Quentin Vidal
OCDE
Perspectives de l’OCDE sur l’éducation numérique 2023
12. Transformer les écosystèmes d’éducation numérique grâce aux marchés publics
Copier le lien de 12. Transformer les écosystèmes d’éducation numérique grâce aux marchés publicsAbstract
Ce chapitre présente une vue d’ensemble des politiques et des pratiques de passation de marchés publics en matière d’éducation numérique dans les pays et entités infranationales de l’OCDE. Il étudie la façon dont ceux-ci font appel à une multitude de stratégies allant de la centralisation des achats publics à la fourniture d’orientations et d’assistance aux établissements en matière de processus d’achats d’outils et de ressources numériques — voire de la teneur même de ces achats. Ce chapitre met en lumière la façon dont les marchés publics peuvent contribuer à la transformation des écosystèmes numériques des pays. Pour cela, il présente des directives (souvent non contraignantes) qui visent à garantir la protection et la sécurité des données, à améliorer l’interopérabilité et, dans une moindre mesure, à encourager l’équité et l’efficacité.
Introduction
Copier le lien de IntroductionGrâce à l’adaptation numérique, les produits et services du domaine de la technologie sont devenus une partie intégrante de l’infrastructure pédagogique des pays, qu’ils accompagnent la gestion des établissements et du système éducatif ou encore l’enseignement et l’apprentissage (voir la Partie I du présent volume). Cette infrastructure englobe l’aspect matériel (le matériel numérique ou la connexion à Internet), l’aspect logiciel (les systèmes de gestion de l’information et de l’apprentissage ou les ressources d’enseignement et d’apprentissage numériques), la formation numérique et le développement professionnel des enseignants ainsi que les services de sécurité et de protection des données. En faisant appel à des approches différentes, les pays se procurent des outils et des ressources numériques auprès de fournisseurs commerciaux du domaine des technologies éducatives (le secteur « EdTech »). Les outils achetés à l’aide de fonds publics peuvent être utilisés par les pouvoirs publics eux-mêmes, les établissements, les enseignants et les élèves. Même lorsque les outils et les ressources d’éducation ne sont ni fournis ni achetés par les autorités publiques, celles-ci peuvent orienter et réglementer les processus d’achat des établissements, des enseignants et des élèves. C’est d’autant plus important que les outils et les ressources technologiques sont généralement plus coûteux que le matériel pédagogique traditionnel, comme les manuels scolaires, et peuvent nécessiter une expertise qui fait le plus souvent défaut dans les contextes éducatifs.
Les marchés publics, aussi appelés achats publics, désignent les procédures et processus officiels grâce auxquels les entités publiques, comme des gouvernements centraux, fédéraux, nationaux ou locaux, des organismes gouvernementaux ou des entreprises publiques achètent des biens, des services ou des travaux auprès de fournisseurs ou prestataires externes (OECD, 2009[1]). Outre les achats ou les locations à court ou long terme, ils englobent des partenariats public-privé, des concessions et d’autres accords contractuels, ainsi que l’utilisation de subventions, de prêts et d’autres formes d’aide financière provenant de fonds publics.
Dans le contexte de l’éducation, les pouvoirs publics ont recours aux marchés publics pour se procurer différents produits et services qu’ils estiment nécessaires au bon fonctionnement du système éducatif et des établissements sans pour autant être en mesure de les mettre au point, de les détenir ou de les fournir. Les marchés publics de l’éducation vont de l’achat de manuels et fournitures scolaires et de services d’entretien des bâtiments à des services de transport et à la construction d’infrastructures éducatives. Ce chapitre porte sur les marchés publics relatifs aux infrastructures numériques dématérialisées (outils et ressources logiciels) et non aux équipements matériels (voir (Fragoso, 2023[2])).
La passation de marchés publics se déroule le plus souvent en plusieurs étapes. Une fois qu’un gouvernement a identifié les besoins, il publie un appel d’offres invitant les fournisseurs potentiels à soumettre une proposition de façon transparente et concurrentielle. En règle générale, un comité de sélection procède à l’évaluation de ces offres en fonction de critères prédéfinis avant de décerner le contrat au fournisseur choisi, souvent à l’issue de négociations portant sur les conditions générales. Une fois le contrat en vigueur, des mécanismes de suivi peuvent être mis en place afin d’assurer la qualité des produits ou services et le respect des conditions convenues.
Ces processus visent à garantir la transparence, l’équité, la concurrence ainsi que la responsabilité en matière de dépenses publiques (OECD, 2021[3]). La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance des infrastructures préconise 1) de sélectionner les prestataires selon des critères reposant à la fois sur la qualité et sur le prix et incluant une évaluation des coûts, avantages et impacts potentiels tout au long du cycle de vie de l’actif ; 2) d’évaluer rigoureusement la répartition optimale des risques et l’utilisation d’outils d’analyse du rapport coût-efficacité pour comparer les solutions de prestations de services ; et 3) de mettre en place des relations contractuelles équilibrées, et rendre les prestataires responsables du cahier des charges et des normes professionnelles.
Pour le secteur de l’éducation en particulier, les pays se sont dotés de directives et de garde-fous afin de garantir que les fonds provenant des contribuables soient consacrés à l’achat d’outils et de ressources équitables et efficaces. En l’occurrence, garantir l’égalité en matière d’accès et d’utilisation des infrastructures numériques dans les établissements constitue un enjeu pour les pays dont la gouvernance et les chaînes de responsabilité sont décentralisées. La centralisation des marchés publics ou de la réglementation des achats des établissements et des enseignants peut au moins offrir un accès homogène aux principales composantes d’une infrastructure d’éducation numérique — même si des inégalités peuvent persister.
Ce chapitre est structuré de la façon suivante : il présente tout d’abord les politiques et pratiques de passation des marchés publics dans différents pays, en s’appuyant notamment sur des informations collectées lors de l’enquête de l’OCDE sur les infrastructures et la gouvernance en matière d’éducation numérique. Il met en avant les différentes stratégies utilisées par certains pays ainsi que leurs différents objectifs. En conclusion, il résume ses constats, met en relief les points de tension présents dans la réglementation des marchés publics et rappelle à quel point les achats publics contribuent aux objectifs politiques à la faveur d’incitatifs.
État des lieux
Copier le lien de État des lieuxLes pouvoirs publics achètent de nombreux biens et services afin de mettre en œuvre des politiques et d’offrir des services publics dans différents secteurs. Les dépenses liées aux marchés publics en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) ont augmenté de façon significative dans les pays de l’OCDE au cours des dix dernières années : elles sont passées de 11.8 % du PIB en 2007 à 12.9 % en 2021 (OECD, 2023[4]). Les marchés publics interviennent dans tous les domaines socio-économiques, de la santé et de la protection de l’environnement à l’ordre public et aux affaires économiques (dont les infrastructures, les transports, les communications, l’énergie et les activités de R-D). Si le secteur de la santé se taille la part du lion en matière de dépenses publiques avec 31.9 % des dépenses publiques d’un pays moyen de l’OCDE en 2021, l’éducation arrive en troisième position, avec 10.7 %. On observe relativement peu de variations d’un pays à l’autre (voir le Tableau 12.1, le Graphique 12.2 et le Graphique 12.3). Les données comparables sur les dépenses publiques dans le domaine de l’éducation numérique demeurent toutefois relativement limitées (voir l’encadré 12.1).
