Ce chapitre contient un cadre d’analyse permettant de cerner et d’évaluer les mesures qui pourraient fausser la neutralité concurrentielle et d’élaborer des solutions de rechange afin d’éviter ou d’atténuer ces distorsions. La méthodologie comprend cinq étapes : (i) détection de l’intervention publique à l’aide de la liste de vérification sur la neutralité concurrentielle ; (ii) définition de l’objectif de politique publique et des avantages de l’intervention publique ; (iii) analyse de l’impact sur la concurrence de l’intervention publique ; (iv) recherche d’autres mesures possibles ; et (v) recherche d’un équilibre entre les avantages et les distorsions de concurrence, et choix de l’option la mieux indiquée.
Manuel sur la neutralité concurrentielle
8. Cadre d’analyse
Copier le lien de 8. Cadre d’analyseAbstract
La recommandation reconnaît que si les restrictions indues à la concurrence peuvent être involontaires, les politiques publiques peuvent souvent être réformées de manière à soutenir la concurrence tout en atteignant leurs objectifs. Alors que les chapitres précédents présentent des bonnes pratiques permettant de mettre en œuvre les principes de neutralité concurrentielle, le présent chapitre contient le cadre d’analyse général permettant d’identifier et d’évaluer les réglementations ou les mesures de soutien de l’État qui pourraient fausser la neutralité concurrentielle et d’élaborer des mesures de rechange afin d’éviter ou de d’atténuer ces distorsions.
L’analyse décrite dans ce chapitre suit la méthodologie élaborée dans le Manuel de l’OCDE pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence et se déroule en cinq étapes, résumées ci-après :
8.1. Détection de l’intervention publique au moyen de la liste de vérification
Copier le lien de 8.1. Détection de l’intervention publique au moyen de la liste de vérificationLa première étape consiste à détecter l’intervention publique en question à l’aide d’une série de questions (liste de vérification sur la neutralité concurrentielle) qui indiquent les cas où les réglementations ou les mesures de soutien de l’État sont susceptibles de fausser la neutralité concurrentielle. Lorsque cet exercice donne lieu à une réponse négative, il est suggéré de procéder à une analyse approfondie afin de poursuivre l’examen de l’intervention publique.
Les questions de la liste de vérification sur la neutralité concurrentielle couvrent les cinq domaines de la recommandation et visent à cerner les politiques publiques susceptibles de poser le plus de risques qui mériteraient d’être analysées plus en détail. Les questions sont établies sur la base des bonnes pratiques décrites dans les chapitres 3 à 71.
Quelques observations s’imposent :
Les différentes sections de la liste de vérification étant destinées à différents types d’interventions, toutes les questions ne s’appliquent pas à l’ensemble des mesures à évaluer. Par conséquent, les sections pertinentes de la liste de vérification doivent être sélectionnées en fonction du type d’intervention faisant l’objet de l’analyse.
Les questions se chevauchent et ne s’excluent pas mutuellement, ce qui signifie qu’une intervention donnée peut donner lieu à une réponse négative à plus d’une question.
Les questions de la liste de vérification simplifient les bonnes pratiques et ne reflètent donc pas entièrement le contenu de telles approches. Par conséquent, la liste de vérification doit être utilisée en même temps que les bonnes pratiques présentées dans les chapitres 3 à 7.
Il est suggéré de procéder à une analyse approfondie lorsqu’une mesure suscite une réponse négative à au moins une question.
8.2. Définition de l’objectif et des avantages attendus de l’intervention publique
Copier le lien de 8.2. Définition de l’objectif et des avantages attendus de l’intervention publiqueAprès l’identification d’une réglementation ou d’une mesure d’aide publique susceptible de fausser la neutralité concurrentielle, il convient de déterminer l’objectif de l’intervention et le résultat concret qu’elle vise à atteindre. Ces informations sont utiles pour évaluer les avantages de l’intervention et déterminer s’il existe d’autres solutions possibles moins restrictives permettant d’atteindre le même objectif (voir la section 8.4). Outre la compréhension de la raison d’être de la mesure, une compréhension de l’environnement réglementaire au sens large et des caractéristiques techniques du secteur peut également s’avérer utile, notamment pour mener à bien les étapes suivantes.
