Ce chapitre présente des projections des futures émissions de CO2 dues aux transports selon un scénario d’ambitions inchangées et selon un scénario d’ambitions élevées. Le scénario d’ambitions élevées montre dans quelles proportions les mesures connues de décarbonation des transports pourraient faire baisser les émissions de CO2 du secteur. Il ressort de ces simulations que la diminution des émissions ne sera pas à la hauteur des objectifs climatiques énoncés dans l’Accord de Paris de 2015, même dans le cadre du scénario d’ambitions élevées. Pour atteindre ces objectifs, il sera indispensable d’appliquer à plus grande échelle les stratégies connues et de mettre en œuvre des mesures novatrices qui permettent de satisfaire la demande de transport en émettant le moins de CO2 possible.
Perspectives des transports FIT 2019
Chapitre 2. Impact des politiques des transports sur les émissions de CO2 jusqu’en 2050
Abstract
Le défi de la décarbonation des transports
Pour atteindre les objectifs climatiques sans brider la mobilité des personnes et la circulation des marchandises, il sera crucial de découpler les activités de transport et les émissions de CO2. Les politiques de transport contribueront à déterminer la façon dont la demande de transport supplémentaire sera satisfaite dans les prochaines années. En 2015, la signature de l’Accord de Paris a montré l’existence d’un consensus mondial sur l’ampleur des risques associés au changement climatique et l’importance d’efforts coordonnés pour y faire face. La même année, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté dix-sept Objectifs de développement durable (ODD) dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Sept de ces objectifs sont liés aux transports durables (Tableau 2.1).
Tableau 2.1. Cibles des Objectifs de développement durable des Nations Unies liées aux transports
Objectif |
Cible |
---|---|
ODD 2. « Faim zéro » |
Cible 2.3. Doubler la productivité agricole et les revenus des petits producteurs alimentaires (accès aux marchés) |
ODD 3. Bonne santé et bien-être |
Cible 3.6. Diminuer de moitié à l’échelle mondiale le nombre de décès et de blessures dus à des accidents de la route Cible 3.9. Réduire nettement le nombre de décès et de maladies dus à la pollution |
ODD 7. Énergie propre et à coût abordable |
Cible 7.3. Multiplier par deux le taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique |
ODD 9. Industrie, innovation et infrastructure |
Cible 9.1. Mettre en place une infrastructure durable et résiliente |
ODD 11. Villes et communautés durables |
Cible 11.2. Assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et durables, à un coût abordable Cible 11.6. Réduire l’impact environnemental négatif des villes |
ODD 12. Consommation et production responsables |
Cible 12.c. Rationaliser les subventions aux combustibles fossiles |
ODD 13. Mesures relatives à la lutte contre le changement climatique |
Cible 13.1. Renforcer la résilience Cible 13.2. Incorporer des mesures relatives aux changement climatique dans les politiques, les stratégies et la planification nationales |
Source : Groupe consultatif de haut niveau sur le transport durable (2014), Mobilizing Sustainable Transport for Development.
D’après une évaluation des contributions déterminées au niveau national (CDN) soumises dans le contexte de l’Accord de Paris, il apparaît toutefois que les ambitions déclarées ne permettront pas de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2 °C » par rapport aux niveaux préindustriels (FIT, 2018; PPMC-SLoCaT, 2016; CCNUCC, 2016). Même si la plupart des CDN évoquent l’importance de la décarbonation des transports, seul un dixième d’entre elles fixent un objectif spécifique de réduction des émissions de ce secteur (FIT, 2018). En décembre 2018, les participants à la 24e réunion de la Conférence des Parties (COP24) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques se sont employés à mettre en lumière des mesures concrètes que peuvent prendre les Parties pour atténuer les émissions de CO2. La feuille de route produite à cette occasion définit des normes de comptabilité des émissions, mais les CDN existantes n’ont pas été révisées. Les objectifs d’émission définis dans celles-ci restent donc insuffisants. Le déficit patent de mesures d’atténuation précises et directement applicables en rapport avec les transports qui caractérise les CDN est l’une des principales causes de l’incertitude qui entoure la réalisation des objectifs climatiques, sachant que les transports étaient en 2016 responsables d’un quart des émissions de CO2 liées à l’énergie (AIE, 2018).
La décarbonation des transports nécessitera des efforts et une coordination sans précédent. Le secteur est fortement tributaire des combustibles fossiles, qui entrent pour plus de 92 % dans sa consommation d’énergie (AIE, 2017). Le pétrole demeure la principale source d’émissions dans les pays de l’OCDE : en 2016, 41 % des émissions de CO2, soit 4.1 milliards de tonnes, lui étaient imputables. La consommation d’énergie finale dans ces pays s’est accrue de 35 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep). Dans le secteur des transports, cet accroissement a atteint 19 Mtep et a été observé dans toutes les régions (AIE, 2018). En 2016, les transports étaient responsables de 30 % des émissions de CO2 dans les pays membres de l’OCDE et de 16 % dans les pays non membres. À l’inverse d’autres secteurs, celui des transports a vu ses émissions continuer de progresser ces dernières années dans les pays membres et non membres de l’OCDE, malgré les avancées technologiques intervenues et les mesures d’atténuation mises en œuvre (AIE, 2018).
Empêcher la poursuite de cette hausse obligera à relever des défis considérables. Il conviendra de réduire tout à la fois l’intensité des émissions de carbone des carburants et l’intensité énergétique des technologies, la part des déplacements effectués par des moyens de transport fortement émetteurs et la demande globale de déplacements. Les nécessaires transitions seront freinées par la croissance rapide de la demande de transport et par l’inertie institutionnelle et comportementale. Des facteurs sociaux comme la montée des inégalités limitent d’ores et déjà la faisabilité politique de certaines mesures comme celles qui touchent à la fiscalité des carburants (FIT, 2018). Les prochaines années pourraient aussi voir un glissement marqué des préférences des utilisateurs modifier la trajectoire d’évolution des choix en matière de modes de transports, avec des répercussions sur l’adoption de technologies et services nouveaux. L’évolution des normes sociales pourrait stimuler celle des modèles de transport et de mobilité, même si ces changements sont en définitive imprévisibles (Nyborg, et al., 2016).
