Satoshi Araki
Andrea Bassanini
Andrew Green
Luca Marcolin
Satoshi Araki
Andrea Bassanini
Andrew Green
Luca Marcolin
Il y a lieu de penser que le monopsone est très présent dans les économies de l’OCDE et qu’il y confère aux entreprise un pouvoir considérable. On parle de monopsone lorsque les entreprises sont en mesure de fixer les salaires de manière unilatérale, ce qui se traduit par des niveaux d’emploi et de rémunération inférieurs à ce que voudrait l’efficience. Le présent chapitre est consacré à l’étude de ces situations sur le marché du travail, à travers leurs causes, leur incidence, leurs conséquences et les mesures prises par les pouvoirs publics pour leur faire face, avec une attention particulière portée à la concentration du marché du travail, qui est un élément absolument déterminant dans la mesure où, les entreprises susceptibles de recruter sont d’autant moins nombreuses que cette concentration est élevée. Grâce à un ensemble de données harmonisées sur les offres d’emploi publiées en ligne, il recèle la plus importante comparaison entre pays jamais réalisée à ce jour quant à l’incidence de la concentration du marché du travail. On y trouvera également des estimations inédites des conséquences de ce phénomène sur la qualité des emplois, établies à partir de données sur les employeurs et les employés. Une dernière partie offrira une vue d’ensemble des mesures que les pouvoirs publics peuvent adopter face aux situations de monopsone et pour favoriser un fonctionnement du marché du travail dans des conditions de concurrence plus optimales.
Un monopsone désigne une situation dans laquelle les employeurs ont le pouvoir de fixer les salaires de manière unilatérale et, en usant de ce pouvoir, font passer le niveau de rémunération et le niveau d’emploi en deçà de ce qu’ils seraient dans des conditions de concurrence normales, autrement dit si les entreprises devaient rémunérer leurs collaborateurs sur la base d’un « prix du marché » correspondant à leur productivité. Il ne s’agit pas seulement d’une baisse de salaire pour les travailleurs concernés, mais aussi d’une mauvaise affectation des ressources : salaires, emploi et bien-être social sont moindres en présence d’un pouvoir de monopsone que sur un marché du travail concurrentiel.
Le présent chapitre décrit pourquoi certaines entreprises disposent d’un tel pouvoir, notamment dans les situations de concentration du marché du travail où seuls quelques employeurs sont en concurrence pour le recrutement de personnel. Des statistiques inédites y seront fournies au sujet du taux d’emploi sur les marchés du travail concentrés, et des répercussions sur la qualité de l’emploi. Nous verrons dans une dernière partie quelles sont les mesures directement susceptibles d’améliorer la qualité de l’emploi sur les marchés du travail non concurrentiels, de contrer les situations de monopsone et de contribuer à faire évoluer le fonctionnement du marché du travail dans l’intérêt de tous des travailleurs.
Sur les marchés du travail monopsonistiques, les employeurs sont enclins à comprimer l’emploi, et les salaires avec, pour augmenter leurs bénéfices. Les frictions sur le marché du travail, qui compliquent les redéploiements de main-d’œuvre, la présence d’employeurs proposant des conditions de travail très spécifiques, qui ont pour effet de leur attacher leur personnel, et la forte concentration du marché (très peu d’employeurs) sont autant de motifs qui expliquent pourquoi les entreprises peuvent exercer un pouvoir de monopsone.
Les principales conclusions de ce chapitre sont les suivantes :
Il ressort de publications fondées sur des données empiriques que les situations de monopsone sont très fréquentes dans les économies de l’OCDE, où elles confèrent aux entreprises un pouvoir considérable. L’une des méthodes privilégiées, pour apprécier l’importance d’un monopsone, consiste à évaluer l’élasticité de l’offre de travail à laquelle une entreprise donnée a accès, autrement dit la variation à la baisse, en pourcentage, du nombre d’individus disposés à travailler pour elle si elle diminue de 10 % le salaire proposé indépendamment des autres entreprises. Cette élasticité, si l’on en croit les estimations fournies dans les publications spécialisées, est souvent très faible. En d’autres termes, l’emploi dans les entreprises est beaucoup moins sensible aux variations salariales qu’il ne le serait dans des conditions de concurrence parfaites. Même sur des marchés du travail où l’on pourrait s’attendre à une concurrence féroce – ainsi des plateformes électroniques – l’employeur jouit fréquemment, en matière salariale, d’un pouvoir non négligeable. Cela étant, ces estimations laissent certes penser qu’il existe bien des situations de monopsone et que celles-ci sont omniprésentes, mais elles n’indiquent pas par quel biais le marché du travail s’en trouve affecté.
Nous verrons dans le présent chapitre que la concentration du marché du travail, l’un des principaux facteurs en cause dans les situations de monopsone, est un phénomène courant dans une bonne partie des pays de l’OCDE. À partir de données harmonisées sur les offres d’emploi publiées en ligne et moyennant l’application d’une même définition du marché du travail à tous les pays, il apparaît dans le présent chapitre que 16 % des travailleurs du secteur privé dans 15 pays de la zone appartiennent à des marchés du travail caractérisés par une concentration modérée, sinon plus importante – au regard de la définition prudente généralement retenue par les autorités de la concurrence – et 10 % à des marchés très concentrés. On peut considérer ces chiffres comme une limite inférieure à la part des travailleurs appartenant à un marché concentré.
Les actifs ne sont pas répartis de manière uniforme entre ces différents marchés. Ainsi, c’est dans les zones rurales que la concentration est la plus probable.
De même, les actifs mobilisés en première ligne durant la crise du COVID‑19 – ceux qui sont en contact relativement étroit avec leurs collègues ou avec la clientèle et se trouvent par conséquent plus exposés au virus que la moyenne (Chapitre 1) – sont particulièrement susceptibles de travailler sur un marché concentré. A contrario, ceux dont le métier se prête au télétravail sont, dans l’ensemble, nettement moins concernés par le phénomène.
Un an après le début de la pandémie, la concentration du marché du travail avait progressé de 10 %, en moyenne, dans la zone OCDE. La hausse a été très nette tout d’abord, probablement parce que la plupart des entreprises ont considérablement réduit les recrutements au cours du premier confinement, les dernières offres disponibles émanant alors du petit nombre de celles qui parvenaient à tirer leur épingle du jeu. La concentration a commencé par la suite à revenir vers les niveaux antérieurs à la crise au fur et à mesure que les entreprises reprenaient un rythme d’embauche normal.
Les données disponibles montrent que l’emploi tend à diminuer sur les marchés du travail monopsonistiques, cependant de nouvelles recherches sont nécessaires sur le sujet. Les études sur les fusions d’entreprises donnent quant à elles à penser que les opérations de ce genre sont suivies d’un recul de l’emploi. Il ressort également des rares études faisant appel aux indicateurs de concentration du marché du travail que les fusions entraînent un recul de l’emploi global sur les marchés du travail où elles se produisent. Cela étant, les estimations quantitatives produites par les divers auteurs demeurent très hétérogènes, à quoi s’ajoute que les travaux publiés comportent différents problèmes d’ordre méthodologique qui n’ont pas encore trouvé de solution.
Les nouveaux éléments factuels produits dans le présent chapitre et issus du croisement de données harmonisées sur les employeurs et les employés couvrant un certain nombre de pays européens membres de l’OCDE viennent corroborer les résultats de travaux d’experts montrant, en particulier, que le renforcement de la concentration sur les marchés du travail amène un abaissement des salaires. L’estimation des élasticités des salaires par rapport à la concentration donne un résultat comparable en Allemagne, au Danemark, en France et au Portugal. Une progression de la concentration de 10 % par rapport à la moyenne induit une diminution du salaire journalier des travailleurs à temps plein de l’ordre de 0.2 à 0.3 %. Il découle de ces estimations que les 10 % de travailleurs appartenant aux marchés du travail les plus concentrés subissent un préjudice salarial de 5 %, au moins, par rapport à ceux d’un marché du travail se situant à la médiane.
La qualité des emplois se trouve amoindrie à d’autres égards encore. Une analyse de régression indique en effet que la concentration du marché du travail tend à accroître le recours aux contrats flexibles. On estime ainsi qu’en Allemagne, en France et au Portugal, la concentration réduit la probabilité de se voir offrir d’emblée un contrat à durée indéterminée. L’effet d’une progression de 10 % de la concentration peut atteindre 2.3 % (au Portugal, autant pour les hommes que pour les femmes).
Les données espagnoles et italiennes montrent que, dans le cas des travailleurs sous contrat à durée déterminée, la concentration du marché du travail réduit très sensiblement les chances d’accéder à une situation plus stable dans l’année civile qui suit l’embauche. L’effet est particulièrement sensible en Italie, puisqu’une concentration 10 % plus forte réduit de 2.5 % le taux de conversion des contrats, pour les hommes comme pour les femmes.
Les compétences requises forment une autre dimension sensible au pouvoir de monopsone. Le fait est que les employeurs qui disposent d’un tel pouvoir tendent à réduire leur demande de main-d’œuvre, ce qui leur permet de se montrer plus difficiles dans les recrutements. L’analyse par régression des offres d’emploi publiées en ligne révèle que la concentration du marché du travail va alors souvent de pair avec un durcissement des exigences des recruteurs, au regard tant de l’étendue des compétences demandées que de la fréquence à laquelle les compétences cognitives et sociales reviennent dans les offres étudiées.
L’intervention des pouvoirs publics peut contribuer à rendre les marchés de l’emploi plus compétitifs.
D’après les observations faites aux États-Unis et en Autriche, faciliter l’application des clauses de non-concurrence réduit sans conteste la mobilité professionnelle et a souvent un effet délétère sur les salaires. Les clauses de non-concurrence sont des clauses contractuelles qui interdisent aux travailleurs de se mettre au service d’un concurrent après leur départ d’une entreprise. Il semble que les employeurs ont souvent recours à ce dispositif pour dissuader leur personnel d’aller voir ailleurs, quand bien même celui-ci n’a pas accès aux informations confidentielles ou à d’autres actifs incorporels de l’entreprise. Plusieurs solutions parmi celles qui s’offrent aux pouvoirs publics pour limiter le recours aux clauses de non-concurrence sont étudiées dans le présent chapitre.
D’autres interventions, réglementaires ou correctives, sont à mener en ce qui concerne les licences professionnelles, la collusion sur le marché du travail et les fusions horizontales. Dans tous ces domaines, il serait souhaitable que les organismes de réglementation et de contrôle s’intéressent de plus près aux conséquences que le comportement des employeurs entraîne pour la compétitivité du marché du travail. Dans bien des cas, les autorités de la concurrence, ainsi que l’inspection du travail, auraient la possibilité d’intervenir.
Des interventions visant à encourager la négociation collective peuvent contrecarrer un pouvoir de monopsone. Dans le cadre de cette négociation, si les travailleurs y ont un pouvoir suffisant, les parties en présence peuvent internaliser la situation de l’entreprise sur le marché de produits et aboutir ainsi à un compromis plus conforme à l’efficience du marché du travail, les rentes supplémentaires ainsi dégagées étant partagées entre toutes. Il apparaît en effet que la concentration est moins préjudiciable aux salaires là où les syndicats sont plus forts.
Les salaires minimums peuvent eux aussi être un moyen d’atténuer les répercussions des situations de monopsone et de la concentration. En présence d’un monopsone, ils ont pour effet, pour autant que leur niveau soit raisonnable, d’abaisser le coût marginal d’embauche au bas de l’échelle de la distribution des salaires. Les salaires minimums sont ainsi en mesure de soutenir l’emploi et les rémunérations sur les marchés du travail en situation de monopsone. De manière cohérente avec ce qui précède, les données disponibles révèlent que leurs effets négatifs sur l’emploi sont minimes sur les marchés concentrés.
Les mesures destinées à encourager le travail à distance peuvent être utiles aux travailleurs sur les marchés concentrés. Pour ceux dont la profession s’y prête, l’essor du télétravail peut permettre d’accepter un emploi situé dans un rayon géographique plus important, ce qui a aussi pour effet d’accroître le nombre d’employeurs potentiels. Il ressort d’une simulation réalisée pour les besoins du présent chapitre que proposer des emplois en télétravail à temps complet ferait diminuer la concentration du marché du travail de quelque 20 % en moyenne.
Une autre simulation réalisée aux mêmes fins fait apparaître que la concentration globale du marché du travail diminuerait de 18 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE considérés, si les travailleurs avaient la possibilité de se reconvertir et de chercher un nouvel emploi dans une autre profession. Les politiques relatives à la reconversion et au renforcement des compétences et à la formation peuvent ainsi contribuer à améliorer la situation du marché du travail en présence d’un monopsone.
Si votre employeur menaçait de réduire votre rémunération, seriez-vous capable de démissionner et de retrouver rapidement un emploi ailleurs avec des conditions de travail comparables ? Pour de nombreux travailleurs, en dehors d’une intervention des pouvoirs publics ou d’une action collective sous une forme ou une autre, être en mesure de passer à l’acte en y gagnant une meilleure rémunération est le principal argument qu’ils puissent faire valoir dans la négociation. Changer d’employeur est l’un des principaux facteurs de progression salariale, car il permet aux actifs de s’élever sur l’échelle professionnelle en allant vers des entreprises qui les paieront mieux (Topel et Ward, 1992[1] ; Haltiwanger, Hyatt et McEntarfer, 2018[2] ; Wang, 2021[3]) – voir également le Chapitre 4. La faculté de se mettre facilement en quête d’un nouvel employeur est un mécanisme essentiel pour maintenir l’arrimage de la rémunération à la productivité et l’une des bases de la compétitivité des marchés du travail.
Lorsqu’un travailleur est en concurrence sur le marché avec de nombreux autres travailleurs de même profil (vendeurs de travail), mais qu’il n’y a qu’un seul employeur ou quelques employeurs seulement (acheteurs de travail), son pouvoir de négociation s’en trouve considérablement réduit et il aura sans doute du mal à décocher un nouvel emploi ailleurs. Un exemple classique, et extrême, est celui d’une entreprise de charbon qui emploie des mineurs et exploite la seule mine des environs. Dans les « villes entreprises », il n’y a qu’un seul et unique employeur, et les travailleurs qui veulent en changer devront partir s’installer ailleurs, ce qui a souvent un coût élevé. L’entreprise le sait et, en l’absence de force capable de lui tenir tête un tant soit peu, place ses salariés dans une situation défavorable pour négocier salaires et conditions de travail. Sur le marché du travail, la rémunération d’un actif n’est pas seulement déterminée par ses compétences ou sa productivité, mais aussi par ce que l’intéressé est en mesure de négocier.
Le monopsone est une situation qui se présente lorsque la dynamique compétitive sur le marché se brise, et lorsqu’il n’est pas possible aux travailleurs de trouver facilement assez d’offres d’emploi convenables. Le terme s’applique aussi aux marchés sur lesquels les employeurs sont peu nombreux – autrement dit lorsqu’il y a concentration du marché du travail. Le monopsone est cependant un phénomène plus courant, qui peut se produire y compris sur des marchés bien fournis en employeurs. Ainsi, une mère célibataire dont l’entreprise subventionne les frais de garde d’enfant et lui permet d’aménager ses horaires de travail pourra trouver de nombreux employeurs potentiels, mais rares sont ceux qui lui proposeront les mêmes conditions adaptées à sa situation. Ou encore, un travailleur modeste qui cumule les emplois pour boucler les fins de mois n’aura peut-être tout simplement pas le temps de faire des recherches efficaces et de rencontrer en entretien des employeurs susceptibles de l’embaucher. L’une et l’autre ont en commun de ne pas pouvoir tirer parti d’un marché qui met en présence et en concurrence un grand nombre d’employeurs pour tenter d’obtenir une rémunération qui corresponde à leur productivité et de devoir au contraire négocier avec quelques-uns seulement, lesquels conservent ainsi, dans une certaine mesure, la possibilité de définir la rémunération de façon unilatérale.
À l’instar des publications spécialisées, le présent chapitre définit le monopsone comme une situation dans laquelle les entreprises ont la main haute sur la détermination des salaires et des conditions de travail, par opposition à un marché compétitif où les entreprises doivent rémunérer leurs employés selon un « prix du marché » qui correspond à leur productivité1. Les employeurs présents sur les marchés du travail en situation de monopsone peuvent user de leur pouvoir de négociation pour abaisser les salaires et peser sur l’emploi, à l’encontre de ce que commanderait l’efficience, dans le but d’accroître leurs rentes. Cela affecte non seulement le partage des rentres entre l’entreprise et ses salariés, mais aussi la répartition des ressources à l’échelle de toute l’économie. L’emploi et la production sont généralement inférieurs sur les marchés du travail en situation de monopsone à ce qu’ils seraient dans le cas d’une concurrence parfaite.
Les pouvoirs publics peuvent toutefois s’attacher à corriger l’affectation des ressources faussée par le monopsone en intervenant directement pour rééquilibrer les pouvoirs de négociation (réglementation, politique contre les ententes, rôle des partenaires sociaux) ainsi que par d’autres moyens plus indirects (salaires minimums, par exemple). Il est possible, au surplus, que le manque de compétitivité des marchés du travail ait des conséquences sensibles sur d’autres interventions avec lesquelles il n’a qu’un rapport lointain, comme le financement des formations par l’employeur. La mauvaise affectation des ressources qui résulte d’un monopsone justifie aussi que les pouvoirs publics interviennent sur les marchés du travail, quelle que soit la situation qui y prévaut : le salaire et les conditions de travails seront peut-être meilleurs sur un marché du travail étroit – quoique cela ne semble guère être le cas dans la période de reprise actuelle (voir Chapitre 1) – mais il est peu probable que l’on y retrouve les résultats que l’on peut attendre dans des conditions de concurrence optimales.
Quand bien même les recherches sur les situations de monopsone remontent à plusieurs décennies, l’hypothèse de marchés du travail compétitifs continue d’avoir cours dans la plupart des milieux de décision. Les données de qualité dont on dispose depuis peu et qui recouvrent la quasi-totalité des travailleurs, des entreprises, des offres d’emploi publiées en ligne ou des fusions, obligent à reconsidérer cette hypothèse. Les chercheurs sont aujourd’hui capables de calculer directement la concentration des entreprises dans un marché du travail bien défini. La concentration est l’une des principales causes du pouvoir de monopsone dans la mesure où, sur un marché concentré, les voies de sortie pour les travailleurs sont peu nombreuses. Les indices de concentration servent aux autorités de la concurrence d’indicateur approximatif de la puissance de marché pour repérer les marchés sur lesquels il peut être nécessaire d’intervenir – voir par exemple (Ministère américain de la Justice ; Federal Trade Commission, 2010[4]). Cela étant, l’essentiel des études consacrées à la concentration du marché du travail porte sur les États-Unis et plus particulièrement sur les effets de la concentration sur l’emploi, sur les salaires ou sur le revenu d’activité, tandis que d’autres aspects de la vie professionnelle, comme la précarité, les possibilités de promotion et de progression, l’éloignement du lieu de travail et la formation, sont négligés. Les rares études internationales, qui plus est, ne couvrent qu’un faible nombre de pays et reposent souvent sur des données qui ne facilitent pas les comparaisons.
Le présent chapitre vient combler les lacunes de ces travaux en constante évolution en apportant une évaluation internationale de la concentration sur les marchés du travail, l’accent étant mis sur l’action des pouvoirs publics. La première question qu’il y a lieu de se poser porte sur la proportion d’actifs d’un pays employés sur un marché du travail concentré. Grâce à des données harmonisées sur les offres d’emploi publiées en ligne et à des données croisées sur les employeurs et les employés, le présent chapitre permet à cet égard les comparaisons internationales les plus complètes réalisées à ce jour. En parallèle aux moyennes nationales, le chapitre expose comment certains groupes vulnérables, comme les travailleurs de première ligne, se retrouvent plus fréquemment que les autres sur les marchés concentrés et comment la concentration a évolué au cours de la pandémie de COVID‑19. On y analyse ensuite l’effet produit par la concentration sur le fonctionnement du marché du travail sous l’angle, entre autres, de l’emploi, des revenus d’activité, de la sécurité de l’emploi et de la demande de compétences.
Le chapitre se conclut sur un passage en revue des travaux de recherche consacrés aux interventions des pouvoirs publics face aux situations de monopsone sur les marchés du travail et à la concentration de ces marchés. Il y est question des mesures qui agissent directement sur le rapport de forces entre travailleurs et employeurs, ainsi que de celles auxquelles il est possible de recourir pour contrebalancer les effets préjudiciables que ce rapport de forces peut avoir, lorsqu’il est déséquilibré, sur la situation du marché du travail.
Le chapitre s’ouvre par une définition de la notion de monopsone, accompagnée d’exemples, suivie de considérations sur la mesure du phénomène, ses conséquences économiques et les options qui s’offrent aux pouvoirs publics. Cette notion est définie à la Section 3.1, de manière générale d’abord, comme la probabilité pour un travailleur de quitter son emploi en réaction à une baisse de salaire – concurrence monopsonistique (Manning, 2003[5]) – puis dans le cas de marchés du travail concentrés se caractérisant par un nombre réduit d’employeurs en présence d’une main-d’œuvre nombreuse. Viennent ensuite des estimations internationales de la concentration, l’accent étant mis sur certaines professions et certains groupes de population, ainsi qu’une étude des tendances suivies au cours de la pandémie de COVID‑19 (Section 3.2). La Section 3.3 donne à voir les effets de la concentration sur l’emploi, les salaires, la sécurité de l’emploi et la demande de compétences2. Nous passerons ensuite en revue quelques-unes des interventions directes des autorités compétentes ainsi que d’autres mesures susceptibles d’agir indirectement sur le monopsone des marchés du travail (Section 3.4). La Section 3.5 sera consacrée aux remarques de conclusions et esquissera les voies que pourront emprunter des travaux de recherches complémentaires sur l’action des pouvoirs publics.
