Ce chapitre décrit les tendances en cas de maintien du statu quo, telles que projetées dans le scénario de référence. Le scénario de référence modélise les flux actuels de plastiques dans l’économie et établit des projections à l’horizon 2040, notamment concernant la production et l’utilisation de plastiques, les déchets plastiques et leur devenir en fin de vie, la mauvaise gestion des plastiques, les rejets dans l’environnement et les émissions de gaz à effet de serre. Les projections du scénario de référence relatives aux flux de plastiques découlent des tendances socioéconomiques propres à chaque pays attendues au cours des prochaines décennies.
Scénarios d’action pour l’élimination de la pollution plastique à l’horizon 2040
2. Le maintien du statu quo n’est pas soutenable
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2.1. La production et la demande de plastiques primaires continueraient à croître
Copier le lien de 2.1. La production et la demande de plastiques primaires continueraient à croîtreComme l’expose en détail le rapport Perspectives mondiales des plastiques (OCDE, 2023[1]), la production et l’utilisation de plastiques dans l’industrie ont commencé à s’accélérer dans l’après-guerre et ont augmenté plus rapidement que pour n’importe quel autre produit de base, ce qui met en évidence la dépendance accrue de nos économies à l’égard des matières plastiques. La production et la demande de plastiques dans le monde, fibres et additifs compris, ont atteint 435 millions de tonnes (Mt) en 2020. Si les plastiques apportent de nombreux avantages à la société, les flux actuels de plastiques dans l’économie mondiale ne sont ni soutenables ni circulaires. Selon les projections du modèle ENV-Linkages (voir chapitre 3 et annexe A), le scénario de référence prévoit que les tendances actuelles de la croissance démographique et de l’augmentation des revenus entraîneraient une hausse de 70 % par an de la production et de l’utilisation de plastiques en 2040, qui passeraient de 435 Mt en 2020 à 736 Mt en 2040 (Graphique 2.1)1. Dans l’ensemble, la croissance incessante de la production et de l’utilisation de plastiques suscite des préoccupations quant à l’amplification des conséquences néfastes sur la santé humaine, l’environnement et les moyens de subsistance.
L’utilisation de plastiques devrait augmenter dans toutes les régions, mais la composition régionale de l’utilisation de plastiques dans le monde devrait continuer à changer en raison de la croissance rapide de la demande dans les économies émergentes en Asie, en Afrique et en Amérique latine. À mesure que la population mondiale augmente et que le niveau de vie continue de s’améliorer, les économies émergentes et en développement rattrapent progressivement les pays à revenu élevé en matière d’utilisation de plastiques. Ce facteur, conjointement avec l’amélioration de l’efficacité de la production et les changements structurels, notamment la transition vers les services, a des conséquences sur la demande de matériaux, dont les plastiques. La production et l’utilisation de plastiques dans le monde devraient croître plus vite que la population. C’est en Inde et en Afrique subsaharienne que l’utilisation de plastiques devrait augmenter le plus rapidement, alors que la Chine devrait rester la région dont la part dans l’utilisation mondiale de plastiques est la plus élevée (22 %). Même si la part des pays de l’OCDE dans l’utilisation mondiale de plastiques devrait diminuer, l’utilisation de plastiques devrait encore augmenter dans ces pays ainsi que dans les pays d’Amérique latine et d’Eurasie non membres de l’OCDE.
À l’échelle mondiale, l’augmentation prévue de l’utilisation de plastiques entre 2020 et 2040 est quelque peu inférieure à la hausse prévue du PIB. Ainsi, l’intensité d’utilisation de plastiques dans l’économie, qui se mesure en divisant l’utilisation de plastiques (en tonnes) par le PIB (en millions USD), diminue progressivement, quoique de manière modeste et pas dans toutes les régions (Graphique 2.2). La réduction de l’intensité d’utilisation résulte d’une combinaison de progrès technologiques permettant à la valeur ajoutée de croître plus rapidement que les intrants matériels nécessaires à la production (OCDE, 2023[1]). Les évolutions en matière de spécialisation économique jouent également un rôle. Par exemple, la transition vers les services, dont l’intensité d’utilisation de plastiques est inférieure à la moyenne, entraîne un recul de l’intensité moyenne d’utilisation de plastiques, alors que l’industrialisation mène généralement à une augmentation de celle-ci.
