L’objet de ce chapitre est de décrire le contexte dans lequel s’opère la transformation du transport de marchandises et d’établir la portée et les incidences d’éventuels facteurs de rupture comme le commerce électronique, l’impression 3D, les nouvelles routes du commerce international, les camions autonomes et les véhicules de grande capacité. Des scénarios combinant différents phénomènes de rupture y sont également étudiés, qui quantifient les incidences des ruptures envisageables – évolutions à caractère technologique, transformation de la logistique ou chocs exogènes et autres – dans l’hypothèse d’une action publique très ambitieuse. Dans la première section, les scénarios d’ambitions élevées et inchangées sont réexaminés de manière à permettre leur analyse approfondie du point de vue du transport de marchandises.
Perspectives des transports FIT 2019
Chapitre 5. Ruptures dans le transport de marchandises
Abstract
Essor du transport de marchandises attendu dans un climat de forte incertitude
Les volumes de marchandises transportées continueront de croître vigoureusement, la demande mondiale de fret devant tripler entre 2015 et 2050. En attendant, les secteurs du fret et de la logistique sont en pleine mutation et connaîtront probablement des bouleversements plus importants encore dans l’avenir. Comme la technologie, les modèles d’affaires, le comportement des consommateurs et la modification de la structure des échanges participent, avec d’autres facteurs, au remodelage du paysage des transports, et la manière dont ils évolueront pèsera certainement sur la réalisation des projections de la croissance.
Bien que peu probable, la fonte de la couverture glaciaire arctique créerait des débouchés en matière de navigation commerciale, ce qui raccourcirait grandement les distances qui séparent l’Asie de l’Europe et de l’Amérique du Nord (FIT, 2018). De grands projets d’infrastructure transcontinentales sont appelés à ouvrir de nouvelles voies qui relieront les puissances commerciales partenaires de l’Asie de l’Est et de l’Europe tout en élargissant l’accès aux marchés de l’Asie centrale et d’autres régions, dont l’Afrique. Cela aura certainement une incidence sur l’activité portuaire et l’usage réservé aux voies de surface. Ainsi, le trafic pourrait s’effondrer dans certaines parties des réseaux routier, ferroviaire et fluvial et exploser dans d’autres.
Le commerce électronique, en constante progression, devrait poursuivre sur cette voie. Il est possible que la simplification des conditions d’achat et de retour stimule la demande et favorise les livraisons de colis aux particuliers et faisant ainsi croître le transport de marchandises et la part des modes relativement plus polluants, comme l’aérien et le routier.
L’automatisation grandissante des véhicules constitue une autre source potentielle de bouleversements en ce qu’elle permet de réduire, voire supprimer, les coûts de main-d’œuvre et de renforcer la souplesse d’utilisation des véhicules, ce qui peut faire chuter les coûts du transport et révolutionner le marché du transport de marchandises, notamment et surtout en dopant la demande de fret routier et en favorisant le report modal du fret, du rail et des voies navigables intérieures au profit de la route.
Une grande incertitude demeure quant à l’effet de ralentissement qu’à terme, la relocalisation et l’impression 3D auront sur la croissance du transport de marchandises. Leur généralisation peut théoriquement rejaillir sur le type de biens déplacés, rapprocher les centres de production et de consommation, et ainsi, métamorphoser les chaînes logistiques actuellement longues et complexes. Un amoindrissement notable de la valeur totale des biens échangés à l’échelle internationale risque de fortement comprimer les volumes de transport maritime et aérien.
Les véhicules de grande capacité (VGC), qui transportent une cargaison plus volumineuse que les poids lourds habituels, circulent déjà dans certains pays de l’OCDE, par exemple en Finlande et en Australie. Ils pourraient aider à réduire les émissions, à limiter la congestion et à diminuer le coût global du transport tout en améliorant la sécurité. Cela dit, comme avec d’autres mesures visant à réduire les coûts, leur effet rebond est également à craindre sous la forme d’un report modal inversé du rail vers la route : l’effet net sur les émissions serait alors négatif au-dessus d’un certain seuil.
À court ou moyen termes, peu de camions à émissions nulles ou quasiment nulles achemineront des cargaisons lourdes sur de longues distance. La réalisation des objectifs internationaux de lutte contre le changement climatique exigerait pourtant que de telles solutions soient en usage avant l’horizon 2050. Les technologies de décarbonation actuellement envisageables pour acheminer des marchandises sur de longues distances sont le rechargement direct des véhicules en électricité (« routes électriques »), l’hydrogène, voire les batteries électriques. Leur généralisation à l’horizon 2050 pourrait faire fléchir le volume total des émissions imputables au transport de marchandises, encore que cela suppose également de produire de l’électricité et de l’hydrogène sans rejeter de carbone.
Afin d’estimer l’incidence de ces ruptures potentielles, isolément et de manière combinée aux fins des présentes Perspectives des transports, des simulations ont été réalisées à l’aide d’une version actualisée du modèle du FIT relatif au transport de marchandises, qui intègre désormais les modèles (auparavant séparés) dédiés au fret international et au transport de marchandises par voie de surface. Ainsi, les estimations obtenues sont plus cohérentes, il est plus facile d’évaluer l’évolution des choix modaux et l’ensemble du trafic de fret intérieur et international est affecté sur un réseau multimodal et interconnecté, qui englobe les modes maritime, routier, ferroviaire et aérien ainsi que les voies navigables intérieures.
Ce réseau se compose de 7 707 centroïdes, qui représentent les lieux de consommation et de production des biens. Il s’agit de 404 points d’origine et de destination des échanges internationaux et 7 303 points d’origine et de destination des échanges intérieurs. Pour les 253 499 liens du réseau, on dispose de données sur la capacité, le temps de parcours, la distance, le coût par tonne-kilomètre (tkm) et les délais de franchissement des frontières. Le modèle actualisé du FIT dédié au transport de marchandises sert également à estimer l’incidence des politiques envisagées dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées, qui sont présentés dans le chapitre 2. Le Tableau 5.1 récapitule les hypothèses retenues pour ces deux scénarios eu égard au transport de marchandises.
L’élasticité des échanges mondiaux par rapport au PIB décroît depuis la crise financière de 2008 (OMC, 2018), ce qui coïncide avec la multiplication des différends commerciaux et la montée du protectionnisme (OCDE, OMC, & CNUCED, 2018). Leur persistance pourrait faire muter les chaînes logistiques mondiales, mais aussi rejaillir sur le volume des biens et les types de produits échangés, sur le choix modal et sur les distances parcourues. Il importe de ne pas perdre de vue l’éventualité d’une telle rupture. L’impression 3D n’est certes pas directement couverte par la présente étude, mais la technologie étant généralement associée au phénomène de la relocalisation, la simulation de ses effets peut se révéler instructive.
Les ruptures constituent des transformations qualitatives susceptibles d’entraîner des changements de paradigme dans les activités de fabrication, le transport, la logistique, voire l’aménagement du territoire. Cependant, la nature exacte de leurs conséquences est par définition incertaine. Dans les présentes Perspectives des transports, les effets potentiels de ces ruptures sont quantifiés à l’intérieur d’un cadre de modélisation méthodique et cohérent, qui tient compte de l’état actuel des connaissances et explore les effets maximaux de ces disruptions. Cependant, comme ils portent sur des phénomènes encore jamais observés, les résultats présentés ici prennent la forme d’un éventail d’incidences susceptibles de bouleverser les transports.
Tableau 5.1. Spécifications des scénarios d’ambitions inchangées et élevées concernant le transport de marchandises
Mesures d’atténuation |
Ambitions inchangées |
Ambitions élevées |
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Commerce international, baisse de la consommation de charbon et de pétrole |
Baisses modérées suivant le modèle ENV-Linkages de l’OCDE |
Baisses accélérées. En volume, recul des échanges de charbon et de pétrole de 50 % et 33 % respectivement à l’horizon 2035. |
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Efficience logistique |
Modeste amélioration de l’efficience conformément au scénario « Politiques nouvelles » de l’AIE |
Forte amélioration de l’efficience conformément au scénario AIE EV30@30 |
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Amélioration de l’efficacité énergétique et déploiement des véhicules électriques |
Modeste amélioration de l’efficience et généralisation des véhicules électriques conformément au scénario « Politiques nouvelles » de l’AIE |
Forte amélioration de l’efficience et généralisation des véhicules électriques conformément au scénario AIE EV30@30 |
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Facteurs potentiels de rupture |
Ambitions inchangées |
Ambitions élevées |
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Commerce électronique |
Légère augmentation de la demande de fret urbain (5 % dans les régions plus développées à l’horizon 2050) |
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Impression 3D |
Évolution inchangée |
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Nouvelles routes commerciales |
Apparition de projets d’expansion des capacités et amélioration de la connectivité |
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Transition énergétique dans le transport routier de marchandises sur longues distances |
Conformément au scénario « Politiques nouvelles » de l’AIE |
Transition énergétique dans le fret lourd sur longues distances |
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Véhicules de grande capacité (VGC) |
Hausse de 5 % de l’utilisation des véhicules de grande capacité dans le fret routier interurbain. Les VGC transportent 50 % en plus pour un coût inférieur de 20 % par tonne-kilomètre. |
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Autres hypothèses sous-jacentes |
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PIB |
Prévisions de la Division des affaires économiques (ECO) de l’OCDE |
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Population |
Perspectives démographiques mondiales de l’ONU |
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Réseau de transport (maritime, routier, ferroviaire, voies navigables intérieures, aérien) |
Réseaux existants (2015). Projets d’expansion portuaire (augmentation de la capacité) ainsi que de liaisons routières et ferroviaires en Asie centrale. |
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Coûts de transport |
Coûts généralisés (actuels) par mode, calibrés par pays. |
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Conditions de franchissement des frontières |
État des lieux actuels. Amélioration prévue en Asie centrale. |
Note : Les hypothèses relatives aux facteurs potentiels de rupture correspondent aux niveaux associés à l’absence de rupture qui sont indiqués dans le Tableau 5.7.
Le potentiel d’atténuation des politiques et les mesures connues à l’égard du transport de marchandises
À l’échelle mondiale, le transport de marchandises représente actuellement 36 % des émissions de CO2 imputables au secteur des transports. D’après les projections établies sur la base du scénario d’ambitions inchangées, cette part s’élèvera à 48 % en 2050. Ces chiffres révèlent non seulement le poids non négligeable du fret dans les émissions de CO2, mais également son rôle croissant dans les efforts de décarbonation en général. Il est donc impératif que la décarbonation du transport de marchandises occupe une place de plus en plus grande dans les priorités des pouvoirs publics.
L’une des raisons pour lesquelles les émissions de CO2 imputables au transport de marchandises ne diminuent pas autant qu’elles le devraient est que la décarbonation du secteur est techniquement difficile à réaliser. Aussi les pouvoirs publics doivent-ils davantage soutenir les efforts déployés dans ce sens, à court terme, en prenant des dispositions relativement faciles à mettre en œuvre, et, à long terme, en prenant des initiatives plus ambitieuses, notamment pour généraliser l’utilisation des carburants de substitution (FIT, 2018; FIT, 2018).
Il ne suffira pas de mettre en œuvre des politiques ambitieuses pour ramener les émissions mondiales de CO2 sous leur niveau de 2015 à l’horizon 2050. Il faudrait également qu’un éventail complet de mesures logistiques et technologiques soit déployé et que des changements exogènes contribuent à enrayer la croissance de la demande.
La situation diffère grandement d’une région et d’un secteur à l’autre. À l’horizon 2050, des politiques très ambitieuses permettraient de réduire les émissions imputables aux transports par voie de surface de 50 % en Europe et de 41 % dans les pays de l’OCDE. En revanche, l’Asie et l’Afrique continueront d’émettre de plus en plus de CO2, principalement du fait que plusieurs pays de ces régions verront l’activité de transport s’intensifier tout en affichant une efficience technologique et logistique plus faible. La disparité des conditions géographiques, économiques, réglementaires et infrastructurelles rend préférable d’adopter plusieurs stratégies de décarbonation du transport de marchandises assorties de cibles régionales plutôt que de suivre une seule et même approche.
La poursuite des politiques en cours fera grimper les émissions de carbone liées au transport aérien et maritime jusqu’en 2050. La raison en est que ces modes sont plus fortement sollicités en cas d’intensification des échanges internationaux. À cela s’ajoute la nécessité d’obtenir des progrès considérables en termes d’efficience technique et de réduction de l’intensité carbone. Le transport par voie de surface est plus facile à réglementer à l’échelon national ou interrégional, tandis que les activités de transport aérien et maritime s’effectuent davantage au niveau transnational, voire transcontinental. Les objectifs fixés par l’Organisation Maritime Internationale en matière de réduction d’émissions ne pourront être atteints qu’à la faveur de mesures d’envergure, concernant par exemple la vitesse de navigation, l’efficience énergétique et les carburants de substitution. Le FIT a proposé un tel scénario de décarbonation (FIT, 2018).
L’accélération des efforts de décarbonation dans le domaine des transports et dans des secteurs comme la production d’énergie s’accompagnera également d’une contraction des volumes de carburants et combustibles fossiles déplacés. Dans le scénario d’ambitions inchangées, la part des carburants et combustibles fossiles dans les échanges internationaux diminue par rapport aux autres types de produits de base. Dans le scénario d’ambitions élevées, les volumes de charbon et de pétrole transportés se contractent davantage encore à l’horizon 2035 (voir Tableau 5.1).
Les scénarios d’ambitions inchangées et élevées diffèrent surtout par les hypothèses retenues au sujet de l’efficience logistique et des technologies de véhicule (voir, par exemple, le Graphique 5.1 et le Graphique 5.2). Dans le scénario d’ambitions inchangées, les cibles et politiques annoncées par les pouvoirs publics cadrent avec celles prévues dans le scénario « Nouvelles politiques » de l’AIE. Dans le scénario d’ambitions élevées, en revanche, il est supposé que 30 % des véhicules neufs vendus en 2030 seront électriques et que le réseau ferré sera en grande partie électrifié.
Dans l’immédiat, il importe notamment de porter à l’échelle supérieure les mesures de décarbonation déjà testées et comparativement faciles à mettre en œuvre dans le transport routier de marchandises. S’agissant du fret urbain, les carburants de substitution offrent, ou offriront bientôt, une solution commercialement viable. Les deux scénarios, et davantage encore celui à ambitions élevées, tablent sur la chute des émissions de carbone liées au trafic urbain. Les pouvoirs publics peuvent faciliter l’adoption des carburants de substitution dans l’activité logistique urbaine grâce à la mise en place de mécanismes de tarification et autres dispositifs d’incitation, durcir les normes d’émission, créer des zones à faible ou zéro émission, déployer l’infrastructure de recharge et encourager la conversion de vastes flottes de véhicules aux carburants de substitution.
La décarbonation du transport de marchandises dépend beaucoup de l’amélioration des pratiques de logistique : le potentiel de réduction des émissions serait de l’ordre de 30 % à 50% (FIT, 2018). Les études de cas sur les coûts et avantages sont toutefois très rares. Les quelques cas isolés de réseaux logistiques collaboratifs couvrent encore une échelle limitée. Si les données disponibles ne font pas apparaître un rôle notable des solutions logistiques dans les réductions d’émissions de CO2, ces données sont trop peu nombreuses pour qu’il soit possible de juger de la situation et d’évaluer les répercussions éventuelles de ces solutions.
Il est difficile d’améliorer l’efficience logistique en milieu urbain. C’est pourquoi le scénario d’ambitions inchangées repose sur une diminution des chargements moyens. Il en résulte une élévation de la congestion qui, contrairement aux émissions, ne saurait être neutralisée par un recours accru aux carburants de substitution. Les gains potentiellement attendus en termes d’efficience logistique sont exposés dans l’encadré 5.1.
Encadré 5.1. L’optimisation logistique pour un transport de marchandises à faibles émissions de carbone
En matière de réduction des émissions de CO2 imputables au transport routier de marchandises, le potentiel offert par les solutions logistiques est loin d’être négligeable. C’est pourtant aux solutions technologiques que l’on accorde la plus grande attention (McKinnon A. , 2018). De manière générale, des opérations de fret plus efficientes pourraient abaisser les émissions connexes de CO2 dans une proportion comprise entre 45 % et 67 % (Holguín-Veras, et al., 2016). Les mesures logistiques de décarbonation consistent à maximiser le nombre de tonnes de marchandises acheminées par kilomètre parcouru. Parmi ces mesures figurent l’optimisation des itinéraires, l’assouplissement des créneaux horaires de livraison et la mutualisation des moyens des entreprises (FIT, 2018).
Le simple fait d’optimiser les itinéraires peut dégager des économies d’énergie de l’ordre de 1 % à 5 % (AIE, 2017). L’allongement des plages horaires de livraison peut faire reculer les émissions en s’accompagnant d’une diminution de la vitesse, du regroupement des trajets et d’une meilleure utilisation de la charge utile (McKinnon A. , 2016). La modification des horaires de livraison entraîne des économies d’énergie difficiles à estimer, mais probablement comprises entre 5 % et 10 % (AIE, 2017), et peut aider à réduire la congestion, à gagner du temps, à abaisser le niveau de stress du personnel ainsi qu’à améliorer les conditions de sécurité et la fiabilité du service.
