Le présent chapitre dresse un état des lieux des modifications apportées aux politiques d’intégration dans les pays de l’OCDE sur la période 2021‑22. L’instabilité mondiale et les flux migratoires de grande ampleur qui en découlent ont suscité un regain d’intérêt pour les politiques de régularisation et de naturalisation. Le chapitre étudie cette tendance ainsi que les changements d’orientation propres à favoriser l’intégration de certaines catégories de personnes issues de l’immigration sur le marché du travail et à répondre à leurs besoins. Il examine en outre la façon dont les systèmes ont été réorganisés afin d’améliorer la prestation des services d’intégration.
Perspectives des migrations internationales 2022
3. Évolutions récentes des politiques d’intégration des immigrés
Abstract
En bref
Si la plupart des pays ont assoupli les restrictions dues au COVID‑19 en matière de rassemblement, certains ont pris des mesures pour pérenniser les modes d’apprentissage flexibles mis en place pendant la pandémie, en particulier pour l’apprentissage des langues, ces modalités ayant été bien acceptées par les immigrés participant à des programmes d’intégration.
Un grand nombre de régularisations ont été enregistrées en 2021 et 2022, notamment les immigrés fuyant l’instabilité dans leur pays d’origine. Les programmes de régularisation au Chili et en Italie étaient bien avancés, et une nouvelle vague de régularisation a été annoncée en Irlande. La Colombie a lancé un programme de régularisation particulièrement ambitieux pour faire face à l’afflux de personnes en provenance du Venezuela.
Les pays de l’OCDE encouragent pour la plupart la naturalisation, qu’ils considèrent comme un levier important d’intégration, et ont pris des mesures pour assouplir les conditions d’admissibilité. L’Allemagne a fait part de son intention de réformer en profondeur sa législation sur la naturalisation, notamment en facilitant l’accès à la double nationalité, et les États-Unis ont mis en place plusieurs mesures dans le cadre d’une stratégie interinstitutionnelle de promotion de la naturalisation.
Les réformes en profondeur des programmes d’intégration, menées par exemple en Belgique, ont essentiellement visé à personnaliser davantage l’offre d’intégration, à renforcer les services de mentorat et à aider les immigrés à s’insérer rapidement, mais durablement, sur le marché du travail.
Les pays ont cherché à améliorer l’accès à l’éducation des jeunes et des adultes issus de l’immigration. Le Plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’intégration et de l’inclusion (2021‑27) appuiera aussi directement les mesures visant à proposer des services inclusifs d’éducation et de formation.
Si les pays de l’OCDE sont peu nombreux à avoir mis en œuvre de vastes programmes ciblés sur les femmes et les jeunes immigrés, un nombre croissant d’entre eux reconnaissent l’impact disproportionné de la crise du COVID‑19 sur ces catégories de la population, en particulier en termes d’insertion sur le marché du travail. L’Allemagne a par ailleurs lancé plusieurs programmes en faveur de l’intégration des immigrés parents de jeunes enfants.
La reconnaissance des compétences reste au centre des politiques d’intégration. L’Allemagne a mis en place une procédure administrative accélérée pour la reconnaissance des compétences dans certaines professions régies par la loi fédérale ou par des réglementations équivalentes au niveau des Länder. Israël et le Luxembourg ont également pris des mesures pour reconnaître les compétences de certaines catégories d’immigrés.
Si peu de pays ont réformé en profondeur leurs programmes de formation linguistique destinés aux adultes issus de l’immigration, ceux qui l’ont fait ont relevé le niveau requis de maîtrise de la langue, conscients que les immigrés doivent mieux connaître la langue du pays d’accueil pour maximiser leurs chances de réussite.
Les pays ont cherché à réorganiser et à mieux délimiter les fonctions relatives à l’intégration, mais ils ont pour ce faire adopté des stratégies très diverses, depuis la création d’organismes de coordination et de guichets uniques jusqu’à la délégation de davantage de responsabilités aux autorités locales.
Plusieurs pays, notamment l’Irlande, les Pays-Bas, la Finlande et la Suède, ont lancé des plans d’action nationaux contre la discrimination et le racisme, qui visent en priorité à favoriser l’insertion des immigrés sur le marché du travail et à renforcer leur participation à la vie publique.
Introduction
La nécessité de concentrer les efforts sur la lutte contre la pandémie étant moins forte, les pays de l’OCDE se penchent désormais sur la question essentielle qui sous-tend les mesures d’intégration des nouveaux arrivants et des personnes présentes sur leur territoire depuis plus longtemps : quelles actions peuvent-ils mener pour renforcer la cohésion et améliorer l’égalité des chances pour les immigrés ? La crise liée au COVID‑19 est restée le souci principal des pays pendant une grande partie de l’année 2021, mais ces derniers se sont progressivement adaptés à une « nouvelle normalité ». Cette adaptation a parfois été synonyme de réformes structurelles visant à assouplir et à personnaliser davantage l’offre d’intégration, ainsi qu’à renforcer la participation aux programmes dédiés. Les pays ont également poursuivi leur lutte contre la discrimination et tenté d’éliminer les obstacles auxquels se heurtent les femmes et les autres populations immigrées vulnérables. Outre les interventions rapides et la montée en puissance qui ont été nécessaires, surtout en Europe, pour répondre aux besoins d’intégration d’un afflux important de personnes en provenance d’Ukraine (un chapitre spécial leur est consacré), une attention prioritaire a été accordée aux moyens d’intégrer plus efficacement les immigrés et, bien souvent, d’encourager in fine leur naturalisation.