L’ambition politique, clé de la réduction des émissions de CO2 des transports
Il est urgent que les gouvernements nationaux agissent pour tenir les engagements de réduction des émissions pris dans le cadre des CDN. D’après les estimations du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), faute de nouvelles mesures, les émissions de CO2 dues aux transports pourraient doubler d’ici à 2050 et tripler d’ici à 2100 (GIEC, 2014). Dans cette hypothèse, la température moyenne de la planète augmenterait de plus de 4 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels (GIEC, 2014). Dans une analyse plus récente, le GIEC insiste à la fois sur l’urgence d’une action des gouvernements pour faire baisser les émissions de CO2 et sur le rôle important du secteur des transports dans la réalisation de cet objectif (GIEC, 2018). D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), contenir la hausse de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels nécessitera de ramener les émissions annuelles totales du secteur des transports à environ 3 000 millions de tonnes d’ici à 2050 (AIE, 2017).
Le FIT a modélisé l’évolution des émissions de CO2 jusqu’en 2050 selon un scénario d’ambitions inchangées et selon un scénario d’ambitions élevées, en vue d’évaluer l’importance d’efforts d’atténuation concertés pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris ; les résultats de ces projections sont présentés ci-après.
Dans le scénario d’ambitions inchangées, on suppose que les mesures en place sont maintenues et que les pays tiennent les engagements d’atténuation qu’ils ont pris jusqu’à la fin 2018. En l’occurrence, les mesures en place considérées comprennent les mesures de tarification qui découragent le recours à la voiture particulière, les restrictions de circulation des voitures dans certains centres-villes, les mesures d’aménagement urbain qui densifient les zones urbaines, les dispositions ciblant l’offre de transports collectifs et leur intégration (TOD), ainsi qu’une hausse modérée de la tarification du carbone d’ici à 2050. Les hypothèses technologiques retenues dans le scénario d’ambitions inchangées, en ce qui concerne par exemple la pénétration des véhicules électriques et l’abaissement de la consommation de carburant, concordent dans l’ensemble avec celles retenues dans le scénario « Nouvelles politiques » (NPS) du modèle de mobilité de l’AIE (AIE, 2018).
Le scénario d’ambitions élevées prévoit pour sa part une mise en œuvre plus poussée des mesures énumérées ci-dessus. Les mesures financières et réglementaires ciblant l’usage de la voiture sont intensifiées, et il en va de même pour les politiques d’aménagement urbain qui entraînent une densification plus ou moins marquée des centres-villes partout dans le monde. En outre, la tarification du carbone devient plus rigoureuse. Le scénario d’ambitions élevées table aussi sur des avancées technologiques telles que l’électrification rapide des transports et la décarbonation du secteur électrique, conformément au scénario EV30@30 de l’AIE (AIE, 2018). Les hypothèses sous-jacentes concernant les déterminants exogènes de la demande de transport, comme le PIB, la démographie et les échanges, sont les mêmes que dans le scénario d’ambitions inchangées. Le Tableau 2.2 décrit les hypothèses relatives à l’action publique et aux possibles phénomènes de rupture dans le secteur des transports qui sont retenus dans les deux scénarios. Des informations plus détaillées sur ces hypothèses sont présentées dans les chapitres 3, 4 et 5.
Tableau 2.2. Vue d’ensemble des scénarios d’ambitions inchangées et d’ambitions élevées du Forum international des transports
Mesures d’atténuation |
Secteur |
Ambitions inchangées |
Ambitions élevées |
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Restrictions de circulation des voitures |
Transport urbain de personnes |
En 2050, 20 % des déplacements en voiture sont concernés par des mesures de restriction (par exemple, zones à faibles émissions) |
En 2050, 40 % des déplacements en voiture sont concernés par des mesures de restriction |
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Tarification du stationnement |
Transport urbain de personnes |
Égal ou supérieur de jusqu’à 20 % du pouvoir d’achat estimé des voyageurs en 2050 suivant la région. |
Supérieur de 10 à 40 % du pouvoir d’achat escompté des voyageurs en 2050 suivant la région. |
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Intégration et expansion des transports collectifs |
Transport urbain de personnes |
Les évolutions antérieures se poursuivent jusqu’en 2050 |
Les évolutions antérieures observées en Europe se poursuivent jusqu’en 2050 dans toutes les régions du monde |
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Conception de Mobility as a Service (MaaS) |
Transport urbain de personnes |
En 2050, 20 % des voyageurs ont recours à des systèmes de MaaS pour planifier leurs déplacements |
En 2050, 50 % des voyageurs ont recours à des systèmes de MaaS pour planifier leurs déplacements |
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Politiques d’aménagement urbain pour densifier les zones urbaines |
Transport urbain de personnes |
Selon la région, étalement urbain stable ou léger jusqu’en 2050 |
Selon la région, densification des zones urbaines de 5 à 10 % jusqu’en 2050 |
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Tarification du carbone |
Transport non urbain de personnes, Transport de marchandises |
Augmentation modeste jusqu’en 2050 |
Augmentation substantielle jusqu’en 2050 |
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Baisse de la consommation de charbon et de pétrole |
Transport de marchandises |
Baisse modérée, selon le modèle ENV-Linkages de l’OCDE (Château, Dellink, & Lanzi, 2014) |
Baisse accélérée |
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Efficience logistique |
Transport de marchandises |
Amélioration limitée de l’efficience, selon le scénario NPS de l’AIE (AIE, 2018) |
Forte amélioration de l’efficience, selon le scénario EV30@30 de l’AIE (AIE, 2018) |
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Amélioration de l’efficacité énergétique et déploiement des véhicules électriques |
Transport urbain de personnes, transport non urbain de personnes, transport de marchandises |
Amélioration modeste de l’efficacité énergétique et déploiement limité des véhicules électriques, selon le scénario NPS de l’AIE (AIE, 2018) |
Amélioration substantielle de l’efficacité énergétique et large déploiement des véhicules électriques, selon le scénario EV30@30 de l’AIE Pour le transport de marchandises, identique au scénario d’ambitions inchangées |
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Facteurs potentiels de rupture |
