Les défis de gouvernance qui ressortent de l'enquête sur la confiance sont aggravés par de nouvelles menaces auxquelles sont confrontées nos démocraties aujourd'hui, et notamment (mais non exclusivement) la désinformation et la mésinformation, les inégalités en matière de représentation et de participation à la vie politique, de même que les incertitudes qui entourent la capacité des États à relever les défis globaux et à long terme qui se posent dans un monde en mutation rapide. Ces menaces pour la démocratie affectent la capacité des pays à faire face aux grands enjeux d'aujourd'hui et de demain. Ce chapitre présente les résultats concernant la perception des gens sur leur capacité à participer de manière significative aux processus politiques démocratiques, leur perception de l'influence des intérêts particuliers sur les décideurs politiques, et leur croyance dans la capacité des gouvernements à s'engager dans des réformes difficiles et intergénérationnelles qui nécessitent des investissements dès aujourd’hui. Le chapitre présente également un aperçu des sources de médias d'information utilisées dans les différents pays.
Instaurer la confiance pour renforcer la démocratie
6. La voie à suivre : renforcer la démocratie et la confiance dans la gouvernance démocratique
Abstract
Principaux résultats et points d'attention
La solidité des institutions démocratiques et des normes dans les démocraties de la zone OCDE est tributaire du déploiement d’efforts continus pour renforcer le lien entre les citoyens et leurs institutions publiques. Bien que l'enquête de l'OCDE sur la confiance montre que les populations ont une confiance raisonnable dans la fiabilité de leurs pouvoirs publics, il en ressort également qu’elles se montrent sceptiques quant à leur réactivité et leur ouverture aux besoins des citoyens de même qu’en ce qui concerne l'intégrité des processus de l'action publique, et que les groupes vulnérables ont, souvent de manière compréhensible, un faible niveau de confiance dans les autorités de leur pays. Somme toute, si nous voulons bénéficier de tout ce que la démocratie a à nous offrir, et notamment des niveaux plus élevés de bien-être social et économique, une croissance plus inclusive, la garantie de nos libertés individuelles, l'accès à la justice et la paix, il nous faut investir davantage dans nos processus démocratiques.
Peu de citoyens ont le sentiment de pouvoir participer de manière significative aux processus politiques démocratiques, et près de la moitié (47.8 %), en moyenne tous pays confondus, perçoivent que leurs responsables élus et nommés tiennent leur action à l’abri de toute influence d’intérêts particuliers. Il s'agit là d'un appel à l'action pour les États, un appel à répondre aux attentes plus fortes exprimées par les citoyens vis-à-vis des processus démocratiques de leur pays. Les gouvernements pourraient envisager, par exemple, de renforcer les initiatives visant à promouvoir l'intégrité publique et les comportements éthiques, d'améliorer les systèmes de lutte contre les influences indues dans l'élaboration des politiques, de promouvoir la transparence dans le lobbying et d'entreprendre des réformes destinées à renforcer la représentation de l’intérêt collectif et à supprimer les obstacles à l'action collective.
Dans ce contexte, la mésinformation et la désinformation présentent des risques croissants d'alimenter la défiance et le désengagement. Près de quatre répondants sur dix (41.4 %) disent ne pas faire confiance aux médias d'information, et de plus en plus de gens se tournent vers les réseaux sociaux pour s'informer. De nouveaux modèles de gouvernance sont nécessaires pour garantir des écosystèmes d'information sains, capables de soutenir le débat démocratique.