La flexibilité mise en place en réponse à la crise du COVID‑19 pourrait perdurer avec le reflux de la pandémie
Bon nombre des restrictions mises en place en réponse à la pandémie de COVID‑19 ont été progressivement assouplies tout au long de l’année 2021, mais les pays étaient encore confrontés à la nécessité d’éliminer les obstacles à l’intégration des immigrés et de réduire les retards causés par la pandémie. Des services réduits de transports publics, une surexposition au COVID‑19 et des problèmes d’accès ont dissuadé les immigrés de participer à des programmes d’intégration. Des aides ont été mises en place pour utiliser les transports, par exemple en Allemagne, où les immigrés qui assistaient aux cours en personne pouvaient prétendre au remboursement de leurs frais de déplacement. Des pays ont également assoupli leurs programmes d’intégration pour créer les conditions propices à la participation continue des immigrés. Par exemple, les Pays-Bas ont accordé un délai à tous les immigrés tenus de participer à des programmes d’intégration. En janvier 2021, l’octroi d’un délai supplémentaire de quatre mois a également été décidé pour les immigrés qui participaient volontairement au programme, mais il s’est limité aux participants à qui il restait moins de six mois de cours pour achever le programme. En Allemagne, les échéances ont été repoussées de six mois pour les participants qui s’étaient déjà inscrits entre mars 2018 et juin 2021. Outre les échéances, les pouvoirs publics ont aussi assoupli les modalités d’enseignement. Compte tenu des possibilités limitées d’enseigner en personne, la plupart des pays de l’OCDE ont accéléré le passage au numérique de leurs programmes d’intégration. En Allemagne, au moment des pics d’infection, un grand nombre de cours de langue professionnelle ont été dispensés entièrement ou partiellement à distance. En 2021, près de 70 % des nouveaux cours de langue professionnelle ont été dispensés dans un format hybride. L’ONG Immigrant Council of Ireland a proposé ses activités d’intégration sociale en ligne pour assurer la continuité de l’offre. En 2021, le programme « Migrant Leadership Academy », qui vise à rassembler des immigrés engagés dans la vie sociale, a été dispensé à distance.
Avec l’assouplissement des restrictions, les pays continuent d’examiner si certaines des mesures adoptées pendant la pandémie devraient être pérennisées. En Autriche, par exemple, les immigrés conservent la possibilité de s’inscrire à des cours de langue en ligne et au format hybride sur le portail national dédié à l’intégration. L’offre étoffée de cours en ligne associée aux modalités plus flexibles de participation a fait des adeptes parmi les immigrés, en particulier ceux qui travaillent ou qui ont de jeunes enfants. Pérenniser ces nouveautés peut également permettre aux prestataires de mieux adapter leur offre de cours en cas de difficultés imprévues à l’avenir. La pandémie a aussi accentué certaines faiblesses des programmes d’intégration, auxquelles les pouvoirs publics pourraient remédier à l’avenir. La Suède, par exemple, a multiplié par deux son enveloppe budgétaire pour 2022‑24 afin de renforcer l’apprentissage du suédois chez les employés des services de soins aux personnes âgées et plus généralement dans les métiers du lien. Elle a aussi développé l’emploi subventionné et continuera de créer des premiers emplois pour permettre aux demandeurs d’emploi de faire plus facilement leurs preuves.
La régularisation a connu une nouvelle dynamique dans plusieurs pays
La régularisation est une stratégie fréquente dans les pays qui se retrouvent confrontés à une forte pression migratoire. La Grèce, l’Italie, l’Espagne et les États-Unis font partie des pays qui procèdent périodiquement à des vagues de régularisations, mais les initiatives de régularisation sont loin d’être rares, la majorité des pays de l’OCDE et de l’UE y ayant déjà eu recours. La régularisation atténue la vulnérabilité des immigrés dans un certain nombre de domaines et leur donne accès aux services traditionnels. En 2021 et début 2022, des mesures de régularisation, à la fois temporaires et à plus long terme, ont été prises dans un grand nombre de pays de l’OCDE. Au cours de cette période, la plupart des pays ont en effet lancé des initiatives dans ce sens soit pour répondre à des besoins humanitaires, soit pour améliorer l’intégration des populations déjà immigrées.
Pour certains pays, notamment ceux qui ne sont pas des terres traditionnelles d’immigration mais qui comptent d’importants effectifs d’immigrés sans papiers ou en transit, la régularisation a constitué une composante essentielle de leurs politiques d’intégration nouvellement élaborées. Cette stratégie allège les tensions qui pèsent sur les systèmes d’asile et reconnaît les difficultés inhérentes à la mise en œuvre de vastes opérations de reconduites à la frontière. En avril 2021, le Chili a instauré une nouvelle loi sur l’immigration qui prévoit la création d’un mécanisme de régularisation ciblé sur les personnes en situation irrégulière qui sont arrivées avant mars 2020. Les personnes qui sont entrées sur le territoire par des voies irrégulières peuvent quitter le pays sans être sanctionnées et demander depuis l’étranger un visa temporaire leur permettant de travailler au Chili. La loi vise également à lutter contre la clandestinité grâce à la délivrance de récépissés pour les demandes de permis de séjour et de visa en cours de traitement, ce qui permet aux demandeurs de séjourner et de travailler dans le pays immédiatement après avoir soumis leur demande.
En février 2021, la Colombie a annoncé l’octroi pendant dix ans d’une protection temporaire aux Vénézuéliens présents sur son territoire (1.8 million de personnes) et à ceux qui arriveront par les postes de contrôle officiels au cours des deux prochaines années. Les bénéficiaires ont accès à un large éventail de services sociaux colombiens (éducation, santé), ainsi qu’à la reconnaissance de leurs titres professionnels et à d’autres services financiers, et ils sont en outre autorisés à travailler. La main tendue des autorités colombiennes aux réfugiés vénézuéliens témoigne de la volonté d’intégrer les immigrés à plus long terme, en particulier de répondre aux besoins qui se font jour avec les séjours de longue durée. En effet, une première initiative prise en 2019 prévoit l’octroi de la nationalité colombienne aux enfants vénézuéliens nés dans le pays depuis le 18 août 2015 (inclus). Ce cadre vise à éviter que les enfants ne soient apatrides, compte tenu de la difficulté d’acquérir la nationalité vénézuélienne depuis l’étranger.
