Stéphan Vincent-Lancrin
OCDE
Carlos González-Sancho
OCDE
Stéphan Vincent-Lancrin
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Carlos González-Sancho
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Ce chapitre met l’accent sur l’importance de l’interopérabilité au sein d’un écosystème d’éducation numérique. L’interopérabilité désigne la possibilité d’associer et d’utiliser facilement des données provenant de différents outils, de façon cohérente et efficace. En l’absence d’outils numériques interopérables, le croisement et l’échange de données sont possibles, mais ces processus prennent beaucoup de temps et de ressources, ce qui accentue le risque d’erreur. Ce chapitre présente les différentes dimensions de l’interopérabilité (sémantique, technique, organisationnelle et juridique) avant d’examiner la situation des pays dans ce domaine et de mettre en avant des initiatives prometteuses. Enfin, il invite à poursuivre les efforts en la matière.
Un écosystème numérique se compose de divers outils numériques gérés par différents organismes et entreprises : systèmes d’information scolaires, systèmes de gestion des admissions, plateformes d’évaluation numériques, systèmes de certification numériques, systèmes de gestion de l’apprentissage, systèmes de gestion du contenu, ressources d’apprentissage numériques, etc. Tous ces outils ont une fonction précise, mais dans certains cas, la possibilité de croiser facilement les informations de ces divers systèmes favoriserait grandement la prise de décisions en matière d’éducation ou les modifications de processus pédagogiques. Les avantages des solutions et d’une transformation numériques seraient plus tangibles aux yeux des acteurs de l’éducation s’il était possible d’associer, du moins en partie, les informations collectées par différents outils numériques. De nombreuses raisons expliquent la fragmentation de l’écosystème d’éducation numérique, qui n’est pas un problème en soi. Il s’agit souvent d’une occasion manquée en raison du manque d’interopérabilité entre des outils numériques qui gagneraient à pouvoir échanger leurs données, ce qui les rendrait disponibles en temps réel ou permettrait simplement de prendre des décisions en s’appuyant sur des données. Dans d’autres cas, l’absence d’interopérabilité nuit à l’efficacité en raison de doublons dans la saisie des données (lorsque ceux-ci sont involontaires).
L’interopérabilité désigne la possibilité d’associer et d’utiliser facilement des données provenant de différents outils, de façon cohérente et efficace. En l’absence d’outils numériques interopérables, le croisement et l’échange de données sont possibles, mais ces processus prennent beaucoup de temps et de ressources, ce qui accentue le risque d’erreur. Lorsque l’utilisation de données implique un processus de saisie ou de traitement manuel ou semi-automatique qui demande du temps et de l’énergie au personnel en plus de ses tâches habituelles, en particulier au personnel enseignant, les tâches en la matière risquent d’être considérées comme fastidieuses et aliénantes. À l’inverse, la mise en place de solutions d’interopérabilité favorise le flux des données entre les systèmes au prix d’efforts et de coûts minimes, ce qui permet de se concentrer sur des utilisations concrètes et novatrices des données.
Plus important encore, les modules permettant de concevoir des systèmes d’information dotés d’une meilleure interopérabilité dans l’éducation existent déjà. Grâce à des investissements conséquents en faveur des technologies de l’information, les structures éducatives du monde entier ont désormais largement accès à des outils efficaces de collecte et de gestion de donnée. En outre, plusieurs initiatives prometteuses à l’échelle internationale ont permis de mettre au point des normes modèles en matière de données sur l’éducation. Des approches plus complètes et stratégiques sont toutefois de mise afin de renforcer la coordination des actions politiques.
À terme, l’interopérabilité peut contribuer à débrider le potentiel des données et des technologies pédagogiques en matière d’innovation et d’amélioration de l’éducation. L’interopérabilité constitue déjà un moteur d’innovation puissant dans d’autres secteurs où il permet de faire évoluer les environnements technologiques ouverts et d’améliorer progressivement les produits et services, notamment des innovations orientées sur l’utilisateur (Gasser et Palfrey, 2007[1]). Ce potentiel d’innovation pourrait aussi être mis à profit de façon plus stratégique dans le secteur de l’éducation. Compte tenu du rôle croissant des technologies numériques dans les environnements d’apprentissage formels et informels et de la quantité de données utiles qui demeurent inexploitées dans divers systèmes, l’interopérabilité peut devenir la clé permettant d’offrir des réponses plus efficaces et personnalisées aux besoins des élèves et des professionnels de l’éducation (Fox et al., 2013[2]).
