Stéphan Vincent-Lancrin
OCDE
Carlos González-Sancho
OCDE
Stéphan Vincent-Lancrin
OCDE
Carlos González-Sancho
OCDE
Le présent chapitre insiste sur l'importance de disposer à l'échelle du système d'éducation d'un outil numérique appelé système d'information scolaire ou système d'information pour la gestion de l'éducation (SIGE). Aujourd'hui, une nouvelle génération de ces systèmes d'information permet de recueillir des données sur chaque élève et son parcours d'apprentissage au sein d'un système d'éducation, ouvrant ainsi la voie à l'utilisation de données en temps réel à des fins de personnalisation de l'apprentissage et de prise de décision en matière d'éducation. Ce chapitre présente les fonctionnalités et possibilités d'utilisation courantes de ces systèmes dans des contextes nationaux et met en lumière le rôle essentiel que pourraient jouer les systèmes de la prochaine génération dans un écosystème d'éducation numérique efficace.
Un système d'information scolaire est un outil numérique qui permet le recueil et la consultation d'informations détaillées sur les élèves, notamment des données démographiques et relatives à l'assiduité et au parcours scolaire et, de plus en plus, aux résultats d'apprentissage. Contrairement à un simple registre des élèves, ce système d'information facilite l'accès aux données grâce à une panoplie d'outils de diffusion des données, de visualisation et d'analyse, présentant ainsi un intérêt en temps réel pour les acteurs de l'éducation. Selon leur fonction, les différents acteurs peuvent généralement accéder à différents types d'information sur les élèves, les établissements et, éventuellement, les enseignants. Cet accès est normalement restreint aux personnes exerçant une fonction au sein du système. Si certains de ces systèmes d'information sont souvent utilisés à des fins administratives et alimentés par le biais d'applications administratives, ils permettent également à terme de générer des statistiques sur l'éducation. Dans un écosystème d'éducation numérique moderne, leur utilité première consiste à mettre à la disposition des différents intervenants, en temps réel, des données exploitables à partir d'informations collectées dans l’ensemble du système (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]).
Ces systèmes d'information scolaire sont aussi connus sous les noms de systèmes d'information pour la gestion de l'éducation (SIGE), systèmes de données de l'État, systèmes de données longitudinaux de l'État ou systèmes d'information sur l'éducation. La plupart du temps, ces systèmes d'information ne se cantonnent pas aux données sur les élèves. En effet, ils comprennent toujours des renseignements sur les établissements (auxquels est attribué un identifiant unique) ainsi que, dans certains cas, sur les enseignants. Le recours à l'expression « systèmes d'information scolaire » montre que les systèmes de la génération actuelle permettent souvent de conserver une mine d'informations sur chaque élève, avec la possibilité de relier aux élèves d'autres données disponibles, en faisant des systèmes « centrés sur l'élève » : la plupart du temps, ils contiennent également de nombreuses données qui ne sont pas axées uniquement sur les élèves, mais simplement en lien avec ces derniers. Nous utiliserons ici indifféremment les expressions « système d'information scolaire » ou « système d'information sur l'éducation », même si cette dernière semble renvoyer à un champ d'application beaucoup plus vaste.
Dans ce rapport, on entend par système d'information scolaire un dispositif numérique géré à l'échelle du système d'éducation et non pas à l'échelle des établissements d'enseignement. En fonction du pays, le système d'éducation peut être régi à l'échelle nationale ou bien par des autorités de l'éducation au niveau d’une région/d’un État voire au niveau local. Les établissements d'enseignement peuvent également avoir recours à des applications intitulées « systèmes d'information scolaire » ou « systèmes d'information et de gestion de l'établissement » en vue de conserver des renseignements sur leurs élèves, notamment des données démographiques ainsi que des informations sur leur classe, leur emploi du temps, leurs parents, etc. Toutefois, par facilité de langage et souci de cohérence tout au long de ce rapport, on entendra par « systèmes de gestion de l'apprentissage » l'ensemble de ces systèmes d'information scolaire au niveau des établissements (Vincent-Lancrin, 2023[2]).
Les systèmes longitudinaux d'information scolaire ou d'information sur l'éducation constituent une catégorie particulière de systèmes d'information. Dans ce rapport, on entend par systèmes d'information scolaire longitudinaux, des systèmes qui : a) croisent des données sur les élèves collectées à différents moments ; b) conservent des informations détaillées sur les élèves, y compris sur leur niveau d'instruction, leurs résultats d'apprentissage, leur parcours scolaire et leur profil socio-démographique ; et c) facilitent la consultation et l'utilisation des données grâce à une panoplie d'outils de diffusion des données, de visualisation et d'analyse (adaptation du (National Forum on Education Statistics, 2010[3]).
Ces trois caractéristiques de base sont les conditions minimales pour accroître la capacité des systèmes d'information scolaire à favoriser des utilisations innovantes des données sur l'éducation au service de l'élaboration des politiques. L'objectif est en effet d'avoir une vision dynamique, plutôt que statique, des expériences et des résultats des élèves, de fournir une base solide aux données avancées concernant l'efficacité des politiques et des pratiques et de mettre à la disposition des multiples acteurs de l'éducation des retours d'information plus rapides et plus exploitables. C'est pourquoi le présent chapitre s'attardera particulièrement sur les systèmes d'information longitudinaux.
Le chapitre est structuré comme suit : la première section porte sur la prévalence des systèmes d'information longitudinaux dans divers pays ainsi que sur les principales données et fonctionnalités de ces systèmes ; la deuxième section présente les différentes possibilités d'utilisation de ces systèmes à des fins statistiques ou de recherche, ou à des fins de personnalisation de l'apprentissage à l'aide de prévisions ; enfin, la dernière section expose les diverses possibilités d'utilisation des données collectées par ces systèmes, afin que les enseignants et chefs d'établissement puissent les exploiter.
Notre analyse comparative porte sur 29 pays, y compris deux systèmes infranationaux (Belgique) et un pays en passe d’accéder à l'OCDE (Brésil). Tous les pays de l'OCDE ont été invités à répondre aux questionnaires. Les réponses des pays ayant accepté de participer ont été validées dans le cadre d'entretiens menés entre le Secrétariat de l’OCDE et chaque équipe nationale. Les réponses ont ensuite fait l'objet d'une double vérification avant d'être complétées par la description de l'infrastructure d'éducation numérique et la gouvernance éducative de chaque pays (OECD, 2023[4]). Même en l'absence d'une participation à notre étude comparative, les données de certains pays ont également été intégrées aux analyses en fonction de leur pertinence.
On constate que la majorité des pays de l’OCDE bénéficie d’un système longitudinal d’information scolaire (voir le Tableau 2.1). Sur les 29 pays/systèmes participants, ils sont 19 (soit 65 %) à disposer d'un système d'information scolaire à l'échelle nationale/centrale et dans 3 pays fédéraux la totalité ou la majorité des États ou autorités régionales jouit d'un tel système à ce niveau (c’est le cas pour l'ensemble des États américains et des provinces canadiennes). Par ailleurs, même s'ils n'ont pas recours à un système d'information scolaire, quatre pays recueillent tout de même des données détaillées sur les élèves dans le cadre d'un registre central des élèves. Seuls quelques pays ont un système dont la portée est limitée (comme le système SISTEC au Brésil qui ne couvre que l'enseignement et la formation professionnels) ou qui présente un défaut d'intégration – caractéristique pourtant essentielle de tout système d'information – de sorte que les applications existantes permettent de regrouper des informations de base sur les élèves, mais de manière détournée (comme c'est le cas pour la Communauté française de Belgique). Enfin, une petite poignée de pays ne dispose pas encore d'un tel système d'information même s'il existe une collecte régulière de données auprès des établissements ou des régions à des fins statistiques, comme au Japon ou en Tchéquie voir le Graphique 2.1).
À l'exception du Mexique, les pays fédéraux ne possèdent pas de registre central des élèves ni de système d'information central comprenant des microdonnées sur les élèves. Les États ou les régions transmettent généralement leurs données au niveau fédéral : aux États-Unis, les États ont l'obligation de fournir une série de données au National Center for Education Statistics ; au Canada, le Conseil des ministres de l'Éducation (CMEC) collecte des statistiques nationales sous forme de données agrégées par le biais d'une enquête annuelle transmise aux provinces ; au Brésil, l'INEP collecte des données statistiques directement auprès des établissements (sans pour autant disposer en 2023 d'un système d'information longitudinal ni d'un registre des élèves).
Sauf dans les rares cas où une solution de prestataire est associée à un outil dont les pouvoirs publics sont propriétaires (comme en Lituanie ou en Hongrie), tous les systèmes d'information scolaire sont détenus par les pouvoirs publics qui en ont la charge. Il s'agit parfois d'une version personnalisée de solutions commerciales disponibles, mais dans la majorité des cas, les systèmes ont été conçus en collaboration avec des entreprises externes pour le ministère ou une instance publique qui demeure propriétaire de l'outil, et par conséquent, propriétaire exclusif de la multitude de données collectées (et généralement responsable de leur conservation), ce qui constitue un atout majeur. Un possible inconvénient repose toutefois sur la nécessité d'entretenir le système qui peut devenir obsolète ou moins performant en l'absence d'investissements réguliers pour à améliorer la qualité des outils de visualisation et de diffusion des données (le cas échéant).
La majorité des pays tiennent à jour un système longitudinal d'information scolaire ou un registre national des élèves : sur les 29 pays participants, 22 (soit 76 %) disposent de données longitudinales sur leurs élèves au niveau national ou infranational (voir le Graphique 2.2 et le Tableau 2.1). En outre, 26 d’entre eux (soit 90 %) peuvent utiliser les données sur les élèves pour étayer leurs politiques et pratiques en matière d'éducation, soit à l'échelle nationale ou à d'autres échelons de l'exécutif. La collecte d'informations longitudinales est une caractéristique essentielle de tout système d'information moderne sur l'éducation.
Au cours des exercices de collecte de données menés à différents moments et par différents organismes ou organisations, l'attribution d'un identifiant unique et permanent associé à chaque élève, enseignant et établissement est une caractéristique essentielle des systèmes d'information longitudinaux. Cet identifiant longitudinal permet de relier des données au fil du temps et donc de suivre des séquences d'évènements et des parcours individuels au sein du système d'éducation. L'attribution d'un identifiant unique est également nécessaire pour recouper les entités de données au sein de structures interdépendantes, par exemple les élèves dans des classes ou des établissements.
Les systèmes d'information longitudinaux permettent par conséquent de suivre au fil du temps le parcours scolaire de chaque élève et, possiblement, son parcours ultérieur. À l’autre extrémité du spectre, les systèmes d'information de nature transversale conservent des données collectées à un ou plusieurs moments précis concernant une ou plusieurs cohortes d'élèves, mais ne sont pas en mesure d'apparier les données de chaque élève au fil du temps.
Un identifiant permanent et propre à chaque élève est généralement attribué dès l'entrée dans le système d'éducation, lors de la première inscription. Souvent présenté sous forme de code numérique ou alphanumérique, cet identifiant permanent est utilisé lors de tous les exercices de collecte de données, couvrant idéalement l'intégralité du parcours académique (de l'éducation de la petite enfance à l'enseignement post-secondaire).
Cet identifiant attribué à chaque individu peut être utilisé par un unique organisme ou système d'information, ou bien être commun à plusieurs organismes et systèmes de données. Parmi les exemples d'identifiant commun, citons le cas des numéros de sécurité sociale et de carte d'identité utilisés dans les registres des autorités publiques, ainsi que celui des matricules scolaires que conserve un élève pendant tout son parcours au sein du système d'éducation, indépendamment du niveau d'enseignement, de la juridiction et de l'établissement. L'identifiant commun permet d'attester clairement de l'identité d'un élève, de faciliter les exercices de collecte de données provenant de diverses sources et de réduire la charge que supposent de nouvelles collectes. Cet identifiant démultiplie toutefois les enjeux en matière de confidentialité et de protection des données, dans la mesure où, contrairement à un identifiant propre à une seule base de données, il permet la divulgation d'une plus grande part d'informations personnelles. Par exemple, en Estonie et au Luxembourg, l'identifiant unique attribué à chaque élève correspond à son numéro d'identité national. En France et en Nouvelle-Zélande, à des fins de protection de la vie privée, les identifiants uniques sont, en vertu de la loi, différents pour tous les secteurs de la société. Dans le premier cas, cela facilite le croisement des données collectées par les différentes administrations, mais nécessite une plus grande confiance envers les autorités publiques ; alors que dans le deuxième, il s'avère plus compliqué (voire impossible) de relier les informations provenant de différents secteurs, même si les risques en matière de protection de la vie privée sont moindres.
Un identifiant permanent pour les entités de données agrégées, telles que les établissements d'enseignement et les districts, constitue une caractéristique commune des systèmes d'information sur l'éducation qui facilitent les actions de suivi et d'évaluation au niveau du système et des établissements. Mais c'est néanmoins l'attribution d'un identifiant longitudinal unique au niveau individuel – tant pour les élèves que les professionnels de l’éducation – qui représente l'un des piliers d'une utilisation plus innovante des données sur l'éducation. Tous les systèmes d'information scolaire disposent d'un identifiant pour chaque établissement, assurant ainsi le croisement des données recueillies dans le temps à l'échelle des établissements. Ce sujet n'a pas été officiellement mentionné dans les questionnaires, car une précédente étude montrait que l'ensemble des systèmes d'éducation (objets de l'étude) bénéficiait déjà de ce type d'identifiant unique (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]). Tous les systèmes ont donc la capacité de décrire et de comparer les tendances observées à l'échelle du système d'éducation et des établissements.