Sur les marchés du travail monopsonistiques, les employeurs compriment la demande de main-d’œuvre afin de réduire les coûts salariaux et d’accroître leurs bénéfices en offrant aux travailleurs une rémunération inférieure à leur productivité marginale – voir par exemple Boal et Ransom (1997[6]), Manning (2003[5]), Ashenfelter, Farber et Ransom (2010[7]) et Blair et Harrison (2010[8]). En d’autres termes, le niveau de rémunération et le niveau d’emploi sont fixés en deçà de ce qu’ils seraient dans des conditions de concurrence normales, autrement dit si les entreprises devaient rémunérer leurs collaborateurs « au prix du marché » correspondant à leur productivité. Face à la mauvaise affectation des ressources qu’induit le pouvoir unilatéral des employeurs, il semble que les pouvoirs publics doivent intervenir afin de limiter les situations de monopsone sur les marchés du travail (voir Section 3.4).
Le monopsone englobe les cas où des entreprises ont la haute main sur la fixation des salaires (et, partant, sur l’emploi). Techniquement, le terme de monopsone désigne un marché composé d’un seul acheteur de main-d’œuvre (employeur) et de nombreux vendeurs (travailleurs). Toutefois, du moins tel qu’il est utilisé en économie du travail, le terme de monopsone se définit de manière plus générale comme un marché où les employeurs disposent du pouvoir de fixation des salaires, ce qui se traduit par des marchés du travail qui s’écartent des conditions de concurrence optimales. Sur les marchés du travail concurrentiels, les entreprises se réfèrent aux salaires tels que déterminés par le marché ; ainsi, si une entreprise tentait de proposer des salaires inférieurs à celui du marché, tous ses salariés démissionneraient et/ou elle serait dans l’impossibilité de recruter. Dans la pratique, il existe une multitude de marchés du travail, des marchés purement concurrentiels (où les entreprises adoptent les salaires fixés par le marché) jusqu’aux marchés en situation de monopsone total (où les entreprises ont toute latitude pour fixer les salaires). Les recherches consacrées aux marchés du travail en situation de monopsone visent à déterminer pour quelles raisons des entreprises sont en mesure d’exercer un pouvoir unilatéral de fixation des salaires, et à mesurer l’ampleur de ce pouvoir.
Il existe trois grandes raisons qui expliquent pourquoi des entreprises disposent d’un pouvoir unilatéral de fixation des salaires sur le marché du travail. Tout d’abord, les entreprises peuvent tout simplement être trop peu nombreuses par rapport aux travailleurs disponibles. Dans un modèle simple où peu d’employeurs sont en concurrence sur un marché donné, les entreprises emploient moins de travailleurs que dans une situation d’équilibre concurrentiel et offrent des salaires inférieurs (Boal et Ransom, 1997[6]). Cette situation s’apparente à celle des marchés de produits caractérisés par un petit nombre d’acheteurs et un grand nombre de vendeurs. Les marchés du travail de ce type sont souvent concentrés – ils comptent trop peu d’employeurs. La mesure de la concentration du marché du travail est un des axes de la recherche sur le monopsone.
Si ce modèle est largement utilisé dans l’économie industrielle et reste pertinent pour les travaux empiriques menés en économie du travail, il ne tient pas compte des caractéristiques propres au marché du travail. Les employeurs peuvent avoir un pouvoir de monopsone même en l’absence de concentration du marché, par exemple en raison de clauses dans les contrats de travail qui limitent la capacité des travailleurs à rechercher d’autres emplois (comme les clauses de non-concurrence, voir Section 3.4.1). Les travailleurs peuvent aussi avoir des préférences pour certaines caractéristiques d’emploi fournies par l’employeur (voir ci‑après)3.
C’est pourquoi une autre théorie, qui repose sur le « monopsone dynamique » ou « monopsone moderne », postule que les travailleurs sont dans l’obligation de rechercher des offres d’emploi qui leur conviennent. Selon cette théorie, les travailleurs ne sont pas en mesure de quitter un employeur et d’en trouver instantanément un nouveau, ni de retrouver instantanément un emploi s’ils sont au chômage. Compte tenu de ces frictions de recherche, les travailleurs doivent attendre une offre d’emploi qui leur convient, ce qui confère aux entreprises un certain pouvoir de fixation des salaires (Burdett et Mortensen, 1998[9] ; Manning, 2003[5]). Outre ces frictions de recherche « naturelles », les entreprises peuvent être à l’origine de frictions supplémentaires sur leur marché du travail (par exemple lorsqu’il y a collusion entre employeurs ou via des clauses de non-concurrence), ce qui accroît leur pouvoir monopsonistique vis-à-vis de leurs travailleurs (voir Section 3.4.1)4.
Enfin, le pouvoir de monopsone peut être lié aux préférences qu’ont les travailleurs pour certaines entreprises au-delà du salaire proposé. Par exemple, si les employeurs proposent des régimes d’assurance maladie différents, ou l’accès à des services de garde d’enfants plus ou moins généreux, les travailleurs peuvent avoir une préférence pour certaines entreprises même si elles proposent des salaires identiques. Ces préférences peuvent même porter sur certaines caractéristiques comme la « culture d’entreprise », ou des paramètres tels que l’éloignement du lieu de travail (Card et al., 2018[10]). Face à des employeurs aussi différents, les travailleurs peuvent avoir du mal à démissionner et trouver une entreprise comparable qui leur convient. Quelles que soient les raisons pour lesquelles les employeurs proposent des prestations différentes, les modèles qui s’appuient sur les préférences des travailleurs pour certaines entreprises plutôt que d’autres mettent en évidence le pouvoir de fixation des salaires dont jouissent les entreprises5.
Quelle que soit l’explication du monopsone, il offre aux entreprises la possibilité de diminuer les salaires tout en conservant la plupart de leurs salariés et leur capacité à recruter. Cette relation, c’est-à-dire l’évolution de l’offre de travailleurs disponibles en fonction d’une évolution donnée du salaire proposé, est appelée élasticité de l’offre de main-d’œuvre. Les recherches menées sur cette élasticité constituent traditionnellement un moyen de mesurer le pouvoir de monopsone des entreprises. Lorsque cette élasticité est faible – c’est-à-dire que les variations des salaires offerts ne se traduisent que par de légères variations des embauches, des départs ou de l’emploi – il existe un pouvoir de monopsone.
Les travaux publiés montrent de plus en plus clairement que le monopsone est beaucoup plus répandu sur les marchés du travail qu’on ne s’y attendait. Pour emprunter les termes employés en économie du travail, les estimations de l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre pour les entreprises sont faibles. Dans le cas idéal d’une concurrence parfaite, l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre dans l’entreprise serait infinie. Normalement, les estimations de l’élasticité inférieures à 10, voire plus, sont considérées comme la preuve d’un pouvoir de monopsone – voir par exemple Manning (2003[5]).
L’une des plus importantes revues des travaux existants réalisées à ce jour montre que les estimations les plus fréquentes de l’élasticité de l’offre de travail dans l’entreprise sont inférieures à 10. Sokolova et Sorensen (2021[11]) ont analysé 1 320 estimations récentes de l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre publiées dans 53 études. Ils considèrent qu’elle est de l’ordre de 3 pour les femmes et de 4.2 pour les hommes en moyenne selon les estimations les plus précises. Cela correspond à une minoration des salaires de 22 % par rapport à la productivité marginale des travailleurs, en moyenne.
L’élasticité déclarée dans les entreprises est généralement plus faible en Australie, au Canada et aux États-Unis qu’en Europe (Sokolova et Sorensen, 2021[11]). Une analyse de l’OCDE portant sur les données croisées employeurs-salariés de 10 pays6 de l’OCDE montre que la moyenne pondérée des estimations nationales s’établit à 2 (OCDE, 2021[12]), ce qui, là encore, implique des situations de monopsone très fréquentes sur les marchés du travail de ces pays. Enfin, Webber (2016[13]) constate une variation significative du pouvoir de fixation des salaires de l’entreprise tout au long de l’échelle des salaires, avec une élasticité dans le quartile inférieur de 0.22 seulement (contre une estimation moyenne de 1.08).
Les entreprises peuvent posséder un pouvoir unilatéral de fixation des salaires, même lorsque les frictions de recherche sont considérées comme a priori minimes et que le marché du travail concerné semble en situation de concurrence parfaite. Selon Dube et al. (2020[14]), l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre à laquelle est confronté le demandeur sur Amazon Mechanical Turk (« MTurk ») – une plateforme en ligne importante de mise en relation entre demandeurs proposant des tâches à effectuer et travailleurs – s’élève à 0.14, ce qui laisse à penser que les demandeurs (entreprises) disposent d’un pouvoir de marché considérable malgré l’absence apparente de frictions de recherche – voir également l’étude de l’OCDE (2019[15]), qui analysait en détail les questions de monopsone pour les travailleurs indépendants. De même, Caldwell et Oehlsen (2018[16]) mènent une expérience sur le terrain dans laquelle ils attribuent de manière aléatoire des taux de salaire plus élevés aux conducteurs Uber aux États-Unis pendant une semaine. Ils estiment l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre à moins de 1 à la fois pour ceux qui peuvent travailler pour une plateforme concurrente et ceux qui n’en ont pas la possibilité. Dans l’ensemble, de plus en plus d’éléments montrent que le pouvoir de monopsone est très répandu, même sur les marchés du travail supposés être les plus concurrentiels.
En moyenne, le pouvoir de monopsone peut avoir une plus grande incidence sur les femmes que sur les hommes. Les estimations de l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre mettent généralement en évidence une élasticité plus faible pour les femmes, tandis que la minoration des salaires par rapport à la productivité marginale des travailleurs est supérieure d’environ 6 points de pourcentage pour les femmes par rapport à celle observée pour les hommes (Sokolova et Sorensen, 2021[11]). Plusieurs explications possibles à cela. Des données montrent par exemple que les femmes ont des préférences différentes et plus marquées pour certains types de conditions de travail, en particulier s’agissant des mères d’enfants en bas âge, ce qui réduit leur pouvoir de négociation (Mas et Pallais, 2017[17] ; Wiswall et Zafar, 2017[18]). En outre, les femmes cherchent souvent un emploi plus près de leur domicile, et elles sont prêtes à accepter une pénalité salariale importante pour un emploi plus proche, ce qui les expose à un pouvoir de monopsone plus important (Le Barbanchon, Rathelot et Roulet, 2020[19] ; Jacob et al., 2019[20]). Enfin, les responsabilités familiales des femmes ont aussi une influence sur leurs choix professionnels. Elles peuvent ainsi opter pour des emplois avec un temps de travail réduit et une plus grande flexibilité (Goldin, 2014[21]), ce qui peut les orienter vers des marchés du travail plus concentrés.
D’une manière plus générale, les groupes traditionnellement défavorisés (comme les jeunes, les immigrés et les minorités ethniques/raciales) sont souvent plus exposés au pouvoir de monopsone que les travailleurs intégrés au marché du travail. Selon les modèles de monopsone, l’emploi est inférieur à ce qu’il serait sur un marché concurrentiel. Les entreprises ont donc accès à une vaste offre de main-d’œuvre et elles ont la possibilité de décider librement des candidats qu’elles embauchent pour pourvoir leurs offres d’emplois. Dans ce contexte, elles pourraient préférer employer des travailleurs ayant une plus grande expérience professionnelle, ce qui handicaperait les jeunes (voir Section 3.3.2). Elles peuvent aussi choisir de proposer une rémunération moindre aux travailleurs à la productivité comparable mais dont les possibilités de mobilité d’un employeur à l’autre sont plus limitées, comme le montrent Gerard et al. dans une étude de cas portant sur les travailleurs non blancs au Brésil. (2021[22]). Par ailleurs, dans les modèles de monopsone dynamique où même une petite fraction des entreprises peut exercer une discrimination à l’encontre de certains groupes, les travailleurs de ces groupes sont pénalisés par des minorations de salaire plus importantes, même dans les entreprises qui ne pratiquent pas de discrimination (Lang et Lehmann, 2012[23] ; Cahuc, Carcillo et Zylberberg, 2014[24]). Dans la plupart des modèles de discrimination (dans l’hypothèse de marchés concurrentiels ou monopsonistiques), l’entrée de nouvelles entreprises devrait exclure du marché celles qui ont des pratiques discriminantes. Toutefois, il existe probablement des obstacles à l’entrée de nouvelles entreprises sur les marchés du travail concentrés, d’où certainement une plus faible proportion de groupes défavorisés sur ces marchés.
Comme indiqué dans la sous-section précédente, la concentration du marché du travail – qui correspond à une situation où un petit nombre d’entreprises dominent le marché du travail – procure théoriquement un pouvoir de monopsone aux entreprises. Lorsque quelques entreprises dominent un marché du travail donné, elles peuvent influer sur les salaires par le biais de leur demande de main-d’œuvre. Les travailleurs ont en outre moins de chances de trouver des employeurs comparables qui conviennent à leurs besoins, ou sont plus susceptibles de tomber sur les mêmes entreprises au cours de leur recherche d’emploi (Manning, 2020[25]). Enfin, des employeurs peu nombreux sont plus susceptibles de coordonner implicitement (ou explicitement) la fixation des salaires – voir Section 3.4.1. Dans la mesure où la diversité des offres d’emploi adaptées dépend du nombre et de la taille relative des entreprises présentes sur un marché, ces frictions et l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre pour les entreprises peuvent être considérées comme des déterminants de plus en plus importants de la concentration du marché du travail (Jarosch, Nimczik et Sorkin, 2019[26]).
En somme, la concentration du marché du travail est probablement l’une des principales sources de monopsone, et elle constitue à ce titre une variable de substitution imparfaite, facile à mesurer et empirique pour le pouvoir de fixation des salaires des employeurs7. Il devrait en fait exister une corrélation positive entre la concentration du marché du travail et le pouvoir de fixation des salaires des employeurs sur les différents marchés (Jarosch, Nimczik et Sorkin, 2019[26] ; Azar, Marinescu et Steinbaum, 2019[27] ; Boal et Ransom, 1997[6]).
C’est notamment pour cette raison que la concentration du marché est de plus en plus utilisée comme mesure empirique du monopsone. Rien qu’au cours des dernières années, des études utilisant la concentration du marché du travail pour mesurer le pouvoir de monopsone ont été publiées à partir de données provenant des États-Unis (Azar et al., 2020[28] ; Benmelech, Bergman et Kim, 2022[29] ; Yeh, Hershbein et Macaluso, à paraître[30] ; Qiu et Sojourner, 2019[31] ; Rinz, 2022[32]), du Royaume‑Uni (Abel, Tenreyro et Thwaites, 2018[33]), de la France (Marinescu, Ouss et Pape, 2021[34]), de l’Autriche (Jarosch, Nimczik et Sorkin, 2019[26]), du Portugal (Martins, 2018[35]), de la Norvège (Dodini et al., 2020[36]), et plus récemment, d’études internationales portant sur un nombre limité de pays (OCDE, 2021[12] ; Bassanini et al., 2022[37])8.
Il reste à savoir si les résultats de ces études reflètent des différences de données ou de méthodologie, ou s’ils procèdent de réelles différences entre pays en termes de compétitivité des marchés du travail. Le présent chapitre se fonde sur ces travaux antérieurs pour présenter la plus grande couverture internationale de la concentration des marchés du travail dans les pays de l’OCDE, avec la définition du marché du travail la plus homogène.
En s’appuyant sur des données portant sur l’univers des offres d’emploi en ligne, cette section présente des estimations de la proportion de travailleurs sur les marchés du travail concentrés dans 15 pays de l’OCDE, ainsi qu’à Singapour9. Il s’agit de la plus grande étude internationale sur la concentration du marché du travail réalisée à ce jour, et de la seule étude internationale à utiliser un vaste ensemble de données harmonisées et une seule définition du marché du travail pour assurer la comparabilité entre les pays. Outre les moyennes nationales, la section montre comment la concentration influe sur certains segments du marché du travail, notamment sur certaines professions, l’égalité femmes-hommes et les jeunes. La section s’achève par une analyse de la dynamique de la concentration du marché du travail pendant la pandémie de COVID‑19.
La concentration d’un marché du travail dépend de la définition du marché du travail local où un travailleur potentiel peut raisonnablement espérer trouver rapidement un emploi qui lui convient. Les travaux publiés définissent généralement les marchés du travail en conjuguant des classes économiques détaillées (secteur ou profession) et des critères géographiques. En théorie, le marché du travail local correspond à la zone où sont situées toutes les entreprises où un travailleur potentiel peut raisonnablement se rendre. Certaines études de la concentration du marché du travail s’appuient sur les zones de migrations alternantes ou les zones urbaines fonctionnelles, qui sont souvent conçues de manière empirique pour rendre compte des flux de déplacements domicile‑travail (Foote, Kutzbach et Vilhuber, 2021[38]). En raison des limites que présentent les données, ce chapitre utilise les régions de niveau territorial 3 (TL3), qui présentent un niveau d’agrégation géographique plus élevé que les zones de migrations alternantes (voir Encadré 3.1). Définies par l’OCDE, les régions TL3 couvrent tous les pays de l’OCDE, sont généralement stables dans le temps et sont conçues de manière à être à peu près comparables entre les pays de l’OCDE (OCDE, 2016[39]).
Outre les régions TL3, ce chapitre définit le marché du travail à considérer en s’appuyant sur les professions plutôt que sur les secteurs. Les secteurs sont définis en fonction de l’activité économique exercée. Les professions sont classées en fonction des compétences et qualifications requises du côté des travailleurs, et sont donc transférables d’un secteur à l’autre dans la plupart des cas. Les professions se prêtent donc mieux à la définition des schémas de recherche d’emploi des travailleurs et, par conséquent, à la mesure de la concentration du marché du travail. Le recours aux professions est également cohérent avec les éléments probants présentés dans certaines affaires célèbres d’accords illégaux de non-débauchage aux États-Unis au milieu des années 2000 (Koh, 2013[40]), qui montrent que les entreprises peuvent produire des produits différents tout en se faisant concurrence pour recruter les mêmes travailleurs. Hovenkamp et Marinescu (2019[41]) proposent d’autres exemples. Pour les pays d’Europe continentale, ce chapitre utilise les codes à 4 chiffres de la CITP‑08, et les codes à 6 chiffres de la SOC‑2010 pour les pays anglophones10.
La mesure de la concentration du marché du travail la plus couramment utilisée est l’indice de Herfindahl-Hirschman (HHI) qui couvre les offres d’emploi, les nouvelles embauches ou l’emploi sur un marché du travail local. Il s’agit de la somme des pourcentages au carré des parts de chaque entreprise sur le marché. L’indice est compris entre 0 (concentration du marché nulle) et 10 000 (lorsqu’une seule entreprise contrôle l’ensemble du marché)11. Les marchés sont considérés comme concentrés en fonction du seuil d’intervention utilisé pour la concentration des marchés de produits par les autorités de la concurrence, qui sont généralement très prudentes (Nocke et Whinston, 2022[42] ; Affeldt et al., 2021[43]). Selon les autorités de la concurrence des États-Unis, les marchés fortement concentrés affichent un indice HHI de 2 500 et plus, tandis que les marchés modérément concentrés ont un indice HHI compris entre 1 500 et 2 500 – voir les exemples de l’US Department of Justice et de la Federal Trade Commission (2010[4])12. On peut considérer qu’ils constituent la fourchette inférieure de la part de la main-d’œuvre travaillant sur des marchés concentrés.
Ce chapitre utilise les données d’Emsi Burning Glass (EBG) relatives aux offres d’emploi publiées en ligne pour mesurer la concentration du marché du travail. EBG collecte les offres d’emploi en ligne dans de nombreux pays de l’OCDE, qui contiennent des informations sur la profession, la localisation et l’entreprise (y compris le secteur d’activité) concernées, ainsi que d’autres caractéristiques telles que les compétences et les niveaux de formation requis. Il a été démontré que ces données couvrent presque toutes les offres d’emploi, et qu’elles sont de plus en plus représentatives de l’emploi total aux États-Unis (Hershbein et Kahn, 2018[44] ; Azar et al., 2020[28]). Ce chapitre a ensuite validé la couverture des données restantes de l’OCDE pour lesquelles des données EBG sont disponibles, et de Singapour. Quinze pays de l’OCDE et Singapour ont été évalués et jugés propres à être inclus dans le chapitre13. À l’exception de l’évaluation de l’évolution de la concentration des marchés pendant la pandémie, l’analyse présentée ici repose sur les données de 2019.
Après avoir calculé l’indice HHI au niveau des professions dans les régions TL3, les cellules ont été agrégées au niveau 3 de la CITP en pondérant les offres d’emploi, puis pondérées en fonction de l’emploi à l’aide de la distribution des professions dans le secteur privé (en omettant les secteurs où l’emploi public est important)14 dans chaque pays, à partir des enquêtes sur la population active (voir la description complète de la validation, de la construction et de l’analyse des données à l’Annexe 3.B). Les estimations finales au niveau des pays sont ajustées pour tenir compte de l’hétérogénéité de la taille moyenne de la population des régions TL3 entre les pays (voir Encadré 3.1).
Ce chapitre constate qu’une part considérable des travailleurs des pays de l’OCDE travaillent sur des marchés modérément à très concentrés. Le Graphique 3.1 montre la part des travailleurs sur des marchés du travail modérément concentrés (en bleu clair) et le sous-ensemble de ceux qui se trouvent sur des marchés du travail très concentrés (en bleu foncé), à partir des estimations de l’indice HHI au niveau national (Graphique d’annexe 3.A.1). En moyenne dans les pays de l’OCDE qui composent l’échantillon, un peu plus de 16 % des travailleurs se situent sur des marchés du travail qui sont au moins modérément concentrés. Plus de la moitié de ces travailleurs, soit environ 10 % du total, travaillent sur des marchés du travail très concentrés. C’est en Estonie et en Lettonie que la proportion de travailleurs sur les marchés qui sont au moins modérément concentrés est la plus élevée (plus de 24 %), alors que c’est en Belgique et en Suisse qu’elle est la plus faible (moins de 10 %). Les résultats présentés dans cette section confirment que les différences entre les pays en matière de concentration du marché du travail ne sont pas simplement dues à des différences dans les données ou les définitions du marché du travail15.