Dans la zone OCDE, les gouvernants rencontrent des difficultés à asseoir la confiance dans leur capacité à répondre aux défis mondiaux et intergénérationnels. Alors qu'en moyenne, dans l'OCDE, la moitié environ des personnes interrogées pensent que le gouvernement devrait accorder la priorité au changement climatique, seuls 35.5 % des sondés sont convaincus que les pays parviendront à réduire leur contribution respective au changement climatique. Les personnes qui estiment que leurs gouvernants sont capables de s'attaquer à des problèmes à long terme, d’ampleur mondiale et souvent intergénérationnels tels que le changement climatique sont plus susceptibles d’accorder leur confiance à leur gouvernement, et celles qui font confiance à leurs gouvernants sont plus susceptibles de penser que leur gouvernement est en capacité d’apporter des solutions à ces problèmes. Le cycle vertueux entre la confiance et la gouvernance démocratique est encore plus important lorsqu'il s'agit d’élaborer des politiques pour l'avenir. Les États doivent œuvrer à l’amélioration constante de l'efficacité et de la fiabilité de leurs programmes et politiques, de manière à asseoir la confiance dans les réformes tournées vers l'avenir, mais également développer des moyens plus efficaces de communiquer l'importance de la coopération mondiale et intergénérationnelle pour de meilleurs retombées des politiques.
Encadré 6.1. Instaurer la confiance et renforcer la démocratie dans les pays de l'OCDE
Le Forum mondial et la Réunion ministérielle à venir en 2022 sur l’instauration de la confiance et le renforcement de la démocratie sont organisés sous la direction du Comité de la gouvernance publique de l'OCDE et sous la présidence du Luxembourg, la vice-présidence ayant été confiée conjointement à la Colombie, à la France, à la Lituanie et aux États-Unis. La Réunion ministérielle s’articulera autour des trois thèmes centraux suivants, qui constituent autant de défis pour les démocraties de l'OCDE : améliorer les réponses apportées sur le terrain de la gouvernance publique face à la mésinformation et la désinformation ; améliorer la représentation dans la vie publique et la participation à celle-ci ainsi qu’aux services publics centrés sur le citoyen ; et donner les moyens aux institutions publiques d’assumer leurs responsabilités mondiales.
À ces défis de gouvernance s’ajouteront deux autres thèmes horizontaux : la question de l’intégration et de la priorisation du changement climatique, d’une part, et celle de la mise à profit de la transformation numérique pour améliorer la gouvernance démocratique, d’autre part.
6.1. Peu de citoyens estiment être en mesure de faire entendre leur voix, et beaucoup doutent de l'intégrité des élus
L’idée de « voix politique » est un principe fondamental de la démocratie – cette idée qui veut que chacun ait des chances égales d’exprimer ses opinions et préférences de telle sorte qu’elles soient représentées dans le processus décisionnel des autorités. Pourtant, très peu de personnes ont le sentiment que le système politique de leur pays leur donne leur mot à dire dans l’action des pouvoirs publics, et beaucoup estiment que leurs élus ne sont pas à l’abri de céder à des intérêts particuliers plutôt que de représenter la population.
6.1.1. Un quart seulement des personnes interrogées estiment que leur système politique leur donne voix au chapitre
En moyenne tous pays confondus, seuls 30.2 % des répondants considèrent que le système politique de leur pays leur donne voix au chapitre sur l’action publique menée. Et dans onze pays, la majorité des personnes interrogées disent ne pas être convaincues d'avoir leur mot à dire dans les décisions des autorités (Graphique 6.1).
Ce résultat sur la voix politique concorde avec la faible réactivité perçue des services publics aux remontées des citoyens (chapitre 4) et sur le peu de possibilités perçues d'influencer l'élaboration des politiques (chapitre 5), et il correspond aux résultats qui ressortent ailleurs sur la faiblesse perçue de la voix politique des citoyens (OCDE, 2021[1]; OCDE, 2021[2]). Cette faible voix politique est également liée au bas niveau de confiance des citoyens dans leur propre capacité à s'engager politiquement : en moyenne tous pays confondus, seuls 42 % des répondants disent avoir confiance dans leur propre capacité à participer à la vie politique.
Ces niveaux d'efficacité politique ont des implications importantes pour la santé de la démocratie représentative. Les personnes qui considèrent pouvoir influencer les processus politiques sont plus susceptibles d’embrasser des activités politiques pro-démocratiques, et par exemple de prendre part aux votes, d’entrer en contacts avec des politiciens, de travailler pour un parti politique ou encore de publier des contenus politiques en ligne. Par opposition, celles qui sont désengagées et qui ont le sentiment de ne pas avoir de voix politique sont plus susceptibles de « sortir » du processus démocratique, de céder au cynisme et de s'engager dans des formes de participation en dehors du système, par exemple le boycott (Prats and Meunier, 2021[3]) ou la violence.