Il ressort d’un certain nombre d’études que le maintien de créneaux de livraison étroits peut entraver la rationalisation des capacités (Route Monkey & WBCSD, 2016; Transport & Mobility Leuven, 2017; Sánchez-Díaz, Georén, & Brolinson, 2017). À l’heure où le marché confère aux clients une latitude grandissante en matière d’expédition, modifier les horaires de livraison semble aller à contre-courant. Si les économies induites par les livraisons effectuées aux heures creuses présentent un attrait pour les opérateurs de fret, les consommateurs ont besoin d’être incités à accepter des plages de livraison fluctuantes. Les restrictions locales de livraison en place dans les zones résidentielles, généralement en raison de préoccupations liées au bruit, constituent un autre obstacle. Pour y remédier, il conviendrait d’inciter les transporteurs de marchandises à adopter des technologies de réduction du bruit et des véhicules moins bruyants.
La collaboration à l’intérieur des chaînes logistiques peut accentuer la diminution de la consommation d’énergie, des coûts et des émissions liées au transport de marchandises dès lors que la mutualisation des véhicules, des entrepôts et des effectifs aboutit à des gains d’efficience. Dans un secteur aussi atomisé, la coopération bénéficiera certainement du recours aux outils numériques. Bien que sans doute substanciels, les effets de la collaboration et de la mutualisation des moyens n’en restent pas moins difficiles à chiffrer. Les lois antitrust peuvent bloquer la collaboration horizontale dans le secteur de la logistique. Ces obstacles sont appelés à disparaître avec les plateformes numériques de collaboration, exploitées par des tiers neutres.
À long terme, l’internet physique pourrait révolutionner les façons de procéder sur le terrain. Ce terme désigne un système logistique mondial et ouvert qui se caractérise non seulement par la mutualisation des actifs et la collaboration, mais aussi par l’utilisation d’unités de conditionnement modulaires uniformisés (Montreuil, 2011). Dans l’internet physique, les protocoles d’échange normalisés (concernant par exemple les dimensions des colis et les données d’accompagnement) confèrent des gains d’efficience non négligeables puisqu’ils permettent l’acheminement intermodal d’articles à l’intérieur d’un seul et même réseau commun, de la même manière que les données circulent dans l’internet digital.
L’une des raisons pour lesquelles les mesures logistiques de décarbonation sont difficiles à mettre en œuvre est que l’on manque de données et de travaux de recherche sur les déplacements de marchandises et leurs incidences, sur l’adéquation des effets des mesures de décarbonation avec les objectifs poursuivis par les entreprises à but lucratif et sur les priorités générales du marché, s’agissant de préserver et d’améliorer les services aux consommateurs.
Les camions capables de transporter des charges plus importantes améliorent l’efficience des activités de fret routier. Il ne doit pas nécessairement s’agir de véhicules de grande capacité (VGC). Dans les pays en développement, il suffirait déjà de remplacer le parc actuel par des modèles plus récents et de plus grandes dimensions (par exemple, les poids lourds standards en usage en Europe ou aux États-Unis).
Dans le scénario d’ambitions élevées, le progrès technologique et l’amélioration de l’efficience logistique ont pour effet combiné de réduire sensiblement l’intensité carbone du fret, tous modes confondus, mais cela est partiellement neutralisé par la progression du transport de produits plus légers et la diminution des chargements moyens. Les réductions prévues sont plus importantes pour les modes de surface, en particulier le ferroviaire, que pour les modes aérien et maritime (voir Tableau 5.2). Bien qu’il en découle des gains d’efficience, il n’est pas tenu compte ici des ruptures technologiques à prévoir dans le secteur aérien, qui sont exposées dans le chapitre 4 sur le transport non urbain de voyageurs.
Cela étant, un report modal pur et simple est difficile à concevoir dans la mesure où le transport routier de marchandises confère un niveau de flexibilité, d’accessibilité et de service global à des coûts somme toute compétitifs. En Europe, le report modal au profit du ferroviaire reste très en deçà des attentes, et ce pour plusieurs raisons structurelles (Crozet & Woodburn, 2014). L’Union européenne s’est en effet fixé pour objectif de reporter, vers le rail et les voies navigables intérieures, 30 % des déplacements de marchandises actuellement effectués par route sur plus de 300 kilomètres à l’horizon 2030, et 50 % à l’horizon 2050 (Commission européenne, 2011).
D’après Tavasszy et Meijeren (2011), l’objectif de 2030 suppose que la part globale du ferroviaire approche 40 % et que celle du mode routier dépasse légèrement 50 %. Or, maintenir à son niveau actuel la part du ferroviaire est une tâche qui s’annonce d’ores et déjà difficile, dans la mesure où la demande de certains produits de base actuellement transportés par le rail (vrac lourd de type charbon et autres combustibles ou carburants fossiles) est appelée à tarir et que des camions moins gourmands en carburant pourraient réduire l’écart d’intensité carbone entre le transport routier sur longues distances et le fret ferroviaire. Cela dit, ainsi qu’on le voit dans le Tableau 5.2, le scénario d’ambitions élevées donne des raisons de tabler sur une baisse de l’intensité carbone du ferroviaire, déjà plus faible que celle de tous les autres modes.
Encadré 5.2. Vers la décarbonation du transport routier de marchandises
Le secteur du fret est un important facteur de croissance économique. Le fret routier offre un moyen flexible d’acheminer des marchandises dans la plupart des régions, à un coût compétitif par rapport aux autres modes. Il restera un mode de transport irremplaçable, en particulier pour la logistique du dernier kilomètre. Le transport routier représente actuellement 18 % de l’ensemble des activités de fret et 57 % des émissions connexes de CO2. D’après les projections, sa part dans les émissions du secteur des transports augmentera, pour atteindre 24 % en 2050, contre 20 % actuellement, sauf innovation de rupture.
Dans le cadre de l’initiative en faveur de la décarbonation des transports pilotée par le FIT, un atelier a été organisé et une enquête menée auprès d’experts en vue de mettre en évidence les mesures qui permettraient d’amoindrir de façon rentable l’empreinte carbone du fret routier tout en améliorant l’efficience des activités de ce secteur. Les principales mesures recommandées sont les suivantes :
Élargir l’accès aux données dignes d’intérêt et améliorer leur usage analytique au service de la politique de décarbonation du transport routier de marchandises
Porter à une échelle supérieure les mesures de décarbonation testées et faciles à mettre en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises
Chercher des moyens de surmonter les obstacles que la réglementation pose dans le secteur de la logistique
Démontrer le bien-fondé économique d’investir dans les mesures de décarbonation
À moyen et long termes, généraliser l’utilisation des carburants de substitution à émissions de CO2 ultra-faibles ou nulles dans le transport routier de marchandises
Définir des trajectoires de décarbonation adaptées aux spécificités économiques et géographiques des différents groupes de pays considérés.
Pour de plus amples informations, se reporter au document du FIT (2018).
Les potentialités offertes par le report modal pourraient être plus importantes ailleurs qu’en Europe. Le rail gagne en attractivité là où les distances à parcourir sont longues, où le littoral est moins étendu, où les ports sont moins nombreux et où les corridors de transport sont davantage concentrés (par exemple, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud).
Tableau 5.2. Diminution prévue de l’intensité carbone du transport de marchandises entre 2015 et 2030/2050
Scénario d’ambitions élevées, diminution en pourcentage du nombre de tonnes de CO2 émises par tonne-kilomètre
Année |
Maritime |
Aérien |
Routier non urbain |
Routier urbain |
Ferroviaire |
Navigation intérieure |
---|---|---|---|---|---|---|
2015‑30 |
-23 |
-29 |
-29 |
-27 |
-39 |
-37 |
2015‑30 |
-56 |
-51 |
-63 |
-76 |
-80 |
-68 |
La mise en œuvre de politiques très ambitieuses peut faire chuter les émissions. Dans le scénario d’ambitions élevées, les émissions de CO2 imputables à l’ensemble des activités de transport de marchandises augmentent de 21 % entre 2015 et 2050, soit à peine moitié moins (45 %) que dans le scénario d’ambitions inchangées. Celles liées au transport par voie de surface (route, rail et voies navigables intérieures) ne reculent que modestement (de 2 %). Toutefois, le tableau diffère grandement selon les régions. En Europe, les émissions liées au transport de marchandises sont pratiquement divisées par deux et se compriment de plus de 40 % dans les pays de l’OCDE, alors qu’elles augmentent de 20 % en Asie et sont multipliées par plus de 2,5 en Afrique.
Tableau 5.3. Évolution des volumes de fret et des émissions de CO2 par scénario
Variation en pourcentage par rapport à 2015
2030 |
2050 |
|||
---|---|---|---|---|
Scénarios |
Tkm |
Émissions de CO2 |
Tkm |
Émissions de CO2 |
Ambitions inchangées |
57 |
42 |
226 |
118 |
Ambitions élevées |
51 |
18 |
216 |
21 |
Commerce électronique |
61 |
45 |
238 |
127 |
Impression 3D |
52 |
33 |
135 |
59 |
Nouvelles voies commerciales |
56 |
42 |
220 |
116 |
Transition énergétique dans le fret lourd sur longues distances |
57 |
31 |
228 |
84 |
Camions autonomes |
57 |
41 |
229 |
115 |
Véhicules de grande capacité |
57 |
37 |
225 |
110 |
Rupture logistique |
49 |
36 |
134 |
64 |
Rupture technologique |
51 |
13 |
220 |
22 |
Rupture complète |
49 |
13 |
133 |
-12 |
En 2050, ce sont les volumes de fret maritime et aérien qui auront le plus fortement augmenté. Sauf intervention des pouvoirs publics, ces émissions de CO2 qui en résulteront viendront alourdir le total imputable au fret. Les modes aérien et maritime, parce qu’ils relient les quatre coins de la planète, font l’objet d’accords internationaux souvent complexes, tandis que le transport par voie de surface est habituellement réglementé au niveau national ou régional. De plus, des gains d’efficience sont supposés plus faibles dans les transports aérien et maritime que dans le transport par voie de surface (voir Tableau 5.2).
Encadré 5.3. Les modifications apportées au modèle marchandises
Aux fins des présentes Perspectives des transports, le modèle marchandises a subi d’importantes modifications, la principale étant que les modèles du FIT dédiés au fret international et au transport de marchandises par voie de surface ont été regroupés pour n’en former plus qu’un. À ce stade, les flux internationaux et intérieurs sont alignés sur les prévisions de déplacements nationaux en tonnes-kilomètres, elles-mêmes calibrées sur la base des données fournies par les pays. Cet alignement est réalisé suivant une procédure de calibrage qui améliore l’affectation, tout en permettant d’évaluer la composante intérieure du transport international de marchandises ainsi que la part du fret urbain. Comme par le passé, le module international sert à estimer les flux de 19 produits de base pour l’ensemble des principaux modes et itinéraires, compte tenu des diverses mesures que les pouvoirs publics peuvent engager dans les domaines des transports et de l’économie (par exemple, aménagement de nouveaux réseaux d’infrastructure ou assouplissement des barrières commerciales). Les projections de l’OCDE concernant l’évolution des échanges sont utilisées pour convertir en masses de marchandises transportées les échanges exprimés en valeur. Le modèle est composé des éléments suivants : 1. modèle de désagrégation des flux commerciaux, 2. modèle de conversion des valeurs en masses, 3. modèle de choix modal et 4. modèle d’affectation d’équilibre. Les principaux changements apportés sont les suivants :
1. Une désagrégation plus fine : Le modèle comporte désormais 404 centroïdes, avec un niveau de détail plus fin pour l’Asie Centrale et l’Afrique.
2. Incorporation des coûts : Une fonction de coût pour chaque mode et chaque pays ou région a été intégrée dans le modèle afin de préciser les estimations calculées pour l’année de référence (2015), mais aussi pour améliorer la sensibilité du modèle aux mesures des pouvoirs publics et ruptures susceptibles de rejaillir sur les coûts du fret (que ce soit à travers du choix modal ou de l’affectation).
3. Modèle de choix d’itinéraire : L’étape de l’affectation fait désormais intervenir un modèle de choix d’itinéraire qui calcule les déplacements maritimes, avec les ports possibles et les sites de transbordement, permettant de relier chaque centroïde à un autre. La probabilité de chaque solution est une fonction des coûts de manutention et de transport (carburant et temps) de chaque parcours. On intègre alors l’ensemble dans un algorithme d’équilibrage qui actualise les probabilités de tous les choix d’itinéraire à chaque itération.
4. Bonne représentation des flux de déplacements par voie de surface et de la répartition modale propres aux pays : Les volumes de marchandises déplacées par voie de surface dans chaque pays sont estimés sur la base des prévisions économiques. Ces estimations sont converties en flux locaux, qui sont ensuite affectés au réseau de transport de marchandises. Chaque pays est représenté par un ensemble de centroïdes pour le transport de surface , qui représentent toutes les zones de concentration du PIB national distantes d’au moins 100 kilomètres calculées à l’aide d’un modèle d’aire de chalandise. Le modèle détermine, pour chaque paire de centroïdes, le plus court chemin possible, estimé en tonnes-kilomètres. Les estimations ainsi obtenues sont ensuite converties en tonnes déplacées entre centroïdes, sur la base de la distance moyenne estimée et proportionnellement à la concentration de PIB et à la population de chaque centroïde (modèle gravitaire). La répartition modale des flux intérieurs à chaque pays est établie à l’aide d’un modèle logit de choix modal dans lequel le coût de chaque mode utilisé pour relier deux centroïdes est associé à une fonction d’utilité. Cette première affectation produit unvolume de trafic préchargé qui contraint l’affectation à l’’équilibre des flux de fret internationaux.
5. Faculté d’analyser l’incidence des politiques ou de facteurs extérieurs au marché susceptibles de bouleverser le secteur. Les étapes du modèle et les fonctions de coût spécifiques aux pays ont été adaptées de manière à prendre en compte l’incidence des changements de rupture (évolution technologique, modification de la structure de la demande et de l’offre) sur le secteur du transport de marchandises ainsi qu’à estimer la réaction potentielle des volumes de fret et les externalités associées.
Le Graphique 5.5 et le Graphique 5.6 illustrent les flux de transport modélisés pour 2015 ainsi que l’activité portuaire et aéroportuaire.
Le Commerce en ligne (e-commerce)
Le commerce en ligne (e-commerce) peut se définir comme « la vente ou l’achat de biens ou de services effectué(e) via des réseaux informatiques par des méthodes spécifiquement conçues pour la réception ou la passation de commandes » (OCDE, 2011). Les transactions en ligne se font d’entreprise à entreprise (B2B, Business to Business), ou d’entreprise à consommateur (B2C, Business to Consumer). La présente analyse porte sur la deuxième catégorie, soit la forme de commerce qui connaît la croissance la plus rapide et qui induit sans doute les répercussions les plus marquées sur les transports – bien que les transactions B2B représentent la valeur totale la plus élevée 1.
Opérationnel dès 1990, le World Wide Web est devenu librement accessible au public en 1993. L’essor du commerce électronique a fait suite à l’ouverture du Web à l’usage commercial en 1995. Le lancement de navigateurs internet conçus pour des utilisateurs non spécialistes lui a alors permis de poursuivre son envol. En 1999, les ventes en ligne atteignaient déjà une valeur mondiale de 150 milliards USD. Depuis, le commerce en ligne a continué de croître à un rythme soutenu, impulsé par la progression de la connectivité internet, le développement du commerce international et l’apparition de technologies de transport plus perfectionnées. En 2017, la valeur totale des ventes en ligne mondiales était estimée à 2 300 milliards USD, soit une hausse de 24.8 % par rapport à l’année précédente (eMarketer, 2018). Toujours en 2017, le commerce électronique (B2B comme B2C) représentait environ 10 % du commerce mondial.
Les pays en développement concentrent désormais la plus grande partie des nouvelles transactions de commerce électronique, tandis que sa croissance tend à se tasser dans les pays développés (CNUCED, 2015). Le Graphique 5.8 donne à voir le pourcentage de personnes ayant eu recours au commerce électronique dans les pays européens en 2017 ; le Graphique 5.8 met quant à lui en évidence la croissance régulière de ce taux dans l’Union Européenne et dans certains pays développés.
Les incidences de l’essor du commerce électronique sur le secteur des transports ont été identifiées dès 2001 (OCDE/CEMT, 2001; OCDE, 2004). Presque vingt ans plus tard, l’impact du commerce électronique sur la physionomie des transports est indéniable. Près de 80 % des experts en fret routier sondés par le FIT estiment que le commerce électronique est la tendance la plus susceptible d’être présente dans le secteur d’ici à 2030 (FIT, 2018). Les répondants ont également indiqué que les principaux détaillants en ligne devraient jouer un rôle de plus en plus prépondérant en tant que prestataires de services logistiques dans les années à venir.
Quels sont les déterminants de l’essor du commerce en ligne ?
