Dans ce rapport, nous étudions les avantages potentiels et les conséquences possibles d’actions internationales plus ou moins ambitieuses pour lutter contre la pollution plastique. Ses principaux messages sont les suivants :
1. Le statu quo est intenable, car les flux de plastique et leurs impacts environnementaux continueront de croître rapidement.
a. La production annuelle de matières plastiques passera de 435 millions de tonnes (Mt) en 2020 à 736 Mt en 2040 selon le scénario de référence. La part des plastiques recyclés dans le total restera inchangée à 6 % (soit 41 Mt en 2040).
b. La gestion des déchets devrait certes s’améliorer, mais pas au point d’absorber la croissance des déchets plastiques (qui passeront de 360 Mt en 2020 à 617 Mt en 2040), si bien que le volume de déchets mal gérés devrait atteindre 119 Mt en 2040 (contre 81 Mt en 2020).
c. Les rejets de plastique dans l’environnement se poursuivront (leur volume passant de 20 Mt en 2020 à 30 Mt en 2040), et les effets délétères sur l’environnement et la santé s’en trouveront amplifiés. Le volume de plastique présent dans les cours d’eau et les océans sera quasiment multiplié par deux pour s’établir à 300 Mt en 2040, contre 152 Mt en 2020.
d. Les émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) liées au cycle de vie des plastiques atteindront 2.8 gigatonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Gt éq. CO2) en 2040 (soit 5 % des émissions mondiales), contre 1.8 Gt éq. CO2 en 2020, et seront surtout le fait de la production et de la transformation des plastiques.
2. On ne pourra pas venir à bout de la pollution plastique par des demi-mesures, qu’il s’agisse d’une action axée uniquement sur l’amélioration de la gestion des déchets, d’une action de vaste portée mais peu rigoureuse ou d’une action ambitieuse sur l’ensemble du cycle de vie menée seulement par les économies avancées.
a. L’amélioration de la gestion des déchets dans tous les pays peut permettre de ramener la part des déchets mal gérés à 9 % d’ici à 2040 (contre 23 % en 2020). Néanmoins, 54 Mt de déchets plastiques resteraient ainsi mal gérés en 2040.
b. L’application de mesures rigoureuses par les seules économies avancées a peu de chances de ramener le volume de déchets plastiques mal gérés en dessous des niveaux de 2020. De même, une action mondiale vaste mais peu ambitieuse n’est guère susceptible d’infléchir sensiblement les tendances du scénario de référence.
c. De telles stratégies « d’ambition partielle » ne permettront pas de faire passer la production et l’utilisation de plastique primaire sous les niveaux de 2020. On ne pourra pas mettre fin à la mauvaise gestion des déchets plastiques sans appliquer des mesures très rigoureuses de limitation de la production et de la demande à l’échelle mondiale.
3. L’application de mesures rigoureuses le long du cycle de vie des plastiques dans l’ensemble des pays peut empêcher une hausse de la production de plastique primaire par rapport à 2020 et faire cesser presque entièrement les rejets de plastique dans l’environnement à l’horizon 2040.
a. L’application conjuguée de politiques rigoureuses ciblant la production et la demande (limitant l’utilisation totale de plastique à 508 Mt en 2040) et de politiques favorisant le recyclage (permettant de quadrupler le taux de recyclage pour le porter à 42 %) peut garantir que la croissance de l’utilisation de plastique est entièrement couverte par les plastiques secondaires.
b. Une telle démarche peut permettre d’éliminer presque entièrement les déchets mal gérés d’ici à 2040 (puisque leur volume serait inférieur de 97 % à celui prévu dans le scénario de référence) et de réduire de 74 Mt le volume de matières plastiques parvenant dans les cours d’eau et les océans par rapport au scénario de référence.
c. Une action rigoureuse des pouvoirs publics peut ramener les émissions de GES liées au plastique à 1.7 Gt éq. CO2 en 2040, bien en dessous des projections du scénario de référence (2.8 Gt éq. CO2).