Ces perceptions sont importantes, car la participation est la pierre angulaire d'une démocratie qui fonctionne bien. La participation politique renforce les démocraties tant au niveau des individus qu’au niveau systémique : lorsque les gens s'engagent activement, ils développent des valeurs démocratiques et des compétences civiques plus fortes, tout en légitimant le système. Dans une dynamique vertueuse, la participation et la confiance se renforcent mutuellement (Putnam, 2000[4]). On constate que les citoyens à l'esprit civique participent davantage et affichent des niveaux de confiance plus élevés que les personnes passives (Almond and Verba, 1963[5]; Brehm and Rahn, 1997[6]). Inversement, comme la participation stimule le sentiment d'avoir un intérêt dans les efforts collectifs déployés et renforce la confiance, le manque de participation est associé à des niveaux de confiance plus faibles (Parvin, 2018[7]). En fait, la confiance peut être considérée comme une condition préalable à l'action politique et elle est liée à des niveaux plus élevés de participation sous une forme ou sous une autre : vote aux élections , signature de pétitions (Grönlund and Setälä, 2007[8]) (Lee and Schachter, 2018[9]), prises de contact avec des responsables publics, ou encore engagement dans un parti politique (Hooghe and Marien, 2013[10]), par exemple.
En moyenne, parmi les personnes ayant répondu à l'enquête de l'OCDE sur la confiance, ils sont près de 80 %, selon les déclarations1, à avoir voté aux dernières élections nationales de leur pays, et 51.3 % aux élections locales. Les autres formes de participation à la vie politique, telles que la signature de pétitions y compris en ligne (35.8 %), la publication ou le transfert de contenus politiques sur les réseaux sociaux (17.4 %) ou encore la prise de contact avec des politiciens (14 %), sont moins fréquentes. Il est intéressant de noter que 28 % n’ont pris part à aucune forme que ce soit de participation politique. Dans tous les pays, la confiance dans le corps législatif national est positivement corrélée aux taux de vote (OCDE, 2021[1]).
Reflétant les inégalités en matière de voix et de représentation politiques, l'activité politique ressort de surcroît très hétérogène au sein des pays. Dans les démocraties représentatives, la principale forme de représentation dans la prise de décision publique découle des élections et du vote. Néanmoins, certains groupes démographiques et certaines catégories de population ont tendance à moins participer aux scrutins électoraux et restent nettement sous-représentés dans les corps élus et, par conséquent, dans l'élaboration des politiques. Les déficits de représentation et les faibles niveaux de confiance dans les corps législatifs nationaux vont généralement de pair avec des niveaux de redevabilité plus faibles, fragilisant la démocratie sur ses bases et aboutissant à des politiques qui répondent moins aux intérêts d'un large public.
Les résultats de l'enquête sur la confiance montrent, par exemple, que les personnes âgées sont beaucoup plus enclines à voter que les jeunes. Ce constat vaut pour tous les pays et, dans de nombreux cas, l’écart est saisissant (Graphique 6.2). Dans ce contexte, les jeunes affichent également des niveaux de confiance considérablement plus faibles dans les autorités, bien que la direction de la causalité aille certainement dans les deux sens (chapitre 3). Étant donné que les jeunes montrent une aspiration particulièrement forte à relever les défis mondiaux tels que le changement climatique et le creusement des inégalités, il convient de renforcer leur participation politique et leur représentation dans les institutions publiques (OCDE, 2022[11]).
6.1.2. Un large scepticisme s’est installé quant à l'intégrité des hauts responsables politiques
Outre le sentiment qu’elles sont dans l’impossibilité d'influencer les politiques et de se faire entendre, de nombreuses personnes interrogées mettent en doute l'intégrité des responsables élus et nommés et le fait qu'ils représentent loyalement la volonté de la population.