Encadré 12.1. Ressources consacrées aux infrastructures numériques dans l’éducation : rareté des données comparables sur le financement et la rentabilité
Copier le lien de Encadré 12.1. Ressources consacrées aux infrastructures numériques dans l’éducation : rareté des données comparables sur le financement et la rentabilitéMoins d’investissements dans l’éducation que dans d’autres secteurs…
S’il est difficile d’obtenir des données sur les dépenses du secteur public en faveur de l’éducation numérique, celles du secteur privé peuvent en esquisser un aperçu. Selon des estimations du marché, les dépenses réalisées à l’échelle mondiale par les pouvoirs publics, les employeurs et les consommateurs en matière de matériel, de logiciel et de services d’ordre technologique sont en hausse. Elles représentent néanmoins une part modeste (4 %) des dépenses mondiales en faveur de l’éducation et de la formation, bien en deçà des dépenses consacrées à la santé et à l’action climatique, par exemple (HolonIQ, 2020[5] ; HolonIQ, 2021[6]).
… et des investissements qui ne sont pas tous rentables
Des données issues de la littérature d’évaluation expérimentale et quasi expérimentale laissent à penser que les programmes qui investissent en faveur d’équipements d’éducation numérique et de connectivité ont permis d’élargir l’accès à l’éducation numérique et de distribuer des ordinateurs, et ont également entraîné une forte amélioration du taux d’utilisation des ordinateurs et des compétences en informatique (Escueta et al., 2017[7]). Ces tendances se retrouvent dans différentes interventions politiques (comme des subventions pour aider les ménages à faible revenu à acheter un ordinateur, des programmes mettant un ordinateur ou une tablette à la disposition de chaque élève et des subventions pour les ordinateurs scolaires). Selon de nombreuses études, la hausse des investissements en faveur des infrastructures numériques sous la forme d’ordinateurs fixes ou portables, de tablettes ou d’accès des élèves à Internet n’a que peu (ou pas) d’incidence positive sur leurs résultats scolaires (Bulman et Fairlie, 2016[8] ; Escueta et al., 2017[7]). Si cela doit rester le cas, le renforcement des compétences numériques et la modernisation de l’éducation demeurent un objectif politique de premier plan. Les politiques qui entendent mettre un terme aux inégalités d’accès aux équipements numériques doivent aller de pair avec une augmentation de la capacité des utilisateurs et du système d’apprentissage au sens large.
Source : (OECD, 2023[9]). Shaping Digital Education: Enabling Factors for Quality, Equity and Efficiency, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/bac4dc9f-en.
Notre analyse comparative porte sur 29 pays et entités infranationales de l’OCDE. Leurs réponses aux questionnaires ont été validées lors de réunions organisées avec chaque équipe nationale puis enrichies à l’aide de recherches documentaires (voir le document connexe Gouvernance nationale et écosystèmes d’éducation numérique. Complément du rapport Perspectives sur l’éducation numérique 2023 (OECD, 2023[10]).
La majorité des pays et entités ayant pris part à notre collecte de données fournissent des outils et ressources numériques aux établissements de façon centralisée (European Commission, 2023[11]). Parmi 29 pays et entités, 21 (soit plus des deux tiers) achètent une partie de ces outils et ressources numériques de façon centralisée, tandis que 11 (plus d’un tiers) délèguent cette tâche à une autre organisation, le plus souvent un organisme public (voir le Graphique 12.1, le Graphique 12.2 et le Graphique 12.3).
Dans les huit pays et entités qui n’achètent pas d’outils et de ressources numériques de façon centralisée, le gouvernement central intervient peu (ou pas) dans la fourniture et la gestion de l’infrastructure d’éducation numérique (à l’image de la Tchéquie et des Pays-Bas, où les établissements sont libres de se procurer leurs propres solutions numériques tant qu’elles répondent à des objectifs fixés par le gouvernement), délègue la majeure partie des responsabilités aux administrations régionales et locales (p. ex. aux États dans le cas des États-Unis ou aux municipalités dans le cas de la Finlande et de la Suède) ou met au point et détient (au lieu d’acheter) la plupart des solutions numériques qu’il fournit, tout en laissant aux établissements la liberté d’enrichir cet écosystème en procédant à leurs propres achats (comme en Italie et dans la communauté française de Belgique). À l’exception de la Tchéquie et de la Finlande, tous fournissent des orientations aux établissements en matière de marchés publics.
Tableau 12.1. Pratiques de passation des marchés publics des gouvernements centraux et infranationaux dans les pays de l’OCDE (2024)
Copier le lien de Tableau 12.1. Pratiques de passation des marchés publics des gouvernements centraux et infranationaux dans les pays de l’OCDE (2024)
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Marchés passés par le gouvernement central |
Marchés délégués aux administrations locales et réglementés par le gouvernement central |
Marchés délégués aux administrations locales et appuyés par le gouvernement central |
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Fourniture directe des outils et ressources |
Délégation de la fourniture d’outils et de ressources à une autre organisation |
Préautorisation d’une liste d’outils et de ressources pouvant être achetés |
Autorisation en amont de l’achat d’outils et ressources spécifiques |
Publication de critères contraignants liés aux achats publics pour favoriser… |
Négociations tarifaires avec les fournisseurs d’outils et de ressources |
Fourniture d’orientations aux établissements |
(autorisation au préalable) |
(autorisation au cas par cas) |
||||||
Autriche |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Brésil |
✓ |
✓ |
Sécurité |
✓ |
✓ |
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Canada |
✓* |
Égalité d’accès*, Sécurité*, |
✓* |
✓* |
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Chili |
✓ |
✓ |
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Tchéquie |
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Danemark |
✓ |
✓ |
✓ |
✓* |
Sécurité |
✓ |
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Estonie |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓ |
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Finlande |
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France |
✓ |
✓ |
Égalité d’accès, Sécurité, Interopérabilité |
✓ |
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Hongrie |
✓ |
✓ |
✓ |
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Islande |
✓ |
✓ |
✓ |
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Irlande |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Italie |
✓ |
✓ |
Sécurité, Durabilité |
✓ |
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Japon |
✓ |
✓ |
✓ |
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Corée |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓* |
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Lettonie |
✓ |
✓ |
✓ |
Sécurité, Durabilité |
✓ |
✓ |
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Lituanie |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Luxembourg |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Mexique |
✓ |
✓ |
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Pays-Bas |
✓ |
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Nouvelle-Zélande |
✓ |
✓ |
✓ |
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Slovénie |
✓ |
✓ |
✓ |
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Espagne |
✓ |
✓ |
✓* |
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Suède |
✓ |
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Türkiye |
✓ |
✓ |
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États-Unis |
Égalité d’accès*, Sécurité* |
✓ |
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Angleterre (Royaume-Uni) |
✓ |
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Comm. flamande (Belgique) |
✓ |
Sécurité |
✓ |
✓ |
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Comm. française (Belgique) |
✓ |
✓ |
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Total |
21 |
11 |
9 |
7 |
8 |
15 |
21 |
Remarque: Les astérisques (*) indiquent que ce mécanisme est mené à un échelon infranational, par exemple par les provinces et les territoires au Canada ou les municipalités au Danemark.
Les pays mettent à profit plusieurs stratégies de marchés publics
Copier le lien de Les pays mettent à profit plusieurs stratégies de marchés publicsLes pays adoptent des approches de gouvernance différentes en matière de marchés publics dans l’éducation, et dans l’éducation numérique en particulier. Ces approches suivent le plus souvent les chaînes de gouvernance et de responsabilité des systèmes d’éducation. Les sections ci-dessous présentent ces mécanismes du plus centralisé au plus décentralisé, en notant toutefois que ces approches ne sont pas incompatibles. Notre étude montre que les pays cumulent généralement diverses approches.
Mettre à profit les achats publics centralisés
Parmi les 29 pays et entités pour lesquels nous disposons de données comparables, 21 (soit plus des deux tiers) achètent de façon centralisée des outils numériques de gestion des établissements et du système éducatif, des ressources pour l’enseignement et l’apprentissage, ou les deux. Parmi ceux-ci, 11 partagent cette responsabilité avec un organisme national extérieur au ministère (ou département) de l’Éducation.