4. Le coût macroéconomique d’une action mondiale ambitieuse est modeste dans l’ensemble, mais inégalement réparti entre les régions.
a. D’après les projections, la mise en œuvre d’une telle action ciblant les différentes étapes du cycle de vie entraînerait une perte de PIB mondial de 0.5 % en 2040 par rapport au scénario de référence, mais se traduirait aussi par une très nette amélioration de la situation de l’environnement. En procédant plus lentement, on peut espérer certains avantages économiques à court terme, mais on aboutit à des niveaux de pollution beaucoup plus élevés.
b. Les pays non membres de l’OCDE supporteront des coûts plus élevés que les pays membres (perte de PIB de 0.6 % par rapport au scénario de référence en 2040 pour les premiers, contre 0.4 % pour les seconds), dans la mesure où les efforts les plus importants devront être déployés dans les pays dotés des systèmes de gestion des déchets les moins développés, à commencer par ceux d’Afrique subsaharienne (où la perte de PIB serait de 1.5 %).
5. L’application d’une approche ambitieuse ciblant l’ensemble du cycle de vie à l’échelle mondiale nécessite de surmonter d’importants obstacles techniques, économiques et de gouvernance.
a. L’amélioration de la collecte des déchets, en particulier dans beaucoup de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, est primordiale pour réduire les déchets mal gérés, mais nécessite des cadres d’action solides et des sources de financements suffisants et stables.
b. Pour mettre fin aux rejets de plastique à l’horizon 2040, il est nécessaire de faire progresser sensiblement le rendement et la qualité du tri et du recyclage des déchets dans l’ensemble des régions du monde (afin de porter le taux de recyclage mondial de 9.5 % en 2020 à 42 % en 2040). Il faut des marchés vigoureux des rebuts et des matières plastiques secondaires pour que le recyclage du plastique soit économiquement viable.
c. Des efforts de recherche coordonnés et des normes harmonisées au niveau international sont nécessaires pour aboutir à des critères d’écoconception dont l’application permettra d’éliminer progressivement les matières plastiques problématiques ou inutiles et les substances chimiques dangereuses, ainsi que de faciliter le tri et le recyclage des déchets.
6. Pour mettre fin aux rejets de plastique, il s’agira de mobiliser d’importantes ressources financières et de renforcer la coopération internationale.
a. Dans l’hypothèse de politiques inchangées, les besoins mondiaux en investissements pour gérer les déchets plastiques s’élèveront à 2 100 milliards USD entre 2020 et 2040. En cas d’application de politiques de réduction des déchets et de réorientation des flux d’investissement vers le tri et le recyclage des déchets, les investissements supplémentaires nécessaires pour mettre fin aux rejets de plastique pourraient se limiter à 50 milliards USD d’ici à 2040.
b. La mise en œuvre de politiques efficaces nécessitera de mobiliser différentes sources de financement public et privé et de mettre les flux de capitaux au service d’interventions le long du cycle de vie des plastiques, notamment pour déployer à plus grande échelle les systèmes de réemploi et promouvoir l’écoconception.
c. On s’attend à ce que les pays en développement, qui sont souvent les plus vulnérables à la pollution plastique, engagent des efforts majeurs. Cela souligne la nécessité de renforcer la coopération et le financement internationaux. Le financement du développement peut jouer un rôle de catalyseur et mobiliser d’autres sources de financement.
d. Une montée en puissance de la coopération technique, du renforcement des capacités et du transfert de technologie est essentielle pour mettre en place des cadres d’action solides, fiabiliser les recettes nécessaires au financement de la collecte et du traitement des déchets dans le pays (responsabilité élargie des producteurs, par exemple) et cibler les applications problématiques.
7. Il est primordial de mettre fin aux rejets de plastique, mais d’autres facettes de la pollution plastique nécessitent également des interventions.
a. Nonobstant les importants avantages découlant d’une action mondiale ambitieuse, les politiques modélisées sont insuffisantes pour lutter contre toutes les facettes de la pollution plastique plutôt que contre les seuls rejets dans l’environnement. Des interventions ciblées supplémentaires seront nécessaires pour réduire les risques associés à la pollution par les microplastiques et aux substances chimiques préoccupantes.
b. Même dans le scénario d’action mondiale ambitieuse, la quantité de plastique présent dans les cours d’eau et les océans continuera d’augmenter pour atteindre 226 Mt en 2040 (contre 151 Mt en 2020). Des interventions de dépollution efficaces et économes seront nécessaires pour atténuer les risques environnementaux et sanitaires, surtout dans les endroits très pollués.
c. Pour réduire davantage encore les émissions de GES liées au plastique afin qu’elles soient compatibles avec la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, il conviendra de prendre des mesures ciblées, y compris, le cas échéant, de réformer le soutien public à la production et à la transformation de polymères primaires.