Dans certains cas, l’objectif de politique publique peut être trouvé dans la réglementation ou la mesure d’aide publique elle-même. Dans d’autres circonstances, il figure dans une législation de niveau supérieur, dans les débats parlementaires ou dans les documents qui ont accompagné son adoption2.
Lors de l’évaluation d’une intervention publique, il convient de se concentrer sur la question de savoir si et dans quelle mesure la politique publique concernée est susceptible d’entraîner des avantages économiques, tels que des coûts plus faibles de production, des produits de meilleure qualité ou des produits plus innovants. Néanmoins, l’intervention publique peut générer des avantages non économiques, par exemple des politiques visant à lutter contre le changement climatique pour garantir un environnement vivable, des mesures de santé publique pour protéger la population contre les maladies, des mesures de soutien à des fins de défense, etc. Chacun de ces avantages doit être évalué au moins qualitativement pour déterminer s’il est significatif, par exemple en s’appuyant sur l’analyse d’impact de la réglementation (AIR) réalisée dans le cadre de la politique publique3.
Par ailleurs, il est suggéré de déterminer, pour chacun des avantages recensés, dans quelle mesure il s’agit d’un avantage public et non d’un avantage privé. Par exemple, si une aide financière ou une mesure de soutien de l’État réduit le coût de la R‑D pour une entreprise, il s’agira d’un avantage privé (c’est-à-dire qu’elle permet d’économiser de l’argent). Toutefois, il s’agira également d’un avantage public dans la mesure où la R‑D débouche sur la mise au point de produits nouveaux/différents ou permet d’économiser des ressources à l’occasion de la production de marchandises existantes.
En outre, les avantages publics n’ayant pas tous la même importance, il peut être utile d’appliquer des coefficients de pondération. Il est possible que ces coefficients de pondération ne soient pas définis avec précision, mais, par exemple, il est probable que l’on accorde plus de poids aux avantages qui profitent aux consommateurs ou à la communauté au sens large qu’aux avantages que conservent les entreprises elles-mêmes.
Les éléments suivants peuvent être utilisés pour déterminer les coefficients de pondération qui pourraient être attribués aux différents types d’avantages publics invoqués :
Un avantage public aura généralement plus de poids si son impact sur la communauté est plus large et si les bénéficiaires sont plus nombreux.
Les économies de coûts qui libèrent des ressources pouvant être utilisées ailleurs dans l’économie ont plus de poids que l’absence d’économies de ressources.
L’avantage aura plus de poids si sa durabilité est probable.
8.3. Analyse de l’impact sur la concurrence de l’intervention publique
Copier le lien de 8.3. Analyse de l’impact sur la concurrence de l’intervention publiqueUne fois l’objectif de la réglementation ou de la mesure d’aide public dégagé, son impact sur la concurrence doit être évalué. Si l’examen préalable permet de repérer les politiques publiques qui risquent de fausser la neutralité concurrentielle, il n’indique pas nécessairement le degré d’atteinte à la concurrence qui peut en résulter. Il est donc suggéré d’évaluer si une intervention publique qui est susceptible de nuire à la neutralité concurrentielle fausse effectivement la concurrence et, dans l’affirmative, si cette distorsion est significative.
Tout d’abord, il convient d’acquérir une bonne compréhension des aspects économiques du secteur et des principales caractéristiques du marché. Ensuite, l’impact sur le marché de l’intervention publique sera évalué du point de vue des opérateurs historiques et des nouveaux arrivants, des prix, de la qualité/de la variété et de l’innovation. Bien que la méthodologie du manuel ne couvre pas la définition des marchés pertinents, certains analystes utilisant le manuel peuvent choisir de définir le marché, dans la ligne de l’analyse habituellement menée par les autorités de la concurrence. Des orientations à ce sujet figurent dans (OCDE, 2019[1]) à l’annexe A.