Les achats sur l’internet vont de pair avec un certain nombre de caractéristiques sociodémographiques, bien que les observations divergent. De fait, certaines études établissent un lien entre achats en ligne et haut niveau d’études, revenus des ménages supérieurs à la moyenne, et personnes de peau blanche et de sexe féminin (Wang & Zhou, 2015). D’autres, en revanche, montrent que les hommes et les jeunes déclarent avoir plus souvent recours aux achats en ligne que les femmes et les personnes plus âgées (Sener & Reeder, 2012). D’autres encore laissent à penser que les personnes âgées ou handicapées, les ménages à deux revenus et les familles monoparentales portent un plus grand intérêt à ce type d’activité (Mokhtarian P. , 2004).
Ces résultats ne sont guère surprenants compte tenu de la diversité des biens et services proposés en ligne. Les facteurs qui déterminent la propension et la fréquence des achats sur l’internet peuvent varier selon l’objet de la transaction. Du côté de l’offre, la décision d’une entreprise d’opter pour la vente en ligne peut être fonction de sa taille, de son appartenance à une branche d’activité ou de la composition de son marché (consommateurs ou entreprises) (Coad & Duch-Brown, 2017).
Les principales raisons citées par les résidents de l’Union Européenne en 2000 pour justifier le recours aux achats en ligne étaient l’accès à des produits non disponibles à proximité du consommateur, les considérations de prix et la commodité des options de livraison par rapport aux achats en magasin. Les inquiétudes quant au service après-vente, à la confidentialité des données à caractère personnel et aux problèmes de livraison comptaient quant à elles parmi les facteurs dissuasifs (Commission européenne, 2000). À l’heure actuelle, les acheteurs en ligne assidus citent le prix et la commodité comme principaux attraits du commerce électronique. Plus récemment, les acheteurs déclarent ne pas effectuer plus souvent des achats en ligne avant tout parce qu’ils apprécient l’expérience en magasin et la possibilité de repartir chez eux avec le produit (Civic Consulting, 2011). Cette tendance conforte l’idée que les magasins physiques ont toujours leur place, même si le commerce électronique continue de progresser.
À plus grande échelle, le rythme de croissance du commerce électronique est également influencé par les conditions dans lesquelles les entreprises opèrent (l’environnement réglementaire et fiscal, par exemple) ainsi que les progrès technologiques. Les écarts de dynamisme du commerce électronique selon les pays peuvent également s’expliquer par des facteurs tels que les conditions de livraison des biens, les systèmes de paiement, l’accès au très haut débit et la participation des détaillants (Civic Consulting, 2011) ; les facteurs culturels et les normes sociales entrent aussi en ligne de compte (Civic Consulting, 2011). Tel est le cas notamment en Chine, où l’on attache une importance sociale particulière aux achats en ligne, à tel point que la population chinoise y consacre aujourd’hui en moyenne 30 minutes par jour (BCG, 2017).
En parallèle, des tendances à l’œuvre dans d’autres domaines devraient avoir des répercussions notables sur le commerce en ligne – avec en premier lieu la progression constante de la connectivité internet et le développement de l’utilisation des téléphones portables à travers le monde. Les transactions effectuées par l’intermédiaire de téléphones portables représentaient 58.9 % des ventes sur l’internet en 2017 et constituent le mode d’achat en ligne affichant la croissance la plus marquée (eMarketer, 2018). D’aucuns ont également mis en évidence le rôle des avancées technologiques dans des domaines tels que l’internet des objets, les véhicules autonomes, les drones et l’intelligence artificielle en tant que leviers de croissance du commerce électronique (WEF, 2017). Dans un monde converti à l’internet des objets, par exemple, les appareils domestiques connectés pourraient commander automatiquement des produits lorsqu’ils viennent à manquer. Les progrès concernant les véhicules autonomes et les drones pourraient changer la physionomie des transports au niveau du dernier kilomètre de livraison, tandis que l’intelligence artificielle jouera un rôle important dans le développement des véhicules autonomes.
Commerce en ligne : quelles conséquences sur le secteur des transports ?
Déterminer les répercussions potentielles du commerce en ligne sur les transports est une tâche d’une grande complexité. Les relations de cause à effet dans ce domaine sont difficiles à cerner et quantifier avec précision les effets du commerce électronique sur la demande de transport et sur les émissions de CO2 associées présente de nombreux écueils. La trajectoire et l’ampleur de ces effets dépendent de facteurs tels que la densité urbaine, la répartition modale et le mix énergétique, ainsi que de l’articulation entre les facteurs physiques, psychologiques et sociodémographiques cités plus haut (Cullinane, 2009; Kos-Łabędowicz & Urbanek, 2017; Mokhtarian P. , 2009; van Loon, McKinnon, Deketele, & Dewaele, 2014). En définitive, on ne saurait déterminer les incidences potentielles du commerce électronique sur les transports sans examiner l’influence des achats en ligne sur le comportement des consommateurs, tant du point de vue des habitudes de déplacement que des conséquences en termes de demande de fret. L’augmentation du nombre de livraisons à la demande dans des délais serrés entraînera une réduction de la charge utile des véhicules et les retours de produits achetés en ligne donneront lieu à une hausse des véhicules-kilomètres parcourus par les véhicules de livraison ainsi qu’une diminution de la charge moyenne.
Ces changements de comportement peuvent engendrer trois types de conséquences globales (Mokhtarian P. , 2004). Tout d’abord, le commerce en ligne peut modifier la façon dont les consommateurs achètent leurs produits sans pour autant altérer le volume ou la valeur totale des biens achetés. Ensuite, le niveau généralement plus bas des prix, rendu possible par le commerce en ligne, devrait en principe permettre aux consommateurs d’acheter davantage de produits sans dépenser plus que d’ordinaire. Enfin, la possibilité d’acheter en ligne pourrait entraîner une augmentation de la somme totale dépensée par les consommateurs en créant plus de demande et en augmentant la consommation par habitant.
Les données empiriques semblent indiquer que, dans l’ensemble, l’essor du commerce électronique se traduit par une augmentation nette de la demande de transport. Les données concernant le fret n’étant pas publiques, il est difficile d’effectuer des analyses exhaustives des incidences du commerce électronique sur la demande de fret. Néanmoins, un certain nombre d’études se sont penchées sur cette question, et la plupart ont mis en évidence une corrélation positive entre les deux éléments, bien qu’à des degrés variables (Bonilla, 2016; Mangiaracina, Marchet, Perotti, & Tumino, 2015; Zanni & Bristow, 2010). En ce qui concerne la demande de transport de voyageurs, les données indiquent que, bien que le commerce électronique d’entreprise à consommateur puisse présenter un caractère aussi bien complémentaire que substitutif, la majorité des travaux sur ce sujet met en évidence la complémentarité, soit une hausse de la demande nette de transport de voyageurs. Globalement, les travaux de recherche tendent en effet à montrer que le commerce électronique a un effet plus complémentaire que substitutif sur les voyages à titre personnel (Ecoplan, 2009; Hauptbibliothek, Zürich, Laghaei, Faghri, & Li, 2015; Mokhtarian P. , 2009; Wang & Lo, 2007)2. L’ampleur des incidences du commerce électronique sur les habitudes de transport actuelles dépend également des éventuelles mesures d’atténuation adoptées face à cette demande accrue (voir encadré 5.2.).
Selon les projections, le commerce électronique mondial devrait atteindre en moyenne 40 % de part de marché en 2026, bien que ce chiffre soit appelé à varier selon les secteurs (WEF, 2017). Dans le monde entier, les pouvoirs publics, reconnaissant son rôle potentiel dans la croissance économique, prennent des mesures afin d’encourager activement son expansion (CNUCED, 2018). L’Union Européenne a, par exemple, lancé des initiatives pour stimuler le commerce électronique. Elle a notamment fixé des objectifs en termes de nombres de consommateurs réalisant des achats en ligne au sein des États membres et entre eux (Commission européenne, 2013; Commission européenne, 2016). Par conséquent, le commerce électronique devrait, selon toute vraisemblance, continuer d’exercer une pression à la hausse sur la demande de transport. Cependant, la répartition de cette demande dans le temps, selon les modes de transport, les segments démographiques et les zones dépendra de divers facteurs. Les bouleversements les plus marqués devraient intervenir au niveau du « dernier kilomètre », sous l’effet de l’augmentation des volumes d’activité et de la fragmentation des expéditions.
Le commerce électronique induit une hausse des volumes de marchandises transportées et des émissions
Le commerce électronique bouleverse d’ores et déjà le secteur de la logistique et est en passe de jouer un rôle de plus en plus important dans la façon dont les consommateurs se procurent les biens, ouvrant ainsi la voie à des possibilités de réduction de l’intensité de carbone. Pour autant, si cette transformation n’est pas maîtrisée, elle risque surtout d’entraîner une hausse des émissions et de la congestion dans les villes. De nouveaux modèles économiques prévoient le retour gratuit des produits et imposent des délais de livraison toujours plus serrés, ce qui limite les efforts d’optimisation des opérations et réduit l’utilisation de la capacité disponible. Sans compter que la baisse des coûts de transport et de transaction est susceptible de faire augmenter la demande.
Il est possible de façonner ces évolutions par le biais des politiques. Encourager le recours aux points de retrait, les livraisons en dehors des heures de pointe et la mise en place de zones à zéro émission contribuera à limiter les émissions. D’autres mesures, telles que la tarification en fonction de la distance, pourraient inciter les opérateurs de transport à faire un meilleur usage de la capacité de leurs véhicules et limiter les pratiques privilégiant les transports moins efficients et augmentant la congestion.
Le scénario du commerce électronique est le seul scénario de rupture lié au fret qui fait grimper les émissions de CO2, avec une hausse de 4 % des émissions totales de CO2 d’ici à 2050 par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Ce résultat est directement lié à l’augmentation du volume d’activité (en t-km) due à la forte croissance du commerce électronique.
Tous les modes de transport ne sont pas affectés au même degré, et l’on prévoit des taux d’adoption différents selon les régions. La part des divers types de marchandises évolue également au fil du temps. La combinaison de ces facteurs explique que l’augmentation de la circulation aérienne soit la plus importante, suivie de celle du fret routier. L’essor du commerce en ligne aura des effets particulièrement marqués sur les activités et les livraisons urbaines. Le transport aérien et le transport routier étant les deux modes à plus forte intensité de carbone, il est donc logique que leur intensification ait un impact particulièrement fort sur les émissions.
Les hausses mises en évidence dans les projections d’émissions ne tiennent pas compte des pertes probables d’efficience ni de la charge moyenne des livraisons urbaines. On ne dispose pas de données irréfutables sur ces aspects, et certains estiment que l’accentuation des économies d’échelle pourrait même donner lieu à des gains d’efficience. Néanmoins, les experts prévoient plutôt un effet négatif sur l’efficience logistique et, par ricochet, une hausse des émissions et de la congestion. Il se pourrait donc que les conséquences du commerce électronique soient encore plus néfastes que prévu.
Tableau 5.4. Prévisions d’évolution des volumes de fret mondiaux par mode de transport, selon un scénario du commerce électronique, 2030 et 2050
Pourcentage d’évolution par rapport au scénario d’ambitions inchangées
Année |
Maritime |
Aérien |
Routier |
Ferroviaire |
Par voies navigables intérieures |
Transport de marchandises |
---|---|---|---|---|---|---|
2030 |
2 |
3 |
3 |
3 |
3 |
2 |
2050 |
3 |
11 |
6 |
4 |
2 |
4 |
L’impression 3D
Sous réserve d’un déploiement à une échelle suffisante, l’impression en trois dimensions (3D) pourrait bien bouleverser les processus actuels de fabrication des biens, ainsi que la structure des échanges internationaux afférents. Si les processus de fabrication traditionnels consistent généralement à assembler des matériaux produits sur différents sites, l’impression 3D utilise pour sa part un procédé additif qui permet de fabriquer des objets en superposant de très fines couches de matériau jusqu’à obtention du produit fini.
Cette capacité à créer n’importe quelle forme, n’importe où, devrait permettre, en principe, d’éviter l’acheminement de produits semi-finis vers les usines d’assemblage. De même, à petite échelle, les ménages pourraient utiliser l’impression 3D pour imprimer certains biens de consommation à domicile, supprimant ainsi totalement le besoin de transport. Même si l’impression 3D reste pour l’heure une technologie émergente, elle pourrait à terme transformer radicalement les procédés de fabrication de nombreux produits et bouleverser la demande de transport de marchandises (Campbell, Williams, Ivanova, & Garrett, 2011).
À l’heure actuelle, l’impression 3D est avant tout utilisée pour produire des prototypes et pour des applications de niche. Elle sert à fabriquer des outils industriels et les pièces qui les composent (des gabarits et fixations, par exemple), des produits géométriquement complexes ou légers dans le secteur aérospatial, des prototypes de pièces et des outils dans le secteur automobile, des biens de consommation en polymère, ainsi que certains instruments et appareils médicaux et dentaires (ING, 2017; McKinnon A. , 2011).
L’impression 3D joue cependant un rôle de plus en plus important dans la fabrication de composants industriels et de machines-outils. De fait, le nombre d’imprimantes 3D vendues dans le monde a doublé entre 2005 et 2011, et, en 2017, les ventes de systèmes d’impression 3D industriels d’une valeur supérieure à 5 000 USD ont augmenté de 80 % par rapport à l’année précédente (MGI, 2012; Wohlers Associates, 2018). En 2016, les entreprises ont dépensé plus de 6 milliards USD dans des imprimantes 3D et des services connexes (ING, 2017; McKinnon A. , 2011).
Quels facteurs sous-tendent l’adoption de l’impression 3D ?
À mesure que le coût des imprimantes 3D et des matériaux associés baisse, le secteur devrait se développer rapidement. L’évolution future de cette technologie dépendra également du rythme de l’innovation, notamment de l’amélioration de la qualité, de la possibilité d’imprimer des objets de plus grande taille et de la vitesse d’impression. À l’heure actuelle, le coût unitaire des biens fabriqués à l’aide d’imprimantes 3D est élevé comparé à celui des produits fabriqués en petite série dans des usines traditionnelles. De plus, l’éventail et la taille des produits pouvant être fabriqués à l’aide d’imprimantes 3D restent pour l’heure limités. Ces aspects, auxquels s’ajoutent d’autres difficultés techniques liées aux technologies actuelles, constituent les principaux obstacles à l’adoption massive de l’impression 3D dans les foyers (Mckinnon, 2016; OCDE, 2018).
Les facteurs qui sous-tendent la généralisation de l’impression 3D dans les entreprises sont dans l’ensemble les mêmes que pour les ménages. En l’occurrence, l’attrait des imprimantes 3D industrielles dépend des coûts d’achat et de maintenance y afférents, de leur longévité et de la facilité à les intégrer aux processus de production existants. Les coûts des matériaux nécessaires et de leur transport entrent aussi en ligne de compte.
Quelles sont les répercussions potentielles de l’impression 3D sur les transports ?
Lorsque l’on étudie les répercussions potentielles de l’impression 3D sur les transports, il convient d’opérer une distinction entre les usages industriel et domestique. De fait, la fabrication additive pourrait avoir un impact bien plus marqué sur les échanges commerciaux et le fret urbain si la fabrication à domicile d’un large éventail de produits à usage domestique venait à se généraliser (Mckinnon, 2016). Malgré les avantages apparents que pourrait apporter un déploiement de l’activité d’impression 3D, les avis des experts divergent sur la trajectoire et l’ampleur des impacts nets (Boon & van Wee, 2018).
Le procédé de fabrication additive qui caractérise l’impression 3D présente plusieurs avantages par rapport aux méthodes de fabrication traditionnelles par enlèvement de matière : il requiert moins de matériau, produit moins de déchets et permet de fabriquer des biens plus près du lieu d’utilisation finale. L’impression 3D pourrait par conséquent faire baisser la demande de transport de fret en consolidant les activités de transport de matériaux et de fabrication. De fait, l’activité de transport de fret pourrait être considérablement réduite si l’on se bornait à acheminer les matériaux destinés à l’impression 3D jusqu’au lieu de production, dans le cadre de chaînes logistiques simples, plutôt que de fabriquer les pièces sur différents sites, puis de les combiner en s’appuyant sur des chaînes logistiques complexes présentant de multiples liens (Mckinnon, 2016). Les produits ne seraient plus livrés à domicile dans des colis séparés, et les matériaux entrant dans leur composition pourraient être stockés et livrés en masse sur le lieu de destination finale. Avec, à la clé, une réduction drastique du nombre de tonnes-kilomètres de fret en zone urbaine.
L’impression 3D à usage domestique utiliserait, pour la plupart des produits, moins de matériau qu’un assemblage conventionnel en usine, d’où une diminution potentielle des besoins de transport de marchandises entre les usines. Si l’impression 3D se développait en masse, le transport de fret par unité de consommation pourrait fortement chuter, ce qui conduirait à une baisse des coûts, de la congestion et des émissions de CO2. Une réduction significative des coûts d’impression 3D pourrait entraîner une relocalisation substantielle de la production manufacturière des pays d’Extrême-Orient où les coûts de main-d’œuvre sont faibles vers l’Europe et l’Amérique du Nord (McKinnon A. , 2018). Selon des estimations récentes, l’impression 3D pourrait concentrer jusqu’à 50 % de l’activité de production, ce qui engendrerait une contraction du commerce mondial de 38 % d’ici 2040. Ces estimations révèlent en outre que les secteurs de l’automobile, des équipements industriels et des biens de consommation seraient les plus touchés et verraient les échanges transfrontiers des marchandises qu’ils produisent baisser considérablement (ING, 2017).
