors que le résultat de la Corée concernant la confiance dans les systèmes judiciaire et juridique (sous une désignation commune) se situe dans la moitié inférieure des résultats transnationaux de l'OCDE, la Corée obtient de bons résultats, supérieurs à la moyenne de l’OCDE, à la question plus ciblée de la perception de l'indépendance politique du système judiciaire (Graphique 2.4).
Dans les différents pays étudiés, un groupe suscite systématiquement un fort sentiment de manque de confiance : les partis politiques. En moyenne, 24.5 % à peine des personnes interrogées leur font confiance, et 55.5 % ne se fient pas à eux. De même, le niveau de confiance dans les institutions législatives représentatives, c’est-à-dire les parlements et les congrès, est relativement faible. Seuls 39.4 % des sondés en moyenne déclarent faire confiance aux organes législatifs de leur pays. Au Danemark, en Finlande, en Irlande, en Norvège et au Luxembourg, une petite majorité fait confiance au parlement de leur pays. (En effet, on observe en Norvège une confiance plus élevée dans le parlement que dans les autorités nationales et locales et les fonctionnaires.)
Ces résultats sont cohérents avec le sentiment général d’exclusion et d’impuissance politiques. L’intégrité des élus inspire relativement peu confiance aux personnes interrogées, dont une proportion élevée estime que leur voix n’est pas prise en compte dans les décisions publiques (chapitre 6). De plus, la confiance dans le législateur national est fortement influencée par les préférences politiques ; si même les personnes qui ont voté pour un parti au pouvoir ne font pas intrinsèquement confiance à leur parlement ou à leur congrès, celles qui ont des opinions politiques opposées font montre d’une confiance bien plus faible vis-à-vis du corps législatif et de l’État au sens large (chapitre 3).
Les autres institutions ne sont pas perçues beaucoup plus favorablement. Seuls 38.8 % des sondés, en moyenne, disent faire confiance aux médias d’information.
2.3. Dans la plupart des pays, les sondés croient davantage en la fiabilité de leurs administrations publiques qu’en leur réactivité
Ces niveaux de confiance dans les différentes institutions dépendent de la capacité du pays à traiter les différents aspects de la gouvernance. Le cadre de l’OCDE pour l’analyse de la confiance définit des lignes directrices associées à des mesures permettant de déterminer les domaines où les administrations sont jugées performantes et ceux où elles ne répondent pas aux attentes, ce qui se répercute directement sur la confiance (chapitre 1, Encadré 1.2).
Dans presque tous les pays, les personnes interrogées sont davantage persuadées de la fiabilité de leurs pouvoirs publics que de leur réactivité. En moyenne, 47.7 % d’entre elles considèrent que leurs pouvoirs publics sont fiables et 38.2 % qu’ils sont réactifs (Graphique 2.6). La majorité des personnes interrogées dans la moitié des pays couverts par l’enquête (Luxembourg, Danemark, Irlande, Corée, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Estonie, Islande, Canada et Royaume-Uni) jugent fiables leurs pouvoirs publics, comme le montrent les réponses aux questions sur l’état de préparation à une future pandémie, l’utilisation des données personnelles par les administrations publiques et la stabilité des conditions économiques. Un pays fait exception, la Corée, où la majorité des sondés estiment que les administrations publiques sont réactives, en cela qu’elles prennent en compte les réactions de la population concernant leur action et leurs services et adoptent des idées novatrices en vue d’améliorer les services publics. On note également, dans les analyses de régression, que la fiabilité et la réactivité, telle qu’elles sont estimées, ont une relation statistiquement significative avec la confiance (Section 2.4).
