Ce chapitre présente une vue d’ensemble des modifications apportées aux politiques d’immigration dans les pays de l’OCDE au cours de la période 2021‑22, et notamment les dispositifs novateurs et solutions nouvelles adoptés dans le sillage de la pandémie de COVID‑19, ainsi que les programmes d’admission pour raisons humanitaires mis en place dans un contexte de conflits et d’instabilité géopolitique.
Perspectives des migrations internationales 2022
2. Évolutions récentes des politiques migratoires
Abstract
En bref
L’amélioration de la couverture vaccinale s’est traduite par une réduction des restrictions de déplacement au cours de l’année 2021.
Les restrictions de déplacement liées au COVID-19 ont été progressivement levées. Des mesures exceptionnelles et des dérogations étaient maintenues jusqu’alors pour certaines catégories (étudiants, travailleurs saisonniers, télétravailleurs, professionnels de santé, etc.). Les travailleurs essentiels et de première ligne ont continué de faire l’objet d’une attention particulière durant la phase de reprise post-COVID‑19.
La course internationale aux talents s’est poursuivie malgré la pandémie. De nouvelles voies d’accès visant à attirer les étrangers hautement qualifiés, les télétravailleurs et les investisseurs potentiels se sont multipliées dans les pays de l’OCDE.
Dans le même temps, d’importantes pénuries de main-d’œuvre, notamment dans les professions peu et moyennement qualifiées, ont conduit de nombreux pays à étendre leurs dispositifs et accords bilatéraux relatifs à la mobilité des travailleurs temporaires, afin d’aider les entreprises à surmonter les difficultés d’embauche et d’offrir de meilleures conditions de travail aux travailleurs étrangers précaires.
Dans de nombreux pays de l’OCDE, les stratégies nationales visant à retenir les travailleurs temporaires intègrent des procédures simplifiées (renouvellement ou changement de statut) et/ou de nouveaux programmes de résidence permanente.
À titre comparatif, les politiques concernant les migrations familiales ont subi peu de changements. De récentes modifications législatives sont venues soit durcir les obligations imposées aux personnes qui parrainent un ou plusieurs membres de leur famille, soit simplifier la procédure de regroupement familial pour les bénéficiaires de la protection internationale.
Parallèlement à la reprise des procédures d’asile et des activités de réinstallation dans l’ensemble des pays de l’OCDE, de grandes réformes politiques et législatives ont été mises en œuvre en 2021‑22 dans le domaine de la protection internationale et de l’admission de personnes pour des raisons humanitaires, en réponse à des situations d’urgence et des crises politiques de grande ampleur, entre autres.
De même, des circonstances exceptionnelles ont poussé plusieurs pays à renforcer leurs frontières et à concentrer leurs efforts sur la lutte contre l’immigration clandestine, de manière temporaire ou plus durablement.
Introduction
La pandémie de COVID‑19 a eu des répercussions majeures sur les migrations et la gestion des frontières sur la période 2020 et 2021. Un an plus tard, les dérogations, prolongations, concessions ad hoc et mesures d’accompagnement déployées en masse pour atténuer l’impact de la pandémie cessent peu à peu. Les réformes des politiques d’immigration menées à petite ou grande échelle redeviennent aujourd’hui plus structurelles. En 2021‑22, un grand nombre de pays de l’OCDE s’attachaient à attirer en priorité des travailleurs qualifiés et hautement qualifiés, ce qui a donné lieu à des initiatives spécifiques (visas nomades numériques, modernisation des outils de gestion des migrations, prolongation des permis de recherche d’emploi, etc.) censées perdurer au-delà de la phase de reprise. Autre enjeu à long terme pour les pays fortement dépendants du tourisme, de l’agriculture et d’autres secteurs essentiels : le recours aux travailleurs étrangers temporaires pour remédier à la pénurie persistante de main-d’œuvre. Les autres évolutions récentes en lien avec la protection internationale et l’admission pour raisons humanitaires, qui s’éloignent dans certains cas des approches en vigueur précédemment, s’inscrivent dans le cadre de mesures plus générales prises en réponse aux crises et à la situation géopolitique.
Évolution des mesures d’atténuation de la pandémie de COVID‑19
Obligations aux frontières et restrictions de déplacement
Les pays de l’OCDE ont continué d’appliquer des politiques d’immigration restrictives en 2021‑22, bien que les pouvoirs publics aient progressivement assoupli les restrictions aux déplacements nationaux et internationaux et abandonné les approches « zéro COVID ».
Le certificat COVID numérique de l’UE est entré en vigueur le 1er juillet 2021, et a été mis en œuvre à l’échelon national par les 27 États membres de l’UE et les quatre pays de l’espace Schengen non membres de l’UE. Le Conseil de l’Union européenne a revu à plusieurs reprises au cours de l’année sa liste de pays tiers sûrs sur le plan épidémiologique. Conformément aux recommandations formulées par la suite, les États membres de l’UE/EEE ont considérablement assoupli les restrictions à l’entrée et les règles de quarantaine pour certaines catégories de voyageurs et de titulaires de visa, notamment ceux disposant d’un schéma vaccinal complet. En Europe et ailleurs, les pays limitrophes se sont mutuellement accordé des concessions, les règles étant assouplies pour les travailleurs transfrontaliers et les travailleurs essentiels.
Dans de nombreux pays de l’OCDE, les dispositions exceptionnelles mises en œuvre pour permettre aux immigrés, frappés par les restrictions de déplacement et la limitation des services d’immigration, de rester en situation régulière, ont été prolongées à plusieurs reprises. En Norvège, les mesures d’atténuation visant les travailleurs saisonniers qui se trouvaient dans l’incapacité de retourner dans leur pays d’origine ont été prolongées jusqu’à fin 2021. Les immigrés résidant au Portugal ont également bénéficié d’une prolongation, jusqu’en juin 2022, de leurs permis de séjour et de leurs visas arrivant à expiration, et jusqu’en septembre 2022 pour ceux résidant au Costa Rica. Les aménagements flexibles du temps de travail (par exemple simplification des activités de télétravail des étrangers) ont été maintenus en Pologne et en Italie (même après la fin de l’état d’urgence annoncée par le gouvernement italien en mars 2022) et les conventions fiscales bilatérales conclues par le Luxembourg avec l’Allemagne, la Belgique et la France pour le télétravail des travailleurs transfrontaliers ont été automatiquement prolongées jusqu’au 30 juin 2022.
Si certains pays ont progressivement rouvert leurs frontières aux ressortissants étrangers dans le courant de l’année 2021, d’autres ont maintenu les restrictions de déplacement liées au COVID quelques mois de plus, avant d’annoncer leur levée au début de l’année 2022. L’Australie a annoncé la réouverture complète de ses frontières en février 2022, tout comme l’Islande et la Suisse (sauf pour les ressortissants de pays tiers en provenance de pays à haut risque). Le ministère tchèque de la Santé a actualisé le 18 mars 2022 les conditions et règles d’entrée dans le pays. Israël a levé les restrictions d’entrée pour tous les voyageurs le 21 mai 2022. Malgré une réouverture progressive de ses frontières (avec le Venezuela notamment) à compter de juin 2021, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’à fin juin 2022 en Colombie. Le Chili a présenté son « Plan de protection des frontières » (qui actualise les conditions d’entrée des voyageurs étrangers) en avril 2022, et la Nouvelle-Zélande a annoncé en août 2021 un plan national intitulé « Reconnecter les Néo-Zélandais au monde », l’objectif étant de rouvrir ses frontières progressivement et en toute sécurité, la réouverture complète étant prévue pour juillet 2022. Si le Mexique et la Corée n’ont appliqué aucune interdiction générale d’entrée, une procédure d’entrée spéciale et des contrôles stricts aux frontières étaient en vigueur en Corée jusqu’en juin 2022, assortis d’une obligation de quarantaine pour les voyageurs non vaccinés.
Malgré l’assouplissement général (ou la fin) des interdictions et des restrictions de déplacement dans les pays de l’OCDE, la vigilance reste de mise en cette période de sortie de crise. En avril 2022, le Parlement européen (commission LIBE) a soutenu une proposition de la Commission européenne visant à prolonger de 12 mois le cadre juridique du certificat COVID numérique de l’UE, jusqu’en juin 2023, et à adopter d’ici là une approche coordonnée afin de garantir la libre circulation des étrangers et la sécurité de leurs déplacements, au sein de l’UE et à travers ses frontières extérieures.