Toutefois, des études récentes remettent en cause l’idée selon laquelle l’impression 3D entraînerait un déplacement de la production des usines de fabrication centralisées vers des sites de production régionaux, voire le domicile même des consommateurs. Elles mettent en évidence le fait que les imprimantes 3D fabriquent pour l’heure principalement des pièces et non des produits finis et que, par conséquent, la plupart des produits issus de l’impression 3D doivent encore être assemblés en usine. En outre, les matériaux nécessaires ont toujours besoin d’être livrés aux usines ou au domicile des particuliers.
De même, l’argument selon lequel l’impression 3D permettrait d’éliminer les déchets et d’éviter la surproduction s’avère discutable. Certes, on stocke des biens produits en masse dans des entrepôts afin de pouvoir faire face à la demande prévue, et les coûts de stockage et autres pourraient en principe être évités grâce à l’impression 3D. Pour autant, dans la plupart des secteurs, les invendus représentent en moyenne seulement 5 % du chiffre d’affaires ; leur incidence sur le transport de fret mondial est donc marginale.
Deux des avantages de durabilité les plus plébiscités de l’impression 3D pourraient donc ne pas tenir toutes leurs promesses (OCDE, 2018). Le transport ne constitue en effet qu’une petite partie de l’impact environnemental total d’un produit donné. Le rôle potentiel de l’impression 3D dans la réduction de l’empreinte carbone mondiale du fret semble donc relativement restreint. En tout état de cause, les technologies d’impression 3D se limitent pour l’heure à la fabrication de pièces et non de produits finis, et ces pièces doivent toujours être transportées jusqu’aux sites d’assemblage, avant d’être expédiées vers leur destination finale (OCDE, 2018).
Selon l’ampleur de son adoption, l’impression 3D est à même d’avoir des incidences sur le secteur manufacturier et les chaînes logistiques mondiales. Son déploiement à une échelle supérieure aux prévisions aurait des conséquences majeures en termes de logistique et de fabrication, compte tenu du déplacement des processus de production des usines centralisées vers les consommateurs. Toutefois, au vu de l’état de la technologie et des taux d’adoption actuels, il est peu probable que l’impression 3D perturbe sensiblement les systèmes de logistique et de transport. Elle s’étendra de toute évidence à de nouveaux secteurs, mais sa portée restera limitée, notamment du fait de son incapacité à rivaliser avec les méthodes de fabrication traditionnelles qui permettent de fabriquer en masse un produit donné, à moindre coût. L’impression 3D prendra sûrement de l’importance dans la production de prototypes et la fabrication de produits de petite taille, mais ne passera probablement pas le cap de la production de masse, à moins d’une réduction drastique de ses coûts (OCDE, 2018). Dans une étude menée auprès d’experts en fret routier, la majorité des répondants ont estimé que l’impression 3D n’aurait pas d’incidences majeures sur leur secteur (FIT, 2018).
Selon un scénario fondé sur des hypothèses relativement favorables, mais sans rupture, les équipements d’impression 3D représenteraient 8 % des équipements de fabrication totaux en 2040 (Westerweel, Basten, & Fransoo, 2018). La simulation réalisée aux fins de la présente édition des Perspectives des transports s’appuie sur les hypothèses donnant lieu aux perturbations les plus marquées, qui laissent entrevoir une diminution de 38 % des échanges mondiaux. L’évolution qui ressort de cette projection est essentiellement imputable à la baisse des flux de produits à forte valeur qui, à l’heure actuelle, sont fabriqués en Extrême-Orient, puis acheminés en Europe et en Amérique du Nord. Dans la mesure où les produits issus de l’impression 3D pourraient devenir des composantes importantes dans la fabrication de technologies bas carbone telles que les véhicules électriques, il n’est pas exclu que l’impression 3D contribue à faire baisser le coût de ces technologies et, par là même, à accélérer leur pénétration sur le marché.
L’adoption généralisée de l’impression 3D pourrait réduire sensiblement les volumes de fret internationaux
La demande grandissante de fret est la première cause de la hausse des émissions de CO2. À moins que la croissance de la demande ne reste bien en deçà des prévisions actuelles, ces émissions ne pourront être réduites de façon significative. Les facteurs exogènes peuvent avoir d’importantes répercussions sur les volumes de transport et, par conséquent, jouer un rôle crucial dans la réduction des émissions.
De tous les scénarios de rupture du transport de marchandises, celui de l’impression 3D affiche les effets les plus notables sur les émissions de CO2 liées au fret, avec une réduction de 27 % de ces émissions d’ici à 2050 par rapport au scénario d’ambitions inchangées. La raison principale tient à une baisse de 28 % des volumes de transport, essentiellement dans le secteur de l’électronique et d’autres biens manufacturés. La réduction est plus nette pour le fret aérien que pour les autres modes de transport, puisque l’impression 3D permet de fabriquer des produits plus légers à forte valeur ajoutée, plus près des centres de consommation. Les charges moyennes tendent à être plus élevées du fait d’une hausse relative du transport de biens plus lourds, avec à la clé une augmentation globale de l’efficacité énergétique du transport de fret.
Des évolutions radicales des chaînes logistiques mondiales sont visibles lorsque les simulations se fondent sur les hypothèses de rupture les plus poussées liées à l’impression 3D, énoncées dans les travaux publiés. Le Graphique 5.10. Prévisions d’évolution des flux de transport selon le scénario d’impression 3D d’ici à 2050Graphique 5.10 montre que les ports et les aéroports par lesquels transitent les volumes les plus élevés de biens manufacturés accuseraient les pertes de trafic les plus importantes. L’Asie de l’Est afficherait ainsi la plus forte baisse du transport de fret. À l’échelle mondiale, on observerait une diminution sensible de la congestion et des excédents de capacité sur tous les réseaux de transport ainsi qu’au niveau de leurs principaux nœuds, du moins par rapport au scénario d’ambitions inchangées.
Tableau 5.5. Prévisions d’évolution des volumes mondiaux de fret, par mode de transport, dans un scénario d’impression 3D, 2030 et 2050
En pourcentage par rapport au scénario d’ambitions inchangées
Année |
Maritime |
Aérien |
Routier |
Ferroviaire |
Par voies navigables intérieures |
Transport de fret |
---|---|---|---|---|---|---|
2030 |
-3 |
-24 |
-4 |
-3 |
-4 |
-3 |
2050 |
-32 |
-56 |
-15 |
-10 |
-26 |
-28 |
Les nouvelles routes commerciales internationales
Certaines évolutions des routes commerciales internationales pourraient entraîner de profonds changements de la demande de transport de marchandises dans les années à venir. Elles pourraient résulter de la création de nouveaux réseaux de transport ou de l’amélioration de ceux qui existent en Eurasie et en Afrique, et de l’ouverture de nouvelles routes maritimes dans les eaux arctiques. Les réseaux de transport de surface en Amérique du Nord ne devraient pas subir d’importants changements. En Amérique du Sud, l’investissement dans les infrastructures en pourcentage du PIB reste faible, et un scandale de corruption impliquant la plus grande entreprise de construction de la région a mis un terme à de nombreux projets. C’est pourquoi il faudra sans doute du temps pour que des améliorations notables soient apportées aux infrastructures d’Amérique du Sud.
De nouveaux canaux pourraient ouvrir des voies maritimes plus courtes que les routes commerciales existantes. Le canal de Kra, à travers la péninsule malaise, raccourcirait de 1 200 km, soit l’équivalent de deux ou trois jours de mer, la distance parcourue par les pétroliers du Moyen-Orient vers la Chine et le Japon33. Le canal prévu au Nicaragua à travers l’isthme centre-américain pourrait venir compléter le canal de Panama et serait mieux à même d’accueillir les plus gros navires. Il est cependant peu probable que ces deux projets se concrétisent rapidement.
Des liaisons ferroviaires régulières permettent déjà de transporter des marchandises d’Europe en Chine à travers la Fédération de Russie. Trois grands axes ferroviaires à travers le continent eurasien relient ainsi la Chine, l’Asie centrale, l’Europe, l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud. La voie la plus septentrionale ‑ par l’axe du transsibérien ou le réseau ferroviaire du Kazakhstan ‑ est actuellement la seule qui dispose de services et d’infrastructures de transport stables et fiables (UIC, 2017). C’est là par conséquent que les volumes de marchandises transportées sont les plus élevés.
Le rail ne représente que 1 % environ des marchandises transportées entre l’Europe et l’Asie, alors que les navires en transportent plus de 90 % (UIC, 2017). Mais les flux de fret ferroviaire entre l’Asie de l’Est et l’Union européenne ont beaucoup augmenté ces dernières années, passant de 25 000 équivalent vingt pieds (EVP) en 2014 à 145 000 EVP en 2016, ce qui reste très inférieur aux quantités transportées par la voie maritime entre l’Asie et l’Europe. Enfin, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, la Géorgie et la Turquie sont convenus de construire la Route transcaspienne de transport international (TITR) dans le cadre de l’initiative en faveur des infrastructures de transport intermodal Est-Ouest.
L’Afrique connaît une nette intensification des investissements en infrastructure, dont l’importance pour le développement du continent est désormais reconnue (BAD/OCDE/PNUD, 2017). Plusieurs initiatives visent à renforcer l’intégration régionale, notamment le plan d’action « Stimuler le commerce intra-africain » de l’Union Africaine et l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les transports routiers, ferroviaires et maritimes font l’objet de projets d’amélioration. C’est en Afrique du Sud que la connectivité du fret est la plus grande à l’heure actuelle. Elle devrait s’améliorer entre l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est d’ici à 2030, et entre l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest d’ici 2040.
En ce qui concerne les nouvelles routes maritimes de l’Arctique, les passages du Nord‑Est et du Nord-Ouest sont déjà utilisés l’été, lorsqu’ils se trouvent libres de glace. La route maritime transpolaire est navigable toute l’année, mais seulement grâce à de puissants brise-glace. La fonte des glaces dans l’océan Arctique a créé de nouvelles possibilités de navigation commerciale. La route maritime du nord (ou passage du Nord-Est), par exemple, devrait être libre de glace une partie de l’année à un moment ou à un autre entre 2040 et 2050 (Smith & Stephenson, 2013). L’Agence fédérale russe du transport maritime et fluvial fait état d’un volume de 9.7 millions de tonnes de marchandises transportées par cette route en 2017 (Marine Insight, 2018), contre 2 millions de tonnes par an au cours de la première décennie des années 2000. Ce volume ne représente toutefois qu’une part infinitésimale des échanges intercontinentaux et des volumes transportés sur les grandes voies maritimes commerciales.
Quels sont les facteurs d’évolution des routes commerciales internationales ?
L’investissement dans les infrastructures est le facteur qui contribue le plus à la mise en place de nouvelles voies de transport en Eurasie et en Afrique. En Chine, l’important développement de la connectivité ferroviaire avec l’Europe répond à une dynamique politique et le renforcement de la capacité du réseau est porté par une volonté politique forte. Le transport ferroviaire est cinq fois plus coûteux que le transport maritime, mais 1.7 fois plus rapide. Il s’agit par conséquent d’un mode de transport intéressant pour les marchandises très sensibles au facteur temps, comme les produits de l’industrie de la mode, l’électronique, les pièces de voiture et les biens périssables, en particulier les produits alimentaires. La hausse sensible des flux de fret ferroviaire entre l’Asie de l’Est et l’Union Européenne ces dernières années peut être attribuée à la réduction des temps de transport et à l’amélioration de la fiabilité, qui résultent à leur tour du renforcement des infrastructures et de l’efficience accrue des procédures de manutention, de passage en douane et de traversée des frontières.
En Afrique, l’intégration régionale est désormais une priorité et les projets d’infrastructure bénéficient d’investissements croissants. En 2015, les États membres du Marché commun de l’Afrique Orientale et Australe, de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Communauté de Développement d’Afrique Australe ont signé un accord commercial tripartite afin de renforcer l’intégration des marchés, le développement des infrastructures et l’industrialisation. Dans le cadre du programme de développement des infrastructures en Afrique de l’Union Africaine, de nombreux projets d’investissements ferroviaires, routiers et maritimes sont planifiés ou en cours.
Dans l’Arctique, les opérateurs maritimes qui envisagent d’utiliser la route maritime du nord doivent tenir compte à la fois des avantages liés au raccourcissement de la distance parcourue et des coûts plus élevés de la navigation en Arctique. En dehors des conditions météorologiques et de préoccupations de sécurité accrues dans ces eaux, ils doivent faire face à des obstacles logistiques dus à la rareté des infrastructures, à des obligations strictes de certification et à la sévérité des réglementations environnementales, notamment des restrictions sur la planification des traversées, qui visent à protéger les écosystèmes marins (USCG, 2017). Le Code Polaire définit des normes strictes, notamment sur la conception des navires, la formation des équipages, les caractéristiques des cuves de combustible ou les rejets d’eaux usées. Il est possible que des réglementations environnementales encore plus sévères s’appliquent à la navigation en Arctique à l’avenir, par exemple sur l’utilisation de fioul lourd, déjà interdite en Antarctique. L’application de ces réglementations réduit les bénéfices économiques nets apportés par la réduction du temps de trajet. La route maritime du nord pourrait demeurer une solution économiquement viable dans certaines circonstances ‑ essentiellement pour le transport de vrac en provenance de l’Arctique russe ‑ mais les potentialités pour d’autres types de marchandises restent très incertaines (Kiiski, 2017; USCG, 2017). S’il se confirme que l’Arctique demeure libre de glace dans l’avenir, la probabilité d’un accroissement de la navigation dans ces eaux pourrait s’accroître.
Quelles seront les conséquences des modifications des routes commerciales sur le transport international de marchandises ?
Le développement du transport ferroviaire de marchandises entre la Chine et l’Europe s’accélère. Les flux de fret ferroviaire entre l’Asie de l’Est et l’Union Européenne devraient s’accroître de 14 % par an (UIC, 2017). La modernisation des infrastructures et l’amélioration des procédures douanières aux frontières pourraient réduire de quatre à sept jours les temps de transit sur les axes de transport euro-asiatiques. En Afrique, les effets de l’accroissement des investissements dans les infrastructures commencent à se faire sentir. La construction du corridor Mombasa-Kampala entre le Kenya et l’Ouganda, par exemple, a ramené les trajets de quinze à cinq jours (OCDE, 2011). En Namibie et en Zambie, le Groupe du Corridor de Walvis Bay a permis de ramener le délai moyen de dédouanement de 48 à deux heures.
L’utilisation de la route maritime du nord pour le transport de marchandises entre l’Europe du Nord et le Japon pourrait réduire les distances de 37 % par rapport au trajet par le canal de Suez (Buixadé Farré, et al., 2014). À partir des ports d’Europe du Nord, la distance serait réduite de 31 % vers la Corée, de 23 % vers la Chine et de 17 % vers le Taipei chinois (Bekkers, Francois, & Rojas‐Romagosa, 2018). L’utilisation régulière du passage du Nord-Ouest pourrait raccourcir les distances entre l’Amérique du Nord et les grands ports d’Asie du Nord-Est de 20 % (Ørts Hansen, Grønsedt, Lindstrøm Graversen, & Hendriksen, 2016). En ce qui concerne les échanges entre les pays d’Asie du Sud et d’Europe du Sud, la route habituelle par le détroit de Malacca et le canal de Suez reste la plus courte. Melia, Haines et Hawkins (2016) ont modélisé la fonte de la banquise à venir et constaté que le transit entre l’Europe et l’Asie serait réduit de dix jours en 2050 et de treize jours les années suivantes. Entre l’Asie et l’Amérique du Nord, quatre jours seulement seraient économisés, le trajet par le canal de Panama étant relativement court.
Même si elles raccourcissent les distances à parcourir, les nouvelles voies maritimes à travers l’Arctique risquent de ne pas entraîner de réduction sensible des impacts des activités de transport maritime sur le climat, du fait des conditions de navigation difficiles dans l’Arctique et de leurs conséquences sur la consommation de carburant. En eau libre, les navires ne sont pas obligés de modifier constamment leur vitesse et peuvent optimiser la charge-moteur et la consommation de carburant. Ce n’est pas le cas dans l’Arctique. Il arrive souvent que les mauvaises conditions météo et la faible profondeur de l’eau nécessitent des changements de vitesse et de direction, de sorte qu’il devient impossible d’optimiser l’utilisation du moteur. La grande variabilité de la charge-moteur réduit le rendement énergétique et peut entraîner une hausse de 50 % de la production de carbone noir (Lack & Corbett, 2012), dont les effets négatifs sont encore plus graves dans l’Arctique (Yumashev, van Hussen, Gille, & Whiteman, 2017).