Sur une période plus longue, la concentration est généralement stable dans les pays de l’OCDE. Les données d’Emsi Burning Glass sur les offres d’emploi présentées dans ce chapitre ne permettent pas de comparer les indices HHI sur une longue période. Toutefois, en s’appuyant sur les données administratives relatives aux nouvelles embauches (2021[45]), l’OCDE constate que l’indice HHI est relativement stable entre 2003 et 2017 dans une moyenne de 7 pays de l’OCDE16. Cette tendance est néanmoins susceptible de varier d’un pays à l’autre. Par exemple, Rinz (2022[32]) constate une légère diminution de la concentration du marché du travail local aux États-Unis entre 2000 et 2009, suivie d’une modeste augmentation pendant la crise financière.
Ces résultats sont pertinents dans la mesure où, toutes choses égales par ailleurs, les travailleurs sur ces marchés perçoivent probablement des salaires inférieurs à ceux que leur productivité laisserait supposer sur un marché concurrentiel. Les mêmes éléments peuvent être avancés pour d’autres mesures de la qualité des emplois (voir Section 3.3.2). Bien que cela s’applique à tous les travailleurs, qu’ils se trouvent ou non sur des marchés du travail concentrés, il convient d’être particulièrement prudent s’agissant des travailleurs opérant sur des marchés modérément ou fortement concentrés.
Par ailleurs, il faut replacer ces estimations dans leur contexte. Tout d’abord, les seuils utilisés dans cette analyse pour déterminer si un marché est concentré sont élevés (voir l’analyse de l’indice HHI ci-dessus), et ces estimations peuvent donc être considérées comme situées dans le bas de la fourchette s’agissant de la proportion de la main-d’œuvre travaillant sur des marchés concentrés. Ensuite, ces estimations portent sur la concentration du marché du travail et ne représentent donc qu’une seule source de pouvoir de monopsone. Même sur les marchés qui n’atteignent pas les seuils de concentration, les travailleurs peuvent être soumis à d’autres éléments à l’origine du pouvoir de monopsone (voir Section 3.1). Enfin, ce chapitre n’analyse pas les causes des différences de concentration du marché du travail constatées entre les pays. Les pays diffèrent, par exemple, dans la composition du marché du travail en termes de professions, de secteurs et de déplacements pendulaires, ce qui peut avoir une incidence directe sur la concentration (voir ci‑après). Une analyse structurée des déterminants de la concentration du marché du travail sera fournie ultérieurement.
Il est difficile de délimiter les marchés du travail locaux pour identifier le pouvoir de monopsone, en particulier dans un contexte international, et il faut encore trouver un consensus sur la méthodologie à suivre (Azar et al., 2020[28] ; Manning, 2020[25] ; Naidu, Posner et Weyl, 2018[46] ; Hovenkamp et Marinescu, 2019[41]). Un marché trop restreint limite les possibilités de sortie des travailleurs et accroît le pouvoir de fixation des salaires des entreprises, tandis que l’inverse se vérifie si le marché est trop vaste. Pour définir le marché du travail local, il convient d’associer aux statistiques du marché du travail des unités géographiques et des unités économiques (professions ou secteurs).
Les unités géographiques fréquemment utilisées sont les zones de migrations alternantes – comme dans les études d’Azar et al. (2020[28]), de Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]), de Benmelech et al. (2022[29]), de Berger et al. (2019[47]), et de Rinz (2022[32]) – ou les unités administratives – comme Modestino, Shoag et Ballance (2016[48]). Si les unités administratives ne rendent pas toujours pleinement compte des flux de déplacements domicile‑travail dans une zone donnée, les définitions des zones de migrations alternantes ne sont pas nécessairement comparables d’un pays à l’autre. Les zones urbaines fonctionnelles (ZUF) de l’UE‑OCDE sont définies pour tous les pays selon la même méthodologie que les centres urbains et leurs zones d’attraction (Dijkstra, Poelman et Veneri, 2019[49]). À ce titre, les ZUF excluent les zones rurales. Ascheri et al. (2021[50]) utilisent les ZUF, ce qui restreint leur analyse aux zones urbaines.
Dans ce contexte et compte tenu de la disponibilité des informations dans la série de données de EBG, les indices HHI de ce chapitre sont calculés en se fondant sur les régions TL3, sauf indication contraire. Les TL3 correspondent aux unités administratives infranationales1 qui sont à peu près comparables d’un pays à l’autre (OCDE, 2021[51]), même si leur taille et leur nombre peuvent varier selon les pays. Toutefois, pour améliorer encore la comparabilité, un facteur d’ajustement est obtenu en effectuant une régression des statistiques agrégées de concentration par rapport au logarithme de la moyenne de la population des régions TL3 par pays. Ce facteur d’ajustement est ensuite appliqué à chaque statistique afin d’obtenir des chiffres pour une population régionale moyenne de 200 000 habitants, ce qui correspond grosso modo aux zones de migrations alternantes aux États-Unis, et facilite donc la comparaison avec les chiffres obtenus par Azar et al. (2020[28]) – voir aussi Annexe 3.B.
S’agissant de l’unité économique, Berger et al. (2019[47]), Benmelech et al. (2022[29]), Rinz (2022[32]) et l’OCDE (2021[45]) calculent les indices HHI par secteur, tandis que Azar et al. (2020[28]), Martins (2018[35]), Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]), et Azar, Marinescu et Steinbaum (2022[52]) les calculent par profession2. Ce chapitre calcule les indices HHI par profession3 pour deux raisons. Premièrement, les données empiriques montrent que les changements de profession impliquent une pénalité sur le plan salarial, même en tenant compte des changements d’employeur et de secteur – voir Kambourov et Manovskii (2009[53]), Gathmann et Schonberg (2010[54]) – ils entraînent des pertes de capital humain propre à la profession. Deuxièmement, l’utilisation des secteurs d’activité est susceptible de faire un amalgame entre la concentration du marché de produits et celle du marché du travail, même si l’une peut exister sans l’autre – voir Manning (2020[25]), Hovenkamp et Marinescu (2019[41]), Redding et Rossi-Hansberg (2017[55])4. En fait, il est prouvé que des entreprises opérant dans des secteurs différents peuvent toujours s’entendre pour contrôler le marché du travail d’une même profession (Hovenkamp et Marinescu, 2019[41] ; Gibson, 2021[56]).
Deux éléments supplémentaires doivent être choisis pour calculer l’indice HHI : à savoir la variable sur laquelle sont calculées les parts des entreprises (généralement l’emploi, les embauches ou les offres d’emplois), et la période considérée. Compte tenu de la disponibilité des données, l’analyse présentée ici se fonde sur les offres d’emplois trimestrielles, sauf dans la Section 3.3.2. Un indice HHI fondé sur l’emploi semble être une mesure raisonnable de la concentration du marché, à la fois dans un modèle de monopsone classique et statique et dans un modèle fixe de recherche et de mise en relation avec recherche granulaire, où la concentration influe sur les possibilités de sortie des travailleurs (Boal et Ransom, 1997[6] ; Jarosch, Nimczik et Sorkin, 2019[26]). Toutefois, dans un environnement non fixe, les entreprises qui réduisent leurs effectifs peuvent avoir une part positive dans l’emploi sans embaucher, de sorte qu’elles ne contribuent pas en réalité aux possibilités de sortie offertes aux travailleurs sur le marché du travail. Dans ce cas, une mesure fondée sur les offres d’emploi ou les nouvelles embauches rend mieux compte du fait que la concentration du marché du travail est un déterminant essentiel du pouvoir de monopsone (Marinescu, Ouss et Pape, 2021[34] ; Bassanini, Batut et Caroli, 2021[57] ; Azar, Marinescu et Steinbaum, 2022[52]).
Enfin, ce chapitre calcule les indices HHI sur une base trimestrielle. De nombreux travaux calculent les flux sur des intervalles annuels en raison de la disponibilité des données. Cependant, Azar et al. (2020[28]) calculent l’indice HHI chaque trimestre, en faisant valoir qu’un intervalle annuel est manifestement trop long pour rendre compte des possibilités de sortie. Ce chapitre suit cette approche et calcule les indices HHI sur une base trimestrielle.
1. Pour l’Australie, le Canada et les États-Unis, TL3 correspond à des groupes d’unités administratives infranationales. Pour le Luxembourg, une seule région TL3 couvre l’ensemble du pays. Une seule région TL3 couvre l’ensemble de Singapour aux fins de la présente analyse.
2. D’autres dimensions sont parfois analysées dans certaines études – voir p. ex. Azar et al. (2020[28]) , Dodini et al. (2020[36]).
3. Les codes à 4 chiffres de la CITP‑2008 sont utilisés pour les pays européens (à l’exception du Royaume‑Uni) et les codes à 6 chiffres de la classification SOC‑2010 sont utilisés pour l’Australie, le Canada, les États-Unis, le Royaume‑Uni et Singapour.
4. Par exemple, des données montrent que la concentration des marchés de produits a une incidence négative sur la productivité. Ne pas en tenir compte pour estimer les conséquences de la concentration du marché du travail sur les salaires peut conduire à sous-estimer l’effet de la concentration sur les salaires.
Les marchés du travail ont tendance à être plus concentrés pour quelques professions manuelles et de santé. Le Graphique 3.2 illustre la part moyenne des marchés concentrés occupée par certaines professions au niveau à deux chiffres de la CITP17. Les plus forts taux de concentration sont généralement enregistrés pour les métiers qualifiés de l’artisanat et de l’imprimerie ainsi que pour les spécialistes de la santé, à raison de plus de 50 % de l’emploi du secteur des entreprises dans ces professions18. À ces deux professions s’ajoutent, parmi les cinq premières par ordre de concentration du marché du travail, d’autres métiers manuels dont les manœuvres de l’agriculture, de la pêche et de la sylviculture et les éboueurs.
Les plus faibles concentrations sont observées pour les spécialistes de l’information et de la communication, les commerçants et vendeurs et les spécialistes en administration d’entreprise – moins de 7 % des travailleurs dans ces professions sont employés dans des marchés concentrés – sans pour autant être restreintes aux professions très qualifiées et hautement rémunérées. On y trouve également les aides de ménage et les commerçants et vendeurs, probablement parce qu’ils sont généralement employés dans un grand nombre d’établissements et de boutiques de petite taille. Pour résumer, les travailleurs qui exercent les professions présentes sur les marchés les moins concentrés semblent employables dans un large éventail de secteurs d’activité et disposent donc d’un plus grand nombre d’options d’emploi.
L’analyse présentée dans ce chapitre constate en outre une plus forte probabilité de concentration des marchés pour les professions moyennement qualifiées. La concentration est moindre pour les travailleurs peu qualifiés, et plus importante pour les professions moyennement, puis hautement qualifiées – une tendance qui n’est toutefois pas particulièrement constante d’un pays à l’autre (Graphique d’annexe 3.A.2). La diminution de la part de l’emploi occupée par les professions moyennement qualifiées, la polarisation croissante des emplois et la désindustrialisation sont des faits bien établis dans un grand nombre de pays de l’OCDE (OCDE, 2017[58] ; OCDE, 2020[59]). À mesure de la contraction des parts de l’emploi occupées par les professions moyennement qualifiées, le reste des travailleurs pourrait être confronté à un nombre toujours plus réduit d’employeurs potentiels continuant d’utiliser les techniques de production pour lesquelles ils sont qualifiés.
L’autre aspect fondamental du marché du travail, outre les professions, concerne la géographie. On a longtemps conjecturé (avec de plus en plus de données empiriques) que les marchés du travail plus vastes, et surtout les grandes villes, permettaient un appariement emplois-salariés plus efficace (Petrongolo et Pissarides, 2006[60] ; Andersson, Burgess et Lane, 2007[61] ; Bleakley et Lin, 2012[62] ; Dauth et al., 2018[63]). Un travailleur en quête d’emploi a plus de chances de trouver un employeur qui lui convient si les employeurs potentiels sont nombreux, et inversement. Les marchés du travail sont plus efficaces lorsqu’ils sont denses. La même logique s’applique à la concentration du marché mesurée selon l’indice HHI : les travailleurs devraient avoir plus de facilité à démissionner et à retrouver un emploi lorsque les employeurs potentiels sont nombreux.
Les zones urbaines sont moins concentrées que les zones rurales dans tous les pays pour lesquels on dispose de données. Le Graphique 3.3 utilise la définition des régions métropolitaines donnée par l’OCDE, qui comprend les régions TL3 dont plus de 50 % de la population vit dans une zone urbaine fonctionnelle de plus de 250 000 habitants (Fadic et al., 2019[64]). En moyenne dans les pays de l’OCDE inclus dans l’échantillon, on compte environ deux fois et demie plus d’habitants employés dans des marchés modérément concentrés dans les régions rurales (29 %) que dans les régions urbanisées (11 %). Les plus grandes différences sont observées au Canada et en Australie, deux pays dotés d’importants centres urbains, mais aussi de provinces géographiquement étendues et peu peuplées, dont des régions isolées.
Ces observations viennent confirmer les résultats des études publiées, à savoir que les marchés du travail ruraux sont plus concentrés. Azar et al. (2020[28]) et Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]) constatent que, aux États-Unis et en France, l’indice HHI diminue à mesure que la taille des zones de migrations alternantes augmente. En utilisant la même définition des zones urbaines et rurales que dans ce chapitre (mais des données et une définition du marché du travail différentes), l’OCDE (2021[45]) observe de même un contraste marqué entre les deux types de zones au regard de la part de travailleurs dans des marchés du travail concentrés.
Rien ne conduit à conclure dans ce chapitre que la probabilité de travailler dans des marchés du travail concentré est plus forte pour les femmes que pour les hommes. Le Graphique 3.4 (partie A) montre la part d’hommes et de femmes dans des marchés du travail modérément à fortement concentrés. En moyenne, 16.6 % de femmes participent à des marchés du travail au moins modérément concentrés, contre 17.2 % d’hommes. L’Estonie, la Lettonie et la Suède affichent les plus fortes proportions de femmes dans des marchés au moins modérément concentrés, à raison de plus de 20 % dans chaque cas. Or, dans ces mêmes pays, la part d’hommes participant à des marchés concentrés est elle aussi élevée, voire dépasse parfois la part de femmes.
Pour les hommes comme pour les femmes, la différence entre la part de jeunes et la part d’autres adultes dans les marchés du travail modérément à fortement concentrés est insignifiante. Dans les deux cas, la part de jeunes et d’autres adultes participant à des marchés du travail au moins modérément concentrés est en moyenne de l’ordre de 17 % (Graphique 3.4, partie B). C’est également en Lettonie, en Estonie et en Suède que l’on observe les plus fortes proportions de jeunes dans les marchés du travail concentrés.
La part de travailleurs dans les marchés concentrés ne varie pas sensiblement selon l’âge ou le genre (ou le niveau d’études, voir Graphique d’annexe 3.A.3), mais la concentration n’est pas le seul indicateur du pouvoir de monopsone. Comme nous l’avons vu plus haut, d’autres aspects du monopsone peuvent avoir des effets différenciés sur les groupes vulnérables. Qui plus est, la concentration peut encore retentir de manière inégale sur le devenir professionnel de différentes catégories de travailleurs, comme nous le verrons à la section 3.3.2.
Le début de la crise du COVID‑19 a divisé les travailleurs en trois groupes : ceux qui pouvaient travailler depuis leur domicile (télétravail), ceux qui se sont trouvés en situation de chômage total ou partiel, et ceux qui ont continué de travailler sur place et en contact avec d’autres personnes pendant la pandémie, les « travailleurs de première ligne » (Chapitre 1). Si déconfinements graduels et la reprise du marché du travail ont considérablement réduit les rangs des chômeurs totaux et partiels (OCDE, 2021[65]), la dichotomie entre ceux qui doivent travailler en personne et ceux qui peuvent télétravailler, demeure d’actualité plus de deux ans après le déclenchement de la pandémie (Chapitre 1).
La concentration des marchés du travail peut dégrader les conditions de sécurité au travail si l’investissement qu’elles nécessitent est coûteux pour les employeurs. En effet, sur un marché du travail concentré, les employeurs n’ont pas forcément besoin de se soucier de la qualité de l’environnement de travail pour attirer et fidéliser de bons travailleurs. C’est pourquoi des travailleurs de première ligne sur des marchés concentrés pourraient être exposés à un risque accru de contamination. Dans de nombreux pays de l’OCDE, les pouvoirs publics ont mis en place diverses mesures de protection des personnes qui doivent être présentes sur le lieu de travail et risquent ainsi d’être contaminées (OCDE, 2020[66]) (voir également le Chapitre 2). Dans les pays ou les régions où ces précautions ne sont pas obligatoires, ou sont jugées inadéquates par les travailleurs, la seule solution est souvent de démissionner et de trouver un emploi offrant de meilleures conditions de sécurité. D’autre part, la facilité avec laquelle un travailleur peut démissionner peut seule suffire à inciter la mise en place de mesures de sécurité accrues. Le caractère monopsoniste ou non du marché du travail des travailleurs de première ligne est, toutes choses étant égales par ailleurs, un aspect important des conditions de sécurité et de la qualité de l’emploi dans leur profession.
Le Graphique 3.5 décrit la part de travailleurs, dans les marchés du travail fortement concentrés, dont la profession nécessite leur présence en personne. Il compare ceux qui sont particulièrement exposés au risque de contracter le COVID‑19 au travail, à cause des contacts avec leurs collègues ou avec les clients, à ceux qui ne le sont pas (Basso et al., 2022[67]). En moyenne, environ 11 % des travailleurs particulièrement exposés au risque de contracter le COVID‑19 sont actifs sur des marchés du travail fortement concentrés par rapport à tout juste un plus de 9 % de ceux qui ne sont pas exposés. Les plus grandes différences sont observées en Australie, aux Pays-Bas et au Royaume‑Uni. On constate en revanche peu de différence sur les marchés fortement concentrés aux États-Unis et à Singapour. Les femmes, les personnes peu qualifiées et les travailleurs sous contrat temporaire, entre autres catégories plus économiquement précaires, sont surreprésentés parmi les travailleurs exposés au risque de COVID‑19 (Basso et al., 2022[67] ; DOL, 2022[68]).
Les travailleurs ayant la possibilité de travailler depuis leur domicile sont l’autre caractéristique marquante des marchés du travail pendant la pandémie. Ces « télétravailleurs » exercent des professions ne nécessitant pas d’interaction en personne avec leurs collègues ou avec les clients pour l’exécution des tâches typiques de leur emploi selon la base de données de l’Occupation Information Network aux États-Unis (Dingel et Neiman, 2020[69] ; Basso et al., 2022[67]).
La disparité apparente de santé au travail entre les travailleurs de première ligne et ceux qui sont en mesure de télétravailler est exacerbée par fait que ces derniers évoluent sur des marchés du travail moins concentrés. En moyenne, 9 % des travailleurs exerçant des professions compatibles avec le télétravail participaient à des marchés du travail très concentrés à la veille de la crise du COVID‑19, contre 11 % de ceux qui n’avaient pas la possibilité de télétravailler (Graphique 3.6).
En plus de protéger les travailleurs contre le virus, l’adoption du télétravail pendant la pandémie a peut-être même amélioré leurs perspectives d’emploi. Ceux qui peuvent télétravailler ont la possibilité d’étendre leur rayon de recherche d’emploi au-delà de leur zone d’habitation, ce qui pourrait diminuer encore le pouvoir de monopsone des employeurs locaux et accroître le pouvoir de négociation des télétravailleurs (Section 3.4.2).
Après un an de pandémie, la concentration du marché du travail s’est accrue. Le Graphique 3.7 montre l’évolution de la concentration entre 2019 et la moyenne T22020‑T12 02119. On constate une augmentation de 10 % en moyenne sur cette période pour les pays de l’OCDE inclus dans l’échantillon, les plus fortes hausses étant enregistrées au Royaume‑Uni, en Lettonie et en Estonie. En France, Autriche, Australie et Belgique, l’indice HHI dans l’année qui a suivi le début de la pandémie est, en moyenne, resté inférieur à son niveau d’avant-crise.
Ces valeurs moyennes de concentration après un an de pandémie dissimulent la dynamique au niveau trimestriel. L’indice HHI moyen a progressé de plus de 20 % en glissement annuel au deuxième trimestre de 2020 (Graphique d’annexe 3.A.4). Aux troisième et quatrième trimestres, les indices HHI ont en moyenne poursuivi leur trajectoire haussière, mais de nombreux pays ont enregistré des baisses en glissement annuel de leur indice HHI global. Au premier trimestre 2021, les indices HHI avaient accusé une chute brusque dans la majorité des pays20, tendant à indiquer que la hausse de la concentration au début de la pandémie commence à s’atténuer et que l’indice HHI retrouve ses niveaux d’avant pandémie.
Ces tendances témoignent probablement de la forte réduction des offres d’emploi publiées par les entreprises pendant les phases aiguës de la pandémie et du progressif à la normale plus récemment. Par exemple, certaines entreprises épargnées par les suspensions d’activité obligatoires ont continué de publier des annonces d’offres d’emploi même au plus fort de la pandémie, causant une accentuation temporaire de la concentration du marché du travail. On peut également voir dans cette dynamique une hausse brusque de la concentration dans certains secteurs qui représentaient une plus forte part de l’emploi en 201921, dont la vente au détail. Cependant, étant donné qu’une forte proportion de travailleurs qui auraient autrement cherché un nouvel emploi se sont abstenus à cause de la pandémie (OCDE, 2021[65]), il est malaisé de déterminer si les mouvements de concentration du marché du travail décrits se sont traduits par une variation effective du pouvoir de fixation des salaires des employeurs.