L’identification des principales caractéristiques du marché implique d’analyser à la fois le côté de l’offre et le côté de la demande (OCDE, 2018[2])4. Les caractéristiques du produit et la question de savoir si l’une d’entre elles entraîne des défaillances du marché, telles qu’une asymétrie d’information ou des externalités, peuvent être pertinentes pour le processus. Du côté de l’offre, l’analyse consiste à comprendre la manière dont les entreprises se livrent concurrence, leurs stratégies de production et de tarification, la chaîne de distribution et les barrières à l’entrée et à la sortie. Du côté de la demande, un classement des consommateurs peut s’avérer utile, par exemple en fonction de leur comportement, des différentes solutions possibles qui s’offrent à eux et des coûts associés au changement de fournisseur.
Pour évaluer l’impact de l’intervention publique, il convient de se demander si la politique envisagée est susceptible d’introduire des distorsions de concurrence sur le marché concerné ou sur l’un des marchés connexes (OCDE, 2019, pp. 19-30[1])5. Cela suppose de déterminer l’effet de la politique publique sur les participants existants ou potentiels du marché, ce qui dépendra des caractéristiques du marché, telles que son degré de concentration.
Plusieurs aspects peuvent être pris en compte lors de l’évaluation de l’impact sur le marché de l’intervention publique. Le niveau de détail de l’analyse dépendra de facteurs tels que la disponibilité de données granulaires (par exemple, par le biais de demandes d’informations transmises aux acteurs du marché concernés) et de ressources, ainsi que de la rapidité avec laquelle l’évaluation doit être menée à bien. En particulier, on peut évaluer si la réglementation ou la mesure d’aide publique pénalise (OCDE, 2019, pp. 97-102[1]) :
les entreprises en place, par exemple si l’intervention peut réduire substantiellement l’intensité de la concurrence sur le marché
l’entrée de nouvelles entreprises, par exemple si l’intervention crée des barrières à l’entrée ou désavantage les nouveaux entrants
les prix des biens et services, ainsi que la production, par exemple si l’intervention impose des coûts à un ou plusieurs fournisseurs, ce qui peut entraîner une hausse des prix payés par les consommateurs et une baisse de la production par les acteurs du marché
la qualité et la variété des biens et services, par exemple si l’intervention a un impact négatif sur la qualité et la variété
l’innovation, par exemple si les entreprises auront moins d’incitations ou de ressources pour entreprendre des activités innovantes
la croissance du marché, par exemple en évaluant la croissance de la production et des ventes, ainsi que les nouveaux investissements.
Certaines caractéristiques du marché peuvent rendre les distorsions de concurrence plus ou moins probables. Elles sont liées à la manière dont les entreprises se livraient concurrence sur le marché avant l’intervention et comprennent le degré de concentration du marché, la différenciation des produits, les barrières à l’entrée et à la sortie et les coûts de changement de fournisseur (HM Treasury; Office of Fair Trading, 2007[3]).
Concentration6. Plus le nombre d’entreprises sur un marché est élevé, moins l’impact de l’octroi d’un avantage concurrentiel à l’une d’entre elles est susceptible d’être important. Toutefois, si un avantage est conféré à une seule grande entreprise sur ce marché, la présence d’autres entreprises peut cesser de constituer une contrainte pour le bénéficiaire. Cela pourrait être dû au fait que l’intervention permet à la grande entreprise d’acquérir un pouvoir de marché, par exemple dans le cas d’une réglementation accordant des droits exclusifs à une entreprise.
Différenciation des produits. Lorsque les produits sont différenciés, les consommateurs ne les considèrent pas comme facilement substituables et sont moins susceptibles de modifier leur consommation en réponse à des changements de prix relatifs. Par conséquent, l’intensité de la concurrence peut être plus faible que sur un marché où les produits sont presque identiques. Ainsi, si un concurrent reçoit une aide, la distorsion de concurrence peut être moins prononcée que si les produits présentaient davantage de similitudes.
Barrières à l’entrée et à la sortie. Si les barrières à l’entrée sont faibles, l’avantage acquis sous l’effet d’une intervention publique est susceptible d’être de courte durée. Néanmoins, il est nécessaire de tenir compte de la probabilité d’une entrée sur le marché, de la possibilité que les nouveaux arrivants exercent une contrainte effective sur le marché et de l’opportunité de l’entrée sur le marché.
En présence de coûts de transfert, par exemple lorsque les relations fournisseur-consommateur sont régies par des contrats de longue durée ou automatiquement renouvelés, l’intensité de la concurrence peut être réduite parce qu’il peut être onéreux de convaincre les clients existants de changer de fournisseur.