Secteur |
Ambitions inchangées |
Ambitions élevées |
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Véhicules autonomes |
Transport urbain de personnes, transport non urbain de personnes, transport de marchandises |
Niveaux de déploiement inchangés |
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Mobilité partagée |
Transport urbain de personnes, transport non urbain de personnes |
Niveaux de déploiement inchangés |
Niveaux de déploiement inchangés dans le transport urbain de personnes ; déploiement accru dans le transport non urbain de personnes |
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Télétravail |
Transport urbain de personnes |
Entre 2 et 20 % des déplacements sont concernés d’ici à 2050 selon les régions |
Entre 3 et 25 % des déplacements sont concernés d’ici à 2050 selon les régions |
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Compagnies aériennes proposant des vols long-courriers à bas prix |
Transport non urbain de personnes |
Niveaux de déploiement inchangés |
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Innovations énergétiques dans l’aviation |
Transport non urbain de personnes |
Les carburants de substitution sont quatre fois plus chers que les carburants classiques. Les avions électriques atteignent une portée de 1 000 km d’ici à 2050 |
Les carburants de substitution sont trois fois plus chers que les carburants classiques. Les avions électriques atteignent une portée de 1 600 km d’ici à 2050 |
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Train à très grande vitesse |
Transport non urbain de personnes |
Poursuite du développement des projets classiques de grande vitesse déjà engagés et de ceux qui sont économiquement viables |
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Commerce sur internet |
Transport de marchandises |
Légère hausse de la demande de transport urbain de marchandises (5 % dans les régions relativement développées d’ici à 2050) |
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Impression 3D |
Transport de marchandises |
Déploiement inchangé |
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Évolution des axes du commerce international |
Transport de marchandises |
Améliorations prévues de la connectivité et de la capacité des infrastructures |
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Transition énergétique dans le transport routier de marchandises longues distances |
Transport de marchandises |
Composition des carburants et technologies inchangées |
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Véhicules de grande capacité |
Transport de marchandises |
Augmentation de 5 % du recours aux véhicules de grande capacité pour le transport routier interurbain de marchandises. Ces véhicules transportent des chargements plus lourds de 50 % pour un coût par tonne-kilomètre 20 % plus bas |
Il ressort des simulations que les politiques actuelles ne permettront pas de freiner la hausse des émissions de CO2 des transports compte tenu de la forte croissance de la demande au cours des prochaines années (Graphique 2.2). D’après les estimations des modèles du FIT, les émissions ont progressé en 2015 à 7 230 mégatonnes (Mt)1. Les résultats de modélisation indiquent en outre que les pays de l’OCDE étaient cette année-là responsables de la moitié des émissions de CO2 liées au transport – hors transport aérien et maritime international –, alors qu’ils représentaient seulement 17 % de la population mondiale. Dans le scénario d’ambitions inchangées, les émissions mondiales dues aux transports augmentent de 60 % d’ici à 2050 pour s’établir à 11 585 Mt. Ce volume d’émissions est très largement supérieur à celui qu’il conviendrait vraisemblablement de ne pas dépasser pour contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, à savoir 3 000 Mt2. La croissance des émissions de CO2 des transports prévue entre 2015 et 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées est principalement imputable au transport de surface intérieur de marchandises et au transport non urbain de personnes.
Les mesures plus fortes envisagées dans le scénario d’ambitions élevées pourraient faire baisser de 30 % les émissions des transports au cours de la même période pour les ramener à 5 026 Mt en 2050, soit 57 % de moins que dans le scénario d’ambitions inchangées.
Dans le scénario d’ambitions inchangées, les émissions de CO2 augmentent dans tous les secteurs sauf celui du transport urbain de personnes. En l’occurrence, cette augmentation s’établit à 74 % dans le transport non urbain de personnes, à 94 % dans le transport intérieur de marchandises et à 157 % dans le transport international de marchandises. À l’inverse, les émissions reculent de 19 % dans le transport urbain de personnes.
Dans le scénario d’ambitions élevées, les émissions de CO2 dues aux transports diminuent globalement d’ici à 2050, mais l’évolution est très variable selon les secteurs. En l’occurrence, elles baissent de 76 % dans le transport urbain de personnes, et de 42 % dans le transport non urbain de personnes. Les émissions du transport intérieur de marchandises restent stables, notamment parce que la hausse substantielle des volumes de marchandises annule les retombées bénéfiques des gains d’efficacité attendus. Enfin, les émissions du transport maritime et aérien international augmentent de 59 % entre 2015 et 2050, malgré les mesures d’atténuation relativement ambitieuses prises pour hypothèse dans le scénario.
La répartition sectorielle des émissions totales de CO2 des transports change avec le temps dans les deux scénarios (Graphique 2.3). Dans celui d’ambitions inchangées, la part des émissions imputables au transport aérien intérieur et international de passagers reste la même jusqu’en 2050. La part due au transport interurbain intérieur de personnes passe de 5 % à 3 %, et celle du transport urbain de personnes, de 32 % en 2015 à 16 % en 2050. En revanche, la proportion des émissions produites par le transport régional de personnes (route et rail) progresse pour atteindre 23 % en 2050, contre 17 % en 2015. Quant aux émissions du transport non urbain intérieur de marchandises (route, rail et voies navigables intérieures confondus), leur part dans les émissions totales augmente de deux points de pourcentage au cours de cette même période pour s’établir à 15 %. Le poids des émissions imputables au transport international de marchandises s’accroît sensiblement, passant de 18 % du total en 2015 à 29 % en 2050. Si la part des émissions dues au transport régional de personnes et au transport international de marchandises progresse, c’est parce que les mesures politiques en vigueur ciblent moins ces secteurs que la mobilité urbaine.