D’autres pays de l’OCDE ont procédé à des régularisations, quoiqu’à plus petite échelle. En avril 2021, la Corée a mis en place un programme de régularisation ciblé sur les mineurs. Les enfants non déclarés de résidents étrangers en situation irrégulière, qui sont nés en Corée et ont vécu dans le pays pendant au moins 15 ans, sont autorisés à rester sur le territoire national jusqu’à la fin de leurs études secondaires au moyen d’un visa D‑4, accompagnés de leurs parents. Le programme est opérationnel jusqu’en février 2025. L’Irlande a pour sa part annoncé le lancement d’un nouveau dispositif de régularisation en juillet 2021, lequel devrait concerner jusqu’à 17 000 immigrés clandestins. Les demandes seront acceptées du 31 janvier 2022 au 31 juillet 2022. Le programme vise tout particulièrement à réduire les délais d’attente pour les individus qui ont entamé une procédure d’immigration depuis au moins deux ans et concerne les immigrés sans papiers qui vivent dans le pays depuis quatre ans sans y être autorisés (trois ans dans le cas de parents avec enfants). Les bénéficiaires ont accès au marché du travail et peuvent lancer une procédure de naturalisation. L’Italie a continué de mettre en œuvre un dispositif de régularisation par domaine d’activité qui avait été annoncé début 2020 pour les travailleurs immigrés dans les secteurs de la pêche, de l’agroalimentaire, des soins et des services domestiques. L’objectif de cette mesure était de réduire la fraude fiscale et l’exploitation des travailleurs immigrés en permettant aux travailleurs clandestins qui occupaient auparavant un emploi d’obtenir un permis de séjour et en encourageant la régularisation des contrats de travail existants.
Pour chaque dispositif de régularisation, les autorités doivent déterminer quels mécanismes sont nécessaires pour une mise en œuvre sans heurts. L’Italie a accusé des retards, 26 % seulement des demandeurs ayant été régularisés deux ans après le lancement du programme. Le pays a par conséquent annoncé en mars 2021 sa décision d’embaucher des travailleurs temporaires et des inspecteurs du travail pour accélérer l’évaluation des demandes soumises et régler les problèmes de personnel. Le Chili a pris le parti de dématérialiser entièrement les procédures pour faciliter le traitement des demandes.
Les pays continuent d’adopter des stratégies variées en matière de naturalisation
La naturalisation a des implications importantes pour l’intégration sociale des immigrés et leurs résultats sur le marché du travail (OCDE/Union européenne, à paraître[1]), et la tendance générale dans les pays de l’OCDE a été de prendre des mesures pour encourager davantage d’immigrés à demander la nationalité de leur pays d’accueil. Si les pays de l’OCDE ont été peu nombreux à modifier de façon importante les conditions applicables à la naturalisation en 2021 et 2022, beaucoup ont activement réfléchi aux meilleurs moyens pour les immigrés de devenir des citoyens à part entière.
Certains pays ont pris des mesures pour encourager la naturalisation…
L’Allemagne a annoncé son intention de réformer en profondeur la loi sur la nationalité dans son nouvel accord de coalition. Les modifications viseraient essentiellement à simplifier les conditions à remplir, par exemple en ramenant le nombre d’années de résidence à cinq ans (ou à trois dans le cas d’une intégration particulièrement réussie) et en abaissant le niveau requis de maîtrise de l’allemand. Ces changements comprendraient notamment la reconnaissance de la double nationalité en plus d’octroyer aux enfants le droit du sol si leurs parents résidaient en Allemagne depuis au moins cinq ans avant leur naissance. En outre, le 20 août 2021 est entré en vigueur un amendement à la loi sur la nationalité, qui prévoit un recours pour les personnes qui ont perdu ou n’ont pas pu acquérir la nationalité allemande en raison de la persécution nazie, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs descendants. La loi exclut également de la naturalisation toute personne condamnée pour antisémitisme, racisme, xénophobie ou misanthropie.
Les États-Unis ont pris plusieurs mesures pour donner suite au décret de février 2021 : « Restoring Faith in Our Legal Immigration System and Strengthening Integration and Inclusion Efforts for New Americans ». Le 2 juillet 2021, le Groupe de travail interinstitutions sur la naturalisation (NWG) a publié la Stratégie interinstitutions pour la promotion de la naturalisation. La stratégie s’articule autour de trois axes : 1) initiatives d’information auprès des immigrés, des collectivités et des services d’éducation ; 2) renforcement des capacités et partenariats ; et 3) supports d’éducation à la citoyenneté et langage d’inclusion. Depuis la publication de la stratégie, les États-Unis ont mis en place plusieurs projets dans le but d’atteindre différents groupes, par exemple les anciens militaires et ceux en service ainsi que leurs familles, les populations géographiquement isolées et les personnes âgées. Le Bureau de la citoyenneté et des services d’immigration des États-Unis a mis au point un outil numérique d’admissibilité à la naturalisation et collaboré avec l’Administration de la sécurité sociale à l’amélioration de la procédure de délivrance des numéros de sécurité sociale.
L’Estonie a également pris des mesures en faveur de la naturalisation. La Fondation pour l’intégration invite les personnes de nationalité indéterminée à participer à une série de manifestations à Tallinn et dans le comté de Viru-Est. Lors de ces réunions, les membres de la fondation présentent les voies possibles pour acquérir la nationalité estonienne, examinent les obstacles et les avantages de la naturalisation, communiquent des informations détaillées sur la procédure à suivre et dispensent des conseils pour préparer les examens.
…d’autres ont assoupli les critères d’admissibilité…
Certains pays de l’OCDE ont cherché à assouplir les conditions applicables aux immigrés désireux d’acquérir leur nationalité. La Lettonie a notamment pris des mesures pour dématérialiser la procédure de demande et créer des outils permettant aux candidats potentiels de tester leurs connaissances avant l’entretien. En septembre 2021, l’Australie a assoupli les critères applicables à la durée du séjour des titulaires d’un visa de talent international (Global talent scheme), en réduisant sensiblement le nombre de jours de présence physique obligatoire en Australie pour pouvoir demander la nationalité australienne. Le gouvernement a également revu à la hausse les frais applicables aux demandes de nationalité pour la première fois depuis 2016, les portant de 285 AUD à 490 AUD pour tenir compte du coût de traitement des demandes. Le Luxembourg a récemment prolongé le délai autorisé pour déposer une demande de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise et adopté un amendement qui permet aux immigrés de changer de nom lors de leur naturalisation.
La Colombie, la Lituanie et la Suède se sont intéressées aux enfants issus de l’immigration. La Lituanie a modifié sa loi sur la nationalité pour stipuler qu’un enfant né d’un parent apatride qui réside légalement en Lituanie bénéficie du droit du sol, quel que soit son véritable lieu de naissance. Une proposition présentée en Suède en juillet 2021 concerne la protection des enfants en cas de renonciation à la nationalité et contient de nouvelles mesures visant à limiter les situations d’apatridie.