Rendre un écosystème d’éducation interopérable implique d’adopter des normes techniques et sémantiques à grande échelle, et à terme, de réduire les obstacles organisationnels et juridiques à l’utilisation et l’échange des données.
L’interopérabilité améliore la cohérence et l’échange des données collectées et gérées par différents systèmes, tout en réduisant la nécessité de traiter les données adéquates pour les saisir à nouveau, les reformater ou les transformer. Les informations pertinentes à la mise en place de mesures ou à la prise de décision peuvent ainsi être utilisées de façon plus rentable et rapide. Au niveau systémique, l’interopérabilité requiert également l’adoption généralisée de normes communes, comme des spécifications techniques pour les outils et applications informatiques, la définition des données et de l’ensemble des codes, ainsi que des modèles communs pour l’architecture du système. Dans certains cas, l’interopérabilité peut nécessiter une plus grande harmonisation avec les processus organisationnels et un cadre juridique favorable à des méthodes d’utilisation innovantes et légitimes des données sur l’éducation.
L’amélioration de la capacité à échanger des données et à partager des informations utiles dans le cadre des prises de décisions est un objectif à plusieurs dimensions, et les initiatives en matière d’interopérabilité peuvent tenter de trouver différents points d’entrée dans l’écosystème des données. Le modèle conceptuel du Cadre européen d’interopérabilité (EIF), qui facilite la mise en œuvre de services publics numériques du point de vue de l’administration en ligne, est un outil utile pour classer les options politiques (European Commission, 2017[3]). L’EIF identifie quatre strates d’interopérabilité : technique, sémantique, organisationnelle et juridique. La distinction qu’il effectue entre les différentes dimensions de l’interopérabilité se retrouve dans d’autres cadres et modèles de normes concernant les données (p. ex. (Kubicek, Cimander et Scholl, 2011[4]) ; Redd (2012[5])) et elle met en avant l’idée que l’interopérabilité va au-delà de la mise en œuvre d’une infrastructure technologique compatible. Une analyse des initiatives politiques en matière d’interopérabilité dans le cadre des services publics en ligne met en évidence une feuille de route commune en deux phases, où la conception et l’adoption de normes précèdent l’harmonisation des processus organisationnels (Guijarro, 2007[6]).
En s’appuyant sur le modèle de l’EIF, le Graphique 11.1 illustre les quatre dimensions de l’interopérabilité abordées dans ce chapitre. Premièrement, la strate technique concerne les infrastructures et les applications informatiques qui rapprochent les services et les systèmes de données. Deuxièmement, la strate sémantique renvoie à la signification des différents éléments de données et à leurs relations. Troisièmement, la strate organisationnelle concerne l’harmonisation des activités entre les organisations dans le cadre d’une vision commune du processus de génération et d’utilisation des données de bout en bout. Enfin, la dimension juridique se rapporte à la cohérence entre les cadres juridiques qui régissent des aspects tels que la propriété, la protection et la confidentialité des données.
Les normes propices à l’interopérabilité des données correspondent aux deux premières strates du modèle : il s’agit soit de spécifications technologiques qui permettent à des systèmes de communiquer, soit de normes sémantiques qui permettent aux systèmes de comprendre les informations dont ils sont porteurs. Quant aux strates organisationnelles et juridiques, elles peuvent représenter les conditions-cadres nécessaires à la réussite de la mise en œuvre des initiatives d’interopérabilité à l’échelle du système.
Ce chapitre est constitué de sections consacrées à l’interopérabilité technique, sémantique, organisationnelle et juridique. En plus d’analyser en profondeur certains aspects des défis rencontrés pour différents types de ressources, ces sections présentent des initiatives pour y remédier à l’échelle nationale ou internationale. Elles présentent des exemples de produits et de normes en matière d’interopérabilité conçus par diverses organisations éducatives, sans pour autant cautionner les exemples cités. Avant de conclure, nous évoquerons des politiques et pratiques déployées par certains pays pour améliorer l’interopérabilité de leur écosystème numérique.