Encadré 5.4. Renforcement de la connectivité du fret en Asie centrale
La connectivité du fret est essentielle pour accroître la compétitivité des pays et favorise la croissance économique, l’intégration sociale et le développement. Son renforcement peut être profitable aux pays et aux régions, en offrant aux zones périphériques de meilleurs débouchés commerciaux, nationaux et internationaux, en réduisant les coûts qui pèsent sur l’économie nationale, par l’amélioration des infrastructures et des services, en atténuant les problèmes de congestion et en accroissant les recettes grâce au développement du transit.
L’Asie centrale est caractérisée par une connectivité relativement faible, malgré son rôle historique de passage terrestre entre l’Asie et l’Europe. Les volumes de marchandises qui passent d’un continent à l’autre par cette voie sont actuellement inférieurs à 2 % de ceux qui prennent la voie maritime. La région est en retard par rapport à d’autres sur plusieurs aspects de la connectivité de l’intégration, ce qui freine le développement des échanges. L’intégration économique y est limitée par la faible densité de population et d’activité économique, l’insuffisance des infrastructures, le vieillissement des réseaux routiers et ferroviaires, les grandes distances vers les principaux marchés et les ports maritimes, ainsi que les nombreux obstacles réglementaires et politiques aux échanges internationaux.
Dans le cadre d’un projet de l’OCDE financé par le Kazakhstan, le Forum international des transports (FIT) a étudié la connectivité du fret en Asie centrale, en s’intéressant plus particulièrement au Kazakhstan, au Kirghizistan, à la Mongolie, au Tadjikistan et à l’Ouzbékistan. L’évaluation comportait : a) une analyse du niveau actuel de connectivité de la région au regard des besoins des économies régionales et de l’efficacité des réseaux de transport et de logistique ; b) un examen des stratégies pour les transports et la logistique, y compris des plans d’investissement dans les infrastructures ; et c) un inventaire des obstacles qui pourraient se présenter à l’avenir et des liaisons manquantes dans le cadre de différents scénarios d’échanges commerciaux et d’action publique.
Les résultats ont montré que les projets d’investissement en cours dans la région amélioreront la connectivité mais ne suffiront probablement pas face à la croissance des échanges à venir. Pour préparer cette croissance et renforcer la connectivité, les pays d’Asie centrale ont élaboré des plans nationaux en matière d’infrastructures et participent à des programmes comme la Coopération économique régionale en Asie centrale (CAREC), le corridor de transport Europe-Caucase-Asie (TRACECA) et les Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative) en Chine, qui visent à développer des axes économiques et de transport internationaux.
L’analyse quantitative fondée sur le modèle d’évolution du fret international du FIT montre cependant que la mise en œuvre des projets d’infrastructure prévus ne suffira pas sur de nombreuses liaisons à créer les capacités nécessaires aux flux de marchandises à venir. Comme le montre le Graphique 5.11, la demande en capacité des infrastructures augmente d’ici à 2030 sur les axes internationaux comme sur les liaisons régionales. Les plans d’infrastructures existants sont centrés sur les grands axes internationaux, mais il est essentiel de veiller à ce que les entreprises locales soient reliées aux principaux axes pour qu’elles puissent tirer parti des économies d’agglomération.
Pour atténuer la pression exercée sur les capacités, il faut améliorer les infrastructures, par exemple en construisant de nouvelles voies et en rénovant celles qui existent, et renforcer leur efficience (par exemple en utilisant des véhicules de grande capacité, en créant des centres de regroupement ou en électrifiant les lignes ferroviaires).
D’autres mesures peuvent également améliorer la connectivité régionale : il faudrait par exemple faciliter le passage des frontières pour réduire les temps d’attente ; affiner les stratégies logistiques nationales et régionales et renforcer les capacités institutionnelles pour favoriser la prise de décisions fondées sur des faits et la planification dans des conditions d’incertitude. Le renforcement de la coopération régionale et internationale contribuera aussi à raccourcir les temps de trajet et à les rendre plus prévisibles, en réduisant les coûts de déplacement des marchandises dans les corridors internationaux. D’autres informations figurent dans le document du FIT (2019)
L’accroissement du transport maritime dans l’Arctique pourrait entraîner une hausse des volumes d’échanges et déplacer les productions à forte intensité d’émissions vers l’Asie du Nord-Est. Les avantages attendus du raccourcissement des distances dans l’Arctique risqueraient alors d’être surcompensés par les effets négatifs des émissions associées à ces activités (Bekkers, Francois, & Rojas‐Romagosa, 2018; Lindstad, Bright, & Strømman, 2016).
Les tarifs du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe ne sont plus que cinq fois supérieurs à ceux du fret maritime, contre treize fois auparavant (Merk, 2016). Il est possible que l’écart se réduise encore si la hausse des coûts liée au plafond d’émissions de soufre de 2020 est répercutée sur les prix des liaisons maritimes et si les tarifs du transport océanique se redressent. Les importantes subventions octroyées par les administrations régionales chinoises aux liaisons ferroviaires eurasiennes, de l’ordre de 2 000-2 500 USD par EVP, pourraient être progressivement supprimées à un moment ou à un autre, ce qui compromettrait aussi la viabilité financière du transport ferroviaire dans la région (Rail Freight, 2017).
La coopération avec la Russie sera essentielle pour garantir des flux continus de marchandises à travers la région, étant donné que les axes actuels du transsibérien et de la ligne Baïkal‑Amour du réseau ferroviaire russe présentent un déficit de capacité, ce qui limite la croissance du volume de transit ferroviaire à travers la Russie (Global Risk Insight, 2017). La mise en œuvre de réglementations plus sévères s’appliquant aux émissions et aux polluants des transporteurs maritimes pourrait aussi favoriser le transport ferroviaire. L’exploitation régulière de trains porte-conteneurs constitue le modèle logistique et commercial le plus concurrentiel pour une utilisation renforcée des voies intérieures de transport entre l’Europe et l’Asie. Même si les volumes de marchandises transportées par les voies intérieures n’approcheront jamais ceux des liaisons maritimes, il est possible d’utiliser plus largement ces voies terrestres pour le transport des marchandises de valeur qui doivent être livrées rapidement. En Afrique, les possibilités de transport transcontinental pourraient conduire à une hausse des échanges intra-africains et aussi raccourcir les distances parcourues par les marchandises échangées à l’échelle internationale d’ici à 2050, si les projets d’infrastructures de transit en cours et en projet sur le continent continuent d’apporter des avantages similaires en termes de coûts et de temps gagné.
En ce qui concerne les possibilités de renforcement du transit maritime dans l’Arctique, on estime que, d’ici à 2050, l’ensemble des côtes et la plus grande partie de l’océan Arctique seront libres de glace 60 jours de plus par an en moyenne, et même 100 jours de plus dans certains endroits (Barnhart, Miller, Overeem, & Kay, 2016). Des conditions météorologiques favorables, de bonnes infrastructures et des solutions techniques pourraient même permettre de circuler toute l’année dans cette région d’ici à 2030 (Bekkers, Francois, & Rojas‐Romagosa, 2018), bien que la marge d’incertitude concernant la première année sans glace dans l’Arctique soit d'une vingtaine d’années (Jahn, Kay, Holland, & Hall, 2016; Notz & Stroeve, 2016).
En conséquence, l’Agence fédérale russe du transport maritime et fluvial s’attend à une multiplication par six du volume de fret maritime dans l’Arctique dans les trois prochaines années. La Chine a inclus la route maritime du nord dans son initiative des Nouvelles routes de la soie depuis juin 2017 et publié en 2018 un livre blanc sur un projet de « Route polaire de la soie » dans l’Arctique (Bureau de l’information du Conseil des Affaires d’État de la République populaire de Chine, 2018). Même si la croissance du trafic maritime semble devoir se poursuivre sur la route maritime du nord, il subsiste d’assez fortes incertitudes sur les conditions de navigation dans l’avenir et sur le rapport coût-efficacité de ce trajet dans l’Arctique. Compte tenu de cette incertitude et des effets négatifs probables sur le climat des émissions de carbone noir, la possibilité que les nouvelles routes maritimes de l’Arctique contribuent à un recul significatif des émissions de CO2 apparaissent limitées à ce stade. En outre, l’accroissement du transport ferroviaire de marchandises risque de capter une partie de la hausse du trafic maritime anticipée dans la région Arctique.
Malgré ses avantages manifestes en termes de distance et de temps, la route maritime arctique présente toujours des risques économiques élevés, en raison de la consommation accrue de carburant, de l’incertitude sur les dates d’arrivée et des dangers encourus par les navires et leurs équipages. Ces facteurs peuvent éroder les économies attendues du transport par les voies arctiques et empêcher qu’elles ne soient adoptées plus rapidement. D’après certaines données, la route maritime du nord ne serait rentable pour les navires de commerce ordinaires qu’en 2040 (Ørts Hansen, Grønsedt, Lindstrøm Graversen, & Hendriksen, 2016). Il reste que le trafic enregistré sur cette voie a été multiplié par cinq en 10 ans, et que ce choix pourrait devenir viable, en fonction de l’évolution des conditions climatiques et des investissements en infrastructure.
L’ouverture de nouvelles routes commerciales influera peu sur les émissions, mais pourra modifier en profondeur les réseaux de transport
L’ouverture de nouvelles voies commerciales n’influera pas de façon sensible sur les émissions de CO2 résultant du transport de marchandises ni sur le volume de fret mondial, indiquent les simulations effectuées pour cette édition des Perspectives des transports. Un redéploiement des routes commerciales réduirait les volumes transportés de 2 % (de 3 % dans le cas du fret maritime) et les émissions de 1 % d’ici à 2050 par rapport au scénario d’ambitions inchangées.
On peut s’attendre en revanche à des répercussions de grande ampleur sur les chaînes logistiques et les réseaux de transport mondiaux. La mer Méditerranée et l’océan Indien connaîtront d’ici à 2050 une baisse d’un cinquième (21 % et 19 % respectivement) du trafic de marchandises par rapport au scénario d’ambitions inchangées, alors que, dans l’Arctique, le trafic actuellement très limité enregistrera une croissance exponentielle pour atteindre des volumes supérieurs à ceux du Pacifique Sud ou des Caraïbes. Dans les ports situés sur l’axe Asie de l’Est - Europe du Nord par le canal de Suez, le trafic baissera par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Dans ceux qui occupent une situation stratégique sur la nouvelle route de l’Arctique, il connaîtra une forte hausse ; c’est à Busan (Corée) que celle-ci atteindra son niveau le plus élevé avec plus de 50 % par rapport au scénario d’ambitions inchangées. Le Graphique 5.12 indique la variation en pourcentage des tonnages de marchandises transportées et des volumes chargés/déchargés en 2050 dans le scénario intégrant les nouvelles routes commerciales par rapport au scénario d’ambitions inchangées.
L’évolution projetée des flux de transport influera aussi sur les réseaux de transport de surface donnant accès aux ports. En Chine et en Europe, tout particulièrement, les flux de transport terrestre s’adaptent à l’évolution des voies maritimes. Il peut en résulter de nouvelles réserves de capacité sur les voies qui connaissent une baisse de trafic et des problèmes de congestion sur les segments qui présentent un trafic plus intense.
En Eurasie, l’amélioration de la connectivité associée aux initiatives et projets en place conduit à un accroissement des volumes transportés par le rail par rapport au scénario d’ambitions inchangées – moins marqué cependant que celui du transport maritime dans l’Arctique. Les résultats indiquent également un regroupement des flux sur les lignes de chemin de fer qu’il est prévu d’améliorer. En Asie centrale, l’accessibilité accrue des ports océaniques peut aussi entraîner des évolutions visibles des voies d’accès au littoral.
La simulation de changements radicaux des routes commerciales (au moyen des spécifications figurant au Tableau 5.7) montre les effets que pourraient avoir des améliorations de grande envergure des infrastructures – ferroviaires, mais aussi routières – en Eurasie, et l’ouverture complète de l’Arctique à la navigation commerciale de l’Europe vers l’Asie de l’Est et de la côte Est de l’Amérique vers l’Asie de l’Est (à des coûts cependant plus élevés que la moyenne dans ce dernier cas). La probabilité que ces changements se concrétisent est examinée plus haut, mais il est difficile pour l’instant de se prononcer avec certitude à ce sujet.
La transition énergétique pour le fret routier longue distance
Le fret routier contribue de manière non négligeable aux émissions de CO2 imputables au transport de marchandises et occupe une place grandissante dans la décarbonation de l’ensemble du secteur des transports. Un certain nombre de stratégies de décarbonation ont ainsi été définies, qui visent notamment à améliorer la consommation des véhicules et à généraliser l’utilisation des carburants de substitution. De même, l’efficience sous-tend d’importantes mesures d’atténuation à prendre à court terme : améliorations aérodynamiques, diminution de la résistance au roulement, réduction du poids des véhicules, amélioration du rendement des moteurs et conversion à l’hybride. Finalement, la décarbonation du fret routier dépendra de la conversion aux technologies à émissions très faibles ou nulles.
Le poids des véhicules lourds et l’ampleur des distances parcourues rendront cette transition particulièrement difficile. Les systèmes de routes électriques (ERS) et les piles à combustible à hydrogène constituent actuellement les meilleures technologies envisageables pour réduire les émissions de fret routier tout en répondant aux impératifs énergétiques du secteur. Il est néanmoins possible que les nouvelles technologies de batterie, comme les chargeurs ultra-rapides et les systèmes d’échange de batteries, obligent la transition énergétique du fret routier à fortement dévier de sa trajectoire. Des percées dans le domaine des carburants liquides bas carbone ne sont pas non plus à exclure. Bien qu’actuellement impossible à prévoir, les biocarburants avancés ou les carburants de synthèse produits à partir d'électricité d'origine renouvelable (« e-fuels ») ont probablement un rôle à jouer, de même qu’un déploiement accéléré des technologies de captage et de séquestration du carbone (CSC).
Les systèmes de routes électriques alimentent en électricité les véhicules en mouvement à l’aide de caténaires aériennes, ou encore par conduction ou induction au sol. Le système de caténaire aérienne consiste à transmettre l’énergie au moyen d’un bras mobile monté sur le toit des véhicules, comme dans le cas des trains électriques, tramways et trolleybus. La technologie sur laquelle ils reposent est utilisée depuis plus de 130 ans et peut être intégrée et exploitée dans l’infrastructure routière existante. Avec le système de recharge par conduction, l’énergie passe dans des rails fixés au sol et est transmise au véhicule par un collecteur de courant glissant.
Enfin, le système de recharge par induction consiste à transmettre sans fil, via un champ magnétique, l’énergie de la route au véhicule en mouvement. Cela exige l’installation de bobines génératrices d’un champ électromagnétique dans la chaussée et de bobines réceptrices qui permettent la production d’électricité à l’intérieur du véhicule. L’alimentation électrique se fait sans contact mécanique. Les véhicules doivent être dotés de sources d’énergie autonomes (par exemple, batteries ou piles à combustible à hydrogène) pour pouvoir rouler en dehors du réseau électrifié, les batteries se rechargeant lorsqu’ils y circulent de nouveau. Les systèmes de routes électriques sont donc prometteurs pour le transport de marchandises lourdes sur longues distances, mais ne présentent guère d’intérêt pour les poids lourds qui sont utilisés sur des routes plus petites et moins fréquentées.
Les batteries et piles à hydrogène pourraient être utilisées en complément de la route électrique dans les régions ou les sections non couvertes. La méthode la plus couramment employée pour produire de l’hydrogène est un procédé de reformage à la vapeur qui utilise des combustibles fossiles comme le gaz naturel. Une autre, certes moins efficiente, est l’électrolyse de l’eau, qui fait intervenir l’électricité. L’hydrogène est stocké dans des piles à combustible et converti en électricité utilisée pour la propulsion.
Quels sont les facteurs de la conversion du transport routier longue distance aux énergies renouvelables ?
Les coûts de mise en œuvre représentent un facteur important pour le développement des systèmes de routes électriques et des technologies de propulsion hydrogène au service du fret routier. Si l’on veut en faire des solutions attrayantes et faciliter leur déploiement, il ne faut pas laisser les propriétaires des flottes supporter à eux seuls les coûts d’infrastructure associés aux carburants de substitution.
D’après les estimations de différentes sources, les systèmes de routes électriques coûteront au total moins cher que les autres carburants de remplacement (Cambridge Econometrics, 2018; Connolly, 2017; Kasten, Mottschall, Köppel, & Degünther, 2016; Siemens, 2017). Leur coût dépendra de la technologie utilisée (caténaires aériens, conduction via un rail ou recharge par induction), du mode de propulsion autonome (autrement dit, le véhicule peut-il rester en mode de conduite électrique sur les routes non électrifiées ?), de la durée d’autonomie des batteries et de la possibilité de les recharger à des bornes. Le Tableau 5.6 donne un aperçu des coûts estimés des différentes technologies de routes électrifiées. Les coûts de l’électrification du groupe motopropulseur dépendront du véhicule pris comme référence, du mode d’électrification envisagé (hybride ou tout électrique), du système de batterie qui détermine l’autonomie en conduite électrique (c’est-à-dire la distance que le véhicule peut parcourir en dehors du réseau électrifié) et des coûts induits par la recharge dynamique des véhicules sur route électrique. À terme, les coûts des batteries, de conversion à l'hybride et d'électrification devraient sensiblement diminuer à la faveur des avancées des technologies de batterie et des économies d’échelle.