… tandis que d’autres encore ont envisagé des restrictions ou des exigences supplémentaires
Si les pays ont de façon générale cherché à assouplir ou à préciser les droits relatifs à la naturalisation, certains ont fait figure d’exception. Le Danemark a en effet décidé de durcir l’accès à la naturalisation, notamment en ajoutant des questions au test de citoyenneté et en prolongeant le délai d’attente de deux ans après l’obtention d’un titre de séjour permanent (un an pour les réfugiés et les personnes apatrides). En outre, les demandeurs doivent désormais prouver qu’ils ont occupé un emploi à temps plein ou exercé une activité indépendante pendant 3.5 ans au cours des 4 dernières années écoulées. Le parlement danois a rétabli la cérémonie constitutionnelle qui avait été suspendue en raison du COVID‑19 et envisage d’instaurer la déchéance rétroactive de la nationalité en cas d’action préjudiciable aux intérêts vitaux du Danemark.
La Grèce a fixé en 2021 des critères économiques stricts pour accéder à la naturalisation, exigeant des ressortissants étrangers désireux d’acquérir la nationalité grecque qu’ils apportent la preuve d’un niveau de vie suffisant, égal au moins au salaire minimum national durant toutes les années de résidence légale antérieure sur lesquelles se fonde la demande de naturalisation. Cette modification fait suite aux amendements au Code grec de la citoyenneté adoptés en 2019 et en 2020, qui imposent aux candidats de prouver qu’ils connaissent la langue et la vie politique grecques et qu’ils sont intégrés dans la vie économique du pays. Le gouvernement suédois a proposé de mettre en place des tests de langue suédoise et de connaissance de la société suédoise qui conditionneraient l’acquisition de la nationalité, mais cette proposition n’a pas encore pris effet. En 2022, Israël a renouvelé la loi sur la citoyenneté qui restreint l’octroi de la nationalité aux résidents du territoire palestinien mariés à des Israéliens, après ne pas être parvenu à la faire passer en 2021.
Si la Norvège n’a pas encore officiellement relevé de A2 à B1 le niveau requis en expression orale en vertu du Cadre européen commun de référence pour les langues (CEFR), elle a bel et bien durci les critères applicables aux demandes de naturalisation. Les modifications apportées à la loi sur la nationalité portent de sept à huit ans la durée obligatoire de résidence permanente pour pouvoir déposer une demande de naturalisation (à l’exception des réfugiés) et exigent des individus satisfaisant au critère de revenu minimum qu’ils aient résidé en Norvège pendant six ans au cours des dix dernières années écoulées.
Réformes de la composition des mesures d’intégration et des critères d’admissibilité
Les pays de l’OCDE ont porté une attention accrue à la création de mesures d’intégration qui répondent aux besoins des immigrés et encouragent leur participation. Dans certains cas, cette logique a pris la forme de mesures obligatoires. La Belgique (Flandre) a en effet remanié en profondeur sa politique d’intégration, laquelle prendra effet en septembre 2022. Dans le cadre de ce nouveau programme, chaque participant élaborera un parcours personnalisé, bénéficiera de l’intervention des services flamands de l’emploi et de la formation professionnelle, et sera mis en relation avec un mentor flamand pour un accompagnement de 40 heures. Cette personne, qui jouera un rôle de parrainage, mettra les nouveaux arrivants en contact avec un réseau de relations, ce qui dans l’idéal augmentera leurs chances de trouver un emploi ou un logement. En outre, le programme sera payant. La plupart des immigrés devront payer 360 EUR pour le programme d’initiation (90 EUR pour les cours de langue et d’éducation civique et 90 EUR par examen). Les autorités flamandes continuent de financer en partie le coût total de l’intégration, évalué à 4 500 EUR par personne. Quelques catégories de migrants – éligibles mais non obligés d’adhérer au programme – seront exemptées de frais. À Bruxelles, où les immigrés ont le choix entre les programmes français et néerlandais, les programmes d’intégration flamands restent accessibles gratuitement (ces derniers étant sous la responsabilité de la Flandre).
Les Pays-Bas ont également modifié leur politique d’intégration en 2022. Le nouveau programme d’intégration civique prévoit des mesures personnalisées dans le cadre d’un Plan d’intégration et de participation à la vie civique. Les stages en entreprise et le travail bénévole jouent un rôle essentiel dans le nouveau système, qui comprend un module sur le marché du travail et la participation à la société. En outre, trois nouveaux parcours d’apprentissage du néerlandais ont été créés. Un module sur la connaissance de la société néerlandaise est commun à tous les parcours. Le gouvernement prend en charge le coût de l’intégration civique des immigrés pour raisons humanitaires. Les immigrés pour raisons familiales et autres peuvent participer aux différents modules, mais ils doivent organiser et financer leur apprentissage de façon indépendante.
La Suède a mis en place un dispositif de formation intensive sur une année (« Intensive Year ») pour certains participants au programme d’installation, qui a débuté le 15 avril 2021. Ce dispositif permet aux participants de suivre une série d’activités, en fonction de leurs propres besoins ainsi que de ceux des employeurs potentiels, de mêler formation linguistique et pratique professionnelle, mais aussi de se mettre en relation avec des employeurs et de valider leurs compétences. Le but de cette offre à plein temps est de faire en sorte que les personnes immigrées trouvent du travail dans un délai d’un an. Les participants sont encouragés à participer à des activités pendant leur temps libre, par exemple des cours de langue et des programmes de mentorat complémentaires. La notion d’égalité entre hommes et femmes doit guider tous les aspects de l’année de formation intensive, le but étant de faciliter l’accès à l’emploi autant pour les femmes que pour les hommes.
En 2021, l’Estonie a réorganisé son module sur le travail et l’entrepreneuriat en le scindant en deux modules distincts en fonction de la volonté des participants de commencer à travailler ou de créer une entreprise. Le module sur l’emploi donne des pistes pour chercher du travail et rédiger un CV et des informations sur les services fournis par la caisse d’assurance chômage. Le module sur l’entrepreneuriat permet de cerner tous les aspects de la création d’entreprise mais répond aussi à des questions relatives à la législation et à l’imposition. Le Japon a aussi mis en place un programme de formation, dans le cadre de son dispositif global de mesures d’intégration des étrangers, qui vise à promouvoir l’accès des immigrés à un emploi stable, en donnant la priorité à la formation requise et au retour à l’emploi, le cas échéant.
