Ce chapitre, qui est une introduction au manuel sur la neutralité concurrentielle, présente sa structure et ses objectifs principaux. Il met également en exergue l’importance de la neutralité concurrentielle et explique les liens entre ce Manuel et le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence, ainsi que l’usage complémentaire qui peut être fait de ces deux documents.
Manuel sur la neutralité concurrentielle
1. Introduction
Copier le lien de 1. IntroductionAbstract
La Recommandation sur la neutralité concurrentielle [OECD/LEGAL/0462], ci-après la « Recommandation », qui a été adoptée par la Réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des Ministres en mai 2021, définit la neutralité concurrentielle en tant que « principe selon lequel toutes les entreprises sont soumises à des conditions de concurrence équitables vis-à-vis de l’actionnariat (y compris à l’échelon central, régional, fédéral, provincial, départemental ou municipal), de la réglementation ou de l’activité de l’État sur le marché ». La Recommandation établit un ensemble de principes pour faire en sorte que les actions des Membres et des non-Membres de l’OCDE qui y ont adhéré (ci-après les « Adhérents ») soient neutres du point de vue concurrentiel, et que toutes les entreprises soient soumises à des règles équivalentes en matière de concurrence, indépendamment de facteurs tels que leur structure de propriété, leur localisation géographique ou leur forme juridique, afin que la concurrence ne soit pas indûment empêchée, restreinte ou faussée.
Le manuel sur la neutralité concurrentielle (ci-après le « manuel ») aide les Adhérents à mettre en œuvre les principes de neutralité concurrentielle exposés dans la Recommandation. Bien qu’il s’agisse du principal objectif poursuivi, le manuel pourrait également servir aux non-Adhérents qui souhaitent appliquer les principes de neutralité concurrentielle et s’inspirer des bonnes pratiques qui y sont présentées. Compte tenu de ce public potentiel, le manuel fait souvent référence au terme générique de « juridiction » et pas nécessairement aux Adhérents.
Le manuel couvre les cinq principaux domaines de la Recommandation : (1) droit de la concurrence et son application ; (2) environnement réglementaire , (3) marchés publics ; (4) aides publiques ; et (5) obligations de service public. Il décrit diverses modalités de mise en œuvre de la Recommandation, en suivant des bonnes pratiques basées sur des exemples tirés de l’expérience internationale.
Les bonnes pratiques décrites dans le manuel visent à préciser comment la Recommandation peut être mise en œuvre et sont délibérément de caractère général, afin que leur objectif puisse être atteint de différentes façons au regard de la situation propre à chaque juridiction. Conformément à la Recommandation, qui reconnaît que « la poursuite d’objectifs de politique publique nécessitera dans certaines circonstances de déroger à la neutralité concurrentielle », les bonnes pratiques ne sont pas obligatoires mais seulement indicatives, et ont pour but de signaler les mesures qui peuvent être problématiques, plutôt que de tirer des conclusions définitives.
Chaque bonne pratique est complétée par une série d’exemples provenant des Adhérents et d’autres juridictions. Les exemples énumérés peuvent concerner un ou plusieurs éléments évoqués dans la bonne pratique. Ils sont indicatifs et n’entendent pas constituer une liste exhaustive de toutes les pratiques en vigueur dans l’ensemble des juridictions.
Pour aider les agents publics à repérer les mesures susceptibles de fausser la concurrence, une série de questions dans chacun des cinq domaines vient compléter les bonnes pratiques et les exemples correspondants. Lorsqu’une réglementation ou une autre mesure n’est pas conforme à au moins une des questions ou des bonnes pratiques, elle risque de fausser la concurrence et devrait être analysée en détail. Le chapitre 8 décrit les principales étapes de l’analyse.
Le manuel sur la neutralité concurrentielle est complémentaire du Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence. Le manuel présente des bonnes pratiques et des exemples connexes de mesures en faveur de la neutralité concurrentielle qui couvrent les différents domaines de la Recommandation. Le Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence définit le cadre général d’analyse (la méthodologie) et décrit l’objectif poursuivi par les pouvoirs publics lorsqu’ils évaluent en profondeur la réglementation ou les mesures d’aide publique. Le cadre d’analyse du présent manuel est cohérent avec la méthodologie d’ensemble décrite dans le Manuel pour l'évaluation de l'impact sur la concurrence.
Ensemble, ces outils aident les autorités de la concurrence et d’autres agents publics à cerner les politiques et les mesures qui faussent la concurrence et à envisager d’autres options qui minimisent ces distorsions. L’évaluation peut être menée par les autorités de la concurrence ou par d’autres entités, telles que les organismes publics chargés d’élaborer de nouvelles réglementations ou les administrations centrales chargées d’analyser l’impact de la réglementation. En outre, le manuel peut faciliter l’analyse des nouvelles réglementations et mesures à l’étude ainsi que de celles existantes.
La Recommandation et le manuel sont applicables à l’actionnariat, à la réglementation ou à l’activité à tous les niveaux de l’État, « y compris à l’échelon central, régional, fédéral, provincial, départemental ou municipal ».
Enfin, la Recommandation repose sur l’hypothèse selon laquelle la concurrence favorise l’efficience, contribuant à faire en sorte que les biens et services offerts aux consommateurs correspondent mieux à leurs préférences, tout en comportant des avantages tels que des prix plus bas, un plus grand choix, une amélioration de la qualité, un renforcement de l’innovation et une productivité plus élevée. La promotion de la neutralité concurrentielle peut produire ces avantages (voir Encadré 1.1).