Le scénario de référence postule qu’aucune nouvelle mesure n’est mise en place pour décourager l’utilisation de plastiques primaires. Cela entraîne une hausse de la production de plastiques secondaires en raison de la progression attendue du recyclage qui suit la croissance de la demande (soit 70 % entre 2020 et 2040) et de la production primaire. Par conséquent, la part des plastiques secondaires dans la production totale demeure assez stable, avec une moyenne mondiale de 6 %.
Si l’on produit et consomme des plastiques partout, la demande totale de plastiques varie d’une région à une autre. Actuellement, les pays de l’OCDE et la Chine comptent pour deux tiers de l’utilisation. Comme pour tous les matériaux employés comme intrants dans les processus de production, il existe une corrélation étroite entre l’utilisation de plastiques et le développement socioéconomique. Conformément à l’évolution de la dynamique économique des régions et des pays, l’importance relative des pays de l’OCDE dans la consommation mondiale de plastique n’a cessé de diminuer, alors que la croissance économique dans les économies émergentes stimule désormais la progression de l’utilisation de plastiques dans le monde, comme l’explique le rapport (OCDE, 2023[2]).
Pour mieux comprendre l’évolution de l’utilisation par application et la demande connexe de polymères plastiques, le modèle ENV-Linkages cartographie l’utilisation de plastiques par polymère et par application aux secteurs représentés dans le modèle (voir également l’annexe A). Les liens entre les polymères et les applications sont complexes, car les mêmes polymères peuvent être utilisés de diverses manières dans plusieurs applications ; certains polymères représentent en outre une grande variété de plastiques qui sont regroupés dans une seule catégorie, car ils partagent certaines caractéristiques. Par exemple, le polypropylène (PP) est utilisé pour les emballages, entre autres applications, et concerne plusieurs secteurs, dont les produits alimentaires et les services aux entreprises.
Le scénario de référence semble indiquer que ce sont les applications dans le secteur des équipements électriques/électroniques et des transports qui connaîtront la hausse la plus rapide de l’utilisation de plastiques entre 2020 et 2040 (Graphique 2.3). L’application concernant le secteur des équipements électriques/électroniques est relativement modeste comparée à d’autres applications, mais elle est associée à de nombreux polymères et devrait passer de 9 Mt en 2020 à 21 Mt en 2040 dans les pays non membres de l’OCDE, ce qui reflète une forte croissance industrielle. La progression de l’utilisation de plastiques pour cette application est limitée dans les pays de l’OCDE, avec une augmentation de 7 Mt en 2020 à 9 Mt en 2040. La hausse de l’utilisation de plastiques dans les transports est également soutenue, dans ce cas précis parce que cette utilisation est davantage concentrée dans les pays en développement et les économies émergentes en croissance rapide que pour les autres applications : en 2040, moins de 30 % de l’utilisation de plastiques dans le secteur des transports devrait avoir lieu dans les pays de l’OCDE.
L’utilisation de plastiques pour les emballages, l’application la plus importante, devrait augmenter de près de 70 % entre 2020 et 2040, ce qui en ferait l’application affichant la plus forte croissance absolue (+95 Mt entre 2020 et 2040). Cette hausse substantielle concerne le polyéthylène basse densité (PEBD et polyéthylène basse densité linéaire ou PEBDL), le polypropylène (PP), le polyéthylène haute densité (PEHD) et le polyéthylène téréphtalate (PET)2. Elle montre que les politiques actuelles ne sont pas suffisantes pour neutraliser la hausse de l’utilisation de plastiques par les principaux secteurs qui dépendent des emballages, notamment les services aux entreprises, les produits alimentaires et le commerce.
Le polychlorure de vinyle (PVC), principalement employé dans la construction, est le polymère dont la progression est la plus lente, avec une augmentation inférieure à 60 % entre 2020 et 2040. Néanmoins, il s’agit d’une catégorie non négligeable, avec une hausse en valeur absolue de 15 Mt entre 2020 et 2040 rien que dans la construction (colonne de droite du Graphique 2.3). En revanche, le recours aux fibres, qui sont employées pour les textiles, et aux élastomères, utilisés pour la fabrication des pneus, devrait augmenter de près de 80 %, passant de 61 Mt à 109 Mt. Ces différences de tendances parmi les polymères et les applications sont le résultat des disparités de la croissance économique sectorielle régionale et soulignent l’importance d’une approche circonstanciée dans laquelle l’utilisation de plastiques est liée à des activités économiques précises dans des secteurs et des pays particuliers.