Le Danemark, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie ont apporté des modifications relativement modestes à leurs mesures d’intégration. Le Danemark exonère désormais du paiement des frais de formation professionnelle les mineurs non accompagnés et les immigrés titulaires d’un permis de séjour temporaire. La Pologne a annoncé pour la première fois que les étrangers mariés à des ressortissants polonais étaient autorisés à participer à des programmes d’intégration individuels. Le 12 janvier 2022, le gouvernement slovaque a modifié la loi sur l’asile pour que les services d’aide à l’intégration soient accessibles plus tôt, notamment aux demandeurs d’asile. Le délai de carence avant de pouvoir entrer sur le marché du travail a été ramené de neuf à six mois, et les demandeurs d’asile auront désormais accès à des services d’aide psychosociale et à des cours d’intégration. Les allocations d’intégration ont également augmenté pour les bénéficiaires de protection internationale. La Slovénie a modifié son programme d’intégration pour permettre aux demandeurs d’asile, à compter de juin 2022, d’accéder plus largement aux allocations d’intégration, aux programmes socioculturels et à des services d’assistance. En outre, la Nouvelle‑Zélande a annoncé que l’accès à l’aide à la réinstallation était désormais octroyé pour 24 mois au lieu de 12 et qu’une aide aux personnes qui parrainent des membres de leur famille allait être intégrée au titre du programme de quota de réfugiés.
L’accès à l’éducation et la reconnaissance des compétences restent au centre des politiques d’intégration
Presque tous les pays autorisent l’accès des jeunes enfants à une préscolarisation ordinaire, et des mesures prises récemment au niveau national viennent consolider cette volonté politique. En 2021, la Norvège a relevé de 16 à 18 ans l’âge minimum requis pour suivre son programme d’intégration, afin d’indiquer clairement que tous les jeunes issus de l’immigration doivent achever leurs études. Au Costa Rica, le ministère de l’Éducation publique et la Direction générale ont récemment adopté un protocole de coordination pour régulariser la situation des enfants issus de l’immigration qui fréquentent le système d’enseignement public, en vue de lutter contre le décrochage des mineurs issus de l’immigration grâce à un meilleur accès aux bourses et aux diplômes. En Pologne, la région de Poméranie‑Occidentale a lancé un programme censé faciliter l’intégration des enfants de 5 à 18 ans dans le système scolaire, notamment en développant les compétences interculturelles des enseignants. Les Pays-Bas ont également réorganisé leur programme d’intégration dans l’intention de faciliter l’éducation des jeunes, en leur proposant un parcours d’intégration dédié qui est censé les préparer à une formation complémentaire au niveau de l’enseignement secondaire professionnel ou général. En Nouvelle‑Zélande, les enfants des titulaires d’un visa de travail admissibles pourront suivre des études supérieures en bénéficiant du statut d’étudiants nationaux en attendant que leur demande de permis de séjour soit traitée.
Il est admis qu’il faut faire davantage pour faciliter l’accès des adultes issus de l’immigration à l’éducation lorsque c’est nécessaire. Dans la zone OCDE, 37 % des personnes nées à l’étranger ont un niveau d’éducation élevé, soit une proportion plus importante que parmi les personnes nées dans le pays (32 %). À l’exception de l’Islande et des pays d’Amérique latine membres de l’OCDE, la part de personnes ayant un niveau d’éducation élevé parmi les immigrés a augmenté de 7 points de pourcentage ces dix dernières années. Toutefois, un nombre important de personnes nées à l’étranger ont un faible niveau d’éducation (27 %). La part de la population immigrée affichant un faible niveau d’éducation est plus élevée en Europe, dépassant 35 % en Belgique, en Italie, en France, en Grèce, à Malte et en Espagne. En Türkiye, cette part est supérieure à 50 % (OCDE/Union européenne, 2018[2]). Dans les pays de l’OCDE qui offrent un grand nombre d’emplois hautement qualifiés, un faible niveau d’études peut constituer un obstacle important à l’intégration. L’année 2021 a marqué le début de la mise en œuvre du Plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’intégration et de l’inclusion (2021‑27), qui propose une aide ciblée à l’intégration compte tenu des difficultés particulières auxquelles sont confrontées les personnes issues de l’immigration. Les principales actions soutenues par l’UE dans le cadre du plan comprennent la promotion de services inclusifs d’éducation et de formation, des programmes de formation passerelle, la reconnaissance plus rapide des qualifications et une meilleure reconnaissance des compétences. L’accent est mis en particulier sur le perfectionnement des solutions numériques dans le cadre du plan d’action en matière d’éducation numérique. La Commission collaborera avec des partenaires sociaux et économiques, ainsi qu’avec les employeurs, pour soutenir l’entrepreneuriat et faciliter la reconnaissance et l’évaluation des compétences. En outre, des pays comme la Norvège ont cherché à faciliter l’accès des adultes issus de l’immigration à l’éducation formelle grâce à leur allocation d’intégration. La Norvège a également supprimé l’obligation pour les immigrés de posséder déjà des compétences de base pour participer à son programme d’intégration. En Finlande, pour faciliter l’intégration des travailleurs qualifiés et des spécialistes, le plan d’action national à long terme prévoit de proposer des programmes d’éducation par l’intermédiaire des établissements d’enseignement supérieur et des services de mentorat.
Les pays membres ont aussi apporté des modifications précises à leurs politiques de reconnaissance des compétences. Conformément aux dispositions de la loi sur l’immigration des travailleurs qualifiés adoptée en 2020, l’Allemagne a poursuivi ses travaux visant à raccourcir les délais des procédures de reconnaissance pour un certain nombre de professions. La procédure administrative accélérée mise en place récemment concerne les professions régies par la loi fédérale ou par des réglementations équivalentes en vertu de la législation de chaque Land. Israël a mis en place un dispositif qui permet aux médecins étrangers qui travaillent à l’hôpital sous la supervision d’un mentor expérimenté d’obtenir une autorisation d’exercice sans passer l’examen requis. Au Luxembourg, une nouvelle loi sur la reconnaissance des diplômes délivrés au Royaume‑Uni est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. En mars 2022, la Nouvelle‑Zélande a lancé le Plan d’action pour l’emploi des anciens réfugiés, des immigrés récents et des communautés ethniques, qui est axé sur la reconnaissance et l’adéquation des compétences. L’un de ses objectifs est de collaborer plus efficacement avec le secteur privé.
