Lucia Dellagnelo
ancienne directrice du Centre d’innovation pour l’éducation au Brésil (CIEB)
Perspectives de l’OCDE sur l’éducation numérique 2023
15. Le rôle des organisations de soutien dans la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique
Copier le lien de 15. Le rôle des organisations de soutien dans la mise en œuvre des politiques d’éducation numériqueAbstract
Ce chapitre analyse la façon dont sept pays (six membres de l’OCDE et l’Uruguay) se sont dotés d’organismes afin de mettre en œuvre leur politique nationale d’éducation numérique et explique les raisons de la disparition ou de l’évolution de certains d’entre eux. Il tire des enseignements de l’évolution des structures organisationnelles des pays qui disposent de politiques nationales pérennes en matière d’éducation numérique et présente les avantages et les inconvénients de différents types d’organismes de soutien.
Introduction
Copier le lien de IntroductionFace à la percée fulgurante de la technologie numérique dans tous les domaines de la société, les pouvoirs publics multiplient les efforts pour concevoir, réviser et mettre en œuvre des politiques pour le numérique dans l’éducation. La plupart de ces politiques entendent tirer parti des technologies numériques pour résoudre des problèmes relatifs à la qualité, l’équité et l’efficacité des systèmes d’éducation et pour développer les compétences numériques jugées indispensables à la population et à la compétitivité des pays (van der Vlies, 2020[1]).
Le rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM) de l’UNESCO (2023[2]) indique que le droit à l’éducation est de plus en plus synonyme de droit à une connectivité significative, et donc à l’apprentissage numérique. Les enfants et les jeunes doivent avoir accès aux possibilités d’apprentissage qui les mettront sur la voie d’une vie active, productive et épanouissante — et notamment à celles qui s’offrent dans le domaine de la technologie numérique.
Au moins deux raisons expliquent pourquoi la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique est fondamentalement complexe. Premièrement, ce processus doit conjuguer des activités de différents domaines comme la mise en place d’une infrastructure numérique dans les établissements, la production et la distribution de matériel numérique ainsi que le développement professionnel des enseignants. Deuxièmement, ces activités requièrent des connaissances différentes de celles dont disposent habituellement les ministères de l’Éducation, dans la mesure où elles nécessitent l’instauration de partenariats multipartites, ainsi que leur gestion et leur suivi.
Des organisations multilatérales comme la Banque mondiale et l’UNESCO ont déjà publié des cadres conceptuels portant sur la planification de politiques relatives aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation (2022[3]). Il existe toutefois moins d’informations et d’orientations techniques traitant de la conception des structures organisationnelles et des organisations de soutien, sans lesquelles ces politiques ne peuvent pourtant être mises en œuvre.
Ce chapitre s’emploie à analyser la façon dont sept pays (six membres de l’OCDE et l’Uruguay) se sont dotés d’organismes afin de mettre en œuvre leur politique nationale d’éducation numérique et explique les raisons de la disparition ou de l’évolution de certains d’entre eux. Bien comprendre l’évolution des structures organisationnelles des pays qui disposent d’une politique nationale pérenne en matière d’éducation numérique permet d’offrir un éclairage crucial aux pouvoirs publics désireux d’appliquer des politiques comparables au plus vite.
Méthodologie
Copier le lien de MéthodologieObjectif
Cette étude vise à présenter l’évolution d’un ensemble d’organismes fondés dans le but d’accompagner la mise en œuvre de politiques nationales d’éducation numérique. Elle part du postulat qu’une bonne compréhension de l’évolution des mécanismes organisationnels destinés à la mise en œuvre politique aidera les pays à se donner les moyens d’appliquer leur propre politique nationale.
Elle pose notamment les questions suivantes : quel type de soutien organisationnel permet aux politiques d’éducation numérique d’être instaurées dans les établissements d’enseignement et d’avoir une incidence sur le système d’éducation, et pourquoi certains pays ont-ils modifié la teneur et la mission de leur soutien organisationnel au fil du temps ?
Aux fins de cette étude, l’expression « politique nationale d’éducation numérique » désigne toute politique d’envergure nationale dont la raison d’être est de favoriser l’utilisation de la technologie aux niveaux primaires et secondaires de l’enseignement public.
Sources
La présente étude fait appel à trois types de sources :
Les documents, les sites web et les publications officielles des pays étudiés dans cette analyse portant sur les structures organisationnelles et de gouvernance conçues pour soutenir la mise en œuvre des politiques nationales d’éducation numérique. Ce type de source a néanmoins une limite : dès lors que les organismes de soutien cessent leurs activités, leur site web et les informations à jour les concernant disparaissent avec eux.
Des documents stratégiques et des rapports d’organisations internationales qui présentent une analyse comparative de différentes politiques d’éducation numérique et des structures organisationnelles adoptées par les différents pays pour les mettre en œuvre.
Des articles de revues scientifiques nationales et internationales qui se penchent sur les défis de la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique, notamment en ce qui concerne les structures organisationnelles et les facteurs politiques.
La présente étude s’appuie particulièrement sur le document de travail « Building and Sustaining National Technology Agencies » publié en 2017 par Michael Trucano et Gavin Dykes, qui définit et décrit les organismes dont 11 pays se sont dotés pour mettre en œuvre leur politique d’éducation numérique (Trucano et Dykes, 2017[4]). Bien qu’une partie d’entre eux aient cessé leurs activités, ce document montre que les organismes de soutien jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique.
Critères de sélection des organismes de soutien
Afin de présenter différents horizons politiques et géographiques, l’étude s’est intéressée à l’Amérique latine (Chili, Uruguay et Costa Rica), l’Europe (Estonie, Irlande et Pays-Bas) et l’Asie (Corée). Les principaux critères de sélection tenaient à l’évolution des organismes de soutien, que ce soit sur le plan de leur structure interne, de leur mission ou de leur existence même.
D’autres organismes de soutien sont cités en marge des études de cas, à l’image de l’Organisme britannique de communications et de technologies pour l’éducation (British Educational Communications and Technology Agency, Becta) au Royaume-Uni et de Digital Promise aux États-Unis, afin d’illustrer des points ou des facteurs précis susceptibles d’avoir une incidence sur la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique. Les éventuelles conséquences de l’absence de tout organisme de soutien national sont abordées dans le cas du Brésil.
Analyse de la littérature spécialisée
Copier le lien de Analyse de la littérature spécialiséeL’analyse de la littérature menée dans le cadre de cette étude se concentrait sur trois volets intrinsèquement liés : la mise en œuvre et le déploiement à grande échelle des politiques d’éducation numérique, les structures organisationnelles nécessaires pour aider les pouvoirs publics pour les mettre en œuvre et enfin, le rôle des organismes de soutien à cet effet.
La mise en œuvre de politiques d’éducation peut être définie comme « un changement multidirectionnel délibéré visant à mettre en pratique une politique donnée, et qui affecte un système d’éducation à plusieurs niveaux » (Viennet et Pont, 2017[5]). La mise en œuvre d’une politique d’éducation consiste essentiellement à amener plusieurs acteurs ou organismes à coopérer à différents niveaux du système d’éducation en leur attribuant clairement des tâches. La répartition des tâches et des responsabilités dépend de la structure institutionnelle propre à chaque système d’éducation.
Des chercheurs universitaires et des organisations multilatérales ont démontré le caractère complexe et essentiel de la mise en œuvre des politiques (Gouëdard, 2021[6] ; UNESCO IIEP, 2003[7] ; OECD, 2020[8]).
Selon le rapport Strengthening the Governance of Skills Systems: Lessons from Six OECD Countries, la mise en œuvre est « tout aussi importante que la politique elle-même ; elle est d’ailleurs indispensable à la réussite de la politique dans les établissements et les classes » (OECD, 2020[9]).
Un article portant sur les défis de la mise en œuvre et du déploiement des initiatives éducatives dans différents pays avançait récemment que pour porter ses fruits, la mise en œuvre doit associer des compétences techniques, une bonne compréhension du contexte local, une stratégie politique, des partenariats, de la souplesse et enfin, la volonté commune d’obtenir un changement de fond grâce aux initiatives éducatives (Wyss et al. 2023).
Dans le cas précis des politiques d’éducation numérique, ou des TIC dans l’éducation, la mise en œuvre peut s’avérer encore plus complexe. Dans son analyse de la capacité des politiques de TIC à aboutir à des transformations du système d’éducation, Kozma (2008[10] ; 2011[11]) émet une mise en garde : bien que les politiques puissent ouvrir la voie au changement, elles ne sont pas nécessairement suivies d’une mise en œuvre ou d’effets concrets. Michael Fullan abonde en ce sens en postulant que la technologie ne peut changer le système d’éducation qu’à condition que les politiques tiennent compte des trois socles suivants : la pédagogie, la technologie et les connaissances sur le changement (Fullan et Donnelly, 2013[12]).
Un autre impératif contribue à la complexité de la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique, à savoir trouver le bon moment pour déployer et exécuter des processus très différents. Selon le modèle « Four in Balance » (Quatre points d’équilibre) proposé par Kennisnet (2015), l’efficacité des politiques d’éducation numérique repose sur le juste équilibre entre des activités intervenant dans des sphères différentes : la planification, les infrastructures, les compétences numériques des enseignants et la production de matériel numérique. Selon ce modèle, si l’on équipe les établissements d’ordinateurs et d’un accès à Internet sans pour autant former les enseignants en ce sens, on sape les éventuelles répercussions positives de la technologie dans l’éducation.
Un autre défi pour la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique tient à sa gouvernance. Les recommandations de la Commission européenne relatives aux principaux facteurs favorisant la réussite de l’éducation numérique portent notamment sur des questions liées à la gouvernance de la mise en œuvre des politiques ; elles soulignent l’importance de la coopération et des échanges à la fois entre les instances gouvernementales et avec les parties prenantes externes. Faute d’une coordination solide des activités multidimensionnelles des politiques d’éducation numérique, il est possible que « malgré les progrès accomplis et certains excellents exemples d’innovation, les efforts concertés n’aient jusqu’à présent pas abouti à une transformation numérique systémique en matière d’éducation et de formation » (European Commission, 2023[13]). On retrouve ce même argument dans le rapport de l’OCDE sur les facteurs propices aux politiques d’éducation numérique, qui souligne à quel point les mécanismes de gouvernance à l’échelle du système peuvent faciliter la coordination et l’unité des parties prenantes et, à terme, améliorer l’élaboration et la mise en œuvre de la politique (OECD, 2023[14]).