Stratégies de relance
La fermeture des frontières nationales et les restrictions de déplacement mises en œuvre pour limiter la propagation de la pandémie de COVID‑19 ont eu des effets considérables sur les économies de nombreux pays et ont entraîné d’importants retards et des perturbations majeures. Certains retards, dans le traitement des demandes par exemple, ont persisté malgré la reprise progressive des activités consulaires et la réouverture des services d’immigration dans le courant de l’année 2021. Le Service de la citoyenneté et de l’immigration des États-Unis (USCIS), par exemple, s’efforce de réduire les retards de traitement imputables à la pandémie tout en améliorant ses prestations, notamment en réutilisant les données biométriques précédemment collectées, en renonçant aux entretiens en face-à-face avec les demandeurs de visa lorsque c’est possible, ou en prolongeant les délais accordés aux demandeurs et aux employeurs pour répondre à ses diverses sollicitations. En Israël, une prolongation automatique de six mois est accordée par l’Autorité de la population et de l’immigration (PIBA) à certaines catégories de titulaires de visas et de résidents en raison de la demande croissante de rendez-vous. Aux Pays-Bas, une équipe spéciale chargée des questions d’asile a été mise en place par le ministère de l’Immigration en soutien au Service d’immigration et de naturalisation (IND), afin de l’aider à traiter la quinzaine de milliers de demandes d’asile en souffrance accumulées jusqu’en avril 2020. De nouvelles méthodes de travail et de nouveaux aménagements pratiques ont été nécessaires pour rattraper ce retard initial et traiter les demandes déposées après cette date, ce qui a nécessité de prolonger le déploiement de cette équipe spéciale jusqu’à fin 2021. Des retards importants dans le traitement des demandes de visa et de permis ont également été signalés au Portugal.
Les mesures nationales et de relance mises en œuvre en réponse à la pandémie de COVID‑19 comprennent des dispositions et des actions concrètes en faveur des travailleurs étrangers et/ou des catégories vulnérables d’immigrés. L’Australie, par exemple, a mis en place une équipe spéciale chargée d’attirer des entreprises et des talents du monde entier (Global Business and Talent Attraction Taskforce) afin de favoriser son redressement économique post-COVID et d’attirer davantage de travailleurs talentueux et d’entreprises innovantes sur son marché du travail. Le gouvernement australien s’est également engagé à faire venir 12 500 travailleurs océaniens supplémentaires dans le cadre du programme de travailleurs saisonniers (Seasonal Worker Programme) et du dispositif pour les travailleurs du Pacifique (Pacific Labour Scheme) d’ici mars 2022. Il s’agit d’une mesure complémentaire visant à soutenir le plan de relance post-COVID-19 et à remédier à la pénurie de main-d’œuvre (dans le secteur agricole notamment). La Colombie s’est tout particulièrement intéressée aux questions d’immigration et d’intégration dans son plan de réponse en six points de 2022, l’objectif étant de prévenir les risques d’abus et d’exploitation des populations vulnérables et très éprouvées par la pandémie (comme les immigrés et les personnes déplacées).
La plupart des gouvernements de l’UE ont adopté des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR), qui exposent leurs programmes de réforme et d’investissement jusqu’en 2026, conformément au règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), adopté le 11 février 2021.
Bien que nombre de ces plans nationaux ne citent pas explicitement la gestion des migrations parmi les principales mesures de relance post-COVID‑19, quelques PNRR contiennent des mesures visant à soutenir, entre autres, la cohésion sociale et économique ou la transformation numérique, et susceptibles d’avoir un impact direct ou indirect sur les politiques d’immigration. Le PNRR de la Grèce prévoit des investissements dans la transformation numérique du système de migration et d’asile. Plusieurs PNRR, notamment de pays fortement dépendants du tourisme (comme l’Espagne), prévoient de diversifier les mesures et d’investir massivement dans la transformation numérique de l’administration publique, notamment eu égard aux contrôles aux frontières et à la gestion des migrations. L’attention croissante portée aux systèmes de soins, à l’accès à ces systèmes et à leur sécurité dans les stratégies à long terme est également susceptible d’influencer et de modifier les politiques d’immigration en vigueur. Dans le cadre de son plan de relance national, approuvé par la Commission européenne le 1er juin 2021, la Pologne entend prendre des mesures pour faciliter l’embauche de travailleurs immigrés à plus long terme, afin de lutter contre le chômage et améliorer la situation du marché du travail polonais après la crise. De même, le PNRR de la République slovaque, approuvé en juin 2021, propose de réformer les stratégies et la législation existantes en matière d’immigration et d’intégration, et de prendre des mesures pour attirer une main-d’œuvre étrangère qualifiée et faire ainsi face aux pénuries croissantes dans le pays.
Dans le cadre des efforts déployés par les pouvoirs publics pour se relever de la crise du COVID-19, l’Irlande a étendu l’octroi de ses visas de court séjour à entrées multiples d’une durée de cinq ans à tous les ressortissants de pays tiers soumis à obligation de visa (une option qui était auparavant réservée aux seuls ressortissants chinois).
Gestion des migrations de travail
Tout au long de la période 2021‑22, la course internationale aux talents n’a pas faibli, malgré les effets de la pandémie. Des voies d’immigration réservées aux professionnels qualifiés ont été créées dans de nombreux pays afin de faciliter les embauches à l’international et de mieux attirer et retenir les talents étrangers dont les compétences sont recherchées. En effet, la « Grande Démission », un phénomène économique se caractérisant par un nombre record de personnes ayant quitté leur emploi après la pandémie de COVID-19, a obligé les décideurs à revoir leurs politiques d’immigration et une grande majorité d’entreprises à adapter leurs stratégies de fidélisation des salariés de manière innovante.
De nombreux pays de l’OCDE continuent de considérer que les travailleurs étrangers ont un rôle important à jouer, en particulier dans les professions en tension. En Allemagne, outre la loi sur l’immigration de travailleurs qualifiés, entrée en vigueur en mars 2020, l’accord de coalition présenté par le gouvernement en Allemagne en décembre 2021 prévoit de nouvelles voies d’immigration et des procédures simplifiées pour les travailleurs qualifiés, dans les métiers en tension en particulier. De même, la nouvelle politique migratoire 2021‑25 adoptée par la République slovaque le 8 septembre 2021 souligne la nécessité d’une immigration de travail bien gérée, afin de prévenir les tensions sociales, économiques et environnementales. Aux États-Unis, le décret présenté par l’administration Biden en février 20211 a dévoilé plusieurs réformes visant à faciliter le recrutement de travailleurs étrangers et à mieux retenir les talents et les professionnels hautement qualifiés (par exemple dans les professions liées aux STIM). De même, l’immigration de travail est considérée comme une priorité politique dans la Stratégie migratoire (2021‑25) et la Stratégie pour l’emploi (2021‑30) de la Bulgarie, en particulier l’immigration de travailleurs hautement qualifiés.
Toutefois, les pays de l’OCDE ne cherchent pas seulement à attirer des professionnels hautement qualifiés. Les efforts visant à faciliter l’entrée, l’embauche et les conditions de travail des travailleurs temporaires dans les professions « essentielles » ou critiques, comme le secteur agricole ou de la santé, se sont poursuivis en 2021‑22. Un certain nombre de pays de l’OCDE ont mis en place de nouveaux dispositifs d’admission, des mesures d’assouplissement et même, dans certains cas, des voies d’accès à la résidence permanente pour retenir cette main-d’œuvre précieuse et réduire le risque d’abus et d’exploitation.
Attirer les talents
Si de nombreux pays étaient déjà engagés dans la course internationale aux talents avant le début de la crise, la pandémie de COVID‑19 a eu de sérieuses répercussions sur la pénurie qui existait déjà. En raison des restrictions strictes de déplacement et de mobilité, on est passé d’une culture centrée sur le bureau à des solutions plus flexibles et hybrides. Cette nouvelle tendance, conjuguée à des défis démographiques et socioéconomiques plus systémiques, a incité de nombreux pays à consolider leurs stratégies pour attirer des talents étrangers (par exemple ressortissants étrangers hautement qualifiés, entrepreneurs et étudiants en mobilité internationale) et à prendre de nouvelles mesures pour répondre aux besoins de compétences à long terme. Depuis 2020‑21, les nomades numériques et les télétravailleurs étrangers font l’objet d’une attention accrue, de nouveaux dispositifs et programmes étant dédiés à cette catégorie croissante de télétravailleurs salariés ou indépendants au service d’entreprises établies à l’étranger (Encadré 2.1).
Pour mieux attirer (et retenir) les travailleurs qualifiés du monde entier, plusieurs pays de l’OCDE prévoient d’adopter un système d’immigration à points. Ce modèle est déjà en vigueur en Australie, au Canada, au Japon et en Nouvelle-Zélande, où les étrangers doivent atteindre un certain nombre de « points » pour obtenir un permis de séjour ou de travail. Au Royaume-Uni, le système d’immigration à points (Points-Based Immigration System, PBS) instauré début 2021 est devenu la principale voie d’immigration des travailleurs étrangers qualifiés, bien qu’il s’agisse plutôt d’une liste de critères obligatoires. L’Allemagne et la République tchèque envisagent la possibilité d’instaurer des critères similaires à l’avenir. En Allemagne, bien que les critères exacts n’aient pas encore été définis, un système d’immigration à points devrait être mis en place parallèlement aux voies existantes, et inclure une « carte d’opportunité » fondée sur un système à points pour les travailleurs des pays tiers à la recherche d’un emploi.