L’analyse des valeurs de gouvernance, également définies dans le Cadre (chapitre 1), est plus complexe. Les administrations obtiennent les meilleurs résultats lorsque les personnes interrogées pensent que leur propre demande de prestation ou de service public sera traitée de manière équitable, l'une des dimensions de l'équité dans le cadre de l'OCDE pour l’analyse de la confiance. En général, les personnes interrogées ont des doutes quant au fait que l’« ouverture » de l’administration offre de réelles possibilités de participer aux processus de l’action publique, mais la plupart d’entre elles estiment pouvoir trouver assez facilement des informations sur les procédures administratives. En moyenne, 46.2 % d’entre elles considèrent que leurs pouvoirs publics font preuve d’ouverture. Le sentiment concernant l’intégrité des administrations est aussi relativement négatif, comme en témoignent les valeurs moyennes des questions sur la petite corruption, sur les « portes tournantes » dont profitent des responsables publics élus et nommés et sur l’indépendance politique des tribunaux. Seuls 37.6 % des sondés en moyenne déclarent avoir confiance dans l’intégrité des institutions publiques de leur pays (Graphique 2.6).
Il est intéressant de noter que les différences – ou l'éventail des résultats – entre les pays sont relativement faibles concernant les questions pour lesquelles les administrations ont en moyenne obtenu de mauvais résultats, comme l’amendement de politiques impopulaires en réponse à l'opinion publique, l'exploitation des résultats d'une consultation publique et la perception de la probabilité qu'un haut responsable politique refuse une offre d'emploi dans le secteur privé en échange d'une faveur politique. Cela signifie qu'il existe un consensus relativement large, à l'échelle transnationale, sur le fait que les administrations nationales ne sont pas efficaces dans ces domaines. En revanche, on observe plus d’écarts entre les pays sur les questions auxquelles les administrations ont eu tendance à obtenir de meilleurs résultats, en moyenne (sur la disponibilité d’informations sur les procédures administratives, l'utilisation à des fins légitimes de données personnelles, la préparation à faire face à une nouvelle maladie contagieuse grave et le traitement équitable des demandes de prestation publique).
En termes simples, le consensus entre les répondants porte généralement sur les aspects où les administrations doivent s'améliorer. Les avis sont plus partagés concernant les domaines où les administrations ont démontré leur efficacité. Cela suggère, éventuellement, un programme commun pour les pays de l'OCDE visant à s’atteler aux domaines où la perception de l’efficacité de l’administration publique est généralement faible, et à comparer les politiques et les résultats entre les pays afin de poursuivre l’amélioration des domaines où les perceptions sont plus variées.
2.4. Approfondissement : exploration des possibles relations de cause à effet entre les institutions et la confiance
La plupart des chiffres de ce rapport présentent des indicateurs descriptifs du sentiment qu’éprouve la population a vis-à-vis des différentes institutions et de son niveau de confiance dans les pouvoirs publics. Les données de l’enquête sur la confiance sont utiles pour comprendre, par exemple, quelle part de la population d’un pays a confiance dans les différents types d’institutions, de services et de processus, de même que les caractéristiques et les perceptions des personnes qui font (ou ne font pas) confiance aux pouvoirs publics. Ces données descriptives permettent de se faire une idée globale de la relation entre les institutions et la confiance.
Discerner la relation de cause à effet entre les institutions et la confiance, c’est-à-dire déterminer en quoi la gouvernance publique a une incidence sur la confiance, est une tâche bien plus compliquée, surtout avec des données d’observation. Même avec les méthodes économétriques les plus sophistiquées, il est probable que cette relation de cause à effet soit bidirectionnelle. Des institutions et des politiques efficaces suscitent la confiance dans les pouvoirs publics, et la confiance dans les pouvoirs publics peut rendre les institutions plus efficaces. Il existe également une colinéarité et des effets interactifs entre différents aspects de la gouvernance qui ne permettent pas d’établir aisément l'effet causal d'une variable particulière. Par exemple, l'enquête sur la confiance révèle que les personnes interrogées se méfient des personnalités politiques et qu’elles sont également sceptiques quant à leur capacité à faire valoir leur voix politique. Il est probable que ces types de variables aient une relation interactive et altèrent conjointement la confiance.
En gardant ces réserves à l'esprit, une analyse de régression logit simple des données de l'enquête sur la confiance donne à penser qu’il existe une relation statistiquement significative entre les différentes institutions et la confiance dans le gouvernement national, les autorités locales et la fonction publique. En regroupant l’ensemble de données des pays étudiés de l’enquête sur la confiance et les effets fixes par pays, nous constatons que différents facteurs sont associés à la confiance accordée au gouvernement national, la fonction publique ou aux autorités locales (Encadré 2.2).