Dans le scénario d’ambitions élevées, la part des émissions imputables au transport aérien de passagers reste stable jusqu’en 2050, comme dans le scénario d’ambitions inchangées. La part des émissions produites par le transport interurbain intérieur de personnes baisse dans des proportions plus importantes que dans le scénario d’ambitions inchangées (pour s’établir à 2 %). Les émissions attribuables au transport urbain de personnes diminuent également pour représenter 11 % du total en 2050. La part des émissions totales dues au transport régional de personnes culmine à 22 % en 2030, avant de redescendre à 17 % en 2050. Les émissions imputables au transport non urbain intérieur de marchandises passent de 13 % du total en 2015 à 18 % en 2050. Enfin, la proportion des émissions de CO2 produites par le transport international de marchandises bondit de 18 % en 2015 à 40 % en 2050, ce qui s’explique par le fait que, comme dans l’autre scénario, les mesures d’atténuation ciblant ce secteur sont moins nombreuses.
L’évolution prévue des émissions varie sensiblement entre les pays membres et non membres de l’OCDE dans les deux scénarios (Graphique 2.3). Dans les pays de l’OCDE, les émissions baissent dans le cadre du scénario d’ambitions inchangées, et les politiques très ambitieuses du scénario d’ambitions élevées ne font qu’accélérer leur diminution. Quant aux pays non membres de l’OCDE, leurs émissions progressent de 113 % entre 2015 et 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées. Même en cas de mesures d’atténuation plus ambitieuses, elles augmentent de 32 % d’ici à 2030, avant de finalement s’inscrire en recul de 12 % à l’horizon 2050. Dans les pays de l’OCDE, les émissions diminuent de 21 % d’ici à 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées, et de 76 % dans celui d’ambitions élevées. Comme l’indiquent ces projections, même en cas d’application plus rigoureuse qu’aujourd’hui des mesures connues, cela ne suffira pas à mettre un frein à la croissance des émissions qui découlera de la forte hausse de la demande de transport anticipée à moyen terme dans les pays non membres de l’OCDE.
Des mesures d’atténuation plus ambitieuses peuvent faire baisser les émissions en milieu urbain
Des mesures complémentaires seront nécessaires pour créer les conditions de transferts modaux propices à la durabilité des déplacements urbains. Il s’agira en particulier de proposer des systèmes de transports collectifs performants et de penser l’aménagement urbain dans une optique globale et tournée (TOD) vers l’avenir. L’adoption de mesures de tarification ciblant les voitures, la diminution des tarifs des transports collectifs et les progrès des technologies automobiles pourraient également contribuer à faire baisser significativement les émissions de CO2 dues au transport urbain de personnes (FIT, 2018). Les politiques d’urbanisme et de planification des transports et la règlementation des technologies sont complémentaires et les synergies qu’elles offrent doivent être exploitées (FIT, 2017).
À l’échelle urbaine, le scénario d’ambitions inchangées est basé sur la poursuite des trajectoires antérieures. La densité urbaine reste inchangée dans les pays développés et diminue légèrement dans les pays en développement. Les centres-villes connaissent une baisse limitée de la circulation automobile d’ici à 2050, et l’intensité des mesures de tarification visant à diminuer l’usage de la voiture particulière reste inchangée par rapport à aujourd’hui. Les réseaux de transports collectifs montent en capacité au rythme de la croissance démographique, des services limités de mobilité partagée y sont intégrés et le déploiement des véhicules autonomes est minime. La part de marché des véhicules électriques progresse conformément à la trajectoire anticipée dans le scénario « Nouvelles politiques » (NPS) de l’AIE (AIE, 2018). Le recours aux carburants alternatifs augmente lentement, comme actuellement observé.
Dans le scénario d’ambitions élevées, les mesures d’atténuation plus rigoureuses envisagées comprennent un déploiement relativement rapide des véhicules électriques, conformément aux projections du scénario EV30@30 de l’AIE. L’intégration de services de mobilité partagée dans les transports collectifs se poursuit comme dans le scénario d’ambitions inchangées. Le déploiement des véhicules autonomes demeure marginal. En revanche, des mesures de tarification dissuasives font plus efficacement baisser l’usage de la voiture particulière, et on assiste à une densification des villes à la faveur d’une action plus stratégique en matière d’aménagement urbain notamment autour de l’offre de transports collectifs (TOD). Dans le scénario d’ambitions élevées, les restrictions de circulation automobile dans les centres-villes sont plus rigoureuses. On trouvera dans le chapitre 3 des informations plus détaillées sur les hypothèses retenues dans les scénarios concernant le transport urbain de personnes.
Les émissions imputables au transport urbain de personnes ont été estimées à 2 281 Mt pour l’année 2015 au niveau mondial. Dans le scénario d’ambitions inchangées, elles tombent à 1 839 Mt par an à l’horizon 2050. Dans les régions développées comme celle de l’Espace économique européen (EEE), l’Amérique du Nord et l’OCDE-Pacifique, ces émissions diminuent d’ici à 2050. Dans le scénario d’ambitions élevées, le volume annuel total des émissions imputables aux transports urbains tombe à 544 Mt en 2050. Le Graphique 2.3 compare les émissions urbaines dans les différentes régions du monde en 2050 dans le scénario d’ambitions inchangées et dans celui d’ambitions élevées. Dans toutes les régions, les mesures d’atténuation plus fortes prévues par le second scénario accentuent de façon spectaculaire la baisse des émissions par rapport au premier scénario.