Selon les enseignements tirés des politiques en matière de TIC au Royaume-Uni décrits par Younie (2006[15]), la mise en œuvre est une procédure complexe qui ne se résume pas à une transposition directe de la politique à la pratique. L’étude a mis en évidence cinq domaines particulièrement problématiques dans le cadre des TIC : la gestion, le financement, les achats publics, la formation et les effets sur la pédagogie. Selon l’auteur, la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique impose au moins trois niveaux de filtrage et d’analyse, dans la mesure où elles relèvent le plus souvent d’organismes nationaux (niveau macro), d’organismes régionaux (niveau méso) ainsi que des établissements et des enseignants (niveau micro). C’est pourquoi la gouvernance et la coordination entre les différentes instances revêtent un caractère crucial. La complexité de la mise en œuvre peut également s’expliquer par la teneur multipartite des initiatives et de leurs responsables (Younie, 2006[15]). Selon Dykes (2016[16]), des différends politiques et le manque de clarté dans la gouvernance des politiques d’éducation numérique sont à l’origine de la dissolution de BECTA (British Educational Communications and Technology Agency), organisme chargé d’accompagner la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique en Angleterre jusqu’en 2011.
En l’occurrence, Hudson et al. (2019[17]) avancent que la fragilité et la fragmentation de la gouvernance organisationnelle comptent parmi les principaux facteurs d’échec de la mise en œuvre d’une politique. Les politiques formulées à l’échelle nationale sont parfois confrontées au défi de leur transposition cohérente à l’échelle infranationale, véritable casse-tête lorsque les instances infranationales disposent d’un certain degré d’autonomie politique — comme c’est parfois le cas des systèmes d’éducation. Hudson et al. avancent que pour faciliter la mise en œuvre des politiques sociales (au sens large), une stratégie consiste à créer des « centres de soutien, à savoir différentes entités qui travaillent de concert, souvent sous la houlette du gouvernement, afin d’accompagner la mise en œuvre des politiques ».
Franks et Bory (2017[18]) ont proposé un concept similaire : des « organisations intermédiaires » qui « semblent jouer un rôle essentiel non seulement dans la mise en œuvre des programmes modèles, mais aussi dans le développement de la capacité nécessaire au changement du système ».
On s’accorde désormais à reconnaître (Miao et al., 2022[3] ; Tate et Greatbatch, 2022[19]) que la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique ne peut se passer de la création, ou de l’adaptation, d’institutions ou de structures organisationnelles précises dotées de la capacité de coordonner les acteurs publics et privés et de mener à bien différentes activités (Kozma, 2011[11] ; Miao et al., 2022[3]).
Les pays font appel à différents modèles et stratégies pour mettre en œuvre leurs politiques d’éducation numérique (Kozma, 2011[11] ; UNESCO IIEP, 2003[7]). Dans certains cas, cette démarche est confiée à des organisations créées à cet effet ou à qui le ministère de l’Éducation a délégué ce mandat.
En 2017, la Banque mondiale a publié un rapport qui se penchait sur les organismes nationaux de technologies éducatives et leurs homologues fonctionnels, afin de comprendre la structure, le fonctionnement et l’évolution de ces organisations au fil du temps. Après avoir décrit le rôle des organismes chargés des TIC de 11 pays, les auteurs concluaient qu’en dépit de leur structure, de leur gouvernance et de leurs sources de financement radicalement différentes, tous ont joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre des différentes politiques en matière de TIC dans l’éducation (Trucano et Dykes, 2017[4]).
Le paysage organisationnel a largement changé depuis. Des organismes nationaux chargés des TIC ont été tantôt supprimés et absorbés par le ministère de l’Éducation dans des pays comme le Chili et l’Estonie, tantôt davantage subventionnés dans d’autres pays comme l’Uruguay, les Pays-Bas, le Costa Rica et la Corée.
Il est important de comprendre la façon dont, ces dernières années, les organismes responsables des TIC à l’échelle nationale ont évolué afin de mieux remplir leur mission. La recherche sur les rôles types ou archétypes organisationnels (Martínez-Román et al., 2020[20] ; Damanpour et Schneider, 2009[21]), qui étudie les organisations à travers le prisme de leurs caractéristiques et de leurs objectifs, peut offrir un cadre utile pour comprendre en partie ces changements.
Si les chercheurs s’accordent à dire qu’il n’existe pas une méthode unique pour réussir à mettre en œuvre les politiques d’éducation numérique, il peut être tentant de supposer que, dès lors qu’ils en ont la volonté et le budget, les pouvoirs publics nationaux ont de fait la capacité de mettre en œuvre une politique d’éducation numérique. C’est pourtant loin d’être le cas. Quels que soient la taille et le degré de développement économique du pays, les pouvoirs publics font face à des contraintes liées au temps ainsi qu’aux ressources humaines et financières. Une bonne compréhension du rôle des organismes nationaux chargés des TIC ou des organismes de soutien à la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique permettrait aux pouvoirs publics d’instaurer des structures organisationnelles grâce auxquelles chaque élève aura la garantie de bénéficier des innovations offertes par le numérique dans l’éducation.
Définition et rôle des organismes de soutien dans les politiques d’éducation numérique
Copier le lien de Définition et rôle des organismes de soutien dans les politiques d’éducation numériqueDans la mesure où les organismes de soutien peuvent prendre différentes formes et fonctions pour mettre en œuvre les politiques d’éducation numérique, la présente étude propose une définition exhaustive qui repose sur leur rôle institutionnel. Un organisme de soutien désigne toute entité, gouvernementale ou non, dont la mission consiste à mettre en œuvre des politiques publiques visant à encourager l’apprentissage numérique ou l’utilisation de la technologie dans les établissements d’enseignement.
Trucano et Dykes (2017[4]) les qualifient d’« instances nationales en train d’apparaître dans le monde entier pour aider à intégrer, appuyer, financer et évaluer l’utilisation des TIC dans l’éducation à grande échelle, et à informer à ce sujet ».
Dans ses directives relatives aux politiques en matière de TIC dans l’éducation, l’UNESCO (2022[3]) fait référence à des « structures organisationnelles » qui régissent et coordonnent leur mise en œuvre et qui peuvent prendre la forme d’un comité directeur central, d’un organisme national responsable des TIC dans l’éducation également chargé de gérer les collaborations ou encore d’un groupe de travail.
Une autre stratégie utile pour définir le concept d’organismes de soutien est d’étudier la façon dont ils se présentent.
Aux Pays-Bas, Kennisnet se présente comme un organisme d’éducation public chargé de fournir une infrastructure nationale de TIC, de conseiller les comités d’éducation et de relayer les connaissances dans ce domaine aux établissements primaires, secondaires, supérieurs et de formation professionnelle.
Au Costa Rica, la fondation Omar Dengo est une organisation non gouvernementale chargée de développer et d’améliorer l’éducation en mettant l’informatique et les nouvelles technologies au service des processus pédagogiques (Jimenez Iglesias, 2016).
En Corée, le service d’information pour l’éducation et la recherche (KERIS) indique être une institution publique relevant du ministère coréen de l’Éducation chargée de promouvoir différents projets et recherches universitaires en lien avec les technologies de l’information et de la communication (TIC) de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur.
Au Chili, le Centro de Innovación del Ministerio de Educacion (CIM), qui a absorbé l’ancien projet Enlaces, déclare que sa mission consiste à renforcer la capacité d’innovation du système d’éducation en mettant le potentiel des technologies numériques au service d’expériences d’apprentissage à même d’aider les élèves à atteindre leur plein potentiel.
En Estonie, l’ancienne Fondation des technologies d’information pour l’éducation (HITSA), en activité jusqu’en 2020 avant d’être absorbée par le Conseil pour l’éducation et la jeunesse (HARNO), indiquait être chargée de garantir que les élèves de différents niveaux d’enseignement acquièrent les compétences numériques nécessaires au développement économique et sociétal.
En Uruguay, CEIBAL, le centre des technologies numériques pour l’innovation dans l’éducation, est au service des politiques d’éducation publiques. Il facilite l’intégration des technologies afin d’améliorer l’apprentissage et de favoriser les processus d’innovation, d’inclusion et de croissance personnelle.
En Irlande, le service des technologies numériques d’Oide (anciennement PDST Technology in Education) encourage et soutient l’intégration des TIC dans l’enseignement et l’apprentissage au niveau des établissements. Oide, le service national de soutien intervenant sous la houlette du ministère de l’Éducation et des Compétences, a été créé en 2023 pour reprendre et élargir la mission du PDST, le Service de développement professionnel des enseignants.
Les exemples ci-dessus montrent toute l’hétérogénéité, en termes de statut et de structure juridique, des organismes de soutien qui peuvent prendre les formes suivantes :
organisations publiques ou privées
facultés universitaires
groupes ou services dépendant ou non du ministère de l’Éducation
structures formelles ou informelles (comités et groupes de travail).
Face à ce vaste ensemble de caractéristiques organisationnelles, cet article s’intéresse aux organismes qui partagent un même but : aider les pouvoirs publics à mettre en œuvre les politiques d’éducation numérique à l’échelle nationale.
Activités principales des organismes de soutien
Copier le lien de Activités principales des organismes de soutienLes organismes de soutien peuvent proposer un ensemble d’activités afin d’aider les pouvoirs publics à mettre en œuvre leurs politiques d’éducation numérique, par exemple :
la planification et l’élaboration des plans directeurs et des documents stratégiques en matière de TIC et d’éducation numérique
l’acquisition, le déploiement et la gestion des infrastructures de TIC dans les établissements (appareils et accès à Internet)
l’installation et la gestion des infrastructures centralisées comme des centres de données et des plateformes numériques à l’échelle du système
la promotion du développement des compétences numériques des enseignants
la conception et la diffusion du matériel pédagogique numérique
la supervision et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique
la coordination des nombreux intervenants
Ces activités peuvent se classer en fonction de leur nature ainsi que des investissements et des connaissances techniques qu’elles nécessitent.
Par exemple, l’acquisition, le déploiement et la gestion de l’infrastructure scolaire de TIC, tout comme la gestion d’infrastructures centralisées comme des centres de données et des plateformes numériques à l’échelle du système, impliquent des connaissances spécifiques ainsi que des investissements considérables. Ces activités requièrent également de la coordination avec d’autres entités gouvernementales et privées dans le domaine des télécommunications et des services numériques et incombent à une équipe de professionnels composée d’ingénieurs, de scientifiques spécialistes des données et d’experts techniques préparés à négocier avec les prestataires et fournisseurs publics et privés.
Une deuxième catégorie, qui englobe des activités comme la planification, la supervision et l’évaluation des politiques d’éducation numérique, requiert des connaissances universitaires et interdisciplinaires, par exemple des connaissances sur la conception et la planification de politiques propres au domaine de l’éducation.
Une troisième catégorie d’activités concerne davantage l’éducation et la pédagogie, comme le développement professionnel des compétences numériques et pédagogiques des enseignants ou le développement et la diffusion du matériel pédagogique numérique. Les activités qui relèvent de cette catégorie doivent être intégrées dans la politique nationale d’éducation. Des connaissances précises du secteur de l’éducation ainsi que la légitimité de travailler avec des systèmes d’éducation et des enseignants sont également de mise.