2.4.1. Déterminants les plus significatifs de la confiance dans le gouvernement national
La plupart des questions de l'enquête sur la confiance peuvent être rattachées à l’une ou l’autre des différentes composantes de la gouvernance publique du cadre de l’OCDE pour l’analyse de la confiance : la fiabilité, la réactivité, l’intégrité, l’équité et l’ouverture. Parmi celles-ci, la fiabilité semble être la dimension qui affecte le plus la confiance dans le gouvernement national.
L'utilisation d'une régression dans les microdonnées de l'enquête sur la confiance nous aide à comprendre la force et la nature (par exemple, positive, négative) de la relation entre la variable dépendante – la confiance – et une série de variables indépendantes du cadre pour l’analyse de la confiance (Encadré 2.2).
Lorsqu'elles sont analysées dans une régression logit, toutes les questions sur la fiabilité de l'enquête présentent une relation significative et positive avec la confiance dans le gouvernement national. Par exemple, toutes conditions égales par ailleurs, le passage du citoyen type à un citoyen légèrement plus confiant dans l’état de préparation du pays à faire face aux maladies futures2 est associé à une augmentation de 6.7 points de pourcentage du niveau de confiance dans le gouvernement national. Ce coefficient, en points de pourcentage, est représenté par la barre bleue dans le Graphique 2.7 (échelle sur l'axe des Y de gauche). Une élévation du niveau de confiance sur les deux autres aspects de la « fiabilité » est associée à une hausse d'environ 3 points de pourcentage de la confiance dans le gouvernement national (Graphique 2.7).
Les déterminants politiques, tels que le sentiment d’avoir voix au chapitre sur l’action publique menée, l'ouverture à l'égard des opinions exprimées lors des consultations publiques, la confiance dans la capacité de l’État à soutenir les réformes nécessaires pour l’avenir et le sentiment perçu d’une indépendance du pouvoir judiciaire, sont les autres variables qui présentent la relation statistique la plus forte avec la confiance dans le gouvernement national.
Si ces résultats montrent l'importance de ces différents déterminants pour la promotion de la confiance, le point de départ à prendre en compte dans les pays, à savoir le degré de satisfaction existant de la population, pour l’améliorer varie selon le facteur de gouvernance considéré. Seules 30.2 % des personnes interrogées, en moyenne à l’échelle transnationale, estiment qu’elles ont voix au chapitre sur l’action publique menée (axe de droite du Graphique 2.7) – il s’agit pourtant là d'une variable relativement importante pour la confiance dans le gouvernement national, comme l'indique sa relation avec une augmentation de 5.5 points de pourcentage du niveau de confiance.
2.4.2. Déterminants les plus significatifs de la confiance dans la fonction publique
La fiabilité, l'équité et la réactivité présentent la relation statistiquement significative la plus forte avec la confiance dans la fonction publique. Toutes conditions égales par ailleurs, le passage du citoyen type à un citoyen légèrement plus satisfait des services administratifs est associé à une augmentation de 6 points de pourcentage du niveau de confiance dans la fonction publique (Graphique 2.8, barre bleue, relativement à l'axe des ordonnées de gauche). Le sentiment d’un traitement équitable des riches et des pauvres dans les demandes de prestations publiques, la confiance dans le fait que l’administration utilise les données en sa possession à des fins légitimes, et le sentiment que l'État est préparé à faire face à de nouvelles maladies contagieuses sont les autres variables les plus déterminantes de la confiance dans la fonction publique (Graphique 2.8).
Dans le même temps, le niveau de satisfaction moyen transnational sur les variables en jaune varie sensiblement (Graphique 2.8). Les valeurs moyennes varient entre 30.2 % des sondés (à l’échelle transnationale), pour ceux qui estiment avoir voix au chapitre sur l’action publique menée, et 63 % des sondés, pour ceux qui se disent satisfaits des services administratifs (Graphique 2.8, illustré par les points jaunes liés à l’axe de droite). En d'autres termes, le point de départ à prendre en compte qui ressort de l'évaluation par les administrés varie selon la dimension de l’action publique – certains domaines d’action peuvent avoir une relation positive et statistiquement significative avec la confiance, et déjà enregistrer un niveau élevé de satisfaction (comme, par exemple, pour la satisfaction à l’égard des services administratifs). D'autres nécessitent en revanche une amélioration plus substantielle.