Outre l’évaluation des effets sur le marché primaire concerné, il convient également d’examiner l’impact de l’intervention publique sur l’ensemble des marchés connexes, notamment les marchés en amont et en aval. S’il ressort d’une analyse préliminaire que les incidences sur la concurrence dans les marchés connexes risquent d’être significatives, l’évaluation décrite dans les paragraphes ci-avant pourra être effectuée pour chaque marché connexe susceptible d’être touché (c’est-à-dire l’impact sur les opérateurs historiques et les nouveaux arrivants, les prix, la qualité et la variété, ainsi que sur l’innovation et la croissance du marché) (OCDE, 2019, pp. 104-105[1]).
L’encadré ci-après présente des évaluations détaillées de l’impact sur la concurrence des interventions publiques.
Encadré 8.1. Exemples de l’impact sur la concurrence de l’intervention publique
Copier le lien de Encadré 8.1. Exemples de l’impact sur la concurrence de l’intervention publiqueExemple 1
Quatre acteurs sont présents sur le marché de la production et de la distribution de thé dans une petite juridiction. Le thé est une boisson très demandée et il n’existe pas de produit de substitution.
La société A détient une part de marché de 50 %, la société B de 20 % et les sociétés C et D de 15 % chacune. Il est difficile d’obtenir l’approbation des autorités sanitaires de la juridiction pour l’importation de thé, car celles-ci sont préoccupées par la qualité et la sécurité des importations. Les mesures d’aide publique suivantes sont appliquées :
Les pouvoirs publics octroient un avantage à tous les acteurs du marché pour qu’ils améliorent leurs méthodes de distribution. Pas d’impact anticoncurrentiel puisque tous les acteurs du marché bénéficient de l’avantage.
Les pouvoirs publics accordent un avantage à la société A dans le but de créer un champion national. Cette mesure est susceptible d’avoir un impact anticoncurrentiel, car la société A détiendra un avantage substantiel sur ses concurrents de taille beaucoup plus modeste dans des conditions où il est peu probable que des importations soient effectuées.
Les pouvoirs publics accordent des avantages aux trois acteurs de taille plus modeste afin de leur permettre d’améliorer la durabilité de leurs méthodes de production et de distribution, compte tenu des enjeux cruciaux pour l’environnement. Ils considèrent que la société A est suffisamment rentable pour s’en charger elle-même. L’avantage stimulera l’innovation dans ces entreprises relativement petites. Bien que cela puisse soulever des questions d’équité, il est peu probable que l’avantage réduise la concurrence puisqu’il est susceptible de stimuler l’innovation et l’efficience. Si l’impact anticoncurrentiel sur le marché est avéré, il doit être examiné au regard des avantages publics probables, compte tenu de l’objectif de l’avantage, et de potentielles solutions de rechange moins restrictives.
Exemple 2
Les pouvoirs publics continuent d’examiner la position de l’industrie du thé. Ils décident d’accorder une garantie à plusieurs entreprises du marché :
Les pouvoirs publics garantissent un prêt très important en faveur de la société A afin qu’elle puisse moderniser son usine et produire le produit final de manière plus efficiente. Cette mesure est susceptible d’avoir un effet anticoncurrentiel considérable, car les concurrents plus modestes n’auront pas le même avantage et un grand concurrent plus performant pourrait les évincer du marché.
Les pouvoirs publics garantissent des prêts en faveur de tous les acteurs pour qu’ils rendent leurs usines plus efficientes. Cette mesure ne réduira pas la concurrence puisque tous les acteurs reçoivent le prêt et peuvent continuer à se livrer concurrence selon leurs mérites, mais de manière plus efficiente.
Les pouvoirs publics garantissent des prêts aux acteurs plus modestes afin qu’ils puissent mieux livrer concurrence à la société A. Cette mesure peut permettre (ou non) de réduire la concurrence, mais il est plus probable qu’elle la renforce compte tenu des parts de marché respectives des acteurs du marché du thé.