Encadré 2.1. Les « nomades numériques » et les télétravailleurs transfrontaliers
La crise liée au COVID‑19, conjuguée à la transformation numérique de tous les domaines d’activité, a fait radicalement évoluer les conditions de travail. Les fermetures d’entreprises et les restrictions de déplacement ont entraîné un déploiement massif du télétravail à l’échelle mondiale, auquel de nombreux pays et employeurs ont dû s’adapter. Si l’année 2020 a marqué l’apparition de régimes de « visas nomades numériques » dans les pays de l’OCDE, initié par l’Estonie en août, les politiques relatives au télétravail ont continué de se développer tout au long de l’année 2021, et leur nombre augmente encore.
À ce jour, 6 pays de l’OCDE et au moins 22 pays non membres de l’OCDE proposent des visas spécifiques pour les nomades numériques, qui permettent aux travailleurs étrangers de rester dans le pays et de travailler à distance pour une entreprise établie à l’étranger. Le Costa Rica et la Grèce ont mis en place des visas de télétravail fin 2021. La Hongrie a lancé, en février 2022, la « Carte blanche », un permis de séjour d’un an autorisant les nomades numériques à résider en Hongrie tout en travaillant pour un employeur ou des clients étrangers. Le 29 juin 2022, la Lettonie a mis en place un visa de nomade numérique qui permet aux ressortissants étrangers salariés ou indépendants d’un pays de l’OCDE de télétravailler depuis la Lettonie pour une durée maximale d’un an, renouvelable une fois, sans parrainage local. Des propositions sont actuellement étudiées dans le cadre de la procédure législative en Italie, en Espagne et en Colombie ; en Italie, le Parlement a adopté la loi sur le visa de nomade numérique en mars 2022.
Les arguments avancés par les pays pour mettre en place des voies d’accès dédiées aux nomades numériques et aux télétravailleurs internationaux varient. Les économies dépendantes du tourisme, gravement touchées par la pandémie, ont lancé des programmes de visas nomades numériques dans le cadre de leurs stratégies de relance afin de combler leur manque à gagner et d’attirer des consommateurs/contribuables potentiels. D’autres visent à lutter contre le recours abusif aux dispositifs migratoires préexistants (par exemple visas de tourisme, positions de non-activité ou permis de travail indépendant) et à clarifier le statut juridique des étrangers dont les revenus proviennent uniquement de l’étranger et sont essentiellement issus d’activités salariées ou indépendantes.
Étant donné que la plupart des dispositifs de visas nomades numériques ont été adoptés en plein pic pandémique – ou juste après, leurs avantages nets (par rapport aux efforts nécessaires pour les gérer) et les risques qui y sont associés (par exemple conformité et abus éventuels) demeurent incertains. Toutefois, le suivi dans le temps des visas nomades numériques créés récemment suscite un intérêt considérable.
Source : OECD (2022[1]), “Should OECD countries develop new Digital Nomad Visas?”, https://www.oecd.org/migration/mig/MPD-27-Should-OECD-countries-develop-new-Digital-Nomad-Visas-July2022.pdf.
À l’échelon de l’UE, l’une des priorités politiques est désormais d’attirer les compétences et les talents étrangers, l’objectif étant d’améliorer la gestion globale des migrations de manière durable et ambitieuse. La Directive révisée sur la carte bleue européenne (2021/1883) instaure de nouvelles règles d’entrée et de séjour des travailleurs hautement qualifiés, comme des conditions d’admission assouplies, des droits renforcés et la possibilité de circuler plus facilement entre les États membres de l’UE pour y travailler. En outre, la Commission européenne a annoncé le 27 avril 2022 un ensemble de mesures et de propositions de lois visant à attirer davantage de talents dans l’UE, tout en remédiant aux graves pénuries de main-d’œuvre sur les marchés du travail. Citons par exemple la constitution d’un réservoir européen de talents afin de mettre en relation les employeurs de l’UE avec les talents dont ils ont besoin.
Permis de recherche d’emploi et procédure simplifiée de recrutement des diplômés et des jeunes professionnels
Depuis avril 2022 en Finlande, les chercheurs et les diplômés qui ont terminé leurs projets ou leurs études peuvent demander un nouveau permis de séjour de deux ans pour chercher du travail ou créer une entreprise (en 2018, seule une prolongation d’un an maximum était possible). Ce nouveau permis peut également être demandé dans les cinq ans suivant l’obtention du diplôme ou la fin des recherches. Dans l’attente d’une nouvelle loi, le gouvernement espagnol a également annoncé en juin 2022 son intention d’accorder des permis de séjour aux étudiants en mobilité internationale pour toute la durée de leurs études, et de les autoriser à travailler une à deux années supplémentaires après l’obtention de leur diplôme.
En mars 2021, la Lituanie a également accordé d’autres facilités aux étudiants et chercheurs en mobilité internationale, en assouplissant les critères d’obtention des permis de séjour liés au travail, et en donnant la possibilité aux jeunes diplômés de commencer à travailler immédiatement, en attendant la réponse à leur demande. En mars 2022, la réglementation israélienne relative aux visas Hi-Tech a été révisée pour permettre aux entreprises nationales de haute technologie de recruter plus facilement des étudiants et des jeunes diplômés en mobilité internationale. Ces entreprises peuvent désormais demander des visas de travail pour les étudiants de l’enseignement supérieur ou les jeunes diplômés dans certaines professions de haute technologie dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme.
Réformes récentes des politiques relatives aux travailleurs (hautement) qualifiés
En Australie, les pouvoirs publics accordent la priorité aux visas parrainés par les employeurs (Employer Sponsored) et aux visas destinés aux indépendants qualifiés (Skilled Independent). Par conséquent, si le nombre de places ouvertes au titre du programme d’immigration 2022‑23 a été maintenu à 160 000, 109 000 places ont été réservées aux travailleurs qualifiés, contre 79 600 l’année précédente. Afin de compenser le déficit d’immigration en 2020, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a revu à la hausse les objectifs d’admission de résidents permanents : 401 000 en 2021 (contre 351 000 dans le précédent plan des niveaux d’immigration), 411 000 en 2022 et 421 000 en 2023.
La Nouvelle-Zélande rééquilibre également son système d’immigration afin d’attirer et de recruter plus facilement des travailleurs étrangers hautement qualifiés tout en aidant certains secteurs à améliorer leur productivité et leur résilience, au lieu de s’appuyer sur des travailleurs immigrés moins qualifiés. Un nouveau visa permettant de travailler pour des employeurs accrédités (Accredited Employer Work Visa, AEWV) est entré en vigueur le 4 juillet 2022. Il permet à ces employeurs d’embaucher facilement des travailleurs immigrés qualifiés lorsqu’il existe une véritable pénurie de compétences ou de main-d’œuvre. Ce visa unique simplifié remplace six visas de travail. Bien que des restrictions aux frontières soient restées en vigueur en Nouvelle-Zélande jusqu’en août 2022, un certain nombre d’exceptions ont été annoncées en décembre 2021. Parmi celles-ci, une dérogation a été mise en place dans le secteur technologique, afin d’autoriser 600 techniciens spécialisés à venir en Nouvelle-Zélande avec leur famille.
Dans le cadre d’une réforme plus générale, la Suède a mis en place en juin 2022 un nouveau permis de séjour pour les demandeurs d’emploi hautement qualifiés et les créateurs d’entreprise, qui autorise les étrangers remplissant les critères à rester dans le pays pendant une durée pouvant atteindre neuf mois afin de chercher un emploi ou de créer une entreprise dans le pays. Depuis mars 2021, en Lituanie, les travailleurs hautement qualifiés sont autorisés à travailler en attendant que leur demande de permis de séjour soit examinée. Au Royaume-Uni, depuis 2022, un visa unique « Global Business Mobility », nécessitant le parrainage d’un employeur, est en vigueur pour les travailleurs établis en dehors du Royaume-Uni qui se voient confier une mission temporaire dans le pays en qualité de travailleurs seniors ou spécialisés, de jeunes diplômés dans le cadre d’un stage, de salariés étrangers chargés de créer une filiale au Royaume-Uni, de prestataires de services ou de travailleurs détachés. Le Royaume-Uni a également annoncé la création d’un nouveau visa ne nécessitant pas de parrainage, destiné aux profils à haut potentiel (« High Potential Individual »), qui permet aux diplômés des meilleures universités étrangères de demander un visa de travail d’une durée de deux à trois ans, de venir avec leur famille et d’obtenir ensuite un visa de travail à plus long terme si les conditions nécessaires sont remplies.