La coordination des différents acteurs engagés dans la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique entre également en ligne de compte, tout comme la négociation avec les prestataires et partenaires privés. Ce rôle suppose non seulement des connaissances techniques, mais aussi de la légitimité et une mission politique, et ce sans verser dans les contraintes de la bureaucratie. Même si la coordination des politiques d’éducation numérique est le plus souvent du ressort des ministères de l’Éducation, leur mise en œuvre dépend néanmoins de l’engagement des autres ministères et des partenaires publics et privés. Il arrive que cette coordination soit déléguée directement par le plus haut niveau du gouvernement, auquel cas l’organisme de soutien joue le rôle d’un secrétariat exécutif supervisant les activités et les résultats des partenaires.
Exemples d’organismes de soutien
Copier le lien de Exemples d’organismes de soutienLes études de cas présentées en 0 nous permettent d’analyser les organismes de soutien chargés de mettre en œuvre la politique d’éducation numérique de pays aussi variés que le Chili, le Costa Rica, l’Estonie, l’Irlande, la Corée, les Pays-Bas et l’Uruguay.
Cette étude ne présente pas en détail chaque organisme de soutien choisi. Ces descriptions sont à trouver sur leur site web respectif et dans d’autres analyses comme celles de Kozma (2011[11]) ou Trucano et Dykes (2017[4]).
Chaque étude de cas passe en revue les variables suivantes :
contexte et date de création
activités principales
évolution
fonctionnement actuel
avantages et inconvénients perçus
Études de cas
Copier le lien de Études de casPoints communs de l’évolution des organismes de soutien
L’analyse des cas choisis pour la présente étude permet d’identifier des tendances en matière d’évolution et de structures organisationnelles des organismes de soutien.
Premièrement, la plupart de ces organismes ont été créés au tournant des années 1980 et 1990, à une époque où l’utilisation de la technologie dans l’éducation était considérée comme un impératif, au même titre que le fait d’outiller les élèves pour le XXIe siècle. À l’époque, ces politiques s’intitulaient le plus souvent « Les TIC dans l’éducation » et servaient un double objectif : améliorer l’utilité et l’efficacité des systèmes d’éducation et doter la population de compétences numériques jugées indispensables à la compétitivité du pays. L’Estonie, le Costa Rica, l’Uruguay et l’Irlande illustrent bien l’engagement politique nécessaire pour faire des TIC un levier stratégique du développement économique et social.
La création, l’évolution et la suppression des organismes de soutien semblent tributaires des changements de gouvernement et du lancement de nouvelles politiques de TIC dans l’éducation, bien que rares soient les politiques de ce type (exception faite de celles de l’Irlande et de la Corée) à définir expressément la structure organisationnelle nécessaire à leur mise en œuvre.
De manière générale, la mission initiale de ces organismes était de donner forme à l’infrastructure numérique des établissements et d’octroyer les ressources financières et techniques de sources publiques et privées, le plus souvent de fournisseurs de télécommunications. À cette fin, des structures organisationnelles souples et indépendantes ont été jugées plus adaptées que des institutions gouvernementales. C’est ce qu’illustre un commentaire de Seymour Part de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) au sujet de la création de la fondation Omar Dengo, alors qu’il servait de conseiller technique au premier projet de « TIC dans l’éducation » au Costa Rica : « Le gouvernement du Costa Rica a créé une fondation pour superviser le projet, démarche insolite où le gouvernement lui-même a pris la décision de mettre un projet à l’abri de sa propre bureaucratie ! » (Bujanda Bujanda et Muñoz García, 2023[22])
Au fil (ou à l’issue) du déploiement de l’infrastructure numérique dans les établissements scolaires, les organismes de soutien ont été chargés de prendre une part plus active au développement des méthodologies et du matériel d’apprentissage numérique, ainsi qu’à la formation des enseignants. Ces dernières années, des questions liées à la gestion des plateformes, à la protection de la vie privée et à la sécurité des bases de données pédagogiques se sont ajoutées à la mission des organisations d’appui. Kennisnet et KERIS montrent bien la façon dont l’élaboration, l’acquisition et la diffusion du contenu numérique et la gestion des bases de données pédagogiques se sont hissées parmi les priorités de leur mission organisationnelle. Trucano et Dykes (2017[4]) ont observé la même tendance dans leur analyse des organismes nationaux de technologies pédagogiques. Ils dénombrent cinq étapes à leur évolution : lancement (généralement axé sur le déploiement d’ordinateurs ou de l’accès à Internet dans les établissements), expansion (élargissement des activités initiales), évolution (ajout de nouveaux rôles), pérennisation (intégration dans le système) et phase finale (mission accomplie, échec ou changement de circonstances).
En parallèle à l’évolution des responsabilités des organismes de soutien, des services chargés de l’éducation numérique ont été créés ou renforcés au sein du ministère de l’Éducation de chaque pays. Ces services ont parfois progressivement intégré une grande partie des fonctions initialement prises en charge par les organismes de soutien, au point où certains de ces derniers ont fini par être supprimés. Au Chili par exemple, le soutien à la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique est passé d’un service indépendant assuré par les universités (projet Enlaces) à une organisation hybride (CET-Enlaces) et enfin, à un centre d’innovation au sein du ministère de l’Éducation (CIM).
Le cas du Chili illustre bien le passage d’un mécanisme externe à un service interne du ministère de l’Éducation chargé de mettre en œuvre non pas une politique centrée sur les TIC, mais le volet numérique d’une politique éducative globale. Severin (2017) avance que si cette évolution est importante pour la légitimité et la pérennité des financements des TIC dans les politiques d’éducation, elle n’est néanmoins pas dépourvue d’inconvénients, parmi lesquels la multiplication des obstacles à la création de stratégies radicales et innovantes ou la lenteur de la bureaucratie. Claro et Jara (2020[23]) reconnaissent aussi que si l’intégration d’Enlaces au ministère de l’Éducation a certes permis de mieux l’intégrer dans la politique globale en matière d’éducation, elle a aussi progressivement limité le renouveau de la vision et de la mission de la politique d’éducation numérique chilienne.
Une tendance similaire existe en ce qui concerne la teneur et la portée des travaux des organismes de soutien. Au cours de la dernière décennie, les structures organisationnelles qui accompagnent les politiques d’éducation numérique ont connu une mutation : d’organisations axées sur la technologie, elles sont devenues des prestataires de services pédagogiques au sens large. Le Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE) en Irlande, absorbé par le Service de développement professionnel des enseignants (PDST) avant que lui-même ne soit intégré à Oide, un organisme public, l’illustre bien. Oide offre des services éducatifs complets (programme d’enseignement, pédagogie, etc.), des méthodologies d’apprentissage et d’enseignement, des services d’amélioration et d’auto-évaluation pour les établissements, des services de leadership des établissements, des services axés sur le bien-être des élèves et des enseignants ainsi que des technologies de l’information et de la communication. En Estonie, HITSA, la fondation des technologies de l’information pour l’éducation, a suivi une trajectoire comparable en étant absorbée par le Conseil pour l’éducation et la jeunesse (HARNO), qui compte six services chargés d’offrir un soutien pédagogique, et dont l’un est consacré spécialement à l’éducation numérique. Cela étant, des pays comme l’Uruguay, les Pays-Bas et la Corée ont décidé de ne pas fusionner leur organisme d’éducation numérique et leur prestataire de services d’éducation général afin de conserver leur élan en faveur de la transformation numérique.
Les nouveaux défis des organismes de soutien
L’évolution des enjeux des organismes de soutien semble découler de la prise de conscience croissante qu’au-delà de la transformation numérique des pratiques traditionnelles d’enseignement et d’apprentissage, le rôle de la technologie doit être d’encourager l’innovation dans les systèmes d’éducation. C’est pourquoi les organismes de soutien peuvent être amenés à assumer des responsabilités comme la création, la systématisation et l’adoption des innovations dans les systèmes d’éducation, à la fois au niveau central et à celui des établissements. Il s’agit d’une tâche titanesque dans un contexte public, qui peut dépasser les capacités d’un seul rôle type ou archétype organisationnel (Damanpour et Schneider, 2009[21] ; Martínez-Román et al., 2020[20]).
En tenant compte des catégories d’activités assurées par les organismes de soutien analysés dans la présente étude, et des recherches supplémentaires relatives aux structures organisationnelles, il est possible d’identifier trois rôles types (ou archétypes) correspondant aux fonctions qui incombent aux organismes de soutien.
Rôle type/archétype |
Catégorie d’activités |
Exigences/conditions |
---|---|---|
Prestataire de services |
Déploiement de l’infrastructure numérique ; gestion des plateformes numériques ; soutien technique aux établissements |
Subventions élevées à long terme de la part du ministère de l’Éducation et des pouvoirs publics à l’échelle municipale et nationale ; équipe multidisciplinaire composée de professionnels |
Expert |
Élaboration de documents, de méthodologies et de processus afin d’innover dans le domaine de la pédagogie ; évaluation des interventions politiques |
Connaissances universitaires et professionnelles appliquées au contexte scolaire ; capacité de recherche ; connaissance des politiques publiques |
Maître d’œuvre |
Coordination, supervision et évaluation des activités d’une multitude de partenaires autant publics que privés |
Mission officielle et poids politique pour négocier avec les acteurs publics et privés |
Bien qu’il ne soit pas toujours facile pour un seul organisme d’intégrer ces trois rôles types, ces derniers doivent être réalisés et entrer en ligne de compte lors de la conception de la structure organisationnelle qui permettra de mettre en œuvre les politiques d’éducation numérique. Le concept de consortiums, de coalitions et de partenariats organisationnels peut servir de mécanisme institutionnel innovant face à la complexité de cette mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, la coordination est primordiale.
Conséquences pour les politiques d’éducation numérique
Les politiques d’éducation numérique ont tendance à négliger la structure organisationnelle qui permettra de coordonner et d’appuyer la mise en œuvre de leur éventail multidimensionnel d’activités. Ces politiques conjuguant des activités avec une portée et une teneur résolument différentes, comme les infrastructures scolaires, la production de contenu numérique et le développement professionnel des enseignants, leur mise en œuvre est éminemment complexe.
La transposition de plans directeurs ambitieux en matière d’éducation numérique pour en faire des innovations concrètes pour l’enseignement et l’apprentissage à l’échelle des établissements requiert de l’engagement, des connaissances techniques et un financement de la part de nombreuses entités publiques et privées. Faute d’attribuer clairement les responsabilités et de définir des mécanismes de responsabilisation, il pourrait être impossible d’atteindre l’équilibre nécessaire à la mise en œuvre d’éléments complémentaires (Kennisnet, 2015).
La première étape doit impérativement consister en un document stratégique sans ambiguïté doublé d’un plan directeur révélateur d’une vision commune des objectifs de la technologie dans l’éducation, conçu et validé par de nombreuses parties prenantes de l’écosystème pédagogique (van der Vlies, 2020[1]). Cependant, pour atteindre chacun des objectifs, un autre élément est tout aussi capital que les stratégies : la conception de la structure organisationnelle qui permettra de les mettre en œuvre (Andrews, Pritchett et Woolcock, 2017[24]). L’instauration de la structure organisationnelle nécessaire impliquera probablement de mobiliser et d’adapter les institutions ou organisations existantes, mais aussi de créer un organisme de soutien à cet effet.