Tableau 5.6. Coûts estimés des systèmes de routes électriques
Type de système |
Coûts d’infrastructure(1) (en millions EUR/km) |
Coûts du véhicule (2) (en EUR) |
Coûts de maintenance de l'infrastructure (en % des coûts d’investissement) |
---|---|---|---|
Caténaires aériennes |
2.2 |
+50 000 (en 2020) +19 000 (en 2050) |
2.5 |
1.5 |
+50% |
— |
|
1.5-2.5 |
+40 000 (en 2020) +25 000 (en 2030) +15 000 (en 2040) |
4.0 |
|
1.6(3) (0.8 à long terme) |
|||
0.7-2.0 |
+5 000 (par rapport à un véhicule lourd hybride) |
— |
|
Conduction via un rail |
0.4(4) |
— |
— |
Recharge par induction |
>3.1 |
— |
— |
Note : (1) Par kilomètre de route à deux voies aménagé dans le réseau routier existant. Sont inclus les coûts du câblage électrique, des rails et des bornes, du raccordement au réseau électrique, des sous-stations équipées de transformateurs, des unités de contrôle et des travaux de génie civil connexes. (2) Par rapport à un véhicule lourd classique sauf indication contraire. Sont inclus les coûts de transformation du groupe motopropulseur en mode hybride ou tout-électrique. (3) En USD pour une voie. (4) Selon l’hypothèse de l’électrification de 20 000 km de route en Suède.
Dans les conditions économiques et technologiques actuelles, la caténaire aérienne est probablement le système le plus rentable (Jancovici, Schuller, & Borie, 2017; Kasten, Mottschall, Köppel, & Degünther, 2016). Bien que les coûts d’infrastructure requis par les batteries, les piles à hydrogène et les systèmes de routes électriques soient au total similaires, les routes électrifiées constitueront probablement à terme la solution la moins coûteuse à nombre équivalent de véhicules à zéro émission en circulation (Kasten, Mottschall, Köppel, & Degünther, 2016). Les coûts d’exploitation dépendront également de la part du kilométrage effectué sur les routes électriques, de la différence de prix entre les carburants classiques (diesel) et l’électricité, ainsi que des subventions, des politiques préférentielles ou des péages susceptibles d’être appliqués dans certaines régions.
Pour l’heure, aucun de ces systèmes n’est largement répandu. L’analyse comparative de leur rapport coûts-avantages repose en grande partie sur des hypothèses d’évolution future très incertaines. Il ressort d’une enquête du FIT que, pour les experts du fret routier, le manque d’infrastructures, les difficultés posées par le changement d’échelle de la production et le coût élevé des véhicules constituent les principaux obstacles à l’adoption des systèmes de routes électriques (FIT, 2018).
Compte tenu de l’impossibilité pratique d’électrifier l’intégralité du réseau routier, la technologie des piles à combustible à hydrogène pourrait contribuer à atténuer les émissions imputables au trafic de fret hors routes électriques. L’hydrogène est un combustible relativement dense en énergie par rapport aux technologies actuelles de batterie. En comparaison des véhicules électriques rechargeables, les véhicules à hydrogène se caractérisent donc par une autonomie et un volume de chargement plus importants. Bien que la pile à hydrogène soit très rentable du « réservoir à la roue », sa production l’est relativement moins que celle de l’électricité. La faiblesse de l’efficacité énergétique globale, le niveau élevé des coûts de véhicule, de réseau et d’infrastructure ou encore les difficultés posées par la production à grande échelle sont autant d’obstacles à une utilisation accrue des véhicules à hydrogène (FIT, 2018).
Une incertitude considérable entoure l’ampleur des réductions de coûts qui découleront des piles à combustible, en particulier du développement coextensif des technologies de batterie. Les outils financiers pourront soit encourager l’adoption de ces technologies (comme dans le cas des primes à l’achat), soit servir à couvrir les coûts de construction et de maintenance des infrastructures.
Encadré 5.5. Carburants bas carbone
Si les carburants liquides restent répandus dans les transports, c’est parce qu’ils présentent une densité énergétique, une portabilité et une stabilité au stockage relativement élevées et parce qu’ils sont faciles à livrer. Cela vaut tout particulièrement pour les véhicules lourds de fret pour de longue distance. Les carburants liquides bénéficient aussi d’une vaste infrastructure de distribution. Les autres sources d’énergie du fret routier, comme l’électricité ou les piles à combustible, requièrent d’investir davantage dans leur déploiement et mettront plus longtemps à occuper une part de marché significative.
Parmi les technologies capables de réduire l’empreinte carbone du fret routier et d’assurer une mobilité respectueuse du climat en termes d’émissions tout au long du cycle de vie figurent le pétrole brut à faible intensité de carbone, le captage et le stockage ou l’utilisation du carbone en amont et dans les raffineries, les biocarburants avancés et les carburants d’appoint bas carbone produits à partir d’eau et de CO2.
Malgré l’essor des sources d’énergie de substitution comme l’électricité, l’essentiel de la demande mondiale de mobilité continuera de dépendre, pendant encore plusieurs décennies, de la combustion de carburants fossiles. La production, le transport et le raffinage du pétrole brut ne représentent pas moins de 15 % à 40 % des émissions de gaz à effet de serre « du puits à la roue ».
Bien que les biocarburants s’utilisent partout dans le monde depuis un certain temps déjà, leur consommation reste marginale dans la plupart des régions. Ils n’occupent une place de choix que dans quelques pays, comme le Brésil et les États-Unis. La plupart sont issus de produits agricoles (par exemple, canne à sucre, maïs ou huile végétale), ce qui fait craindre un changement indirect d’affectation des sols.
Une augmentation spectaculaire de la consommation de biocarburants d’origine agricole impliquerait le remplacement de cultures vivrières et une conversion massive de terres arables – à moins que des pratiques culturales et des politiques d’utilisation des terres axées sur le rendement intensif ne soient mises en œuvre en parallèle (Macedo, et al., 2012; Nepstad, et al., 2014). Les émissions de carbone qui en découleraient risqueraient d’annuler le potentiel offert par les biocarburants en termes d’émissions évitées (Valin, et al., 2015).
Dès lors qu’ils peuvent être produits à partir de déchets, d’algues ou de cellulose, les biocarburants deviennent une option beaucoup plus intéressante pour la décarbonation des transports, même si leur mise au point se révèle difficile. Couplés à la capture de carbone (CSC), les biocarburants végétaux et non végétaux qui font intervenir un procédé de fermentation peuvent même émettre moins de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie.
Malgré les réserves susmentionnées, les biocarburants ont leur place dans l’arsenal des mesures disponibles pour réduire les émissions de CO2 du transport routier. En effet, les incidences du changement indirect d’affectation des sols varient grandement d’un pays à l’autre. Le cas du Brésil montre comment l’emploi généralisé de l’éthanol produit à partir de canne à sucre peut concourir à abaisser le niveau des émissions même lorsque l’on tient compte de l’ensemble du cycle de vie et du changement d’affectation des sols (La Rovere, Pereira, & Simões, 2011; Rothkopf, 2008; Schroeder, 2010). Cela étant, les conditions propres à ce pays (un climat adapté à la culture de la canne à sucre, d’immenses étendues de terres arables et un complexe agro-industriel bien développé) sont difficiles à reproduire à l’échelle mondiale.
Tout cela montre bien l’importance d’adapter les trajectoires de la décarbonation des transports au contexte régional : des solutions prometteuses et économiquement fondées dans un lieu donné ne le sont pas nécessairement dans d’autres.
La prise de conscience allant grandissant autour des problèmes que pose le changement d’affectation des sols, la communauté scientifique s’intéresse de plus en plus aux biocarburants de substitution, notamment aux carburants de synthèse fabriqués à partir d’eau et de CO2. Le principe de synthèse consiste à produire de l’hydrogène par électrolyse ou par décomposition directe de l’eau, puis à le faire réagir avec le CO2 de carburants fossiles pour en réduire l’intensité carbone globale. Dès lors que l’électricité nécessaire au procédé de synthèse provient de sources renouvelables et que les atomes de carbone sont obtenus par réduction de CO2 (par capture avant ou après combustion et par capture directe dans l’air), le carburant de synthèse ainsi obtenu est pratiquement neutre en carbone. La proportion de carburant de synthèse utilisée en mélange avec un carburant fossile pourrait croître au fil du temps, ce qui intensifierait l’effet d’atténuation. Un avantage des carburants de synthèse est que, par rapport à ceux d’origine fossile, leur combustion rejette nettement moins d’oxydes d’azote (NOx) et de suie.
Quels seront les effets de la conversion aux carburants de substitution dans le fret routier longue distance ?
Les véhicules électriques à batteries ou sur route électrique ne génèrent pas d’émissions de gaz d'échappement. Il en va de même pour les véhicules électriques à pile à combustible, mais le niveau des émissions de gaz à effet de serre associées à leur cycle de vie est estimé deux fois plus élevé que celui des camions diesel, tout au moins dans les conditions actuelles du paysage électrique allemand (Kühnel, Hacker, & Wolf, 2018). D’après les estimations, l’efficacité énergétique « du puits à la roue » est de 77 % dans le cas des poids lourds sur route électrifiée, contre 62 % pour les camions à batteries et 29 % pour les camions à hydrogène (Kasten, Mottschall, Köppel, & Degünther, 2016; Moultak, Lutsey, & Hall, 2017). De tous les systèmes de route électrifiée, celui à caténaire est considéré comme le plus efficace en énergie. Le volume global des réductions d’émission qui découlera de ces systèmes dépendra du degré d’électrification des poids lourds, de l’efficacité énergétique globale du système et de la part du trafic réalisé en dehors du réseau électrifié.
S’agissant de leur incidence sur le réseau électrique, les routes électrifiées devraient être moins exigeantes que les véhicules à batteries classiques. En effet, leur alimentation continue permet de lisser les profils de charge sur le réseau électrique. Les technologies de pile à hydrogène permettant de stocker l’énergie, elles peuvent contribuer à favoriser et à maximiser l’utilisation d’électricité produite à partir de sources renouvelables.
Découpler le transport routier de marchandises des émissions de CO2 nécessitera de lourds investissements, notamment de la part des entreprises privées, par exemple les constructeurs automobiles, qui devront adapter leur production. Le secteur public devra lui aussi fournir un important effort financier, en particulier pour mettre en place des réseaux de distribution et de ravitaillement/rechargement. Les trois systèmes existants de routes électrifiées font actuellement l’objet de tests, principalement en Allemagne, en Suède, en France, en Chine, au Japon et en Corée (eRoadArlanda, 2018; Heise, 2017; Jacob & Caso Florez, 2018; Scania, 2016; Transport & Mobility Leuven, 2017). Ces tests permettront de définir des modèles économiques viables, les besoins en matière de réglementation et des normes internationales. Ils aideront également à régler les problèmes de sécurité. De nouveaux intervenants du secteur des transports, comme les compagnies d’électricité, pourraient devenir des partenaires de poids et concourir à l’élaboration de modèles économiques pour les systèmes de routes électriques ou les réseaux de bornes de recharge.
Dans de nombreux pays, le trafic des poids lourds se concentre sur une portion relativement minime du réseau routier (Kasten, Mottschall, Köppel, & Degünther, 2016). Il y a donc tout lieu de penser que l’infrastructure requise par les sources d’énergie alternative sera aménagée sur des tronçons à fort trafic de fret, par exemple entre les centres de distribution, les ports ou les terminaux ferroviaires. Dans ces conditions, les routes électriques pourraient en seulement cinq ans atteindre la viabilité financière pour le bénéfice des exploitants privés (Schulte & Ny, 2018). C’est également dans ce cas de figure que les réductions d’émission de CO2 seront les plus fortes. Un effet de réseau pourrait se produire après 2030, en particulier si des cadres d’action, notamment sous la forme de normes d’émission strictes à l’égard des poids lourds, exercent une pression suffisante sur les constructeurs et les exploitants de véhicules. Étant donné que les déplacements routiers de marchandises sont souvent internationaux, le bon déploiement des systèmes de routes électriques passera aussi par une action internationale concertée en faveur de l’interopérabilité transnationale.
En ce qui concerne l’hydrogène, des deniers publics sont déjà investis dans la mise en place de stations de recharge d’hydrogène, désormais présentes dans plusieurs villes du monde. Les projections annoncent toutefois que le recours aux véhicules électriques à pile à combustible sera limité, malgré l’ampleur du potentiel offert par les technologies hydrogène en matière de réduction des coûts (US DOE, 2017). Cela tient aux risques qu’il y a à investir dans l’infrastructure. Si de grandes avancées étaient réalisées dans les technologies de batterie pour véhicules lourds de fret longue distance, les véhicules électriques à batteries pourraient bien devenir, pour le transport routier de marchandises, la solution la plus prometteuse en termes de réduction d’émission de CO2, derrière les systèmes de routes électriques et les véhicules à pile à combustible.
En résumé, un déploiement à grande échelle des routes électrifiées et des véhicules à hydrogène semble peu probable dans la décennie à venir. À moins d’une intensification notable des efforts en cours, ces deux technologies ne devraient se généraliser qu’à moyen et long termes, éventuellement entre 2030 et 2050. Le déploiement des routes électrifiées et des poids lourds à hydrogène variera d’un pays et d’une région à l’autre, en fonction de l’attractivité (des coûts) des autres moyens envisageables pour réduire les émissions de CO2, de l’état du réseau électrique, du réseau routier et de la volonté politique d’atteindre les objectifs climatiques.
Il est également très peu probable qu’une seule technologie puisse remplacer les moteurs diesel ou à essence à combustion interne. Il existe un certain degré de complémentarité entre les différentes solutions : les véhicules directement alimentés en électricité par caténaire peuvent également être équipés de batteries, d’une pile à combustible ou d’un moteur thermique fonctionnant avec des biocarburants. Les solutions qui nécessiteront d’investir dans de grands projets d’infrastructures pourraient ne pas être disponibles dans certaines régions, ou y être moins rentables. Pour obtenir une décarbonation totale ou quasi totale, il faudra disposer d’une panoplie de solutions complémentaires adaptables à différents contextes.
La décarbonation du transport routier de marchandises exige la transition énergétique du fret longue distance
Le fret routier non urbain représente actuellement 87 % du volume de transport routier et 77 % de ses émissions. Il contribue à hauteur de 43 % aux émissions imputables au transport de marchandises, ce qui est plus que tous les autres modes. Sa part dans le total des émissions de CO2 du secteur des transports, transport de voyageurs inclus, est de 16 %.
Sans transition énergétique du fret routier longue distance, les efforts de décarbonation des transports seront donc voués à l’échec. De tous les scénarios de ruptures considérés dans les présentes Perspectives, celui du remplacement des carburants fossiles comme principale source d’énergie dans le fret routier longue distance est le deuxième à peser le plus sur le niveau des émissions de fret : pour 2050, il prévoit 16 % d’émissions de CO2 en moins que le scénario d’ambitions inchangées.
La transition énergétique dans le transport longue distance n’aura pas la même incidence dans toutes les régions du monde, puisque le taux d’adoption retenu comme hypothèse et la part du mode routier dans les transports par voie de surface diffèrent selon les régions. Ainsi, c’est en Europe, où le taux d’adoption et la part modale des transports routiers sont élevés, que la baisse des émissions consécutive à la transition sera la plus forte. Les gains seront plus faibles en Amérique du Nord, car la part du mode routier y est plus modeste et qu’une conversion énergétique aura donc moins d’impact sur les émissions.
Une transition énergétique rejaillit aussi sur les coûts de transport. Ceux-ci seront tout d’abord plus élevés, puis ils diminueront progressivement jusqu’à devenir inférieurs à ce qu’ils sont actuellement dans le contexte des moteurs thermiques, en raison de la baisse des coûts de carburant, d’entretien et d’infrastructure. Là encore, la situation variera d’une région à l’autre.
Une augmentation de la part des carburants peu ou non carbonés n’est pas non plus sans conséquence sur la demande et la répartition modale. Ainsi, un report modal du rail vers la route se produira à l’horizon 2030 en Europe, où les coûts sont déjà plus faibles, mais pas dans les autres régions. À mesure que les carburants propres gagneront du terrain et que leurs coûts diminueront, le report modal du rail vers la route se généralisera jusqu’en 2050, en particulier en Chine et en Inde. À supposer toutefois qu’il n’y ait ni baisse équivalente des coûts du transport ferroviaire, ni mesure de riposte de la part de ce secteur.
Les camions autonomes
Le fret routier se prête tout particulièrement à l’automatisation complète. Les camions sans conducteur réduiraient grandement les coûts de main-d’œuvre, qui représentent actuellement au moins un tiers des coûts d’exploitation en Europe et en Amérique du Nord. Il existe donc une forte incitation commerciale en faveur de l’automatisation des poids lourds.