Un cas classique d’achats directs menés de façon centralisée concerne l’acquisition à grande échelle de licences permettant à un très grand nombre d’utilisateurs d’accéder aux produits ou aux services de fournisseurs commerciaux de technologies éducatives. Par exemple, en Autriche (voir l’Encadré 12.2), dans la Communauté flamande de Belgique, en Lituanie et au Luxembourg, le gouvernement central procure des licences pour Microsoft Office 365 à tous les élèves scolarisés dans le système d’éducation ainsi qu’aux chefs d’établissement et aux enseignants. Il s’agit parfois d’un legs de la pandémie de COVID-19 et de l’impératif de garder le contact avec les élèves pendant la fermeture des établissements, par exemple grâce à Microsoft Teams. Lorsqu’ils ne sont pas mis au point par le gouvernement central, mais acquis auprès de fournisseurs commerciaux, les outils de gestion du système sont eux aussi achetés à un niveau central. C’est notamment le cas des systèmes d’information scolaires (SIS) dans 7 pays sur les 29 pour lesquels nous disposons d’informations comparables. Les outils de gestion des établissements, quant à eux, sont plus souvent achetés par des autorités infranationales, voire directement par les établissements. Par exemple, les systèmes commerciaux de gestion de l’apprentissage (LMS) sont fournis par les pouvoirs publics aux établissements dont ils ont la responsabilité dans 10 pays, dont plusieurs provinces et territoires au Canada, districts américains et municipalités des pays nordiques, et par les établissements eux-mêmes dans 14 pays (voir (Vincent-Lancrin, 2023[12])).
Parmi les 21 pays qui achètent les outils et ressources numériques à l’échelon central, plusieurs font appel à un processus de marchés publics principalement centralisé, soit parce que la fourniture et la gestion de l’infrastructure numérique de l’éducation incombent en grande partie au gouvernement central, soit parce que les établissements manquent d’appui (financier) ou d’orientations les incitant à acheter leurs propres outils et ressources. En règle générale, ces systèmes d’éducation sont les plus centralisés (comme la Hongrie) ou les plus petits (comme l’Islande).
En Hongrie, le ministère de l’Éducation et ses organismes spécialisés jouent un rôle de premier plan dans la fourniture et la gestion d’outils et de ressources numériques pour les établissements de l’enseignement primaire et secondaire, conformément à leur rôle central au sein du système d’éducation. Les établissements sont libres d’acheter leurs propres outils et ressources à hauteur d’une certaine somme, mais les acquisitions qui dépassent ce plafond sont assumées par leurs gestionnaires. Pour les appuyer, le Centre Klebelsberg regroupe les demandes des centres des districts scolaires (elles-mêmes regroupées par les établissements) et se charge du processus d’achat des outils et ressources numériques demandés par les établissements publics de l’enseignement primaire et secondaire. Ce processus de centralisation des demandes renforce le pouvoir de négociation avec les fournisseurs externes, notamment en termes de prix, et permet de bénéficier d’une plus grande disponibilité des compétences techniques.
En France, le gouvernement achète directement des outils et ressources numériques que les établissements intéressés peuvent ensuite choisir d’utiliser. Les marchés publics sont généralement du ressort du ministère de l’Éducation et de ses organismes comme le réseau Canopé, mais ce rôle peut aussi incomber à d’autres institutions publiques nationales ou régionales comme la Banque des territoires. En complément de ceux qu’il met au point et fournit lui-même, le gouvernement français achète des outils et ressources numériques auprès de partenaires externes. En l’occurrence, en 2016, un appel d’offres a conduit des éditeurs et des entreprises du secteur des technologies éducatives en France à créer plusieurs banques de ressources numériques éducatives (BRNE). Celles-ci donnent accès à des milliers de ressources d’enseignement et d’apprentissage numériques, d’outils de création et de services de communication et d’interaction entre les enseignants et les élèves. Grâce aux relations solides tissées entre le ministère et les prestataires pendant la passation de ce marché, les éditeurs ont été en mesure d’harmoniser l’intégralité du contenu pédagogique des BRNE au programme d’enseignement français dans toutes les disciplines et pour tous les niveaux.
Cette approche n’empêche toutefois pas les établissements français d’acheter d’autres solutions numériques en parallèle. Des projets mis en œuvre récemment comme le Compte ressources entendent laisser les établissements (et les enseignants) plus libres d’acheter d’autres outils et ressources numériques à leur discrétion — ou à la discrétion des autorités locales dont ils dépendent dans le cas des établissements primaires. Pour accompagner les établissements dans leurs décisions, le ministère a mis au point le gestionnaire d’accès aux ressources numériques (GAR), interface entre les établissements et les fournisseurs de technologies éducatives. Par son biais, le ministère conditionne l’achat de solutions et ressources numériques à des critères portant sur l’égalité d’accès, l’interopérabilité et la sécurité. En outre, il octroie un label de sécurité aux ressources du catalogue du GAR fournies par des entreprises du domaine des technologies éducatives. En plus d’assurer un encadrement et d’édicter des critères d’achats, le ministère fournit des orientations générales aux établissements concernant la passation des marchés publics1.
La centralisation de la passation des marchés publics peut réduire la complexité et les risques qui y sont associés, faire gagner en efficacité grâce aux économies d’échelle et garantir l’interopérabilité des systèmes (OECD, 2023[9]). Une stratégie centralisée peut également mieux convenir lorsque les établissements n’ont que peu de capacités et de ressources internes à consacrer à leurs achats. Mais dans les établissements à même de renforcer cette capacité, les services centralisés peuvent être considérés comme rigides, lents et incapables de répondre aux demandes qui n’entrent pas dans les priorités nationales (OECD, 2021[13]).
Orienter les achats publics décentralisés : autorisations préalables et au cas par cas
Une deuxième approche, qui repose sur des achats publics semi-centralisés, s’observe dans les pays qui fournissent ou achètent des outils et ressources numériques de manière centralisée tout en autorisant et en aidant les établissements à acheter leurs propres solutions, sous réserve d’approbation. C’est généralement le cas dans les pays nordiques, où la gouvernance du système d’éducation est répartie entre le gouvernement central et les exécutifs locaux ; ou dans les pays où les établissements disposent d’un certain degré d’autonomie pour acheter leurs propres solutions tout en restant sous la houlette du gouvernement central.
Les pays font le plus souvent appel à deux mécanismes pour contrôler les décisions des établissements quant aux marchés publics. Ils peuvent approuver au préalable des listes d’outils numériques parmi lesquels les établissements ont toute latitude de choisir, autoriser les établissements à utiliser des outils au cas par cas, ou les deux. Parmi les 29 pays et entités pour lesquels nous disposons de données comparables, 9 (près d’un tiers) disposent de listes d’outils numériques approuvés parmi lesquels les établissements sont libres de faire leur choix et qui se substituent parfois aux outils mis à disposition par les pouvoirs publics ; tandis que 7 approuvent les outils et ressources numériques choisis par les établissements au cas par cas en amont de l’achat. Deux d’entre eux (le Danemark et l’Italie) font appel à la fois à des mécanismes préalables et au cas par cas — approche qui est toutefois du ressort collectif des municipalités au Danemark. Les pays et les entités qui souhaitent orienter, et non imposer, les décisions des établissements peuvent édicter des critères relatifs à la passation de marchés, comme le décrit la section ci-après.