2.4.3. Déterminants les plus significatifs de la confiance dans les autorités locales
Quels sont les facteurs qui jouent sur la confiance dans les autorités locales ? L'ouverture et la fiabilité perçues des autorités locales entretiennent une relation statistiquement significative avec la confiance qui leur est accordée. Toutes conditions égales par ailleurs, le passage du citoyen type à un citoyen légèrement plus confiant dans la possibilité d’exprimer son point de vue sur les décisions d’une autorité locale ou légèrement plus satisfait3 des services administratifs est associé à une augmentation de 5 points de pourcentage dans les deux cas du niveau de confiance dans les autorités locales (Graphique 2.9, barres bleues, relativement à l'axe des Y de gauche). La fiabilité (préparation à faire face aux maladies futures et utilisation légitime des données privées), ainsi que le sentiment d’avoir voix au chapitre sur l’action publique menée, le sentiment que les organismes publics adoptent des idées novatrices et le sentiment d’une égalité de traitement par les agents publics, sont les autres variables qui entretiennent les relations les plus fortes avec la confiance dans les autorités locales. Dans le même temps, le point de départ qui ressort de l'évaluation par les administrés varie en fonction du domaine d’action. Alors que la majorité des personnes interrogées, en moyenne tous pays de l'OCDE confondus, expriment leur satisfaction sur les services administratifs prestés (63 %) et sur le sujet de l'utilisation des données personnelles (51 %), seules 41 % d’entre elles estiment qu'elles seraient en mesure d'exprimer leur point de vue et 30.2 % qu’elles ont voix au chapitre sur l’action publique menée (Graphique 2.9 points jaunes, axe de droite).
Ces résultats fournissent un premier éclairage sur les principaux déterminants de la confiance dans le gouvernement national, les autorités locales et la fonction publique et montrent que, en moyenne tous pays confondus, ces facteurs varient en fonction des institutions. Une analyse par pays mettrait en lumière des différences significatives dans ce tableau général.
Encadré 2.2. Régression logit évaluant l'importance des différents déterminants de la confiance
Les résultats des exercices de régression menés, exposés à la section 2.4, renseignent sur la signification statistique de la relation entre la confiance dans le gouvernement national, les autorités locales et la fonction publique, et une série de variables indépendantes – les potentiels « déterminants de la confiance » – dans l'ensemble de données de l'enquête sur la confiance. Ces régressions, fondées sur les données les plus complètes et comparables sur la confiance dans les institutions et ses déterminants, couvrent 18 pays : l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Colombie, la Corée, le Danemark, l’Estonie, la France, l’Irlande, l’Islande, le Japon, la Lettonie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.
L'analyse empirique des déterminants de la confiance est basée sur des régressions logistiques. Le logit étudie la mesure dans laquelle la confiance présente une relation significative avec la perception qu'ont les répondants de la réactivité, de la fiabilité, de l'ouverture, de l'intégrité et de l'équité de l’État et des institutions publiques - les composantes clés du cadre de l'OCDE pour l’analyse de la confiance (chapitre 1). Ces cinq dimensions sont opérationnalisées par 14 variables, mesurées à l'origine sur une échelle de 0 à 10.
La confiance dans les institutions, ici la variable dépendante, est mesurée séparément par trois variables différentes : la confiance dans le gouvernement national, la confiance dans les autorités locales et la confiance dans la fonction publique. La question de l’enquête est formulée comme suit : « Sur une échelle de 0 à 10, où 0 correspond à une défiance totale et 10 à une confiance totale, dans quelle mesure faites-vous confiance à chacune des entités suivantes ? » Pour la régression logit, la variable dépendante est recodée en variable indicatrice. Elle prend la valeur 0 pour les réponses 0 à 4 sur l'échelle d’origine de 11 points, et la valeur 1 pour les réponses 6 à 10. Les réponses 5, « Ne sait pas » / « Préfère ne pas répondre » sont exclues.