Dans les pays développés, les opérations de fret lourd sur longues distances ont généralement lieu sur autoroute, où l’automatisation est plus simple à mettre en œuvre que dans les conditions très complexes de la circulation urbaine. Surtout, en roulant 24 heures sur 24, les camions sans conducteur permettront d’optimiser l’utilisation des ressources, d’éviter les heures de pointe et de gérer le parc de véhicules avec une plus grande flexibilité.
Leur déploiement se heurte toutefois à des obstacles de taille. En particulier, des avancées supplémentaires s’imposent dans la communication V2X (« du véhicule à tout ») et dans la normalisation.
La plupart des experts s’accordent à dire que les camions sans conducteur seront une réalité dans dix à vingt ans, même si leur présence sera circonscrite à des portions d’autoroutes bien définies qui relieront les centres logistiques à forte demande. Si le fret routier est en avance sur le reste du secteur, d’autres marchés sont très porteurs, comme celui des transports publics : diverses expérimentations y ont été menées et des services de transport sans conducteur sont déjà exploités dans différentes villes (FIT, 2018).
Outre les camions sans conducteur, la circulation en pelotons de véhicules semi-automatisés reliés par des systèmes de communication entre véhicules (convois routiers) fait actuellement l’objet d’essais avancés.
Quels sont les déterminants du recours aux camions autonomes ?
De par l’ampleur des réductions de coût et des gains d’efficience d’exploitation que promettent les technologies de poids lourds autonomes, le secteur est fortement incité à investir dans leur développement et déploiement. Les modalités et la cadence de leur adoption dépendra d’une kyrielle de facteurs. En effet, il faut encore obtenir certaines avancées technologiques, adapter l’infrastructure actuelle, clarifier le modèle d’affaires, régler les questions d’assurance et de responsabilité et répondre aux inquiétudes de l’opinion publique à propos des risques pour la sécurité et la sûreté, ce qui pourrait faire grimper les coûts et limiter l’attrait commercial des camions sans conducteur.
L’adoption et l’exploitation généralisées des véhicules autonomes de transport routier de marchandises nécessitent l’établissement de standards communs au sein du secteur, ou tout au moins sur des marchés suffisamment vastes. La réglementation joue un rôle crucial à cet égard puisque c’est en fonction du cadre en place que le secteur tirera plus ou moins parti des avantages de l’automatisation du fret routier. Pour l’heure, l’incertitude plane encore sur le caractère permissif ou restrictif que les régimes réglementaires revêtiront à terme, car il dépendra de l’incidence que la nouvelle technologie aura sur la sécurité, la sûreté et la congestion (dont il est question dans le chapitre 3). Toutefois, comme précédemment indiqué, il semble à ce stade moins difficile et clairement plus avantageux d’appliquer les technologies d’automatisation aux camions qui empruntent l’autoroute – et évitent ainsi les zones urbaines fortement encombrées – qu’aux véhicules de transport individuel de personnes.
L’incertitude demeure aussi quant au niveau d’automatisation qu’il est possible d’atteindre dans le fret routier. On ignore encore si tous les opérations de transport routier de marchandises pourront être effectuées à l’aide de camions sans conducteur, entièrement autonomes (ce qui correspond au niveau 5 d’autonomie de la classification établie par SAE International, voir Chapitre 3). En revanche, il est certain que les véhicules seront équipés de systèmes qui fourniront une assistance de plus en plus étendue aux conducteurs. Ces niveaux inférieurs d’autonomie permettent déjà de réduire la consommation de carburant, d’améliorer l’organisation du trafic et de faire évoluer le rôle des conducteurs routiers. Tous ces facteurs sont susceptibles de faire baisser les coûts d’exploitation.
De quelle manière le recours aux camions autonomes rejaillira-t-il sur les systèmes de transport ?
Les camions autonomes et les convois routiers sont porteurs d’importantes économies sur les coûts. D’après la majorité des experts interrogés dans le cadre d’une enquête du FIT, les convois routiers peuvent réduire les coûts dans une proportion de 10 % ou plus. La moitié des répondants a jugé plus important encore – plus de 25 % – le potentiel d’économie promis par les véhicules entièrement autonomes. Les économies réalisées seraient alors du même ordre que les coûts de main-d’œuvre, qui représentent entre 25 % et 45 % des coûts supportés par les transporteurs routiers. Ces estimations se trouvent certes au bas de l’échelle des coûts, mais les exploitants profiteraient également d’avantages indirects, principalement de la possibilité d’exploiter leurs véhicules de manière plus flexible puisqu’il n’y aurait plus besoin de respecter les temps de repos obligatoires prévus pour les chauffeurs. Surtout, les camions sans conducteur permettraient au secteur de remédier à la pénurie de chauffeurs professionnels à laquelle il se trouve actuellement confrontée (FIT, 2017).
Les camions en pelotons roulant très près les uns derrière les autres, ils peuvent subir une traînée du vent plus faible et ainsi consommer moins de carburant. Cela dit, l’intérêt des convois routiers est davantage associé à leurs coûts d’exploitation plus faibles. Le rôle des camions autonomes dans la décarbonation est plus flou. Ils pourraient permettre de réduire la consommation de carburant, d’acheminer des chargements plus importants et d’éviter la congestion en circulant aux heures creuses. Cependant, une diminution importante des coûts peut entraîner une hausse de la demande et, par conséquent, faire croître l’activité de transport et le niveau des émissions.
Plus de la moitié des experts qui ont participé à l’enquête du FIT tablent sur une généralisation des convois routiers à l’horizon 2030 et des véhicules autonomes à l’horizon 2050. Plusieurs expérimentations de camions en pelotons connectés par un système numérique ont déjà eu lieu (Dutch Ministry of Infrastructure and the Environment, CEDR, & RDW, 2016), et des véhicules autonomes sont même déjà exploités à l’intérieur de zones bien délimitées et très contrôlées, par exemple des ports et des sites miniers. Des questions restent en suspens s’agissant de savoir quel sera en définitive l’ampleur du déploiement des deux solutions. À ce jour, aucun cas d’exploitation commerciale de camions entièrement autonomes n’a été recensé, même sur autoroute, alors que des essais ont pourtant eu lieu, avec un conducteur à bord (Davies, 2017).
Compte tenu des incertitudes dont le déploiement des camions entièrement autonomes reste empreint, il n’en a pas été tenu compte dans la modélisation de la situation de référence.
L’hypothèse retenue pour un scénario de rupture est que les gains d’efficience en matière de consommation de carburant offerts par les véhicules de fret routier entièrement autonomes cadrent avec les prévisions les plus optimistes qui transparaissent dans les travaux passés en revue, ce qui se traduit par une baisse des émissions de carbone par tonne-kilomètre de l’ordre de 14 %. Les coûts d’exploitation des camions sans conducteur par tonne-kilomètre sont de 45 % inférieurs aux valeurs actuelles, du fait de coûts de main-d’œuvre plus faibles (ou nuls) et d’une efficience opérationnelle plus élevée. Dans ce scénario de rupture, toutes les régions du monde voient les camions automatisés se multiplier plus vite dans le trafic interurbain que dans le paysage urbain. Comme dans d’autres scénarios, la variation des taux d’adoption suit une fonction logistique pour atteindre la valeur cible à l’horizon 2050.
Les camions autonomes n’ont guère d’incidence sur les émissions
De manière générale, si les camions autonomes devaient prédominer dans le fret routier, cela n’aurait guère d’incidence sur le niveau mondial des émissions de CO2. Dans ce scénario, le niveau atteint par les émissions en 2050 n’est que de 1 % inférieur à celui prévu dans le scénario d’ambitions inchangées. La baisse notable des coûts du fret fait reculer les coûts de transport en général, en conséquence de quoi le volume global de transport gonfle légèrement, de 1 %. À cela s’ajoute un report modal du rail et des voies navigables intérieures vers la route. Les modes aérien et maritime sont moins touchés.
Dans ce même scénario, le transport de surface produit globalement moins d’émissions, sauf dans quelques régions, dont l’Amérique du Nord (voir Graphique 5.15), où, par rapport au scénario d’ambitions inchangées, le volume du fret ferroviaire est inférieur de 15 % et celui du fret routier supérieur de 18 %. De tous les facteurs de rupture examinés dans ce chapitre à propos du fret routier, les camions autonomes entraînent un report modal massif du ferroviaire et des voies navigables intérieures au profit de la route, plus encore que les VGC ou les camions à émissions faibles ou nulles (voir Graphique 5.14 Graphique 5.18 et Graphique 5.19). Même si les camions autonomes devenaient plus efficients que ceux qui circulent actuellement, ils continueraient d’afficher une intensité de carbone plus élevée que le rail. C’est pourquoi les émissions augmentent en Amérique du Nord.
Les fortes réductions de coûts promises par les camions autonomes donnent lieu d’espérer un retour sur investissement plus élevé, ce qui permettra de financer de nouveaux investissements dans l’amélioration de la consommation de carburant et les technologies liées aux carburants de substitution. L’automatisation des véhicules pourrait donc indirectement aider à surmonter l’obstacle que pose le coût initial élevé de certaines de ces technologies. Une chute des coûts du fret routier, synonyme de compétitivité accrue, peut aussi doper la demande au point de contrebalancer tout gain d’efficience. Les pouvoirs publics peuvent y remédier, par exemple en soumettant les camions automatisés à des normes d’émissions très strictes et en prenant les dispositions requises pour qu’ils soient exploités aux heures creuses, de manière à éviter la congestion.
Les véhicules de grande capacité
Le poids et les dimensions des véhicules de fret routier sont régis par le droit interne. Dans la plupart des pays, les poids lours sont les véhicules de plus de 3.5 ou 4.5 tonnes. Les véhicules de grande capacité (VGC) sont des camions hors gabarit dont la circulation fait généralement l’objet de dispositions particulières et est limitée à certaines zones géographiques ou à des itinéraires spécifiques. Pouvant transporter davantage en effectuant moins de véhicules-kilomètres, ils consomment moins de carburant par unité de chargement, ce qui a une incidence sur les entreprises de transport, les affréteurs, les autorités de réglementation du transport routier de marchandises, les consommateurs et le grand public.
Compte tenu des normes nationales en vigueur, il est possible qu’un véhicule à cinq essieux de 22 mètres de long et 44 tonnes soit considéré comme un VGC dans un pays donné et comme un camion normal dans un autre. Un certain nombre de pays ont autorisé les VGC à titre permanent ou expérimental afin d’étudier les incidences de l’exploitation de véhicules plus volumineux et plus lourds. C’est notamment le cas de l’Australie, du Canada, des États-Unis, du Mexique, de l’Argentine, de la Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud et de plusieurs pays européens.
L’Union Européenne (UE) a mis en place le système modulaire européen (EMS) pour permettre à ses États membres d’autoriser leurs transporteurs à combiner des modules normalisés existants et, partant, de dépasser les restrictions générales en matière de poids et de dimensions. L’objectif initial était de faciliter la circulation de camions plus volumineux en Finlande et en Suède dans les années 80. L’avantage du système réside dans la souplesse qu’il confère aux transporteurs, qui recourent donc à des combinaisons plus longues, lorsqu’ils en ont la possibilité, et combinent moins de modules ou n’en utilisent qu’un seul lorsque la réglementation l’impose. Le Graphique 5.17 illustre la flexibilité offerte par l’EMS.
Qu’est-ce qui facilite la généralisation des véhicules de grande capacité destinés au transport routier de marchandises ?
L’intérêt pour les véhicules de grande capacité (VGC) tient à des facteurs liés à leur exploitation, au marché et à la réglementation (Aronietis, Sys, van Hassel, & Vanelslander, 2016). Les facteurs liés à l’exploitation des VGC sont d’ordre technologique et économique. Les facteurs technologiques renvoient à la disponibilité des technologies, en l’occurrence, celle des modules de véhicule ; les seconds à la possibilité de réduire les coûts de carburant et de main-d’œuvre par unité de chargement.
Le marché favorise le recours aux VGC du fait que, sous la pression de la concurrence, les transporteurs routiers cherchent à être toujours plus performants et, partant, à réaliser des économies sur les coûts. À cela s’ajoutent les réglementations nationales qui régissent le transport routier de marchandises, notamment du point de vue de la sécurité et de l’efficience. En général, les pouvoirs publics ont pour objectif de réduire le nombre et l’incidence des accidents, d’améliorer le bilan environnemental et d’accroître le rendement opérationnel. La présence de ces trois types de facteurs donne des raisons de penser que les véhicules de grande capacité feront bientôt partie intégrante du paysage. Reste à surmonter l’obstacle posé par l’absence de cadre réglementaire dans certaines régions.
Quelles seront les incidences des véhicules de grande capacité sur le transport routier de marchandises ?
Le recours à des camions plus longs et plus lourds fera grimper de 5 % à 12 % les coûts de transport par camion. À quantités égales de marchandises transportées, cela signifiera toutefois 10 % à 50 % de véhicule en moins, ce qui se traduira par une diminution réelle des coûts par unité de chargement (Vierth, et al., 2008). Un deuxième effet attendu est que cette baisse des coûts favorise un report du fret ferroviaire et fluvial, voire crée de la demande pour le fret routier, ce qui pourrait empêcher les modes moins carbonés mais plus coûteux de gagner des parts de marché. Il est peu probable que cet effet induit sur la demande neutralise complètement l’incidence d’un recul du trafic total en véhicules-kilomètres (OCDE, 2011). Il semble que l’incidence des VGC sur la répartition modale ait été surestimée par le passé (de Jong, 2017).
En effet, le report modal n’est qu’une réaction possible parmi d’autres de la baisse des coûts consécutive à une amélioration du rendement du fret routier. Les transporteurs pourraient aussi reconfigurer leur réseau logistique en revoyant l’emplacement des entrepôts, en modifiant la taille des cargaisons, en regroupant les opérations et en limitant le nombre de voyages à vide. À cela s’ajoute l’évolution possible de la demande, du fait notamment de la diversification des fournisseurs, de la clientèle et des lieux de production. En Suède, par exemple, la hausse du trafic routier en tonnes-kilomètres est essentiellement due à d’autres facteurs qu’un rendement amélioré par l’utilisation des VGC (Vierth, 2017).
Les conclusions des travaux de recherche consacrés aux incidences des VGC sont hétérogènes (Christidis & Leduc, 2009), en grande partie à cause de la diversité des hypothèses retenues au sujet de l’élasticité des prix du fret routier, mais aussi en termes de charges utiles, de distances et de coûts. Les évaluations empiriques des effets connus sont largement favorables (OCDE, 2011; McKinnon A. , 2014). Par exemple, au Canada, en Suède et en Australie, le déploiement des VGC s’est accompagné d’une réduction du trafic routier et des émissions de CO2 (Vierth, et al., 2008; Woodroffe, 2017). Le bilan général de l’utilisation de ces véhicules dépendra d’un certain nombre de facteurs, tels que le taux d’adoption, les caractéristiques géographiques de la région considérée, les modalités de fonctionnement des exploitants de VGC, le type et la densité des marchandises transportées ou encore les réseaux des modes de transport concurrents.
Selon toute vraisemblance, l’utilisation de camions d’une charge utile supérieure à 60 tonnes et de plus de 25.25 mètres de long procurera des avantages supplémentaires du point de vue environnemental. Les simulations réalisées dans le cadre d’une étude Suédoise montrent qu’en faisant passer les valeurs maximales autorisées de poids et de longueur de 64 tonnes et 25.25 mètres respectivement à 74 tonnes et 34 mètres, la Suède émettrait jusqu’à 12.17 mégatonnes de CO2 en moins entre 2018 et 2058 (Pålsson, Winslott Hiselius, Wandel, Khan, & Adell, 2017). D’après les estimations, en augmentant les limites de poids et de hauteur des véhicules de transport routier (passées de 60 tonnes et 4.2 mètres respectivement à 76 tonnes et 4.4 mètres), la Finlande aurait réduit ses émissions de CO2 de 65 000 tonnes en 2015 (Liimatainen & Nykänen, 2016).
Pour les transporteurs, toute la difficulté consiste à optimiser le chargement des véhicules. Selon la nature de la cargaison, la capacité est limitée, soit par les restrictions de poids, soit par le volume de marchandises pouvant être transporté. Ainsi, une augmentation des limites pondérales touchera surtout les marchandises denses, comme l’acier, et celle des dimensions maximales autorisées les marchandises volumineuses, comme les textiles ou les chaussures.
Les émissions produites par les véhicules à moteur diesel destinés au transport routier continuent de nuire à la qualité de l’air, malgré les améliorations qui ont suivi la mise en place des normes d’émission et de sécurité EURO. Il est toutefois difficile, sur le plan technologique, de réduire les émissions nocives de la combustion du diesel. Il n’est donc pas envisagé, dans un avenir proche, de parvenir à réduire davantage les émissions locales dues aux véhicules diesel. À plus long terme, les technologies non fondées sur les carburants hydrocarbonés, comme les véhicules électriques, sont beaucoup plus prometteuses pour lutter localement contre la pollution et les émissions de gaz à effet de serre (voir ci-dessus le passage consacré aux autoroutes électriques et à la transition énergétique). Bien que présentant d’abord un intérêt à court terme en termes de réduction des émissions de CO2, les véhicules de grande capacité trouvent des applications dans des contextes particuliers, comme en Amérique du Nord, où les véhicules américains et canadiens affichent des performances environnementales radicalement différentes (Graphique 5.20).
