Les perspectives mondiales sont fragiles, alors que l’on voit se multiplier les signes indiquant que le ralentissement conjoncturel est en train de s’installer. La croissance du PIB reste faible, avec un ralentissement qui touche la quasi-totalité des économies cette année, et les échanges mondiaux stagnent. Les tensions autour de la politique commerciale, qui n’ont cessé de s’aviver depuis mai, heurtent de plus en plus la confiance et l’investissement, accentuant les incertitudes liées à l’action publique. Les conditions favorables sur les marchés du travail vont continuer de soutenir les revenus des ménages et les dépenses de consommation, au moins à court terme, mais les données issues des enquêtes laissent présager un fléchissement. Les prix des actifs restent élevés, confortés par la transition vers une orientation plus accommodante de la politique monétaire dans de nombreuses économies, mais les retombées positives sur l’activité réelle apparaissent moins importantes qu’elles n’ont pu l’être dans le passé. Dans de nombreux pays, l’assouplissement budgétaire reste limité et il reste possible d’exploiter davantage la faiblesse des taux d’intérêt pour soutenir la croissance. Au total, la croissance du PIB mondial devrait se maintenir à environ 3 % en 2020 et 2021 après être descendu à 2.9 % cette année, soit le niveau le plus faible observé depuis la crise financière (tableau 1.1). L’inflation devrait rester modérée. La croissance des échanges mondiaux ne devrait se redresser que lentement, compte tenu de la poursuite des tensions commerciales, et l’intensité des échanges restera faible sur la période 2019‑21. Ces évolutions font craindre que les anticipations de croissance ne continuent à diminuer en l’absence de réaction des pouvoirs publics. La réallocation des activités entre les pays et les ajustements des chaînes d’approvisionnement qui résultent de la persistance des tensions commerciales freinent la demande et risquent de peser sur la croissance à moyen terme, du fait de la baisse de la productivité et des incitations à investir qui en découlera.
La croissance pourrait être encore plus médiocre en cas de concrétisation des risques de révision à la baisse des prévisions ou d’interactions entre ces différents risques, qui incluent l’aggravation des mesures de restriction des échanges et de l’investissement transnational, la poursuite des incertitudes liées au Brexit, un échec des mesures de relance en Chine à prévenir un ralentissement plus marqué de l’activité, et des vulnérabilités financières découlant des tensions provoquées par le ralentissement de la croissance, concomittant à un niveau élevé de la dette des entreprises et à la détérioration de la qualité du crédit. Une hausse persistante des prix du pétrole, dans l’éventualité d’une nouvelle aggravation des tensions géopolitiques, pourrait aussi assombrir les perspectives de croissance. En revanche, une action déterminée de la part des décideurs publics s’employant à réduire les incertitudes liées à leur action et à améliorer les perspectives de croissance à moyen terme, notamment par des mesures visant à rétablir une meilleure prévisibilité des politiques commerciales, serait bénéfique pour la croissance partout dans le monde. En particulier, une inversion totale ou même partielle des restrictions commerciales mises en place ou annoncées cette année donnerait un coup de pouce à la croissance, même si les incertitudes sur l’avenir des politiques commerciales vont sans doute persister.
L’atonie des perspectives économiques et la montée des risques de révision à la baisse par rapport aux prévisions demandent une action immédiate de la part des responsables de l’action publique pour réduire les incertitudes politiques, soutenir suffisamment lademande, augmenter la résilience vis‑à‑vis des risques et améliorer les perspectives d’évolution des niveaux de vie à moyen terme. Le manque de prévisibilité de la politique commerciale doit faire place à des approches collectives plus ordonnées, susceptibles d’aboutir au rétablissement d’un système transparent et fondé sur des règles propre à encourager les entreprises à investir. La politique monétaire a déjà pris un tour plus accommodant cette année dans la plupart des grandes économies, et une certaine marge d’assouplissement supplémentaire existe dans les économies de marché émergentes où l’inflation diminue et où les déséquilibres macroéconomiques sont limités. Dans de nombreuses économies avancées, particulièrement la zone euro, faire jouer les leviers budgétaires et structurels en plus de la politique monétaire permettrait d’étayer plus solidement la croissance et de générer moins de risques financiers qu’en mobilisant principalement la politique monétaire. Le niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt offre la possibilité d’utiliser plus activement la politique budgétaire pour engager des mesures propres à soutenir la demande à court terme et à améliorer les perspectives d’une croissance durable à moyen terme. Il faut revoir à la hausse les ambitions de réforme structurelle dans toutes les économies pour aider à compenser l’impact des chocs négatifs sur l’offre provoqués par l’augmentation des restrictions imposées aux échanges et à l’investissement transnational, améliorer la confiance et faciliter l’adoption des mesures nécessaires à l’amélioration des niveaux de vie et des perspectives de chacun. Si des risques de dégradation par rapport aux prévisions se concrétisent et s’il s’avère que la croissance mondiale est considérablement inférieure à ce qui était prévu, une action coordonnée de la part des pouvoirs publics, dans toutes les grandes économies, constituerait la réponse la plus efficace et la plus opportune.