L’analyse livrée dans la section précédente constate une concentration du marché du travail généralisée dans les pays de l’OCDE. Or, si la concentration des marchés du travail débouche sur un pouvoir de monopsone, des variations de l’emploi et des salaires sont à prévoir. Cette section démontre l’effet de la concentration sur la quantité d’emplois (l’emploi) et leur qualité (les salaires). Elle commence par une analyse des travaux antérieurs sur l’évolution de l’emploi dans les marchés plus concentrés et sur l’incidence de la concentration sur les salaires. On y trouvera en outre de nouvelles estimations empiriques, à l’échelle internationale, de l’effet de la concentration sur les revenus, sur la sécurité et sur la stabilité de l’emploi, fondées sur des données employeur-salarié appariées. Ces estimations font en outre la part des effets de la concentration sur différents groupes, dont les jeunes et les femmes. Enfin, cette section montre l’influence exercée par la concentration du marché du travail sur les compétences recherchées par les employeurs.
Le monopsone dans les marchés des facteurs de production (main-d’œuvre incluse) peut avoir une incidence négative sur les prix (salaires et avantages sociaux) et les quantités (l’emploi global). En théorie, la relation entre les mesures de monopsone ou de concentration du marché du travail et l’emploi devrait être manifeste (Section 3.1). Or, en pratique, peu d’études en rendent compte du fait que l’effet de la concentration du marché du travail peut difficilement être isolé d’autres facteurs de confusion tout en surmontant d’éventuels problèmes de causalité inversée.
La plupart des études publiées portent sur les rachats d’usines et les fusions. Elles concluent généralement que ces opérations ont un effet négatif sur l’emploi dans les entreprises fusionnées ou les usines rachetées. Quelques-unes, parmi les plus anciennes, se sont intéressées aux rachats et ont constaté des conséquences négatives pour l’emploi ; voir, par exemple, Lichtenberg et Siegel (1990[70]). Les rachats n’accentuent cependant pas invariablement la concentration et le pouvoir de marché s’ils sont le simple résultat d’un changement de propriété, le nouveau propriétaire opérant dans d’autres marchés non apparentés. Les études plus récentes qui se sont penchées directement sur les fusions horizontales – lesquelles ont davantage tendance à accroître la concentration – obtiennent des résultats voisins, à savoir des effets négatifs des fusions sur les niveaux d’emploi des entreprises fusionnées ; voir Conyon et al. (2001[71]), pour le Royaume‑Uni, Lehto et Böckerman (2008[72]) pour la Finlande, Siegel et Simons (2010[73]) pour la Suède, Arnold (2021[74]) pour les États-Unis et l’étude de Gugler et Yurtoglu (2004[75]) englobant les pays européens et les États-Unis22.
Les études sur les fusions sont limitées en ce qu’elles ne peuvent généralement pas distinguer les variations de la concurrence sur le marché des produits – et souvent, les gains d’efficience réalisés par les fusions – des variations de la concurrence sur le marché du travail. Il va de soi que l’action publique pas la même lorsque l’effet sur l’emploi est causé par des gains d’efficience au lieu de restrictions inefficaces de la demande. Dans l’une des rares études à tenter d’isoler directement l’incidence de la concentration du marché du travail sur l’emploi à l’échelle de l’économie, Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]) s’intéressent aux nouvelles embauches en France, en tenant compte à la fois de la productivité et de la concentration du marché des produits. Une procédure à variable instrumentale un contre tous pour l’identification (voir l’Encadré 3.2 ci‑après) les conduit à constater de très lourdes répercussions de la concentration sur les nouvelles embauches : d’après leurs estimations, une hausse de 10 % de l’indice de concentration (moyenne de l’échantillon) supposerait une réduction de jusqu’à 3 % du nombre de nouvelles embauches sur un marché du travail local donné23. Un tel impact pourrait toutefois indiquer un problème d’erreur de spécification, lequel pourrait être lié au fait que le nombre de nouvelles embauches entre indirectement en jeu dans la mesure de la concentration24. La prudence est donc de mise dans l’interprétation de ces résultats.
Globalement, ces résultats semblent indiquer que la concentration du marché du travail tend à nuire à l’emploi, mais de plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer l’ampleur des répercussions. La quantité d’emplois n’est cependant qu’un aspect de la performance du marché du travail ; la qualité de ces emplois est tout aussi importante. La section suivante analyse les effets possibles de la concentration sur la qualité de l’emploi.
Un grand nombre des études empiriques publiées tentent d’estimer l’effet du pouvoir de marché des employeurs sur la qualité de l’emploi, mais en s’intéressant pour la plupart aux seuls salaires et revenus d’activité. Les publications sur l’incidence des fusions sur les salaires dans les entreprises fusionnées livrent des résultats mitigés ; voir à ce sujet Lichtenberg et Siegel (1990[70]), Currie, Farsi et Macleod (2005[76]) et Siegel et Simons (2010[73]). Des études plus récentes montrent que plus les retombées d’une fusion sur la concentration du marché sont importantes, plus l’effet de la fusion se fera sentir sur les salaires ; voir Prager et Schmitt (2021[77]) et Arnold (2021[74]). D’autres s’intéressent également à l’incidence de réformes qui conduisent à une hausse du taux d’entrée de nouvelles entreprises, à des désinvestissments ou à de meilleures options extérieures, intensifiant ainsi indiscutablement la concurrence. Ces études constatent en général des retombées de telles réformes sur les salaires ; voir par exemple Hensvik (2012[78]), Hafner (2021[79]), Thoresson (2021[80]) et les publications sur les clauses de non-concurrence dont il est question dans la Section 3.4.1 ci‑après.
De nombreuses publications récentes estiment directement l’impact de la concentration du marché du travail local sur les salaires aux États-Unis25. On dispose par ailleurs d’un volume croissant de données récentes pour d’autres pays de l’OCDE26. Les études en question utilisent pour la plupart des méthodes par variables instrumentales pour appréhender les éventuels problèmes d’endogénéité (voir l’Encadré 3.2). L’élasticité des salaires à la concentration est estimée entre ‑0.01 et ‑0.05 : lorsque la concentration double, les salaires chutent de 1 % à 5 %, sachant que seules quelques études américaines donnent le haut de cette fourchette27. Or, l’hétérogénéité des mesures de la concentration et les différences de spécifications compliquent la comparaison d’estimations ponctuelles entre les pays28.
Pour présenter des estimations comparables entre les pays, cette section s’appuie sur l’analyse par Bassini et al. (2022[37]) de l’incidence de la concentration du marché du travail sur les salaires et la sécurité de l’emploi à partir de données employeur-salarié couplées harmonisées de quelques pays européens de l’OCDE (voir l’Encadré 3.2 pour en savoir plus sur la spécification)29.
Dans les quatre pays pour lesquels on dispose de données comparables sur les salaires (Allemagne, Danemark, France et Portugal), l’élasticité des salaires à la concentration du marché est estimée entre ‑0.02 (Allemagne) et ‑0.03 (Danemark) dans le cas de la rémunération journalière de travailleurs à temps plein (Graphique 3.8)30. Autrement dit, si l’on prend la moyenne de l’échantillon, une hausse de 10 % de la concentration du marché du travail tire la rémunération journalière à la baisse à raison de 0.2 % à 0.3 %31. Une fourchette qui peut paraître insignifiante à première vue, si l’on ne tient pas compte dans l’interprétation des résultats de la dispersion des distributions de concentration. Dans les quatre pays, le ratio du 9e décile de la distribution des indices HHI à l’indice HHI médian se situe entre 6.7 (Danemark) et 8.8 (Allemagne et France, voir Graphique d’annexe 3.A.5). Prises au pied de la lettre, ces estimations donnent à entendre que, toutes choses étant égales par ailleurs, les 10 % de travailleurs occupés dans les marchés du travail les plus concentrés subissent un désavantage salarial d’au moins 5 % par rapport au travailleur médian. Ce désavantage est encore plus important pour les quelques-uns d’entre eux sur les marchés dont la concentration dépasse de loin le 9e décile32.
Les élasticités globales estimées pour différents pays demeurent proches les unes des autres, ce qui ne peut qu’étonner si l’on considère les grandes différences qui marquent leurs marchés du travail respectifs ; voir, par exemple, OCDE (2019[81]). Ces estimations paraissent également proches de la majorité des autres estimations publiées, y compris pour des pays exclus de notre échantillon33. Prises ensemble, ces deux observations semblent indiquer prudemment que la tendance présentée dans le Graphique 3.8 est probablement plus générale, et que des élasticités de salaires estimées avec rigueur se situeront probablement dans cette fourchette pour d’autres pays de l’OCDE absents du graphique.
Bassanini et al. (2022[37]) estiment l’effet de la concentration du marché du travail sur les salaires et la sécurité de l’emploi à partir d’échantillons de données employeur-salarié couplées pour les groupes suivants : tous les travailleurs, les travailleurs à temps plein et les nouvelles embauches. Ils utilisent la spécification suivante :
où représente la variable dépendante, est un vecteur de contrôles au niveau individuel et de l’usine, renvoie aux effets fixes (les parenthèses indiquant les effets fixes qui ne sont pas inclus lorsque l’équation est estimée uniquement à partir de l’échantillon de nouvelles embauches), indexe le travailleur, l’usine, le couple « entreprise par commune »1, le marché du travail local, le secteur d’activité et indique l’année. Correspond à l’indice de Herfindahl-Hirschman calculé en utilisant la part de chaque employeur dans les chiffres de nouvelles embauches sur le marché du travail local (code à 4 chiffres de la classification des professions et zones géographiques fonctionnelles comparables entre les pays), de telle sorte que , indiquant la profession et la zone géographique2. Les variables dépendantes sont : le logarithme des salaires journaliers et horaires ; et les variables indicatrices représentant les contrats à durée indéterminée au moment de l’embauche, ou les conversions en contrat à durée indéterminée en l’espace d’un an. En raison d’insuffisances de données, les équations des salaires sont estimées pour le Danemark, la France, l’Allemagne et le Portugal, tandis que les équations de la sécurité de l’emploi sont estimées pour la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Dans chaque pays, les travailleurs domestiques, les travailleurs indépendants et les personnes employées dans l’agriculture et en dehors du secteur des entreprises sont exclus de l’échantillon.
Les moindres carrés ordinaires ne peuvent pas estimer de manière cohérente l’équation ci-dessus en présence d’un facteur à variation de temps corrélé à la fois avec l’indice HHI local et les variables dépendantes, et qui n’est pas remplacé par des variables de contrôle existantes. Par exemple, les bouleversements positifs ou négatifs de l’offre de main-d’œuvre retentiront probablement sur les salaires que les travailleurs sont prêts à accepter et sur le nombre d’entreprises désireuses d’opérer sur le marché local, faussant ainsi les estimations de moindres carrés ordinaires de l’équation ci-dessus. Pour résoudre ce problème, beaucoup3 ont recours à un instrument un contre tous à la Hausman, très utilisé les publications d’organisations commerciales et industrielles4. Dans la pratique, sur le marché du travail local au moment est instrumenté avec la moyenne de dans tous les autres domaines fonctionnels pour la même profession et la même période , où renvoie au nombre d’entreprises enregistrant un nombre positif d’embauches pour une année donnée. La même stratégie est suivie pour les estimations présentées dans ce chapitre.
1. L’effet fixe « entreprises par commune » joue un rôle fondamental, car il permet de tenir compte de la productivité de la main-d’œuvre et de la concurrence sur le marché des produits à l’échelon tant national que local. La seule autre étude à tenir compte de manière aussi précise de la productivité et de la concurrence sur le marché des produits est celle de Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]). Qui et Sojourner (2019[31]), Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]) et Benmelech, Bergman et Kim (2022[29]) incluent la productivité de la main-d’œuvre, mesurée par les données comptables, en tant que variable de contrôle, mais sans se préoccuper de son endogénéité.
2. Dans la spécification principale, les zones géographiques fonctionnelles sont constituées des zones urbaines fonctionnelles de l’OCDE (OCDE, 2012[82]) et des grandes portions restantes des régions NUTS3, celles-ci étant ajoutées pour combiner zones rurales et zones urbaines. Les résultats résistent cependant à l’utilisation exclusive des zones urbaines fonctionnelles ou des régions NUTS3.
3. Azar, Marinescu et Steinbaum (2022[52]) ; Rinz (2022[32]), Martins (2018[35]), Qiu et Sojourner (2019[31]) ; Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]) ; Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]) ; OCDE (2021[12]) et Popp (2021[83])
4. Voir par exemple Hausman, Leonard et Zona (1994[84]) ; Nevo (2001[85]) ; et Autor, Dorn et Hanson (2013[86]).
Source : Bassanini et al. (2022[37]), « Labour Market Concentration, Wages and Job Security in Europe », https://docs.iza.org/dp15231.pdf.
La similarité des élasticités des salaires estimées entre les pays, et leur proximité des chiffres donnés dans les études publiées, indiquent qu’il est possible d’utiliser ces dernières pour déduire l’évolution des élasticités dans le temps. Les estimations présentées dans ce chapitre ont été obtenues sur un nombre d’années limité ne permettant pas d’examiner les tendances d’élasticité des salaires dans le temps. Leur étroite conformité permet cependant de se laisser guider par les publications plus générales quant à l’évolution probable de l’élasticité dans le temps. Par exemple, en utilisant une mesure de concentration différente, l’OCDE (2021[12]) constate que cette élasticité est devenue en moyenne moins négative au cours des 20 dernières années. Autrement dit, même si la concentration du marché du travail n’a pas augmenté (voir la section 3.2.3) son impact s’est fait de plus en plus sentir avec le temps. Cette situation pourrait tenir à la baisse concomitante de la négociation collective et à l’affaiblissement des syndicats de salariés (OCDE, 2019[15]), lesquels pourraient être de moins en moins en mesure de servir de pouvoir compensatoire (voir la section 3.4.1).
Dans les quatre pays pour lesquels l’analyse est possible, aucune différence systématique d’élasticité des salaires à la concentration du marché du travail entre les hommes et les femmes n’est observée. Ce qui peut paraître surprenant compte tenu des études publiées sur l’élasticité des départs qui constatent généralement moins d’élasticité pour les femmes que pour les hommes (Manning, 2003[5] ; Hirsch, Schank et Schnabel, 2010[87] ; Webber, 2016[13] ; Vick, 2017[88]). Il ne faut néanmoins pas déduire des estimations du Graphique 3.8 que les femmes sont exposées au même degré de pouvoir de monopsone que les hommes. Comme nous l’avons vu dans la section 3.1, les femmes ont tendance à rechercher un emploi proche de leur domicile et sont prêtes à accepter une pénalité salariale importante pour être pus près de leur lieu de travail. Aussi, le même niveau de concentration implique une réduction du choix d’emplois acceptables pour les femmes et, partant, des salaires plus bas. La hausse de la concentration pourrait toutefois avoir plus ou moins le même effet en pourcentage sur la raréfaction des alternatives disponibles tant aux hommes et qu’aux femmes, à l’instar des tendances par sexe illustrées par le Graphique 3.8.
L’incidence négative de la concentration du marché du travail sur les salaires telle qu’elle est présentée ci-dessus correspond à l’agrégation des effets moyens sur deux groupes de salariés différents : ceux qui ont été embauchés dans le courant de l’année précédente (les nouvelles embauches) et ceux qui étaient déjà employés par l’entreprise l’année précédente (les titulaires). Certains chercheurs ont supposé que l’effet devrait être plus fort sur les nouvelles embauches que sur les titulaires (Marinescu, Ouss et Pape, 2021[34]), le salaire de ces derniers étant jugé moins sensible à l’évolution des conditions du marché du travail (Pissarides, 2009[89] ; Haefke, Sonntag et van Rens, 2013[90] ; Kudlyak, 2014[91]). Si l’on ventile les effets de la concentration du marché du travail entre les nouvelles embauches et les titulaires, l’effet sur les salaires des nouvelles embauches, bien que toujours important, ne se révèle pas systématiquement plus fort que l’effet sur les salaires des titulaires (Graphique 3.9)34. Pour les titulaires, on peut donc conjecturer que l’incidence de la concentration sur les salaires se manifeste principalement par la baisse du taux de promotions et l’absence de progression des salaires ; c’est-à-dire une rigidité à la hausse des salaires au lieu d’une flexibilité à la baisse plus susceptible de préoccuper les nouvelles embauches. On rejoint alors les récentes conclusions de Grigsby, Hurst et Yildirmaz (2021[92]), pour qui les salaires des titulaires ne semblent pas moins flexibles que ceux des nouvelles embauches une fois que les caractéristiques de ces dernières sont correctement prises en compte. Un constat important du point de vue des politiques publiques puisque les titulaires représentent une forte proportion de l’emploi et que leur dynamique salariale tire la croissance globale des salaires vers le haut depuis quelques années (Hahn, Hyatt et Janicki, 2021[93] ; Hijzen, Zwysen et Lillehagen, 2021[94])35.
De nombreuses études montrent que les travailleurs jugent les emplois et les offres d’emploi à la fois sur le salaire et sur les conditions de travail, qu’ils sont prêts à renoncer à une partie de leur rémunération en échange de conditions qu’ils considèrent plus favorables ; voir, par exemple Mas et Pallais (2017[17]), Taber et Vejlin (2020[95]) et Kesternich et al. (2021[96]) qui livrent des données récentes. Si l’amélioration des conditions d’emploi est coûteuse pour les employeurs, ceux qui détiennent un pouvoir de monopsone auront probablement tendance à proposer des emplois assortis de conditions moins favorables (Manning, 2003[5]). On s’étonne pourtant du manque d’études sur l’effet de la concentration du marché du travail sur les conditions d’emploi. Celle de Qiu et Sojourner (2019[31]), qui constate un effet négatif de la concentration sur la probabilité d’assurance maladie dans les conditions d’emploi, est l’une des rares exceptions.
Il apparaît que, toutes choses étant égales par ailleurs, les salariés préfèrent souvent des emplois stables et les entreprises doivent compenser le manque de stabilité ou la précarité des emplois par la rémunération ; voir Bassanini et al. (2013[97]) Et Albanese et Gallo (2020[98]). Selon la théorie du monopsone dynamique, par conséquent, les employeurs de marchés du travail plus monopsonistes proposeraient probablement plus de contrats temporaires à la marge pour tenter de déplacer la plus grande partie de l’ajustement de la main-d’œuvre sur les travailleurs36. On pourrait s’attendre à ce que ce mécanisme soit particulièrement important dans les pays qui appliquent des règles strictes de protection de l’emploi, lesquelles impliquent des licenciements plus coûteux pour les salariés sous contrat à durée indéterminée que pour les contrats temporaires (OCDE, 2020[99] ; 2021[100]).
Une analyse de régression indique en effet que la concentration du marché du travail a tendance à accroître le recours aux contrats flexibles. Le Graphique 3.10 illustre les estimations de l’effet de la concentration du marché du travail sur la probabilité d’un contrat permanent à l’embauche, et la probabilité de conversion d’un contrat temporaire en contrat à durée indéterminée37. En Allemagne et en France, on estime qu’une hausse de la concentration de 10 % par rapport au niveau moyen réduirait considérablement la probabilité d’une offre de contrat à durée indéterminée à l’embauche, avec une variation d’effets entre 0.35 % (pour les hommes en France) et 0.7 % (pour les femmes en France). Autrement dit, dans ces deux pays, si l’on tient compte de la dispersion de la distribution (voir Graphique d’annexe 3.A.5), on estime que les 10 % de travailleurs dans les marchés les plus concentrés auront au moins 10 % moins de chances d’être embauchés sous contrat permanent que dans un marché du travail à concentration médiane. L’effet estimé d’une hausse de 10 % de la concentration est beaucoup plus fort au Portugal (environ 2.3 % pour les hommes et les femmes), mais l’estimation manque de précision. En revanche, l’effet est significatif en Italie et en Espagne. Ce dernier constat tient probablement au fait que la plupart des salariés sont en un premier temps embauchés sous contrat temporaire dans ces deux pays38, même dans les marchés du travail à faible concentration, ce qui limite les possibilités de multiplier encore les contrats temporaires pour les entreprises qui exercent un pouvoir de marché.
Quel effet attendre du monopsone et de la concentration du marché du travail sur la stabilité de l’emploi ? D’un côté, dans la mesure où les options extérieures ouvertes aux salariés sont plus limitées, un allongement de leurs périodes occupées est à prévoir puisqu’ils pourront plus difficilement démissionner pour changer d’emploi. D’un autre côté, dans la mesure où les employeurs qui détiennent un pouvoir de marché imposent des salaires inférieurs et des conditions de travail moins favorables, une plus grande proportion de leurs salariés pourrait être tentée de démissionner (Manning, 2003[5]). L’effet global est donc ambigu.
Le Graphique 3.11 illustre les effets estimés, en points de pourcentage, de la concentration du marché du travail sur la probabilité de fidélité à un employeur 12 mois après l’embauche, en France et en Allemagne. Dans le cas des travailleurs embauchés sous contrat à durée indéterminée, l’incidence de la concentration du marché du travail est insignifiante (et très proche de 0 en Allemagne) et révélatrice des mécanismes de compensation dont il est question plus haut. Un effet négatif se dégage pour les travailleurs embauchés sous contrat temporaire. Dans leur cas, une hausse de 10 % de la concentration du marché du travail aboutit à une baisse de 0.2 à 0.4 point de pourcentage du taux de maintien en poste 12 mois après l’embauche. Quels que soient les facteurs qui contribuent à cette tendance1, en France et en Allemagne, la concentration du marché du travail semble nuire à la sécurité de l’emploi en retentissant à la fois sur les caractéristiques des contrats et les périodes occupées.
1. L’effet négatif sur la stabilité de l’emploi dans le cas des contrats temporaires traduira probablement des taux de conversion inférieurs combinés avec des limites maximales imposées sur la durée et le nombre de renouvellements des contrats temporaires en l’absence de conversion – voir, par exemple, OCDE (2020[99]) – ou encore le fait que les employeurs peuvent profiter de la plus grande flexibilité de ces contrats pour les résilier en cas de bouleversements négatifs imprévus.