En Espagne, la future « loi sur la création d’entreprise », qui vise à attirer des talents internationaux et des télétravailleurs, est présentée comme une étape majeure du plan de relance, de transformation et de résilience du gouvernement. En juin 2022, la Finlande a lancé un nouveau service accéléré pour les spécialistes, les créateurs d’entreprises, les demandeurs de la carte bleue et les membres de leur famille (qui leur permet de voir leur demande traitée dans un délai de deux semaines maximum). Elle a en outre annoncé en avril 2023 la création d’un visa de plus longue durée (D) pour les spécialistes et les créateurs d’entreprises à fort potentiel de croissance, dans le cadre de l’engagement pris par les pouvoirs publics d’accroître l’immigration à des fins d’études ou de travail dans le pays. Dans sa feuille de route publiée en septembre 2021, le gouvernement finlandais prévoit de doubler les niveaux actuels d’immigration de travail à l’horizon 2030, l’objectif étant d’accueillir au minimum 50 000 travailleurs immigrés supplémentaires. Le nombre de nouveaux étudiants en mobilité internationale de deuxième cycle universitaire devrait tripler pour s’établir à 15 000 à l’horizon 2030, l’objectif étant que 75 % d’entre eux trouvent un emploi en Finlande.
Aux États-Unis, les dernières données de l’USCIS relatives au traitement des demandes de visa H‑1B montrent une hausse des taux d’admission liés aux nouvelles demandes de visa de travail, ainsi qu’aux demandes de modification, d’extension et de changement d’employeur. Le programme de traitement prioritaire qui garantit le traitement accéléré de certaines demandes de visas parrainées par l’employeur est également sur le point d’être étendu à plusieurs autres catégories de titres de séjour.
Stratégies de rétention des talents
À compter de juillet 2022, l’Australie accordera des concessions supplémentaires aux employeurs souhaitant maintenir en poste des travailleurs étrangers (hautement) qualifiés titulaires d’un visa « Temporary Skills Shortage » (pénurie temporaire de compétences). Pour ces catégories, la restriction de renouvellement sur le territoire national (« onshore renewal restriction ») est supprimée, ce qui permet de déposer des demandes depuis l’Australie pour ce qui concerne le volet à court terme pour résider et travailler de manière permanente dans le pays. À compter d’une date comprise entre juin et août 2022, les personnes présentes au Canada qui sont titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires canadien et d’un permis de travail postdiplôme expirant en 2022 pourront voir leur permis de travail prolongé d’une durée pouvant atteindre 18 mois. En Suède, les travailleurs étrangers peuvent désormais renouveler leur permis de travail temporaire, même après avoir cumulé quatre années d’activité ; ils étaient auparavant tenus de déposer une demande de résidence permanente et, s’ils n’y avaient pas droit, de quitter le pays.
Les pays confrontés à de graves pénuries de main-d’œuvre dans les professions de santé font face à un défi majeur : maintenir en poste les médecins et les professionnels de santé étrangers. L’Irlande et la Pologne ont récemment assoupli les règles afin de faciliter leur recrutement (par exemple instauration d’exemptions de permis de travail pour les médecins, les infirmières, les dentistes ou les sages-femmes pendant la crise du COVID-19, et autres simplifications administratives depuis novembre 2021 en Pologne), mais aussi leur installation dans le pays d’accueil, par une réduction de la charge administrative et la mise en place de nouvelles voies d’accès à la résidence. En Irlande, un dispositif temporaire (actif de mars à avril 2022) permettait aux médecins originaires de pays non membres de l’UE établis depuis plus de deux ans en Irlande (en vertu d’un permis de travail général) de demander un permis de séjour « Stamp 4 », leur donnant (ainsi qu’à leur partenaire) le droit de travailler sans conditions préalables pendant une période donnée, prise en compte dans la durée de résidence en cas de demande de citoyenneté ultérieure.
Soutenir les entreprises et les investisseurs
À compter de 2021, plusieurs pays de l’OCDE ont modifié leurs cadres réglementaires afin d’ajuster les conditions applicables aux investisseurs étrangers et aux entrepreneurs/voyageurs d’affaires. Afin de soutenir la relance économique post-COVID-19 en Australie, le Business Innovation and Investment Program (BIIP) et le Complying Investment Framework (CIF) ont été actualisés et simplifiés. Parmi les changements entrés en vigueur le 1er juillet 2021, citons la réduction du nombre de catégories de visa, qui est passé de neuf à quatre, et l’ouverture de nouvelles voies d’accès à la résidence permanente pour ces catégories. Dans le même temps, certaines conditions d’admission ont été renforcées, et le seuil d’investissement a été considérablement augmenté pour les visas d’investisseurs. Au Portugal, les seuils d’investissement pour l’obtention du « golden visa » ont également augmenté à partir de janvier 2022 (ils ont par exemple été portés de 350 000 à 500 000 EUR pour l’option fonds d’investissement, et de 1 à 1.5 million EUR pour les transferts de capitaux), sauf pour les investissements immobiliers, toutefois soumis à des restrictions géographiques.
À titre de comparaison, une nouvelle loi approuvée en juin 2021 au Costa Rica a réduit l’investissement minimum requis pour les investisseurs étrangers, simplifié les procédures et accordé des avantages fiscaux aux titulaires de visas de résident temporaire, retraités compris. Au cours de l’année 2021, différents changements sont intervenus en Lituanie, l’objectif étant d’améliorer l’environnement d’investissement national, et d’aider les investisseurs étrangers (et les membres de leur famille) à s’installer dans le pays et à entrer sur le marché du travail. Les réformes de la loi sur les investissements, entrées en vigueur en juin 2021, prévoient de délivrer des permis de séjour temporaire (d’une durée maximale de trois ans) aux salariés, actionnaires ou directeurs généraux étrangers d’un investisseur remplissant les critères d’admission, qui arrivent en Lituanie dans le cadre d’un accord d’investissement. Depuis mai 2022, les ressortissants étrangers embauchés par des « entreprises prospères » en Estonie ne sont plus soumis au quota annuel d’immigration. Les voyageurs souhaitant mener des activités commerciales à court terme au Chili peuvent désormais demander une autorisation consulaire de courte durée, accordée pour une durée maximale de dix ans, pour une entrée unique ou des entrées multiples.
Lutter contre l’importante pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole...
Dans de nombreux pays, le secteur agricole est extrêmement dépendant de la main-d’œuvre étrangère. Les restrictions de mobilité, la fermeture des frontières et la suspension des services d’immigration en raison de la pandémie de COVID-19 ont perturbé l’offre de main-d’œuvre, et ont affecté plus particulièrement les pays caractérisés par des périodes de forte demande de main-d’œuvre saisonnière ou une production à forte intensité de main-d’œuvre. Pour tenter de remédier aux importantes pénuries de main-d’œuvre dues au recul de l’immigration, la plupart de ces pays ont adopté des solutions complémentaires et des mesures spécifiques.
La Corée a mobilisé des groupes d’inactifs afin de renforcer les effectifs de main-d’œuvre agricole. Entre le 2 mars 2021 et le 31 mars 2022, le pays a étendu son programme de travailleurs saisonniers temporaires pour permettre à tous les résidents étrangers en situation de non-emploi d’occuper légalement un emploi saisonnier. Ce dispositif temporaire, précédemment ouvert aux travailleurs étrangers titulaires du visa E‑9 dont le permis de travail arrivait à expiration, a été étendu à d’autres catégories de titulaires de visas (par exemple visiteurs familiaux, titulaires d’un visa de travail ou de visiteur), l’objectif étant d’inscrire au programme jusqu’à 79 000 résidents étrangers remplissant les critères d’admissibilité. Un nouveau règlement est entré en vigueur en Autriche le 1er janvier 2022. Il permet aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi (AMS) de se voir délivrer un permis de travail saisonnier pour une période initiale de six mois, hors quota, et sans obligation de réaliser un examen de la situation du marché du travail.
D’autres pays ont mis en œuvre des mesures ou des accords visant à faciliter ou à maintenir l’admission de travailleurs étrangers temporaires, afin de remédier à des pénuries de main-d’œuvre spécifiques. Le 23 août 2021, l’Australie a mis en place une nouvelle catégorie de visa parrainé (le visa agricole australien, AAV) ouverte aux travailleurs des pays ayant conclu des accords bilatéraux. Un accord a été conclu avec le Viet Nam le 28 mars. L’AAV était censé compléter temporairement le programme australien existant de mobilité de la main-d’œuvre océanienne (Pacific Australia Labour Mobility scheme, PALM), qui reste le principal dispositif de lutte contre les pénuries de main-d’œuvre agricole en Australie. En 2021, le Royaume-Uni a étendu son programme pilote de travailleurs saisonniers (lancé en 2019) au secteur horticole, ce qui permet d’accueillir chaque année jusqu’à 30 000 étrangers pour travailler dans ce secteur, pour une durée maximale de six mois. Le Costa Rica a prolongé de sept mois son accord bilatéral avec le Nicaragua, relatif à l’embauche temporaire de travailleurs agricoles nicaraguayens, afin de couvrir la saison de récolte 2021‑22. En juillet 2021, l’Allemagne a conclu de nouveaux accords bilatéraux avec la République de Moldova concernant l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles en 2022.