Le Danemark illustre bien l’approche privilégiée par les pays nordiques. Le ministère danois délègue l’achat des outils numériques aux municipalités, qui disposent d’un financement central et d’une liste d’outils approuvés parmi lesquels elles peuvent faire leur choix afin d’équiper leurs établissements. Lorsque les établissements eux-mêmes souhaitent (ou ont besoin de) procéder à l’achat de solutions numériques, le Statens og Kommunernes Indkøbsservice A/S (SKI, « service d’achat municipal et national ») leur en accorde la permission au cas par cas par le biais d’une plateforme numérique2. Le SKI est un organisme mandaté par les pouvoirs publics pour rationaliser et professionnaliser la passation de marchés publics dans différents secteurs, y compris l’éducation. Il a été fondé en 1994 sous forme d’entreprise à responsabilité limitée codétenue par le gouvernement danois et Local Government Denmark. Sur les 49 milliards d’euros que le secteur public danois consacre chaque année à l’achat de biens et de services à des entreprises privées, 2.5 % transitent par le SKI. Dans l’éducation comme dans d’autres secteurs, l’objectif de la plateforme est d’obtenir des produits et services de qualité à des prix et des conditions plus favorables que ceux auxquels une organisation publique (comme un établissement) pourrait prétendre seule en procédant aux achats de son côté. À l’échelle locale, KOMBIT, l’organisation conjointe des services informatiques des municipalités, offre à ces dernières des orientations plus poussées sur l’achat d’outils et de ressources numériques et les aide à négocier avec les fournisseurs afin de décrocher des conditions plus favorables, tant sur le plan des tarifs que de la qualité.
En Italie, le ministère facilite l’accès des établissements à des outils et ressources numériques par le biais d’une application centralisée consacrée aux marchés publics appelée Protocolli In Rete. Elle est accessible par la plateforme SIDI (Sistema Informativo Dell’Istruzione, système d’information scolaire italien) et permet aux établissements de consulter et de choisir des outils privés approuvés par le ministère, mais aussi de déposer des demandes de subventions ministérielles pour des projets précis décrits dans la toute dernière stratégie d’éducation numérique du pays (Piano Nazionale Scuola Digitale). Cette application permet également aux fournisseurs privés d’être approuvés par le ministère et de mettre leurs biens et services à la disposition des établissements.
Soutenir les achats publics décentralisés : assistance et orientation
La décentralisation de la passation des marchés publics permet généralement aux établissements (ou aux districts scolaires) d’avoir une plus grande latitude dans le choix des outils et ressources qui répondent à leurs besoins précis. Cette décentralisation implique toutefois des coûts de vente plus élevés, une complexité accrue en raison de la multitude de procédures de passation des marchés et, pour les entreprises, moins d’occasions de croissance en raison de la fragmentation de la demande (OECD, 2023[9]).
Dans les pays où ils bénéficient d’une plus grande autonomie vis-à-vis des gouvernements centraux ou locaux, les établissements (et dans une moindre mesure, les enseignants) sont généralement libres d’acheter les solutions numériques de leur choix. Ils peuvent néanmoins bénéficier d’un appui ou d’orientations de la part des pouvoirs publics. Pour pouvoir assumer la responsabilité de l’acquisition d’infrastructures d’éducation numériques et prendre des décisions éclairées en la matière, il faut en effet que les établissements disposent d’informations, de capacités et de compétences suffisantes pour s’orienter parmi une multitude de produits, de services et d’outils de technologies pédagogiques, mais aussi comprennent les procédures de passation des marchés publics (OECD, 2023[9]). Si la délégation de cette mission aux établissements présente l’avantage de répondre à leurs besoins individuels en leur permettant de construire un écosystème numérique cohérent, elle doit s’accompagner d’orientations en bonne et due forme, faute de quoi les établissements pourraient acquérir des technologies trop gourmandes en support informatique ou trop complexes à utiliser, ce qui conduirait à ne pas en tirer pleinement parti. En parallèle, la décentralisation des passations de marchés dégage le gouvernement central de l’obligation d’investir en permanence pour éviter l’obsolescence rapide. Le renforcement des infrastructures numériques n’est pas un investissement ponctuel : il s’accompagne de coûts permanents pour gérer et mettre à jour les technologies acquises et assurer l’assistance nécessaire à leur bonne utilisation (OECD, 2022[14]). Pour garantir un accès suffisant aux équipements et outils numériques, il faut anticiper les investissements nécessaires avant toute pénurie ou lacune, ce que les établissements et les utilisateurs finaux sont plus à même de détecter que le gouvernement central.
Parmi les 29 pays et entités pour lesquels nous disposons de données comparables, 15 procèdent à des négociations avec les fournisseurs de technologies éducatives pour le compte des établissements, le plus souvent afin de passer des commandes de solutions numériques à grande échelle, synonymes de tarifs et de conditions contractuelles plus favorables. En Lituanie, par exemple, bien que les établissements et les enseignants aient toute latitude d’acheter leurs propres outils et ressources numériques, ils reçoivent l’appui du ministère pour tous leurs achats à moyenne et grande échelle. Avec l’organisme central d’achats, le ministère se charge de négocier les tarifs et les conditions contractuelles des solutions numériques que les établissements souhaitent acheter grâce à des subventions, des incitations financières ou des fonds non préaffectés (dans le cas des établissements publics, leur budget opérationnel). Le ministère publie aussi des listes de solutions recommandées (plutôt qu’autorisées) parmi lesquelles les établissements peuvent faire leur choix, ainsi que des orientations d’ordre général sur les processus de passation des marchés.
Même sans prendre part aux négociations tarifaires, les pouvoirs publics peuvent épauler les établissements en leur fournissant des orientations. Parmi les 29 pays et entités pour lesquels nous disposons de données comparables, 21 leur fournissent des orientations au niveau national ou central en ce qui concerne l’achat d’outils et de ressources numériques, comme des brochures réglementaires, des guides détaillés, des plateformes spéciales et des ressources recommandées. Dans les pays où la passation des marchés est au moins en partie décentralisée, le gouvernement a tendance à fournir des orientations sur les processus d’achats publics. En revanche, les orientations sur la teneur même des achats sont plus rares.
Souvent, les orientations en matière de marchés publics proviennent de paliers de gouvernance distincts au sein du système d’éducation. En Suède, bien que les municipalités, les établissements et les enseignants soient pleinement décisionnaires en matière d’achats d’outils et de ressources numériques, le gouvernement central les soutient de différentes manières. Tout d’abord, il octroie aux municipalités des subventions qui viennent compléter le budget qu’elles tirent des impôts locaux — bien que ces subventions ne soient pas préaffectées à l’acquisition d’infrastructures numériques. Deuxièmement, lorsque les établissements ou les enseignants souhaitent acquérir d’autres outils numériques avec leur propre budget opérationnel, ils bénéficient d’orientations générales de la part de l’organisme national des marchés publics du ministère et de l’association suédoise des autorités locales et des régions (SALAR). Cet organisme offre un soutien et des explications d’ordre général concernant les règles et les réglementations relatives aux marchés publics en vertu de la loi sur les systèmes de prédilection (« LOV »), tandis que l’association assure un soutien plus ciblé aux établissements et aux enseignants dans le cadre de l’Initiative d’aide à l’adaptation numérique des établissements (Skoldigistöd), sous forme de service à la clientèle et de séminaires axés sur la réussite des achats de solutions numériques3.Dans le cadre de cette initiative, SALAR collabore avec deux entreprises à responsabilité limitée entièrement détenues par les régions et les municipalités suédoises (Adda et Inera) dont la mission est d’épauler le secteur public en matière d’achats et d’adaptation numérique. Cette collaboration se déroule sous la houlette de l’Organisme national suédois pour l’éducation. Au-delà des marchés publics, cette initiative entend aider les chefs d’établissement à atteindre les objectifs définis dans la Stratégie numérique nationale pour le système d’éducation de 2017, en particulier en ce qui a trait à l’accès aux ressources numériques et au développement des établissements. Le soutien offert par SALAR aux municipalités porte aussi sur le problème des blocages par le fournisseur dans le cadre des passations de marchés publics et sensibilise autant aux avantages qu’aux inconvénients associés à la construction d’un écosystème numérique local avec des outils et des ressources provenant d’un nombre limité de fournisseurs. Des débats récents ont cherché à trouver le juste équilibre entre l’intégration, l’interopérabilité et les blocages techniques potentiels dans un tel système harmonisé, qui rendent l’emploi d’autres outils de plus en plus complexe4. La Finlande fait appel à une même approche décentralisée pour ses marchés publics, même si, en comparaison à leurs homologues suédois, les établissements finlandais reçoivent un budget plus conséquent de la part du gouvernement central. Les municipalités finlandaises achètent des outils de gestion des établissements ainsi que des ressources d’enseignement et d’apprentissage. Le ministère leur octroie des subventions non préaffectées à cet effet en vertu des lois centrales sur les contrats publics. Le ministère et l’association des autorités locales et régionales finlandaises gèrent conjointement le Groupe consultatif sur les marchés publics, dont le rôle est de fournir aux administrations contractantes à un palier inférieur de l’administration (c’est-à-dire les municipalités en ce qui concerne l’éducation) des informations et des conseils sur l’application de la législation en matière de marchés publics.