Les données disponibles permettent également d’examiner les effets sur la conversion des contrats en Italie et en Espagne. Dans le cas des travailleurs sous contrat à durée déterminée, la concentration du marché du travail réduit très sensiblement les chances d’accéder à une situation plus stable dans l’année civile qui suit l’embauche (Graphique 3.10). L’effet est particulièrement sensible en Italie, puisqu’une concentration 10 % plus forte réduit de 2.5 % le taux de conversion des contrats, pour les hommes comme pour les femmes39. En France, en Allemagne et au Portugal, la structure des données empêche ce type d’analyse40, mais les taux de maintien en poste un an après l’embauche livrent une indication de l’incidence de la concentration sur la précarité des contrats temporaires dans ces pays (Encadré 3.3)41. Dans l’ensemble, les conclusions présentées dans le Graphique 3.10 et l’Encadré 3.3 montrent que la concentration du marché du travail nuit à la sécurité de l’emploi. Les employeurs qui détiennent un pouvoir de marché ont tendance à déplacer les coûts de l’ajustement sur les travailleurs, soit en embauchant davantage de travailleurs sous contrat temporaire, soit en réduisant le taux de conversion de ces contrats.
Les données présentées ci-dessus font apparaître que la concentration du marché du travail a une forte incidence sur la qualité de l’emploi ; elles cadrent en outre avec l’idée que les employeurs qui détiennent un pouvoir de marché réduisent inefficacement la demande de main-d’œuvre afin de faire baisser le coût associé aux salaires et aux éléments hors salaire de la rémunération. On pourrait toutefois s’attendre à ce que les employeurs qui réduisent la demande de main-d’œuvre deviennent plus sélectifs à l’embauche. Ils pourraient, par exemple, préférer des candidats justifiant d’une expérience professionnelle – dont les compétences sont moins évidentes sur leur CV – à ceux dont la productivité est plus incertaine, comme les jeunes primo‑arrivants sur le marché du travail. Le Graphique 3.12 montre que, dans trois des quatre pays pour lesquels on dispose de données, l’élasticité des salaires à la concentration du marché est plus forte pour les jeunes que pour les autres adultes. En France et au Danemark, notamment, la différence d’élasticité des salaires entre les salariés de 24 ans ou moins42 et leurs homologues d’âge plus avancé est estimée être supérieure d’au moins 50 %, en termes absolus, à l’élasticité des salaires à l’échelle de l’économie (voir le Graphique 3.8 ci-dessus).
L’Allemagne est le seul pays pour lequel l’élasticité estimée des salaires est inférieure pour les jeunes. Le différentiel positif d’élasticité des salaires dans le cas de l’Allemagne peut certes surprendre, mais il ne peut pas être interprété sans tenir compte de l’effet de la concentration sur d’autres aspects de la qualité de l’emploi. La concentration du marché du travail semble avoir une incidence négative invariablement plus forte sur la probabilité d’un contrat à durée indéterminée à l’embauche pour les jeunes que pour les autres adultes dans tous les pays pour lesquels cet effet peut être estimé, à l’exception du Portugal. Cette incidence est cependant particulièrement forte pour l’Allemagne, où l’effet différentiel entre les jeunes et les autres adultes est aussi important que l’effet à l’échelle de l’économie (voir le Graphique 3.12 et le Graphique 3.10 ci-dessus). Autrement dit, cette tendance cadre avec l’idée que, relativement aux jeunes des autres pays, les jeunes Allemands font un compromis différent entre rémunération et type de contrat. Ce qui pourrait tenir au fait que les contrats temporaires en Allemagne sont en forte proportion des apprentissages, lesquels sont généralement mieux vus que les autres contrats temporaires43. Il est donc important d’examiner plusieurs marges différentes ensemble afin d’apprécier le plein effet de la concentration du marché du travail. L’étude du seul effet sur les salaires pourrait en effet donner une vue d’ensemble faussée.
Considérés ensemble et interprétés prudemment, ces résultats donnent à penser que les employeurs des marchés du travail concentrés tendent à devenir plus sélectifs, et que cela pourrait avoir une incidence particulièrement négative sur la qualité de l’emploi des jeunes travailleurs. La section qui suit analyse les effets possibles de cette sélectivité accrue sur la demande de compétences.
Les employeurs des marchés monopsonistes pourraient profiter du manque d’options extérieures pour devenir plus sélectifs dans leur recrutement, embaucher des travailleurs plus compétents, ou devenir plus exigeants à l’égard des titulaires. Les quelques études publiées trouvent des éléments probants dans le sens d’une corrélation positive entre la concentration du marché du travail et les compétences recherchées par les offres d’emploi en ligne aux États-Unis (Macaluso, Hershbein et Yeh, 2019[101]). D’autres études fondées sur les données des États-Unis constatent également que les professions exigent plus (et respectivement moins) de compétences lorsque les marchés du travail sont déprimés (tendus) et qu’il y a davantage (moins) de talent disponible (Modestino, Shoag et Ballance, 2016[48] ; Modestino, Shoag et Balance, 2020[102]). Elles n’associent toutefois pas ce phénomène à des variations dans le pouvoir de marché relatif des employeurs44.
Cette section livre de nouvelles données empiriques au sujet de l’effet de la concentration du marché du travail sur la demande de compétences, à partir des annonces d’offres d’emploi en ligne. Elle élargit la littérature existante en couvrant d’autres pays que les États-Unis, et en présentant les premières estimations causales de la relation d’intérêt, par opposition aux corrélations.
Des variables indicatrices multiples (en ligne) de la demande de compétences sont employées : le nombre de catégories distinctes de compétences demandées dans une offre d’emploi, un indicateur du fait que l’offre d’emploi demande des compétences cognitives, et un indicateur similaire pour les compétences sociales. L’importance accordée aux compétences cognitives et sociales est motivée par leur importance dans l’explication de l’hétérogénéité des salaires d’un marché du travail et d’une entreprise à l’autre (Deming et Kahn, 2018[103]), ainsi que par le fait qu’elles sont très demandées, séparément et solidairement (Deming, 2017[104] ; Deming et Kahn, 2018[103]). Ces indicateurs sur la demande de compétences sont construits de telle sorte que l’analyse est limitée à quatre pays pour lesquels on dispose de données (Australie, Canada, États-Unis, Royaume‑Uni). De plus amples informations sur la construction de ces indicateurs sur les compétences et la spécification empirique sont proposées dans l’Encadré 3.4.
Les analyses de régression tendent à confirmer que les employeurs des marchés plus concentrés recherchent des travailleurs plus qualifiés (Graphique 3.13). En Australie, au Canada et aux États-Unis, une augmentation de 10 % de la concentration du marché du travail par rapport au niveau moyen dans le pays augmente considérablement le nombre de catégories de compétences demandées dans une offre d’emploi, de 1.2 % (États-Unis), 1.4 % (Australie) ou 1.8 % (Canada) du nombre moyen de catégories de compétences dans les annonces d’offre d’emploi du pays. La même variation de concentration augmenterait la probabilité qu’un employeur demande au moins une compétence sociale de 1.1 % (Royaume‑Uni) et 1.8 % (Canada) de la probabilité moyenne initiale. Le résultat pour les compétences cognitives, lorsqu’il est significatif, est plus important (bien qu’estimé avec moins de précision), atteignant 4.2 % (Canada) à 5.5 % (États-Unis) de la probabilité moyenne qu’une annonce d’offre d’emploi demande au moins une de ces compétences. Dans les autres cas, les effets estimés sont statistiquement insignifiants et proches de zéro, mais aucune tendance constante par pays n’est observée. Le manque de conclusion significative pourrait traduire l’absence de relation entre la concentration et la demande de compétences dans ces pays, dépendante du grand nombre d’effets fixes inclus. Il pourrait toutefois témoigner également d’un contexte dans lequel les entreprises qui proposent des salaires bas ne peuvent attirer que des travailleurs peu qualifiés, si leurs salaires sont moins élastiques que ceux des travailleurs très qualifiés.
Ces exceptions mises à part, l’analyse montre que le pouvoir de monopsone, représenté par la concentration du marché du travail, engendre non seulement une réduction des salaires et de la sécurité de l’emploi, mais aussi une hausse des compétences que les travailleurs doivent mobiliser dans l’exercice de leur emploi.
Ce chapitre estime l’effet de la concentration du marché du travail sur les indicateurs de la demande de compétences, exprimée par les annonces d’offre d’emploi. La spécification suivante est utilisée :
où renvoie à la variable dépendante, est un vecteur de contrôles au niveau des annonces, correspond aux effets fixes, aux catégories de niveau d’études atteint et d’expérience professionnelle utilisées comme contrôles supplémentaires, et représente l’indice de Herfindahl-Hirschman calculé à partir de la part revenant à chaque employeur du nombre total d’annonces sur le marché du travail local défini par professions (code à 4 chiffres) et régions TL3, comme dans la Section 3.2. La lettre indexe l’annonce, l’employeur, le marché du travail local, le secteur d’activité et correspond au trimestre dans une année. , où renvoie à la profession et à la zone géographique. Compte tenu des effets fixes utilisés, les résultats empiriques sont identifiés par les différences d’annonces d’offre d’emploi du même établissement selon les professions, et leur variation dans le temps.
Les variables dépendantes d’intérêt sont le nombre de catégories de compétences citées dans l’offre d’emploi, une variable indicatrice signalant que l’annonce demande au moins une compétence cognitive et une variable indicatrice similaire pour une compétence sociale. La base de données utilisée pour l’analyse répertorie des milliers de compétences distinctes, qui ne peuvent être décrites ni facilement ni adéquatement si elles ne sont pas groupées de manière appropriée. Qui plus est, cette variation est en partie fictive étant donné qu’elle découle de synonymes, de différences de graphie ou de pratiques de rédaction des offres d’emploi propres à un pays, une profession ou un employeur. Les mots-clés des compétences signalés dans la base de données sont donc groupés en 61 catégories de compétences mutuellement exclusives selon Lassébie et al. (2021[105]), avant d’exécuter l’analyse. Cela permet d’identifier les compétences cognitives dans les annonces d’offre d’emploi contenant des mots-clés liés aux aptitudes quantitatives, au raisonnement, à la résolution de problème, à l’apprentissage et à l’originalité, ainsi qu’aux compétences sociales par le biais de mots-clés liés à la coordination, la prise de décision, la persuasion et la négociation, la perspicacité sociale, l’expression orale, l’expression écrite, la communication ou l’écoute active. Dans l’échantillon considéré pour l’analyse, 20 à 28 % des annonces d’offre d’emploi demandent explicitement au moins une compétence cognitive, et 40 à 45 % demandent au moins une compétence sociale.
La disponibilité de la classification des compétences en catégories d’après Lassébie et al. (2021[105]) cantonne l’analyse à l’Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume‑Uni. Les données aberrantes et les annonces d’entreprises dans l’agriculture, la production des ménages et le secteur public (éducation, santé et sécurité sociale, administration publique et défense) sont exclues1. Au sein de chaque pays, l’analyse est exécutée sur 5 000 employeurs sélectionnés au hasard couvrant les années 2017‑19, l’échantillonnage permettant des économies considérables de puissance de calcul informatique et de temps. La série temporelle est courte pour limiter les biais possibles découlant de variations dans la représentativité d’un ensemble de données sur les annonces d’offres d’emploi sur de plus longues périodes.
L’obtention d’estimations cohérentes de l’effet de la concentration du marché du travail sur la demande de compétences demande néanmoins une méthode de variable instrumentale. Conformément à une pratique courante dans la littérature (voir l’Encadré 3.2), l’indice HHI d’un marché donné est donc instrumenté par l’inverse du nombre d’entreprises publiant des annonces d’offre d’emploi dans la même profession, mais dans toutes les autres régions TL3, en moyenne pour toutes ces régions.
1. Les variables aberrantes sont les annonces qui i) demandent plus de 20 compétences ou ii) concernent une profession représentant moins de 1 %des annonces totales dans l’année.
Les sections qui précèdent ont montré que les employeurs semblent exercer un pouvoir important sur de nombreux marchés du travail. L’analyse établit notamment qu’un sixième des salariés du secteur des entreprises de 15 pays de l’OCDE travaillent sur des marchés modérément ou fortement concentrés, ce qui a sans doute des répercussions négatives sur le volume et la qualité des emplois. La présente section examine la politique du marché du travail du point de vue des marchés où il existe un pouvoir de monopsone.
L’analyse portera sur des questions intéressant directement et indirectement l’action des pouvoirs publics. Les premières ont trait aux moyens directs de lutter contre le déséquilibre des rapports de force entre travailleurs et entreprises. Les deux principaux modes d’intervention à cet égard sont d’une part les politiques de la concurrence et du travail au regard de la concentration du marché du travail et des abus de pouvoir de monopsone, d’autre part l’action de syndicats disposant d’un pouvoir de négociation important face aux entreprises. D’autres considérations portent sur la façon dont les responsables publics doivent aborder les politiques du marché du travail dans un monde où ces marchés ne sont pas en situation de concurrence parfaite, et sur la manière dont ces moyens d’action peuvent être mobilisés pour contrebalancer les effets négatifs des monopsones. Trois exemples de mesures indirectes seront analysés : salaires minimum, mobilité géographique et télétravail, et reconversion professionnelle.
Sous sa forme la plus simple, une situation de monopsone sur le marché du travail fait pencher les rapports de force en faveur des employeurs, au détriment des salariés. Logiquement, les mesures qui limitent directement la concentration ou s’efforcent de remédier au déséquilibre de pouvoir entre employeurs et travailleurs peuvent améliorer la situation des salariés de l’entreprise, mais aussi celles des demandeurs d’emploi et de leurs homologues employés dans des entreprises concurrentes. Deux catégories de mesures de cette nature sont examinées ici : les réglementations expressément destinées à limiter la concentration des employeurs et à lutter contre les abus de pouvoir de monopsone, et le rôle des syndicats de travailleurs.
Par le passé, les législateurs et les autorités chargées de faire respecter la loi (inspections du travail et autorités de la concurrence notamment) se sont peu intéressés au pouvoir de marché des employeurs. Cette question, et les moyens d’intensifier la concurrence sur le marché du travail, mobilisent cependant une attention croissante - voir par exemple ministère de la Justice des États-Unis (Department of Justice) ; Commission fédérale du commerce (Federal Trade Commission) (2016[106] ; 2022[107]), Département du Trésor (US Department of Treasury) (2022[108]), et Vestager (2021[109]). Il existe quatre domaines d’action dans lesquels les régulateurs pourraient intervenir plus activement, à savoir, en les classant selon leurs liens avec les compétences des autorités du travail : i) les clauses de non‑concurrence ; ii) les autorisations professionnelles ; iii) les accords de non‑débauchage et la collusion salariale ; iv) les fusions45.
Les accords ou clauses de non-concurrence (CNC) sont des clauses contractuelles qui interdisent aux travailleurs de se mettre au service d’un concurrent après leur départ d’une entreprise46. Dans la plupart des pays, les CNC sont légales et justifiées par la nécessité de protéger les secrets commerciaux et certains investissements de l’employeur dans la relation de travail (investissements dans le savoir par exemple)47. Les statistiques sur les CNC, lorsqu’elles existent, indiquent que leur usage est répandu. Selon une enquête menée auprès des entreprises en 2019, de 28 % à 47 % des salariés du secteur privé aux États-Unis y sont assujettis (Colvin et Shierholz, 2019[110]). Selon Vuorenkoski (2018[111]), 45 % des travailleurs membres du syndicat finlandais Akava sont soumis à une CNC. Une enquête néerlandaise de 2015 montre que c’est le cas de 19 % des salariés environ (Streefkerk, Elshout et Cuelenaere, 2015[112]). Young (2021[113]) signale qu’en Autriche, plus de 35 % des salariés du secteur privé étaient assujettis à une clause de cette nature en 2005‑06.
Les CNC sont souvent jugées avoir une incidence positive sur l’investissement des employeurs dans le capital immatériel et la formation, surtout quand les entreprises en place ne peuvent protéger leurs investissements dans le savoir par des brevets ou d’autres types de contrats (comme les clauses de remboursement de la formation). Elles peuvent cependant avoir des retombées négatives, pénalisant les futurs employeurs et décourageant ainsi la contestabilité des marchés, l’entrée d’entreprises sur le marché et l’entrepreneuriat. C’est pourquoi il n’existe pas de données tranchées quant à leur incidence sur l’innovation et la productivité - voir par exemple Starr, Balasubramanian et Sakakibara (2018[114]) ; Shi (2020[115]) ; Lavetti (2021[116]) ; et Jeffers (2021[117]). En décourageant l’entrepreneuriat et la création d’entreprises, les CNC ont généralement pour effet d’accentuer la concentration du marché du travail - voir Hausman et Lavetti (2021[118]).
Il apparaît en outre que les employeurs y ont souvent recours pour dissuader leur personnel d’aller voir ailleurs. En fait, dans de nombreux pays, ce mécanisme est souvent utilisé quand bien même l’employé n’a pas accès aux secrets professionnels ou à d’autres actifs incorporels de l’entreprise. Starr, Prescott et Bishara (2021[119]) constatent par exemple, à partir d’un large échantillon de salariés aux États-Unis, que plus de 40 % des travailleurs soumis à une clause de non-concurrence ne sont pas en contact direct avec la clientèle et n’ont pas accès aux informations la concernant ou à d’autres secrets commerciaux.
Des données en provenance des États-Unis indiquent que les CNC, lorsque leur applicabilité est facilitée, réduisent nettement la mobilité professionnelle et font souvent baisser les salaires - voir par exemple Marx, Strumsky et Fleming (2009[120]) ; Starr (2019[121]) ; McAdams (2019[122]) ; Lipsitz et Starr (2022[123]), sauf dans les entreprises et professions où les employeurs peuvent s’engager de manière crédible à partager avec leurs salariés le rendement des investissements supplémentaires dans les actifs immatériels - voir p. ex. Lavetti, Simon et White (2019[124]).L’incidence négative des CNC sur la mobilité professionnelle et les salaires est généralement plus marquée chez les femmes, sans doute en raison d’une préférence plus prononcée pour des trajets courts entre le travail et le domicile (Johnson, Lavetti et Lipsitz, 2021[125])48. Une étude autrichienne confirme que, même dans d’autres pays, la limitation de l’applicabilité des CNC accroît la mobilité des salariés vers un nouvel emploi mieux rémunéré (Young, 2021[113]).
Dans la plupart des pays, les clauses de non-concurrence, pour être applicables par les tribunaux, sont tenues de respecter un certain nombre de conditions raisonnables qui ont pour finalité de limiter les abus - voir par exemple Meritas (2017[126]) pour un tour d’horizon des règles en vigueur dans les pays de l’OCDE. Or, les tribunaux évaluent généralement ce caractère raisonnable au cas par cas, et les actions privées coûteuses pour les travailleurs se traduisent souvent par une simple dispense de respect des clauses inapplicables, sans autre avantage pour les plaignants (Krueger et Posner, 2018[127]). C’est pourquoi les gouvernements pourraient envisager d’interdire les CNC, ou d’établir une présomption réfutable d’utilisation abusive49. Cette mesure serait particulièrement importante pour certains niveaux de rémunération, catégories de postes, ou critères de qualification pour lesquels une justification claire de la clause, comme la protection du secret commercial, semble peu plausible50.
Pour autant, même lorsqu’elles sont inapplicables, des CNC sont parfois intégrées aux contrats de travail pour exercer des pressions sur les salariés non informés. Ainsi, 19 % des salariés en Californie et dans le Dakota du Nord déclarent en avoir signé une, alors que les CNC ne sont pas légalement exécutoires dans ces États (Starr, Prescott et Bishara, 2020[128]), ce qui semble indiquer que les employeurs y font encore appel pour décourager la mobilité malgré leur inapplicabilité formelle. C’est là une autre raison qui justifierait une action volontariste des organismes chargés de faire respecter la loi, inspections du travail comprises, pour mettre fin aux abus mais, pour être efficaces, ceux-ci devraient avoir la possibilité d’infliger des sanctions ou de porter l’affaire devant les tribunaux, qui devraient avoir les moyens de les mettre à exécution. Les pays pourraient aussi envisager d’imposer des barèmes d’indemnisation minimale couvrant la période qui suit le départ du salarié pendant laquelle la CNC demeure contraignante, comme c’est le cas au Danemark, en France, en Norvège et en Suède (Vuorenkoski, 2019[129] ; Berjot, 2021[130]), et comme il en a été récemment décidé en Finlande (Autio, 2021[131]).
Dans de nombreux pays de l’OCDE, plus de 20 % des emplois sont assujettis à une autorisation professionnelle (Koumenta et Pagliero, 2018[132] ; Hermansen, 2019[133]). En imposant des normes de compétence minimum pour exercer une activité rémunérée, ces autorisations limitent l’entrée dans la profession aux spécialistes dont les qualifications ont été reconnues correspondre ou dépasser les exigences minimales. Elles réduisent en conséquence le nombre de professionnels, leur conférant ainsi potentiellement (ou à leurs employeurs) un pouvoir substantiel sur le marché des services (Pagliero, 2011[134]), ce qui se traduit généralement par des prix plus élevés (Wing et Marier, 2014[135] ; Kleiner, 2017[136]). En revanche, elles peuvent améliorer la qualité des services et la protection des consommateurs, ainsi que les rémunérations et les conditions de travail des salariés concernés. De fait, les études disponibles indiquent qu’elles apportent un avantage salarial dans les professions visées (Kleiner et Krueger, 2013[137] ; Gittleman, Klee et Kleiner, 2017[138] ; Zhang, 2018[139] ; Koumenta et Pagliero, 2018[132]).
Une étude récemment menée aux États-Unis a cependant mis en évidence un effet plus subtil des autorisations professionnelles sur le marché du travail. Certaines professions sont très proches, et les travailleurs qui les exercent peuvent effectuer des tâches similaires. De plus, des travailleurs dotés de compétences analogues peuvent pratiquer des professions distinctes. L’obligation d’une autorisation pour exercer l’une de ces professions a une incidence négative sur les salaires de celles qui lui sont étroitement apparentées, comme le montrent Kleiner et al. (2016[140]) et Dodini (2020[141]). Cette situation correspond à un modèle de monopsone dans lequel la réglementation de l’exercice d’une profession, en limitant les voies de sortie des travailleurs exerçant des professions assimilées, non réglementées, renforce le pouvoir de monopsone des employeurs (Kleiner et Park, 2010[142]). Dodini (2020[141]) montre en outre que ses résultats ne peuvent s’expliquer par le choc d’offre de main-d’œuvre induit par la réglementation de l’accès à une profession sur des professions apparentées.