La quasi-totalité des systèmes d'information scolaire dans les pays pour lesquels les données sont disponibles englobe les élèves de l'enseignement primaire et secondaire (y compris ceux suivant un programme d'enseignement et de formation professionnels [EFP] lorsqu'il est proposé au sein du système scolaire). Dans quelques cas, il existe plusieurs systèmes d'information scolaire en fonction du niveau d'enseignement : par exemple, la France et le Luxembourg appliquent deux systèmes différents pour l'enseignement primaire et secondaire. La couverture de ces systèmes d'information dépend du pays : dans certains cas, tous les élèves sont pris en compte indépendamment de leur inscription dans des établissements publics ou privés (notamment en cas de financement public du secteur privé) et, dans d'autres cas, seuls les élèves scolarisés dans un établissement public sont concernés. Cela s'explique principalement par le fait que ces systèmes sont utilisés pour des tâches administratives (ou en découlent) liées notamment au financement des établissements, à l'affectation des enseignants, à la planification des examens, aux évaluations de l'apprentissage, à des obligations d'assiduité, etc.
L'interopérabilité est de mise lorsque plusieurs systèmes coexistent. Dans le cas contraire, l'attribution d'un identifiant unique permet de croiser les données collectées par les différents systèmes, même si cette méthode demeure fastidieuse et chronophage.
|
Nom du ou des systèmes nationaux d’information scolaire (le cas chant) |
Utilisation d'un système national d’information scolaire |
Aucun SIS national mais plusieurs l'échelle infranationale |
Aucun système d’information scolaire mais un registre national des élèves |
Identifiant unique longitudinal |
Informations en temps réel |
Croisement des données sur les élèves et les enseignants |
Résultats obtenus aux valuations standardises |
Notes attribuées par les enseignants (évaluations non standardisées)) |
Tableau de bord analytique |
Tableau de bord public |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Autriche |
BilDok |
✓ |
✓ |
||||||||
Brésil |
|||||||||||
Canada |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Chili |
SIGE |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Tchéquie |
|||||||||||
Danemark |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||
Estonie |
EHIS |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Finlande |
KOSKI |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
France |
ONDE et SIECLE |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||
Hongrie |
Oktatas |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||
Islande |
INNA |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||
Irlande |
✓ |
||||||||||
Italie |
SIDI |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||
Japon |
|||||||||||
Corée |
NEIS |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||
Lettonie |
VIIS |
✓ |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓ |
✓ |
|||
Lituanie |
ŠVIS |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||
Luxembourg |
Scolaria et Fichiers lves |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||
Mexique |
SIGED |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Pays-Bas |
DUO |
✓ |
✓ |
||||||||
Nouvelle-Zélande |
NSI et ENROL |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||
Slovénie |
CEUVIZ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||
Espagne |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Suède |
✓ |
✓ |
|||||||||
Türkiye |
MEBBIS |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
États-Unis |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Angleterre (Royaume-Uni) |
GIAP et ASP |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||
Comm. flamande (Belgique) |
Discimus |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||
Comm. française (Belgique) |
✓ |
||||||||||
Total |
19 |
3 |
4 |
24 |
15 |
10 |
13 |
11 |
10 |
11 |
|
Inde |
VSK |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Gujarat (Inde) |
VSK |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||
Total |
21 |
3 |
4 |
25 |
16 |
11 |
14 |
12 |
12 |
12 |
Le deuxième élément de référence qui caractérise un système d'information scolaire longitudinal est la disponibilité d'une mine de renseignements sur les élèves, allant de données socio-démographiques ou relatives au milieu scolaire à des indicateurs liés à leur performance scolaire ou à leurs résultats d'apprentissage, dans la mesure du possible.
Les systèmes d'information longitudinaux conservent des données détaillées sur la présence des élèves au sein du système scolaire au fil du temps. Il s'agit-là d'une fonctionnalité de base dans tout système d'éducation qui autorise les administrateurs scolaires à être tenus informés des effectifs scolarisés dans le pays, à garantir que les élèves jouissent des droits que leur confère la loi, à attribuer parfois des fonds aux établissements et, enfin, à alimenter les statistiques et la recherche sur l'éducation et à renforcer les retours d'information auprès des parties prenantes.
Les systèmes d'information scolaire comprennent généralement des données individuelles sur l'inscription, l'établissement, l'assiduité/le taux d'absence, le parcours scolaire suivi, la fréquentation de programmes d’enseignement spécifiques, le milieu socio-économique (ou les droits à des prestations spécifiques comme les repas scolaires à prix réduit ou gratuits) ; toutes ces données représentent des facteurs essentiels à la réussite des élèves et à leurs résultats d'apprentissage. Par ailleurs, ces systèmes incluent généralement des informations sur le milieu socio-démographique des élèves (ou devraient le faire). Ces données sont essentielles pour définir les profils de l'effectif d'élèves en termes de sexe, d’âge, de structure familiale, de milieu socio-économique, d’origine ethnique, d’antécédents au regard de l'immigration ou d’autres variables pouvant influer sur l'apprentissage ou la performance scolaire. Elles permettent également d'analyser la répartition des résultats des élèves en fonction desdites caractéristiques contextuelles. Dans le cadre d'une description précise de l'environnement extra-scolaire d'un élève, parmi les renseignements socio-démographiques collectés certaines données demeurent inchangées (comme la date de naissance ou le sexe) tandis que d'autres doivent faire l'objet d'une mise à jour régulière (par exemple, la composition de la famille ou les revenus du foyer). La majorité des systèmes d'information collecte ce type de renseignements.
Selon une étude réalisée en 2015 portant sur 60 systèmes d'information scolaire (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]), la quasi-totalité de ces systèmes contient des renseignements démographiques de base tels que l'âge et le sexe des élèves ; une moindre proportion conserve des données relatives à d'autres antécédents familiaux communément associés aux résultats des élèves, tels que le milieu socio-économique (pour 60 % des systèmes), l'origine nationale (69 %) ou le lieu de résidence ; et, une minorité d’entre eux dispose d'informations sur les éventuels besoins spécifiques des élèves en matière d’éducation, la langue parlée à la maison, la taille de la famille et autres caractéristiques s'y rapportant. Si notre collecte de données comparatives n'a pas atteint un tel niveau de détails, les entretiens menés auprès des représentants nationaux ont montré que la majorité des systèmes d'information (ou registres des élèves) affiche les mêmes données de base sur les élèves avec, en moyenne, une plus grande quantité d'information qu‘en 2015. Afin de mener des analyses pertinentes sur les écarts de réussite entre différents groupes socio-économiques ou entre des élèves autochtones et issus de l'immigration, et d'évaluer, par exemple, l'impact des caractéristiques de l'entourage d'un élève sur sa performance scolaire, il est nécessaire de disposer de données de grande qualité sur des aspects secondaires comme le milieu socio-économique, l'origine ethnique le cas échéant, le statut au regard de l'immigration. Parallèlement, lorsqu'elles sont partagées de manière anonyme, ces caractéristiques supplémentaires permettent éventuellement de retrouver plus facilement l'identité d'un individu et suscitent donc des questions en matière de protection de la vie privée qui doivent (et peuvent) être traitées grâce à une diversité de techniques.
Des informations sur l'organisation et les ressources des établissements fréquentés par les élèves au fil du temps sont également capitales pour mieux comprendre le contexte dans lequel se déroule l'apprentissage et identifier les facteurs qui favorisent ou entravent la réussite des élèves, permettant ainsi d'orienter efficacement l'évaluation des établissements et la prise de décision en matière de stratégies d'amélioration. Les pays n'ont pas tous le même niveau d'information à cet égard et il semblerait qu'actuellement cela soit moins souvent imputable aux données disponibles dans les systèmes d'information.
On peut mesurer et communiquer les résultats des élèves à l'aide d'une grande diversité de données. Dans le passé, on mettait l'accent principalement sur l'obtention d'un diplôme de fin de cycle et sur les transitions au cours du parcours scolaire. Les données en question concernaient notamment les résultats aux examens (positifs ou négatifs), les crédits obtenus, le passage en classe supérieure ou le redoublement, ainsi que la réussite et l'obtention d'un diplôme à la fin d'une unité d'apprentissage, d'un semestre, d'une année scolaire ou d'un niveau d'enseignement. Ces informations réglementaires sont généralement disponibles dans les systèmes d'information scolaire et les registres des élèves.
Depuis fort longtemps les enseignants notent leurs élèves, mais, au cours des dernières décennies, les autorités en matière d'éducation ont progressivement procédé à des évaluations nationales de leur système d'éducation par le biais d'épreuves standardisées portant sur les matières jugées essentielles. La transformation numérique permet également d'enregistrer facilement les notes attribuées par les enseignants.
Dans ce contexte, les systèmes d'information scolaire et les registres des élèves ont donc beaucoup plus de possibilités de conserver des données relatives aux évaluations sommatives standardisées des acquis et aux notes attribuées par les enseignants à la fin d'un cours ou d'une année d'études spécifique. Sur les 29 pays/juridictions dont les données peuvent être comparées, 13 (soit presque la moitié d'entre eux) peuvent établir un lien entre l'identifiant unique d'un élève et les résultats obtenus à l'évaluation standardisée, et 11 (soit un peu plus d'un tiers) peuvent consigner les notes attribuées aux élèves par les enseignants à la fin de certains cours ou certains cycles.
Aux États-Unis, l'évaluation standardisée des acquis au sein des États/juridictions a été généralisée et les résultats obtenus par les élèves sont habituellement intégrés aux systèmes d'information longitudinaux sous forme de donnée. Dans d'autres pays, il n'est pas possible d'accéder directement à ces renseignements depuis le système d'information scolaire (comme en Italie, au Luxembourg et en Nouvelle-Zélande), mais les résultats aux évaluations standardisées sont généralement reliés à l'identifiant unique des élèves et on peut, par conséquent, les retrouver en croisant les données. Lorsqu'un pays ne dispose que d'un registre des élèves (au Danemark, par exemple), ces renseignements y seront intégrés. Bien souvent, les pays européens ne conservent pas dans leur système d'information scolaire les données sur les résultats des élèves, ce qui restreint leur utilisation à des fins de recherche uniquement. Dans certains cas, cette décision se fonde sur des raisons de protection de la vie privée. Cela dépend probablement de l'instance responsable qui administre l'évaluation standardisée à l'échelle nationale. Ainsi, en Italie et au Luxembourg, cette évaluation est administrée par, respectivement, un organisme public particulier (INVALSI) et l'Université de Luxembourg (LUCET), sans que ces deux instances soient rattachées au ministère de l'Éducation (ou de l'Enseignement supérieur). En France, pour des raisons de protection de la vie privée et conformément aux résultats d'une négociation collective, l'évaluation nationale collecte des données à l'échelle des établissements plutôt que des élèves.
La majorité des évaluations standardisées administrées à l'échelle nationale porte sur la littératie (dans la ou les langues nationales) et la numératie. Parfois, comme en Italie, en Norvège et en Suède, d'autres matières sont également évaluées, par exemple l'anglais en tant que langue étrangère. Les notes attribuées par les enseignants concernent souvent un plus grand nombre de matières. La nécessité d’inculquer aux élèves un ensemble plus vaste de connaissances, de compétences, d’attitudes et de valeurs en vue de les préparer à leur vie future a été entérinée dans la boussole de l’OCDE pour l’apprentissage à l’horizon 2030 (OECD, 2018[5]), dans les travaux en cours sur la créativité et la pensée critique (Vincent-Lancrin et al., 2019[6]) ainsi que sur la pensée créative (OECD, 2023[7]), et dans l'étude relative à l'apprentissage socio-émotionnel (OECD, 2021[8]). Cette dernière étude insiste sur le besoin d’élaborer de nouvelles méthodes d’évaluation, d'enseignement et d'apprentissage afin de mieux évaluer un plus large éventail de résultats escomptés et d'y accorder plus d'importance. Si dans certaines matières, les connaissances techniques demeurent un aspect essentiel du développement des compétences et des savoirs chez les élèves, on perçoit de plus en plus l'importance de ces compétences élargies qui sont utiles tant dans le cadre scolaire qu'extra-scolaire. Toutefois, celles-ci ne sont pratiquement jamais prises en compte dans les évaluations nationales ou dans celles des enseignants, et sont donc rarement disponibles dans les systèmes d'information scolaire ou les registres centraux (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]). Rien n'indique que cette situation ait évolué depuis la précédente collecte de données.
Afin d'analyser la progression de chaque élève, les systèmes d'information longitudinaux sont capables d'établir un lien entre deux ou plusieurs indicateurs relatifs aux résultats des élèves et correspondant à différentes étapes de leur parcours scolaire. La période définie pour l'étude de cette progression dépendra de la fréquence des exercices de collecte de données, mais la possibilité de relier les données de référence et de suivi relatives aux résultats des élèves est un facteur déterminant qui permet d'aller au-delà de la description du niveau de performance des élèves à un instant T, et d'analyser l'évolution observée au fil du temps. Le croisement de données longitudinales permet ainsi une évaluation plus précise de la performance actuelle de chaque élève en fonction de ses résultats passés. Ce type d'analyse se distingue de la comparaison des indicateurs de performance à l'échelle des établissements au fil du temps, car si elle peut s'appuyer sur des données relatives aux élèves, elle ne permet pas d'identifier un parcours d'apprentissage individuel. L'accès aux résultats d'apprentissage via un système d'information scolaire peut permettre, par exemple, aux enseignants, chefs d’établissement ou parents de disposer d’éléments de diagnostic concernant certains élèves sur la base de leurs antécédents et en tenant compte des leçons tirées de l'exploration des données relatives aux cohortes actuelles et passées de l'ensemble du système d'éducation.