Encadré 2.1. Développement de l’électromobilité des individus
Le développement de l’électromobilité des individus s’est fortement accélérée depuis une dizaine d’années et constitue l’un des moyens les plus directs et les plus efficaces de réduire les émissions de CO2 produites par le transport de personnes. D’après les simulations réalisées pour différents scénarios, l’électrification du parc mondial de véhicules contribuera à hauteur de 30 % environ à la réduction des émissions d’ici à 2050 (AIE, 2017). Les véhicules électriques représentent seulement 0.2 % du parc mondial de véhicules (AIE, 2017), mais ce marché a commencé à monter en puissance. En 2017, le nombre de véhicules électriques neufs vendus dans le monde a pour la première fois dépassé le million (AIE, 2018). Les ventes de deux-roues électriques ont également progressé et atteint cette même année la barre des 30 millions (AIE, 2018). Si la Chine et les États-Unis sont les deux pays qui enregistrent les plus fortes ventes de voitures électriques, c’est en Norvège, en Islande et en Suède, notamment, que la part de marché des véhicules électriques culmine (AIE, 2018). Le rythme de déploiement varie selon le type de technologie (véhicules hybrides, hybrides rechargeables, à batteries ou à hydrogène), mais tous les véhicules électriques sont confrontés à des obstacles similaires.
La diffusion des véhicules électriques sera importante pour réduire les émissions de CO2 et atteindre les objectifs de développement durable. Aussi, une initiative pour les véhicules électriques lancée dans le cadre du Clean Energy Ministerial a fixé pour objectif de porter à 30 % la part de ces véhicules dans les ventes de véhicules neufs d’ici à 2030 (« EV30@30 »). Les signataires de la Déclaration de Paris sur l’électromobilité et les changements climatiques ambitionnent également de porter à 400 millions le nombre de deux et trois-roues électriques et à 100 millions celui des véhicules électriques en circulation dans le monde.
Si le secteur des transports a été à l’origine d’environ 2 % de la consommation d’électricité mondiale en 2017, la consommation d’électricité des véhicules électriques devrait quintupler d’ici à 2040 (AIE, 2018). Dans le scénario « Nouvelles politiques » (NPS) de l’AIE, les véhicules électriques en circulation (hors deux et trois-roues) seront près de 130 millions en 2030 (AIE, 2018) ; ils représenteront 2 % des véhicules légers en 2030, puis 7.7 % en 2050 (Graphique 2.6). Ces pourcentages sont beaucoup plus élevés dans le scénario EV30@30, dans lequel la part des véhicules légers électriques atteint presque 7 % en 2030 et plus de 47 % en 2050. Les engagements politiques en faveur de l’électrification pris au niveau des villes, des régions et des pays seront les principaux moteurs de cette évolution. L’industrie automobile contribuera également à l’expansion attendue du parc mondial de véhicules électriques en proposant divers types de véhicules dans différentes gammes de prix.
Les plus importants déterminants de la diffusion des véhicules électriques pourraient être l’évolution de la maturité technologique et du rapport coût-efficacité des éléments qui les composent, ainsi que les réponses apportées aux attentes des consommateurs en termes d’autonomie et de temps de rechargement, par exemple. Si des progrès notables ont été accomplis dans la mise au point de batteries, il reste d’importants défis à relever. Les obstacles technologiques sont principalement liés au rythme auquel les batteries sont améliorées (Tollefson, 2008). Les modèles actuels se caractérisent par une densité énergétique relativement faible, ce qui oblige à recourir à des batteries lourdes et encombrantes pour assurer une autonomie adéquate aux véhicules. En plus des avancées technologiques, une baisse significative du coût des batteries s’impose pour que les véhicules électriques deviennent compétitifs. L’amélioration des technologies devrait faire passer le prix des batteries en dessous de 500 USD/kWh en 2020 (Mahmoudzadeh Andwari, Pesiridis, Rajoo, Martinez-Botas, & Esfahanian, 2017), mais cela restera bien supérieur au prix optimal, estimé selon les sources à 150 USD/kWh (Burke, 2007) ou à moins de 200 USD/kWh (Delucchi & Lipman, 2001). D’autres défis consisteront à réduire le coût pour les propriétaires sur l’ensemble du cycle de vie, à améliorer la sécurité et la durée de vie, ainsi qu’à raccourcir les temps et à multiplier les points de recharge (Pollet, Staffell, & Shang, 2012).
L’achat de véhicules électriques est largement encouragé par les pouvoirs publics en Europe – notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, au Danemark, en France et en Norvège –, ainsi qu’aux États-Unis, au Japon, en Chine et en Inde. En l’occurrence, les mesures d’incitation se divisent en deux grandes catégories : celles qui visent à stimuler la demande de véhicules électriques, et celles qui visent à développer les infrastructures nécessaires à leur utilisation (Leurent & Windisch, 2011). Les mesures qui agissent sur la demande sont multiples : primes à l’achat, incitations fiscales, remises sur les primes d’assurance, stationnement gratuit ou à tarif réduit, autorisation de circuler sur des voies prioritaires ou réservées aux transports collectifs, accès sans frais à certains services ou installations, gratuité des transports publics pour les propriétaires de véhicules électriques, etc. Pour favoriser la mise en place d’infrastructures, les pays recourent le plus souvent à des subventions, des financements publics ou des avantages fiscaux (Leurent & Windisch, 2011).
L’impact concret de ces incitations sur les ventes de véhicules électriques dépendra des habitudes de déplacement et de la répartition modale qui prévalent au départ, du consentement à changer de comportement en matière de déplacements et de l’élasticité de la demande. Les incitations financières ont tendance à être plus efficaces que les mesures autorisant la circulation sur des voies prioritaires ou permettant de stationner gratuitement (Sierzchula, Bakker, Maat, & van Wee, 2014; Lieven, 2015). Dans la plupart des pays, les pouvoirs publics sont réticents à investir dans les infrastructures de recharge et préfèrent proposer des incitations financières (Lieven, 2015), ce qui entravera à terme une large diffusion des véhicules électriques (Dernbach & Tyrrell, 2010). Un autre aspect à prendre en compte est la production d’électricité et la hausse de la demande. Il est de plus urgent de décarboner cette production, ce qui obligera à investir massivement dans les moyens de production renouvelable et la mise en place de nouvelles infrastructures.