D’autres études s’imposent pour confirmer ces observations, mais les responsables publics auraient peut-être intérêt à examiner les effets croisés des autorisations professionnelles sur le marché lorsqu’ils en évaluent les avantages et les inconvénients. La certification pourrait offrir une solution de remplacement valable, en donnant aux professionnels la possibilité d’adhérer à un dispositif qui vérifie et garantit leurs qualifications mais n’impose aucune restriction légale (Koumenta et Pagliero, 2018[132]).
Dans la plupart des pays, le droit de la concurrence interdit la collusion entre les acheteurs de biens ou de services intermédiaires, services de main-d’œuvre compris – voir p. ex. Blair et Wang (2017[143])51. Il est difficile de recueillir des statistiques globales sur la collusion car on ne dispose généralement pas de chiffres sur les comportements illicites qui échappent aux enquêtes. Il existe des statistiques relatives aux clauses de non-débauchage figurant dans les contrats de franchise, dans lesquels ces clauses ne sont pas nécessairement illégales - voir OCDE (2019[15]) pour une analyse. Selon les estimations de Krueger et Ashenfelter (2022[144]), plus de 50 % des grandes entreprises de franchise aux États-Unis insèrent des clauses de non‑débauchage dans leurs contrats de franchise. Des données théoriques et empiriques indiquent par ailleurs que la collusion est plus susceptible de se produire sur des marchés concentrés, la coordination d’un petit nombre d’acteurs étant généralement plus facile à assurer - voir par exemple Asket et Nocke (2021[145]). De surcroît, comme la collusion peut plus facilement couvrir tous les intervenants ou presque sur ces marchés, elle y a vraisemblablement des effets plus nocifs : dans la seule étude universitaire qui évalue l’incidence qu’ont eue sur les salaires d’importants accords de non-débauchage ayant fait l’objet d’enquêtes des autorités de la concurrence aux États-Unis, Gibson (2021[56]) constate que chaque accord conclu entre deux entreprises opérant au milieu des années 2000 dans le secteur très concentré de la haute technologie au sein de la Silicon Valley avait entraîné une baisse d’environ 2.5 % des salaires annuels.
Des directives explicites concernant la collusion sur le marché du travail s’imposent pour guider des organismes chargés de faire respecter la loi et définir leurs priorités. Les autorités de la concurrence des États-Unis, par exemple, ont publié des lignes directrices qui y font explicitement référence, présentent des exemples clairs de comportements illicites et soulignent l’importance de les combattre en raison de leurs répercussions sur le marché du travail (Ministère américain de la Justice ; Federal Trade Commission, 2016[106]). Il importe également d’assurer la protection des lanceurs d’alerte et de mettre en place des programmes de clémence appropriés, offrant l’immunité au premier membre de l’entente qui donne l’alerte, pour garantir une application efficace de la loi car la collusion est souvent découverte grâce aux informations communiquées par des initiés (Dyck, Morse et Zingales, 2010[146] ; Yeoh, 2014[147] ; Luz et Spagnolo, 2017[148]). Enfin, et surtout, les autorités de la concurrence ont un rôle essentiel à jouer dans ce contexte pour faire respecter la loi car elles sont généralement en mesure d’imposer des sanctions pour comportements collusoires (OCDE, 2020[149]). Les salariés peuvent aussi intenter des actions privées individuelles. Le plus souvent, toutefois, ils ne disposent pas des moyens ou des incitations nécessaires pour poursuivre les employeurs coupables d’infractions aux règles de la concurrence, les actions de cette nature étant généralement beaucoup plus coûteuses que les indemnisations que le tribunal pourrait leur accorder (OCDE, 2019[15]).
Les entreprises potentiellement collusoires peuvent cependant éviter une collusion illicite sur le marché du travail en opérant simplement une fusion. Si celle‑ci atténue substantiellement la concurrence ou représente une entrave significative à une concurrence efficace sur un marché du travail donné, notamment en créant un employeur dominant, l’entité en résultant usera sans doute de son pouvoir pour diminuer l’emploi et les salaires sur le marché, comme le feraient des entreprises collusoires non parties à une fusion – voir par exemple Hovenkamp et Marinescu (2019[41]). Habituellement, les autorités de la concurrence et les tribunaux ne prêtent cependant guère attention aux répercussions des fusions sur le marché du travail52. De manière générale, les autorités ne s’y sont intéressées que dans les cas où la fusion a porté le degré de concentration du marché à un niveau supérieur au plafond établi. Certains éléments semblent toutefois indiquer que les fusions horizontales peuvent avoir des conséquences notables sur le marché du travail même lorsqu’elles ne créent pas d’employeurs dominants – voir (Arnold, 2021[74] ; Prager et Schmitt, 2021[77]) - et que des augmentations très modérées de la concentration peuvent aussi avoir des effets indésirables (Nocke et Whinston, 2022[42] ; Affeldt et al., 2021[43]).
Depuis quelques années, toutefois, les autorités de la concurrence, aux États-Unis notamment, s’interrogent sur la façon de mieux intégrer le marché du travail à l’analyse des fusions et sur les moyens d’intervenir plus en amont (Ministère américain de la Justice ; Federal Trade Commission., 2022[107]). Le manque d’outils spécialisés pour analyser la concurrence et, surtout, la difficulté à délimiter le marché concerné font cependant obstacle à l’évaluation de l’incidence des fusions sur la puissance d’achat sur ce marché. Un autre écueil a trait à l’évaluation des effets d’une fusion lorsque les parties ne sont pas en concurrence directe sur les marchés de produits en aval - voir OCDE (2019[15]). Des recherches plus approfondies s’imposent dans ce domaine ; une augmentation des investissements des pouvoirs publics et des organismes chargés de faire respecter la loi dans la mise au point d’outils adaptés serait par ailleurs opportune.
De nombreuses études, plus anciennes, voyaient dans les syndicats un contrepoids au pouvoir de négociation excessif de l’employeur en situation de monopsone. Les négociations entre les deux parties d’un monopole bilatéral produisent généralement des résultats efficients (voir p. ex. Blair et Wang, (2015[150]) pour une analyse53. Lorsque des syndicats puissants exercent un contre‑pouvoir, il y a peu de chances que la concentration suffise en soi à imposer une situation de monopsone sur le marché du travail – voir MaCurdy et Pencavel (1986[151]) et Espinosa et Rhee (1989[152]). Les conventions collectives sectorielles peuvent aussi instaurer un salaire minimum qui, s’il n’est pas trop élevé, atténuera le lien entre les coûts marginaux de main d’œuvre et l’emploi et aura ainsi pour effet d’accroître à la fois l’emploi et les salaires (Ashenfelter, Farber et Ransom, 2010[7]) - voir également l’analyse des effets antimonopsonistiques du salaire minimum à la section 3.4.2.
Cela dit, dans la mesure où le pouvoir de négociation des syndicats et le taux de couverture conventionnelle se sont émoussés à la longue dans certains pays (OCDE, 2019[153]), les travailleurs syndiqués ne sont plus toujours en mesure d’exercer un contrepouvoir suffisant dans le cadre du dialogue social. De fait, comme mentionné plus haut, le rapport OCDE (2021[12]) constate que l’élasticité des salaires par rapport à la concentration a augmenté avec le temps. Benmelech et al. (2022[29]) observent la même évolution pour les États-Unis. Cette dernière étude conclut en outre que plus le taux de syndicalisation est faible, plus l’élasticité est forte. Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]) pour la France, et Abel, Tenreyro et Thwaites (2018[33]) pour le Royaume‑Uni aboutissent à des résultats analogues en ce qui concerne l’interaction entre concentration et taux de syndicalisation. Ces études laissent globalement entendre que des interventions directes visant à favoriser les négociations collectives et le dialogue social pourraient avoir une forte incidence sur le pouvoir de monopsone - voir OCDE (2019[153]) pour une analyse des mesures visant à renforcer la négociation collective, et le chapitre 5 pour une application aux questions liées au temps de travail.
Les employeurs peuvent toutefois mettre en place des stratégies pour réduire le contre‑pouvoir des syndicats. Ils peuvent par exemple faire appel à l’externalisation et au franchisage pour disperser les effectifs d’une entreprise et fragiliser la coordination entre salariés occupant des fonctions différentes (OCDE, 2021[65]). Cette démarche peut être particulièrement pertinente lorsque des négociations collectives interviennent au niveau de l’entreprise, ou dans des pays où un seuil d’effectif donne aux salariés de l’entreprise la possibilité d’engager une action collective54. Le franchisage, par exemple, répartit les salariés en de nombreuses entités juridiques (les franchisés), les empêchant ainsi de se coordonner et de négocier conjointement, même si ces entités sont de fait verticalement intégrées dans la structure de production et de distribution du franchiseur (Callaci, 2018[154]).
Le salaire minimum est souvent présenté comme un moyen de réduire les inégalités salariales et de relever les revenus du bas de l’échelle de distribution - voir p. ex. Dube (2019[155]). Or, dans un modèle type fondé sur des marchés du travail concurrentiels, l’incidence du salaire minimum sur l’emploi est incontestablement négative - voir par exemple Brown (1999[156]) - ce qui fait qu’il lui serait difficile d’atteindre son objectif principal. Malgré cette prédiction théorique, les données empiriques sont beaucoup moins probantes ; de nombreuses études n’ont constaté aucun effet défavorable, ou alors marginal, des hausses du salaire minimum sur l’emploi lorsque celui-ci était maintenu à un niveau modéré - voir p. ex. OCDE (2015[157]) et l’étude récente très complète de Dube (2019[158]).
Les modèles de monopsone fournissent une explication simple à cette absence de retombées négatives de hausses modérées du salaire minimum sur l’emploi (Manning, 2003[5])55. Les données existantes laissent donc entendre que le salaire minimum pourrait limiter les conséquences défavorables du pouvoir de marché des employeurs sur l’emploi et les salaires56. Trois autres éléments étayent cette conclusion : Azar et al. (2019[159]) examinent l’effet d’une variation du salaire minimum dans le secteur du commerce de détail aux États-Unis à partir de données détaillées concernant la concentration du marché du travail. Ils constatent que l’augmentation du salaire minimum diminue sensiblement l’emploi sur les marchés peu concentrés, alors que plus la concentration du marché du travail est forte, moins les variations de l’emploi induites par le salaire minimum sont négatives, et sont même estimées positives sur les marchés les plus concentrés. Popp (2021[83]) obtient des résultats similaires en ce qui concerne l’incidence de salaires minimum sectoriels universellement contraignants mais négociés collectivement en Allemagne. Johnson et Lipsitz (2022[160]) constatent en outre que le salaire minimum a des retombées moins négatives (plus positives) sur l’emploi dans les professions peu rémunérées où les clauses de non-concurrence sont plus rigoureusement appliquées, réduisant ainsi davantage les voies de sortie pour les salariés (voir la section 3.4.1). Ces trois observations confirment que lorsque les marchés du travail sont plus concentrés ou les possibilités d’emploi artificiellement restreintes, les employeurs ont un pouvoir de marché plus important et diminuent l’emploi pour le porter à un niveau trop bas pour être efficient. Par là même, ces résultats indiquent que l’objectif consistant à contrer les effets négatifs du monopsone sur le marché du travail offre une autre raison de relever le salaire minimum là où il est trop bas, ou de l’instaurer quand il n’existe pas, en particulier lorsque les salariés ne sont pas déjà couverts par des négociations collectives efficaces. Cela dit, comme le degré de monopsone et de concentration varie au sein d’un même pays (voir section 3.2.1), les responsables publics doivent tenir compte du fait que l’augmentation du salaire minimum risque de nuire à l’emploi sur certains marchés locaux tout en l’améliorant sur d’autres.
La réduction des obstacles à la mobilité géographique des travailleurs en dehors de leur bassin d’emploi peut élargir leurs débouchés professionnels. Les principaux outils en ce sens sont les politiques du logement comme la réglementation des loyers, les réformes des politiques d’occupation des sols et d’aménagement du territoire, la fiscalité sur l’acquisition de biens immobiliers, ou les investissements dans le logement social (OCDE, 2021[161]). Les politiques actives du marché du travail (PAMT) peuvent aussi favoriser cette mobilité en offrant aux demandeurs d’emploi des débouchés qui ne se limitent pas à leur région de résidence (OCDE, 2005[162]). Caliendo, Mahlstedt et Künn (2017[163]) examinent une expérience en situation réelle menée en Allemagne et constatent que l’octroi d’une indemnité de réinstallation aux chômeurs a également pour effet d’améliorer les salaires et la stabilité professionnelle ultérieurs57. La reconnaissance interrégionale des diplômes et des compétences des travailleurs, qui repose sur l’existence d’un système national des certifications et de mécanismes de reconnaissance, de validation ou de certification des acquis antérieurs, accroît la mobilité géographique (OCDE, 2021[164]).
Les mesures visant à encourager le travail à distance peuvent contribuer à la réalisation du même objectif. Il apparaît de plus en plus clairement que l’essor du travail à distance rendu possible par le télétravail - voir p. ex. OCDE (2021[165]) – renforce la concurrense sur les marchés de l’emploi. Aux États-Unis, le pourcentage de candidats à des emplois à pourvoir au niveau local faisant également acte de candidature sur d’autres marchés du travail a régulièrement augmenté au cours des deux dernières années (Zhao, 2021[166]). Les employeurs aussi commencent à signaler que le télétravail intensifie la concurrence pour attirer des travailleurs qui ne recevraient normalement pas d’offres en dehors de leur marché local (Federal Reserve Board, 2021[167]).
Si certains emplois pouvaient être entièrement exercés à distance, les travailleurs pourraient accepter un poste sur le marché national (voire international), quel que soit le lieu où l’entreprise est installée. Pour évaluer le potentiel du télétravail à atténuer la concentration du marché du travail, le Graphique 3.14 présente une simulation de l’indice HHI moyen dans le cas où le travail à distance serait pleinement praticable pour l’ensemble des postes à pourvoir dans les professions où le télétravail est possible. La simulation suppose que tous les emplois à pourvoir dans les professions adaptées au télétravail peuvent être exercés à distance, et que le marché géographique concerné est par conséquent le pays tout entier, et non la région. On doit donc considérer que cela correspond à la limite supérieure s’agissant de l’efficacité du travail à distance à renforcer la concurrence sur les marchés du travail. La liste des professions adaptées au télétravail se fonde sur Basso et al. (2022[67]), qui se conforment à Dingel et Neiman (2020[69]), comme à la section 3.2.3.
En moyenne, dans les pays de l’OCDE figurant dans l’échantillon, l’indice HHI diminuerait d’un peu plus de 20 % si tous les postes à pourvoir étaient adaptés au travail à distance, les travailleurs pouvant alors chercher un emploi dans leur profession au niveau national. Les réductions les plus fortes ont été observées en Allemagne et au Canada. En revanche, aucun effet du télétravail sur l’indice HHI n’est observé à Singapour et au Luxembourg, ces deux pays ne comptant qu’une région TL3.
Globalement, ces résultats permettent de penser que la promotion du télétravail à temps plein, en offrant aux travailleurs davantage de débouchés, peut rehausser la concurrence sur les marchés du travail. Le télétravail ne saurait cependant être considéré comme une panacée - voir OCDE (2021[65]). Dans de nombreux pays, la réduction de la concentration susceptible de faire suite à un basculement marqué vers celui-ci demeurerait assez limitée et risquerait de creuser les inégalités déjà présentes sur le marché du travail. Par ailleurs, le télétravail à temps plein pourrait avoir sur la productivité et le bien-être des travailleurs d’autres conséquences qu’il convient d’évaluer soigneusement (chapitre 5).
Les politiques en matière de formation et de compétences peuvent fortement contribuer à élargir les perspectives professionnelles des travailleurs. Ceux qui ont effectué une reconversion professionnelle peuvent chercher un emploi sur un marché plus vaste, englobant leur métier initial et le nouveau. Cette section présente un deuxième exercice de simulation, en vertu duquel les travailleurs peuvent chercher un emploi dans une autre zone géographique, mais aussi dans une autre profession que celle qu’ils exercent actuellement.
Dans la simulation, les travailleurs cherchent un nouvel emploi dans leur profession d’origine ou dans une autre profession à laquelle ils ont été formés. Une profession ciblée n’est rattachée à une profession d’origine qu’après application d’un ensemble rigoureux de critères : elle ne doit pas être associée à un salaire moyen sensiblement inférieur ou à un niveau d’instruction sensiblement supérieur à ceux du métier d’origine, ceci afin de garantir que le changement éventuel n’entraîne pas de pertes de bien-être. Pour les besoins de la simulation, la profession ciblée est définie comme celle qui limite au maximum les besoins de formation, celle‑ci ne devant pas dépasser six mois58. L’Annexe 3.C explique en détail la construction des groupes de professions apparentées. Un nouvel indice HHI est ensuite calculé pour chaque région TL3, en considération des emplois à pourvoir dans la profession d’origine et dans la profession ciblée qui lui est associée. L’analyse est effectuée pour l’année 2019, au niveau à trois chiffres de la CITP‑08, pour l’Australie, les États-Unis, le Royaume‑Uni, la Suisse et tous les pays de l’Union européenne figurant dans l’analyse principale59.
Le Graphique 3.15 montre qu’en permettant aux travailleurs de chercher un emploi non seulement dans leur métier d’origine, mais aussi dans celui dont l’éventail de compétences est le plus semblable (dans la limite d’un programme de formation de six mois), on peut réduire la concentration globale du marché du travail de 18 % en moyenne dans les pays de l’OCDE considérés. Dans certains métiers, ce gain peut être nettement supérieur à la moyenne, comme le montre le Graphique d’annexe 3.A.6. Le travailleur moyen qui choisirait de se reconvertir vers une profession admissible devrait suivre une formation de 2.9 mois60.
Il ressort de ces résultats que les politiques de reconversion et de perfectionnement professionnels peuvent contribuer à améliorer la situation de l’emploi lorsque les marchés du travail sont monopsonistiques, mais que leur effet est limité par l’ampleur de la reconversion que les travailleurs sont disposés ou en mesure d’effectuer en contrepartie d’une amélioration des salaires et d’autres avantages que pourrait offrir un emploi sur un marché moins concentré. Les conseillers en orientation professionnelle peuvent jouer un rôle de premier plan. En apportant aux travailleurs des renseignements sur les qualifications nécessaires et sur les programmes de reconversion existants, ils peuvent les orienter sur une formation correspondant à la profession la plus adaptée à leur profil. Point essentiel, l’orientation professionnelle des travailleurs désireux de changer de métier doit être conçue différemment de celle destinée aux chômeurs (OCDE, 2021[168]).
Il convient d’évaluer les avantages de la formation en termes de salaires et de qualité de l’emploi au regard du coût de reconversion professionnelle des travailleurs, parfois non négligeable (OCDE, 2020[169] ; Andrieu et al., 2019[170]). Un examen des réformes efficaces des politiques d’apprentissage des adultes en Europe a estimé les coûts directs des programmes d’enseignement et de formation pour adultes à un montant compris entre 200 EUR et 2 500 EUR par participant, les réformes qui couvraient les coûts indirects de la formation (le salaire des travailleurs en formation par exemple) étant pour leur part plus coûteuses (OCDE, 2020[171]). Il importe donc de définir la répartition du coût de la formation entre les salariés, les employeurs et les pouvoirs publics, celle‑ci pouvant varier considérablement selon la visée des politiques (OCDE, 2017[172] ; OCDE, 2019[173]).
L’amoindrissement du pouvoir de monopsone des employeurs risque de diminuer leur offre de formation. Des articles théoriques d’Acemoglu et Pischke (1998[174] ; 1999[175]) montrent que les entreprises sont plus susceptibles d’investir dans la formation générale lorsque les marchés du travail sont monopsonistiques car les salariés ne peuvent changer facilement d’employeur après avoir suivi une formation. Dans le même ordre d’idées, le renforcement de l’applicabilité des clauses de non-concurrence s’est traduit par un élargissement des formations financées par les entreprises aux États-Unis (Starr, 2019[121]) même si, du fait des monopsones, il a simultanément entraîné une baisse des salaires. Les pouvoirs publics peuvent intervenir en mettant en place des dispositifs qui renforcent les incitations des entreprises à investir dans les compétences, des aides financières (subventions à la formation et crédits d’impôts) aux instruments qui favorisent la coordination des programmes de reconversion entre les entreprises confrontées à des besoins similaires en matière de compétences. Pour une analyse approfondie des pratiques les plus efficaces à l’appui de l’offre de formation des entreprises, thème qui dépasse le cadre de ce chapitre, voir OCDE (2021[176]). Plus généralement les politiques nationales en matière de compétences doivent veiller à ce que les mesures visant à lutter contre les monopsones n’aient pas de retombées négatives sur les programmes de formation financés par les entreprises.
Ce chapitre examine l’évaluation des marchés monopsonistiques (marchés sur lesquels les employeurs ont le pouvoir de fixer les salaires unilatéralement), leurs conséquences et les politiques les concernant. La théorie prévoit que les employeurs, lorsqu’ils se trouvent libres de fixer les salaires, que ce soit en raison de frictions de recherche d’emploi, de différences de prestations offertes sur le lieu de travail ou de concentration des entreprises, comprimeront la demande de main-d’œuvre et les rémunérations pour accroître leurs bénéfices. En résumé, un monopsone a toutes les chances de se traduire par des niveaux d’emploi et de rémunération inférieurs à ce que voudrait un marché efficient.