Encadré 2.1. Solutions pour remplacer les plastiques d’origine fossile : plastiques biosourcés, compostables et biodégradables et défis liés aux matériaux de substitution
Copier le lien de Encadré 2.1. Solutions pour remplacer les plastiques d’origine fossile : plastiques biosourcés, compostables et biodégradables et défis liés aux matériaux de substitutionLes plastiques biosourcés sont des plastiques fabriqués entièrement ou partiellement à partir de ressources biologiques plutôt que de combustibles fossiles. Dans le scénario de référence, la production de plastiques biosourcés devrait croître, mais à un rythme moins rapide que la production totale de plastiques. Dans l’ensemble, sa part reste une fraction marginale de la production totale (0.5 % en 2040). Les conséquences environnementales de la hausse de l’utilisation des bioplastiques ne sont pas faciles à calculer. D’une part, les plastiques biosourcés peuvent offrir des avantages, car leur production est plus sobre en carbone que celle des plastiques d’origine fossile. D’autre part, des préoccupations existent quant aux répercussions sur l’utilisation des sols, car une augmentation de la demande de plastiques biosourcés pourrait accroître la surface de terres arables nécessaire, entraînant potentiellement la conversion de forêts et donc une hausse des émissions de gaz à effet de serre.
Les plastiques compostables représentent un cas particulier, à savoir un sous-ensemble de plastiques biodégradables qui se décomposent dans les installations de compostage industrielles. Les plastiques compostables peuvent être biosourcés ou produits à partir de combustibles fossiles. S’ils sont d’origine responsable, les plastiques compostables peuvent jouer un rôle important dans la réduction des incidences environnementales des plastiques et de la dépendance connexe à l’égard des combustibles fossiles. L’existence de systèmes de collecte performants, avec une collecte séparée des déchets organiques, est essentielle pour garantir la bonne gestion de ces matériaux en fin de vie. L’Union européenne recommande que les plastiques compostables soient réservés à des applications spécifiques. Par exemple, l’utilisation de plastiques compostables dans des applications comme les autocollants présents sur les fruits et les sacs pour les déchets alimentaires compostables pourrait permettre d’empêcher la contamination des flux de déchets organiques (Commission européenne, DG de la recherche et de l’innovation, 2021[3]). En revanche, il convient d’éviter les plastiques compostables (et biodégradables) dans les contextes caractérisés par un risque élevé de rejets dans l’environnement, la biodégradation dans les milieux naturels étant limitée, voire impossible. Les plastiques compostables ou biodégradables ne doivent en aucun cas être considérés comme une solution aux dépôts sauvages ou à la mauvaise gestion des déchets. De plus, la collecte séparée et la gestion des plastiques compostables nécessitent des infrastructures spécifiques, dont la plupart des pays ne disposent pas encore.
Outre la substitution entre différents types de plastiques, le plastique peut également être remplacé par d’autres matériaux, selon le secteur et le produit. Par exemple, le papier et le bois sont de plus en plus utilisés pour fabriquer des produits à usage unique tels que les assiettes jetables ou pour transformer des produits à usage unique en produits réutilisables, comme c’est le cas notamment pour les bouteilles d’eau réutilisables en métal. Pour d’autres applications, il existe moins de solutions pour remplacer les plastiques, comme dans la production de matériel électronique. Il convient d’évaluer les matériaux de substitution possibles au cas par cas afin d’examiner les effets socioéconomiques et environnementaux nets. En raison d’un manque de données et d’informations, ainsi que de la complexité globale et de la dépendance au contexte des répercussions environnementales résultant de la substitution, il n’est pas possible d’établir des projections pour ces types de solutions de remplacement dans le cadre du présent exercice de modélisation. Toutefois, le cadre de modélisation ENV-Linkages tient compte de la manière dont les différents matériaux progressent en réponse à l’évolution des prix des produits et de la demande. Le modèle inclut également les effets de substitution induits par le remplacement des plastiques par le papier, les métaux, les minerais non métalliques et les produits du bois, comme faisant partie intégrante des ensembles de mesures envisagées.