Dans les pays développés, même en cas de politiques inchangées, les émissions imputables aux transports urbains devraient baisser de 40 % d’ici à 2050 d’après les projections. Cependant, si les pouvoirs publics faisaient preuve d’une plus grande ambition, la décarbonation des transports urbains s’en trouverait sensiblement accélérée, puisque les émissions diminueraient de 86 % au cours de la même période. Dans les pays non membres de l’OCDE, les émissions dues au transport urbain de personnes devraient augmenter de 10 % d’ici à 2050, mais elles baisseraient au contraire de 61 % en cas de mesures d’atténuation plus ambitieuses.
Des mesures d’atténuation plus ambitieuses peuvent freiner la hausse attendue des émissions imputables au transport non urbain de personnes
Le transport non urbain de personnes comprend le transport interurbain et le transport infrarégional, c’est-à-dire l’ensemble des activités régionales qui ne relèvent pas du transport urbain ni du transport international. Ses modes sont les véhicules particuliers, les autobus, les trains et les avions. L’évolution de ses émissions sera déterminée principalement par la demande de déplacements en véhicule particulier et déplacements aériens, dans la mesure où ces deux modes sont nettement plus émetteurs de carbone par passager-kilomètre que le rail.
Les véhicules électriques ouvrent des perspectives prometteuses de décarbonation du transport routier de personnes. Ces perspectives sont en revanche plus limitées dans le secteur aérien, où les solutions de substitution économiquement viables aux énergies fossiles sont rares. La hausse rapide de la demande de transport aérien rendra donc les efforts d’atténuation particulièrement difficiles dans ce secteur. La réduction des émissions du transport aérien est en outre compliquée par le fait que celles-ci ne sont pas confinées à l’intérieur de frontières nationales. C’est aussi la raison pour laquelle elles ne sont pas visées par l’Accord de Paris. Cependant, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) travaille avec ses pays membres à la mise au point de mesures pour limiter la contribution du transport aérien au changement climatique. Ces mesures vont de l’amélioration de l’efficience opérationnelle à la mise en place d’un Régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale (CORSIA).
Dans le secteur du transport non urbain de personnes, le scénario d’ambitions inchangées table sur la poursuite des efforts d’atténuation actuels, avec notamment unehausse de la tarification du carbone modeste d’ici à 2050. Les évolutions technologiques anticipées – concernant par exemple la diminution de la consommation de carburant des véhicules et des aéronefs – sont celles du scénario « Nouvelles politiques » de l’AIE. Dans le scénario d’ambitions élevées, la baisse de la consommation de carburant des véhicules est plus rapide et la tarification du carbone s’intensifie de façon substantielle jusqu’en 2050.
Le scénario d’ambitions inchangées prévoit une diminution de 40 % des émissions imputables au transport non urbain de personnes dans les pays de l’OCDE d’ici à 2050. Dans les pays non membres de l’OCDE, en revanche, ces émissions devraient bondir de près de 181 %. La croissance des émissions de CO2 du transport non urbain de personnes sera en majeure partie le fait des déplacements en voiture (+211 % entre 2015 et 2050) et en aéronef (+157 %). Dans le scénario d’ambitions élevées, la mise en œuvre de mesures d’atténuation plus énergiques amplifie le recul des émissions dans les pays de l’OCDE, qui s’établit alors à 81 % à l’horizon 2050. Cette action plus ambitieuse atténue aussi fortement l’accroissement des émissions dans les pays non membres de l’OCDE, qui n’est plus que de 11 % entre 2015 et 2050. La trajectoire de croissance ininterrompue des émissions de CO2 du transport non urbain de personnes que connaissent les pays non membres de l’OCDE dans le scénario d’ambitions inchangées s’explique par une forte hausse de la demande dans ces pays.
Dans le secteur aérien, dans le cadre du CORSIA, les exploitants d’aéronefs compenseront collectivement les émissions de CO2 qui dépassent un seuil basé sur la moyenne des émissions de 2019/20. À l’issue d’une phase d’essai (2021-23) et d’une phase facultative (2024-26), la participation deviendra obligatoire, avec cependant quelques dérogations accordées aux pays les moins avancés. Le CORSIA est l’un des premiers mécanismes mondiaux de réduction des émissions mis en place à l’échelle d’un secteur. Son but est d’empêcher l’augmentation des émissions de l’aviation internationale après 2020 malgré la hausse de la demande de transport aérien.
Dans le scénario d’ambitions inchangées, les émissions totales dues au transport aérien de passagers augmentent de près de 50 % d’ici à 2050, et cette hausse est intégralement imputable aux vols internationaux : les émissions produites par le trafic aérien international de passagers progressent ainsi de 82 %, tandis que celles attribuables aux vols intérieurs restent stables. L’évolution des émissions représentée dans le Graphique 2.8 ne tient pas compte des compensations carbone qui deviendront obligatoires dans le cadre du CORSIA, et qui sont destinées à assurer la neutralité carbone de la croissance du secteur aérien international après 2020 (par rapport à la moyenne des années 2019 et 2020). Dans le scénario d’ambitions élevées, les émissions de CO2 de l’aviation internationale baissent de 19 % et celles du transport aérien intérieur chutent de 81 %. Cette réduction découle des hypothèses d’électrification des vols court-courriers et de durcissement de la tarification du carbone.
Des mesures d’atténuation plus ambitieuses peuvent prévenir en grande partie la hausse des émissions prévue dans le transport de marchandises
En ce qui concerne le transport de marchandises, le scénario d’ambitions inchangées prend en compte les politiques et règlements existants, les avancées technologiques prévues dans le scénario « Nouvelles politiques » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les projections des échanges internationaux jusqu’en 2050 établies à l’aide du modèle ENV-Linkages de l’OCDE (Château, Dellink, & Lanzi, 2014). Il table sur une élasticité des échanges par rapport au PIB relativement faible (FIT, 2017).