En 2021‑22, l’Autriche, l’Italie et Israël ont augmenté leurs quotas annuels de travailleurs saisonniers, notamment dans le secteur agricole. En 2022, Israël va délivrer 2 500 permis de travail de plus qu’en 2021 aux travailleurs immigrés temporaires du secteur agricole. En Italie, un quota supplémentaire de 14 000 travailleurs ressortissants de pays non membres de l’UE a été réservé au secteur agricole en 2022. Ce quota est susceptible d’augmenter dans le cadre de la révision du décret annuel sur les flux migratoires annoncée en juin 2022 par le gouvernement italien, qui va porter le nombre d’entrées de contractuels, de saisonniers et de travailleurs indépendants à 75 000 en 2021‑22 (contre 69 700 auparavant). Bien que le quota de travailleurs saisonniers n’ait cessé d’augmenter depuis 2016 en Autriche, 636 nouvelles places ont été créées en 2022. L’accès des travailleurs saisonniers réguliers au séjour et à l’emploi a également été facilité, dans les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture notamment. Les travailleurs saisonniers recrutés en Estonie sont exemptés du quota annuel d’immigration et de l’examen du marché du travail. À l’inverse, la Corée a réduit le quota de travailleurs non professionnels au titre du visa E‑9, le faisant passer de 56 000 en 2020 à 52 000 en 2021. Depuis mars 2021, la Région flamande (Belgique) a réduit le seuil de salaire minimum requis pour les travailleurs saisonniers.
...Tout en continuant de protéger les travailleurs saisonniers contre l’exploitation
En raison de la nature temporaire de leur activité, les travailleurs saisonniers peuvent être particulièrement vulnérables aux conditions de travail précaires et à l’exploitation. Depuis le 17 juin 2021, les travailleurs saisonniers peuvent plus facilement changer d’employeur en Finlande. Dans le même temps, la révision de la loi sur les travailleurs saisonniers a durci les sanctions contre les employeurs récalcitrants. Depuis juin 2021, une loi relative au statut juridique des étrangers cueillant des produits naturels accorde également une meilleure protection aux cueilleurs de baies étrangers. Cette nouvelle loi définit les droits des cueilleurs de produits naturels, clarifie leur statut et précise les obligations des opérateurs et les sanctions/amendes prévues par la loi en cas de non-respect. En Suède, les contrats de travail doivent désormais être joints à la demande de permis de travail afin que l’Agence suédoise des migrations puisse contrôler les conditions de travail proposées. L’Agence peut également obliger l’employeur à signaler toute modification (moins favorable) des conditions du contrat de travail – sous peine d’amende en cas de non-respect. En juillet 2021, un nouveau visa temporaire (Migrant Exploitation protection work visa) a été mis en place pour les travailleurs dont la situation a été examinée par les services de l’emploi de la Nouvelle-Zélande à la suite d'un signalement d’abus, et qui ont reçu une lettre d’évaluation de la situation d’exploitation (Report of Exploitation Assessment letter). Ce visa est valable six mois et permet à son titulaire de quitter son emploi pendant l’enquête et de changer d’employeur facilement.
Facilitation de l’entrée et du recrutement de travailleurs temporaires
Les travailleurs (non) saisonniers du secteur agricole ne sont pas les seuls travailleurs temporaires à bénéficier de conditions d’entrée facilitées. Au début de l’année 2022, l’Allemagne a conclu plusieurs accords bilatéraux, avec l’Indonésie et l’Inde par exemple pour le placement d’infirmières, et avec la Colombie pour le placement d’électriciens et de jardiniers. En Israël, les accords bilatéraux signés par les pouvoirs publics avec des pays tiers ces dernières années (par exemple avec la Chine, la République de Moldova, l’Ukraine dans le secteur de la construction, ou avec les Philippines dans le secteur des soins à la personne) devraient devenir le seul moyen de recruter des travailleurs immigrés temporaires soumis à des quotas annuels. En décembre 2021, les ministères compétents des États-Unis ont autorisé l’octroi de 20 000 visas H‑2B supplémentaires aux travailleurs temporaires non agricoles au premier semestre 2022.
De nouvelles mesures visant à faciliter le recrutement de travailleurs temporaires ont été mises en place en Italie (dans le cadre du décret dit « Sostegni Ter ») et en Australie (avec la fusion des deux programmes existants de mobilité professionnelle (Pacific Australia Labour Mobility) le 4 avril 2022). La Knesset (le Parlement israélien) a voté en janvier 2022 la suppression de la taxe de 15 à 20 % sur les salaires versée par tous les employeurs de travailleurs étrangers dans le secteur de la construction – il s’agissait du dernier secteur soumis à cette taxe. Ce changement vise à réduire le coût des projets de construction et d’infrastructure. La loi polonaise sur les étrangers a été modifiée en janvier 2022 afin de simplifier et d’accélérer le recrutement de travailleurs étrangers. Parmi les changements apportés, citons la réduction du nombre de justificatifs demandés, la possibilité de changer d’employeur et/ou de modifier facilement les conditions d’emploi, comme la durée d’emploi, sur la base de la seule déclaration de l’employeur pour les travailleurs ressortissants de six pays. Afin de renforcer la compétitivité des entreprises, l’Estonie prévoit d’assouplir les restrictions s’appliquant aux travailleurs ressortissants de pays tiers à compter de 2023, en portant la durée des permis de travail d’un à trois ans.
En République tchèque, la demande est supérieure à la capacité de traitement de nombreux consulats étrangers ; un système de quotas est en place, ainsi que des critères de traitement prioritaire. Les quotas appliqués aux salariés ont été augmentés en 2021 (ils ont été portés à 3 600 salariés étrangers hautement qualifiés et 50 000 salariés étrangers qualifiés). La demande de travailleurs étrangers a également fortement augmenté en Roumanie ; au quota initial de 25 000 travailleurs s’est ajouté un nouveau quota de 25 000 travailleurs en août 2021. Un quota de 100 000 travailleurs est annoncé pour 2022. Les entrées réelles sont inférieures à ce chiffre en raison des capacités de traitement.
Les restrictions de déplacement liées au COVID‑19 ont également eu des répercussions considérables sur les dispositifs de mobilité de la jeunesse et les programmes vacances-travail de nombreux pays. Dans un contexte de baisse globale des taux d’infection, plusieurs pays de l’OCDE ont conclu des accords bilatéraux afin d’attirer les (jeunes) voyageurs et/ou les visiteurs temporaires susceptibles de contribuer à combler les pénuries de main-d’œuvre.
Le 1er janvier 2022, un nouveau dispositif bilatéral de mobilité de la jeunesse conclu entre le Royaume-Uni et l’Islande est entré en vigueur. Ce dispositif donne la possibilité aux jeunes citoyens de ces deux pays de découvrir la culture et le mode de vie de l’autre pays. L’Islande a déjà conclu un accord similaire avec le Japon. Les candidats se voient accorder un permis de séjour d’une durée d’un an (non renouvelable) et un permis de travail illimité. En février 2021, la France a ouvert son programme vacances-travail à la République du Pérou (avec un quota de 300 bénéficiaires par an). Les Pays-Bas ont étendu leur programme vacances-travail au Japon (qui devient le 9e pays participant), et depuis 2022, les jeunes citoyens suisses ont accès au programme vacances-travail australien.
En septembre 2021, le Canada a encore assoupli les conditions d’admissibilité des candidats entièrement vaccinés au programme Expérience internationale Canada (EIC) : ils ne sont plus tenus de justifier d’une offre d’emploi valide pour recevoir une invitation à soumettre leur profil pour ce qui concerne le bassin de la catégorie Vacances-travail. Les jeunes étrangers dont la demande a été approuvée en 2020 mais qui n’ont pas pu venir au Canada en raison des mesures de contrôle aux frontières se sont vus accorder 12 mois supplémentaires pour activer leur permis de travail. De même, la Nouvelle-Zélande a rouvert ses programmes vacances-travail en mars 2022, dans le cadre du plan du gouvernement visant à « reconnecter » le pays au reste du monde.