La création de plateformes sur les cadres des marchés publics, les fournisseurs de technologies éducatives ainsi que sur les outils et ressources disponibles constitue une solution pour que l’information circule entre les différents paliers de gouvernance (du gouvernement central aux établissements et aux enseignants). En Angleterre (Royaume-Uni) par exemple, le service d’orientation sur les marchés publics des établissements du ministère de l’Éducation explique les avantages des contrats-cadres existants, propose d’autres solutions rentables en fonction des commentaires formulés par les établissements et favorise le respect des réglementations en vigueur en matière de marchés publics (Gov.uk, 2022[15] ; OECD, 2023[9]). En outre, le gouvernement propose aux établissements des directives relatives au numérique et aux technologies et met actuellement au point un outil pour les aider à se comparer et à identifier les technologies dont ils devraient disposer (Department for Education, 2022[16]). Aux Pays-Bas, compte tenu de la nature décentralisée du système d’éducation et de la grande autonomie pédagogique des établissements, les pouvoirs publics n’édictent pas de critères relatifs aux achats d’infrastructures numériques. Néanmoins, afin d’encourager l’emploi de différents outils et ressources privés que les établissements sont susceptibles d’acquérir, Kennisnet, un organisme public gouvernemental, a mis au point un guide détaillé pour aider les établissements à faire leur choix à cet égard. En partenariat avec les conseils d’établissement, Kennisnet a également créé une base de données, le « guichet des informations du catalogue » (Koppelpunt Catalogusinformatie), qui offre aux établissements une vue d’ensemble exhaustive des ressources d’apprentissage numériques disponibles. Les établissements peuvent également adhérer à SIVON, la coopérative des conseils d’établissement, par laquelle ils peuvent faire l’acquisition de ressources pédagogiques, échanger leurs connaissances et leur expertise, organiser des demandes groupées et des achats communs d’équipements informatiques et obtenir des conditions et tarifs avantageux pour des produits et services informatiques5.
Encadré 12.2. Stratégies de passation de marchés publics dans les pays fédéraux
Copier le lien de Encadré 12.2. Stratégies de passation de marchés publics dans les pays fédérauxAutriche
En Autriche, en complément des outils et ressources fournis par les pouvoirs publics, le ministère fédéral de l’Éducation procure plusieurs logiciels privés sous licence tels que Google Classroom et Microsoft Teams. L’organisme autrichien des achats publics fédéraux (Bundesbeschaffungsgesellschaft GmbH), chargé de la passation des marchés publics pour les départements du gouvernement fédéral, appuie également les processus d’appels d’offres pour les établissements en proposant aux autorités provinciales et municipales des directives relatives à l’achat de solutions et ressources éducatives.
En outre, le ministère aide les établissements à faire l’acquisition d’outils numériques et de ressources d’enseignement et d’apprentissage en décernant un label d’assurance qualité aux applications pédagogiques (Gütesiegel Lern-Apps). Cette certification est octroyée par le ministère fédéral de l’Éducation, des Sciences et de la Recherche à des applications d’apprentissage numériques mobiles (et leur version web) qui satisfont à des critères de qualité précis et obtiennent des évaluations positives de la part des enseignants en matière de pédagogie, de fonctionnalité et de convivialité pour les élèves. Les entreprises dont les produits ont décroché cette certification sont autorisées à afficher le label de qualité correspondant sur leur site web. Cette certification entend orienter et aider les enseignants, les élèves et les parents à faire leur choix parmi les produits innovants sur le marché.
Canada
Au Canada, bien que les établissements et les enseignants soient libres d’acheter leurs propres outils et ressources numériques, ils bénéficient de différents appuis de la part des autorités d’éducation provinciales et territoriales. La plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux achètent directement les outils numériques pour le compte des établissements en misant sur des commandes d’envergure pour négocier des tarifs à la baisse et des conditions contractuelles plus avantageuses. Certains gouvernements provinciaux et territoriaux chargent des organisations régionales, comme Service Nouveau-Brunswick, le programme Electronics Partnership de la Saskatchewan ou Focused Education Resources en Colombie-Britannique, de gérer les achats de ressources numériques dans l’éducation.
Brésil
Au Brésil, les établissements disposent d’une certaine autonomie concernant le choix de leurs ressources éducatives numériques. Leurs processus de passation des marchés sont le plus souvent du ressort des États, des municipalités ou d’autres acteurs impliqués dans la gestion des réseaux d’établissements.
Cela étant, le gouvernement fédéral publie une liste de manuels scolaires numériques autorisés par le biais de son programme PNLD qui, compte tenu de sa taille, constitue un levier considérable pour négocier les tarifs avec les fournisseurs. Dans la même veine, l’échelle du système d’éducation brésilien permet également aux autorités fédérales, aux États ou aux municipalités d’envergure de négocier des conditions avantageuses pour l’utilisation de solutions numériques dans les établissements, ce qui leur a permis, par exemple, de négocier des accords nationaux avec Microsoft et Google. Outre des efforts visant tous les États, le gouvernement fédéral fournit des orientations sur les marchés publics passés au niveau infranational par les États, les municipalités ou les établissements privés souhaitant acheter des solutions avec des fonds publics discrétionnaires.
Mexique
Au Mexique, le gouvernement fédéral offre des subventions préaffectées à l’adoption de solutions numériques spécifiques. De plus, il mandate des organisations pour encourager l’utilisation de solutions numériques approuvées au préalable dans tout le pays, dresser des listes de fournisseurs approuvés et fournir des cadres juridiques aux contrats d’achats publics. À l’échelle fédérale, la Coordinación de Estrategia Digital Nacional (« coordination de la stratégie numérique nationale », ou CEDN) passe en revue et approuve tous les projets du gouvernement fédéral relatifs aux technologies de l’information et des communications.
Les pouvoirs publics peuvent et doivent se servir des marchés publics pour transformer leur écosystème numérique
Copier le lien de Les pouvoirs publics peuvent et doivent se servir des marchés publics pour transformer leur écosystème numériqueLes pays peuvent et doivent se servir des marchés publics pour transformer la nature des outils et des ressources d’éducation numériques à la disposition des administrateurs scolaires, des établissements, des enseignants, des élèves et des parents. Si les pouvoirs publics peuvent décider eux-mêmes des outils pouvant être achetés à l’aide de fonds publics, ils peuvent aussi orienter, réglementer, influencer ou inciter d’autres acteurs publics et privés à prendre des décisions en la matière (voir le Tableau 12.1). Cette section compare les façons dont les pays utilisent différents leviers pour orienter les passations de marchés publics à l’échelle centrale et locale et pousser le changement et l’innovation dans la direction de leur choix, notamment par le biais de critères restrictifs relatifs aux achats publics d’outils et de ressources.