Le scénario d’ambitions élevées, en revanche, prend pour hypothèse une électrification plus large du transport de surface de marchandises suivant les paramètres du scénario EV30@30 de l’AIE, ainsi qu’une contraction des échanges de combustibles fossiles sous l’effet de la baisse de la demande de ces combustibles. En 2016, le pétrole, le gaz et le charbon représentaient au total 41 % du commerce maritime international (CNUCED, 2017). Si le volume de ces échanges venait à baisser notablement, cela aurait un impact non négligeable sur les flux internationaux de marchandises.
Le scénario d’ambitions élevées débouche ainsi sur une diminution progressive des échanges mondiaux de charbon et de pétrole : cette diminution atteint 50 % d’ici à 2035 dans le cas du charbon et 33 % dans celui du pétrole, ce qui correspond à une baisse annuelle moyenne de respectivement 3.35 % et 2.1 %. Ces facteurs de réduction sont semblables à ceux pris pour hypothèse par l’Organisation maritime internationale (OMI) dans le profil représentatif d’évolution de concentration 2.6 (RCP 2.6), qui table pour cette même période sur un recul de la demande de transport de 48 % pour le charbon et de 28 % pour le vrac liquide, pétrole compris.
Dans l’ensemble, les mesures d’atténuation du scénario d’ambitions élevées font baisser les émissions mondiales dues au transport de marchandises de 45 % par rapport au scénario d’ambitions inchangées d’ici à 2050. Comme le montre le Graphique 2.9, cette baisse est majoritairement le fait du fret routier et maritime. Le transport aérien de marchandises affiche en 2050 des émissions presque identiques dans les deux scénarios, car il connaît une forte hausse de la demande et n’offre que des possibilités limitées de décarbonation.
D’ici à 2050, la demande de transport de marchandises augmente notablement sur l’ensemble des axes majeurs de transport dans le scénario d’ambitions inchangées comme dans celui d’ambitions élevées. Les volumes de marchandises attendus ne diffèrent pas beaucoup d’un scénario à l’autre, et les mesures d’atténuation prévues dans le scénario d’ambitions élevées n’ont donc qu’un impact limité sur la demande de transport de marchandises. C’est le transport de marchandises à destination, en provenance et à l’intérieur de l’Asie qui connaît la plus forte croissance. Le Graphique 2.11 montre que les émissions de CO2 du transport de surface – et en particulier routier – de marchandises augmentent sur tous les continents dans le scénario d’ambitions inchangées.
Cette hausse atteint alors 39 % dans les pays de l’OCDE et 122 % dans les pays non membres de l’OCDE à l’horizon 2050. Dans le scénario d’ambitions élevées, ces mêmes émissions chutent de 44 % dans les pays de l’OCDE durant la même période, et progressent de 16 % dans les pays non membres. Dans ces derniers, les retombées de l’amélioration des technologies et de l’efficience logistique sont de fait plus que compensées par l’impact de la hausse de la demande de transport de marchandises. Dans les pays de l’OCDE comme dans les pays non membres, les émissions de CO2 du transport de surface de marchandises sont majoritairement le fait du transport routier non urbain. Dans le scénario d’ambitions élevées, la baisse des émissions du transport routier interurbain découle des hypothèses de fort taux d’électrification du parc et de décarbonation du secteur de l’énergie.
Comme le montre le Graphique 2.12, les mesures prises dans le scénario d’ambitions élevées permettent une baisse significative de l’intensité d’émission de CO2 du transport routier de marchandises par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Au niveau mondial, cette intensité (mesurée par véhicule-kilomètre) chute en effet de 63 % en moyenne d’ici à 2050, contre 26 % dans le scénario d’ambitions inchangées. Dans plusieurs régions, les émissions par véhicule-kilomètre cessent de diminuer dans le scénario d’ambitions inchangées, ce qui s’explique par le recours accru aux poids lourds dans le transport non urbain. On trouvera dans le chapitre 5 une description plus détaillée de la demande de transport par mode dans chacun de ces scénarios.
Encadré 2.2. Le projet du FIT sur la décarbonation des transports
La signature de l’Accord de Paris en décembre 2015 a établi un cadre politique pour les efforts d’atténuation du changement climatique, en instituant un cycle d’examens quinquennaux des engagements nationaux de décarbonation qui débuteront en 2020. Le projet du FIT sur la décarbonation des transports répond directement aux besoins des acteurs mondiaux dans l’optique de la définition de politiques efficaces de réduction des émissions de CO2 dans le secteur des transports.
Ce projet promeut une mobilité neutre en carbone afin d’aider à enrayer le changement climatique. Il donne des outils aux décideurs pour sélectionner des mesures d’atténuation des émissions de CO2 qui leur permettent de tenir leurs engagements climatiques. Le projet ne prône pas des mesures ou politiques spécifiques. À partir d’une évaluation des effets d’atténuation fondée sur des observations factuelles, il met en évidence des solutions envisageables par les décideurs pour atteindre des objectifs comme ceux définis dans les contributions déterminées au niveau national, ou ceux fixés au niveau de secteurs, d’entreprises ou de villes.
Les évaluations du projet sur la décarbonation des transports s’appuient sur des activités d’analyse de données et de modélisation avancée. Le cadre de modélisation du FIT permet d’établir des projections des activités de transport à partir de l’analyse des déterminants de la demande de transport. Il est ensuite utilisé pour modéliser l’effet des évolutions des habitudes de mobilité sur les émissions de CO2 des transports. En l’occurrence, le projet sur la décarbonation des transports se décline en cinq activités énumérées ci-dessous.
Suivi des progrès : cette activité évalue en quoi les mesures d’atténuation en vigueur contribuent à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de CO2 des transports.