La perception chez beaucoup qu’ils sont privés de voix politique et leurs ressentis de vulnérabilité et d'exclusion vont de pair avec la sensation largement partagée que les intérêts particuliers exercent une influence excessive chez les élus. Cet sentiment de faible intégrité dans le secteur public peut créer le sentiment que les autorités sont peu dignes de confiance (OCDE, 2017[12]).
En moyenne tous pays confondus, 47.8 % des personnes interrogées estiment qu'un haut responsable public ne refuserait probablement pas une faveur politique à un tiers en contrepartie d’une proposition d’emploi bien rémunéré dans le secteur privé. L’influence d’intérêts particuliers peut détourner la prise de décision des responsables des intérêts de la majorité de la population et se traduire par une action publique biaisée et inefficace.
Les répondants sont convaincus pour moins d’un tiers seulement (30.4 %) qu'un haut responsable politique refuserait une telle offre. La Norvège est le seul pays dans lequel la part des personnes interrogées qui croient au comportement éthique des responsables de haut niveau est plus élevée que celle des répondants qui se montrent sceptiques à cet égard.
Ces résultats concordent avec ceux de l’exercice de suivi de la mise en œuvre de la Recommandation de l’OCDE sur les Principes pour la transparence et l'intégrité des activités de lobbying. 39 % des législateurs des pays de l'OCDE indiquaient ne pas disposer de lignes directrices concrètes sur la manière de se comporter face, par exemple, à une proposition de cadeaux ou d’avantages, et il est nécessaire d’étendre et de renforcer les normes d'intégrité pour guider les interactions entre les agents publics et les différentes parties prenantes (OCDE, 2021[13]).
Les personnes qui ont le sentiment que leurs instances politiques et leurs institutions publiques ne les traitent pas équitablement peuvent céder au cynisme et développer de la défiance à l’égard de leurs gouvernants. Les institutions peuvent contrer cette défiance. Les efforts déployés pour donner effectivement voix au chapitre à la population et renforcer la représentation des intérêts collectifs, ainsi que les réformes visant à réduire les influences indues et à supprimer les obstacles à l'action collective, pourront y contribuer.
6.2. Une information fiable est cruciale pour la confiance, mais la fiabilité des sources d'information est en train de changer
L'accès à une information exacte est essentiel pour la démocratie et un déterminant fondamental de la confiance. Cette information peut provenir des autorités, d’une presse libre et protégée, et/ou d'autres parties prenantes. La mésinformation et la désinformation alimentent la défiance, menacent le fonctionnement des démocraties et rendent plus difficile l’exercice d’une gouvernance efficace (OCDE, 2021[14]). Les populations manifestent des craintes croissantes de voir des informations fausses ou trompeuses utilisées comme une arme (Edelman, 2022[15]).
Bien que l'enquête de l'OCDE sur la confiance ne puisse pas estimer la prévalence de la mé/désinformation, elle est en revanche en capacité d’identifier celle des différentes sources d'information et l’existence potentielle d’un lien entre les sources d’information consommées et la confiance dans les institutions publiques. En moyenne tous pays confondus, la télévision est la source la plus largement mobilisée d'information sur la politique et l'actualité, suivie par les journaux (y compris les journaux en ligne). La consommation d'informations est relativement élevée, les deux tiers des répondants en moyenne déclarant regarder les informations télévisées au moins une fois par semaine.
Il est toutefois important de noter que ces sources d'information opèrent dans un environnement où le scepticisme à l'égard des médias est élevé. Seules 38.8 % des personnes interrogées, en moyenne tous pays confondus, disent faire confiance aux médias d’information. Il s'agit là du deuxième plus faible niveau de confiance enregistré parmi les neuf institutions évaluées dans le cadre de l'enquête sur la confiance (chapitre 2).