Grâce à des données harmonisées, il ressort du présent chapitre qu’une part notable des actifs des pays de l’OCDE appartiennent à des marchés du travail concentrés. En moyenne, 16 % d’entre eux évoluent sur un marché où la concentration est au moins modérée, et 10 % sur un marché où elle est forte, selon la définition prudente des marchés concentrés utilisée par les autorités de la concurrence américaines. La répartition des salariés en fonction du degré de concentration des marchés n’est pas homogène : ce sont ceux des zones rurales et ceux qui ont travaillé en « première ligne » pendant la pandémie du COVID‑19 qui sont les plus susceptibles de faire face à un marché du travail concentré. Enfin, la crise du COVID‑19 semble avoir accentué la concentration de l’emploi dans de nombreux pays de l’OCDE, effet qui semble toutefois s’émousser avec le temps. Cela tient probablement au fait que les entreprises les moins résilientes ou celles qui ont été obligées de suspendre leurs activités ont publié moins d’offres d’emploi au plus fort de la pandémie. Ces évolutions n’ont toutefois pas nécessairement modifié le pouvoir de fixation des salaires des employeurs.
La concentration du marché du travail a une incidence négative sur la qualité des emplois. Le croisement des données sur les employeurs et les salariés fait apparaître, dans le présent chapitre, que, toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleurs appartenant aux marchés les plus concentrés ont de moindres salaires et une moindre sécurité de l’emploi. À cela s’ajoute que, sur ces mêmes marchés, les employeurs peuvent se montrer plus exigeants et embaucher des travailleurs plus qualifiés. À la lumière des études empiriques de plus en plus nombreuses sur ces questions, il ressort du présent chapitre que les situations de monopsone sont vraisemblablement très courantes.
Le monopsone peut être considéré comme un dysfonctionnement général du marché du travail et, comme pour la plupart des dysfonctionnements de marché, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer pour y remédier. Les clauses de non-concurrence liant les salariés à leur entreprise, les collusions entre employeurs sur le marché du travail et, souvent, les fusions horizontales ont pour effet direct de limiter les voies de sorties qui s’offrent aux salariés. Les autorisations professionnelles elles aussi peuvent limiter ces voies de sortie dans le cas de professions connexes, mais dont l’exercice n’est pas réglementé. À l’inverse, les conventions collectives et le dialogue social peuvent, en neutralisant le pouvoir de monopsone des entreprises, augmenter l’emploi et relever les salaires. Sur les marchés monopsonistiques, les salaires minimum peuvent avoir ces mêmes effets pour les travailleurs situés au bas de l’échelle salariale, et pourraient également être considérés comme un moyen de réduire les inefficiences découlant des situations de monopsone.
Ce ne sont là que quelques-unes des mesures qui ont fait leurs preuves face aux monopsones, mais il en existe de nombreuses autres qui appellent un examen plus approfondi. Ainsi, de nombreux pays de l’OCDE ont choisi, à des degrés divers, d’offrir aux entreprises des incitations fiscales pour les amener à assurer et financer des prestations sociales (assurance‑maladie, garde d’enfants et retraites, par exemple). Si les entreprises ne sont pas formellement tenues de fournir ces prestations, et si les prestations ne sont pas transférables, les salariés risquent de se heurter à des difficultés pour trouver un employeur convenable offrant les mêmes avantages. Par conséquent, par comparaison avec un programme public qui assure directement les prestations sociales à l’ensemble des salariés, les dépenses sociales assumées par les employeurs pourraient avoir pour effet involontaire d’accentuer les différences entre les entreprises et, partant, de diminuer la concurrence sur les marchés du travail.
De même, toutes les dispositions de protection de l’emploi dont les avantages augmentent avec l’ancienneté – comme les indemnités de licenciement dans la plupart des pays, voir OCDE (2020[99]) – risquent de lier le salarié à son employeur et d’avoir des effets ambigus sur le pouvoir de marché61. Cet argument s’applique également à l’ensemble des prestations et protections qui augmentent avec l’ancienneté et sont perdues lorsque le salarié quitte son emploi.
De manière plus générale, tout programme qui lie le salarié à son entreprise limitera sans doute les possibilités d’aller voir ailleurs et par là même la concurrence sur le marché du travail. À titre d’exemple, il existe dans quelques pays de l’OCDE des programmes de formation en vertu desquels l’entreprise assure la formation d’un salarié, celui-ci étant tenu en contrepartie de rester à son service pendant un certain temps afin de « rembourser » le coût de la formation. Le salarié désireux de quitter l’entreprise avant la fin de cette période ne pourra le faire qu’à un coût financier élevé. Si elle est préférable à une clause de non-concurrence générique, une telle restriction à la mobilité professionnelle favorise encore le pouvoir de monopsone de l’employeur. Dans le même temps, il apparaît que les entreprises sont plus susceptibles d’investir dans la formation lorsque les marchés du travail deviennent monopsonistiques, les données en ce sens n’étant cependant pas probantes. Des recherches empiriques plus poussées doivent donc être menées avant de tirer d’éventuelles conclusions pour l’action des pouvoirs publics.
Qui plus est, il n’est pas rare qu’une période obligatoire de préavis doive être observée dans le cas d’un départ volontaire. Il y a sans doute de bonnes raisons à cela mais cette obligation risque, à la marge, d’accroître la frilosité des employeurs à recruter si elle entraîne un long délai avant que le nouvel embauché puisse effectivement prendre ses fonctions. Les longs préavis risquent donc eux aussi de réduire la mobilité des salariés.
Au-delà des recherches touchant à l’action des pouvoirs publics, plusieurs questions économiques élémentaires en rapport avec le monopsone nécessitent un examen plus attentif. En théorie, les marchés du travail monopsonistiques se traduisent par des niveaux d’emploi trop bas pour être efficients, et des salaires inférieurs à ce qu’ils seraient sur un marché concurrentiel. Les éléments factuels présentés ici et les études empiriques antérieures confirment la théorie selon laquelle les salaires sont plus bas sur les marchés du travail monopsonistiques (tout au moins ceux considérés comme tels du fait de leur concentration). En revanche, les preuves empiriques directes d’un recul de l’emploi sous l’effet des monopsones en général, et des concentrations en particulier, sont moins abondantes, souvent en raison de données insuffisantes. D’autres études s’imposent donc dans ce domaine. Plus généralement, les offices statistiques nationaux pourraient investir pour offrir aux chercheurs et aux responsables publics des données couplées employeurs-salariés exhaustives, données qui pourraient servir, entre autres, à suivre l’évolution de la concentration et son incidence dans le temps.
Enfin, le présent chapitre n’a pas abordé le fait que le pouvoir de l’employeur peut aussi se manifester sur d’autres marchés de facteurs de production, ainsi que sur le marché des produits. Le renforcement du pouvoir sur le marché des produits a également été corrélé à une baisse de la demande de main-d’œuvre, du taux d’activité et des salaires – voir par exemple De Loecker, Eeckhout et Unger (2020[177]). Des études ultérieures pourraient examiner la façon dont le pouvoir sur le marché des produits et le pouvoir sur le marché du travail peuvent coexister et influer conjointement sur l’emploi.
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Dans ce chapitre, l’Indice Herfindahl-Hirschman (HHI) est construit à partir des offres d’emploi en ligne extraites du web par Emsi Burning Glass (EBG). La validité des estimations dans une perspective internationale dépend donc de l’exhaustivité des données d’EBG. La présente annexe décrit le processus de validation des données EBG, notamment la sélection de l’échantillon de pays, les États-Unis constituant le point de référence. Elle présente par ailleurs la démarche suivie pour normaliser les données et établir des statistiques agrégées comparables entre pays.
Les données EBG ont déjà été utilisées dans des études américaines sur la concentration des marchés du travail – voir Azar et al. (2020[28]), Schubert, Stansbury et Taska (2021[179]) et Yeh, Hershbein et Macaluso (à paraître[30]). Hershbein et Khan (2018[44]) montrent que la répartition des professions dans les données EMG, bien que celles-ci portent uniquement sur les offres d’emploi en ligne, est proche de celle qui se dégage de l’enquête Job Openings and Labour Turnover Survey (JOLTS). Plus important, Azar et al. (2020[28]) signalent que les données EBG enregistrent environ 85 % des offres d’emploi estimées par l’enquête JOLTS.
Le processus de validation des données utilisé dans le cadre de ce chapitre s’articule en cinq étapes :
1. calcul du ratio des recrutements aux postes à pourvoir pour chaque profession dans chaque pays ;
2. calcul du ratio de référence, aux fins de représentativité, à partir des données concernant les États-Unis ;
3. sélection des pays pour le calcul de l’indice HHI à partir du ratio de référence ;
4. calcul de l’indice HHI brut au niveau du marché du travail local (région par profession) et par trimestre pour certains pays ;
5. comparaison entre l’indice HHI brut et un indice HHI prédit construit par extrapolation des informations tirées uniquement des marchés du travail locaux dont le ratio recrutements-postes à pourvoir est inférieur au ratio de référence.
À l’issue du processus, sur les 29 pays pour lesquels on dispose de données, 16 (12 pays européens de l’OCDE, trois pays non européens de l’OCDE et un pays non membre de l’OCDE) ont été retenus.
Au cours de la première étape, on calcule les ratios trimestriels des recrutements aux offres d’emploi pour chaque profession au niveau à deux chiffres de la CITP (ci‑après « les ratios »), les valeurs annuelles étant obtenues en établissant la moyenne de ces ratios à partir des informations fournies par les enquêtes sur la population active et les données EBG, pour les recrutements et les offres d’emploi respectivement. Les observations pour lesquelles le nom d’employeurs ou certaines régions manquent (régions TL3 ou niveau plus détaillé) ne sont pas prises en considération. Les recrutements sont définis ici comme les travailleurs en poste depuis moins de trois mois. Les recrutements et les postes à pourvoir dans les groupes 0 (Professions militaires) et 6 (Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche) de la CITP sont exclus. Le groupe 0 de la CITP est absent de nombreuses enquêtes sur la population active. Le groupe 6 de la CITP est fortement sous-représenté dans les données EBG, selon une observation de Cammeraat et Squicciarini (2021[180]). Le traitement des données des pays anglophones a nécessité l’utilisation d’un tableau de concordances pour convertir les professions figurant au niveau à 6 chiffres de la classification SOC au niveau à 3 chiffres de la CITP‑08.
Un traitement spécifique a été appliqué à certains pays. La période de référence est 2018‑19 pour l’Australie, le Canada, le Royaume‑Uni et Singapour et 2019 pour 24 pays européens. Les données de l’année 2018 ne sont pas utilisées pour les pays européens car les offres d’emploi qu’elles contiennent portent uniquement sur la période juillet-décembre. Pour les pays européens, l’ancienneté dans le poste actuellement occupé n’est pas directement enregistrée dans les microdonnées EFT-UE ; elle est donc déduite à partir de l’écart entre la date de l’entretien d’embauche et l’année ou le mois d’entrée en fonction. Aux États-Unis, le supplément de janvier de l’enquête permanente sur la population active (CPS, Current Population Survey) ne rend compte de l’ancienneté que tous les deux ans ; l’ancienneté dans l’emploi se rapporte donc uniquement à la situation observée au mois de janvier des années paires. En conséquence, l’échantillon EBG d’une année donnée est construit de manière à réunir les observations de la période comprise entre le début de l’année précédente et la semaine de référence du supplément de janvier de la CPS. La moyenne trimestrielle des postes à pourvoir est ensuite calculée en divisant le nombre de ces observations par quatre. La province de Québec (Canada) n’est pas prise en compte car l’extraction des données relatives aux offres d’emploi en ligne publiées en français est insuffisante - voir Lameb et al. (2019[181]). S’agissant de l’Allemagne, on a regroupé des régions TL3 correspondant à des enclaves constituées d’une seule commune au sein de régions plus vastes62. Enfin, les territoires d’outremer sont exclus aux fins de comparabilité.
Au cours de la deuxième étape, on calcule la moyenne non pondérée des ratios trimestriels au niveau à deux chiffres de la CITP des données EBG des États-Unis pour obtenir le ratio de référence. La moyenne non pondérée des 37 ratios (les groupes 0 et 6 de la CITP étant exclus) aux États-Unis s’établit à 6.78. Elle sert de seuil de référence pour vérifier la représentativité des données EBG des autres pays.
La troisième étape consiste à calculer le pourcentage de personnes exerçant des professions dont la moyenne des ratios trimestriels est inférieure au seuil de référence des États-Unis dans chaque pays. Aux États-Unis, par exemple, 80.5 % des salariés travaillent dans des professions de cette nature au niveau à deux chiffres. On écarte les pays où moins de 50 % des employés travaillent dans des professions dont le ratio moyen est inférieur au seuil de référence des États-Unis. On obtient ainsi un échantillon de 20 pays. Pour l’Australie et Singapour, on ne dispose pas de données concernant le nombre de recrutements dans les professions au niveau à deux chiffres. Bien que le ratio du nombre total de recrutements au nombre total de postes à pourvoir de ces deux pays soit inférieur à 6.78, dans la pratique, le test de validation est évidemment beaucoup plus faible. C’est pourquoi les statistiques des indices HHI les concernant doivent être considérées avec prudence. S’agissant de l’Australie, Korbel (2018[182]) note que la répartition par professions des offres d’emploi des données EBG diffère de la répartition de l’emploi résultant de l’enquête sur la population active (LFS). On pourrait en déduire que les données de l’Australie doivent être utilisées avec encore plus de prudence, mais il convient de noter que les données sur les stocks d’emploi constituent un point de référence moins rigoureux pour valider les chiffres relatifs aux postes à pourvoir que ceux concernant les nouvelles embauches, comme c’est le cas ici.
Au cours de la quatrième étape, on calcule l’indice HHI pour les pays sélectionnés à l’étape précédente63. On utilise les catégories professionnelles de la classification SOC au niveau à 6 chiffres pour l’Australie, le Canada, les États-Unis, le Royaume‑Uni et Singapour, et celles de la classification CITP au niveau à 4 chiffres pour les autres pays.
Lorsqu’une offre d’emploi donne le nom d’un site d’annonces64 et non celui du véritable employeur, l’employeur est considéré manquant. Les employeurs manquants sont traités comme des employeurs isolés ayant publié une seule offre d’emploi. Cette démarche est conforme à celle d’Azar et al. (2020[28]) et aboutit probablement à une sous-estimation de la concentration, mais semble constituer un choix prudent. Un test de robustesse dans lequel, pour réduire le nombre d’erreurs dues à la communication erronée de noms d’employeurs et à un nettoyage imparfait, on utilise les noms des employeurs tronqués, composés du premier mot du nom des employeurs après nettoyage, aboutit néanmoins à des résultats analogues.
Pour finir, on effectue une régression de l’indice HHI agrégé au niveau à trois chiffres de la CITP‑2008 sur des variables indicatrices par pays et par profession, en retenant uniquement les professions qui présentent un ratio inférieur au seuil de référence. La régression est estimée par la méthode MCO pondérée par l’emploi, l’Australie et Singapour étant exclus. On prédit ensuite un indice HHI pour les professions non prises en considération. Un pays est retenu pour l’analyse si l’écart entre la moyenne des indices HHI réels et celle des indices HHI prédits pour ce pays est inférieur à 10 %. Le nombre de pays retenus est ainsi ramené de 20 à 16, à savoir : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Estonie, États-Unis, France, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque, Royaume‑Uni, Singapour, Suède et Suisse.
On calcule ensuite les indices HHI bruts au niveau le plus détaillé pour les 16 pays retenus. L’agrégation au niveau national ou infranational est fondée sur un système de pondération en deux étapes. Dans un premier temps on détermine, sur la base des données des enquêtes sur la population active existantes, le niveau professionnel le plus détaillé pour lequel on dispose de données relatives à l’emploi (généralement le niveau à 3 chiffres de la classification CITP). On agrège ensuite les indices HHI bruts à ce niveau en prenant pour coefficient de pondération le nombre d’offres d’emploi publiées en ligne de chaque marché du travail local. Une autre agrégation des indices HHI est ensuite effectuée au niveau national ou infranational en prenant pour coefficient de pondération l’emploi total dans chaque profession.
Pour établir des statistiques de la concentration comparables entre pays, malgré l’hétérogénéité qu’ils présentent s’agissant des superficies moyennes des régions TL3, on effectue une régression du logarithme des mesures agrégées des indices HHI sur le logarithme de la population nationale moyenne des régions TL3, et on obtient ainsi la valeur prédite des indices HHI pour une population moyenne de 200 000 habitants. Le ratio de la valeur prédite à la valeur réelle est alors appliqué pour ajuster toutes les statistiques de la concentration établies à partir des offres d’emploi en ligne utilisées dans le chapitre.
L’exercice de simulation présenté à la section 3.4.2 (« Politiques en matière de compétences ») suppose de définir un ensemble de professions qu’un salarié pourrait envisager (ou professions ciblées) en fonction de la profession qu’il exerce actuellement (ou profession d’origine) et d’un indicateur de l’écart de qualifications entre les deux professions.
Il n’existe pas de méthodologie unique, adoptée au niveau international, pour définir une telle palette de professions apparentées, mais des travaux antérieurs en ce sens ont été présentés à l’OCDE dans OCDE (2013[183] ; 2020[169]) et Bechichi et al. (2018[184] ; 2019[185]). Comme dans ces contributions, le présent exercice pose pour contrainte qu’une profession ciblée admissible ne doit pas proposer un salaire moyen inférieur de plus de 10 % à celui de la profession d’origine, ni exiger un niveau d’instruction supérieur de plus d’un an. Parmi les professions envisageables restantes, le salarié choisit celle qui présente l’écart de qualification, et donc le besoin de formation, le plus faible par rapport à la profession d’origine, la durée de la formation ne devant pas dépasser six mois.
L’écart entre la profession d’origine et la profession ciblée, , est une fonction de la moyenne pondérée de l’écart entre chaque compétence caractéristique des professions. Plus précisément :
où représente la profession d’origine, la profession ciblée, et l’une des 35 compétences utilisées par l’Occupational Information Network (O*NET) des États-Unis pour décrire les professions. est la valeur de la compétence i dans la profession d’origine, correspondant au niveau de maîtrise de cette compétence dans la profession défini dans O*NET, et un coefficient de pondération correspondant à l’importance de la compétence dans la profession selon O*NET par rapport à l’importance relative de cette compétence dans toutes les professions envisageables. Les termes négatifs pour sont fixés à zéro pour introduire une asymétrie entre la formation nécessaire pour passer de la profession à la profession et inversement65.
Plus l’écart est important, plus la formation nécessaire sera longue si le salarié décide de quitter la profession qu’il exerce actuellement. La correspondance entre l’écart de compétences et le temps de formation est calculée par une régression de tous les écarts sur la différence entre les niveaux d’instruction requis dans les deux professions. Le coefficient sur le terme de l’instruction estime le nombre de points de l’écart de compétences qu’une année d’instruction supplémentaire permet de combler. Cette estimation ne sert pas à définir la profession ciblée pour laquelle le salarié pourrait suivre une formation (pour cela, l’écart de compétences suffit), mais à limiter l’éventail de professions de destination possibles à celles qui exigent au maximum 6 mois de formation.
Les informations concernant le niveau d’instruction moyen requis et les compétences exigées pour les différentes professions sont tirées de O*NET, celles concernant les salaires proviennent de l’Occupational Employment Survey des États-Unis. Le schéma des réorientations professionnelles est donc commun à tous les pays considérés, ce qui équivaut à supposer - dans le cadre de cet exercice - que les schémas des réorientations possibles sur le marché du travail américain s’appliquent également à d’autres pays.
← 1. La situation dans laquelle l’employeur a latitude pour déterminer le salaire sera désignée dans le présent chapitre par les termes « concurrence monopsonistique », « monopsone » « marché du travail monopsonistique », utilisés de manière interchangeable. De même, les termes « pouvoir de fixation des salaires », « pouvoir de monopsone » et « pouvoir de marché de l’employeur » sont utilisés comme des synonymes.
← 2. Les estimations de l’effet de la concentration d’un marché du travail sur les salaires et la sécurité de l’emploi produites dans le présent chapitre sont le fruit d’une collaboration avec la Banque d’Italie et l’Institut allemand de recherche sur l’emploi (IAB) et s’appuient sur les travaux de Giulia Bovini, Eve Caroli, Federico Cingano, Jorge Casanova, Paolo Falco, Florentino Felgueroso, Marcel Jansen, António Melo, Pedro Martins, Michael Oberfichtner et Martin Popp. Le Secrétariat de l’OCDE reste toutefois seul responsable des opinions exprimées ici.
← 3. Cela étant, la concentration du marché n’implique pas nécessairement un pouvoir de monopsone, puisque les travailleurs peuvent disposer d’un contre‑pouvoir. Par exemple, au milieu du 20e siècle, les petites villes des États-Unis ne comptaient généralement qu’un seul journal, de sorte que les marchés du travail locaux pour les typographes, qui mettaient en page et imprimaient chaque numéro, auraient été considérés comme fortement concentrés. Pourtant, au moins jusqu’aux années 1970, les typographes étaient organisés en un seul et puissant syndicat, et bénéficiaient d’avantages salariaux importants par rapport aux travailleurs d’autres secteurs manufacturiers (MaCurdy et Pencavel, 1986[151]).
← 4. Certaines mesures influent également sur le pouvoir de monopsone qui subsiste dans l’économie, ainsi que sur la façon dont un tel pouvoir pour les employeurs peut comprimer l’emploi ou les salaires. Les clauses de non-concurrence, par exemple, répondent à un objectif stratégique spécifique, mais limitent le nombre d’employeurs auxquels un travailleur peut s’adresser pour trouver un autre emploi. À l’inverse, les réglementations en faveur du dialogue social sont susceptibles de limiter le pouvoir unilatéral de fixation des salaires dont jouissent les employeurs. Par conséquent, les politiques publiques constituent une autre source de pouvoir de monopsone.