Garantir la protection et la sécurité des données
Dans la plupart des cas, les pays édictent des critères restrictifs afin de garantir que les outils et ressources achetés soient conformes à leur réglementation en matière de protection des données et de la vie privée ainsi qu’à certaines normes de cybersécurité.
En France, le ministère fait appel au gestionnaire d’accès aux ressources numériques (GAR), interface mise en place par le gouvernement servant de trait d’union entre les établissements et les fournisseurs de technologies éducatives, pour garantir un certain niveau de cybersécurité lors des achats des établissements. En l’occurrence, le ministère octroie un label de sécurité aux ressources fournies par les entreprises de technologies éducatives qui satisfont aux critères techniques du catalogue du GAR. Les pouvoirs publics financent les projets de développement des individus et des organisations à condition que leurs ressources numériques répondent à certains critères, dont l’un concerne le respect des règles de protection et de confidentialité des données. Par l’entremise du GAR, la France impose également aux marchés publics des critères relevant de l’égalité en matière d’accessibilité (les ressources doivent être accessibles aux élèves ayant des besoins spécifiques) et d’interopérabilité (des normes dans ce domaine doivent être respectées).
Le Danemark étend son écosystème d’éducation numérique en subventionnant les municipalités en vertu de l’Initiative pour les portails d’utilisateurs de 2015, et en fournissant parfois une liste de solutions approuvées. Lorsque les établissements souhaitent (ou ont besoin de) s’équiper en choisissant leurs propres outils et ressources numériques, le SKI (l’organisme chargé des marchés publics à l’échelle municipale) peut leur en accorder la permission au cas par cas. Dans ce cas, le ministère impose des critères liés à la sécurité tels qu’édictés dans le Systemrevisionsbekendtgørelsen, décret de 2021 relatif aux obligations pour les outils numériques utilisés dans l’éducation. Ces approches illustrent la façon dont les pays peuvent veiller à ce que les établissements utilisent des outils et ressources conformes aux mesures nationales de protection et de sécurité des données sans nécessairement endosser la responsabilité de leur achat ou de leur fourniture.
Améliorer l’interopérabilité
Dans tous les pays étudiés, les acteurs du domaine de l’éducation ont accès à un ensemble d’outils et ressources numériques fournis par les autorités publiques et le secteur privé. Assurer un seuil minimal d’interopérabilité entre différents outils et ressources afin qu’ils puissent interagir, échanger des données et fonctionner de concert est un objectif politique clé dans la plupart des pays (voir (Vincent-Lancrin et González-Sancho, 2023[17]) pour en savoir plus sur l’interopérabilité des écosystèmes numériques). Garantir que les outils et les ressources respectent certains principes d’interopérabilité durant la passation de marchés publics, qu’elle intervienne à l’échelle centrale ou locale, constitue un moyen d’intégrer des fonctions d’interopérabilité aux outils et ressources numériques.
Les mesures incitatives prévues par le gouvernement (par le biais de règles ou de directives) ciblent le plus souvent le versant de la demande, en encourageant (ou contraignant) les acteurs du secteur de l’éducation à choisir des outils et des ressources approuvés ou en imposant expressément des critères d’interopérabilité aux achats publics. Dans les Territoires du Nord-Ouest (Canada), le gouvernement territorial recommande aux établissements de tenir compte de l’interopérabilité des données lors de leurs passations de marchés ; en Lettonie, les directives centrales à cet égard dans le domaine des TIC font de l’interopérabilité une priorité lors de l’achat de ressources et de technologies numériques6.
Mais les mesures incitatives peuvent aussi cibler le versant de l’offre, notamment pour atteindre d’autres objectifs que l’interopérabilité. En Finlande, les entreprises finlandaises du secteur des technologies éducatives sont incitées à intégrer MPASSid, le service d’identifiant unique (SSO) national, à leurs produits. Même en l’absence d’exigence officielle ou réglementaire, cette pratique est devenue la norme. Des pratiques similaires pourraient inciter les entreprises nationales des technologies éducatives à mettre au point et vendre des produits interopérables avec le reste de l’écosystème numérique du pays.
Favoriser l’équité et l’inclusivité
Les pouvoirs publics peuvent se servir des marchés publics et réglementer les achats à l’échelle locale pour encourager un accès équitable (ou minimal) aux infrastructures d’éducation numériques, réduire les fractures numériques et favoriser l’inclusion. En 2024, ces efforts étaient le plus souvent tournés vers cette dernière. Certains pays et entités sont dotés de lois imposant aux établissements d’acheter des outils et ressources numériques accessibles à tous les élèves, y compris à ceux ayant des besoins spécifiques. Si cela n’est pas possible, une autre solution doit être fournie.
Dans la Communauté flamande de Belgique, le ministère de l’Éducation octroie aux établissements une série de subventions (préaffectées ou non). Les subventions préaffectées, allouées par l’intermédiaire du plan d’action Digisprong, visent à couvrir l’acquisition de ressources numériques destinées à l’apprentissage et à l’enseignement. Quant aux subventions non préaffectées (par exemple, le budget opérationnel d’un établissement), elles peuvent être consacrées à n’importe quel type de ressources. Grâce à ces subventions, les établissements sont libres de se procurer des outils et des ressources numériques. Cela étant, le ministère fournit des orientations en matière de marchés publics et publie des circulaires relatives à des critères non contraignants pour les achats des établissements. L’un de ces critères porte sur l’égalité d’accès, et en particulier l’accessibilité pour les élèves ayant des besoins spécifiques. Grâce au financement octroyé par l’intermédiaire de Digisprong, les établissements sont expressément invités à acheter des équipements informatiques ainsi que des outils et ressources numériques à même d’assister ces élèves (avec des claviers ou souris adaptés, par exemple). Dans le cas des programmes des établissements visant à doter chaque élève d’un ordinateur portable, Digisprong recommande de privilégier les prêts (sans dépôt de garantie) aux paiements anticipés pour les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé7.
Une politique d’achats publics similaire existe aux États-Unis. Pleinement décisionnaires en matière d’achats publics, les États et les districts scolaires sont libres de choisir la quantité d’outils et de ressources numériques qu’ils fournissent, ce qui peut, en théorie, entraîner de fortes inégalités d’accès aux technologies d’un établissement à l’autre. Ils doivent néanmoins assurer aux élèves handicapés un accès équitable aux outils en vertu de la loi sur les personnes handicapées (IDEA). Ils doivent également satisfaire aux obligations en termes de sécurité des données et de protection de la vie privée de la loi sur la confidentialité et les droits des familles dans l’éducation (FERPA), la loi de protection des enfants sur Internet (CIPA) et la réglementation en matière de protection de la vie privée des enfants en ligne (COPPA).
Encadré 12.3. Des appareils numériques fournis à la location
Copier le lien de Encadré 12.3. Des appareils numériques fournis à la locationLuxembourg
Au Luxembourg, le programme public one2one permet aux établissements de l’enseignement secondaire de mettre une tablette à la disposition de chaque élève dans les classes participantes. Dans ce cas, les élèves peuvent louer la tablette pour un prix modique (davantage réduit pour les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé). Ce programme a pris de l’ampleur depuis son lancement en 2018 ; il concernait plus de 40 % des élèves de l’enseignement secondaire en 2021.Le caractère facultatif du programme one2one au Luxembourg le rend plus efficace et adapté aux besoins locaux tout en offrant l’égalité des chances à l’échelle des classes (si ce n’est des individus).