Études sectorielles approfondies : cette activité met en évidence des politiques efficaces pour décarboner le transport urbain de personnes, le transport routier de marchandises, le transport maritime, le transport aérien et le transport non urbain.
Études ciblées : cette activité analyse des aspects particuliers de la décarbonation, et ses résultats alimentent d’autres travaux.
Profils d’évolution nationaux : cette activité évalue les leviers que peuvent actionner les pouvoirs publics pour décarboner les transports dans une optique nationale. Des analyses régionales ou infranationales peuvent également être réalisées.
Dialogue sur les politiques à suivre : cette activité consiste en l’organisation d’un dialogue mondial sur les transports et le changement climatique au travers de tables rondes à haut niveau, de séances d’information et d’ateliers techniques. Elle permet de relayer les contributions du secteur aux négociations sur le changement climatique.
Le projet sur la décarbonation des transports rassemble plus de 70 gouvernements, organisations, institutions, fondations et entreprises. Les partenaires y contribuent de différentes façons, y compris par des apports de fonds et de savoir. Le projet a été lancé en 2016 grâce à un financement de base du Comité de partenariat d’entreprise du FIT. Il compte parmi ses autres partenaires financiers actuels des États, des universités et établissements de recherche, des organisations intergouvernementales, des banques multilatérales de développement, des organisations professionnelles et sectorielles, des villes et régions, des organisations non gouvernementales et des fondations philanthropiques.
En reconnaissance des travaux réalisés par le Forum international des transports dans le contexte de son projet sur la décarbonation des transports, le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) l’a désigné organisation référente pour les transports dans le cadre de son Partenariat de Marrakech. En cette qualité, le FIT fait office de mécanisme d’échange d’informations entre le secteur des transports et la CCNUCC et contribue au processus de celle-ci. Plus d’informations sont disponibles sur : www.itf-oecd.org/dt
Des innovations de rupture seront nécessaires pour tenir les objectifs de décarbonation dans le secteur des transports
Il ressort des projections des émissions de CO2 liées aux transports qu’un déploiement plus énergique des mesures d’atténuation connues pourrait ramener les émissions annuelles du secteur de 7 230 Mt en 2015 à 5 026 Mt en 2050. Cela représente une baisse de 30 % et un niveau d’émission de CO2 très inférieur à celui qui serait atteint en 2050 en cas d’ambitions inchangées par rapport à aujourd’hui (11 585 Mt). Pourtant, même une diminution de cette ampleur des émissions de CO2 ne serait pas à la hauteur des efforts nécessaires pour contenir l’élévation de la température moyenne mondiale nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Des stratégies innovantes – et, à vrai dire, des stratégies de rupture – seront nécessaires pour que la trajectoire des émissions liées aux transports soit inférieure à celle du scénario d’ambitions élevées. Il sera crucial que ces stratégies concilient réduction des émissions et satisfaction de la demande en croissance rapide de mobilité et de transport de marchandises.
Plusieurs facteurs pourraient entraîner une rupture par rapport aux habitudes de transport actuelles et aux trajectoires d’évolution future des émissions. Certains dépendent dans une large mesure de l’action des pouvoirs publics, par exemple des mesures adoptées pour encourager le développement de la mobilité partagée ou des véhicules autonomes. D’autres dépendent de forces qui sont en grande partie extérieures au secteur des transports, comme l’essor du commerce électronique ou l’évolution des échanges internationaux. Que les déterminants de ces évolutions de rupture soient exogènes ou liés à l’action publique, la façon dont elles se matérialiseront aura des conséquences significatives pour l’avenir des transports. Fait important, l’impact des facteurs exogènes sur la demande de transport et les émissions du secteur dépendra en partie de la façon dont les responsables de l’action gouvernementale choisiront de les gérer. Ceux-ci devront être prompts à adapter les politiques de transport aux évolutions de rupture à l’œuvre dans un large éventail de domaines afin d’en récolter les fruits potentiels et d’en limiter les éventuels effets préjudiciables.
Les modélisations présentées dans les chapitres suivants portent sur un certain nombre d’évolutions possibles qui pourraient bouleverser à l’avenir la demande de transport et les émissions de CO2 dans le transport urbain et non urbain de personnes et le transport de marchandises. Elles visent à mieux faire appréhender le sens et l’ampleur des répercussions que pourraient avoir ces évolutions de rupture, ainsi que le rôle que peuvent jouer les politiques de transport sur l’influence qu’auront en définitive les tendances exogènes sur les systèmes de transport de demain.
Dans un secteur des transports appelé à changer, les responsables de l’action gouvernementale doivent s’attacher à anticiper autant que possible les changements à venir, mais aussi et surtout à déterminer comment ils prévoient d’y répondre. La tâche est compliquée, car la nature des possibles évolutions et leurs conséquences pour les habitudes de transport sont entourées d’une grande incertitude et il est de plus en plus urgent de décarboner le secteur. Les projections présentées dans les Perspectives des transports du FIT 2019 visent à contribuer à un dialogue de fond tourné vers l’avenir dans l’optique de l’objectif plus que jamais d’actualité de la mobilité durable.
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Notes
← 1. Ce chiffre cadre globalement avec l’estimation des émissions liées aux transports produite par l’AIE, qui est de 7 738 Mt pour 2015.
← 2. Ces chiffres correspondent aux émissions imputables à l’utilisation des véhicules (émissions « du réservoir à la roue »), et ne tiennent donc pas compte de celles produites par l’extraction, le raffinage et le transport des carburants avant leur consommation (émissions « du puits au réservoir »). Ces émissions indirectes représentent une proportion plus ou moins importante des émissions totales selon le type de carburant et le type de véhicule. À titre d’exemple, d’après une étude, les émissions indirectes « du puits au réservoir » ont représenté environ 28 % des émissions totales (« du puits à la roue ») du transport routier de marchandises en Europe en 2005 (ICCT, 2016).