L’apprentissage de la langue est un pilier de plus en plus universel des mesures d’intégration des adultes issus de l’immigration
La langue reste l’un des principaux piliers de l’intégration, et plusieurs pays ont reconnu la nécessité de mettre davantage l’accent sur la maîtrise de la langue du pays d’accueil. L’Estonie considère l’enseignement et l’apprentissage linguistiques comme un pilier essentiel de l’intégration. Dans le cadre de sa Stratégie linguistique pour 2021‑35, l’Estonie a fixé l’objectif à atteindre, à savoir que chaque résident estonien maîtrise la langue nationale et que davantage de possibilités et de meilleurs outils soient proposés pour y parvenir. Au Japon, le ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, de la Science et de la Technologie (MEXT) encourage la mise en place d’un système global permettant aux collectivités locales d’étoffer l’offre de cours de japonais. En outre, le ministère a élaboré des supports numériques d’apprentissage linguistique pour les ressortissants étrangers vivant dans des lieux où il est difficile d’organiser des cours en personne. Pour améliorer la qualité de l’enseignement, il a publié un rapport sur un nouveau cadre fondé sur le CECR et envisage de mettre au point un système de qualification pour les enseignants de japonais. En Australie, plusieurs États ont complété ou amélioré leurs programmes d’anglais comme langue étrangère. L’Australie du Sud a notamment mis en place un cours en ligne de six modules pour assister les enseignants. La Suède a fait part de son intention d’offrir aux immigrés davantage de possibilités de combiner formation linguistique et formation professionnelle.
Seul un petit nombre de pays de l’OCDE a modifié en 2021 le niveau visé de maîtrise de la langue du pays d’accueil. En Flandre (Belgique), les immigrés participant au programme obligatoire d’intégration qui sont sans emploi ou ne suivent pas d’études deux ans après avoir reçu leur certificat d’intégration devront atteindre le niveau B1 du CECR en néerlandais parlé. Aux Pays-Bas, la nouvelle loi de 2021 sur l’intégration civique, qui prévoit des parcours d’intégration distincts, exigera de la plupart des immigrés qu’ils maîtrisent le néerlandais parlé et écrit au niveau B1 (à la fois dans le parcours B1 et le parcours d’éducation). Les immigrés qui suivent le parcours d’autonomisation sont censés apprendre le néerlandais au niveau A1 du CECR pour se préparer à un niveau basique de participation à la société néerlandaise. Avant ces modifications, le niveau visé pour tous les immigrés était le niveau A2 du CECR. Le relèvement du niveau exigé en langue s’inscrit dans une logique récente dans l’OCDE, qui indique que les pays d’accueil ont non seulement reconnu la nécessité d’examiner la situation particulière des immigrés, mais aussi que les niveaux qu’ils étaient censés atteindre en langue étaient insuffisants pour assurer la bonne intégration de certains. La Slovénie a décrété pour la première fois que les immigrés devaient atteindre le niveau A2 du CECR pour pouvoir demander un permis de séjour permanent. Cette modification prendra effet le 27 avril 2023 après une période de transition de deux ans. Les modifications apportées à la loi sur les étrangers prévoient également de passer de la gratuité des cours d’instruction civique et de langue à un modèle de cofinancement selon lequel, après la période de transition de deux ans, les immigrés devront prendre à leur charge 50 % du coût des cours de langue.
En lien avec la question de la langue, quelques pays ont pris des mesures pour élargir et améliorer l’accès aux services d’interprétation et de traduction. Par exemple, dans sa loi du 1er janvier 2022 sur l’interprétation, la Norvège a précisé l’obligation pour les organismes publics de faire appel à des interprètes qualifiés pour offrir leurs services.
Les pays ont continué de prendre des mesures pour combattre la discrimination, notamment dans le contexte de stratégies plus vastes de lutte contre le racisme
Avec le soutien de l’Union européenne et de son Plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion, plusieurs pays de l’UE ont lancé des plans nationaux de suivi sur la diversité et la lutte contre le racisme. En juin 2021, la Belgique (Flandre) a annoncé qu’une nouvelle organisation devait être créée pour encourager l’intégration ainsi que la participation à ce processus. La mission de cette organisation participative est de défendre les droits des minorités et d’œuvrer en faveur de l’inclusivité et de la participation. Ses principaux domaines de travail sont le logement, le travail, l’éducation, la participation à l’action publique et la cohésion sociale. En avril 2022, la nouvelle organisation, appelée LEVL, a annoncé qu’elle était opérationnelle.
L’Irlande, les Pays-Bas et la Suède ont progressé dans l’élaboration de leurs plans d’action nationaux. L’Irlande a publié un rapport intermédiaire du Comité contre le racisme et a commencé à travailler en 2021 à la définition d’une stratégie d’intégration des Gens du voyage et des Roms. Le Comité a visé mai 2022 pour soumettre le Plan d’action national contre le racisme au ministre de l’Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse. La Suède a élaboré un indice national sur la situation socioéconomique des zones résidentielles dans le cadre de sa stratégie à long terme. Le 15 octobre 2021, les Pays-Bas ont nommé un coordinateur national contre la discrimination et le racisme, lequel est chargé d’élaborer un programme national pluriannuel assorti d’objectifs précis. En outre, les Pays-Bas ont annoncé la création d’une Commission d’État chargée pendant quatre ans d’évaluer et de proposer des solutions pour réduire la discrimination au sein de l’administration. L’Allemagne a également nommé son tout premier commissaire fédéral à la lutte contre le racisme en février 2022. Le Bureau du Commissaire est chargé d’élaborer une stratégie en faveur de la diversité dans l’administration fédérale et de coordonner les mesures officielles de lutte contre le racisme.
La promotion de la diversité au travail est devenue une priorité certaine. En Finlande, un programme a été lancé en 2021 pour veiller à ce que les entreprises et les organisations tirent parti de la diversité. Il a pour objectif de faire augmenter le taux d’emploi et de promouvoir l’emploi et l’avancement professionnel des immigrés, et il propose des initiatives à l’appui de l’adéquation des compétences des immigrés. La Finlande a adopté les recommandations publiées dans son Programme de lutte contre le racisme en septembre 2021 et a aussi lancé une campagne pour faire entendre la voix des réfugiés.