Le rôle que ces organismes sont appelés à jouer doit être adapté au contexte national puisqu’il peut varier du tout au tout en fonction de la taille du pays, du degré de centralisation du système d’éducation et de l’existence d’autres acteurs publics et privés dans l’écosystème d’éducation numérique.
Le rôle de prestataire de services direct aux établissements peut davantage convenir aux organismes de soutien dans des petits pays comme l’Uruguay, l’Estonie et le Costa Rica. En Uruguay, par exemple, CEIBAL est responsable de l’acquisition, de la gestion et de la distribution d’appareils et de solutions d’accès à Internet directement à tous les enseignants et élèves du pays. Au-delà de la taille du pays, la capacité à être un prestataire de services direct dépend aussi du degré de décentralisation des services éducatifs. Dans d’autres pays comme les Pays-Bas et l’Estonie, les services offerts aux établissements concernent davantage les plateformes pédagogiques et la gestion des données, étant donné que les établissements disposent d’une autonomie et d’un budget suffisants pour acquérir leur propre infrastructure numérique. Dans les pays plus grands, des organisations régionales et locales peuvent être plus à même de fournir des infrastructures et des services directement aux établissements. L’Estonie et l’Irlande, par exemple, ont fait le choix d’incorporer leur organisme de soutien aux TIC au sein de prestataires de services plus généraux comme HARNO et Oide. Même lorsque l’organisme de soutien n’a pas pour mission de servir directement les établissements, il importe que les politiques publiques définissent la structure organisationnelle et les mécanismes de coordination qui permettront à tous les établissements de bénéficier des services nécessaires à la mise en œuvre de l’éducation numérique.
Le rôle d’expert englobe plusieurs activités allant de l’élaboration, de la sélection et de la diffusion de contenus numériques à la formation des enseignants, à la gestion de systèmes de données et d’apprentissage ou encore au suivi et aux recommandations d’améliorations de la politique d’éducation numérique. En règle générale, les connaissances nécessaires pour définir des normes d’interopérabilité ou des critères de sélection des ressources éducatives numériques et de gestion des plateformes d’apprentissage font défaut aux professionnels de l’écosystème éducatif. Les travaux de KERIS et Kennisnet montrent en quoi les organismes de soutien peuvent contribuer à la qualité du programme d’enseignement et à son harmonisation avec les ressources numériques conseillées aux enseignants et aux établissements.
On attend de plus en plus des organismes de soutien qu’ils mettent au point des méthodologies d’enseignement et d’apprentissage innovants qui reposent sur la technologie, si bien que leurs travaux risquent d’empiéter sur ceux d’autres organisations responsables de questions pédagogiques dans l’écosystème de l’éducation, avec des conflits potentiels à la clé. Ce serait le cas en Uruguay et au Costa Rica. Au Chili, la suppression d’Enlaces a été présentée comme une décision stratégique visant à intégrer le volet numérique dans la politique d’éducation générale et à éviter les doublons organisationnels (Claro et Jara, 2020[23]). Bien que cette intégration soit souhaitable, des connaissances spécifiques en matière de pratiques d’enseignement et d’apprentissage numériques restent de mise. Les organismes de soutien peuvent constituer une équipe d’experts afin de mettre au point des directives et former les enseignants aux innovations faisant appel à la technologie.
Le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique, autant sur le plan du processus que des résultats, constituent une autre activité importante qui ne peut se passer de connaissances techniques. Le suivi et l’évaluation sont deux composantes généralement absentes des politiques d’éducation numérique (OECD, 2023[14]). Les organismes de soutien peuvent endosser un rôle d’expert afin de définir des indicateurs et de collecter et d’analyser des données sur le degré de mise en œuvre et l’utilisation de la technologie dans les établissements.
Si au niveau politique, le rôle de maître d’œuvre d’une politique d’éducation numérique doit incomber au ministère de l’Éducation, au niveau opérationnel, il peut imposer de faire appel à une organisation chargée d’en élaborer le cadre conceptuel et de coordonner tous les acteurs concernés. La mise en œuvre des politiques d’éducation numérique ne peut se passer d’une entité qui montre la voie à suivre et en assume la responsabilité (Andrews, Pritchett et Woolcock, 2017[24]). Le leadership opérationnel assuré par l’organisme de soutien est vital d’une part pour assurer la continuité des objectifs en matière d’éducation numérique et de leur budget, et d’autre part pour constituer et retenir une équipe d’experts et de professionnels au service du système d’éducation. Les pays qui ont mis en œuvre une politique d’éducation numérique à long terme, comme l’Estonie et la Corée, se sont dotés d’organismes de soutien.
Il est également intéressant de se pencher sur les pays qui ne disposent d’aucun organisme de soutien pour la mettre en œuvre leurs politiques d’éducation numérique, à l’image du Brésil et des États-Unis.
Aux États-Unis, le système d’éducation est éminemment décentralisé et une multitude d’organismes offrent un soutien technique aux districts et aux établissements scolaires dans le domaine du numérique, comme Digital Promise, l’International Society of Technology in Education (ISTE), le Consortium for School Networking (CoSN) et la State Educational Technology Directors Association (SETDA). Digital Promise est sans doute l’organisation qui s’apparente le plus à l’organisme de soutien type tel que défini dans cette étude : elle a été homologuée par le Congrès en 2008 et son financement initial provient de partenaires publics et privés. Depuis, bien qu’elle demeure proche du ministère américain de l’Éducation, Digital Promise fonctionne davantage comme une ONG indépendante chargée d’accompagner des districts scolaires, des établissements, des entreprises et d’autres organisations lors de projets ponctuels.
Au Brésil, c’est à l’administration centrale qu’il revient de définir les politiques d’éducation générales et d’accompagner les États et les municipalités dans leur mise en œuvre. Bien que le pays dispose d’une politique nationale relative aux TIC (PIEC, 2021) et d’une stratégie pour le numérique dans l’éducation (PNED, 2023) ayant reçu l’aval du Congrès, aucune structure organisationnelle ne vient appuyer leur mise en œuvre. En plus de compromettre l’efficacité et l’utilité des investissements en faveur du numérique dans l’éducation, l’absence de coordination centralisée creuse les inégalités. Les données du Centre d’innovation pour l’éducation au Brésil (CIEB) montrent des écarts significatifs en matière d’adoption de la technologie dans les établissements brésiliens (Centro de Inovação para a Educação Brasileira (CIEB), 2022[25] ; Centro de Inovação para Educação Brasileira (CIEB), 2015[26]), ce qui indique que les États et les municipalités ne s’en remettent qu’à leur capacité organisationnelle et à leurs partenaires locaux.
À l’heure actuelle, le numérique dans l’éducation bénéficie de subventions considérables de la part de sources publiques et privées comme le Fonds pour l’universalisation des services de télécommunications (FUST). De surcroît, un nouvel organisme (EACE) a vu le jour afin que tous les établissements bénéficient de fonds de la concession publique de la 5G. Une coalition de fondations et d’ONG aide les pouvoirs publics au niveau national, municipal et des États à mettre en œuvre le numérique dans l’éducation. Mais ces efforts gagneraient à être coordonnés par une entité centralisée non ministérielle ad hoc à même de coopérer facilement avec les acteurs publics et privés, qui permettrait d’optimiser les ressources humaines et financières et d’éviter la duplication des efforts entre les acteurs concernés.
L’existence d’un organisme de soutien ne garantit toutefois pas à elle seule la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique. Les organismes de soutien peuvent voir leurs activités interrompues pour des motifs politiques ou leurs subventions redirigées vers d’autres priorités du gouvernement. Elles peuvent devenir trop dépendantes d’un modèle d’utilisation de la technologie dans l’éducation et perdre leur capacité d’innovation pédagogique. Leur travail peut empiéter sur celui d’autres organismes éducatifs et créer des conflits institutionnels. Mais comme le présente cette étude, le fait de disposer d’un organisme ayant clairement pour objectif la mise en œuvre des politiques nationales d’éducation numérique, qui intervient en partenariat avec un service bien établi au sein du ministère de l’Éducation, semble jouer nettement en faveur de la pérennité et de la bonne mise en œuvre de ces politiques.
Recommandations à l’attention des responsables politiques
Copier le lien de Recommandations à l’attention des responsables politiquesLa création, la mise en œuvre et le maintien d’une politique efficace en matière d’éducation numérique constituent une démarche complexe qui requiert certes un engagement politique, des connaissances techniques et des subventions considérables mais qui est néanmoins un passage obligé pour les responsables de l’éducation et les responsables politiques du monde entier.
Les responsables politiques ont la charge de concevoir et de mettre en œuvre des politiques d’éducation numérique efficaces qui obtiennent des résultats concrets en matière d’apprentissage. Compte tenu de tous les investissements consacrés à des technologies infructueuses, il est sage de tirer des enseignements des pays où le numérique a été déployé de façon cohérente et pérenne dans l’éducation.
D’après les sept cas analysés dans la présente étude, il semble que l’existence d’organismes de soutien compte parmi les principaux facteurs expliquant la réussite des politiques d’éducation numérique. Ces organismes peuvent offrir des services aux établissements, mettre au point des cadres conceptuels ainsi que coordonner et superviser la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique.
Toutefois, il n’existe pas de modèle organisationnel unique pouvant convenir à tous les pays. Pour porter ses fruits, la mise en œuvre de toute politique éducative est tributaire de la capacité des pouvoirs publics et des structures organisationnelles en place.
C’est pourquoi, avant d’envisager la création d’un organisme de soutien à la mise en œuvre d’une politique d’éducation numérique, il est important de répondre aux questions suivantes :
1. Des organismes jouent-ils déjà un rôle de prestataire de services, d’expert ou de maître d’œuvre dans l’éducation numérique à l’échelle nationale ?
2. L’un d’eux pourrait-il être transformé en organisme de soutien à la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique ?
3. Compte tenu de la taille du pays et du degré de décentralisation du système d’éducation, quels services numériques pourraient ou devraient être fournis aux établissements ?
4. L’environnement réglementaire du pays permet-il de créer un organisme d’utilité publique doté d’assez de souplesse et d’autonomie pour conclure des partenariats avec plusieurs parties prenantes ?
5. Les processus d’appels d’offres menés par l’organisme seraient-ils plus souples s’ils faisaient appel à des fonds publics ?
6. Est-il possible d’affecter des enveloppes budgétaires pérennes et d’imposer des mécanismes de responsabilité à l’organisme de soutien ?
La création d’un organisme de soutien à la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique dépend de la réponse à ces questions. Si on en attend clairement des avantages, les responsables politiques doivent tenir compte des recommandations suivantes :
1. Prévoir, lors de la conception d’une politique d’éducation numérique, la structure organisationnelle qui sera chargée de sa mise en œuvre. Déterminer le modèle de gouvernance et identifier ou créer un organisme de soutien capable d’endosser le rôle de maître d’œuvre, d’expert technique et de prestataire de service pour le système d’éducation ou les établissements.
2. Inclure, dans le budget de la politique d’éducation numérique, des subventions pérennes et adaptées pour financer les activités de l’organisme de soutien. Les versements de fonds doivent être conditionnés à certains indicateurs clés de performance (ICP) lors de la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique.