Après la télévision et les journaux, les réseaux sociaux s’imposent, en moyenne, comme la troisième source d'information la plus courante. 45 % des personnes interrogées déclarent ainsi s'informer sur les réseaux sociaux au moins une fois par semaine, et ce pourcentage atteint 57.8 % chez les jeunes. Cette moyenne cache d’importantes variations d’un pays à l’autre. Les réseaux sociaux sont une source d'information régulière pour environ 60 % des personnes interrogées en Colombie, en Islande et en Lettonie.
La relation entre source d'information consommée et confiance dans les autorités n'est pas très nette, et elle n'est pas bien estimée au plan transnational. Néanmoins, les données de l'enquête sur la confiance suggèrent que les pays dans lesquels les niveaux de consommation de journaux sont relativement plus élevés affichent des niveaux supérieurs de confiance dans les institutions publiques. À l'inverse, dans les pays où les niveaux de consommation de l’information sur les réseaux sociaux sont relativement plus élevés, la confiance dans les autorités tend à ressortir moins bonne. (Pour la télévision, la corrélation avec la confiance dans les institutions est légèrement positive, mais la relation est moins forte que dans le cas des journaux.)
De nombreux mécanismes de causalité, comme l’âge ou l’éducation, peuvent potentiellement entrer en jeu dans la relation entre les réseaux sociaux et la défiance, mais la qualité de l’information partagée sur ces plateformes est un facteur probablement pertinent. Les plateformes de réseaux sociaux peuvent faciliter la diffusion de contenus émotionnels et polarisants (Smith, 2019[16]; Allcott, 2020[17]) et ont tendance à biaiser l’information, à créer et à consolider des chambres d'écho (Cinelli, 2021[18]), à limiter l'exposition à la diversité et à renforcer la polarisation (Klein and Robinson, 2019[19]), autant d'éléments qui peuvent conduire au désengagement, à des positions plus radicales et à la défiance.
Au sein des pays, la partisannerie joue également un rôle dans le degré de confiance accordé aux médias d'information, ce qui suggère une polarisation des sources d'information. Dans tous les pays, exceptés la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni), les personnes qui ont voté pour le ou les partis qui contrôlent le Parlement ou le Congrès sont plus susceptibles de faire confiance aux médias d'information. En moyenne tous pays confondus, l'écart partisan en matière de confiance dans les médias est d'environ dix points de pourcentage. Ceci concorde avec les résultats d'autres enquêtes qui suggèrent que les populations sont plus susceptibles de considérer les médias comme une force « clivante » dans la société que comme une force unificatrice (Edelman, 2022[15]).
6.3. Perspectives d’avenir : améliorer la capacité de l’État à soutenir les réformes pour l’avenir, notamment l'atténuation du changement climatique
Pour relever les grands défis sociétaux à long terme comme le changement climatique, les inégalités, la viabilité budgétaire et la transformation numérique, les pouvoirs publics devront susciter la confiance et le soutien en faveur de la redistribution intergénérationnelle, c'est-à-dire investir dès le départ dans des politiques ayant des retombées positives dans la durée. Cela nécessite des engagements politiques crédibles et la confiance du public dans l'efficacité des choix politiques, car ce sont les générations futures qui seront les principaux bénéficiaires de ces politiques. Un tel engagement constitue un défi pour tous les gouvernements, même ceux qui sont perçus comme les plus dignes de confiance.
6.3.1. Priorités politiques pour l'avenir
Il a été demandé aux personnes interrogées dans le cadre de l'enquête de confiance dans quelle mesure le gouvernement devait accorder la priorité à différentes politiques parmi cinq axes spécifiques : garantir l'égalité des chances pour tous, aider les travailleurs à s'adapter à l'automatisation, réduire la contribution négative du pays au changement climatique, réduire la dette publique et créer de meilleures conditions pour les entreprises. Tous pays confondus, les principales priorités sont l’amélioration des conditions économiques et la promotion de l'égalité des chances. Plus de 60 % des personnes interrogées, en moyenne tous pays confondus, estiment que le gouvernement devrait donner la priorité à ces questions. Par ailleurs, 49.8 % souhaitent que leurs gouvernants priorisent la réduction de la contribution de leur pays au changement climatique.