Les données sur les enseignants sont une autre composante capitale des retours d'information et des analyses dont le but est de comprendre les facteurs propices à l'apprentissage des élèves. À cet égard, des systèmes d'information scolaire exhaustifs pourraient s'appuyer sur les données administratives relatives aux enseignants et au personnel systématiquement conservées dans les systèmes instaurés à l'échelle locale ou des établissements, comme des renseignements sur leurs qualifications, années d'expérience, type de contrat ainsi que les rôles et fonctions attribués aux enseignants et au personnel de soutien au sein des établissements.
Grâce à la collecte et la conservation de données détaillées sur les enseignants et, à terme, sur les autres membres du personnel de l'établissement, les systèmes d'information longitudinaux peuvent également aider les responsables politiques et les administrateurs scolaires à mieux cerner les enjeux d'importance ayant trait au corps enseignant. Il faut des données de grande qualité sur les enseignants pour analyser les mécanismes de l'offre et de la demande d'enseignants, de la répartition des enseignants au sein des établissements et des districts, des tendances en termes de mobilité et d'attrition ainsi que pour examiner d'autres questions liées à la qualité des programmes de formation initiale et continue des enseignants.
Par ailleurs, les enquêtes menées auprès des enseignants peuvent fournir une mine de renseignements sur leurs comportements et perceptions concernant plusieurs dimensions, dont les besoins en matière de développement professionnel, les pratiques pédagogiques, le climat scolaire ou la satisfaction professionnelle. Quant aux enquêtes menées auprès des chefs d’établissement, elles favorisent une meilleure compréhension de la direction des établissements et des politiques scolaires, s'agissant notamment de l'évaluation des enseignants et des retours d'information. Lorsque le niveau de confiance est suffisant pour permettre la collecte de telles données, probablement par un tiers, l'attribution d'un identifiant unique et personnel à chaque enseignant (qui le conservera tout au long de sa carrière) facilite les analyses longitudinales sur ces questions et bien d'autres encore. Si cette collecte n'est pas possible, l'administration d'enquêtes anonymes ordinaires demeure la voie à suivre. Une autre source d'informations peut, à terme, provenir de certains outils utilisés par les enseignants, à condition que les données collectées puissent être anonymisées de manière fiable.
De plus, la possibilité de croiser les données sur les élèves et les enseignants offre l'occasion d'analyser la relation entre les caractéristiques et pratiques des enseignants d'un côté, et la réussite des élèves de l'autre. Sur les 29 pays/juridictions pour lesquels nous disposons d'information, 10 (soit près d'un tiers) peuvent croiser de telles données (voir le tableau 2.1 et le graphique 2.2). Gonzalez-Sancho et Vincent-Lancrin (2016[1]) ont démontré que cette pratique de croisement des données était déjà peu répandue en 2016. Dans la majorité des cas, cela résulte d'un compromis politique passé avec le corps enseignant et ses organisations représentatives afin, par exemple, de susciter l'adhésion et d'éviter certaines utilisations des données collectées comme le calcul d'un indicateur sur la « valeur ajoutée » des enseignants. En principe, dans la mesure où les données et les analyses sont utilisées de manière éthique, les croisements de données sur les enseignants et les élèves pourraient s'avérer utiles pour, par exemple, repérer les enseignants qui s'en sortent particulièrement bien avec certains groupes d'élèves et comprendre leurs pratiques.
La troisième caractéristique « de base » des systèmes d'information longitudinaux est l'instauration de solutions intégrées afin d'interroger les données et d'automatiser les retours d'information personnalisés pour les acteurs jouissant d'un accès aux systèmes, en utilisant si possible des renseignements en temps réel ou très récents. Ces outils d'analyse et de diffusion des données viennent compléter les fonctionnalités liées à la collecte et au stockage des données. À cet égard, il existe une grande différence entre les ensembles de données statistiques et les systèmes d'information longitudinaux. En effet, ces derniers intègrent une forme ou une autre d'interfaces utilisateur pour faciliter la visualisation et l'analyse des données, et ne se limitent pas à assurer un simple accès aux données brutes (qui seront alors traitées par des logiciels de statistiques).
Selon notre étude comparative, sur les 29 pays/juridictions concernés, 10 (soit environ un tiers) disposent de tableaux de bord ou d'outils intégrés à leur système d'information qui fournissent aux parties prenantes des analyses de données, et 15 autres (soit près de la moitié d'entre eux) utilisent les données en temps réel (voir le Tableau 2.1 et le Graphique 2.1).
En outre, 11 pays (soit 37 %) mettent à la disposition du public les données collectées grâce à un tableau de bord, généralement un site web distinct qui permet de rechercher les données selon un modèle prédéfini ou personnalisé. Il s'agit, par exemple, des dispositifs My School en Australie, Trouver votre école en Ontario (Canada), Scuola in Chiaro en Italie, le Système de divulgation des informations sur l'éducation (Hakgyo Allimi) en Corée, et Skoleporten de 2015 à 2021, puis les analyses « Point de vue » en Norvège.1
Les interfaces utilisateur peuvent comprendre des tableaux de bord pour la visualisation des données, des tableaux automatisés au format numérique ou papier, et des solutions permettant aux utilisateurs d'explorer les données et de procéder à des analyses statistiques descriptives d'une ou plusieurs variables (répartitions, tableaux croisés, tendances, etc.). Les outils d'analyse et de diffusion des données permettent donc de comparer des données individuelles et agrégées par rapport à des données de référence, et d'apporter des ajustements pour améliorer la pertinence de ces comparaisons. Des retours d'information plus approfondis pourraient comporter des conseils étayés par les données ainsi que des modèles de diagnostic et de prédiction qui aideraient les parties prenantes à évaluer les tendances actuelles et à anticiper ce qui pourrait arriver à l'avenir (avec un système de détection précoce, par exemple).
Un accès simple et rapide aux outils d'analyse et de communication des données s'avère donc capital pour garantir à l'intégralité des acteurs des retours d'information en temps voulu. En effet, une communication rapide des informations ne fera qu'en accroître l’utilité. Les outils efficaces de diffusion des données servent à raccourcir les délais de mise à disposition des informations et à accélérer la conversion des données brutes en des réponses contextualisées aux questions des parties prenantes.
Les interfaces web offrent une solution pratique pour l'intégration des outils d'analyse et de dissémination des données au sein des systèmes d'information longitudinaux sur l'éducation. Un portail en ligne peut fournir, de manière rentable et flexible, les informations dont les différents utilisateurs ont le plus souvent besoin, par exemple en explorant les données du système et en alimentant automatiquement les transmissions de données prêtes à l'emploi et les tableaux de bord spécifiques dans des sections du portail réservées aux intervenants. Une interface unique pour l'interrogation des données peut être conçue afin d'accorder aux utilisateurs, dont les droits et responsabilités sont différents, un accès selon divers niveaux de confidentialité.
Les systèmes de données sur l'éducation peuvent très bien contenir une mine de renseignements sans pour autant engendrer d'importantes retombées, si une part importante des personnes censées utiliser les données pour éclairer la prise de décision n'est pas en mesure de le faire. Outre la mise à disposition d'outils conviviaux de dissémination et de visualisation des données, les politiques en matière d'accès (c'est-à-dire qui peut accéder à quel type de données et avec quel niveau de granularité) peuvent fortement atténuer l'utilité que les parties prenantes tirent des données. Les politiques en matière d'accès sont généralement conçues pour garantir un équilibre entre les avantages et risques que suppose la mise à disposition de renseignements détaillés sur les élèves, les enseignants et les établissements. Les avantages résultent surtout de la fourniture de retours d'information permettant d'éclairer les processus de prise de décision. Quant aux risques, ils peuvent avoir trait à la divulgation involontaire de données personnelles ainsi qu'à des utilisations controversées et non conformes des données collectées et des indicateurs connexes.
Une précédente étude a permis d'analyser les données relatives aux politiques en matière d'accès aux systèmes d'information (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]). Ces politiques peuvent être regroupées selon trois aspects principaux. Le premier aspect porte sur le degré d'anonymisation des données individuelles conservées dans les systèmes ; le deuxième concerne la portée relative de la couverture dans l'entité au sein de laquelle fonctionnent les systèmes ; et le troisième a trait au niveau d'agrégation auquel les données peuvent être visualisées. La combinaison de ces trois aspects permet d'identifier des politiques différenciées en matière d'accès.
Le Tableau 2.2 résume les conditions typiques d’accès aux données conservées pour un éventail de parties prenantes (lorsque celles-ci se voient accorder un accès, ce qui est relativement rare au sein des systèmes d'éducation de l'OCDE, car cet accès dépend de la présence de tableaux de bord et d'outils d'analyse et de communication de données).
Parties prenantes |
Anonymisation |
Couverture |
Niveau d’agrégation |
Pourcentage de systèmes fournissant un accès aux données |
---|---|---|---|---|
Enseignants |
Données de la classe visibles, anonymisation totale des autres données |
Propre(s) classe(s) ou établissement |
Données individuelles pour la ou les classes, données agrégées pour toutes les autres informations |
Faible |
Chefs d’établissement |
Données de l'établissement visibles, anonymisation totale des autres données |
Propre établissement |
Données individuelles dans l'établissement en question, données agrégées pour toutes les autres informations |
Moyen |
Responsables politiques (administrateurs) |
Données des élèves anonymisées, accès partiel aux données personnelles des enseignants (accès illimité accordé à certaines personnes) |
Toute la population de la juridiction |
Données agrégées pour les établissements et le système ; données individuelles |
Tous |
Chercheurs |
Données de synthèses ou entièrement anonymisées |
Échantillon représentatif de l'effectif scolaire |
Données individuelles |
Moyen |
Les conditions d'accès les plus restrictives sont celles appliquées aux élèves et aux familles. Ils peuvent généralement accéder à leurs propres données anonymisées et à celles des autres élèves uniquement lorsqu'ils se trouvent au sein de leur établissement ou dans leur classe. Parfois, ils ont également accès à certains indicateurs de référence agrégés au niveau de l'établissement, du district ou du pays/de l’État, comme le taux moyen d’obtention d’un diplôme dans les différents établissements (ou d'autres renseignements concernant l'établissement lorsqu'un tableau de bord est également mis à la disposition du public). Les systèmes d'information accordant aux élèves et aux parents un accès à leurs données et outils de diffusion de données sont peu nombreux et appliquent d'importantes restrictions à cet égard. Cette approche est conforme à la logique du respect de la vie privée selon laquelle il n'y a aucune raison pour que les élèves et leurs parents consultent des informations personnelles sur les autres élèves (même si les élèves peuvent obtenir ces données concernant leurs camarades de classe par d'autres canaux).
Lorsqu'un accès aux données via les outils de comparaison et de visualisation leur est accordé, les enseignants et les chefs d’établissement jouissent de droits similaires, même si ces outils sont plus souvent mis à la disposition de ces derniers. Lorsque l'accès est possible, les chefs d'établissement et les enseignants peuvent normalement voir les données non anonymisées nécessaires au suivi et à l’accompagnement des élèves placés sous leur responsabilité directe. Toutefois, qu'il s'agisse des chefs d'établissement ou des enseignants, l'accès aux données se limite généralement à celles des élèves de leur propre établissement ou de leur propre classe. Certains systèmes autorisent néanmoins les chefs d'établissement à comparer leurs données avec celles d'établissements similaires, mais sans pouvoir accéder aux fichiers de données individuelles des élèves scolarisés dans d'autres établissements ou campus. Les enseignants jouissent généralement de droits plus restreints qui leur confèrent uniquement un accès aux données de leurs propres classes (et, en de très rares occasions, la possibilité de comparer les données de leurs classes avec celles de classes similaires).
Les responsables politiques et les administrateurs scolaires ont généralement accès aux données anonymisées de l'ensemble de la juridiction. Seules quelques personnes désignées au sein des autorités nationales, fédérales ou locales peuvent généralement obtenir des informations détaillées non anonymisées sur les personnes suivies par le système. Néanmoins, sauf circonstances exceptionnelles, l'accès à ces données fait l'objet d'une réglementation rigoureuse en matière de confidentialité et de protection de la vie privée, et s'effectue par l'intermédiaire de dossiers anonymisés, comme pour les administrateurs (par exemple, les directeurs, les responsables de districts scolaires, les agents de l'administration centrale). Cela vaut pour les données des élèves dans la majorité des systèmes d'information scolaire, tandis que les droits sur les données des enseignants impliquent généralement un accès aux dossiers personnels de la part de certains organismes administratifs, notamment les services d'inspection.