3. Le ministère de l’Éducation doit être le responsable politique de la politique d’éducation numérique afin de veiller à ce qu’elle s’intègre dans d’autres stratégies d’éducation. Lorsque cela s’impose, il doit néanmoins déléguer à l’organisme de soutien, avec le mandat et l’autonomie nécessaires, le rôle d’expert technique et de coordinateur des négociations avec les partenaires publics et privés.
4. Le rôle d’expert technique, qui consiste à proposer des innovations pédagogiques et à produire des données relatives à l’utilisation de la technologie dans l’éducation, peut être mené en partenariat avec des universités. L’organisme de soutien doit néanmoins se composer d’une équipe technique chevronnée, capable de traduire la recherche universitaire en orientation pratique pour les établissements.
5. Le rôle de prestataire de service dépend de la taille et du degré de centralisation du système d’éducation. L’éventail de services assurés par l’organisme de soutien peut aller d’une assistance technique aux États et aux municipalités à l’acquisition, la livraison et la gestion directes des infrastructures matérielles et immatérielles du numérique.
Dans les systèmes d’éducation à grande échelle et décentralisés, les organismes de soutien peuvent offrir des services à l’échelle nationale, comme la création de seuils minimaux pour l’infrastructure numérique des établissements, l’élaboration de spécifications techniques pour les achats d’appareils et l’accès à Internet ou encore l’inclusion des compétences numériques dans le programme d’enseignement et les méthodologies de développement professionnel des enseignants. Ils peuvent également gérer les plateformes nationales de ressources d’apprentissage numérique et définir les paramètres de sécurité des services immatériels et d’interopérabilité au sein du système d’éducation. Dans ce contexte, une des missions des organismes de soutien doit être de fournir des directives et une assistance technique aux États et aux municipalités afin de les aider à mettre en œuvre la politique d’éducation numérique.
Dans les systèmes d’éducation centralisés et à plus petite échelle, les organismes de soutien peuvent intervenir directement auprès des établissements. Ils peuvent procéder à l’acquisition, la diffusion et la gestion de l’infrastructure numérique dans les établissements, offrir du contenu d’apprentissage numérique en lien avec le programme d’enseignement et former les enseignants à de nouvelles méthodologies d’enseignement faisant appel aux technologies. Pour pouvoir offrir une telle variété de services, les organismes de soutien doivent créer des antennes dans tout le pays ou déléguer leurs activités à des partenaires locaux.
6. Des connaissances techniques sont aussi de mise pour définir des indicateurs tangibles et ainsi, superviser et évaluer la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique. L’évaluation des indicateurs clés de performance relatifs aux résultats escomptés de la politique et au travail de l’organisme de soutien doit être confiée à une organisation tierce.
7. Si l’organisme de soutien venait à faillir clairement à sa mission, le ministère de l’Éducation doit être en mesure de proposer des changements, voire de suspendre son financement. Un nouveau processus de sélection ou de passation de marchés publics doit alors avoir lieu pour identifier sa remplaçante pour la mise en œuvre de la politique d’éducation numérique.
8. Les politiques d’éducation numérique ne doivent pas être considérées comme une initiative ponctuelle ou temporaire. Les systèmes d’éducation ont besoin d’un appui technique et opérationnel pérenne pour parvenir à intégrer la technologie dans l’enseignement et l’apprentissage. C’est pourquoi le financement des organismes de soutien doit constituer un poste permanent dans le budget des différents ministères de l’Éducation.
Références
[24] Andrews, M., L. Pritchett et M. Woolcock (2017), Building State Capability: Evidence, Analysis, Action, Oxford University Press.
[34] Brenes, M. et al. (2014), Las políticas TIC en los Sistemas Educativos de América Latina: Caso Costa Rica, UNICEF.
[22] Bujanda Bujanda, M. et L. Muñoz García (2023), Costa Rica’s Omar Dengo Foundation Program: 29 years later.
[36] CEIBAL (2006), Aprendiendo del futuro, https://ceibal.edu.uy/wp-content/uploads/2022/12/Learning-from-the-future.pdf.
[25] Centro de Inovação para a Educação Brasileira (CIEB) (2022), Relatório Guia Edutec - Diagnóstico do Nível de Adoção de Tecnologia nas Escolas Públicas Brasilieiras em 2022, https://cieb.net.br/wp-content/uploads/2022/12/2022-12-12-Relatorio-Guia-Edutec.pdf.
[26] Centro de Inovação para Educação Brasileira (CIEB) (2015), CIEB: notas técnicas #1: A importância de políticas nacionais e centros de inovação em educação, https://cieb.net.br/wp-content/uploads/2020/08/CIEB-Notas-Tecnicas-1-A-Importancia-de-Politicas-Nacionais-e-Centros-de-Inovacao-em-Educacao_v_CC.pdf.
[23] Claro, M. et I. Jara (2020), « The end of Enlaces: 25 years of an ICT education policy in Chile », Digital Education Review, vol. 37, http://greav.ub.edu/der/.
[21] Damanpour, F. et M. Schneider (2009), « Characteristics of Innovation and Innovation Adoption in Public Organizations: Assessing the Role of Managers », Journal of Public Administration Research and Theory, vol. 19/3, https://doi.org/10.1093/jopart/mun021.
[16] Dykes, G. (2016), « Building and sustaining national ICT education agencies: Lessons from England (Becta) », World Bank Education, Technology & Innovation: SABER-ICT Technical Paper Series.
[27] Education Estonia (2020), Education Estonia, https://www.educationestonia.org/contact/.
[13] European Commission (2023), Proposal for Council Recommendation on the key enabling factors for successful digital education and training, https://education.ec.europa.eu/document/proposal-for-council-recommendation-on-the-key-enabling-factors-for-successful-digital-education-and-training.
[18] Franks, R. et C. Bory (2017), « Strategies for Developing Intermediary Organizations: Considerations for Practice », Families in Society, vol. 98/1, https://doi.org/10.1606/1044-3894.2017.6.
[12] Fullan, M. et K. Donnelly (2013), Alive in the Swamp Assessing Digital Innovations in Education, https://michaelfullan.ca/wp-content/uploads/2013/06/13_Alive_in_the_Swamp.pdf.
[6] Gouëdard, P. (2021), « Developing indicators to support the implementation of education policies », OECD Education Working Papers, https://doi.org/10.1787/b9f04dd0-en.
[30] Haridus- ja Noorteamet (2023), HARNO - About, news, contacts, https://harno.ee/harno-tutvustus.
[29] HARNO (2023), ProgeTiigri programm, https://www.harno.ee/progetiigri-programm#koostoopartnerid.
[17] Hudson, B., D. Hunter et S. Peckham (2019), « Policy failure and the policy-implementation gap: can policy support programs help? », Policy Design and Practice, vol. 2/1, pp. 1-14, https://doi.org/10.1080/25741292.2018.1540378.
[33] Jimenez Iglesias, C. (2016), « Building and sustaining national ICT/education agencies: Omar Dengo Foundation », World Bank Education, Technology & Innovation: SABER-ICT Technical Paper Series, vol. 13, https://openknowledge.worldbank.org/server/api/core/bitstreams/c9b35e74-8d47-5e61-98fa-29cd66c0bfe9/content.
[32] Kerssens, N. et J. van Dijck (2021), « The platformization of primary education in The Netherlands », Learning Media and Technology, vol. 46/2, pp. 1-14, https://doi.org/10.1080/17439884.2021.1876725.
[31] Korea Education and Research Information Service (2021), 2021 White Paper on ICT Education in Korea, https://www.keris.or.kr/eng/cm/cntnts/cntntsView.do?mi=1188&cntntsId=1334.
[11] Kozma, R. (2011), The Technological, Economic, and Social Contexts for Educational ICT Policy, UNESCO, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000211842.
[10] Kozma, R. (2008), Comparative Analysis of Policies for ICT in Education, https://doi.org/10.1007/978-0-387-73315-9_68.
[20] Martínez-Román, J. et al. (2020), « Empirical analysis of organizational archetypes based on generation and adoption of knowledge and technologies », Technovation, vol. 96-97, https://doi.org/10.1016/j.technovation.2020.102145.
[3] Miao, F. et al. (2022), Guidelines for ICT in education policies and masterplans, UNESCO, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380926.
[35] Ministry for Education and Science of Ireland (1998), Ireland Schools I.T 2000: Full Report, https://assets.gov.ie/24665/6bb0ea96e5944d12a39a0fe44ef14c61.pdf.
[14] OECD (2023), « Shaping Digital Education: Enabling Factors for Quality, Equity and Efficiency », https://doi.org/10.1787/bac4dc9f-en.
[8] OECD (2020), « An implementation framework for effective change in schools », OECD Education Policy Perspectives, https://doi.org/10.1787/4fd4113f-en.
[9] OECD (2020), Strengthening the Governance of Skills Systems: Lessons from Six OECD Countries, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/3a4bb6ea-en.
[28] Republic of Estonia - Minister of Education and Research (2019), HITSA - Information Technology Foundation for Education.
[19] Tate, S. et D. Greatbatch (2022), International evidence on decision making on technology, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1078471/International_technology_decision_making.pdf.
[4] Trucano, M. et G. Dykes (2017), Building and sustaining national educational agencies: Lessons, models and case studies from around the world, The World Bank, https://www.worldbank.org/en/topic/edutech/publication/building-and-sustaining-national-educational-technology-agencies-lessons-models-and-case-studies-from-around-the-world.
[2] UNESCO (2023), Global education monitoring report, 2023: technology in education: a tool on whose terms?.
[7] UNESCO IIEP (2003), ICT in education around the world: trends, problems and prospects, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000136281?posInSet=9&queryId=7312ef93-b58b-43e4-bc2e-7e48ca3f607a.
[1] van der Vlies, R. (2020), « Digital strategies in education across OECD countries: Exploring education policies on digital technologies », OECD Education Working Papers, n° 226, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/33dd4c26-en.
[5] Viennet, R. et B. Pont (2017), « Education policy implementation: A literature review and proposed framework », OECD Education Working Papers, https://doi.org/10.1787/fc467a64-en.
[15] Younie, S. (2006), « Implementing government policy on ICT in education: Lessons learnt », Educ Inf Technol, vol. 11, pp. 385-400, https://doi.org/10.1007/s10639-006-9017-1.
Annexe 15.A. Études de cas
Copier le lien de Annexe 15.A. Études de casCas 1. Chili : Enlaces > CET ENL > Centro de Innovación (CIM)
Copier le lien de Cas 1. Chili : Enlaces > CET ENL > Centro de Innovación (CIM)Contexte et date de création
Enlaces (https://www.innovacion.mineduc.cl) a vu le jour en 1992 en tant que projet inédit en Amérique latine. Il visait à étudier l’emploi de la technologie au sein d’une initiative gouvernementale à plus grande échelle, financée en partie par la Banque mondiale, qui entendait améliorer la qualité et l’équité de l’éducation au Chili. Le projet, initialement coordonné par une équipe multidisciplinaire de l’Institut d’informatique éducative de l’université de la Frontera, se limitait à un petit groupe d’établissements dans une région pauvre du pays. À ses débuts, en dépit de son financement provenant en intégralité du ministère de l’Éducation, Enlaces n’avait pas de liens structurés avec les institutions. En 2005, une partie de ce projet a été intégré au Centre pour l’éducation et la technologie, un service du ministère de l’Éducation, pour créer CET-Enlaces. En 2018, un nouveau gouvernement a suspendu les activités du CET-Enlaces et créé le Centre d’innovation (CIM), lui aussi au sein du ministère de l’Éducation, dont la mission s’élargit à la promotion de l’innovation pédagogique.