Japon
Le gouvernement japonais a mis en œuvre plusieurs programmes dans l’optique de renforcer l’égalité numérique. Depuis 2019, 481.9 milliards JPY (3.2 milliards USD) ont été investis en faveur du programme d’apprentissage numérique GIGA qui entend donner à tous les élèves un accès équitable et durable à l’éducation numérique. Dans le cadre du programme GIGA, tous les élèves dans les niveaux de scolarité obligatoire (enseignement primaire et premier cycle de l’enseignement secondaire) ont la possibilité de louer un appareil numérique (tablette ou ordinateur portable) pendant 5 ans. Des technologies d’assistance comme des afficheurs en braille, des technologies de synthèse vocale ou des systèmes de suivi oculaire sont également proposées aux élèves ayant des besoins spécifiques d’éducation et des handicaps. Le ministère encourage aussi la distribution d’appareils aux élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire afin que l’ensemble des effectifs à ce niveau dispose d’un appareil à l’horizon 2024.
Le programme GIGA est financé par le gouvernement central. Le choix de l’appareil numérique proposé aux élèves est toutefois du ressort des municipalités (pour l’enseignement primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire) et des préfectures (pour le deuxième cycle de l’enseignement secondaire), ce qui reflète les différentes priorités régionales. Grâce à ces appareils numériques fournis par les pouvoirs publics, les élèves peuvent accéder à des ressources pédagogiques comme des systèmes de gestion de l’apprentissage (par exemple, Manabi Pocket) et MEXCBT, un système d’auto-évaluation numérique. Si rien ne les oblige à fournir un appareil aux élèves, toutes les autorités locales ont néanmoins choisi de se joindre à cette initiative, ce qui leur permet de placer les élèves sur un pied d’égalité en matière d’accès aux appareils numériques.
Remarques : Programme One2one : https://portal.education.lu/cgie/INNOVATION/ONE2ONE ; participation : https://bildungsbericht.lu/fr/article/le-programme-one2one-dans-lenseignement-secondaire-au-luxembourg-dun-objectif-en-termes-dequipement-a-des-objectifs-en-termes-de-competences/
MEXT ne finance pas directement les établissements, mais les préfectures et les municipalités. C’est ensuite aux administrations locales qu’il revient de choisir les appareils qu’ils souhaitent acheter.
Veiller à ce que les établissements fassent l’acquisition d’outils et de ressources efficaces
Enfin, les pouvoirs publics peuvent décider, certes moins fréquemment, de conditionner les décisions relatives aux achats publics dans le secteur de l’éducation à des critères contraignant les établissements à acheter des outils et des ressources dont l’efficacité a fait ses preuves, que ce soit en termes de capacité technique (par exemple, la fiabilité de son diagnostic ou sa puissance prédictive) ou d’effets sur les résultats scolaires. Ce type de politique en matière de passation des marchés publics est une pratique courante dans le secteur de la santé, par exemple.
Aucune des 29 entités ayant pris part à notre collecte de données en 2024 n’édicte ce type de critère. Les données prouvant l’efficacité d’une technologie numérique sont rares, souvent limitées à un contexte précis et encore mal définies, ce qui peut empêcher les pouvoirs publics de limiter les options d’achats aux outils et aux ressources dont l’efficacité a été démontrée. Dans certains pays, l’efficacité supposée des outils et des ressources est néanmoins présentée comme un facteur devant entrer en ligne de compte lors des achats publics en matière de technologies numériques.
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral exige des preuves de l’efficacité des outils et ressources numériques lorsque ceux-ci sont achetés avec certains fonds fédéraux par les États, les districts et les établissements. La priorité doit être accordée à la définition des ressources « reposant sur des éléments factuels » au titre de la loi Every Student Succeeds, qui définit ces éléments selon un spectre allant de « prometteur » à « démontré » après un essai contrôlé randomisé. L’Office des technologies éducatives, qui fournit des orientations sur les marchés publics dans le domaine des technologies pédagogiques, a mis au point la boîte à outils EdTech Evidence Toolkit pour aider les autorités d’éducation locales à privilégier des décisions reposant sur des données factuelles lors de l’adoption et de l’utilisation de technologies éducatives dans les établissements8.
En Hongrie, l’organisme gouvernemental du numérique (DKÜ), qui dépend du cabinet du Premier ministre, est chargé d’harmoniser les processus de passation des marchés publics dans le domaine des technologies de l’information entre les différents secteurs, dont l’éducation. En plus de l’aspect tarifaire et de la compatibilité avec des outils et ressources courants, le DKÜ encourage les établissements à faire de l’efficacité des produits envisagés un critère à part entière. Bien que le DKÜ ne participe pas aux négociations tarifaires, il régit néanmoins le degré de latitude dont disposent les institutions acheteuses lors des négociations pour chaque passation de marché.
Résumé : principales observations, réflexions et tendances éventuelles
Copier le lien de Résumé : principales observations, réflexions et tendances éventuellesStratégies de passation des marchés publics dans l’éducation numérique
Les pays mettent à profit une multitude de stratégies pour la passation de marchés publics, généralement en fonction de leur modèle de fourniture et de gouvernance des infrastructures numériques dans l’éducation. Dans les systèmes d’éducation plus centralisés, les pouvoirs publics ont tendance à acheter directement les outils numériques pour la gestion des établissements et du système d’éducation, voire les ressources pour l’enseignement et l’apprentissage. Dans les systèmes d’éducation plus décentralisés, les pouvoirs publics ont tendance à déléguer cette mission aux administrations régionales et locales (voire aux établissements eux-mêmes) tout en fournissant des orientations sur les processus d’achats publics, et, plus rarement, sur la teneur même des achats. Certains pays et entités publient des réglementations, attribuent des approbations préalables ou au cas par cas, édictent des critères d’achats publics contraignants ou non contraignants et offrent une assistance spécialisée.
Ces approches ne sont pas incompatibles, et bon nombre de pays cumulent plusieurs de ces leviers pour transformer leur écosystème d’éducation numérique. En 2024, la plupart des initiatives publiques visant à orienter, assister ou réglementer les passations de marchés décentralisées mettent l’accent sur les économies d’échelle ainsi que la sécurité et la conformité aux réglementations en matière de protection des données. Certains gouvernements parviennent aussi à favoriser l’interopérabilité des différents outils et ressources numériques présents dans leur écosystème en publiant des listes de produits autorisés ou en stipulant des obligations en matière d’intégration de fonctions interopérables aux produits externes (par exemple, des systèmes à identifiant unique). Seule une poignée de pays pour lesquels nous avons collecté des données comparables ont adopté des mesures visant expressément à favoriser l’équité et l’inclusivité ou à assurer que les administrations régionales et locales (voire les établissements eux-mêmes)achètent des outils et ressources numériques considérés comme efficaces (dont les répercussions positives sur les résultats scolaires ont été démontrées, par exemple) et durables.
Les données recueillies sur les stratégies de marchés publics des pays et des entités infranationales laissent à penser que la plupart des gouvernements ont tendance à ne pas interférer avec les décisions des acheteurs finaux en ce qui concerne les outils et ressources d’éducation numériques. La plupart des réglementations s’intéressent aux procédures plutôt qu’aux questions de fond. Dans la majorité des pays, seule une petite partie de l’écosystème d’éducation numérique est fournie directement par le gouvernement central ou fédéral, y compris par le biais des marchés publics. Pour le reste, les autorités locales, les districts scolaires et les établissements sont généralement libres de prendre leurs propres décisions en matière d’achats publics. Les pays ont ainsi adopté des approches flexibles pour les marchés publics. La plupart n’orientent pas les décisions décentralisées à cet égard et n’imposent pas non plus de critères ou de restrictions relatifs aux outils et ressources numériques que les établissements sont susceptibles d’acheter.