Enfin, si les chercheurs ne sont normalement pas autorisés à consulter les données en accédant directement au système d'information, ils peuvent avoir accès à des bases de données anonymisées tirées de ce système d'information. Dans tous les cas, ils ne peuvent accéder qu'à des données anonymisées, et le plus souvent au niveau individuel. Parfois, les chercheurs travaillent davantage avec des échantillons représentatifs de l'effectif d'élèves ou du personnel enseignant qu'avec des bases de données portant sur l'ensemble de la juridiction. Quelques systèmes créent des fichiers de données synthétiques pour représenter et modéliser les effectifs réellement disponibles à des fins de recherche. De plus, la majorité des systèmes exige des chercheurs qu'ils se conforment à des critères stricts pour avoir accès aux données, normalement en soumettant des propositions décrivant précisément l'utilité et les normes éthiques des recherches envisagées. Les chercheurs externes peuvent, quant à eux, accéder uniquement à des fichiers de données anonymisées et nettoyées contenant un nombre limité de variables nécessaires à leurs analyses, plutôt qu'à des ensembles complets de données. Les responsables politiques pourraient rendre publiques les données agrégées quasiment en temps réel pour éviter aux chercheurs de consacrer du temps à reproduire des résultats qui pourraient être automatisés.
Il convient de souligner qu'aucune partie prenante ne dispose d'un accès étendu aux données non anonymisées. Cela porte à croire qu'il n'existe actuellement aucun risque majeur lié à la confidentialité ou à la protection de la vie privée résultant de politiques « laxistes » en matière d'accès aux données. En général, la plupart des systèmes mettent en place des politiques inspirées du principe de « données différentes en fonction de rôles différents » et accordent la priorité à la confidentialité et à la protection de la vie privée plutôt qu’à un d'accès plus souple.
La majorité des pays de l'OCDE dispose d'un système d'information scolaire qui constitue la pierre angulaire de toute infrastructure d'éducation numérique. Certains pays fédéraux ont un tel système à l'échelon infranational avec généralement des obligations de diffusion des données au niveau central. Toutefois, une poignée de pays ne bénéficie toujours pas de tels systèmes. Si certains collectent les mêmes données stockées dans un registre central des élèves (qui s'avère moins pratique), d'autres collectent uniquement des statistiques agrégées.
L'utilisation d'un identifiant longitudinal unique pour chaque établissement, chaque élève et parfois chaque enseignant, constitue une caractéristique essentielle de ces systèmes, permettant ainsi de croiser des données au fil du temps et sur l'intégralité du parcours scolaire des élèves. Ces systèmes d'information peuvent comprennent une multitude de données sur les élèves, notamment l'inscription, l'assiduité aux cours, le parcours scolaire, le milieu socio-économique et autres données démographiques, ce qui facilite les analyses sur les résultats des élèves et les disparités observées. Ils incluent également certains résultats des élèves, dont les taux d’obtention de diplômes, les résultats aux examens, les crédits obtenus et les passages en classe supérieure. Certains pays collectent aussi les notes attribuées par les enseignants ainsi que les résultats aux évaluations standardisées.
Les croisements de données pourraient en principe renforcer les analyses de la progression individuelle, en améliorant l'évaluation de la performance des élèves et des tendances d'apprentissage, et convertir ces informations collectées sur tous les élèves en des données exploitables à l'intention des professionnels de l'éducation dans les établissements.
Seuls 45 % des pays intègrent dans leur système d'information scolaire les résultats individuels obtenus aux évaluations nationales standardisées ou un lien vers ces derniers, 31 % fournissent des tableaux de bord ou des outils de visualisation, 31 % facilitent l'utilisation des données en temps réel ou permettent d’établir un lien entre les données sur les enseignants et sur les élèves, ce qui pourrait apporter de précieuses informations concernant l'influence des caractéristiques des enseignants sur la réussite des élèves.
Notre enquête internationale présente des informations sur la gouvernance et l'infrastructure numériques au sein des pays. Une précédente enquête portant particulièrement sur les systèmes d'information longitudinaux a permis de collecter des renseignements sur les objectifs que visent ces systèmes et sur leurs utilisations prévues. Ces systèmes d'information présentent une grande diversité d'objectifs, de types de données, de politiques en matière d'accès et de fonctionnalités2. La présente section propose quatre modèles types pour classer les principales fonctionnalités et origines des systèmes d'information longitudinaux actuellement en place dans le secteur de l'éducation : la recherche et la diffusion des données, le gouvernement électronique, l'amélioration des établissements, et le « système expert ».
Une première catégorie de système d'information longitudinal procède d'une approche axée sur l'évaluation et les statistiques, c'est-à-dire l'approche traditionnelle du rôle et des atouts des systèmes d'information. L'attribution d'un identifiant unique au niveau individuel et le croisement des données longitudinales ont permis à ces systèmes d'étoffer leurs informations et fiches de performance, mais les données produites sont principalement utilisées par les responsables politiques ou pour informer le public des tendances générales observées au sein du système d'éducation. Dans certains cas, les systèmes visent également à renforcer les capacités de recherche sur les questions liées à l'éducation.
En Ontario (Canada), le système d'information scolaire de l'Ontario (OnSIS) recueille des informations afin d'éclairer la prise de décision en matière de pratiques pédagogiques, de programmes éducatifs et de politiques d'éducation au sein de la province. L'OnSIS a été créé en 2006 dans le cadre du programme plus vaste de Gestion de l'information pour l'amélioration du rendement des élèves (GIARE) qui visait à renforcer les capacités en matière d'utilisation des données tant au niveau local (conseil d'établissement) qu'à l'échelon de la province. L'OnSIS collecte chaque année plus de 100 millions de nouvelles données à différents niveaux. Malgré la forte augmentation du volume de données collectées grâce à l'instauration du système OnSIS, l'initiative GIARE a permis de réduire considérablement le temps nécessaire au recueil des données auprès des conseils d'établissement et d'accroître leur qualité. La fonction première de l'OnSIS est de répondre aux besoins du ministère en matière d'analyses et de fournir des indicateurs clés concernant les priorités politiques.
Le système permet en effet des analyses de tendance et de modélisation statistique très détaillées et propose une excellente contextualisation des modèles de réussite des élèves dans le temps. Définis à l'échelle des provinces, des conseils d'établissement et des établissements ainsi qu'au niveau de sous-groupes, les indicateurs longitudinaux améliorent la compréhension et le suivi des facteurs liés au niveau de formation des élèves. Le suivi longitudinal de chaque élève est rendu possible grâce à l'attribution d'un identifiant unique (numéro d'immatriculation scolaire de l'Ontario, NISO) qui propose des liens vers les données provenant de diverses sources. L'utilisation de dossiers croisés comprend la production d'indicateurs pour suivre l'évolution du pourcentage d'élèves à différents niveaux de performance d'une année d'étude à l'autre, et pour analyser les tendances en matière de fréquentation de l'enseignement post-secondaire en Ontario. La collecte en temps utile de données de qualité sur l'éducation permet à l'OnSIS de promouvoir la diffusion d'informations grâce à la publication de rapports sur les tendances observées au niveau provincial, un outil de recherche d'informations sur les établissements et des rapports d'étape des conseils. Tous ces instruments s'efforcent de fournir en temps voulu des données cohérentes pour éclairer la planification stratégique et la prise de décision.
Au Mexique, les pouvoirs publics ont mis en place un solide système d'information scolaire, le SIGE, alimenté par tous les établissements publics de tous les États du pays et contenant des données longitudinales sur les effectifs d'élèves, des données sur les évaluations (lorsqu'il existait une évaluation nationale) ainsi qu'un ensemble de renseignements sur les établissements et les enseignants. Toutes ces informations sont utilisées à certaines fins administratives, mais servent principalement à générer des rapports et au suivi du système par les administrateurs. L'Institut national pour l'évaluation de l'éducation (INEE) a lancé en 2016 le Sistema Integral de Resultados de las Evaluaciones (SIRE), un nouveau système qui s'appuie sur le SIGE et les données des évaluations pour créer et fournir des outils de visualisation des données sur les résultats des évaluations des élèves et des enseignants, ainsi que sur le contexte physique et socio-économique des établissements d'enseignement primaire et secondaire de tout le pays. L'INEE s'appuie sur le système SIRE pour remplir sa mission de coordination de l'évaluation du système d'éducation au niveau fédéral et des États, dans le cadre du Sistema Nacional de Educación Educativa (SNEE).
Le SIRE oriente la planification stratégique et l'élaboration de politiques en matière d'évaluation de l'éducation en communiquant aux autorités publiques, aux professionnels de l’éducation et aux parents les résultats contextualisés des évaluations qui sont présentés de manière accessible. Un portail en ligne permet aux utilisateurs de personnaliser l'affichage de centaines de variables avec 600 strates géographiques au niveau local et des États. Outre la possibilité d'effectuer des recherches dynamiques dans la base de données, la plateforme fournit également des rapports sur les principaux aspects du cadre adopté pour les évaluations, et permet aux chercheurs de télécharger des données agrégées et d'établir des liens avec des ensembles de données externes provenant d'autres organismes publics. Certaines sections de cette plateforme sont réservées aux utilisateurs autorisés au sein du ministère. Si l'arrêt momentané de l'administration des évaluations standardisées à l'échelle nationale a réduit la richesse des données diffusées, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit-là d'un puissant système de collecte centralisé de données sur les élèves dans un contexte fédéral.
En Lettonie, le ministère de l'Éducation et des Sciences a mis au point en 2016 l'outil de gouvernance électronique intitulé Carte des établissements en Lettonie, dans le cadre d'un projet de plus grande envergure visant à améliorer les informations sur les réseaux scolaires. L'outil comprend une carte géospatiale interactive avec tous les établissements du pays et propose des indicateurs au niveau des établissements tels que les résultats moyens obtenus aux évaluations officielles, le taux d'encadrement des élèves, les programmes d'études proposés, les langues d'enseignement, les infrastructures et le placement des élèves une fois leurs études terminées. Outre une vue d'ensemble concernant les caractéristiques des établissements, la disponibilité des moyens de transport et autres services locaux, la plateforme permet également de comparer la performance des établissements et d'analyser les tendances en termes de mobilité estudiantine. La version publique en ligne de la Carte des établissements aide les élèves et leurs parents à décider de l'établissement de leur choix. D'autres fonctionnalités existent également pour les instances centrales et locales en charge de l'éducation pour aider à la prise de décision quant à la planification et au financement du système scolaire.
Les systèmes conçus à des fins de recherche sont une variante des systèmes axés sur l'évaluation et la communication de données. Le système d'information longitudinal de l'État de Washington (États-Unis) a été conçu afin d'améliorer la capacité de recherche pour traiter des questions essentielles en matière de politique de l'éducation à l'échelle locale et des États. En plus de la fournir aux responsables politiques des données de rétroaction contenant des informations sur un vaste éventail de programmes et de résultats, le système sert également de source de données pour les chercheurs du domaine de l'éducation. Il intègre dans un entrepôt de données opérationnel des dossiers provenant de divers organismes de l'État, constituant plus d'un milliard de données concernant environ 6 millions d'individus, ce qui permet de suivre les parcours individuels de l'éducation de la petite enfance à la scolarité obligatoire, puis à l'enseignement post-secondaire et l'entrée sur le marché du travail. Pour faciliter le partage de données entre les divers organismes et avec les chercheurs externes, l'État de Washington a instauré une structure interorganisationnelle de gouvernance des données. Le système dépend d’une tierce partie pour ce qui a trait au logiciel et à l’assistance pour relier les identités au sein de son entrepôt de données.
Certains systèmes assurent un suivi longitudinal des élèves et servent principalement à des fins statistiques, comme c'est le cas du National Student Index (NSI) en Nouvelle-Zélande, une plateforme web qui attribue à chaque élève un numéro national qu'il conservera tout au long de son parcours scolaire, de l’éducation de la petite enfance à l’enseignement tertiaire. Les chefs d’établissement et les élèves utilisent la plateforme pour rechercher et modifier des informations (sur les élèves) dans les dossiers de la base de données ainsi que pour fusionner des dossiers en double. Cela permet d'assurer la qualité des données individuelles et des statistiques tirées de cette base de données (effectifs, obtention de diplômes, etc.) ou du lien établi entre différentes bases de données et l'identifiant longitudinal propre à chaque élève. ENROL, un système distinct non connecté, conserve surtout des données sur les effectifs d'élèves et la fréquentation scolaire au niveau national, permettant ainsi la mise en place d'interventions pour éviter le décrochage scolaire et veiller au respect de la scolarité obligatoire. Il comprend aussi des statistiques sur l'assiduité, le taux d'absence et le décrochage.
Les sites web publics qui permettent aux familles et à la population en général de rechercher des informations sur les établissements du pays ou de la juridiction à l'aide des données individuelles collectées puis de comparer les différents établissements (ou districts) illustrent bien cette approche (bien que de manière incomplète) ainsi que la manière dont les pays ont amélioré la précision de leurs rapports statistiques au fil du temps.
Un second type de systèmes d'information longitudinaux s'inspire d'une approche axée sur le gouvernement électronique, avec pour ambition première la normalisation et l'amélioration de l'efficacité des processus administratifs (par exemple, les transferts scolaires, le choix d'établissement, la demande d'admission à l'université). La structure conceptuelle de ces systèmes vise en outre à optimiser les dotations financières aux établissements lorsque ces fonds reposent sur une formule tenant compte du nombre d'élèves, comme c'est le cas dans plusieurs pays de l'OCDE disposant de tels systèmes. Les systèmes d'information longitudinaux en Corée et en Estonie reflètent bien cette approche axée sur le gouvernement électronique qui donne lieu à des systèmes comportant plus de données et de possibilités de croisements que les systèmes conçus selon une autre approche, mais dont l’attention se porte moins sur l'utilisation des données à l'échelle des établissements et sur les fonctionnalités à l'appui de l'enseignement.