Encadré 1.1. Pourquoi la neutralité concurrentielle est-elle importante ?
Copier le lien de Encadré 1.1. Pourquoi la neutralité concurrentielle est-elle importante ?Assurer la neutralité concurrentielle signifie que les entreprises se livrent concurrence selon leurs mérites, indépendamment de facteurs tels que l’actionnariat, la nationalité ou la forme juridique. Aussi, la neutralité concurrentielle soutient la concurrence en supprimant ou en réduisant les avantages concurrentiels indus dont certains acteurs peuvent bénéficier par rapport à leurs concurrents, comme l’aide de l’État ou des réglementations qui favorisent les entreprises en place.
De fait, la concurrence est porteuse de nombreux avantages aux niveaux microéconomique et macroéconomique. Au niveau microéconomique, la concurrence accroît le bien-être des consommateurs en favorisant des prix plus bas, un plus grand choix et des biens et des services de meilleure qualité (OCDE, 2019[1]). Au niveau macroéconomique, la concurrence entre entreprises stimule la productivité et la croissance économique en multipliant les débouchés et les possibilités d’emploi. De fait, la concurrence conduit à une amélioration de l’efficience allocative en permettant aux entreprises plus performantes d’entrer sur un marché et d’y gagner des parts aux dépens d’entreprises moins performantes (CMA, 2015[2]). Les effets d’une concurrence renforcée peuvent rejaillir sur les marchés adjacents, par exemple en améliorant la productivité et l’emploi dans les secteurs en aval (OCDE, 2014[3]).
En outre, des marchés concurrentiels sont synonymes d’innovation. Lorsqu’un marché est contestable (les obstacles à l’entrée y sont faibles) et que les acteurs peuvent s’approprier l’innovation (les entreprises qui mettent au point des innovations réussies en tirent les fruits, au moins temporairement), les entreprises sont incitées à innover (OCDE, 2023[4]). La concurrence est également un vecteur d’adoption de la technologie et d’améliorations organisationnelles et managériales (Andrews, Criscuolo et Gal, 2016[5]).
Préserver l’égalité des règles du jeu entre concurrents peut procurer des avantages tangibles aux consommateurs et aux citoyens en général. En voici des exemples :
Nouveaux entrants plus nombreux et niveaux d’emploi plus élevés, lorsque la réglementation n’exonère pas les entreprises en place des obligations imposées aux nouveaux entrants, comme le décrit le chapitre 4.
Optimisation de l’utilisation des ressources dans les marchés publics, par exemple lorsque les autorités locales ne favorisent pas leurs entreprises et adjugent les marchés aux soumissionnaires les mieux placés, conformément aux bonnes pratiques et aux exemples présentés dans le chapitre 5.
Meilleur usage de ressources financières limitées, lorsque par exemple les autorités publiques octroient une aide aux mêmes conditions que les participants au marché, comme l’explique le chapitre 6.
Source : OCDE (2019[1]), Manuel pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence : Volume 1. Principes, https://doi.org/10.1787/5c5db29c-fr ; CMA (2015[2]) Productivity and competition: A summary of the evidence, https://www.gov.uk/government/publications/productivity-and-competition-a-summary-of-the-evidence ; OCDE (2014[3]), La politique de la concurrence et ses effets macroéconomiques : une fiche d’information, https://www.oecd.org/daf/competition/2014-fiche-information-concurrence-online.pdf ; OCDE (2023[4]), Concurrence et innovation : un cadre théorique, Note de référence pour la table ronde sur la politique de la concurrence de l’OCDE, https://one.oecd.org/document/DAF/COMP(2023)2/fr/pdf ; Andrews, Criscuolo et Gal (2016[5]), « The Best versus the Rest: The Global Productivity Slowdown, Divergence across Firms and the Role of Public Policy », Documents de travail de l’OCDE sur la productivité, n° 5, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/63629cc9-en .
La suite de ce rapport est structurée comme suit. Le chapitre 2 donne un aperçu des différentes interventions possibles de l’État sur les marchés et des réponses que la Recommandation propose d’y apporter. Les chapitres 3 à 7 sont consacrés aux cinq principaux domaines d’action couverts par la Recommandation. Chaque chapitre se compose d’une série de questions destinées à orienter l’analyse, de bonnes pratiques et d’exemples correspondants. Le chapitre 8 décrit un cadre d’analyse des mesures qui, d’après les questions et les bonnes pratiques, risquent de fausser la concurrence.
Références
[5] Andrews, D., C. Criscuolo et P. Gal (2016), The Best versus the Rest: The Global Productivity Slowdown, Divergence across Firms and the Role of Public Policy, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/63629cc9-en.
[2] CMA (2015), Productivity and competition: A summary of the evidence, https://www.gov.uk/government/publications/productivity-and-competition-a-summary-of-the-evidence.
[4] OCDE (2023), « Competition and Innovation: A Theoretical Perspective », OECD Roundtables on Competition Policy Papers, n° 294,, https://doi.org/10.1787/4632227c-en.
[1] OCDE (2019), Competition Assessment Toolkit: Principles. (Volume I), https://doi.org/10.1787/5c5db29c-fr.
[3] OCDE (2014), Factsheet on how competition affects macroeconomic outcomes, https://www.oecd.org/daf/competition/factsheet-macroeconomics-competition.htm.