Au-delà de l’Union européenne, d’autres pays de l’OCDE ont pris des mesures similaires pour combattre la discrimination à l’encontre des personnes issues de l’immigration. Le Canada a lancé un appel à l’action pour diversifier le service public. De plus, en 2022, l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a annoncé que des représentants de la lutte contre le racisme seraient déployés dans tous les secteurs de son ministère, en partie pour s’assurer que les principes de lutte contre la discrimination sont bien respectés lorsqu’il s’agit de traiter les demandes des immigrés. Le Japon a élaboré un dispositif global de mesures pour l’exercice 2021, reconnaissant la nécessité de mieux faire accepter les ressortissants étrangers, un défi que la crise liée au COVID‑19 a révélé au grand jour. La Suisse a également cherché à soutenir et consolider les organismes de lutte contre la discrimination et de promotion de la diversité. En 2022, la lutte contre la discrimination sur le marché du travail a suscité une attention particulière. En Australie, l’État de Victoria a créé en juin 2021 un groupe spécial sur la lutte contre le racisme, qui est chargé d’élaborer et de mettre en œuvre sa première stratégie nationale contre le racisme. La Nouvelle‑Zélande a mis sur pied en juillet 2021 un nouveau ministère dédié aux Communautés ethniques afin d’assurer l’égalité d’accès aux services gouvernementaux et de promouvoir l’inclusion de ces communautés.
Besoins spécifiques des femmes et des jeunes immigrés
Les pays cherchent à réduire les obstacles auxquels se heurtent les femmes afin de renforcer l’égalité des résultats
L’impact disproportionné de la pandémie de COVID‑19 sur la situation des femmes issues de l’immigration a attiré davantage l’attention sur la nécessité de prendre en compte les questions d’égalité femmes-hommes dès la conception des projets, en plus d’adopter certaines mesures ciblées. Les pays de l’OCDE ont déployé des efforts particuliers pour améliorer l’accès des femmes nées à l’étranger à leur marché du travail. Par exemple, en Suède, le service public de l’emploi présentera un plan visant à améliorer la situation des femmes sur la période 2022‑25, en coordination avec l’Agence nationale pour l’égalité femmes-hommes. L’Agence œuvre essentiellement auprès des femmes qui sont éloignées du marché du travail et qui ne participent pas aux programmes d’intégration. Le Canada a prolongé l’Initiative pilote pour les nouvelles arrivantes racisées, qui a été lancée en décembre 2018 avec un budget de 31.9 millions CAD pour soutenir l’emploi et l’avancement professionnel des femmes. Les autorités avaient en effet observé que le taux de chômage des nouvelles arrivantes issues de minorités visibles ou de la population non blanche (9.7 %) était supérieur à celui des nouveaux arrivants racisés (8.5 %) et non racisés (6.4 %) (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 2021[3]). En 2021, le Canada a annoncé une enveloppe supplémentaire de 15 millions CAD pour favoriser l’insertion de ce groupe sur le marché du travail, les projets ayant continué de recevoir des fonds jusqu’au 31 mars 2022. Les projets sont répartis sur l’ensemble du territoire canadien et sont axés sur divers éléments, comme le renforcement de la confiance, l’établissement de contacts, le perfectionnement des compétences en informatique et l’entrepreneuriat.
Dans le cadre du dispositif de sécurité des femmes (Women’s Safety Package), le gouvernement australien débloquera 29.3 millions AUD sur trois ans à compter de juillet 2021 pour renforcer la sécurité des femmes issues de l’immigration et favoriser leur inclusion sociale et économique. Les fonds supplémentaires permettront de soutenir les femmes dans le cadre du programme d’aide à l’installation et de participation à la vie locale (SETS, Settlement Engagement and Transition Support Program). Des projets novateurs visant à répondre aux besoins identifiés en matière d’emploi seront également encouragés. La Suède a annoncé des fonds supplémentaires à hauteur de 4 millions SEK destinés à son Agence pour l’égalité femmes-hommes en 2022, en partie pour faire face à l’afflux de femmes et d’enfants en provenance d’Ukraine. Ce financement est destiné à renforcer les travaux de lutte contre l’exploitation et la traite.
L’Allemagne a précisément recensé les besoins des personnes immigrées ayant des obligations de garde d’enfants, dont beaucoup sont des femmes. Le ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales est en train d’élaborer des programmes pour permettre aux femmes de participer plus souvent à des activités de qualification et de formation. En janvier 2022, le ministère fédéral des Affaires familiales, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse a lancé le programme fédéral « Integrationskurs mit Kind: Bausteine für die Zukunft » qui s’adresse aux parents qui suivent un cours d’intégration et souhaitent faire garder leurs enfants. En plus de proposer des services de garde d’enfants pendant les cours d’intégration, les autorités allemandes soulignent l’importance d’apporter un soutien à la fois pendant et après la participation à ces programmes.
Les difficultés propres aux jeunes issus de l’immigration font l’objet d’une attention accrue
L’UE, reconnaissant les difficultés et les sacrifices des jeunes pendant la pandémie de COVID‑19, a proclamé 2022 l’Année européenne de la jeunesse. L’initiative phare en est le programme ALMA (pour Aim, Learn, Master, Achieve, que l’on peut traduire par Orientation, apprentissage, maîtrise, réussite), qui accompagne les jeunes issus de milieux défavorisés à la recherche d’une expérience professionnelle dans un État membre étranger. La Suède a prolongé jusqu’en février 2023 le mandat de sa délégation chargée de l’emploi des jeunes et des immigrés récemment arrivés. La mission de la délégation consiste à améliorer la coordination entre les communes et le gouvernement central dans la lutte contre le chômage des jeunes. De manière plus générale, les programmes d’intégration reconnaissent désormais de plus en plus l’importance de l’éducation pour les jeunes. L’une des filières disponibles dans le cadre du nouveau programme d’intégration aux Pays-Bas (examiné ci-dessus) s’adresse précisément aux jeunes qui se trouvent aux Pays-Bas et y suivent des études supérieures ou qui souhaitent obtenir leur diplôme de fin d’études. La Nouvelle‑Zélande a annoncé la création d’un programme pilote associant d’anciens réfugiés pour faciliter l’accès des jeunes réfugiés à l’enseignement supérieur et/ou à la formation professionnelle, par exemple une formation en alternance. Les jeunes réfugiés travailleront avec Immigration New Zealand et d’autres organismes compétents pendant la phase de co-conception.