2.2. Les déchets plastiques continueraient d’augmenter, principalement sous l’effet des applications à courte durée de vie et de la croissance des économies émergentes
Copier le lien de 2.2. Les déchets plastiques continueraient d’augmenter, principalement sous l’effet des applications à courte durée de vie et de la croissance des économies émergentesL’utilisation actuelle de plastiques engendre des volumes élevés de déchets, notamment des déchets municipaux et industriels solides. Dans le scénario de référence, la production de déchets plastiques augmenterait de 70 % entre 2020 et 2040, passant de 360 Mt à 617 Mt, ce qui alourdirait sensiblement le fardeau lié à la collecte et au traitement de déchets plastiques. Les applications à usage unique ou à courte durée de vie font partie des principales sources de déchets plastiques (Graphique 2.4). À l’échelle mondiale, la part des emballages dans les déchets demeure relativement constante au fil du temps, tandis que la part des plastiques provenant du bâtiment et de la construction passe de 14 % en 2020 à 22 % en 2040 (Graphique 2.5). C’est en Afrique subsaharienne, en Inde et dans le reste de la région asiatique que la production de déchets plastiques augmentera le plus.
2.3. En 2040, plus de cent millions de tonnes de déchets plastiques seraient encore mal gérés
Copier le lien de 2.3. En 2040, plus de cent millions de tonnes de déchets plastiques seraient encore mal gérésSur les 360 Mt de déchets plastiques produits en 2020, 34 Mt ont été recyclés, 245 Mt ont été incinérés pour la récupération d’énergie ou mis en décharge, tandis que 81 Mt ont été mal gérés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été éliminés de manière écologiquement rationnelle. Dans cette dernière catégorie, 20 Mt ont été rejetés dans les milieux terrestres ou aquatiques ; quant au reste, il a principalement fini dans des décharges ou a été brûlé à ciel ouvert.
Comme l’explique le rapport (2023[1]) de l’OCDE, le modèle ENV-Linkages présente des projections de la production de déchets et de leur devenir en fin de vie à l’horizon 2040. La durée de vie moyenne de diverses applications est utilisée pour prévoir le moment où les produits deviendront des déchets. Les projections concernant le devenir en fin de vie reposent sur un ensemble d’hypothèses, notamment que la part des déchets plastiques collectés pour le recyclage continue de progresser au même rythme moyen qu’au cours des 40 dernières années, et que les pays au revenu croissant investissent dans l’amélioration de la collecte et du traitement des déchets ainsi que dans le nettoyage des dépôts sauvages. Ce qu’il advient des plastiques en fin de vie diffère selon les régions, suivant les capacités de gestion des déchets et les réglementations. Tous les plastiques collectés pour le recyclage ne sont en réalité pas recyclés ; en 2020, d’après les estimations, 57 Mt de déchets ont été collectés, mais 34 Mt seulement ont effectivement été recyclés3. De multiples raisons expliquent cet écart, notamment un manque de capacités de recyclage ou encore la mauvaise qualité de certains déchets collectés pour être recyclés.
Encadré 2.2. Définitions du devenir en fin de vie des plastiques
Copier le lien de Encadré 2.2. Définitions du devenir en fin de vie des plastiquesLe modèle ENV-Linkages distingue quatre catégories pour le devenir en fin de vie des plastiques.
Recyclage : déchets collectés pour être recyclés, traités et utilisés pour la production de plastiques secondaires. Ce flux de déchets exclut les résidus issus des processus de recyclage, qui sont éliminés par le biais d’autres catégories de gestion des déchets.
Incinération : déchets incinérés dans une installation industrielle de pointe, avec ou sans valorisation énergétique.
Mise en décharge : déchets éliminés moyennant leur enfouissement contrôlé, dans le respect des prescriptions sanitaires, environnementales et de sécurité les plus avancées.