Outre les vacanciers actifs, les étudiants et les diplômés en mobilité internationale bénéficient également de programmes de mobilité temporaire dans certains pays. Le programme « Young generation as change agents » (YGCA), un projet financé par l’Union européenne en Espagne qui a pris fin en juin 2021, a permis à 98 diplômés marocains d’obtenir un master en Espagne dans l’un des secteurs stratégiques prédéfinis par les autorités marocaines. En octobre 2021, la France a mis en œuvre un accord de partenariat pour les migrations et la mobilité avec l’Inde afin de faciliter entre autres la migration temporaire et circulaire, et la mobilité des étudiants et chercheurs indiens. Toutefois, ces projets obligent les bénéficiaires et les participants à retourner dans leur pays à la fin de leurs études. Ils bénéficient dans ce cadre d’une assistance spécifique pour s’insérer sur le marché du travail local.
Voies d’accès des travailleurs temporaires à la résidence permanente
Dans le cadre de leurs efforts visant à retenir et mieux intégrer les travailleurs temporaires, plusieurs pays de l’OCDE ont annoncé la création ou la prolongation des voies d’accès à la résidence permanente pour certains titulaires de visas ou de permis de séjour, en mettant l’accent sur les professions jugées essentielles ou critiques pendant la crise du COVID‑19. Certaines de ces voies d’accès sont largement tributaires des employeurs, et sont mises en place temporairement ou à long terme.
À partir de juillet 2022, une nouvelle voie d’accès à la résidence permanente sera accessible à certains titulaires de visas de courte durée en Australie, dans le cadre du programme de Recrutement nominal par l’employeur (Employer Nomination scheme). Pendant deux ans, les employeurs bénéficieront de facilités pour retenir les salariés étrangers. Ces mesures devraient rester en vigueur après les élections fédérales de mai 2022, des changements étant attendus concernant l’accès simplifié à la résidence permanente des titulaires de visas bénéficiant de bonnes conditions de travail et possédant des compétences jugées prioritaires en raison d’une pénurie dans le pays.
Le 1er janvier 2022, le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique a été remplacé par le Programme d’immigration permanente au Canada atlantique. Cette voie d’accès permet aux travailleurs qualifiés et aux diplômés internationaux qui souhaitent vivre et travailler dans l’une des quatre provinces du Canada atlantique d’obtenir un droit de séjour permanent. Ce changement vise à aider les employeurs à embaucher et retenir des candidats qualifiés, tout en répondant aux besoins locaux et communautaires. En outre, le Canada a lancé, entre mai et novembre 2021, une « Voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente » pour les travailleurs temporaires essentiels (par exemple dans le secteur de la santé) et les jeunes diplômés déjà présents au Canada, le plafond étant fixé à 90 000 demandes. Parmi les autres assouplissements, citons la possibilité pour les demandeurs dans l’attente d’une décision de quitter le Canada à partir de juin 2022, et la prolongation de la validité du Permis de travail ouvert transitoire (PTOT) jusqu’en 2024, ce qui permet aux demandeurs de continuer à travailler en attendant les résultats de leur demande de résidence permanente. En septembre 2021, la Nouvelle-Zélande a annoncé le lancement d’un nouveau visa de résident offrant une voie d’accès unique et simplifiée à la résidence à quelque 165 000 titulaires de visas liés au travail (visas de compétences essentielles, visas de travail post-études et membres de la famille proche). Pour ces candidats admissibles, l’obtention d’un visa de résident (Resident Visa) permet généralement de prétendre à un visa de résident permanent (Permanent Resident Visa).
Dans le cadre d’un accord intrarégional entre les pays membres de la Communauté andine, la Colombie propose, depuis janvier 2022, un nouveau visa fondé sur la nationalité (le visa d’immigré andin), valable deux ans, aux ressortissants admissibles de la Bolivie, de l’Équateur et du Pérou et à leur famille. En vertu de ce dispositif, les titulaires de ce visa bénéficient d’un accès simplifié à la résidence permanente à l’issue de cette période de deux ans, sans avoir besoin du parrainage d’un employeur.
Dans certains autres pays, l’obtention de la résidence permanente est soumise à des critères plus stricts. En Suède, un amendement à la loi sur les étrangers entré en vigueur en juillet 2021 soumet le statut de résident permanent à une « exigence de revenu minimum », qui nécessite de justifier d’un revenu stable et suffisamment élevé provenant soit d’un emploi permanent en Suède, soit d’un emploi à durée déterminée occupé pendant au moins 18 mois à compter de la date d’examen de la demande. Ces changements sont entrés en vigueur sans règles de transition, et s’appliquent également aux diplômés de l’enseignement supérieur et aux chercheurs. Au Canada, le montant minimum des fonds requis pour demander la résidence permanente dans le cadre du programme Entrée Express (Programme fédéral des travailleurs qualifiés) a augmenté à compter du 9 juin 2022. Au Chili, les titulaires d’un permis de séjour temporaire qui souhaitent séjourner dans le pays de manière permanente doivent y résider depuis au moins 24 mois et ne pas l’avoir quitté plus de 60 jours (contre 180 auparavant) au cours de l’année de résidence précédente. Toutefois, après être devenus résidents permanents, les étrangers bénéficient de règles assouplies leur permettant de quitter le Chili pour une durée maximale de deux ans (au lieu d’un) sans perdre leur statut.
Dans le cadre des mesures proposées dans le sillage du nouveau Pacte sur la migration et l’asile, la Commission européenne a présenté le 27 avril 2022 une refonte de la directive 2003/109/CE relative aux résidents de longue durée. Cette proposition vise à créer un système plus efficace, cohérent et équitable pour acquérir le statut de résident de longue durée de l’UE, par exemple en renforçant les droits des résidents de longue durée et des membres de leur famille, y compris ceux qui ont accumulé du temps de séjour dans différents États membres. Cette proposition met également en place un mécanisme visant à garantir des conditions de concurrence équitables entre le permis de séjour de longue durée de l’UE et les permis nationaux de séjour permanents en termes de procédures, d’égalité de traitement et d’accès à l’information. Bien que les négociations soient en cours, cette refonte devrait améliorer l’attrait global de l’UE aux yeux des talents étrangers, et renforcer l’intégration des ressortissants de pays tiers installés légalement et durablement dans l’UE.
Migrations familiales
Si les changements récents concernant l’admission de personnes pour des raisons familiales sont principalement d’ordre procédural et visent à assouplir ou à durcir les conditions d’admissibilité, certains pourraient avoir des répercussions majeures sur les demandeurs principaux et les membres de leur famille. En ce qui concerne le regroupement familial, l’Australie, la Norvège, la Slovénie ou le Luxembourg ont mis en œuvre des réformes législatives ciblées visant à durcir les conditions d’admissibilité pour les personnes qui parrainent des membres de leur famille (en exigeant par exemple davantage de justificatifs de moyens financiers, ou en augmentant le seuil de salaire minimum). Le Luxembourg et l’Allemagne, au contraire, ont globalement assoupli les règles et les conditions applicables aux bénéficiaires de la protection internationale/subsidiaire lorsqu’ils font une demande de regroupement familial. En novembre 2021, l’USCIS a publié des lignes directrices relatives à la prolongation automatique de l’autorisation de travailler pour certains conjoints à charge non immigrants H‑4, E (négociants conventionnés) et L (TIC).
Plus important encore, le ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a annoncé des améliorations au programme de super visa du Canada, qui permet aux parents et aux grands-parents de rendre visite à leurs enfants ou petits-enfants canadiens ou résidents permanents au Canada pendant une période plus longue. À compter du 4 juillet 2022, la durée de séjour autorisée pour les titulaires de super visas passera à cinq ans par entrée, contre deux ans actuellement. Les titulaires de visas auront également la possibilité de prolonger leur séjour au Canada de deux ans au maximum.
Protection internationale et considérations géopolitiques
Évolutions récentes des politiques d’asile
Les mesures extraordinaires et d’urgence adoptées par la plupart des pays de l’OCDE pour contenir la propagation du COVID‑19 ont durement frappé les demandeurs d’asile, dont l’accès à la protection a été, dans certains cas, fortement restreint. En Grèce, le décret d’urgence adopté le 2 mars 2020 a temporairement suspendu la procédure d’asile pour un mois. Le 21 novembre 2021, après plus d’un an de restrictions aux frontières, le Canada a levé les mesures temporaires limitant les demandes d’asile pouvant être présentées par des étrangers cherchant à entrer sur le territoire canadien depuis les États-Unis entre les points d’entrée terrestres désignés.