En Corée, le système national d'information sur l'éducation (NEIS) est un « guichet unique » en ligne à l'intention des services de l'éducation, des familles et des enseignants, qui relie une grande quantité de données administratives à des données sur l'éducation. Il vise à favoriser les échanges de données pour une meilleure rentabilité et à réduire la charge de travail qui pèse sur les enseignants en les soustrayant à la saisie de données et aux tâches de vérification. Le système traite électroniquement les données administratives d'environ 12 000 établissements et 17 services régionaux et métropolitains de l’éducation du pays. Les informations servent à gérer les effectifs et admissions d'élèves, à conserver les résultats obtenus aux examens standardisés et les notes attribuées par les enseignants, à suivre les progrès des élèves et leur parcours d'apprentissage tout au long de l'année scolaire et à faire suivre les dossiers scolaires des élèves vers d'autres établissements d'enseignement du pays (y compris les universités et autres établissements d'enseignement supérieur). Le système contient également des informations sur les enseignants (rémunération, frais, dossier de formation et de développement professionnel, par exemple), les menus de la cantine, etc. De solides méthodes de cryptage et des droits d'accès différenciés sont mis en place pour protéger la confidentialité des données sensibles relatives aux élèves, aux professionnels de l’éducation et aux établissements. En tant qu'outil de gouvernement électronique, il permet aux familles de créer des bulletins scolaires et il transfère en ligne les dossiers scolaires officiels des élèves inscrits en troisième année de l'enseignement secondaire pour leur admission à l'université. Il comprend des interfaces pour les chefs d’établissement, les enseignants, les parents (NEIS-parents) et les élèves (NEIS-élèves). Il est également relié aux systèmes de 15 autres organismes publics grâce à des numéros d'identification individuels uniques communs.
L'automatisation des processus administratifs dans les établissements a permis de réduire considérablement le temps nécessaire au traitement des documents, entraînant des économies estimées à plus de 200 millions USD par an. Le système demeure fortement orienté sur le perfectionnement de l'efficacité administrative, un axe confirmé par les améliorations et les initiatives récentes. Étant donné la grande diversité et la fiabilité élevée des données conservées, on peut soutenir qu'elles n'ont pas été suffisamment exploitées pour favoriser un enseignement et un apprentissage plus personnalisés et soutenir la recherche en éducation. Lancée en juin 2023, la quatrième génération du système NEIS fournit toutefois des données sur les antécédents d’apprentissage des élèves et permet également à ces derniers de s'inscrire à des cours et d'envoyer leurs devoirs aux enseignants. Fidèle à sa nature axée sur la gouvernance numérique, le système a été mis à jour pour qu’il contribue à réduire la charge de travail des enseignants grâce à l'automatisation des tâches administratives.
Instauré en 2005, le système d'information scolaire estonien (EHIS) est intégré à la vaste infrastructure de gouvernement électronique de l'Estonie. L'EHIS et les autres systèmes d'information nationaux utilisent la couche d'échange de données X-Road pour automatiser le partage de données dans un environnement Internet sécurisé. Les citoyens peuvent accéder à ces systèmes en utilisant leur carte d'identité électronique. En intégrant des données provenant de divers registres sur l'éducation, l'EHIS permet aux individus de consulter et de gérer leur dossier personnel d'éducation et de formation tout au long de leur vie. La base de données de l'EHIS est surtout utilisée pour les demandes d'admission à l'université avec le transfert des données personnelles vers les établissements souhaités. Au sein du système EHIS, l'environnement web pour la visualisation des données HaridusSlim (L'œil de l'éducation) propose des informations sur les programmes d'études et les établissements d'enseignement dans tout le pays pour faciliter la prise de décision à plusieurs niveaux et de différentes parties prenantes : du choix de l'établissement pour ce qui est des élèves et des familles, à la planification et au suivi pour les responsables politiques à l'échelle locale ou des États. Les projets de développement prévoient d'enrichir les informations contenues dans l'environnement HaridusSlim pour permettre une analyse longitudinale de l'efficacité des établissements et de l'insertion des diplômés sur le marché du travail.
Un troisième type de systèmes d'information sur l'éducation a pour mission essentielle l'amélioration des établissements d'enseignement. S'ils ont de nombreuses caractéristiques en commun avec les systèmes consacrés à l'évaluation et aux statistiques, les systèmes conçus à l'aide d'une approche axée sur l'amélioration des établissements mettent davantage de données à la disposition de ces derniers, généralement par le biais de modèles personnalisés et d'outils de visualisation. Ils fournissent, par ailleurs, des informations au niveau individuel et à un niveau de détail tel qu'elles peuvent être utilisées par les enseignants (par exemple, relevés d’évaluations au niveau des items). Toutefois, dans le cadre de cette approche d'amélioration, les acteurs particulièrement visés sont les chefs d’établissement (ou les membres des services d'inspection scolaire). Les systèmes en Angleterre, au Portugal, en Hongrie ou au Gujarat (Inde) font partie de cette catégorie.
L'Angleterre a instauré en 2004 le système d'information en ligne RAISEonline, qui analyse et décrit la performance des établissements. Dans le contexte des évaluations standardisées nationales, le système visait à encourager les chefs d’établissement à combler de manière proactive les écarts en matière de performance entre leur établissement et d’autres établissements comparables. C'est l'objectif d'autoévaluation du système qui a inspiré sa conception, comme en témoigne la possibilité pour les établissements de personnaliser les rapports (par exemple, en se focalisant sur des groupes d'élèves en particulier) et de rajouter des informations dans le système (tirées des tests non nationaux, etc.), ainsi que l'accès uniquement accordé aux chefs d’établissement et aux administrateurs. Le système propose également des indicateurs à valeur ajoutée concernant la progression des élèves qui tiennent compte des facteurs contextuels (groupe ethnique, niveau de pauvreté, etc.) et les rapports qu'il produit comportent des intervalles de confiance statistiques. Plus de 20 000 établissements et 3 000 inspecteurs dans tout le pays l’ont utilisé pour guider l'autoévaluation des établissements ainsi que les processus d'inspection. Depuis 2017, RAISEonline a été remplacé par un système d'analyse de la performance des établissements, l'Analyse School Performance (ASP). Il s'agit d'un nouveau système développé en collaboration avec le Bureau des normes dans l'enseignement (Ofsted) qui permet d'accéder aux données détaillées sur les élèves que contenait le système RAISEonline, et qui reprend la majorité des fonctionnalités de ce dernier, telles que la possibilité pour les établissements d'analyser leurs résultats par rapport à d'autres établissements du pays et ainsi de mettre au point des « plans d'amélioration ».
Dans le même esprit, la Hongrie a commencé à collecter des informations en 2001 par l'intermédiaire de son Évaluation nationale des compétences de base, mais c’est seulement en 2007, avec l'instauration d'un identifiant propre à chaque élève, que le système a permis d'assurer un suivi longitudinal entre les différentes années d’études. Depuis 2010, la Hongrie s'est efforcée de transformer ces données en des informations exploitables pour les professionnels de l'éducation. Des relevés individuels sont par ailleurs disponibles sur chaque élève et les rapports d'ensemble sur les établissements peuvent être consultés par le public. Les chefs d’établissement ont la possibilité de se connecter à la base de données via le logiciel d'analyse FIT (FIT elemző szoftver) pour générer des rapports comparatifs personnalisés concernant leur établissement et leurs élèves, et établir des comparaisons avec des établissements similaires. En outre, l'Autorité scolaire, organisme rattaché au ministère de l'Intérieur, propose un service d'experts-conseils dans ses centres pédagogiques régionaux pour aider les établissements et les enseignants à comprendre les résultats et à les utiliser. En 2022, de nouvelles matières ont été évaluées (sciences, langues) et le champ d'application des informations collectées est en passe d'être élargi (histoire et culture numérique). En 2023, le système compte davantage d'années d’études et porte désormais sur les élèves de la 4e à la 11e année. Actuellement, la communication des résultats fait également l'objet d'une révision. Le fait que les données conservées dans le système soient directement mises à la disposition de diverses parties prenantes (chefs d’établissement, enseignants et élèves) et que les établissements et les enseignants bénéficient d’un soutien institutionnel à des fins d'amélioration (bien que sur la base du volontariat) différencie l'approche adoptée ici de celle des systèmes axés sur la recherche et la diffusion des données.
Au Portugal, le ministère de l'Éducation a procédé en 2017 à une expérience pilote sur son nouveau système Escola 360° (E-360°) qui, en 2022/23, est désormais utilisé par quelque 150 établissements et réseaux scolaires. La crise économique a incité le Portugal à améliorer sa capacité à évaluer l'efficience et l'efficacité de son système d'éducation et ce système E-360° parachève le processus consistant à intégrer dans un nouveau système d'information centralisé l'infrastructure de données sur l'éducation qui jusque-là était fragmentée. Le pays avait précédemment mis au point le système d'information MISI pour collecter des données provenant de systèmes indépendants de gestion des établissements et alimentant une base de données distincte par année scolaire. Malgré la présence d'une mine d'informations sur les élèves et les établissements, ces données étaient très peu utilisées pour orienter les décisions des établissements. Par ailleurs, le système ne permettait pas l'établissement de liens longitudinaux et pâtissait de normes mal définies. C'est pourquoi son utilisation se cantonnait à la production de rapports annuels à des fins budgétaires et de planification de l'action publique. La coexistence d'une multitude de plateformes électroniques pour les procédures scolaires a entraîné un dédoublement des tâches et, parfois, un manque de communication avec les parties prenantes.
Le système E-360° a été conçu pour surmonter ces obstacles. Il renforce en effet la capacité du ministère à produire de meilleurs indicateurs et à aborder les questions stratégiques en dressant un tableau complet du parcours scolaire des élèves de manière plus rapide et détaillée, grâce aux identifiants individuels attribués aux élèves et aux enseignants dans le cadre du système national d'inscription en ligne instauré en 2010. Outre les nouvelles informations collectées, la base de données centrale intègre également d'anciennes séries de données transversales, avec un appariement dont le taux de réussite a avoisiné les 80 %. En intégrant au sein d'une même plateforme toutes les informations administratives relatives aux élèves (comme les antécédents personnels, les inscriptions et les transferts, l'assiduité, les évaluations), le système E-360° centralise les activités liées à la gestion des élèves, de l'enseignement préscolaire au deuxième cycle de l'enseignement secondaire, ainsi que la prise en charge de l'ensemble des processus d'inscription, de renouvellement et de transferts des élèves et l'automatisation des tâches telles que la délivrance des diplômes. Le système vise également à améliorer les échanges d'informations entre, d'un côté, les organismes administratifs et les établissements et, de l'autre, les élèves et leur famille. Malgré ces fonctionnalités de « gouvernement électronique », la plateforme est gérée par la Direction des statistiques et des sciences de l'enseignement du ministère de l'Éducation, et s'efforce de soutenir les efforts d'amélioration en proposant des’ indicateurs. Elle prévoit, par ailleurs, le développement d'outils d'alerte précoce à l'intention des professionnels de l’éducation ainsi que des analyses de l'apprentissage pour améliorer les pratiques pédagogiques. Si la plateforme est accessible à toutes les parties prenantes au sein des établissements, la majorité des fonctionnalités et des informations qu'elle contient semble principalement concerner les administrateurs et les chefs d’établissement (Lopes, 2022[9]).
Le Gujarat (Inde) a mis au point un système d'information appelé Vidya Samiksha Kendra (VSK) afin de soutenir les efforts visant à améliorer ses établissements et son système d'éducation. Le système compile une très grande quantité d'applications et de données déjà collectées en y ajoutant de solides outils de visualisation et en assurant un suivi réalisé en personne sur la base de ces données. La qualité des données est garantie par une équipe centrale chargée de vérifier quotidiennement que l'ensemble des établissements et parties prenantes ont procédé à la saisie des données dans le système, et d'effectuer un suivi par téléphone en cas de manquement passé un certain délai. Dans le contexte indien, l'amélioration des établissements est associée aux effectifs d'élèves et à l'assiduité ainsi qu'à la présence d'enseignants et de coordinateurs de réseau scolaire (de district) au sein des établissements. Le système permet d'effectuer un suivi et de mettre en place des interventions grâce, par exemple, à la géolocalisation en temps réel des coordinateurs de réseau scolaire. Un samedi sur deux, tous les élèves passent une série d'évaluations succinctes standardisées dont les résultats sont ensuite intégrés au système à l'aide d'une phygitalisation des données (méthode qui consiste à numériser les données provenant des manuels sur papier en photographiant un champ codé). Cela permet de communiquer aux parents, aux enseignants et aux chefs d’établissement des bulletins scolaires réguliers sur la progression des élèves. Enfin, le système apporte également un soutien pédagogique en sélectionnant au hasard des classes qui seront observées à distance par des enseignants experts qui fournissent ensuite aux enseignants concernés des retours d'information. Accroître la visibilité des données collectées a contribué à une meilleure compréhension de certaines insuffisances du système d'éducation et à la mise en œuvre de nouvelles mesures telles que les « internats d'excellence » pour les élèves en milieu rural. L'État du Gujarat prévoit également de revoir son système de notation des établissements en fonction des données collectées par le système, et non plus sur la base d'observations effectuées en personne. Cette approche permet d'inciter les établissements à apporter des améliorations dans certains domaines précis, comme dans les infrastructures ou dans l'enseignement et l'apprentissage.