Cela rejoint leurs politiques publiques habituelles de passations de marchés. Ces politiques peuvent découler de la nature même des technologies pédagogiques et du marché des technologies éducatives, bien que ce ne soit pas forcément le cas pour les produits de technologies pédagogiques parfois plus coûteux que le matériel pédagogique traditionnel. Premièrement, les besoins technologiques et éducatifs sont en constante évolution, ce qui empêche de définir des normes rigides qui s’appliqueront aussi aux innovations à venir. Deuxièmement, imposer des critères contraignants aux marchés publics peut créer des obstacles importants pour les fournisseurs externes de technologies éducatives, ce qui bride la concurrence et étouffe l’innovation sur ce marché. Les entreprises modestes ou émergentes dans ce secteur peuvent peiner à satisfaire à ces critères, ce qui les empêche de participer aux processus d’appels d’offres. Cette concurrence limitée pourrait aboutir à des situations de monopole entre quelques fournisseurs établis, avec à la clé un choix plus limité et une hausse potentielle des coûts pour les établissements d’enseignement. L’achat de produits auprès d’un même bassin restreint de fournisseurs peut aussi conduire à un effet de blocage de la part des fournisseurs, qui rendrait l’emploi d’autres outils et ressources de plus en plus difficile.
En fonction du dynamisme de leur secteur des technologies éducatives et des priorités politiques liées à certains types d’outils numériques, les pouvoirs publics peuvent mettre plus activement les passations des marchés au service d’objectifs précis en matière de sécurité, d’interopérabilité, d’équité et d’efficacité au sein de leur écosystème d’éducation. De plus en plus de pouvoirs publics seront amenés à définir des obligations et des normes précises pour encourager l’interopérabilité, synonyme d’une intégration et d’échanges de données efficaces entre les différents outils numériques. D’autres peuvent privilégier l’égalité en encourageant l’achat de technologies qui comblent la fracture numérique afin d’offrir un accès égalitaire aux ressources éducatives à tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-économique. Enfin, des pratiques efficaces en matière de passations de marchés permettent aux pouvoirs publics de choisir des outils et services qui répondent à leurs objectifs pédagogiques, ce qui garantit l’efficacité et la réussite d’ensemble des initiatives numériques dans le secteur de l’éducation.
Aligner les stratégies de marchés publics sur les modèles de gouvernance et les objectifs politiques
En termes d’infrastructure numérique, les pays doivent s’efforcer d’aligner leurs stratégies de marchés publics sur leurs modèles de gouvernance et sur le degré d’autonomie budgétaire des établissements. Une stratégie centralisée pourrait mieux convenir lorsque les administrations régionales et locales (et les établissements) n’ont que peu de capacités et de ressources internes à consacrer à leurs décisions d’achats. La centralisation de la passation des marchés publics peut, entre autres, réduire la complexité et les risques en la matière, améliorer la rentabilité grâce à des économies d’échelle et garantir l’interopérabilité des systèmes. La décentralisation de la passation des marchés publics peut permettre aux établissements (ou aux districts scolaires) qui en ont la capacité de bénéficier d’une plus grande latitude quant au choix d’outils et de ressources qui correspondent à leurs besoins. Cette décentralisation implique toutefois des coûts de vente plus élevés, une complexité accrue en raison de la multitude de procédures de passation des marchés et, pour les entreprises, moins d’occasions de croissance en raison de la fragmentation de la demande.
Dans la plupart des pays, les pratiques de passation des marchés reposent sur la décentralisation habituelle des responsabilités au sein du système éducatif, qui se justifie souvent par des motifs juridiques et parfois par la force des habitudes. Cette situation n’est pas une fatalité. Les pays pourraient envisager, pour certains outils et ressources numériques, de recourir à un modèle différent de celui auquel ils sont habitués. Plusieurs facteurs et objectifs seraient alors à prendre en compte, dont l’égalité d’accès, la qualité de l’offre des technologies pédagogiques, l’intégration plus poussée du système, le fait d’éviter l’achat d’outils inefficaces, etc., autant de facteurs pouvant imposer de modifier leur législation ou leurs pratiques habituelles.
Certains pays disposent d’un modèle mixte dans lequel les pouvoirs publics mettent à disposition un outil central ou infranational tout en permettant aux établissements ou aux autorités infranationales d’acheter un outil similaire à l’aide de fonds publics. C’est un modèle intéressant, car si l’on peut penser qu’il fait double emploi et entraîne un gaspillage de ressources publiques, il présente néanmoins l’avantage de fournir à tous les établissements une infrastructure numérique « minimale » gratuite. Il a pour autres avantages de laisser une certaine latitude aux établissements et de développer un niveau de compétence en technologie au sein des ministères/organismes publics.
Quelle que soit l’approche choisie, les pays doivent s’efforcer d’établir des partenariats public-privé satisfaisants et de créer des espaces de collaboration entre les établissements et le secteur des technologies éducatives. En 2024, les passations des marchés publics, qu’elles soient centralisées ou décentralisées, donnent la priorité à l’optimisation de la rentabilité. En offrant un appui et des orientations, en nommant des organismes chargés des marchés publics et en édictant des normes, des directives ou des critères contraignants, les pays pourraient faire des achats publics un levier politique supplémentaire à même de transformer les écosystèmes d’éducation numériques.
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[12] Vincent-Lancrin, S. (2023), « Learning management systems and other digital tools for system and institutional management », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[17] Vincent-Lancrin, S. et C. González-Sancho (2023), « Interoperability: unifying and maximising data reuse within digital education ecosystems », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
Remarques
Copier le lien de Remarques← 1. France : le GAR : https://gar.education.fr/ ; membres du GAR : https://gar.education.fr/partenaires-gar/ ; guide des marchés publics : https://eduscol.education.fr/211/acquerir-des-ressources-numeriques-pour-l-ecole
← 2. Suède : dans ce cas, le ministère impose des critères de sécurité en vertu de son Systemrevisionsbekendtgørelsen, décret de 2021 définissant les obligations en matière de solutions numériques dans l’éducation.
← 3. Suède : Orientations sur les marchés publics à l’échelle municipale : https://skr.se/skr/skolakulturfritid/forskolagrundochgymnasieskola/digitaliseringskola/skoldigistod/stodforupphandlingtekniskalosningarochinfrastruktursamtforpedagogiskochteknisksupport.57678.html
← 4. Interopérabilité et effet des blocages en Suède : https://www.edu-digitalinequality.org/2021/04/15/interoperability-in-sweden/
← 5. Kennisnet : https://www.kennisnet.nl/. La coopérative et les conseils comprennent : SIVON (coopérative de conseils d’établissements pour les achats de ressources pédagogiques [numériques], https://sivon.nl/)
← 6. Canada : https://www.alberta.ca/contract-opportunities-with-the-government-of-alberta Lettonie : https://www.iub.gov.lv/lv/jaunums/izstradatas-publisko-iepirkumu-vadlinijas-informacijas-un-komunikacijas-tehnologiju-joma
← 7. Comm. flamande (Belgique) : Les deux autres critères non contraignants concernent la gestion de la sécurité et de la sûreté, et la durabilité environnementale. Circulaire recommandant de tenir compte des élèves ayant des besoins spécifiques lors des achats des établissements : https://data-onderwijs.vlaanderen.be/edulex/document.aspx?docid=15855#6
← 8. Boîte à outils EdTech Evidence : https://tech.ed.gov/evidence/