L’interopérabilité technique vise à faciliter la communication entre les systèmes informatiques et les services. Les normes de la strate technique sont des spécifications qui orientent la conception des applications informatiques et de l’architecture des systèmes de manière plus générale en définissant des règles communes de transfert des données et d’autres formes de contenu numérique.
Dans l’éducation, l’interopérabilité s’impose en grande partie à cause de la diversité des outils informatiques employés par les établissements scolaires et les universités pour répondre à leurs besoins opérationnels dans un environnement toujours plus numérique. Le plus souvent, ces outils ont été créés pour jouer un rôle concret dans des contextes institutionnels précis, et rarement dans le but de favoriser l’interopérabilité à l’aide d’outils externes. Néanmoins, cette strate technique est sans doute la plus avancée des quatre dimensions de l’interopérabilité dans ce cadre. À l’heure actuelle, la technologie peut faciliter plutôt que brider l’interopérabilité ; une série de normes techniques accessibles offre des éléments propices à une meilleure interopérabilité de l’écosystème d’éducation numérique.
Il existe déjà un grand nombre de normes établies et émergentes en matière d’interopérabilité technique dans l’éducation ; quant aux taxonomies, elles évoluent rapidement pour englober toujours plus de solutions différentes. En l’occurrence, là où Redd (2013[7]) et Fox (2013[2]) distinguaient trois grandes catégories de normes principalement axées sur les formats de mise en forme du contenu et les protocoles d’échange de données, une taxonomie plus récente établie par CoSN (Consortium for School Networking) (CoSN, 2017[8]) recense huit familles de solutions. Cette augmentation reflète non seulement l’évolution rapide de la technologie, mais aussi une hausse des préoccupations autour de défis comme la protection de la vie privée avec à la clé, par exemple, de nouvelles solutions de gestion de l’identité dans les environnements numériques.
La première grande catégorie de normes techniques concerne les solutions visant à rendre interopérable le contenu numérique. Leur vocation est de standardiser les formats de mise en forme pour permettre le transfert facile du contenu éducatif (p. ex. textes, vidéos, visuels ou évaluations) entre les systèmes et aider ainsi les élèves et les enseignants à accéder plus facilement aux matériaux éparpillés entre les plateformes numériques (comme les systèmes de gestion de l’apprentissage, les environnements d’apprentissage virtuels ou les référentiels de ressources éducatives ouvertes), idéalement en les sélectionnant à leur guise.
Certaines normes relatives à l’interopérabilité des contenus sont issues de spécifications établies par 1EdTech (auparavant appelé IMS Global Learning Consortium), organisation composée de membres de l’industrie des technologies éducatives (EdTech). En 2023, elle comptait 932 entreprises membres dans 28 pays (dont 85 % d’entreprises américaines). Elle propose, par exemple, la norme Common Cartridge, outil standardisé pour importer et exporter du matériel pédagogique de différentes plateformes d’apprentissage à l’aide d’un modèle type intégrant le matériel pédagogique numérique pour que le contenu puisse être créé dans un format et utilisé dans d’autres systèmes d’apprentissage. La norme Accessible Portable Item Protocol (APIP) et la spécification Question & Test Interoperability (QTI) comptent parmi les solutions connexes pour les items de tests et d’autres matériaux d’évaluation. Le matériel conforme à ces normes peut être transféré entre les banques d’items, les outils de création d’examens et les systèmes d’évaluation. Autre exemple : la norme Learning Tools Interoperability (LTI), qui permet d’intégrer plus facilement des applications d’apprentissage enrichi hébergées par des tiers, comme des laboratoires virtuels, à d’autres plateformes sans devoir passer par des solutions personnalisées.
Dans la strate technique, un second groupe de normes porte sur la connectivité et l’intégration des données. Ces normes définissent des protocoles pour le processus de demande et d’envoi d’informations entre des bases de données, ce qui facilite les transferts entre les solutions qui les appliquent.
Les normes relatives à la connectivité des données font appel à des « pilotes » pour accéder à différentes bases de données et traduire les fonctions du langage d’une base de données à une autre, à l’image d’Open Database Connectivity (ODBC), Java Database Connectivity (JDBC) ou Object Linking and Embedding Database (OLE DB). De nombreux acteurs du secteur, dont Microsoft et Oracle, proposent des normes dans cette catégorie.