Outre ces composantes clés, les prédicteurs comprennent 5 variables mesurant : l'efficacité interne et externe (toutes deux sur une échelle de 11 points), la satisfaction à l'égard des services administratifs (même échelle), la confiance dans la capacité du pays à relever le défi écologique (échelle de 5 points), et l'affiliation au gouvernement national (c'est-à-dire si le répondant a voté pour le pouvoir en place). Au total, le jeu final de prédicteurs comprend 19 variables. Toutes (sauf la dernière) sont standardisées.
Pour chaque variable dépendante, un sous-ensemble de prédicteurs est sélectionné sur la base d'une régression pas à pas. Tous les modèles utilisent les variables de contrôle suivantes : données sociodémographiques (âge, sexe, niveau d’études), confiance interpersonnelle et variables indicatrices des pays. Les poids des variables sont inclus dans la régression. Chaque pays a le même poids. Les données manquantes sont exclues par suppression des observations.
Dans les graphiques 2.7, 2.8 et 2.9, les coefficients (barres bleues, avec échelle de variation en points de pourcentage sur l'axe des Y de gauche) sont des effets marginaux moyens. Ils correspondent à la variation de la confiance en points de pourcentage associée à une variation d'un écart-type du prédicteur.
Seuls les déterminants de la gouvernance publique les plus significatifs sont présentés, mais il est à noter que les caractéristiques socioéconomiques ou autres caractéristiques au niveau individuel (non présentées) sont souvent statistiquement significatives. Le fait d'avoir voté pour le pouvoir en place, par exemple, est la variable indépendante qui entretient la relation la plus forte (et significative) avec la confiance dans le gouvernement national. Cette même variable entretient également une relation statistiquement significative avec la confiance dans les autorités locales, bien que le coefficient soit dans ce cas plus faible. Les résultats résistent largement au choix du modèle ; la direction et la signification des coefficients sont similaires lorsqu'un modèle des moindres carrés ordinaires est appliqué.
Références
[4] Dahlström, C. and V. Lapuente (2021), “Bureaucracy and Government Quality”, in The Oxford Handbook of the Quality of Government, Oxford University Press, https://doi.org/10.1093/OXFORDHB/9780198858218.013.31.
[1] Moss, F. and B. Vijayendra (2018), When difference doesn’t mean different: Understanding cultural bias in global research studies, Ipsos.
[3] OCDE (2022), Emploi et gestion publics 2021 : L’avenir de la fonction publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e6645a1d-fr.
[5] Saglie, J. et al. (2021), Lokalvalget 2019: Nye kommuner – nye valg?, Nordic Open Access Scholarly Publishing, https://doi.org/10.23865/NOASP.134.
[2] Yoshino, R. (2015), “Trust of Nations: Looking for More Universal Values for Interpersonal and International Relationships”, Behaviormetrika, Vol. 42/2, pp. 131-166, https://doi.org/10.2333/BHMK.42.131.
Notes
← 1. L'enquête de l'OCDE sur la confiance révèle que la confiance dans le gouvernement national est légèrement supérieure – d'environ 2 points de pourcentage – à la confiance dans les autorités locales en Norvège. Bien que la différence soit minime, cela contraste avec l'ordre des institutions de confiance dans d'autres pays et avec les résultats d'une étude électorale norvégienne destinée à mesurer la confiance. Dans cette étude sur les élections norvégiennes de 2019, la confiance accordée au conseil municipal est de 5.7 en moyenne, ce qui est cohérent avec le résultat moyen de l'OCDE, mais elle est plus élevée que la confiance dans le parlement national (5.5) et le gouvernement national (5.4) (Saglie et al., 2021[5]). Ces différences témoignent d’une fluctuation des niveaux de confiance. Le calendrier des enquêtes est l’une des causes possibles de ces divergences. La confiance a tendance à se renforcer après les élections, ce qui pourrait avoir influencé les moyennes de confiance dans l'étude sur les élections locales. L'enquête sur la confiance de l'OCDE a été menée pendant la pandémie de COVID-19.
← 2. Mesuré dans le modèle par une augmentation d’un écart-type.
← 3. Mesuré dans le modèle par une augmentation d’un écart-type.