Plus important encore, les crises successives qui ont frappé de nombreuses régions du monde ces dernières années (les crises économiques, migratoires et plus récemment sanitaires, par exemple) ont conduit un grand nombre de pays à réformer leurs cadres de politique d’asile. Parmi les principales évolutions observées en 2021, citons les réformes législatives visant à accélérer et à simplifier les procédures d’asile (au Luxembourg et en Slovénie), et les modifications ciblées des listes nationales de pays d’origine sûrs. Alors que le Conseil d’État français a retiré plusieurs pays de la liste française des pays d’origine sûrs (Bénin, Sénégal et Ghana) le 2 juillet 2021, le gouvernement grec a annoncé, le 7 juin 2021, sa décision d’inscrire la République de Türkiye sur la liste des pays tiers sûrs pour les demandeurs d’asile originaires de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie. À la suite de la transposition de la directive sur les procédures d’asile dans sa législation nationale, la Suède a adopté, en mai 2021, sa propre liste de pays d’origine sûrs, ce qui donne lieu à une procédure accélérée étant supposé qu’il est peu probable que des persécutions aient lieu dans ces pays désignés. En Autriche et au Luxembourg, des organismes indépendants ont été mis en place pour contrôler étroitement les droits et le bien-être des enfants dans les affaires d’immigration et d’asile.
Le traitement des demandes d’asile et la protection internationale ont été réformés au Danemark et au Royaume-Uni. Le 3 juin 2021, le Danemark a adopté une réforme législative autorisant le transfert des demandeurs d’asile vers un pays tiers dans le cadre d’un accord bilatéral préalable, tant à des fins de traitement des demandes d’asile que de protection des réfugiés en dehors de l’Europe. Annoncée en mars 2021, la réforme du système d’asile au Royaume-Uni, instituée par la loi sur la nationalité et les frontières (Nationality and Borders Act), a été promulguée le 28 avril 2022. Outre les propositions de traitement différencié des réfugiés dans le cadre d’un « système à deux niveaux », en fonction de leurs conditions d’entrée, le nouveau projet de loi prévoit des dispositions permettant de renvoyer les demandeurs d’asile dont les demandes sont irrecevables vers un « pays tiers sûr » avec lequel un accord a été conclu. À ce jour, un seul accord de cette nature a été signé, avec le Rwanda2 ; en Suède, les modifications apportées à la loi sur les étrangers en juillet 2021, qui maintiennent plusieurs restrictions instaurées par la loi précédente, incluent la mise en place de permis de séjour temporaires pour les bénéficiaires de la protection internationale, la résidence permanente n’étant accordée qu’aux réfugiés réinstallés.
Admission pour raisons humanitaires
La plupart des activités de réinstallation et d’admission pour raisons humanitaires, interrompues ou suspendues pendant la pandémie de COVID‑19, ont repris en 2021, mais souvent de manière progressive. Lors de la mise en œuvre de ces programmes, de nombreux pays ont dû adopter de nouvelles méthodes de travail, par exemple pour sélectionner les réfugiés ou évaluer les dossiers au cas par cas, afin de se conformer aux mesures sanitaires dictées par la pandémie de COVID‑19. En outre, les difficultés soulevées par les conflits durables, les troubles émergents et les crises politiques dans diverses régions du monde ont conduit un nombre croissant de pays de l’OCDE à (r)ouvrir des voies humanitaires, que ce soit dans le cadre de programmes de réinstallation ou de programmes d’admission (temporaire).
L’exode des réfugiés vénézuéliens, deuxième plus grande crise des réfugiés dans le monde, reste très préoccupant, en particulier pour les pays voisins. Depuis le 8 octobre 2021, les Vénézuéliens bénéficient d’un permis de protection temporaire de dix ans en Colombie. Ce programme sans précédent, qui s’inscrit en complément de la protection internationale, s’applique aux personnes vivant actuellement dans le pays et à celles qui y entreront par les points de contrôle officiels au cours des deux prochaines années. Plus de 2.1 millions de Vénézuéliens devraient bénéficier de ce programme au cours des dix années à venir.
En réponse à la répression interne au Bélarus, la Pologne a lancé en 2020 l’initiative « Solidarité avec le Bélarus », un plan d’aide en 5 points comprenant des engagements à mettre en place des mesures de soutien et à simplifier les procédures d’entrée pour les personnes ayant besoin de rejoindre la Pologne, au moyen d’une procédure exceptionnelle de visa humanitaire national. La Lituanie a adopté une approche similaire, en instaurant plusieurs réformes visant à faciliter l’entrée des ressortissants bélarusses (afin de leur permettre d’obtenir plus facilement des visas à entrées multiples et de traverser la frontière pour des raisons humanitaires). En outre, au cours du second semestre 2021, l’UE a pris un certain nombre de mesures spécifiques pour contrer l’instrumentalisation des migrations par le Bélarus à ses frontières extérieures (Encadré 2.2).
Encadré 2.2. Réponse de l’UE à la crise frontalière et humanitaire déclenchée par le Bélarus
À partir de l’été 2021, l’instrumentalisation des migrants parrainés par le Bélarus aux frontières extérieures de l’UE a particulièrement affecté la Lituanie, la Pologne et la Lettonie. En réponse à la situation d’urgence résultant de la hausse sans précédent des entrées en provenance du Bélarus, la Commission européenne a offert un soutien matériel et politique immédiat qui a débouché sur plusieurs mesures, dont une aide d’urgence de 36.7 millions EUR du Fonds pour l’asile, l’immigration et l’intégration (AMIF), qui vise à améliorer la mise en œuvre des procédures d’asile et les conditions d’accueil dans ces pays, pour les personnes vulnérables notamment.
En décembre 2021, à la demande du Conseil européen, la Commission a présenté un ensemble de mesures temporaires en matière d’asile et de retour, de nature extraordinaire et exceptionnelle, afin d’aider la Lettonie, la Lituanie et la Pologne à gérer les flux migratoires. Ces mesures, restées en vigueur pendant six mois, prévoyaient une prolongation des délais d’enregistrement des demandes d’asile, des procédures rapides à la frontière, et un soutien pratique de la part des agences de l’UE.
À la suite de l’offensive des talibans en août 2021, des opérations de sauvetage et d’évacuation des citoyens afghans ont été menées par des pays membres et non membres de l’OCDE. De nombreux pays de l’UE/EEE ont admis des personnes évacuées d’Afghanistan pour raisons humanitaires au cours du second semestre 2021. Certains ont inclus ces évacuations dans leurs quotas de réinstallation (Norvège), quand d’autres ont mis en place des voies de réinstallation spécifiques pour les ressortissants afghans ayant besoin d’une protection. Le « programme irlandais d’admission des Afghans » permet aux Afghans résidant déjà dans le pays de désigner quatre membres de leur famille afin de les faire venir, même s’ils se trouvent actuellement dans les pays limitrophes de l’Afghanistan (Iran, Pakistan, Turkménistan, Ouzbékistan et Tadjikistan). Invités par la Commission européenne à prendre des engagements en vue du prochain programme ad hoc de réinstallation en 2022, 15 États membres de l’UE ont accepté de venir en aide à près de 40 000 Afghans par le biais de la réinstallation et de l’admission pour raisons humanitaires.
Au Royaume-Uni, où un ministre de la Réinstallation des Afghans a été spécialement nommé pour superviser l’opération « Warm Welcome », une voie de réinstallation dédiée aux citoyens afghans (ACRS) a été ouverte en janvier 2022. Ce programme, qui se distingue du programme ARAP (Afghan Relocation and Assistance Policy), offre un moyen sûr et légal aux Afghans parmi les plus vulnérables et à risque de venir au Royaume-Uni et de bénéficier d’un droit de résidence illimité dans le pays.
Le Canada s’est engagé à accueillir au moins 40 000 réfugiés dans le cadre d’un programme humanitaire spécial visant à réinstaller les ressortissants afghans vulnérables en dehors de l’Afghanistan. À partir de juillet 2021, les États-Unis ont évacué près de 80 000 Afghans et leur ont accordé un droit de séjour temporaire pour raisons humanitaires (humanitarian parole) dans le cadre de l’opération « Allies Welcome », qui leur donne le droit de vivre et de travailler dans le pays, mais aucune voie d’accès au statut de résident permanent légal n’a été ouverte. Depuis mars 2022, l’Afghanistan bénéficie du statut de protection temporaire. En vertu de ce statut, les ressortissants étrangers admissibles peuvent demander une autorisation d’emploi et ont le droit de rester aux États-Unis tant qu’ils bénéficient de cette mesure. En avril et mai 2022, les États-Unis ont ajouté le Cameroun, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Ukraine à la liste des pays dont les ressortissants peuvent bénéficier de cette protection.
En novembre 2021, à des fins de clarification, la Nouvelle-Zélande a renommé sa catégorie de dérogation à la frontière pour raisons humanitaires (« humanitarian border exception category »), établie en mars 2020 pour faciliter l’entrée des personnes ayant besoin de venir dans le pays pour des raisons humanitaires impérieuses. Elle porte désormais le nom de « compassionate entry border exception category ».