Les normes d’intégration des données, quant à elles, entendent donner aux utilisateurs d’un système une vision cohérente des données issues de différentes sources sans devoir passer par leur migration physique. L’intégration des données implique de leur donner un format commun et de créer des interfaces pour les consulter et les visualiser simultanément. Les tableaux de bord sont désormais l’interface la plus courante d’intégration des données. Grâce à ces applications, les enseignants peuvent, par exemple, visualiser des listes d’élèves et leurs résultats côte à côte, souvent à l’aide de fonctions comme un code couleur et des graphiques automatisés. Un exemple de ce type de solution est Analytics Middle Tier (AMT) créé par Ed-Fi Alliance, qui permet d’analyser les informations (ou de procéder à une veille économique) de bases de données relationnelles et normalisées et d’éviter les doublons en matière de stockage des données. Cela peut, par exemple, permettre aux professionnels de l’éducation de suivre les progrès des élèves en temps réel en associant des indicateurs importants de leurs points forts et de leurs points faibles.
Un troisième groupe de normes techniques offre des solutions de gestion de l’identité. Cette notion renvoie aux processus d’identification des utilisateurs lors de leur connexion à un système par le biais d’identifiants, de mots de passe ou d’autres marqueurs (authentification), et à l’établissement de droits et de règles pour accéder aux outils, aux ressources et aux données disponibles dans le système (autorisation). Bon nombre de ces normes permettent de vérifier l’identité, les attributs et les permissions des utilisateurs d’un système ou d’une application en particulier, ce qui crée des conditions plus sûres pour consulter et partager les données. Des exemples de spécifications dans cette catégorie comprennent la strate d’authentification OpenID Connect (OIDC) et le cadre d’authentification OAuth créés par OpenID Foundation ou encore le langage Security Assertion Markup Language (SAML) de l’Organization for the Advancement of Structured Information Standards Consortium (OASIS).
Un quatrième ensemble de normes relevant de la strate technique offre des solutions relatives aux listes d’élèves. Les listes restent l’outil par excellence pour enregistrer le nom des élèves et les regrouper en classes, sections et programmes au sein des établissements. Les listes servent souvent de référence pour croiser différents types d’éléments de données, des résultats scolaires aux registres d’inscription dans un établissement. Elles servent aussi à gérer l’accès aux contenus d’apprentissage, entre autres. La création automatique de listes est moins contraignante et propice aux erreurs qu’une saisie manuelle, tout en étant source de problèmes lorsque les données d’une liste ne peuvent être transférées ou lues par d’autres applications à cause de la disparité des formats ou des saisies. Par exemple, deux listes différentes peuvent placer le deuxième prénom des élèves dans des champs différents ou gérer différemment les noms composés ou les abréviations. Les normes permettent d’automatiser la création et le partage des listes d’élèves entre des systèmes conformes, ce qui réduit la charge de travail des enseignants et d’autres membres du personnel scolaire qui n’ont pas à saisir et à vérifier les données. Des exemples dans cette famille de solutions comprennent la norme OneRoster conçue par 1EdTech.
Ces quatre catégories ne constituent pas une liste exhaustive des normes techniques ayant une application directe dans le secteur de l’éducation. Il existe d’autres types de solutions qui pourraient être utiles aux établissements et aux organismes éducatifs comme des spécifications pour les portails en ligne, des infrastructures de réseau, l’accessibilité numérique ou encore des fonctions de recherche et de nomenclature dans les ressources éducatives numériques (Fox et al., 2013[2] ; CoSN, 2017[8]).
Signe de maturité de la strate technique de l’interopérabilité, les normes techniques voient de plus en plus le jour dans le cadre de suites de solutions intégrées couvrant un large éventail d’applications tout en reposant sur un même ensemble technologique. Les suites de produits conçues pour fonctionner ensemble améliorent la cohérence des flux de données entre les applications et permettent une transition vers une meilleure interopérabilité des systèmes d’information à l’échelle d’une organisation plutôt qu’au cas par cas. Ed-Fi Alliance et Schools Interoperability Framework (SIF) sont deux organisations de premier plan qui offrent des ensembles intégrés de solutions techniques pour la gestion des données sur l’éducation (Encadré 11.1).
La suite technologique Ed-Fi comprend des normes pour le stockage et l’échange des données des élèves ainsi qu’un ensemble d’outils de mise en œuvre pertinents. Cette technologie a été créée et est désormais détenue et exploitée par Ed-Fi Alliance, organisation à but non lucratif fondée en 2013 en tant que filiale de la fondation Michael & Susan Dell aux États-Unis.