Enfin, le quatrième et dernier type de systèmes d'information s'inspire des systèmes experts qui visent à personnaliser l'enseignement et l'apprentissage en offrant des retours d'information rapides et précis aux enseignants, élèves et chefs d'établissement, ainsi que des documents pédagogiques permettant de renforcer l'apprentissage. Ces systèmes ressemblent aux systèmes axés sur l'amélioration des établissements en termes de quantité d'informations, mais ils mettent toutefois davantage l'accent sur la mise à disposition de retours d'information exploitables sur les processus pédagogiques. Ils tendent notamment à fournir des retours d'information exploitables aux enseignants et non pas uniquement aux chefs d’établissement, permettant ainsi de conjuguer une « amélioration des établissements » et une « amélioration au sein de la classe ». Certaines de leurs caractéristiques coïncident aussi partiellement avec celles des systèmes axés sur le gouvernement électronique, notamment dans le croisement de données tirées de l'enseignement post-secondaire ou provenant d'autres organismes. En effet, ils s'appuient généralement sur diverses sources d'information pour fournir des outils de communication des données et de comparaison en lien avec un éventail d'« études de cas » prédéfinies. Une de leurs caractéristiques importantes réside dans le fait qu'ils s'efforcent de fournir aux diverses parties prenantes des recommandations et non pas de simples descriptions de la situation. Les systèmes d'information longitudinaux du Colorado (États-Unis), de la Nouvelle-Galles du Sud (Australie), de Charlotte-Mecklenburg (États-Unis) et de la ville de New York (États-Unis) appartiennent à ce type de système. La modernisation d'un type de système différent en Nouvelle-Zélande pourrait également s'orienter vers cette approche axée sur le système expert.
En Nouvelle-Galles du Sud (Australie), un système en ligne appelé SCOUT a été instauré en 2018, prenant le relais d'un système déjà très perfectionné, la boîte à outils SMART (School Measurement, Assessment, Reporting Toolkit). Le système concerne principalement les établissements publics, même s'il offre également aux autres établissements une gamme plus restreinte de services. Il compile des renseignements provenant de 150 sources de données pour fournir des informations aux proviseurs, aux chefs d'établissement et aux enseignants. Il comporte notamment des données tirées des tests nationaux (les tests NAPLAN que les élèves passent environ tous les deux ans), des examens de fin d'études (HSC) et de l'évaluation du niveau en sciences organisée par l'État (VALID). Les enseignants peuvent personnaliser les rapports en créant, par exemple, des groupes d'élèves cibles dont ils souhaiteraient suivre la progression. L'objectif est de permettre aux enseignants de s'approprier les informations qu'ils consultent, tout en mettant à leur disposition un outil pour établir une correspondance entre les pratiques d'enseignement (personnalisées) et les normes et comparaisons à l'échelle nationale. Par exemple, le système offre différents outils de comparaison permettant aux enseignants de comparer la performance réelle des élèves par rapport au niveau que l'on pourrait attendre d'eux (au vu des résultats passés) ou bien par rapport à la performance d'un groupe de paires. Le système autorise également le suivi des élèves qui changent d'établissement. Les chefs d’établissement peuvent aussi établir des comparaisons entre leur établissement et différentes moyennes, y compris par rapport à des établissements affichant des caractéristiques similaires, en matière de résultats d'apprentissage, mais également de « participation » (évaluée en tenant compte de l'assiduité, du taux d'absence, des congés maladie, etc.). Si la boîte à outils SMART permettait aux enseignants d’avoir accès à une banque de référentiels et à des stratégies pédagogiques en lien avec les données disponibles sur le site, cela ne semble pas être le cas du système SCOUT. Le système relie néanmoins les données au plan d'amélioration de chaque établissement, en allant au-delà de l'approche axée sur « l'amélioration des établissements », grâce à des analyses comparatives détaillées des élèves pouvant éclairer les décisions à prendre à l'échelle de la classe et de chaque élève. Étant donné la quantité et le niveau de détail des informations disponibles, seules les personnes éligibles peuvent accéder au système, après avoir suivi une formation obligatoire.
En Nouvelle-Zélande, l'Outil d'évaluation de l'enseignement et de l'apprentissage (e-asTTle) est en service depuis 2002. Il s'agit d'un produit de technologie éducative qui permet aux professionnels de l’éducation de concevoir des tests standardisés et conformes aux programmes d'enseignement en compréhension de l'écrit, en expression écrite et en mathématiques, en langues anglaise ou maorie, et destinés aux élèves de l'enseignement primaire et secondaire. Une importante banque d'items calibrés offre aux enseignants la possibilité de personnaliser les tests en fonction des besoins spécifiques de leur classe. Contrairement à d'autres systèmes de tests assistés par ordinateur, l'outil e-asTTle vise à mettre l'accent sur les évaluations formatives plutôt que sommatives. Les résultats des élèves présentés sous forme de tableau peuvent facilement être intégrés au système de gestion des élèves de l'établissement, associant ainsi les informations tirées des évaluations personnalisées aux données opérationnelles et administratives des établissements.
L'outil e-asTTle a une fonctionnalité spécialisée lui permettant de traduire les résultats obtenus aux évaluations en rétroactions rapides et faciles à interpréter à l'intention des enseignants et des chefs d’établissement, à l'aide d'une série de données graphiques. Ces données font état de la progression des élèves, de leurs points forts et de leurs points faibles, et permettent de comparer la performance des élèves, des classes ou des établissements par rapport aux exigences des programmes d'enseignement, des moyennes nationales, ou en tenant compte d'autres facteurs tels que le sexe, le groupe ethnique, la langue ou le milieu socio-économique. Citons par exemple, le relevé du parcours d'apprentissage individuel qui offre des informations sur les points forts et les lacunes de chaque élève. Une autre application spécialisée relie les résultats obtenus aux évaluations au site What Next, un centre de ressources classées qui aide les enseignants et les apprenants à cibler le matériel d'apprentissage approprié.
En 2015, le ministère de l'Éducation de Nouvelle-Zélande a lancé l'Initiative de partage d'information sur les élèves (Student Information Sharing Initiative, SISI) pour apporter au sein du système scolaire national un point de vue stratégique sur les pratiques relatives à la qualité et la gestion des données. Elle vise également à résoudre les problèmes relevant de l'utilisation d'une vaste gamme de solutions informatisées non intégrées dans les différents établissements d'enseignement néo-zélandais. En guise de solution, il a donc été proposé de mettre en place un entrepôt de données central pour le stockage des principales informations sur les élèves et leur partage entre le ministère et les systèmes de gestion des élèves à l'échelle des établissements à l'aide de services et de normes d'interopérabilité des données. Les données et ressources provenant de l'outil e-asTTle et d'autres outils d'évaluation de même que les données administratives devaient pouvoir être facilement croisées au sein de la même application, ce qui aurait amené la fonctionnalité « experte » à un niveau supérieur. À compter de 2023, l'initiative semble s'être arrêtée et avoir été remplacée par d'autres projets dans le cadre du programme sur l'intégration des données de l'éducation (iEd). Ce programme stratégique d'une durée de 5 ans a été lancé en 2017 par le ministère de l'Éducation avec pour but d'améliorer la capacité du secteur de l'éducation à consulter et utiliser des données à des fins d'amélioration.
Le district scolaire de Charlotte-Mecklenburg (Caroline du Nord, États-Unis), le 17e plus grand district scolaire des États-Unis avec 146 000 élèves scolarisés dans 189 établissements, utilise depuis bien longtemps déjà un système d'information longitudinal qui facilite la prise de décision éclairée en matière d'amélioration des établissements. En plus d’offrir des évaluations trimestrielles et annuelles sur la performance des établissements au niveau du district qui facilitent la gestion et la responsabilisation, le système d'information de Charlotte-Mecklenburg remet les données entre les mains des professionnels de l'éducation pour promouvoir une évolution des pratiques sur le terrain. Trois organismes du district (le bureau en charge de la responsabilisation, le département de recherche, d'évaluation et d'analyse ainsi que le département consacré à l'utilisation des données pour l'amélioration des établissements) procèdent à l'analyse des données qu'ils collectent pour fournir des informations exploitables au niveau des établissements du district, conformément à l'approche axée sur l'amélioration des établissements. Les chefs d'établissement et les enseignants peuvent, par ailleurs, se servir du système pour analyser un large éventail de données longitudinales sur les élèves, y compris les résultats obtenus aux évaluations intermédiaires ainsi que les fiches de présence et les rapports d'incidents mis à jour au quotidien. Ces indicateurs très détaillés sont essentiels à la conception, puis à la répétition, de cycles pédagogiques courts selon une méthode d'utilisation des données formatives et à faible enjeu à l'échelle de la classe et de l'établissement.
La ville de New York (États-Unis), plus grand district scolaire des États-Unis comptant plus d'un million d'élèves scolarisés dans près de 1 800 établissements, a élaboré puis utilisé entre 2008 et 2014 le système ARIS de suivi de la vie scolaire (Achievement Reporting and Innovation System). Ce système permet d'alléger les tâches administratives et de stimuler l'innovation grâce à l'utilisation des données. L'élaboration du système de données a été guidée par cet objectif stratégique et visait à fournir aux acteurs locaux des informations capitales pour répondre à leurs besoins (ainsi que d'importantes incitations pour utiliser les informations). Le système en ligne comportait les trois composantes suivantes : un système d'information proposant aux enseignants, chefs d'établissement et administrateurs des outils de comparaison et des rapports d'évaluation de la performance (réelle et attendue) (ARIS) ; un outil de collaboration englobant des instruments du web 2.0 (wikis, blogs, forums de discussion, communautés) pour un partage et un perfectionnement des bonnes pratiques entre les professionnels de l’éducation (ARIS connect) ; ainsi qu'un outil permettant aux parents de suivre la progression de leurs enfants et offrant des informations et un soutien (ARIS parent link). Depuis l'interruption du système ARIS, le ministère de l'Éducation a continué de mettre un vaste éventail de données à la disposition de son personnel, des familles et des chercheurs sur son portail InfoHub et par le biais de l'initiative NYC Open Data. Bien qu'il soit principalement axé sur une approche d'évaluation et de diffusion des données, ce dispositif permet aux employés du ministère de l'Éducation de la ville de New York, y compris les chefs d’établissement et les enseignants, d'accéder à une mine d'informations plus détaillées supplémentaires. Outre la possibilité pour les enseignants de consulter les bulletins scolaires de leurs élèves, la ville propose un vaste ensemble d'outils et de services numériques à ses élèves et ses enseignants.
L'État du Colorado (États-Unis) propose sur le site intitulé SchoolView un accès public aux données et aux analyses tirées de son système d'information scolaire longitudinal. Ce portail associe les quatre fonctionnalités suivantes : un réseau social pour les enseignants, un centre d’apprentissage et une banque de ressources pour l'enseignement et l'évaluation, des tableaux interactifs sur la performance des établissements ainsi qu’un accès aux données et aux résultats sur la performance. Si le système n'émet aucune recommandation aux enseignants quant aux évaluations et au matériel pédagogique à utiliser, le fait de regrouper tous ces éléments participe à l'approche axée sur l'amélioration des établissements. Les tableaux sur la performance des établissements sont une représentation graphique des résultats obtenus et de leur progression. L’une des principales caractéristiques est l'utilisation du « modèle de progression du Colorado » qui exprime la progression de la performance sous forme de centile, c'est-à-dire en indiquant si la progression des élèves et des établissements est supérieure ou inférieure à celle attendue de la part des élèves et des établissements similaires et en présentant, dès lors, la performance comme un concept relatif plutôt qu'absolu. Seuls les utilisateurs autorisés peuvent accéder à ces informations très détaillées sur les élèves.
Pour ce qui a trait davantage aux objectifs de recherche et de diffusion des données, le Colorado a également collecté depuis 1988 des données sur les élèves scolarisés dans ses établissements d'enseignement supérieur par le biais de son système de données sur les dossiers scolaires des élèves (SURDS). Le ministère de l'Éducation du Colorado a forgé de solides partenariats entre les différents organismes pour mettre en correspondance les données des établissements de la maternelle à la fin du deuxième cycle de l’enseignement secondaire avec un grand nombre d'éléments contenus dans le système SURDS, notamment des données sur les demandes d'admission, les inscriptions, les rattrapages, l'obtention de diplôme et les aides financières. Ces mises en correspondance, qui remontent à 2009 et présentent un taux de réussite avoisinant les 94 %, permettent aux parties prenantes d'analyser les facteurs contribuant à la progression et à la réussite des élèves scolarisés dans l'enseignement post-secondaire, y compris grâce à la ventilation des données selon les caractéristiques démographiques clés des élèves et à l'établissement de comparaisons entre les moyennes des districts et celles à l'échelle de l'État. Une autre initiative a permis des croisements avec des données sur la rémunération des jeunes diplômés provenant du ministère du Travail et de l'Emploi du Colorado, avec une ventilation des données selon l'établissement d'enseignement ou le domaine d'études. Ces données sont disponibles sur le portail consacré à l'évaluation des établissements. Des croisements de données provenant du National Student Clearinghouse ont permis d'assurer le suivi des diplômés de l'enseignement secondaire scolarisés dans des établissements d'enseignement supérieur en dehors de l'État et non intégrés au système SURDS.
Tous ces exemples donnent un aperçu de ce que constitue l'approche axée sur un « système expert », même si celle-ci n'a pas encore pu totalement se matérialiser. Contrairement à l'approche axée sur l'amélioration des établissements, les systèmes experts ont recours à plusieurs sources de données pour aider les enseignants et autres parties prenantes à prendre des décisions concernant certains élèves en tenant compte des données passées et en temps réel (celles les plus récentes), souvent grâce à des outils numériques de diagnostic et de prédiction venant appuyer les observations et les analyses humaines qui sous-tendent l'approche axée sur l'amélioration des établissements.