← 5. Les modèles fondés sur les préférences des travailleurs pour des entreprises différentes et les modèles « dynamiques » de monopsone ne s’excluent pas mutuellement. Ainsi, Manning (2020[25]) montre dans un modèle simple que la conjugaison des deux approches confère aux entreprises un pouvoir de monopsone plus fort.
← 6. Les pays concernés sont l’Autriche, le Costa Rica, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Italie, le Portugal et la République slovaque.
← 7. On pourrait s’appuyer sur des estimations directes de l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre dans l’entreprise. Toutefois, cela nécessiterait un instrument de mesure des évolutions salariales, ce qui compliquerait ensuite l’estimation de l’incidence de l’élasticité de l’offre de main-d’œuvre sur le fonctionnement du marché du travail (et en particulier sur les salaires).
← 8. Un grand nombre de pays européens sont couverts par Ascheri et al. (2021[50]), qui limitent toutefois la couverture statistique aux seuls marchés urbains.
← 9. Les pays couverts sont les suivants : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Estonie, États-Unis, France, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque, Royaume‑Uni, Singapour, Suède et Suisse. La sélection des pays est fonction de la disponibilité des données.
← 10. Azar et al. (2020[28]) font valoir que la classification la plus détaillée des professions utilisée dans ce chapitre est encore trop large, et que les intitulés d’emploi pourraient en fait être la mesure à utiliser. Les résultats présentés dans ce chapitre peuvent donc sous-estimer l’ampleur de la concentration.
← 11. La concentration du marché du travail est mesurée à l’aide de l’indice de Herfindahl-Hirschman (HHI) calculé sur la base des embauches, c’est-à-dire où est l’indice HHI sur le marché du travail local au moment considéré ; désigne le nombre total d’entreprises présentes sur le marché du travail local ; indique le temps et correspond à la part de l’entreprise dans l’emploi, les embauches ou les offres d’emplois sur le marché du travail local à un moment donné . Le plancher 0 de l’indice n’est atteint que dans le cas théorique où il existe un nombre infini d’entreprises. Sur un marché comptant un nombre limité d’entreprises n, l’indice est limité par le bas à 1/n (cas où chaque entreprise détient une part égale du marché).
← 12. Les seuils utilisés par la Commission européenne sont toutefois plus bas : 2 000 pour une concentration élevée et 1 000 pour une concentration modérée (Commission européenne, 2003[193]).
← 13. Les pays considérés comme pouvant être inclus dans cette analyse sont les suivants : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Estonie, États-Unis, France, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque, Royaume‑Uni, Singapour, Suède et Suisse. Les pays ont été sélectionnés en fonction de la disponibilité des données et d’un exercice de validation des données présenté dans l’Annex 3.B. En raison des limites que présentent les données, aucun exercice de validation de ce type n’a pu être réalisé pour l’Australie et Singapour, les résultats concernant ces pays doivent donc être interprétés avec une plus grande prudence.
← 14. Il s’agit, dans la CITI Rév. 4, des sections O, Administration publique et défense ; P, Éducation ; et Q, Santé et activités d’action sociale. L’omission des secteurs dans lesquels les employeurs du secteur public jouent souvent un rôle important est justifiée par le manque de données solides permettant de déterminer si les employeurs du secteur public utilisent leur pouvoir de fixation des salaires de la même manière que les entreprises privées.
← 15. En général, les résultats présentés dans ce chapitre concordent avec les travaux publiés sur la plupart des sujets, en particulier lorsque l’on considère que la définition d’un marché du travail diffère généralement d’une étude à l’autre dans au moins une dimension. L’étude qui utilise la définition du marché du travail local et de l’indice HHI la plus proche de celle présentée dans cette section (voir Encadré 3.1) fait état d’un indice HHI moyen de 1 361 aux États-Unis (Azar et al., 2020[28]), légèrement supérieur mais proche de la moyenne présentée ici (1 033). Les différences qui subsistent sont probablement dues aux procédures de nettoyage des données (voir Annex 3.B).
← 16. Cette série chronologique est tirée de données sur l’Autriche, le Costa Rica, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France et le Portugal.
← 17. Ces résultats sont valables pour tous les pays. On relèvera en particulier que chaque profession figurant parmi les cinq premières et les cinq dernières par ordre de concentration du marché du travail est également présente dans les cinq premières au niveau national dans la majorité des 15 pays de l’échantillon.
← 18. Le nombre de travailleurs des professions de santé n’entrant pas dans la section Q de la CITI (Santé humaine et activités de travail social) est limité. Pour autant, les professionnels de la santé et les professions intermédiaires de la santé continuent d’enregistrer les plus forts taux de concentration, même lorsque sont pris en compte les secteurs d’activité exclus de l’échantillon.
← 19. La moyenne choisie englobe les quatre trimestres afin d’absorber toute variation saisonnière indépendante des effets de la pandémie. Elle exclut le T12 020 pour des raisons d’ambiguïté sur la question de savoir si ce trimestre traduit la dynamique d’avant ou d’après le début de la crise dans tous les pays de l’OCDE.
← 20. Les exceptions notables sont la Lettonie et le Royaume‑Uni, qui ont chacun enregistré jusqu’alors les plus fortes hausses des cas de COVID‑19.
← 21. Les coefficients de pondération utilisés pour obtenir la concentration au niveau national sont constants et basés sur 2019 ; ils ne tiennent donc pas compte, par exemple, de l’évolution des suspensions d’activité obligatoires entre 2020 et 2021.
← 22. D’autres études portant sur des marchés particuliers obtiennent des résultats plus hétérogènes. Farsi et Macleod (2005[76]) et Prager et Schmitt (2021[77]), par exemple, ne constatent aucune incidence des fusions sur l’emploi dans le secteur hospitalier aux États-Unis.
← 23. Dans ce qui pourrait être la seule autre étude de ce type, Popp (2021[83]) constate des répercussions légèrement moindres, mais encore très lourdes (1.5 %), sans tenir compte de la concurrence sur le marché des produits et de la productivité.
← 24. Plus le nombre de nouvelles embauches sur un marché est important, plus le nombre maximum d’entreprises pouvant embaucher sur ce marché est élevé et plus le minimum théorique de l’indice de Herfindahl-Hirschman utilisé pour mesurer la concentration est bas.
← 25. Azar, Marinescu et Steinbaum (2022[52]), Rinz (2022[32]), Benmelech, Bergman et Kim (2022[29]), Arnold (2021[74]) et Schubert, Stansbury et Taska (2021[179]).
← 26. Martins (2018[35]), Abel, Tenreyro et Thwaites (2018[33]), Jarosch, Nimczik et Sorkin (2019[26]) Dodini et al. (2020[36]) Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]), Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]), Popp (2021[83]) et OCDE (2021[12]).
← 27. Seules les études qui ne tiennent pas compte des effets fixes au niveau de l’entreprise et des effets fixes individuels donnent des estimations situées dans le haut de la fourchette (Qiu et Sojourner, 2019[31] ; Arnold, 2021[74] ; Azar, Marinescu et Steinbaum, 2022[52]).
← 28. Plus précisément, l’OCDE (2021[12]) estime les élasticités des salaires pour plusieurs pays. Cependant, comme le reconnaît cette étude, les grands intervalles de confiance pour chaque estimation empêchent les comparaisons de pays à pays. Par conséquent, les estimations individuelles servent uniquement à calculer une élasticité moyenne pour l’ensemble des pays.
← 29. Les données sur les annonces d’offres d’emploi en ligne utilisées dans la section 3.2 permettent de couvrir un plus grand nombre de pays, mais elles ne contiennent pas d’informations sur les salaires individuels ou sur les trajectoires et caractéristiques individuelles. Elles ne sont donc pas utilisées ici. L’analyse de la demande de compétences de la Section 3.3.3, qui s’intéresse directement au contenu des offres publiées, s’appuiera à nouveau sur les données d’annonces d’offres d’emploi en ligne utilisées ci-dessus.
← 30. Dans le cas des travailleurs à temps plein, les salaires journaliers et horaires donneront probablement des élasticités voisines, ce qui est également vrai dans les données utilisées ici. En revanche, l’incidence sur les salaires journaliers non limitée aux travailleurs à temps plein est difficile à interpréter du fait qu’entrent également en jeu l’effet de la concentration sur les heures travaillées et l’incidence du travail à temps partiel de très courte durée.
← 31. Les erreurs types plus importantes pour le Danemark et le Portugal sont dues à un « effet de petit pays ». En raison du petit nombre de zones géographiques dans ces pays, l’instrument est relativement moins fiable.
← 32. Ces valeurs sont obtenues en multipliant l’élasticité des salaires estimée par le logarithme du ratio du 9e décile à la médiane de la répartition des concentrations (voir Graphique d’annexe 3.A.5). Il faut toutefois noter que ces estimations sont plus fiables à la moyenne de l’échantillon. Constat encore plus frappant dans quelques pays : l’élasticité des salaires est encore plus forte lorsqu’elle est estimée uniquement sur les marchés du travail locaux dont la concentration est inférieure à la moyenne. On en conclut que, globalement, l’effet négatif de la concentration se fait ressentir même dans les marchés encore loin d’atteindre les seuils de concentration généralement utilisés par les autorités antitrust.
← 33. Quelques études américaines (Qiu et Sojourner, 2019[31] ; Arnold, 2021[74] ; Azar, Marinescu et Steinbaum, 2022[52]) constatent des élasticités inférieures à ‑0.1 en termes absolus, tandis que d’autres, aux États-Unis également, dont les spécifications sont plus proches de celles adoptées ici, constatent des élasticités bien moindres, comprises entre ‑0.01 et ‑0.05 (Schubert, Stansbury et Taska, 2021[179] ; Benmelech, Bergman et Kim, 2022[29] ; Rinz, 2022[32]), comparables à celles trouvées dans des études européennes : Marinescu, Ouss et Pape (2021[34]) et Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]) constatent une élasticité de ‑0.020 et ‑0.024 respectivement pour la France, tandis que Martins (2018[35]), Dodini et al. (2020[36]) et Popp (2021[83]) obtiennent des estimations ponctuelles de ‑0.028, ‑0.010 et ‑0.043 pour le Portugal, la Norvège et l’Allemagne respectivement. Enfin, OCDE (2021[12]) constate une élasticité de ‑0.028 en fédérant les données de l’Autriche, du Danemark, de la France, de la Finlande et de l’Espagne et celles du Costa Rica.
← 34. Ce qui cadre avec les résultats obtenus par Arnold (2021[74]), Bassanini, Batut et Caroli (2021[57]) et Thoresson (2021[80]) qui constatent un effet important sur les salaires des titulaires aux États-Unis, en France et en Suède respectivement.
← 35. On note avec intérêt que les différences d’élasticités des salaires entre les pays sont faibles pour les titulaires, mais fortes pour les nouvelles embauches. L’élasticité au Danemark (‑0.037) est en fait plus du double de celle de l’Allemagne (‑0.016) et la différence est significative. Cela indiquerait des effets d’ajustement des salaires différents entre les pays.
← 36. Si les contrats temporaires sont parfois associés à des emplois stables et de bonne qualité dans des cas précis, les données dont on dispose font apparaître qu’ils sont plus généralement associés à une moindre sécurité de l’emploi ; voir par exemple OCDE (2014[192]). La fréquence des contrats temporaires donc donc une bonne indication de la sécurité de l’emploi.
← 37. L’analyse est limitée aux nouvelles embauches du fait de l’absence fréquente de données sur les types de contrats des titulaires. Plus précisément, ces données sont toujours absentes en Allemagne et en Espagne, et disponibles en Italie pour les seuls travailleurs embauchés après le début de la fenêtre d’échantillonnage (2012 pour l’Italie).
← 38. 85 % et 70 % des nouvelles embauches sont sous contrat temporaire dans les données de l’Espagne et de l’Italie, respectivement.
← 39. Ces effets sont importants en termes de pourcentage, ils ne le sont pas en termes de points de pourcentage compte tenu du très faible taux de conversions dans ces pays.
← 40. Dans ces pays, les informations sur les types de contrats ne sont pas régulièrement actualisées sur le calendrier de l’emploi.
← 41. Cela ne peut toutefois pas être fait avec les données portugaises.
← 42. Cette définition des jeunes est légèrement différente de celle donnée plus haut pour tenir compte des données différentes utilisées dans cette section.
← 43. L’exclusion des apprentissages de l’échantillon réduirait effectivement l’estimation ponctuelle de l’effet de la concentration du marché du travail sur la probabilité d’embauche sous contrat permanent d’environ 25 %.
← 44. Modestino et al. (2016[48] ; 2020[102]) expliquent les observations par les variations de l’intensité du recrutement, c’est-à-dire le comportement stratégique des employeurs qui investissent davantage de ressources dans les procédures de recrutement lorsque l’offre de talent sur le marché est plus forte. Hershbein and Kahn (2018[44]) montrent que la demande de compétences par les employeurs augmente en permanence après des bouleversements liés à des évolutions technologiques ou des augmentations de capitaux.
← 45. Cette sous-section s’inspire des analyses présentées dans OCDE (2019[15]) et OCDE (2020[149]) et les actualise.
← 46. Les études établissent parfois une distinction entre clauses de « non‑concurrence » et clauses de « congé de fin de contrat », la différence étant que, dans le second cas, le travailleur est indemnisé pendant toute la période de validité de la clause après avoir quitté son employeur, alors que, dans le premier cas, il ne l’est pas – voir par exemple Nicandri (2011[188]). Pour les besoins du présent chapitre, l’expression « clause de non-concurrence » se rapporte aux deux catégories de clauses car, dans un nombre croissant de pays et d’États, une clause ne prévoyant pas d’indemnisation des travailleurs n’est pas exécutoire.
← 47. Le Mexique et quelques états des États-Unis, dont la Californie, le Dakota du Nord et l’Oklahoma, sont des exceptions de longue date (OCDE, 2019[15]). En 2020, le District of Columbia a également adopté une loi interdisant les clauses de non-concurrence dans les contrats de travail (D.C. Law 23‑209: Ban on Non-Compete Agreements Amendment Act of 2020).
← 48. Dans presque tous les pays et territoires, les clauses de non-concurrence doivent couvrir un périmètre géographique limité pour être applicables. En conséquence, et notamment en ce qui concerne les métiers peu qualifiés, il suffit souvent de trouver un emploi dans une autre ville pour surmonter la contrainte qu’elles imposent.
← 49. La présomption réfutable d’utilisation abusive signifie qu’il appartient à l’employeur de prouver que l’usage de la clause n’est pas abusif. Si les tribunaux estiment que les preuves avancées ne sont pas convaincantes, la règle consiste à juger la clause abusive.
← 50. Plusieurs états des États-Unis ont engagé des réformes en ce sens ces dernières années, exonérant notablement de ces clauses les salariés dont la rémunération est inférieure à un niveau donné (parfois élevé) (Lewi et al., 2021[189]). En Europe, des interdictions partielles de même nature existent en Autriche, en Belgique et au Luxembourg – voir OCDE (2019[15]).
← 51. Il y a collusion illicite, par exemple, lorsque des entreprises en concurrence pour recruter le même type de travailleurs conviennent de ne pas embaucher les salariés des concurrents (accords dits de « non-débauchage ») ou lorsque des entreprises concurrentes sur le même marché du travail conviennent d’appliquer une politique commune de rémunération (collusion salariale), sauf lorsque cela intervient dans le cadre de négociations collectives de branche.
← 52. Le débat entre régulateurs reste ouvert quant à la façon d’évaluer les effets sur le marché du travail et sur le marché des produits en aval lorsqu’ils sont de signe opposé - voir OCDE (2019[15]) – bien que, dans certains pays, des directives indiquent clairement qu’une fusion sur un marché amont ne doit pas être évaluée à l’aune de ses conséquences sur le marché aval (Ministère américain de la Justice ; Federal Trade Commission, 2010[4]).
← 53. La formulation initiale du modèle de monopole bilatéral remonte à 1928 (Bowley, 1928[190]).
← 54. Lorsque l’externalisation internationale est possible, les entreprises multinationales peuvent menacer de transférer une partie de leurs chaînes de production à l’étranger dans l’objectif d’affaiblir le pouvoir des syndicats dans leur pays d’origine (OCDE, 2021[191]).
← 55. En pratique, dans un modèle de monopsone, à l’équilibre non contraint, l’emploi est inférieur à ce qu’il est à l’équilibre concurrentiel parce que la courbe représentant le coût marginal du travail se situe à un niveau plus élevé (et sa pente est plus accentuée) que la courbe de l’offre. Un salaire minimum modéré abaisse la courbe du coût marginal et l’aplatit. De ce fait, l’emploi est plus élevé qu’à l’équilibre non contraint et plus réactif aux variations de la demande de main d’œuvre.
← 56. Le fait que les effets estimés du salaire minimum aux États-Unis deviennent dans l’ensemble moins négatifs (voire positifs) sur des périodes d’observation plus récentes (Dube, 2019[158]) semble indiquer que les situations de monopsone se sont généralisées au fil du temps.
← 57. Les indemnités ne sont cependant pas toujours efficaces par rapport au coût, surtout si ells visent les salaries, et peuvent créer des effets de concurrence pour les travailleurs dans la region de destination (Schmutz et Sidibé, 2019[186]).
← 58. Un autre exercice, non présenté ici, suppose que la profession ciblée est celle qui optimise le gain salarial du travailleur, sous réserve d’une période de formation de six mois maximum.
← 59. Le Canada et Singapour sont écartés en raison de l’absence de données relatives à l’emploi au niveau à trois chiffres de la CITP‑08. Le calcul des transitions au niveau à trois chiffres de la CITP‑08 est classique (Bechichi et al., 2018[184] ; Bechichi et al., 2019[185]) et obligatoire dans ce contexte pour associer les mêmes transitions aux données de l’Australie, des États-Unis et du Royaume‑Uni (provenant de la SOC‑2010) qu’aux données européennes (provenant de la CITP‑08). Les professions de la classification SOC sont converties en catégories de la CITP avant de calculer l’indice HHI. Pour les besoins de l’exercice, les indices HHI standard sont aussi recalculés au niveau à trois chiffres de la CITP.
← 60. Pour près des deux tiers des professions au niveau à trois chiffres de la CITP, il n’existe pas de reconversion admissible vers une autre profession dans la limite d’une formation de six mois.
← 61. D’une part, les coûts de licenciement augmentent avec l’ancienneté, ce qui réduit le pouvoir de négociation de l’employeur. De l’autre, en revanche, la réticence des salariés anciens à quitter leur emploi (parce qu’ils perdraient les avantages liés à l’ancienneté) accroît le pouvoir de monopsone de l’employeur.
← 62. Les régions TL3 regroupées sont les suivantes : Heilbronn (Stadtkreis) et Heilbronn (Landkreis) ; Baden-Baden (Stadtkreis) et Rastatt ; Rosenheim (Kreisfreie Stadt) et Rosenheim (Landkreis) ; Landshut (Kreisfreie Stadt) et Landshut (Landkreis) ; Passau (Landkreis) et Passau (Kreisfreie Stadt) ; Straubing (Kreisfreie Stadt) et Straubing-Bogen ; Regensburg (Kreisfreie Stadt) et Regensburg (Landkreis) ; Bamberg (Kreisfreie Stadt) et Bamberg (Landkreis) ; Bayreuth (Landkreis) et Bayreuth (Kreisfreie Stadt) ; Coburg (Kreisfreie Stadt) et Coburg (Landkreis) ; Ansbach (Kreisfreie Stadt) et Ansbach (Landkreis) ; Schweinfurt (Kreisfreie Stadt) et Schweinfurt (Landkreis) ; Würzburg (Landkreis) et Würzburg (Kreisfreie Stadt) ; Kaufbeuren (Kreisfreie Stadt) et Ostallgäu ; Kempten (Allgäu – Kreisfreie Stadt) et Oberallgäu ; Cottbus (Kreisfreie Stadt) et Spree‑Neiße ; Bremerhaven (Kreisfreie Stadt) et Cuxhaven ; Wilhelmshaven (Kreisfreie Stadt) et Friesland (DE) ; Bonn (Kreisfreie Stadt) et Rhein-Erft-Kreis ; Trier (Kreisfreie Stadt) et Trier-Saarburg ; Flensburg (Kreisfreie Stadt) et Schleswig-Flensburg ; Weimar (Kreisfreie Stadt) et Weimarer Land.
← 63. L’indice HHI trimestriel des offres d’emploi peut être exprimé comme suit :
où t désigne un trimestre, i une région TL3, j une profession de la classification SOC au niveau à 6 chiffres ou de la classification CITP au niveau à 4 chiffres, et k une entreprise. Autrement dit, l’indice HHI de l’ échantillon peut uniquement être défini par un trimestre, une région et une profession (ce qui correspond à la définition du marché du travail local ici – voir l’Encadré 3.1).
← 64. Une proportion substantielle des offres d’emploi en ligne sont publiées par des sites spécialisés, et les noms des vrais employeurs ne sont pas observables car les données EBG n’indiquent pas si l’employeur est un site ou un véritable employeur. Le processus de nettoyage des données des noms des employeurs utilisé ici nécessite donc l’identification des sites d’annonces. Dans chaque pays, les noms des 50 principaux employeurs sont sélectionnés à partir de leur pourcentage de postes à pourvoir. Les noms ainsi obtenus sont ensuite vérifiés pour définir s’il s’agit de sites d’annonces ou pas ; pour ce faire, on recense les recruteurs et sites d’annonces en ligne actifs à l’échelle mondiale (Robert Walters, Michael Page, Adecco, Völker, Grafton, Hays, CV-Online, Page Personnel par exemple), en repérant systématiquement les mots associés aux ressources humaines (« carrière », « recrutement », « RH », « emploi », « main d’œuvre », « personnel », « effectifs », « embauche », etc.) et en vérifiant manuellement leurs activités sur Internet.
← 65. La forme fonctionnelle de l’indicateur de dissemblance des compétences est conforme à Robinson (2018[187]), et l’une des plus utilisées dans les études spécialisées. Elle associe la simplicité (par le recours à la géométrie euclidienne) et la possibilité d’estimer des écarts de compétences bidirectionnels.