Les normes Ed-Fi peuvent prendre en charge un grand nombre de scénarios relatifs aux données des élèves, comme les échanges de données entre des systèmes d’information à l’échelle locale et nationale, l’importation de données depuis des outils de tests et d’autres services tiers, ou l’agrégation de données issues de différentes sources sur une même plateforme. Parmi les solutions disponibles, un entrepôt de données opérationnel (Operational Data Store, ODS) et de nombreuses applications à même de lire et mettre à jour les données sortant de l’ODS et y entrant. Les tableaux de bord utilisés dans les classes sont une autre composante de la suite technologique Ed-Fi. Au sein d’un navigateur, les tableaux de bord réunissent des tableaux interactifs, des rapports et des indicateurs visuels donnant accès aux informations relatives aux élèves sur demande. Ils peuvent afficher des informations différentes en fonction des rôles : enseignant, parent, chef d’établissement et responsable de district scolaire. Les utilisateurs peuvent appliquer et personnaliser des tableaux de bord dans leur environnement technologique à l’aide d’une trousse de démarrage avec des exemples et des indicateurs clés.
La spécification de données Ed-Fi est conforme aux normes CEDS (Common Education Data Standards) promues par le ministère de l’éducation américain. Ed-Fi Alliance collabore aussi avec des acteurs du secteur comme 1EdTech afin d’harmoniser des normes plus générales du marché de la maternelle à la dernière année du secondaire dans des domaines essentiels afin d’y inclure les listes d’élèves, les évaluations et les résultats d’apprentissage.
Cette technologie ouverte et indépendante s’appuie sur les normes courantes XML pour une application facile. Toutes les solutions sont disponibles par le biais de licences gratuites et perpétuelles qui donnent accès sans restriction à la fois aux composantes et au code source de cette technologie pour mieux les personnaliser.
Depuis son lancement en 2011, de plus en plus d’organismes éducatifs adoptent la technologie Ed-Fi, que ce soit à l’échelle des États, des districts scolaires et des prestataires de services éducatifs aux États-Unis. En juin 2018, 30 États possédaient une licence pour la technologie Ed-Fi, ce qui représente plus de 30 millions d’élèves et près de 2 millions d’enseignants.
Schools/Systems Interoperability Framework (SIF) est une spécification ouverte de partage des données utilisée par des établissements d’enseignement de la maternelle jusqu’à la vie active en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. Les spécifications sont gérées par Access 4 Learning Community (appelée SIF Association jusqu’en 2015), organisation sans but lucratif composée d’organismes éducatifs publics, d’éditeurs de logiciels et d’autres prestataires de services sur les marchés de l’éducation.
Les spécifications SIF constituent un ensemble de normes non rattachées à un fournisseur ou une plateforme qui permettent aux logiciels de différentes entreprises de partager des informations et d’interagir ; elles permettent ainsi à différents systèmes d’information à différents niveaux de partager des données sans programmation ou adaptation supplémentaire.
Chaque nouvelle spécification SIF compte deux principaux éléments. Le premier est un modèle de données qui comprend l’ensemble des schémas XML et JSON définissant le format des « objets » éducatifs échangés entre les applications conformes à la norme SIF. Le deuxième élément est l’infrastructure qui définit la fonction de transport et de messagerie pour les échanges de données, comme les schémas XML et les spécifications OpenAPI. Dans les différents pays où intervient A4L, les spécifications SIF respectent les ensembles et les normes locales relatives aux codes, comme les normes Common Education Data Standards (CEDS) aux États-Unis, ainsi que plusieurs normes du bureau australien des statistiques.
Depuis 2017, toutes les normes d’application SIF créées à l’échelle mondiale sont en accès libre au titre de la licence internationale Creative Commons 4.0 (CC BY-SA, Attribution et partage selon les mêmes conditions).
SIF met aussi en avant un programme de certification afin d’offrir aux fournisseurs et aux utilisateurs finaux l’assurance que les produits éligibles à la certification SIF répondent à des normes de performance minimales. Un registre de certification comporte une liste exhaustive des produits certifiés SIF.