Activités principales
Déploiement de l’infrastructure dans les établissements (ordinateurs)
Mise au point du matériel pédagogique numérique
Formation des enseignants aux technologies afin d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage
Assistance technique et pédagogique aux établissements
Évolution
On distingue trois phases dans le déploiement des mécanismes institutionnels de mise en œuvre des politiques d’éducation numérique au Chili :
Première phase (1992-2005) : projet coordonné par l’université de La Frontera, puis par un réseau d’universités (RATE) qui jouaient un rôle de pôles régionaux et d’organes d’exécution des TIC dans les politiques d’éducation.
Deuxième phase (2005-2018) : création officielle du Centre pour l’éducation et la technologie (CET-Enlaces), un service du ministère de l’Éducation dont les effectifs ont compté jusqu’à 50 professionnels (provenant pour la plupart d’universités partenaires). Pour la première fois, une évaluation nationale visant expressément à évaluer les compétences numériques (SIMCE-TIC) était menée auprès des élèves et des enseignants.
Troisième phase (depuis 2018) : fin des activités du CET-Enlaces en raison de la mise en place d’un nouveau gouvernement, qui l’a remplacé par le Centre d’innovation relevant du ministère de l’Éducation. Ce centre propose une nouvelle approche majoritairement axée sur les innovations pédagogiques. Les investissements en faveur des infrastructures scolaires, en particulier en matière de connectivité, sont la seule activité héritée d’Enlaces.
Fonctionnement
À l’heure actuelle, les effectifs du Centre d’innovation (CIM) du ministère de l’Éducation comptent 30 professionnels au siège et 16 coordonnateurs dans les régions. Le CIM est essentiellement responsable de l’objectif stratégique de l’éducation numérique dans le cadre du Renforcement de l’apprentissage, l’une des trois stratégies du Plan de Reactivación Educativa, la politique d’éducation nationale. Le CIM articule ses activités en trois axes principaux :
Innovations éducatives
Infrastructure numérique de l’éducation
Innovations technologiques
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
Enlaces : modèle universitaire |
Autonomie en matière de conception d’activités pour l’emploi de la technologie dans l’éducation ; Actions guidées par la recherche |
Manque d’institutionnalisation et de fiabilité des sources de financement |
CET Enlaces : modèle hybride |
Coopération avec un éventail plus vaste de parties prenantes |
Fragmentation de la gouvernance entre les pouvoirs publics et les universités ; institutionnalisation insuffisante |
CIM : service ministériel |
Intégration dans d’autres politiques éducatives et sources de financement |
Perte de souplesse lors de la mise en œuvre en raison des processus administratifs |
Cas 2. Estonie : Fondation du Bond du tigre > HITSA > Conseil pour l’éducation et la jeunesse HARNO
Copier le lien de Cas 2. Estonie : Fondation du Bond du tigre > HITSA > Conseil pour l’éducation et la jeunesse HARNOContexte et date de création
Les organismes de soutien à la mise en œuvre des politiques d’éducation numérique réputées de l’Estonie ont considérablement changé au cours des dernières décennies : d’entités externes spécialisées dans les TIC, elles se composent désormais d’organismes gouvernementaux consacrés à l’éducation au sens large.
Évolution
Fondation du Bond de tigre (1997-2013)
En Estonie, le premier organisme de soutien à la politique de TIC à avoir vu le jour était la fondation du Bond du tigre (tiigrihüpe en estonien), organisme indépendant créé en 1997 par le ministère de l’Éducation. Il reposait sur un partenariat public-privé entre le gouvernement estonien, 10 entreprises privées, 1 association d’entreprises informatiques estoniennes et 26 experts. La raison d’être de la fondation était de mettre en œuvre le Bond du tigre, programme de développement national reposant sur trois socles : fournir des ordinateurs et un accès à Internet à tous les établissements, former les enseignants et produire du matériel pédagogique en estonien et en russe (Education Estonia, 2020[27]).
La fondation du Bond du tigre était chargée d’assurer une assistance technique et d’octroyer des subventions complémentaires pour les investissements en faveur des TIC dans les établissements. Même si la formation des enseignants et les ressources éducatives numériques comptaient parmi ses activités, l’infrastructure des TIC représentait plus des deux tiers de son budget. À la fin des années 2000, l’accès aux ordinateurs et à Internet avait cessé d’être le principal problème : l’organisme s’est tourné vers la planification et la mise en œuvre d’activités plus complètes dans l’optique d’étoffer les compétences numériques des élèves et des enseignants (Laanpere, 2002). En 2014, la fondation du Bond du tigre est devenue HITSA, la fondation des technologies de l’information au service de l’éducation.
Fondation des technologies de l’information au service de l’éducation HITSA (2014-2020)
HITSA (2019[28]) a été fondée avec de nouveaux partenaires comme la République d’Estonie, l’université de Tartu, l’université de technologie de Tallinn, Eesti Telekom et l’association estonienne des technologies de l’information et de la communication. Véritable organe de mise en œuvre du ministère de l’Éducation et de la Recherche, HITSA était chargée de mettre au point et de déployer de nouvelles solutions technologiques dans les établissements, tout en mobilisant d’autres parties prenantes comme les universités et le secteur privé (OECD, 2023[14]). Elle faisait office de centre d’assistance officiel pour différents outils pédagogiques en ligne mis au point par le ministère de l’Éducation et de la Recherche. HITSA était aussi chargée de la formation des spécialistes de la technologie de l’éducation, c’est-à-dire des enseignants chevronnés titulaires d’un master faisant d’eux des spécialistes de l’intégration de la technologie dans les établissements estoniens.
HARNO (depuis 2020)
Le 1er août 2020, les activités de HITSA ont été absorbées par le Conseil pour l’éducation et la jeunesse (HARNO, https://harno.ee). Le ministère de l’Éducation et de la Recherche a décidé de regrouper plusieurs institutions et fondations sous la bannière d’un même organisme gouvernemental dont la mission est d’appuyer la mise en œuvre de ses politiques : HARNO est ainsi né de la fusion des services de la fondation Innove, de la fondation Archimedes, de la fondation des technologies de l’information au service de l’éducation (HITSA) et du Centre estonien pour le travail des jeunes. Une multitude d’activités de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur lui sont déléguées, de la fourniture d’outils pour l’enseignement et l’apprentissage jusqu’aux relations internationales afin de promouvoir le modèle éducatif estonien. HARNO se compose de huit services chargés d’offrir un soutien pédagogique général ; les programmes d’éducation numérique relèvent du service de l’innovation et de la coopération (HARNO, 2023[29]).
Activités principales
Activités de HARNO en matière d’éducation numérique :
Coordination du programme « ProgeTiigr » qui succède au programme du Bond du tigre et dont le but est d’accroître les compétences numériques et la littératie technologique des élèves
Assistance pour le développement des compétences numériques et de la littératie technologique des enseignants et des superviseurs et pour la promotion des réseaux professionnels
Cofinancement des équipements nécessaires aux établissements
Coordination d’IT Academy, plateforme rapprochant les entrepreneurs, les universités et les établissements à des fins de collaboration
Fonctionnement
À l’heure actuelle, HARNO se compose de 8 services et de 2 organismes affiliés qui, ensemble, emploient plus de 400 personnes afin d’atteindre un objectif ambitieux : « offrir à toute la population estonienne des possibilités d’apprentissage de qualité, modernes et équitables » (Haridus- ja Noorteamet, 2023[30]).
Le programme d’éducation numérique relève du service de l’innovation et de la coopération de HARNO ; son but au sens large est d’encourager, de développer et de mettre à l’essai des innovations dans le domaine de l’éducation et de la jeunesse. Au sein de partenariats, il s’emploie à faire entrer l’innovation dans l’apprentissage, par exemple avec du matériel et des méthodologies numériques, et à mettre à jour et appliquer l’enseignement de l’informatique à tous les niveaux.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
Fondation du Bond du tigre |
Capacité à mettre en œuvre rapidement une initiative soutenue par un engagement politique et des sources de financement variées ; Alignement sur la politique publique de développement économique |
Manque de capacité pour fournir de l’assistance dans l’utilisation des infrastructures mises en place |
HITSA |
Mission axée sur le développement de la pédagogie et l’assistance aux spécialistes de la technologie de l’éducation dans les établissements |
Fondement institutionnel insuffisant |
HARNO |
Intégration dans d’autres politiques pédagogiques |
Mission qui dépasse l’éducation numérique |
Cas 3. Corée : KMEC-KERIS > KERIS
Copier le lien de Cas 3. Corée : KMEC-KERIS > KERISContexte et date de création
Le KERIS (https://www.keris.or.kr/) (service d’information pour l’éducation et la recherche de la Corée) est un organisme public créé en 1999 par le ministère de l’Éducation, des Sciences et de la Technologie de la Corée dans le sillage de son premier plan directeur pour l’informatisation des services éducatifs lancé en 1996, dont l’objectif explicite était de doter le secteur de l’éducation d’une infrastructure en matière de TIC (Kwon et Jang, 2017). Depuis, la Corée a lancé six autres plans directeurs pour les TIC dans l’éducation, ce qui a amené les activités du KERIS à s’élargir considérablement jusqu’à englober les méthodologies et le matériel pédagogique numérique, la création et la gestion du Centre des données sur l’éducation ainsi que la formation des professionnels de l’éducation aux compétences numériques.
Activités principales
Les principales activités du KERIS sont les suivantes :
Élaboration et gestion de plateformes d’apprentissage numérique pour tous les niveaux d’enseignement
Élaboration d’un écosystème de ressources éducatives numériques qui comprend la standardisation et la certification des contenus numériques ainsi que la passation des marchés
Gestion du système d’information de l’éducation nationale (NEIS)
Établissement et gestion du système administratif et financier des antennes régionales de l’éducation
Gestion d’un système d’échange d’informations pour la recherche
Gestion du Centre des données sur l’éducation
Évolution
Le KERIS est né en 1999 de la fusion de deux institutions spécialisées créées en 1996 par le ministère de l’Éducation, des Sciences et de la Technologie : le Centre d’éducation multimédia de la Corée (KMEC) et le Centre d’information pour la recherche de la Corée (KRIC). Le KMEC était chargé de gérer EDUNET, le premier service d’éducation en ligne destiné aux établissements élémentaires et secondaires du pays. Le KRIC a été créé afin de numériser les informations existantes en matière de recherche et d’éducation, de créer une base de données nationale pour la recherche et d’assurer un service de récupération des informations. Alors que l’emploi des TIC s’est imposé dans toutes les politiques publiques en Corée, le ministère a décidé de créer, en vertu de la loi, une organisation à même de prendre en charge toutes les activités liées à leur utilisation dans l’éducation.