Cette présentation d'ensemble montre que de nombreux pays disposent d'un solide système d'information longitudinal. Les outils de gestion des données répondent toujours à certains besoins statistiques et d'analyse à l'échelle du système. De plus, les systèmes d'information visent souvent à faciliter les processus administratifs et à aider les familles à faire leur choix en matière de formation, généralement en proposant des données ouvertes sur les établissements ou les régions. Plus rarement, ces systèmes mettent également des données à la disposition des établissements et des professionnels de l’éducation pour l'élaboration de plans d'amélioration et, dans un petit nombre de cas, permettent d'accéder facilement à du matériel pédagogique et à des retours d'information en temps réel pour personnaliser les processus d'enseignement et d'apprentissage à partir de données sur les élèves actuellement scolarisés dans un établissement. La diversité de ces systèmes et les différentes expériences d'élaboration à l'échelle nationale sont de précieuses informations pour tous les pays qui souhaitent instaurer un tel système ou améliorer leur système existant.
Quelques pays procèdent à la collecte annuelle d'informations longitudinales précises sur leurs élèves et les conservent dans un registre central des élèves, c'est-à-dire une base de données exhaustive de tous les effectifs scolarisés. Tous les pays qui ont un système d'information scolaire longitudinal possèdent également un registre des élèves. Toutefois, une base de données n'équivaut pas à un système connecté à cette base de données et qui permet à certains intervenants d'interroger les données en temps réel. Si un registre central des élèves permet de mener de solides recherches statistiques a posteriori sur le système et, donc, de se conformer à l'approche axée sur la recherche et la diffusion des données, il ne peut cependant servir de base à des interventions en temps réel (seuls quelques pays disposant d'un système d'information longitudinal procèdent de la sorte, mais en principe ils le pourraient tous.)
Les modèles types présentés précédemment schématisent la diversité des objectifs et des fonctionnalités des systèmes d'information sur l'éducation. On peut observer dans certains pays la présence simultanée de plusieurs systèmes utilisant des données similaires. Par exemple, en Angleterre, l'outil d'analyse de la performance des établissements est l'illustration même d'un système orienté vers l'amélioration des établissements. Toutefois, celui-ci vient compléter un autre système d'information scolaire correspondant davantage à l'approche axée sur la recherche et la diffusion des données, le système GIAP (Get Information About Pupil), qui comprend la base de données nationale sur les élèves du pays (NPD), constitue un registre central des élèves grandement utilisé dans le domaine de la recherche en éducation. Le système GIAP autorise également certaines personnes au sein des établissements et des autorités locales à rechercher ou vérifier des informations sur des élèves en particulier (données sur l'octroi d'une bourse pupil premium, résultats obtenus aux principaux examens de fin de niveau, etc.), reprenant ainsi certaines des fonctionnalités associées au gouvernement électronique.
Si les systèmes d'information scolaire modernes se caractérisent principalement par la collecte de données reliées à l'identifiant longitudinal propre à chaque élève (et parfois, à chaque enseignant), la plupart d'entre eux les ont collectées initialement à des fins administratives plutôt que purement statistiques. Quelques systèmes ont certes pour mission première la production de statistiques sur le système d'éducation, mais la majorité des données collectées l'est à d'autres fins administratives (puis simplement réutilisée à des fins statistiques). L'une des principales finalités initiales concerne les financements ou les affectations budgétaires lorsque leur calcul dépend du nombre précis d'élèves scolarisés dans un établissement. C’est par exemple le cas aux Pays-Bas et en Finlande. Certains objectifs associés au gouvernement électronique ont également été mentionnés, comme le transfert d'élèves d'un établissement à un autre (en Corée), le respect de la scolarité obligatoire et autres obligations scolaires en matière de santé et d'accompagnement social (en Nouvelle-Zélande), ou la possibilité d'octroyer ou de vérifier des titres de compétences ou bien de consulter les conditions ouvrant droit aux prestations (Angleterre, Mexique).
Avec l'émergence des évaluations standardisées à l'échelle nationale pour mesurer les résultats d'apprentissage des élèves au sein des établissements, cette donnée est devenue un élément majeur de tout système d'information scolaire, notamment lorsque ces évaluations reposent sur une méthodologie du recensement (en d'autres termes, lorsqu'au sein d'une même juridiction tous les élèves d'une année d'études définie passent le test). Cela a parfois conduit à la présence de systèmes numériques distincts faisant partiellement double emploi avec d'autres systèmes d'information. Peu importe leur provenance, des données comparables sur l'apprentissage à différents niveaux de granularité concernant tous les élèves au sein d'un système d'éducation sont essentielles pour faire des systèmes d'information scolaire un outil particulièrement pertinent pour les enseignants et les chefs d’établissement.
À l'avenir, les organismes éducatifs investiront probablement pour développer les capacités de leurs systèmes d'information dans plusieurs directions, de l'intégration de nouvelles données de meilleure qualité à l'amélioration des fonctionnalités d'analyse et de croisement de données, en passant par le renforcement des conditions d'accès et d'utilisation par les différents acteurs.
En effet, l'évolution des systèmes d'information scolaire au fil du temps semble porter sur l'ajout d'un nombre toujours plus important de fonctionnalités. Par exemple, en Corée, si le puissant système national d'information sur l'éducation était de prime abord rarement utilisé à des fins de recherche, l'accès à ses données a fini par être accordé aux chercheurs permettant ainsi de renforcer ses objectifs en termes de « recherche et diffusion des données ». Il est possible qu'à l'avenir il soit également utilisé à des fins d'amélioration des établissements voire même en tant que système expert. Un autre exemple est celui de l'octroi des titres de compétences. En effet, lorsque le système a adopté une approche longitudinale et qu'il contient des informations dignes de confiance, ce qui s'apparentait initialement à un système axé sur les statistiques peut devenir un système d'octroi de titres de compétences, une fonctionnalité typique du gouvernement électronique.
L'évolution peut parfois se produire dans le sens inverse, et de nombreux systèmes qui comportaient plusieurs fonctionnalités inspirées du système expert ont pu être démantelés et remplacés. L'instauration de systèmes d'information et la promotion de l'utilisation des données au sein des établissements nécessitent d'acquérir la confiance de tous les acteurs de l'éducation. D'une part, la collaboration entre les différents organismes est fondamentale pour mettre en place des accords de partage de données qui élargissent les possibilités d'utilisation des données à des fins d'amélioration de l'éducation. Ces partenariats reposent sur la confiance institutionnelle et sur des dispositifs qui garantissent à toutes les parties la possibilité de se prononcer sur les sujets pouvant être traités à l'aide de ces données. Un climat de confiance peut être instauré avec la mise en œuvre de cadres réglementaires qui encouragent l'intégration des données tout en veillant à la protection de la vie privée et de la propriété des données, mais également grâce à la construction d'une vision commune des finalités et fonctionnalités des systèmes d'information. D'autre part, pour que l'utilisation des données devienne une pratique quotidienne dans les établissements, les professionnels de l'éducation doivent percevoir les systèmes d'information comme des outils au service de leur activité, et non pas comme des instruments permettant de satisfaire aux exigences en matière de responsabilisation et de diffusion des données. Ces systèmes doivent également s'avérer utiles en fournissant des éclairages qui, sans un recours aux données, seraient compliqués à obtenir.
Le développement, lent, mais continu, des systèmes d'information scolaire longitudinaux conduira-t-il à une convergence de vue à l'échelle internationale quant à certaines caractéristiques conceptuelles ? La question reste ouverte. Les systèmes ne doivent cependant pas converger vers l'adoption d'une approche unique sur la manière dont les données sur l'éducation peuvent et doivent être utilisées pour s'avérer efficaces. En effet, la pluralité des objectifs et des motivations mises en lumière par les recherches passées et en cours (voir (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1])) ainsi que les expériences locales, régionales et nationales présentées dans ce chapitre et le rapport connexe (OECD, 2023[4]), laissent entendre que les approches adoptées resteront diversifiées pour répondre à un ensemble de besoins différents, principalement parce que ces systèmes d'information sont également le reflet de dispositifs de gouvernance extrêmement variés d'un pays à l'autre. Loin de se concentrer sur un modèle unique, la prochaine génération de systèmes d'information longitudinaux dans le secteur de l'éducation évoluera vraisemblablement vers des formes différentes, mais complémentaires. Les utilisations des systèmes d'information scolaire et la manière dont les données peuvent parvenir aux professionnels de l'éducation (et aux chercheurs) revêtent peut-être une plus grande importance que l'architecture ou la finalité initiale de ces systèmes.
Si une multitude de données est collectée quotidiennement dans le secteur de l'éducation, elles ne sont pas forcément toutes exploitables pour renforcer l'apprentissage des élèves et des enseignants ou améliorer les processus administratifs. Les données sont parfois conservées séparément, sans connexion possible, et les éléments d'information qui pourraient s'avérer utiles s'ils étaient reliés aux personnes concernées au fil du temps demeurent isolés. Diverses applications numériques ont généralement pris en charge toutes ces différentes fonctionnalités, et la solidité de certaines informations repose sur la capacité à faciliter l'accès aux données collectées et gérées par différentes applications depuis un système spécifique, afin de fournir des informations selon un besoin bien identifié pouvant contribuer à enrichir le processus décisionnel des parties prenantes.
La prochaine génération de systèmes longitudinaux d'information scolaire doit-elle être un immense guichet unique regroupant l'ensemble des données du domaine de l'éducation ? Non, cela ne doit pas être forcément le cas. L'intégration complète des systèmes de données existants s'avérerait particulièrement compliquée et engendrerait des problèmes de sécurité. S'il s'agit d'un modèle possible, il n'est toutefois pas obligatoire. Les systèmes les plus avancés peuvent déjà « fusionner » des données provenant de diverses sources indépendantes et c'est probablement ainsi que fonctionneront les systèmes de la prochaine génération, en réunissant les données dans ce que l'on appelle des « lacs de données » qui sont exploités à différentes fins.
Les systèmes intégrés dotés d'une multitude de fonctionnalités peuvent être envisagés comme un modèle idéal, car ils procurent généralement un accès à l'intégralité des intervenants. En guise d'exemple, citons les systèmes islandais et luxembourgeois dans l'enseignement secondaire. Dans ces deux pays à la population peu nombreuse, le système central d'information scolaire est également un système de gestion de l'apprentissage à l'échelle des établissements. Les possibilités d'accès et d'utilisation varient en fonction des différents acteurs, mais toutes les données sont regroupées dans le même système, et il est facile d'imaginer comment elles pourraient aisément être reliées afin de créer un système expert. En 2023, l'Islande n'avait pas d'évaluation standardisée nationale qui aurait permis aux acteurs de l'éducation d'établir des comparaisons entre une classe ou un élève spécifique et les effectifs actuels ou précédents. À la même date, au Luxembourg, les données de l'évaluation nationale étaient conservées séparément et n'étaient pas incluses dans les deux systèmes nationaux d'information scolaire. Les systèmes d'éducation en Nouvelle-Galles du Sud (Australie) et au Gujarat (Inde), exposés précédemment, s'inscrivent dans cette idée de fusion des données.
La capacité à intégrer des données provenant de différents systèmes et applications sans pour autant disposer d'un système intégré dépend principalement de l'adoption de normes d'interopérabilité (voir Vincent-Lancrin et González-Sancho (2023[10])). Les normes permettent de créer un langage commun pour surmonter les problèmes découlant de l'utilisation de divers formats et différentes définitions quant aux éléments de données sur l'éducation. Une plus grande interopérabilité facilite également le suivi des dossiers personnels lorsque les individus changent de juridiction, par exemple dans les pays fédéraux (voir l'Encadré 2.1). Il est important de noter qu'une interopérabilité accrue des systèmes d'information permettrait d'obtenir des retours d'information plus rapides. En effet, plusieurs mois sont toujours nécessaires à de nombreux systèmes pour fournir des informations fondées sur les données des élèves (évaluations et autres), ce qui ne permet pas aux enseignants, aux administrateurs et aux familles d'utiliser ces informations de manière déterminante. Les processus d'organisation habituels fondés sur les données doivent souvent s'appuyer sur des informations relatives aux anciens élèves plutôt qu'aux cohortes actuelles.
Les systèmes d'information sur l'éducation soulèvent des défis particuliers pour les pays fédéraux et ceux dont les autorités de l'éducation sont fortement décentralisées à l'échelle infranationale. Généralement, le gouvernement central ne peut qu'encourager chacune des autorités de l'éducation à l'échelon local, provincial, régional ou d'un État à développer ou exploiter un système d'information longitudinal, même s'il exige souvent la transmission de certaines données et statistiques.