Mauvaise gestion : tous les autres déchets. Cette catégorie comprend les déchets collectés qui sont ensuite brûlés à ciel ouvert, rejetés dans les milieux aquatiques ou abandonnés dans des décharges non contrôlées ou sauvages. Elle inclut également les déchets non pris en charge dans un système de collecte, par exemple les marquages routiers. Cette catégorie englobe aussi les déchets sauvages non collectés, c’est-à-dire les dépôts sauvages ou l’abandon de détritus par les individus, et qui ne sont pas ramassés par le balayage des rues ou d’autres actions de nettoyage. En revanche, elle n’inclut pas les déchets collectés et en définitive éliminés moyennant l’une des autres catégories.
Source : (OCDE, 2023[1]).
Le scénario de référence prévoit que les pays continuent d’améliorer la collecte, le tri et le traitement des déchets, de progresser vers une gestion écologiquement rationnelle de tous les déchets et d’augmenter le recyclage. Ainsi, le monde devrait être à même de gérer en toute sécurité 219 Mt de déchets supplémentaires en 2040 par rapport à 2020. L’amélioration des infrastructures de tri et de recyclage permettrait de recycler 14 % des déchets en 2040 (contre 9.5 % en 2020 ; Graphique 2.6). Cependant, du fait de la hausse de la production de déchets plastiques, la mise en décharge continuerait à jouer un rôle de premier plan (restant un devenir en fin de vie stable pour la moitié du total des déchets, de 178 Mt en 2020 à 305 Mt en 2040), tandis que l’incinération diminuerait légèrement en pourcentage (passant de 19 % en 2020 à 17 % en 2040).
De même, malgré les progrès attendus en matière de collecte, de tri et de traitement des déchets, l’accroissement des déchets plastiques produits entraînerait une augmentation des volumes absolus de déchets mal gérés (autrement dit les déchets qui ne sont pas éliminés de manière écologiquement rationnelle) par rapport aux niveaux de 2020. D’après les projections concernant la mauvaise gestion des déchets, les économies émergentes d’Asie et d’Afrique contribueraient majoritairement à l’accroissement des volumes de déchets mal gérés.
2.4. Les niveaux croissants d’utilisation de plastiques et de déchets plastiques aggraveraient les conséquences néfastes pour les écosystèmes, les efforts d’atténuation du changement climatique et la santé humaine.
Copier le lien de 2.4. Les niveaux croissants d’utilisation de plastiques et de déchets plastiques aggraveraient les conséquences néfastes pour les écosystèmes, les efforts d’atténuation du changement climatique et la santé humaine.Sous l’effet des tendances prévues concernant la production et l’utilisation de plastiques, les rejets de plastiques dans les milieux terrestres et aquatiques devraient s’accélérer, entraînant d’autres effets néfastes pour l’environnement. À eux seuls, les rejets de macroplastiques augmenteraient de 50 % entre 2020 et 2040 pour atteindre 30 Mt (Graphique 2.7). Toutes les régions contribueraient à la hausse des rejets de plastiques. Les volumes des rejets tendent à être plutôt faibles dans les pays de l’OCDE et les pays de l’UE non membres de l’OCDE (en recul de 30 % au total, passant de 2.3 Mt en 2020 à 1.7 Mt en 2040), les plus forts taux de croissance étant attendus en Inde (doublement à 4.1 Mt), dans les autres économies émergentes et en développement d’Asie (Reste de l’Asie ; +60 % pour atteindre 5.0 Mt) et en Afrique subsaharienne (doublement à 6.5 Mt). L’augmentation des rejets de microplastiques, provenant, par exemple, de l’usure des matériaux plastiques tels que les pneus des véhicules et les textiles synthétiques, de l’utilisation et des pertes de peintures ou encore du déversement de granulés de plastique, devrait également se poursuivre dans toutes les régions, parallèlement à la progression de l’intensité d’utilisation de plastiques.
Il faut noter que l’accumulation de plastiques dans les milieux aquatiques continuera de croître. Les rejets dans les cours d’eau et les océans s’élèveraient à 9 Mt par an en 2040. La persistance des rejets dans l’environnement entraînerait un doublement des stocks cumulés de plastiques dans les cours d’eau et les océans, pour atteindre 300 Mt à l’horizon 2040 (contre une estimation de 152 Mt en 2020 ; Graphique 2.8), aggravant ainsi les conséquences néfastes pour les écosystèmes, le bien-être humain, les économies côtières ainsi que les risques de dommages potentiellement irréversibles.