Selon le degré de confiance qu’accordent les personnes au gouvernement, il existe de légères différences dans la volonté d'engagement qu’elles attribuent à leurs pouvoirs publics. Dans tous les domaines d’action, à l'exception d'un seul (la réduction de la dette publique), les personnes qui font confiance à leur gouvernement national sont plus susceptibles que les personnes davantage sceptiques de demander au gouvernement d’accorder la priorité à ces questions axées sur l'avenir (Graphique 6.6). Cela suggère que les personnes interrogées pourraient intégrer les perceptions de la capacité des pouvoirs publics lorsqu'elles réfléchissent à ce que l’action publique pourrait être en vue de cibler les défis à long terme.
Outre les différences liées aux niveaux de confiance, l'enquête sur la confiance révèle d'importantes différences liées à l’âge entre les générations de personnes interrogées. Dans la plupart des pays, les plus jeunes sont davantage susceptibles que les personnes plus âgées d’accorder la priorité à l'action contre le changement climatique (Graphique 6.7). Dans le même temps, les jeunes affichent des niveaux de confiance toujours plus faibles dans le gouvernement (chapitre 3), ce qui témoigne du manque de confiance des jeunes vis-à-vis de de la volonté des pouvoirs publics à investir dans des politiques qui sont bénéfiques aux jeunes.
6.3.2. Les pouvoirs publics peuvent-ils s'engager de manière compétente dans des réformes orientées vers l'avenir, notamment celles qui concernent le changement climatique ?
La confiance dans les pouvoirs publics est à la fois un moteur et le résultat d’attentes quant à la capacité de gouvernants à s'engager et à répondre de manière compétente aux défis mondiaux et intergénérationnels. La manière dont les politiques sont élaborées et mises en œuvre - autrement dit, la gouvernance - peut avoir une incidence sur la fiabilité des institutions publiques et, partant, sur les attentes en matière de comportement futur (Ben-Ner and Halldorsson, 2010[20]; Johnson and Mislin, 2011[21]).
Si l’amélioration de la situation économique et la réduction des inégalités sont des axes couramment évoqués, la lutte contre le changement climatique n’est pas la première priorité politique citée. C’est peut-être pour cela qu’il existe un certain scepticisme des populations quant à la capacité réelle des autorités publiques à lutter contre le changement climatique. En moyenne dans la zone OCDE, la moitié environ (50.4 %) des personnes interrogées estiment que leurs gouvernants devraient donner la priorité au changement climatique.
Le problème réside peut-être en partie dans le fait que les gens ne sont pas disposés à en accepter les coûts. La lutte contre le changement climatique implique des sacrifices immédiats et dans la durée en contrepartie de résultats d’une importance cruciale, mais diffus et à long terme.
Autre facteur possible : la compétence des pouvoirs publics telle qu’elle est perçue. Les personnes peuvent ne pas être convaincues que les institutions publiques disposent des compétences et de la fiabilité requises pour mettre en œuvre des politiques de manière efficace, et dans la durée, suffisamment pour que cela porte ses fruits. Ainsi en moyenne, seuls 35.5 % des sondés sont convaincus que leur pays parviendra à réduire sa contribution au changement climatique en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre. En d'autres termes, si la moitié des personnes interrogées pensent que le changement climatique est un problème sérieux pour les pouvoirs publics, elles sont un peu plus d’un tiers seulement à penser que leur pays atteindra réellement les objectifs fixés (Graphique 6.8).
À l’échelle transnationale, un niveau de confiance élevé dans la capacité des autorités publiques à s'engager dans la lutte contre le changement climatique est positivement corrélé à la confiance que leur accordent les citoyens (Graphique 6.9). L'analyse de l'enquête de l'OCDE sur la confiance révèle que la confiance des gens dans la capacité de leur pays à réduire les émissions de gaz à effet de serre a une relation statistiquement significative, positive sur la confiance dont bénéficie le gouvernement national et, dans une moindre mesure, les autorités locales et la fonction publique (chapitre 2). Autrement dit, investir dans la gouvernance publique afin d’instaurer des politiques plus efficaces de lutte contre le changement climatique peut s'avérer payant en garantissant plus de crédibilité et de confiance dans le gouvernement. Cette relation se vérifie également au sein des pays ; les personnes qui sont convaincues que leurs gouvernants peuvent s'engager de manière crédible dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont plus susceptibles de leur faire confiance.