Les pays réorganisent et délimitent les responsabilités en vue d’améliorer la coordination de l’action publique
Plusieurs pays de l’OCDE ont réorganisé leur offre de services d’intégration en 2021 et 2022, certains l’ayant même modifiée en profondeur. Ces réformes témoignent d’une prise de conscience croissante de la nécessité d’associer tous les acteurs de l’intégration des immigrés à la définition d’un plan cohérent et bien coordonné. Aux Pays-Bas, en Slovénie et dans plusieurs pays nordiques, cette réorganisation a pris la forme d’une désignation plus précise des responsabilités, soit au niveau national soit à l’échelon local. En Norvège, la responsabilité de l’intégration a été transférée au ministère du Travail, tandis qu’en Suède, un nouveau ministère des Migrations et de l’Intégration a été mis sur pied pour toutes les questions relatives à l’intégration, à la lutte contre la ségrégation et à l’accueil des demandeurs d’asile. Le ministre de l’Emploi et de l’Égalité femmes-hommes reste responsable de l’intégration des immigrés arrivés récemment sur le marché du travail. Dans le même temps, la Norvège cherche à consolider le rôle de la société civile sur la période 2021‑24, essentiellement en subventionnant des organisations. Le gouvernement finlandais a annoncé le transfert de la responsabilité de l’intégration aux communes dans le cadre de sa loi sur la promotion de l’intégration des immigrés. En outre, la Roumanie a publié une nouvelle méthodologie fondée sur sa loi relative à l’intégration qui met l’accent sur les responsabilités interconnectées de ses ministères en matière de logement, d’éducation et d’emploi. À l’inverse, témoignant d’une légère évolution vers une approche plus localisée, l’Australie a annoncé en décembre 2021 investir 37.3 millions AUD dans un programme d’initiative locale visant à aider les immigrés pour raisons humanitaires, dans le cadre duquel des réfugiés sont parrainés par les habitants à titre expérimental. Il a été convenu qu’une part importante de ces fonds serait affectée à des entreprises sociales qui œuvrent pour l’emploi des réfugiés.
Dans le cadre des modifications apportées au titre de la loi de 2021 sur l’intégration civique, les Pays-Bas ont cherché à délimiter plus clairement les responsabilités des communes eu égard à la supervision des nouveaux arrivants. En vertu de la nouvelle loi, si le ministère des Affaires sociales et de l’Emploi est responsable de la gouvernance de l’intégration et que le ministère de l’Éducation et l’Institut chargé de la mise en œuvre de l’éducation coordonnent les examens d’intégration civique, les communes assument un nombre encore plus élevé de tâches, dans l’objectif de proposer une offre davantage personnalisée. Les communes sont responsables du logement, des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, de l’aide sociale, des services de l’emploi et de l’éducation en plus d’assurer le bon déroulement de trois parcours d’intégration civique. Désormais, elles prennent également en charge le coût des programmes d’intégration destinés aux immigrés pour raisons humanitaires. Cette approche diverge beaucoup des offres d’intégration du secteur privé, largement axées sur le marché, qui étaient disponibles auparavant.
L’Estonie et la Belgique ont pris des mesures pour améliorer les mécanismes de coordination. L’Estonie a lancé le plan « Cohesive Estonia 2021‑30 », une initiative conjointe du ministère de la Culture, du ministère de l’Intérieur et du ministère des Affaires étrangères. Le Conseil des ministres de la Belgique a approuvé la création de la Conférence interministérielle sur la migration et l’intégration en février 2021, dans le but de mener des consultations et d’harmoniser les politiques des autorités fédérales et régionales.
Le modèle de guichet unique est de plus en plus utilisé pour coordonner l’aiguillage des immigrés vers les services appropriés. Pour faciliter l’intégration des immigrés, la Lituanie a mis sur pied l’International House Vilnius (maison internationale de Vilnius) en septembre 2021. Ce lieu centralisé fournit en anglais et en russe des services, conseils et orientations en matière d’intégration aux immigrés hautement qualifiés et aux membres de leur famille. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Pologne avait annoncé un projet relevant du Fonds Asile, migration et intégration (AMIF) et visant à ouvrir à titre expérimental des centres d’intégration pour les étrangers dans deux voïvodies, la Grande‑Pologne et la voïvodie d’Opole. Le premier centre a été ouvert à Kalisz le 8 mars 2022. Ces centres ont pour mission de dispenser des conseils sur le marché du travail, de faciliter l’apprentissage du polonais, de faire connaître la culture et d’offrir une aide psychologique et juridique. Le projet a été mené en coordination avec le Réseau national pour l’intégration des étrangers, lequel a vocation à rassembler divers organismes et bureaux qui œuvrent à l’amélioration de la situation des immigrés.
D’autres pays ont continué d’affiner leurs plans d’action nationaux et d’améliorer la coordination de leurs actions. L’Irlande a prolongé sa stratégie d’intégration des immigrés jusqu’à la fin de 2021. Dans le cadre de cette stratégie, plusieurs ministères ont été restructurés, et la responsabilité de l’intégration des immigrés et de la réinstallation des réfugiés a été transférée au ministère de l’Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse. Parmi les stratégies mises en œuvre dans le cadre de cette restructuration figure la mise en place d’un nouveau service d’assistance aux demandeurs de protection internationale, qui sera déployé progressivement sur la période 2021‑24. Le Conseil des ministres de la Lettonie a approuvé un document de planification stratégique du ministère de la Culture qui définit des lignes directrices pour la construction d’une société solidaire. Ces « Lignes directrices pour l’émergence d’une société civile active et solidaire 2021‑27 » mettent l’accent sur l’intégration des immigrés par le biais de l’apprentissage de la langue et de l’histoire lettones.
Références
[3] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (2021), Le gouvernement annonce de nouvelles initiatives pour aider les nouvelles arrivantes racisées à réussir au Canada, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2021/08/le-gouvernement-annonce-de-nouvelles-initiatives-pour-aider-les-nouvelles-arrivantes-racisees-a-reussir-au-canada.html (consulté le 8 June 2022).
[2] OCDE/Union européenne (2018), Trouver ses marques 2018 : Les indicateurs de l’intégration des immigrés, Éditions OCDE, Paris/Union européenne, Bruxelles, https://doi.org/10.1787/9789264309234-fr.
[1] OCDE/Union européenne (à paraître), Settling In 2023: Indicators of Immigrant Integration, Éditions OCDE, Paris/Union européenne, Bruxelles.