Le cycle de vie des plastiques devrait représenter une source croissante d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les prochaines décennies. Dans le scénario de référence, les émissions de GES liées au cycle de vie des plastiques augmenteraient de 60 % d’ici à 2040 par rapport aux niveaux de 2020 (1.8 Gt éq. CO2). Ce phénomène se produit malgré l’effet des politiques en place à compter de 2021, qui limiteraient déjà la hausse des émissions de GES. Les émissions issues du cycle de vie des plastiques ont représenté 3.6 % des émissions mondiales totales en 2020, et cette part devrait passer à 5.0 % à l’horizon 2040, un résultat en contradiction avec les engagements de l’Accord de Paris. La progression de cette part s’explique à la fois par le rythme de croissance constant des émissions liées aux plastiques et par le ralentissement de l’augmentation des émissions globales du fait des engagements dans le cadre des politiques climatiques.
L’ensemble du cycle de vie des plastiques contribue au changement climatique. Approximativement 90 % des émissions liées aux plastiques sont attribuées aux étapes de production et de transformation lors de la fabrication des plastiques (Graphique 2.9) et sont relativement difficiles à faire diminuer. Karali et al. (2024[5]) attribuent les émissions de GES provenant de la production de plastiques à ses différentes étapes et concluent que 75 % des émissions de GES liées à la production sont générées au cours des étapes précédant la polymérisation (20 % lors de l’extraction des combustibles fossiles nécessaires pour les matières premières et l’énergie, 29 % lors du raffinage des hydrocarbures et la production d’autres produits chimiques hors hydrocarbures et 26 % lors de la production de monomères), tandis que 8 % des émissions sont générées au moment de la polymérisation et 17 % lors de la construction du produit.
La phase de fin de vie génère également d’importantes émissions de GES. La mauvaise gestion des déchets plastiques contribue au changement climatique de façon difficile à quantifier. Les déchets plastiques brûlés de manière informelle contribuent aux émissions de GES et de polluants atmosphériques, tandis que les plastiques et les microplastiques dans les milieux marins peuvent interférer avec la capacité des océans à absorber et à séquestrer le dioxyde de carbone.
Les efforts d’atténuation du changement climatique et d’élimination de la pollution plastique sont intrinsèquement liés. Approximativement 99 % des plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles, qui sont le principal facteur d’émissions de GES. La rapidité de la croissance de l’industrie pétrochimique mondiale est sans précédent, essentiellement stimulée par le développement du secteur pétrochimique en Chine (AIE, 2023[6]). Étant donné que la demande mondiale de combustibles fossiles pétroliers (ce qui exclut les biocombustibles, les produits de base de la pétrochimie et les autres usages non énergétiques) devrait connaître un pic en 2028, ce sont les produits pétrochimiques qui entraînent des investissements supplémentaires et qui deviendront probablement le principal moteur de la demande de pétrole dans le monde au cours des prochaines décennies (AIE, 2023[7]).
La pollution plastique englobe l’ensemble des émissions et des risques résultant du cycle de vie des plastiques. Cela comprend les rejets dans l’environnement, les émissions de GES ainsi qu’une grande variété d’autres répercussions telles que la raréfaction des ressources, l’utilisation des sols, la formation d’ozone et la toxicité (Graphique 2.10). Comme l’explique le rapport (2023[1]) de l’OCDE, en l’absence de nouvelles mesures, les effets du plastique sur l’environnement et la santé continueront à s’aggraver.