Certains défis exigent davantage qu’un gouvernement national fiable et réactif et nécessitent en effet l'implication d'autres acteurs et partenaires. En moyenne, dans tous les pays, les citoyens sont plus enclins à exprimer un intérêt en faveur d’une coopération mondiale aux fins de remédier à des problèmes tels que le changement climatique, le terrorisme et l’anticipation des pandémies (Graphique 6.10). Pour autant, l’adhésion de l'opinion publique à l’idée d’une coopération mondiale afin de résoudre ces problèmes reste relativement faible : environ la moitié des personnes interrogées appellent les différents gouvernants à lutter conjointement contre le changement climatique. Ce constat rejoint celui qui est fait au niveau national où assez peu de personnes se mobilisent pour inciter les pouvoirs publics à lutter contre le changement climatique (Graphique 6.6).
Interrogés sur la manière de coopérer à l’échelle mondiale, les répondants ont majoritairement sélectionné (à 43.4 %) la réponse « En unissant nos forces à celles d’autres pays à l’international », en moyenne, toutes nationalités confondues. Les trois autres choix de réponse le plus souvent sélectionnés (Associer les citoyens aux problématiques mondiales, Renforcer la coordination entre les services publics et Renforcer le rôle du pays au niveau des institutions internationales) ont été retenus par moins d'un répondant sur trois.
Alors que les risques liés, au changement climatique se font de plus en plus pressants et que les coûts augmentent pour des bénéfices diffus et à long terme, les différents pouvoirs publics doivent mieux sensibiliser leurs citoyens aux avantages d’une telle coopération pour relever ces défis. En effet, seule une coopération à l’échelle mondiale peut contribuer à les résoudre.
Références
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[14] OCDE (2021), OECD Report on Public Communication: The Global Context and the Way Forward, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/22f8031c-en.
[1] OCDE (2021), Panorama des administrations publiques 2021, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9556b25a-fr.
[12] OCDE (2017), Trust and Public Policy: How Better Governance Can Help Rebuild Public Trust, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264268920-en.
[7] Parvin, P. (2018), “Democracy Without Participation: A New Politics for a Disengaged Era”, Res Publica, Vol. 24/1, https://doi.org/10.1007/s11158-017-9382-1.
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[4] Putnam, R. (2000), Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community, Simon and Schuster, New York.
[16] Smith, R. (2019), Rage Inside the Machine: The Prejudice of Algorithms, and How to Stop the Internet Making Bigots of Us All: Robert Elliott Smith: Bloomsbury Business, Bloomsbury, London, https://www.bloomsbury.com/uk/rage-inside-the-machine-9781472963888/ (accessed on 23 March 2022).
Note
← 1. Les répondants aux enquêtes surévaluent souvent leur civisme électoral. Cette surévaluation de leur participation aux votes est depuis longtemps un problème dans les enquêtes, qui s'explique souvent par la simple impossibilité de se rappeler ou par un effet de désirabilité sociale (à savoir que bien que le répondant ait souvenir de ne pas avoir voté, il prétend pourtant le contraire pour se conformer à une attente sociale perçue) (Belli et al., 1999[24]) (McAllister and Quinlan, 2021[22]). Une comparaison rapide des taux de vote qui ressortent de l’enquête de l’OCDE sur la confiance par rapport aux données administratives nationales (IDEA, 2022[23]) suggère que cette surévaluation dans l'enquête a été plus marquée dans certains pays (notamment au Canada, en Islande et en Irlande) que dans d'autres. Les résultats présentés ici se concentrent par conséquent sur les variations intranationales, qui sont moins susceptibles de souffrir d'un biais systématique, bien que tant les variations à l'intérieur des pays qu’entre les pays méritent une analyse complémentaire.