En outre, plusieurs réformes législatives ont été mises en place concernant l’accueil des réfugiés réinstallés. En Slovénie, un programme d’orientation préalable au départ a remplacé, en novembre 2021, les activités préparatoires menées durant trois mois après l’arrivée. En Irlande, le ministère de l’Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse est désormais en charge de la réinstallation des réfugiés. Le 24 février 2021, le gouvernement français a publié les orientations de la politique d’accueil des réfugiés réinstallés, renforçant ainsi la décentralisation du système et le rôle clé des préfectures dans ce processus.
Plus généralement, le gouvernement des États-Unis a annoncé la réinstallation de 20 000 réfugiés originaires des Amériques au cours des exercices budgétaires 2023 et 2024, soit trois fois plus que le nombre d’arrivées prévu pour l’exercice 2022. Dans ce contexte, un plus grand nombre d’Haïtiens déplacés seront orientés vers le Programme d’admission des réfugiés des États-Unis (USRAP). En mars 2021, le Département d’État et la Sécurité intérieure ont annoncé la réouverture du programme des mineurs d’Amérique centrale (Central American Minors Programme), qui, de 2014 à 2018, permettait à des parents ou tuteurs légaux résidant légalement aux États-Unis de demander la réinstallation de leurs enfants encore présents dans leur pays d’origine (Salvador, Guatemala ou Honduras) aux États-Unis par l’intermédiaire de l’USRAP. En Allemagne, le programme « New Start in a Team » (NesT), un projet pilote de parrainage local de réfugiés lancé en 2019, fera partie intégrante du programme allemand de réinstallation à compter du 1er janvier 2023. Dans ce contexte, 200 places de réinstallation supplémentaires seront créées à l’intention des réfugiés particulièrement vulnérables.
Le ministre canadien de l’Immigration a annoncé en 2021 la création d’une filière de réinstallation réservée aux défenseurs des droits de l’homme, dotée d’un quota annuel de 250 places. En Australie, les dernières consultations publiques sur le programme humanitaire, qui permet la réinstallation des réfugiés et des personnes se trouvant à l’étranger et ayant besoin d’une aide humanitaire (par exemple les citoyens du Myanmar), ont soulevé un certain nombre de questions essentielles, concernant notamment l’ampleur et les objectifs du programme, les cohortes prioritaires, et l’impact du COVID-19 et des restrictions à la frontière sur les activités de réinstallation.
Utilisation d’outils numériques innovants
La transformation numérique des processus de gestion des migrations s’accélère. Pendant la pandémie, des outils et solutions innovants ont dû être élaborés pour faciliter l’entrée et/ou la poursuite de l’intégration des ressortissants de pays tiers. Alors que la plupart des services en présentiel ont été suspendus en raison de mesures nationales de confinement et de distanciation sociale, les décideurs des pays de l’OCDE ont mis en place de nouveaux outils numériques – ou les ont modernisés – à des fins d’identification, d’information ou de traitement. Le Canada, par exemple, a amélioré le service numérique de l’IRCC pour la réception des demandes de permis électroniques et a dispensé une formation spécifique aux agents qui viennent en aide aux personnes qui déposent une demande à distance.
Au Chili, une loi adoptée en février 2022 a permis de centraliser le traitement des dossiers d’immigration au sein du Service national d’immigration (NIS). Dans ce contexte, l’accès au portail en ligne du NIS a été étendu à tous les ressortissants étrangers, y compris ceux qui se trouvent déjà dans le pays, avec délivrance immédiate d’un reçu qui permet aux demandeurs admissibles de résider (et, dans certains cas, de travailler) au Chili pendant le traitement de leur demande. Dans un souci de simplification et de modernisation de sa législation (inchangée depuis 1975), le Chili a également restructuré ses catégories de visas. Le pays délivre désormais des visas de résident temporaire aux travailleurs étrangers, qui devaient auparavant demander des permis de séjour et de travail distincts. En Belgique, la plateforme en ligne « Working in Belgium », un guichet unique fondé sur un accord interrégional et coordonnant les informations pertinentes pour les demandeurs et les titulaires de permis uniques, est entrée en vigueur le 31 mars 2021. En France, le service de demande en ligne de titres de séjour (ANEF), initialement destiné aux étudiants en mobilité internationale, a été progressivement étendu à d’autres catégories de permis de travail et de séjour tout au long de l’année 2021. La Grèce a également poursuivi la transformation numérique de ses procédures de migration et d’asile avec l’attribution, à compter de mars 2021, d’un numéro d’identification fiscale en ligne aux bénéficiaires de la protection internationale et le lancement, le 15 avril 2021, d’une nouvelle plateforme en ligne pour le dépôt de certaines demandes de permis de séjour. D’autres améliorations fonctionnelles et technologiques ont été signalées en Lettonie, en Pologne, en Nouvelle-Zélande et en Türkiye (système de rendez-vous électronique pour les bénéficiaires de la protection temporaire). Révoquant une décision antérieure, l’Agence suédoise des migrations autorise les employeurs et les étrangers à soumettre des contrats de travail et des lettres de mission signés électroniquement à l’appui des demandes de permis de travail.
À compter de septembre 2021, les visiteurs étrangers sans visa (originaires de 102 pays) devront obtenir une autorisation de voyage électronique (K-ETA) pour entrer en Corée, dont la demande sera effectuée entièrement en ligne.
La transformation numérique est également au cœur des politiques européennes en matière de migration et d’asile, divers objectifs étant fixés par la Commission européenne, comme la transformation numérique complète de la procédure de délivrance des visas d’ici à 2025, ou l’interopérabilité des systèmes d’information de l’UE dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, de l’asile et des migrations, avant la fin 2023.
Politiques de retour et de réadmission
Les négociations en cours concernant le nouveau Pacte sur la migration et l’asile pourraient déboucher sur de nouvelles réglementations de l’UE à l’avenir. Le règlement relatif au « filtrage » instaurerait un filtrage préalable à l’entrée, applicable à tous les ressortissants de pays tiers se présentant à la frontière extérieure sans remplir les conditions d’entrée, tandis qu’un règlement révisé relatif à Eurodac moderniserait la base de données des demandeurs d’asile et des immigrés irréguliers. Parallèlement, plusieurs États membres de l’UE/EEE ont adopté en 2021 des mesures concrètes visant à accélérer les procédures d’expulsion ou à mieux définir les conditions de retour volontaire (Danemark, Allemagne, Grèce) des immigrés en situation irrégulière.
Si ces révisions ciblées étaient déjà planifiées lors de la définition des cadres d’action ou des réformes législatives d’ensemble, des situations d’urgence et des crises politiques aiguës ont donné lieu à d’autres changements de nature exceptionnelle dans les pays de l’OCDE. Les autorités grecques ont annoncé en mars 2020 un durcissement du traitement réservé aux migrants et aux demandeurs d’asile qui tenteraient de franchir illégalement les frontières terrestres et maritimes depuis la Türkiye, avec le déploiement d’une opération militaire et policière conjointe à la frontière terrestre orientale de la Grèce, dans la région d’Evros. En juillet 2021, en réponse à l’afflux soudain de migrants en provenance du Bélarus, la Lituanie a été déclarée en « situation extrême », d’où l’adoption par le parlement le 13 juillet d’une résolution sur la « lutte contre l’agression hybride », qui invite le gouvernement à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour contenir et prévenir la menace, en déployant par exemple les forces armées lituaniennes à la frontière entre la Lituanie et le Bélarus, afin d’assurer sa protection. Le 10 août, la Lettonie a déclaré l’état d’urgence en raison de l’afflux de migrants à la frontière bélarusse, autorisant les gardes-frontières, les forces armées et la police à protéger ses frontières et à empêcher les entrées irrégulières. La Pologne a également déployé des gardes-frontières et des soldats à ses frontières. Des murs et des clôtures ont été érigés dans ces pays, ainsi que dans d’autres parties du monde, comme le mur construit par la Türkiye à sa frontière avec l’Iran et prolongé en septembre 2021 pour bloquer les nouvelles arrivées d’Afghans. Interrompu en 2021, le programme du gouvernement des États-Unis intitulé « Protocoles de protection des migrants » (PPM), qui vise à empêcher les demandeurs d’asile mexicains d’entrer dans le pays, a été rétabli par décision de justice en 2022, avec de nouvelles lignes directrices.
Références
[1] OECD (2022), « Should OECD countries develop new Digital Nomad Visas? », Migration Policy Debates, n° 27, OECD, Paris, https://www.oecd.org/migration/mig/MPD-27-Should-OECD-countries-develop-new-Digital-Nomad-Visas-July2022.pdf.
Notes
← 1. Executive Order on Restoring Faith in Our Legal Immigration Systems and Strengthening Integration and Inclusion Efforts for New Americans, 14012.
← 2. Partenariat entre le Royaume-Uni et le Rwanda en matière de migration et de développement économique, protocole d’accord signé le 14 avril 2022.