La présence potentielle de produits chimiques dans les plastiques est particulièrement préoccupante pour la santé humaine. Des additifs chimiques sont combinés avec les polymères plastiques lors de la fabrication pour améliorer les performances ; ils peuvent inclure des colorants, des agents de matage, des opacifiants et des additifs de brillance destinés à modifier l’aspect, des charges inorganiques (par exemple, carbone ou silice) afin de renforcer les matériaux plastiques, des stabilisants thermiques, des plastifiants pour rendre le matériau souple et flexible, des ignifuges pour prévenir l’inflammation et la combustion ainsi que des stabilisants destinés à accroître la résistance à la dégradation sous l’effet des rayons ultraviolets (UV) (Andrady et Neal, 2009[8]). Au total, plus de 16 000 produits chimiques ont été associés aux plastiques, dont moins de 6 % seulement sont réglementés dans le monde (Wagner et al., 2024[9]). Plus de 4 200 produits chimiques présents dans les plastiques sont préoccupants, car ils sont persistants, bioaccumulables, mobiles et/ou toxiques (Wagner et al., 2024[9]).
L’exposition humaine peut avoir lieu notamment au cours de la phase d’utilisation de plastiques, par exemple lorsque les consommateurs sont en contact direct avec les matériaux en contact avec les aliments ou les produits de consommation. L’exposition peut aussi survenir indirectement, car les humains et les organismes vivants sont exposés aux produits chimiques libérés par les plastiques, l’exposition aux microplastiques se faisant par ingestion ou inhalation. Les travailleurs qui manipulent des plastiques courent également un risque d’exposition chimique. Parmi les propriétés dangereuses de ces produits chimiques, on peut citer la cancérogénicité, la mutagénicité, la reprotoxicité, la toxicité spécifique pour certains organes, la perturbation endocrinienne, l’écotoxicité, le potentiel de bioaccumulation, la persistance dans l’environnement et la mobilité, y compris le potentiel de propagation dans l’environnement sur de longues distances jusqu’à des lieux éloignés (UNEP/BRS Secretariat, 2023[10] ; Landrigan et al., 2023[11]).
Références
[6] AIE (2023), China’s petrochemical surge is driving global oil demand growth, https://www.iea.org/commentaries/china-s-petrochemical-surge-is-driving-global-oil-demand-growth, Licence: CC BY 4.0 (consulté le 4 mars 2024).
[7] AIE (2023), Oil 2023, https://www.iea.org/reports/oil-2023.
[8] Andrady, A. et M. Neal (2009), « Applications and societal benefits of plastics », Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci., vol. 364/1526, pp. 1977-84, https://doi.org/10.1098/rstb.2008.0304.
[3] Commission européenne, DG de la recherche et de l’innovation (2021), Biodegradability of plastics in the open environment, Office des publications de l’Union européenne, https://doi.org/10.2777/690248.
[5] Karali, N., N. Khanna et N. Shah (2024), Climate Impact of Primary Plastic Production., https://escholarship.org/uc/item/12s624vf.
[11] Landrigan et al. (2023), « The Minderoo-Monaco Commission on Plastics and Human Health », Ann.als of Global Health, vol. 89 (1)/23, https://doi.org/10.5334/aogh.4056.
[4] Lebreton, L. (2024), Quantitative analysis of aquatic leakage for multiple scenarios based on ENV-Linkages, non publié.
[2] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5c7bba57-fr.
[1] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Scénarios d’action à l’horizon 2060, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/c5abcbb1-fr.
[10] UNEP/BRS Secretariat (2023), Chemicals in Plastics: A Technical Report.
[9] Wagner, M. et al. (2024), State of the science on plastic chemicals - Identifying and addressing chemicals and polymers of concern, https://doi.org/10.5281/zenodo.10701706.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. Le développement socioéconomique et l’utilisation de matériaux, dont les plastiques, sont étroitement corrélés, car les matériaux sont un intrant important dans tous les processus de production. Le rapport Perspectives mondiales des plastiques de l’OCDE (2023[1]) expose en détail les projections à l’horizon 2060 pour les tendances socioéconomiques sur lesquelles repose le scénario de référence, dont l’évolution des populations régionales, le produit intérieur brut, la structure de l’économie et les technologies de production.
← 2. Le cadre de modélisation n’est pas capable de suivre les substitutions entre polymères au fil du temps au niveau de l’application, donc les taux de croissance des polymères sont déterminés par les taux de croissance des applications, qui, de leur côté, sont liées à la croissance des activités économiques associées.
← 3. De même, certains déchets plastiques sauvages sont collectés après leur abandon, par exemple grâce au balayage des rues, puis triés et traités. Les déchets sauvages non collectés sont inclus dans les déchets mal gérés.