Bien que le ministère ait connu plusieurs restructurations depuis la création du KERIS (par exemple, les sciences et la technologie ne sont plus de son ressort), il conserve un bureau spécial consacré à l’éducation numérique avec lequel le KERIS travaille en étroite collaboration. La présidence du KERIS est nommée par le ministère de l’Éducation, qui décide également du budget de l’organisation. À noter, si les premiers présidents du KERIS étaient issus du domaine des TIC, dernièrement, ce rôle a été confié à des professionnels de la gestion et de la pédagogie, ce qui reflète l’évolution et la variété des activités assurées par l’organisation.
Fonctionnement
Le KERIS (Korea Education and Research Information Service, 2021[31]) est un partenaire clé du « plan d’innovation pour l’éducation fondé sur le numérique » annoncé par le ministère de l’Éducation en février 2023. En partenariat avec le ministère de l’Éducation, le KERIS est chargé de missions clés pour le numérique dans l’éducation : il soutient le développement de manuels scolaires numériques fondés sur l’IA, gère un programme de formation d’enseignants « pionniers du numérique » et encourage le secteur des technologies éducatives à soutenir l’éducation publique. Il était auparavant responsable du développement de la plateforme K-EDU afin d’intégrer les données des élèves dans toutes les activités d’éducation numérique à l’aide de l’IA, activité prioritaire du précédent Plan stratégique pour l’informatisation de 2021 (Korea Education and Research Information Service, 2021[31]). Selon sa présidence, le KERIS entend continuer à conduire l’innovation dans l’éducation en Corée en mettant les TIC au service de l’amélioration des méthodes d’enseignement et d’apprentissage et, à terme, d’un nouvel environnement éducatif.
Le KERIS appuie également les efforts de coopération internationale axés sur l’éducation numérique et aide les pays à instaurer et gérer leur propre politique à cet égard.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
KERIS |
Subventions publiques significatives à long terme ; Étroite collaboration avec un service pérenne consacré à l’éducation numérique au sein du ministère de l’Éducation ; Intégration des différentes dimensions des TIC dans la politique éducative |
Capacité d’initiative limitée |
Cas 4. Pays-Bas : Kennisnet
Copier le lien de Cas 4. Pays-Bas : KennisnetContexte et date de création
Kennisnet (https://www.kennisnet.nl/) a été fondé le 2 novembre 1998 aux Pays-Bas sous forme d’organisme public chargé d’encourager et d’accompagner l’utilisation des TIC dans l’éducation dans ce pays. Son but est d’outiller les établissements et les professionnels de l’éducation en leur donnant les équipements et les connaissances nécessaires à l’intégration de la technologie dans les processus d’enseignement et d’apprentissage. Kennisnet offre un vaste éventail de services, de ressources et de connaissances techniques permettant d’aider les établissements à mettre la technologie au service de la pédagogie.
Kennisnet est financé par le ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sciences des Pays-Bas, avec qui il travaille en étroite collaboration ; celui-ci le supervise et lui fournit des orientations stratégiques. Ensemble, ils œuvrent à élargir l’utilisation des TIC dans l’éducation. Kennisnet aligne ses activités sur les objectifs et initiatives du ministère afin de soutenir la mise en œuvre de ses politiques, tout en proposant des cadres et des directives pour mettre au point des politiques spécialement axées sur les TIC dans l’enseignement fondamental. Le cadre conceptuel de Kennisnet, intitulé « Four in Balance » (Quatre points d’équilibre), souligne à quel point il est important de trouver le juste équilibre entre quatre composantes de ces politiques, à savoir la vision, les connaissances techniques, les ressources numériques et les infrastructures.
Activités principales
Pour accompagner les établissements d’enseignement, les enseignants et les élèves aux Pays-Bas, Kennisnet offre une multitude de services dont les principaux sont les suivants :
Ressources d’apprentissage numérique : Kennisnet donne accès à une multitude de ressources d’apprentissage numérique comme des logiciels éducatifs, des cours en ligne, des livres électroniques, du matériel d’apprentissage interactif et des ressources multimédias.
Infrastructure et connectivité : Kennisnet aide les établissements à établir et gérer des infrastructures fiables et sûres en matière de TIC et de connectivité (assistance dans l’installation du réseau, la connexion à Internet, la gestion des données, les mesures de cybersécurité, etc.).
Développement professionnel : Kennisnet propose aux enseignants et au personnel de l’éducation des programmes de développement professionnel, des ateliers ainsi que des séances de formation.
Recherche et innovation : Kennisnet procède à des recherches et offre des éclairages sur l’utilisation concrète des TIC dans l’éducation.
Plateformes et services en ligne : Kennisnet offre un système d’identifiant unique pour différentes plateformes et solutions en ligne.
Sécurité et protection numérique : Kennisnet fournit des orientations aux établissements sur des questions comme la protection des données, la sécurité des élèves en ligne et l’utilisation responsable de la technologie.
Supervision et évaluation de l’utilisation des TIC dans les établissements par l’intermédiaire d’une enquête annuelle.
Évolution
Bien que depuis sa création, Kennisnet n’ait pas connu de changement organisationnel majeur, d’autres organismes de soutien aux politiques d’éducation numérique ont vu le jour aux Pays-Bas. Kennisnet travaille en partenariat avec celles-ci afin d’élargir le périmètre de son soutien numérique aux établissements.
Par exemple, SURF (https://www.surf.nl) est une association regroupant des établissements de recherche et d’éducation néerlandais dont les activités ciblent l’enseignement professionnel et supérieur. Kennisnet et SURF ont coordonné un partenariat public-privé composé de fournisseurs de ressources pédagogiques numériques, de distributeurs et d’éditeurs pédagogiques qui a abouti à la création d’un identifiant unique pour les élèves et les enseignants de la « chaîne des contenus éducatifs » (Kerssens et van Dijck, 2021[32]).
Autre exemple d’organisme de soutien à l’éducation numérique : la coopérative SIVON (https://sivon.nl). Créée en 2017 par et pour les établissements d’enseignement primaire et secondaire, elle propose une mise en commun des passations de marchés pour les produits et services liés aux TIC. La complémentarité de Kennisnet et SIVON leur permet d’offrir un accompagnement complet aux conseils d’établissement dans l’enseignement primaire. Kennisnet soutient une infrastructure de TIC nationale et la diffusion des connaissances générales en matière d’éducation numérique, tandis que SIVON propose des solutions et un soutien sur mesure aux établissements.
Fonctionnement
Kennisnet continue d’offrir un vaste éventail de services aux établissements primaires et secondaires aux Pays-Bas. Des services liés aux réglementations en matière de protection des données et de la vie privée lors de l’utilisation de la technologie dans les établissements d’enseignement sont venus s’ajouter dernièrement à son répertoire. Pour autonomiser davantage les établissements, Kennisnet offre, par exemple, une plateforme pour aider les conseils d’établissement à négocier et à conclure des accords directement avec les fournisseurs et prestataires de TIC, ou encore une solution de vérification des applications qui informe les enseignants des risques de tout matériel numérique qu’ils envisagent d’utiliser en classe. Enfin, Kennisnet a affirmé son rôle de premier plan en matière de coordination de partenariats multipartites, par exemple lors de la création de l’identifiant unique pour les élèves et les enseignants à l’échelle de l’écosystème éducatif numérique.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
Kennisnet |
Budget octroyé par le ministère ; Étroite collaboration avec un bureau d’éducation numérique pérenne au sein du ministère de l’Éducation ; Partenariats avec d’autres organisations publiques et privées qui offrent un soutien aux établissements en matière d’éducation numérique |
Capacité d’initiative limitée en matière de nouvelles activités ; Potentiel de doublons et de concurrence avec d’autres organismes de soutien à l’éducation numérique |
Cas 5. Costa Rica : Fundación Omar Dengo
Copier le lien de Cas 5. Costa Rica : Fundación Omar DengoContexte et date de création
La fondation Omar Dengo (www.fod.ac.cr) est une organisation non gouvernementale fondée en 1987. Depuis ses débuts, sa mission est de contribuer à la qualité et à l’égalité des possibilités d’apprentissage en faisant appel à des méthodologies éducatives innovantes et aux technologies numériques (Jimenez Iglesias, 2016[33]).
La fondation a été créée par le gouvernement du Costa Rica dans le but de mettre en œuvre le Programme d’informatique éducative du ministère de l’Éducation publique (PRONIE MEP-FOD), axé sur l’amélioration de l’éducation grâce à l’informatique et aux nouvelles technologies.
La création d’une organisation non gouvernementale afin de la mettre aux commandes d’un projet tel que PRONIE MEP-FOD tient à plusieurs raisons, dont la principale est d’ordre financier et administratif : grâce à sa plus grande souplesse opérationnelle, la structure juridique de la fondation permettait de décrocher plus facilement des financements externes (Brenes et al., 2014[34]).
Activités principales
La fondation a procédé aux activités suivantes pour mettre en œuvre la politique nationale d’éducation numérique (PRONIE, 1998-2023) :
Création de modèles éducatifs pour doter les élèves et les enseignants de compétences stratégiques du XXIe siècle
Équipement technologique et soutien technique aux établissements
Développement professionnel des enseignants
Conseils et soutien au personnel administratif et aux enseignants dans les établissements
Supervision, évaluation et recherche pour suivre les projets et intégrer de nouvelles perspectives nationales ou internationales dans l’éducation
Évolution
Depuis 36 ans, le rôle de la fondation Omar Dengo est de veiller à la mise en œuvre de la politique nationale pour le numérique dans l’éducation au Costa Rica. Cela étant, à chaque changement de gouvernement, elle doit renégocier ses priorités et trouver un terrain d’entente avec le nouveau ministère de l’Éducation publique.
À ses débuts, le travail de la fondation était axé sur l’acquisition d’une infrastructure numérique (connectivité et appareils) pour les établissements primaires, activité financée en majorité par des sources externes comme l’Agence américaine pour le développement international (USAID). En 2002, à la faveur de la hausse des subventions du gouvernement du Costa Rica, le programme PRONIE MEP-FOD a été élargi aux établissements secondaires.
Le travail de la fondation a progressivement inclus le développement des compétences numériques des enseignants et la mise au point de modèles pédagogiques intégrant les technologies numériques dans le programme d’enseignement fondamental et les pratiques pédagogiques générales.
Le nouveau gouvernement du Costa Rica a décidé de se doter d’une nouvelle politique pour le numérique dans l’éducation (qui sera mise en œuvre en 2024), dans laquelle le rôle de la fondation reste à définir.