Exemple 3
Les pouvoirs publics mettent en place une politique de passation de marchés pour les fournisseurs de thé des administrations publiques afin d’obtenir du thé à des prix moins élevés. Ils achètent 50 % du thé dans la juridiction :
Selon la première condition, le prestataire retenu doit être en mesure de fournir la totalité du thé aux pouvoirs publics dans un avenir proche. Ce critère risque de réduire la concurrence sur le marché de la production et de la fourniture de thé, puisque seule la société A dispose de stocks suffisants pour satisfaire à cette condition à long terme. Il n’y a aucune raison valable pour que les autres entreprises ne puissent pas se disputer les parts de marché sur la base des prix dans cette situation, étant donné que tous les produits sont identiques. Les sociétés B, C et D seront effectivement exclues d’une grande partie du marché du thé.
La seconde condition est qu’une plateforme de commande numérique exclusive, à laquelle seule la société A a accès, soit utilisée dans le cadre du contrat. Il s’agit d’une nouveauté pour les pouvoirs publics et seules les grandes entreprises peuvent réellement se permettre de l’utiliser. Elle offre peu d’avantages par rapport au mécanisme de commande actuel auquel tous les acteurs ont accès et qui fonctionne bien. Cette condition est susceptible de réduire la concurrence sur le marché de la fourniture de thé puisque tous les acteurs n’y ont pas accès et qu’il ne semble pas y avoir de raison valable justifiant son utilisation.
8.4. Recherche d’autres mesures de rechange possibles
Copier le lien de 8.4. Recherche d’autres mesures de rechange possiblesComme l’indique le préambule de la recommandation, « les politiques publiques peuvent souvent être réformées de manière à soutenir la concurrence tout en atteignant leurs objectifs ». En outre, « toutes choses égales par ailleurs, les politiques publiques les moins dommageables pour la concurrence doivent être préférées à celles qui le sont davantage, sous réserve qu’elles permettent d’atteindre les objectifs identifiés ». Par conséquent, lorsque les étapes 1 à 3 de la méthodologie aboutissent à la conclusion qu’une réglementation ou une mesure d’aide publique fausse la concurrence, l’étape suivante consisterait à rechercher d’autres mesures possibles susceptibles d’atteindre l’objectif de politique publique sans fausser la neutralité concurrentielle ou en la faussant dans une moindre mesure, et qui permettent d’atteindre l’objectif visé de la réglementation ou de la mesure d’aide avec la même efficacité et efficience.
Ainsi, il convient de rechercher toutes les solutions de rechange susceptibles d’atteindre l’objectif de politique publique, en évaluant à la fois les avantages et l’impact sur la concurrence de chacune d’entre elles. Comme l’indique le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence, le recensement de solutions de rechange réalisables pour une réglementation donnée se fonde sur des faits précis et requiert souvent une bonne connaissance de ladite réglementation ainsi qu’une expertise importante dans le secteur concerné (OCDE, 2019, p. 72[4]).
Le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence propose des orientations qui peuvent permettre d’élaborer des solutions de rechange. Il suggère par exemple de se pencher sur l’expérience d’autres juridictions et de consulter les parties prenantes concernées et les nouveaux acteurs potentiels. Il fournit également des exemples de mesures moins restrictives qui peuvent être utilisées dans un large éventail de cas relatifs au cadre réglementaire (OCDE, 2019, pp. 72-79[4]).
Lorsque plusieurs mesures sont possibles, une bonne pratique consiste à analyser chacune des options afin de déterminer laquelle d’entre elles permet d’atteindre l’objectif politique de la manière la plus neutre possible du point de vue de la concurrence (voir la section 8.5). Toutefois, si certaines des solutions envisagées ne sont pas réalisables, elles ne doivent pas être prises en considération à l’étape suivante.
Dans certaines circonstances, une solution peut consister à supprimer (ou à ne pas introduire, selon la situation) la réglementation ou la mesure d’aide publique en question, par exemple lorsque l’objectif de politique publique peut être atteint sans intervention de l’État ou lorsqu’il n’est pas atteint dans la pratique par la mesure en question7. Dans d’autres cas, la suppression de la mesure en question peut ne pas constituer une solution envisageable, par exemple lorsqu’il existe des objectifs de politique publique ne pouvant être atteints sans intervention de l’État (par exemple, pour des raisons environnementales ou de sécurité). En outre, la résolution des problèmes de neutralité concurrentielle peut parfois nécessiter une modification de la structure de l’intervention (par exemple, l’introduction de crédits d’impôt peut avoir moins d’effets de distorsion que l’octroi de droits exclusifs).