Consommant 0.037 litre de carburant et émettant 98.79 grammes de CO2 par unité de chargement, les poids lourds canadiens à double train (trains de type B) sont 68 % plus rentables que les tracteurs à semi-remorques qui circulent aux États-Unis et dont la consommation et le niveau d’émissions par unité de chargement s’élèvent à 0.063 litre et 165.9 grammes respectivement (Woodroffe, 2017). Seul l’assouplissement des limites de poids et dimensions actuellement appliquées donnera un coup de fouet au déploiement des véhicules de grande capacité. Un autre obstacle tient aux coûts de la mise à niveau de l’infrastructure routière qu’il faudra prévoir pour l’adapter aux poids et dimensions des VGC. Cela dit, dans la mesure où le volume de trafic devrait reculer avec la généralisation des VGC, il est tout à fait concevable qu’ils contribuent en outre à allonger la durée de vie des ouvrages consolidés (Pålsson, Winslott Hiselius, Wandel, Khan, & Adell, 2017).
Une application rigoureuse de la réglementation applicable aux VGC, grâce aux potentialités offertes par les technologies de suivi par GPS, de pesage et de mesure automatiques des véhicules peut contribuer à réduire le nombre des obstacles. Ces technologies permettent en effet de vérifier que les limites de poids et de dimensions sont respectées et que les véhicules circulent bien sur les voies ou à l’intérieur des zones qu’ils leur sont réservées. Dans la mesure où l’exploitation des VGC requiert que les infrastructures satisfassent à des prescriptions particulières (concernant, par exemple, le diamètre minimum requis des ronds-points ou la charge maximale admise sur les ponts), il est logique de circonscrire leur présence à des portions spécifiques du réseau routier et d’adapter les équipements en conséquence. Dans l’idéal, ils devraient circuler là où la société bénéficierait des hausses de rendement obtenues sur ces marchés de niche du secteur des transports.
Incidence modeste des véhicules de grande capacité en termes d’émissions et de report modal
Il ressort des exercices de simulation que les gains obtenus sous la forme d’une augmentation de la charge moyenne et de l’efficience logistique des véhicules de grande capacité compensent largement la hausse du volume d’activité et le niveau global des émissions qui en découlent, et ce même lorsque l’on prend en considération le report modal du rail (et des voies navigables intérieures) au profit de la route. Il n’en demeure pas moins crucial de réduire au minimum le phénomène de report modal inversé et la demande induite par la baisse des coûts du transport routier, sans quoi cette solution ne pourra contribuer à l’effort de décarbonation.
Dans l’ensemble, le scénario de rupture fondé sur les véhicules de grande capacité prévoit une diminution très modeste – 3 % – des émissions de CO2 par rapport au scénario d’ambitions inchangées. C’est toutefois nettement plus que dans les scénarios consacrés aux camions autonomes. L’incidence sur les volumes totaux de fret est minime, malgré une progression marginale du mode routier par rapport au ferroviaire dans la répartition modale du fret, laquelle est néanmoins bien plus faible que dans le scénario de rupture fondé sur les camions autonomes.
Pour établir la variation des coûts, on ne s’est pas uniquement intéressé aux axes réservés aux VGC. L’ensemble du réseau autoroutier et non urbain a été pris en considération. Les effets mis en évidence seront globalement modestes, mais amplifiés là où les VGC circuleront.
Les scénarios de rupture dans le transport de marchandises
Dans le scénario de rupture complète, qui repose sur la convergence de toutes les ruptures envisageables, précédemment décrites, et sur une action publique aux objectifs ambitieux en matière d’efficience logistique et technique, les émissions liées au transport de marchandises sont, en 2050, inférieures de 12 % à leurs niveaux de 2015. À moins que des ruptures et chocs extérieurs ne se produisent, le cas échéant sous l’impulsion des pouvoirs publics, il est peu probable que l’on parvienne à réduire sensiblement les émissions liées au transport de marchandises.
Une réduction des émissions n’est envisageable que si, parallèlement à l’exploitation de tous les leviers logistiques et technologiques, le transport routier de marchandises sur longues distances opère une transition énergétique qui le bouleverse et que des chocs exogènes surviennent, à l’instar de l’arrivée massive de l’impression 3D, qui enrayera la progression des échanges en valeur.
Un tel scénario est synonyme de ruptures importantes puisque les coûts de transport, les volumes d’activité et les chaînes logistiques subissent d’immenses changements et que de nouvelles technologies entrent en usage. Certes, la demande croît toujours, mais à un taux annuel composé de 2.5 % entre 2015 et 2050, contre 3.4 % dans le scénario d’ambitions inchangées. Les flux de transport diminuent sur les différents réseaux, sauf dans les rares cas où de nouvelles voies commerciales se développent. On pense en particulier à la navigation en Arctique et à la modernisation des lignes ferroviaires eurasiatiques.
Les changements prévus dans ce scénario supposent la mise en place de nouvelles infrastructures. Par exemple, la transition énergétique ne pourra pas se faire sans nouveaux investissements. Dans le même temps, il est possible que la diminution des flux de marchandises le long de certains corridors mettent les capacités d’une partie des liaisons et nœuds du réseau (par exemple, ports et aéroports) en situation d’excédent. D’où l’importance de bien planifier les investissements et d’évaluer les projets dans le secteur des transports, en tenant compte autant que possible de l’analyse des risques et des incertitudes. À cela s’ajoute l’impératif de disposer des données voulues pour mieux comprendre la dynamique actuelle et les répercussions potentielles des évolutions futures.
En comparaison avec le scénario d’ambitions inchangées, ce sont les modes maritime et aérien qui accuseront la plus forte baisse d’activité. La navigation intérieure ne sera pas épargnée compte tenu de son lien étroit avec le secteur maritime. Les transports routier et ferroviaire perdront le moins, en particulier le mode routier, qui, malgré son déclin, parviendra encore à s’emparer d’une partie du trafic du ferroviaire et des voies navigables intérieures.
Le Tableau 5.7 indique les conditions dans lesquelles la trajectoire suivie par les phénomènes précédemment décrits conduira ou non à une situation de rupture. Une plus grande efficience logistique et des chocs exogènes ne permettront pas aux émissions planétaires de CO2 de retomber sous les niveaux de 2015 à l’horizon 2050. En revanche, ils brideront l’activité de transport de marchandises, en ponctionnant 28 % de la croissance prévue dans le scénario d’ambitions inchangées à l’horizon 2050, et contribueront ainsi à réduire d’un quart les émissions de carbone connexes par rapport à la valeur de référence.
L’impression 3D est un facteur clé de la diminution de la demande de transport de marchandises. Dans le scénario fondé sur la généralisation de cette technologie, le volume des échanges internationaux se contracte fortement par rapport à l’évolution prévue dans le scénario d’ambitions inchangées, et davantage encore avec le fléchissement des livraisons de pétrole et de charbon. À cela s’ajoute, certes dans une moindre mesure, que les distances parcourues par les marchandises raccourcissent du fait de la mise en service de nouvelles voies commerciales.
Le Tableau 5.8 indique de quelle manière ces différentes trajectoires ont été combinées dans trois scénarios : un scénario de rupture complète, dans lequel toutes les ruptures envisagées ont lieu ; un scénario de rupture logistique, fondé sur l’hypothèse que seules des ruptures exogènes et logistiques interviendront, en particulier sous l’influence de l’évolution – telle que prévue dans le scénario d’ambitions élevées (lui-même fondé sur le scénario EV30@30 de l’AIE) – du commerce électronique, de l’impression 3D, du fléchissement des livraisons internationales de pétrole et de charbon, de l’ouverture de nouvelles voies commerciales et de l’amélioration de l’efficience logistique (ou de l’augmentation des charges moyennes) ; et le scénario de rupture technologique, qui part du principe que des ruptures de nature technologique se produiront, plus précisément du fait de l’essor des camions autonomes, des véhicules de grande capacité et de la transition énergétique des poids lourds.
Tableau 5.7. Hypothèses retenues dans les scénarios de rupture dans le transport de marchandises
Facteurs potentiels de rupture |
Hypothèses retenues dans le scénario sans rupture |
Hypothèses retenues dans le scénario de rupture |
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Commerce en ligne |
Hausse de 5 % supplémentaires à l’horizon 2050 de la demande de fret urbain par rapport au scénario d’ambitions inchangées dans les pays plus développés |
En 2050, la demande de fret urbain est supérieure de 25 % au niveau prévu dans le scénario d’ambitions inchangées dans les régions plus développées et de 10 % dans les autres régions. La croissance du Fret interurbain est égale à 25 % de celle en urbain. |
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Impression 3D |
Aucun changement par rapport au niveau actuel d’utilisation |
En 2050, la valeur globale des échanges est inférieure de 38 % au niveau prévu dans les scénarios d’ambitions inchangées et élevées sur la base des prévisions du commerce international. L’ampleur de la baisse varie selon le type de produit. |
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Nouvelles routes commerciales |
Modernisation prévue des infrastructures en Asie centrale. Amélioration de la liaison Europe-Asie par l’Arctique (avec des restrictions de capacité et de vitesse). |
Les projets de modernisation des infrastructures en Asie centrale sont mis à exécution, avec à la clé la diminution des temps de parcours, l’accroissement des capacités et la baisse des coûts de transport (ferroviaire) le long de deux corridors reliant l’Asie de l’Est à l’Europe, où le franchissement des frontières est également plus rapide. En 2030, des services maritimes réguliers sont assurés entre l’Asie et l’Europe. L’Arctique s’ouvre également à l’Asie et à l’Amérique du Nord, mais à un coût plus élevé. La qualité des infrastructures s’améliore en Afrique, où les trajets s’effectuent plus rapidement à un coût moindre. |
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Transition énergétique dans le fret lourd sur longues distances |
Hypothèses d’évolution technologique tirées du scénario « Nouvelles politiques » de l’AIE (AIE, 2018a) |
À l’horizon 2050, 37 % des tkm effectués par des poids lourds le sont par des véhicules roulant aux carburants de substitution. Ils sont d’abord plus onéreux, puis coûtent moins cher que les carburants classiques en 2050. Leur utilisation et leurs coûts varient d’une région à l’autre. |
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Camions autonomes |
Aucun changement par rapport au niveau actuel d’utilisation |
En 2050, leur taux d’utilisation interurbaine atteint 90 % dans certaines régions (Europe, Amérique du Nord, Chine, Japon et Corée du Sud). Il est plus faible pour le fret urbain. L’intensité carbone a diminué de 14 % et les coûts de 45 % par rapport aux valeurs actuelles. |
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Véhicules de grande capacité |
Les véhicules de grande capacité assurent 5 % du fret routier interurbain. Là où ils circulent, la charge moyenne a augmenté de 50 % et les coûts fondu de 20 % par tonne-kilomètre. |
Les véhicules de grande capacité assurent 20 % du fret routier interurbain. Là où ils circulent, la charge moyenne a augmenté de 50 % et les coûts fondu de 20 % par tonne-kilomètre. |
Une plus grande efficience logistique et des chocs exogènes ne permettront pas aux émissions planétaires de CO2 de retomber sous les niveaux de 2015 à l’horizon 2050. En revanche, ils infléchiront la croissance de l’activité de transport de marchandises, en la réduisant de 28 % par rapport au scénario d’ambitions inchangées à l’horizon 2050, et contribueront ainsi à réduire d’un quart les émissions de carbone connexes par rapport à cette référence.
L’impression 3D est un facteur clé de la diminution de la demande de transport de marchandises. Dans le scénario fondé sur la généralisation de cette technologie, le volume des échanges internationaux se contracte fortement par rapport à l’évolution prévue dans le scénario d’ambitions inchangées, et davantage encore avec le fléchissement des livraisons de pétrole et de charbon. À cela s’ajoute, certes dans une moindre mesure, que les distances parcourues par les marchandises raccourcissent du fait de la mise en service de nouvelles routes commerciales.
Tableau 5.8. Scénarios de rupture dans le transport de marchandises
Mesures d’atténuation |
Rupture logistique |
Rupture technologique |
Rupture complète |
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Baisse de la consommation internationale de charbon et de pétrole |
La consommation de charbon a diminué de moitié en 2035 La consommation de pétrole baisse de 33 % à l’horizon 2035 |
La consommation de charbon a diminué de moitié en 2035 La consommation de pétrole baisse de 33 % à l’horizon 2035 |
La consommation de charbon a diminué de moitié en 2035 La consommation de pétrole baisse de 33 % à l’horizon 2035 |
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Amélioration de l’efficacité énergétique et déploiement des véhicules électriques |
Scénario « Nouvelles politiques » de l’AIE |
Scénario EV30@30 de l’AIE |
Scénario EV30@30 de l’AIE |
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Efficience logistique |
Scénario EV30@30 de l’AIE |
Scénario « Nouvelles politiques » de l’AIE |
Scénario EV30@30 de l’AIE |
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Facteurs potentiels de rupture |
Rupture logistique |
Rupture technologique |
Rupture complète |
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Commerce électronique |
Rupture |
Pas de rupture |
Rupture |
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Impression 3D |
Rupture |
Pas de rupture |
Rupture |
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Nouvelles routes commerciales |
Rupture |
Pas de rupture |
Rupture |
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Transition énergétique dans le fret lourd sur longues distances |
Pas de rupture |
Rupture |
Rupture |
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Camions autonomes |
Pas de rupture |
Rupture |
Rupture |
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|
Véhicules de grande capacité |
Pas de rupture |
Rupture |
Rupture |
Note : Se reporter au Tableau 5.7 pour une description des hypothèses retenues dans les scénarios de rupture et d’absence de rupture.
La réduction des flux de transport est plus prononcée dans l’aérien et le maritime, modes plus directement en relation avec le commerce international. Par rapport au scénario d’ambitions inchangées, les volumes de fret aérien sont deux fois moins importants et ceux du fret maritime inférieurs de 35 %. Les grands changements qui touchent les volumes d’activité de transport dans les scénarios de rupture complète trouvent leur origine dans les ruptures considérées dans le scénario de rupture logistique.
Des objectifs technologiques très ambitieux et les ruptures corollaires sont en mesure d’enrayer les émissions dans une proportion plus élevée que les mesures logistiques et les chocs exogènes. Cependant, la technologie ne saurait à elle seule ramener à l’horizon 2050 les émissions à leurs niveaux de 2015 ou en-deçà. Dans ce scénario, les émissions augmentent encore de 22 % entre 2015 et 2050.
Outre un recul général des émissions, le scénario d’ambitions élevées voit un important report modal du rail et des voies navigables intérieures vers la route. Sous l’effet cumulatif de la diminution des coûts du fret routier, due à l’adoption en masse des camions autonomes, des véhicules de grande capacité et des camions à émissions faibles ou nulles, il prévoit pour 2050 des volumes de fret routier de 8 % plus élevés que le scénario d’ambitions inchangées, ainsi qu’une activité moindre de 12 % pour le mode ferroviaire et de 2 % pour les voies navigables intérieures.
Le report modal vers la route tend à être plus important dans les régions dans lesquelles la part du fret ferroviaire est relativement élevée. En Amérique du Nord, par exemple, l’activité ferroviaire projetée pour 2050 est amputée de 19 % par rapport au scénario d’ambitions inchangées (Graphique 5.24), alors que le fret routier gagne 20 %. Un constat identique – augmentation de la part du fret routier et recul du ferroviaire – est dressé dans le cas de la Chine, de l’Inde et de l’Australie. Dans ce scénario, le transport aérien gagne du terrain, mais simplement en raison de la progression relative des produits de base à forte densité de valeur que l’on préfère acheminer par les airs.
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Notes
← 1. De nombreuses transactions d’entreprise à entreprise n’ont pas nécessairement d’incidences sur les transports, soit parce qu’elles n’influent pas de manière significative sur la physionomie des transports, soit, comme c’est de plus en plus souvent le cas, parce que ces transactions n’impliquent aucun transport de marchandises (conception de sites web ou autres services numériques, par exemple).
← 2. Le caractère substitutif ou complémentaire des achats en ligne et en magasin peut également varier selon le type de produit et la fréquence d’achat. Toutefois, bien que les effets nets du commerce électronique de biens de consommation sur les déplacements soient incertains, le commerce électronique de services est quant à lui susceptible de réduire les déplacements (Commission européenne, 2001).
← 3. Le canal de Kra offrirait une voie nouvelle aux flux qui passent à l’heure actuelle par le détroit de Malacca, le couloir maritime le plus fréquenté au monde. Cependant, les projets de construction qui ont vu le jour au siècle dernier ne se sont jamais matérialisés, en raison de leur coût financier et de préoccupations environnementales. La Chine et la Thaïlande sont revenues sur cette idée à l’occasion de conférences tenues en 2017 et 2018.