Fonctionnement
À l’heure actuelle, la fondation Omar Dengo continue à offrir des orientations et une assistance technique aux établissements en mettant en œuvre trois modèles pédagogiques dans le cadre de la politique nationale d’éducation numérique (PRONIE) :
Laboratoires d’informatique éducative (LIE) : dans ce modèle, les élèves reçoivent des cours de programmation et de pensée computationnelle dispensés par un enseignant en informatique pédagogique.
Apprentissage avec les technologies mobiles (ATM) : dans ce modèle, les établissements d’enseignement reçoivent des ordinateurs et d’autres outils numériques qui peuvent être utilisés par les élèves et les enseignants en complément du programme d’enseignement.
Entrepreneuriat et innovation (Ey1) : ce modèle, qui s’adresse principalement aux établissements d’enseignement secondaire technique, dispense des cours pour accroître l’employabilité et les compétences entrepreneuriales des élèves.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
Fondation Omar Dengo |
Mandat gouvernemental clair ; Souplesse et efficacité administratives ; Mission spécialisée : recherche sur les tendances des TIC dans l’éducation |
Risques organisationnels à chaque changement de gouvernement ; renégociations constantes des priorités et du budget |
Cas 6. Irlande : Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE) > Service de développement professionnel des enseignants (PDST) > PDST Technology in Education > Oide Technology in Education
Copier le lien de Cas 6. Irlande : Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE) > Service de développement professionnel des enseignants (PDST) > PDST Technology in Education > Oide Technology in EducationContexte et date de création
Oide (https://oide.ie/) (anciennement « service de développement professionnel des enseignants », PDST) est un organisme public qui offre des services de soutien complets et des possibilités de formation professionnelle aux enseignants et aux chefs d’établissement dans divers domaines pédagogiques et éducatifs. Oide est né en septembre 2023 de la fusion du PDST et d’autres organismes au service des enseignants et des chefs d’établissement comme le Centre for School Leadership (CSL), le Junior Cycle for Teachers (JCT) et le National Induction Programme for Teachers (NIPT).
Le PDST a vu le jour en septembre 2010 en tant que service de soutien générique, intégré et transversal destiné aux établissements. En 2012, il a créé une division consacrée au numérique dans l’éducation : PDST Technology in Education. Celle-ci a absorbé les activités de l’ancien Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE), organisme fondé en 1998 par le gouvernement irlandais pour encourager le développement, le financement et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation. C’est au NCTE qu’incombait la mise en œuvre de l’initiative IT 2000 ainsi que la coordination de dix centres d’éducation régionaux appuyant directement les établissements d’enseignement sur le terrain. À la suite de la dissolution du NCTE en 2012, l’ensemble de ses activités a été transféré à PDST Technology in Education, dont le rôle principal est de promouvoir et de soutenir l’intégration de la technologie dans l’enseignement et l’apprentissage. Oide Technology in Education a repris le flambeau et continue « d’encourager et d’accompagner l’intégration des technologies numériques dans l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation ».
Activités principales
Oide Technology in Education est le principal organisme de soutien à la mise en œuvre de la stratégie pour le numérique dans les établissements (2021-2027) du ministère de l’Éducation de l’Irlande, en particulier pour les activités liées aux infrastructures et au développement professionnel des enseignants. En complément, il est chargé des missions suivantes :
Activités de conseil et d’élaboration de propositions politiques pour le ministère de l’Éducation sur des questions liées à l’éducation numérique.
Gestion du portail des établissements du ministère de l’Éducation (Scoilnet) https://www.scoilnet.ie/.
Mise en œuvre d’un programme pour un Internet plus sûr (Webwise) https://www.webwise.ie/ qui offre des informations, des conseils et des ressources numériques aux enseignants, aux parents et aux élèves.
Planification d’outils pour que les établissements puissent préparer et mettre en œuvre le numérique dans l’éducation et utiliser des évaluations formatives et le portefeuille numérique des élèves.
Orientation et soutien aux établissements pour la mise en place d’une infrastructure de technologie numérique adaptée (dispositifs informatiques, accès à Internet, plateformes d’apprentissage, cybersécurité, assistance technique, etc.).
Rôle de guichet unique pour le programme national « Schools Broadband » (Internet à haut débit dans les établissements).
Évolution
Le Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE) a été fondé en 1998 par le gouvernement irlandais afin de mettre en œuvre la politique d’éducation numérique IT 2000, dont l’objectif était de doter les classes de ressources et d’infrastructures numériques et de promouvoir le développement des compétences des enseignants. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le NCTE avait pour mission de mettre sur pied un partenariat national rapprochant les établissements, les parents, les collectivités locales et les institutions tierces des organisations du secteur public et privé. Soulignant le caractère impératif d’une coordination efficace, le projet a créé une structure organisationnelle composée du Groupe de coordination des TIC éducatives du ministère de l’Éducation et des Sciences, du Centre national pour la technologie dans l’éducation (NCTE) de l’Université de la ville de Dublin et d’une antenne régionale pour IT 2000 dans dix centres d’éducation. Il définissait en termes très précis la structure organisationnelle du NCTE, en précisant que le personnel initial devait comprendre « des pédagogues (en majorité des enseignants détachés), du personnel informatique chevronné et des administrateurs scolaires » (Ministry for Education and Science of Ireland, 1998[35]).
En 2010, dans le cadre d’une restructuration à grande échelle visant à fusionner différents services de soutien aux établissements, le ministère de l’Éducation et des Compétences a fondé le Service de développement professionnel des enseignants (PDST) chargé d’offrir un soutien et des orientations au système éducatif irlandais dans six domaines : le programme d’enseignement et la pédagogie, les méthodologies d’apprentissage et d’enseignement, l’amélioration et l’auto-évaluation des établissements, le leadership des établissements, le bien-être des élèves et des enseignants et enfin, les technologies de l’information et de la communication.
En 2012, ayant compris la diversité des activités relevant des TIC dans l’éducation, le PDST a créé un service spécialisé appelé PDST-Technology in Education, lui aussi dépendant de l’Université de la ville de Dublin.
En 2023, Oide est né de la fusion de différents organismes irlandais pour offrir un service complet de développement professionnel aux enseignants. Oide-Technology in Education succède donc à PDST-Technology in Education tout en reprenant sa mission et ses ressources.
Fonctionnement
Oide Technology in Education (TiE) est le principal organisme de soutien à la mise en œuvre de la stratégie pour le numérique dans les établissements (2021-2027) du ministère de l’Éducation irlandais, notamment en ce qui a trait aux activités liées aux infrastructures et au développement professionnel des enseignants. Selon le programme stratégique d’Oide (anciennement PDST), tous ses services de soutien et de formation professionnelle doivent tendre vers un même objectif : renforcer les compétences numériques et intégrer les technologies numériques dans l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation. L’équipe responsable de la technologie dans l’éducation d’Oide (Oide TiE) ainsi qu’une équipe de conseillers chargés des technologies numériques continueront à mettre au point et à promouvoir des modèles souples et distincts de formation professionnelle des enseignants.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
NCTE — Centre national pour la technologie dans l’éducation |
Mandat de coordination d’un vaste partenariat multipartite ; Appartenance à une structure organisationnelle complète |
Absence de définition claire des responsabilités des organisations |
PDST — Service de développement professionnel des enseignants |
Intégration des TIC dans d’autres services de soutien et d’orientation des établissements |
Absence de priorités et de connaissances précises des TIC dans l’éducation |
Oide et PDST Technology In Education (TiE) |
Mission précise qui demeure compatible avec d’autres domaines éducatifs |
Autonomie limitée |
Cas 7 : Uruguay Plan CEIBAL > CEIBAL
Copier le lien de Cas 7 : Uruguay Plan CEIBAL > CEIBALContexte et date de création
Le Plan CEIBAL (https://ceibal.edu.uy/) (CEIBAL, 2006[36]) a été lancé en 2006 par le président de l’Uruguay afin de mettre toute la population à l’heure numérique. La mission initiale du projet était l’inclusion numérique et l’égalité d’accès à la technologie. Sa phase pilote a été lancée en 2007 à la faveur d’un partenariat avec le programme « Un ordinateur portable par enfant » (One Laptop per Child, OLPC) de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT). Le projet disposait d’un comité de supervision composé du président de l’Uruguay, de l’université nationale et d’autres acteurs du domaine de la technologie et de l’éducation. Les questions opérationnelles relevaient principalement de deux institutions : le laboratoire technologique de l’Uruguay (LATU) et l’Agence nationale de l’éducation publique (ANEP).
Au fil du projet, LATU a fondé un autre organisme, autonome en matière de gouvernance et de budget, chargé de mettre en œuvre le projet CEIBAL.
Activités principales
Les activités de CEIBAL couvrent six domaines différents :
Technologies pour l’éducation : appareils et connectivité
Plateformes éducatives : écosystème de plateformes offrant du contenu de qualité en mathématiques, en langues, en programmation et en informatique
Programmes d’enseignement : innovation en STIAM
Développement professionnel des enseignants : cours et formation continue sur les compétences numériques, les compétences de la vie courante, l’innovation et les nouvelles pédagogies
Citoyenneté numérique
Information stratégique : gestion des données sur l’éducation
Évolution
Le travail de CEIBAL s’est déroulé en quatre phases :
Phase 1 (2007-2010) : Fourniture d’appareils aux élèves et aux enseignants, connexion des établissements à Internet et installation d’équipements de vidéoconférence dans les établissements
Phase 2 (2010-2013) : Mise au point et acquisition de plateformes éducatives et développement professionnel des enseignants
Phase 3 (2013-2020) : Création de modèles pédagogiques mettant la technologie au service de l’apprentissage
Phase 4 (depuis 2020) : Étude de nouveaux formats d’enseignement hybrides reposant sur les infrastructures existantes et recherche de nouveaux types de partenariats au sein du système éducatif
Fonctionnement
L’Uruguay est l’un des rares pays où la totalité des élèves de l’enseignement public reçoit un ordinateur avec un accès gratuit à Internet, remplacé à deux reprises au cours de leur scolarité (CEIBAL, 2022). D’un organisme chargé du déploiement de l’infrastructure numérique, CEIBAL s’est mué en centre d’innovation au service de l’éducation, dont la portée dépasse l’Uruguay puisqu’il intervient dans d’autres pays d’Amérique latine. L’accent mis sur les méthodologies pédagogiques innovantes et la formation des enseignants recoupait, dans une certaine mesure, le travail de l’Agence nationale de l’éducation publique (ANEP), responsable de tous les services de soutien aux établissements. Les deux organismes sont autonomes sur le plan technique et administratif tout en demeurant rattachés au ministère de l’Éducation. CEIBAL poursuit l’élargissement de ses activités et emploie plus de 500 personnes à l’heure actuelle.
Avantages et inconvénients de l’organisme de soutien
Structure politique/organisationnelle |
Avantages |
Inconvénients |
---|---|---|
Plan CEIBAL |
Forte capacité d’orientation (implication directe de la présidence) |
Absence de fondement institutionnel |
CEIBAL |
Intégration de différents domaines de connaissances nécessaires à la mise en œuvre du numérique dans l’éducation au sein d’une même organisation |
Doublon (et concurrence potentielle) avec d’autres organisations éducatives chargées d’une mission similaire |