Enfin, il convient de noter que, dans certaines circonstances, il peut exister aucune autre solution permettant d’atteindre l’objectif de politique publique. Par conséquent, la réglementation ou la mesure d’aide publique sera maintenue à condition qu’elle soit effectivement justifiée par des objectifs de politique publique clairement définis. Comme le reconnaît le préambule de la recommandation, « la poursuite d’objectifs de politique publique nécessitera dans certaines circonstances de déroger à la neutralité concurrentielle ». Cela fait partie du processus de recherche d’équilibre entre l’objectif et les avantages de l’intervention d’un côté et les distorsions de concurrence de l’autre (voir la section 8.5). Néanmoins, comme souligné dans les bonnes pratiques, les dérogations à la neutralité concurrentielle requises pour atteindre un objectif impérieux de politique publique devraient être transparentes, appliquées de manière restrictive et réexaminées périodiquement afin de déterminer si elles sont nécessaires et limitées à la réalisation de leur objectif.
8.5. Recherche d’un équilibre entre les avantages et les distorsions de concurrence et choix de l’option la plus neutre possible
Copier le lien de 8.5. Recherche d’un équilibre entre les avantages et les distorsions de concurrence et choix de l’option la plus neutre possibleLa dernière étape de l’exercice consiste à rechercher un équilibre entre les avantages et les distorsions de concurrence liés à l’intervention publique en question et aux autres solutions identifiées. Il s’agit de déterminer laquelle des options est la plus neutre pour atteindre l’objectif de politique publique. Pour ce faire, il convient d’examiner les avantages et les restrictions liés à chacune des options. La faisabilité de chaque option et la capacité institutionnelle qu’elle requiert, ainsi que les conséquences imprévues qui peuvent découler de chacune d’entre elles, doivent également être prises en compte.
Le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence propose des orientations pertinentes sur la manière de comparer les options, en présentant plusieurs techniques de comparaison qualitative et quantitative, résumées ci-après dans l’Encadré 8.2.
Encadré 8.2. Techniques qualitatives et quantitatives permettant de comparer les options
Copier le lien de Encadré 8.2. Techniques qualitatives et quantitatives permettant de comparer les optionsD’après le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence, la comparaison entre différentes options peut être basée sur une analyse qualitative ou quantitative.
L’analyse qualitative associe des éléments factuels et des arguments qui permettent de se forger une opinion raisonnable quant aux solutions à privilégier. Si elle présente l’avantage d’être largement comprise, de nécessiter peu de données, d’être réalisée rapidement sur le plan pratique, l’analyse qualitative est davantage exposée à des critiques extérieures et ne permet pas de définir la valeur que représente l’amélioration de la concurrence.
Parmi les techniques qualitatives permettant de comparer des solutions de remplacement, on peut citer les exemples suivants :
l’argumentation (à savoir le recours à une réflexion critique ou une logique informelle)
la liste de comparaison des avantages et des inconvénients
l’analyse fondée sur un système de points.
L’analyse quantitative impose une estimation attentive et rigoureuse des avantages de certaines options par rapport à d’autres, fournissant un éventail chiffré des impacts. Comme elle demande davantage de compétences techniques, d’avoir accès à des données et de disposer de plus de temps, l’analyse quantitative est plus souvent utilisée pour des questions importantes ou controversées.
Les méthodes quantitatives ci-après peuvent être utilisées pour comparer les options :
la comparaison des prix
les effets sur les résultats dans le cadre des réformes réglementaires conduites à l’étranger
les expérimentations
les projets de démonstration
l’estimation des avantages pour le consommateur.
Source : OCDE (2019, pp. 81-113[4]), Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence, volume 3. Manuel pratique, https://doi.org/10.1787/7eda92f1-fr.