Les États-Unis ont appuyé avec succès l'élaboration d'un programme du National Center for Education Statistics visant à subventionner des « systèmes de données longitudinaux à l'échelon de l'État » (SLDS). Depuis 2005, plus de 800 millions USD ont ainsi été octroyés à la quasi-totalité des États et territoires américains qui ont également pu bénéficier d'un soutien technique. Initialement axés sur l'instauration d'un système d'information longitudinal, les programmes de subventions ont par la suite porté sur le croisement des données des élèves et des enseignants, pour se tourner désormais vers l'amélioration des infrastructures existantes et l'utilisation des données à des fins d'amélioration des pratiques. Plusieurs acteurs non gouvernementaux ont également soutenu le programme qui a permis à l'ensemble des États américains de disposer d'un système d'information scolaire longitudinal en 2023. Toutefois, pour répondre au manque d'interopérabilité et permettre de mieux suivre les élèves lorsqu'ils changent d'État, une initiative visant l'établissement de normes communes relatives aux données a été lancée en 2009. Celle-ci avait pour objectif l'élaboration et la publication d'un ensemble de normes recommandées pour les éléments de données et le recensement des normes déjà existantes à l'échelle des États. Cette initiative a permis un certain degré de convergence ou, du moins, d’ouvrir davantage de possibilités de comparaison des données entre les États.
L'Inde a quant à elle opté pour une approche différente. En effet, le pays a récemment œuvré à l'instauration de systèmes d'information dans l'ensemble de ses États ainsi qu'à l'échelon central, dans le cadre du programme intitulé National Digital Education Architecture (NDEAR) et lancé en 2021. À l'échelon central, le Central Institute of Educational Technology (CIET) du National Council of Educational Research And Training (NCERT) a mis au point le système d'information sur l'éducation appelé Vidya Samiksha Kendra (VSK) qui propose des fonctions de visualisation des données concernant les informations collectées au niveau central sur le pays (effectifs, résultats obtenus à l'évaluation standardisée nationale, financement national accordé aux différents États, etc.). Si le premier système VSK a été instauré dans l'État du Gujarat (Inde), le CIET-NCERT a soutenu le développement d'autres systèmes de ce type à la même échelle avec l'attribution de subventions à l'ensemble des États et, sans doute plus important encore, avec la mise en place d'une plateforme en code source ouvert que chaque État peut personnaliser et perfectionner et qui autorise l’échange de nouveaux éléments entre États en s'inspirant du mouvement des logiciels libres. S'il n'existe aucune obligation en matière d'approche choisie, de fortes incitations associées à des subventions et à la mise à disposition de normes intégrées au logiciel peuvent favoriser l'adoption d'une telle plateforme, mais également renforcer l'interopérabilité entre les États.
Bien qu'il s'agisse d'un pays fédéral, le Mexique a développé un système national d'information scolaire longitudinal (SIGED) en collectant directement des données sur les élèves, les enseignants et les établissements (pour tous les établissements publics du pays). Le SIGED contient des données provenant de tout le système d'éducation mexicain (sur les élèves, les enseignants, le personnel des établissements et les établissements) ainsi que des documents et des informations sur les titres de compétences, faisant ainsi office de système d'information pour la gestion de l'éducation, de système d'information scolaire et de plateforme pour les titres de compétences numériques. La saisie des données dans le système SIGED est obligatoire. Le SIGED répond à divers besoins, du financement des établissements à la production des titres de compétences en passant par la mise à disposition de données statistiques détaillées.
Dans les 5 à 10 prochaines années, on peut s'attendre à ce que les systèmes d'information sur l'éducation intègrent progressivement une série de fonctionnalités avancées qui témoignent des solutions innovantes et prometteuses pour l'évolution des systèmes longitudinaux. Les systèmes d'information longitudinaux de la prochaine génération dotés de ces fonctionnalités pourraient définir les perspectives des organismes éducatifs œuvrant à l'amélioration de l'infrastructure de données pour relever les défis liés à la transformation numérique et en saisir toutes les opportunités. Des progrès technologiques récents permettent notamment de renforcer la protection de la vie privée (voir (Vincent-Lancrin et González-Sancho, 2023[11])).3
Parmi les fonctionnalités de niveau supérieur dont pourraient être dotés les systèmes d'information, citons notamment la capacité à collecter des données d'une plus grande précision, des retours d'information en temps réel grâce à des outils de communications d’informations personnalisables, l'ajout de liens vers des banques de ressources d'apprentissage numériques, ou l'intégration de solutions automatisées de diagnostic et de recommandation pour aider à personnaliser les pratiques d'enseignement et d'apprentissage (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]). Les systèmes d'information actuels dans le secteur de l'éducation pourraient progressivement intégrer ces fonctionnalités.
Les systèmes de la prochaine génération pourraient se distinguer par leur capacité à combiner les données administratives sur l'éducation et celles provenant des plateformes d'évaluation et d'apprentissage numérique, offrant ainsi une vision plus détaillée du processus d'apprentissage. En s'appuyant sur une combinaison de divers types de données, ces systèmes pourraient alors être alimentés par l'analyse de l'apprentissage et d'autres techniques afin de formuler des recommandations personnalisées et fournir des liens vers du matériel pédagogique et didactique particulier. Le recours à l'analyse de l'apprentissage permettrait au système d'organiser la consultation des banques de ressources à l'aide de techniques comme la modélisation des domaines de connaissances, qui se sert de données personnelles pour comparer les connaissances d'un apprenant avec l'inventaire des connaissances dans une matière, et proposer du contenu et des exercices personnalisés pour renforcer les progrès accomplis dans le domaine de l'apprentissage (Siemens, 2013[12]) (Lang et al., 2017[13]). Le processus « détecter, diagnostiquer et agir » utilisé dans les systèmes d’apprentissage adaptatifs axés sur l'apprentissage basé sur la réalisation de tâches (Molenaar, 2021[14]) pourrait être reproduit à un niveau plus global, à savoir celui du parcours scolaire, et intégrer différentes sources d'information sur l'apprentissage des élèves.
Actuellement, la majorité des informations contenues dans les systèmes d'information scolaire sur les évaluations des élèves sont des données sommatives dans un petit nombre de matières provenant des évaluations standardisées à l'échelle nationale ou de la juridiction. Seuls quelques systèmes collectent des données sur les évaluations formatives et celles mises au point par les enseignants, mais aucun ne recueille de données sur les compétences sociales et comportementales ni sur celles liées à la créativité et la pensée critique, bien que certains systèmes conservent des données sur le comportement réel des élèves. Un autre défi que les systèmes de la prochaine génération devront relever concerne l'intégration d'éléments de données relatifs au processus d'apprentissage plus vastes que ceux actuellement mesurés par la majorité des tests standardisés (compréhension de l'écrit, mathématiques ou sciences) afin de favoriser une éducation globale (OECD, 2019[15]).
L'adoption de normes d'interopérabilité permettant l'exploration et le croisement de données entre les différentes plateformes sera nécessaire pour développer des systèmes allant dans ce sens (voir (Vidal, 2023[16])). L'intégration de données n'implique pas forcément le transfert de données provenant de diverses sources vers un unique système. Il est au contraire plus facile de procéder à l'intégration des données en assurant l'interopérabilité des systèmes, c'est-à-dire en leur permettant de lire, de rechercher et de relier les données des uns et des autres. Des définitions et des normes techniques ouvertes sont propices à ce type d'intégration pour permettre le croisement et l'analyse des données issues de plusieurs bases de données par le biais d'un système ou d'une interface unique.
Une autre fonctionnalité essentielle de ces systèmes de la prochaine génération consisterait en une meilleure intégration d'outils d'analyse et de communications de données pour faciliter les retours d'information et les flux de connaissances. Des boucles de rétroaction rapides qui suivent le rythme des cycles de production de données peuvent rendre les environnements d'apprentissage plus dynamiques pour les élèves comme les enseignants, et accélérer l'évaluation des interventions par les responsables politiques et les chercheurs en éducation. À l'échelle des établissements, de meilleurs outils d'analyse et de diffusion d’information pourraient inclure des relevés automatisés, des interfaces plus flexibles de visualisation des données avec, par exemple, des tableaux de bord personnalisables et des outils de discussion. Pour les chercheurs et les administrateurs, des délais plus courts liés à la circulation des données et une plus grande latitude pour établir des comparaisons pertinentes entre les établissements et les programmes permettraient d'améliorer la capacité d'analyse.
En s'appuyant sur les divers systèmes précédents conçus pour fournir une vue d'ensemble de la performance des élèves et des établissements à l'échelle du système d'éducation, le principal objectif des systèmes de demain devrait être de favoriser l'amélioration en fournissant aux enseignants, aux établissements et aux élèves, des retours d'information rapides et des outils de soutien. Parvenir à croiser dans les systèmes longitudinaux les données des élèves avec celles des enseignants ainsi qu'avec les données de cours constituerait une première étape envers un examen plus approfondi des pratiques pédagogiques. Les capacités renforcées des systèmes d'information de la prochaine génération ouvriraient ainsi la voie à une nouvelle orientation prospective en matière d'utilisation des données sur l'éducation, éloignée de l'approche traditionnelle axée sur la responsabilisation et la diffusion de données, et davantage tournée vers l'optimisation des pratiques d'enseignement et d'apprentissage concrètes.
[1] González-Sancho, C. et S. Vincent-Lancrin (2016), « Transforming education by using a new generation of information systems », Policy Futures in Education, vol. 14/6, pp. 741-758, https://doi.org/10.1177/1478210316649287.
[13] Lang, C, G. Siemens, A. Wise et D. Gašević (2017), Handbook of Learning Analytics, Society for Learning Analytics Research (SOLAR), https://solaresearch.org/wp-content/uploads/2017/05/hla17.pdf (consulté le 9 janvier 2018).
[9] Lopes, F. (2022), Plataformas Eletrónicas de Gestão de Alunos - A Plataforma e360, https://repositorio.iscte-iul.pt/bitstream/10071/27377/1/master_fernando_mateus_lopes.pdf.
[14] Molenaar, I. (2021), « Personalisation of learning: Towards hybrid human-AI learning technologies », dans OECD Digital Education Outlook 2021, Pushing the Frontiers with Artificial Intelligence, Blockchain and Robots, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/589b283f-en.
[3] National Forum on Education Statistics (2010), Traveling Through Time: The Forum Guide to Longitudinal Data Systems. Book One of Four: What is an LDS?.
[4] OECD (2023), Country Digital Education Ecosystems and Governance. A companion to Digital Education Outlook 2023, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/906134d4-en.
[7] OECD (2023), PISA 2022 Creative Thinking Framework, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/dfe0bf9c-en.
[8] OECD (2021), Beyond Academic Learning: First Results from the Survey of Social and Emotional Skills, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/92a11084-en.
[17] OECD (2019), Measuring Innovation in Education 2019: What has changed in the classroom?, OECD, https://doi.org/10.1787/9789264311671-en.
[15] OECD (2019), OECD Learning Compass 2030, OECD Publishing, https://www.oecd.org/education/2030-project/teaching-and-learning/learning/learning-compass-2030/OECD_Learning_Compass_2030_concept_note.pdf.
[5] OECD (2018), The Future of Education and Skills. Education 2030, OECD, Paris, http://www.oecd.org/education/2030/E2030%20Position%20Paper%20(05.04.2018).pdf (consulté le 28 novembre 2018).
[12] Siemens, G. (2013), « Learning Analytics: The Emergence of a Discipline », American Behavioral Scientist, vol. 57/10, pp. 1380-1400, https://doi.org/10.1177/0002764213498851.
[16] Vidal, Q. (2023), « Digital assessment », dans OECD Digital Education Outlook. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[2] Vincent-Lancrin, S. (2023), « Learning management systems and other digital tools for system and institutional management », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[11] Vincent-Lancrin, S. et C. González-Sancho (2023), « Data and technology governance: fostering trust in the use of data », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[10] Vincent-Lancrin, S. et C. González-Sancho (2023), « Interoperability: unifying and maximising data reuse within digital education ecosystems », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[6] Vincent-Lancrin, S., C. González-Sancho, M. Bouckaert, F. de Luca, M. Fernández-Barrerra, G. Jacotin, J. Urgel et Q. Vidal (2019), Fostering Students’ Creativity and Critical Thinking: What it Means in School, Educational Research and Innovation, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/62212c37-en.
← 1. https://www.myschool.edu.au/ ; https://www.ontario.ca/fr/page/trouver-votre-ecole ; https://cercalatuascuola.istruzione.it/cercalatuascuola/ ; https://www.schoolinfo.go.kr ; https://www.udir.no/kvalitet-og-kompetanse/stastedsanalyse/om-stastedaanalysen-for-skoler/.
← 2. En complément des précieuses informations tirées de notre enquête sur les capacités des systèmes et les données qu'ils conservent, des entretiens menés auprès des pays et d'une précédente enquête sur les systèmes d'information longitudinaux (González-Sancho et Vincent-Lancrin, 2016[1]), cette section s'appuie sur un ensemble de réunions internationales pour mieux comprendre les rôles que jouent et que peuvent jouer ces systèmes d'information et pour promouvoir l'apprentissage entre pairs parmi les responsables des données et les gestionnaires du système de différents pays. Deux ateliers ont été organisés dans la ville de New York en juin 2010 (en collaboration avec l'US Social Science Research Council [SSRC] et la Stupski Foundation) et en 2014 (organisé par le Barnard College de l'Université de Columbia). Une troisième réunion s'est tenue à Washington DC en décembre 2015 en collaboration avec l'American Educational Research Association (AERA). Dans l'ensemble, plus de 100 participants provenant de 25 pays ont assisté à ces réunions. Le Secrétariat de l’OCDE poursuit ses activités et participe aux groupes d'experts organisés par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
← 3. Voir par exemple la stratégie mise en œuvre par les États-Unis concernant ces avancées technologiques : https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2023/03/National-Strategy-to-Advance-Privacy-Preserving-Data-Sharing-and-Analytics.pdf.