Après avoir comparé toutes les options envisagées, on pourrait conclure que la mesure existante (en cas d’évaluation ex post) ou la mesure proposée (en cas d’évaluation ex ante) est celle qui est la plus neutre possible du point de vue de la concurrence, ce qui signifie que les pouvoirs publics pourraient procéder à l’intervention publique en question. Comme indiqué précédemment, la recommandation reconnaît que des dérogations à la neutralité concurrentielle pourraient être admises si elles sont nécessaires pour atteindre les objectifs impérieux de politique publique d’un pays, à condition qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ces objectifs et que les distorsions de concurrence soient limitées dans toute la mesure du possible. En outre, la bonne pratique veut que toute dérogation à la neutralité concurrentielle soit transparente, appliquée de manière restrictive et régulièrement réexaminée.
En revanche, si une solution de rechange est considérée comme étant plus neutre sur le plan de la concurrence que la mesure initiale envisagée, la bonne pratique consisterait à promouvoir cette option, soit par des initiatives de sensibilisation (si l’exercice est mené par l’autorité de la concurrence), soit par une mise en œuvre effective (si elle est menée par le responsable public lui-même), dans la mesure où les deux solutions sont aussi efficientes et adaptées pour atteindre l’objectif fixé.
Références
[7] Bureau de la gestion et du budget des États-Unis (2023), Guidance on Accounting for Competition Effects When Developing and Analyzing Regulatory Actions (whitehouse.gov), https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2023/10/RegulatoryCompetitionGuidance.pdf.
[3] HM Treasury; Office of Fair Trading (2007), Guidance on how to assess the competition effects of subsidies, https://www.gov.uk/government/publications/competition-impact-assessment-guidelines-for-policymakers.
[6] OCDE (2021), « Méthodes utilisées pour mesurer la concurrence sur le marché », OECD Competition Committee Issues Paper, https://www.oecd.org/daf/competition/methodologies-to-measure-market-competition.htm.
[1] OCDE (2019), Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence : Guide. Version 4.0, https://doi.org/10.1787/7d515508-fr.
[4] OCDE (2019), Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence : Manuel pratique. Version 4.0, https://doi.org/10.1787/7eda92f1-fr.
[2] OCDE (2018), OECD Review of the Corporate Governance of State-Owned Enterprises: Argentina, https://www.oecd.org/daf/ca/Argentina-SOE-Review.pdf.
[5] OCDE (2017), OECD Telecommunication and Broadcasting Review of Mexico 2017, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264278011-en.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. Conformément à la Recommandation sur la transparence et l’équité procédurale, la liste de vérification sur la neutralité concurrentielle comprend également des questions sur le contrôle judiciaire.
← 2. Le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence fournit des conseils supplémentaires sur la manière d’identifier l’objectif de la politique publique (OCDE, 2019, pp. 65-66[4]).
← 3. Des informations sur les avantages attendus d’une politique publique peuvent être accessibles parce qu’elles sont incluses dans les objectifs de la politique publique et parce que les pouvoirs publics sont tenus de justifier leurs initiatives de politique publique, étant donné qu’elles sont financées par les deniers de l’État. À cette fin, il est probable que l’on exigera que les nouvelles initiatives de politique publique ou les ajustements aux politiques existantes soient justifiés au moyen d’une évaluation de l’impact de la réglementation, qu’elle soit appliquée de manière formelle ou informelle. Dans cette optique, ce qui est accepté comme un avantage doit être considéré comme un résultat réaliste de la politique, plutôt que comme quelque chose de caractère purement spéculatif.
← 4. De plus amples détails sur le processus et les méthodologies d’analyse des caractéristiques du marché peuvent être trouvés dans (OCDE, 2017[5]).
← 5. Le Manuel de l’OCDE pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence (OCDE, 2019, pp. 19-30[1]) donne une vue d’ensemble des concepts et du cadre permettant d’évaluer la concurrence sur les marchés. Voir également (Bureau de la gestion et du budget des États-Unis, 2023[7]).
← 6. La concentration est l’une des différentes mesures de la concurrence, voir (OCDE, 2021[6]).
← 7. Dans certains cas, l’objectif de politique publique n’est pas spécifique ou n’est pas clairement lié à l’intervention. Dans ces circonstances, l’objectif réel peut ne pas être celui qui est énoncé explicitement. S’il n’y a pas de lien entre l’objectif de politique publique déclaré et l’intervention, il peut être raisonnable de ne pas procéder à l’intervention.