Enfin, Access 4 Learning a récemment mis davantage l’accent sur les normes en matière de protection de la vie privée. S’appuyant sur le projet Safer Technologies 4 Schools en Australie, son Consortium pour la protection de la vie privée des élèves (Student Data Privacy Consortium, SDPC) a publié une norme internationale de sécurité des données propre au secteur de l’éducation qui synthétise les obligations en matière de sécurité, de protection de la vie privée et de protection des enfants aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
Source : Site web d’Ed-Fi Alliance (http://www.ed-fi.org) ; site web d’Access 4 Learning Community (www.A4L.org)
Les avantages de l’interopérabilité technique ne se limitent pas à la gestion des données dans un pays ou une entité infranationale en particulier : ils peuvent aussi s’étendre à l’amélioration des échanges de données sur l’éducation et la compatibilité des outils numériques à l’échelle internationale. Les normes techniques sont l’une des composantes de la création de systèmes d’information scolaires à même d’offrir un accès aux données statistiques officielles de différents pays en temps voulu. Ces systèmes nécessitent l’utilisation de modèles de données convenus à l’échelle mondiale, appuyés par des métadonnées qualitatives. Par exemple, l’initiative Statistical Data and Metadata eXchange (SDMX) est promue par des organisations statistiques internationales dans le but d’améliorer les mécanismes et les processus d’échange international des données et des métadonnées statistiques.
L’interopérabilité technique à l’échelle internationale permettrait aussi d’élargir le marché des technologies pédagogiques, voire d’augmenter la qualité des outils disponibles — et le nombre de mesures incitatives destinées aux concepteurs de technologies pédagogiques. En adoptant à grande échelle des normes d’interopérabilité technique, les organisations éducatives feraient un pas déterminant vers un écosystème numérique moins fragmenté et doté d’une meilleure capacité d’automatisation et d’accélération des échanges de données ainsi que de réutilisation des informations entre les applications, ce qui les rendrait plus efficaces et utiles. Les normes techniques seraient aussi des composantes essentielles de systèmes d’information de nouvelle génération capables de faire converger des données administratives, d’apprentissage et d’évaluation et d’interagir avec des banques de ressources éducatives numériques (Vincent-Lancrin et González-Sancho, 2023[9]).
Cela étant, elles ne sont pas directement concernées par d’autres aspects de la qualité des données telles que l’interprétabilité, la pertinence ou la cohérence. Par exemple, les données peuvent passer facilement d’un système à l’autre tout en manquant d’une base d’interprétation commune. C’est pour cette raison que les solutions techniques doivent être harmonisées avec les normes sémantiques.
L’interopérabilité sémantique consiste à assurer l’intégrité de la structure et de la signification des données lors de leur transfert entre des systèmes séparés. Les normes sémantiques sont des définitions largement acceptées d’ensembles d’éléments de données propres au secteur et de leur relation. Cette notion implique, d’un côté, de définir une terminologie contrôlée, des thésaurus, des listes de code ou d’autres formes de métadonnées afin d’établir la signification des données, et de l’autre, de construire des modèles de données, des taxonomies ou des schémas de réflexion pour décrire les liens logiques entre les entités et les éléments de données. Son deuxième objectif est de rendre les données plus faciles à explorer et à consulter, par exemple, lorsqu’il s’agit de ressources d’apprentissage numériques. Cette section s’intéresse à l’interopérabilité sémantique des données administratives et des ressources d’apprentissage numériques.
L’interopérabilité sémantique est nécessaire lorsque les règles qui régissent la collecte des données administratives dans les établissements et les organismes éducatifs manquent de cohérence. S’il vaut mieux interpréter les données à l’aune de leur contexte d’origine, des variations en matière de terminologie, d’encodage et de structure logique entre les éléments de données ont tendance à compromettre la qualité des informations partagées entre les organismes. En définissant une structure de référence stable, l’interopérabilité sémantique offre un point de départ pour procéder à des interprétations cohérentes des données sur l’éducation et améliorer la comparabilité des dossiers gérés par différents systèmes d’information. La conformité à des normes sémantiques peut aussi alléger le fardeau de la vérification des données, puisqu’en présence d’un contenu défini sans ambiguïté les organismes disposent d’une base commune pour comprendre les données échangées.
Les relevés de notes qui accompagnent un élève en cas de changement d’établissement ou de niveau au sein du système d’éducation en sont un exemple. Pour l’établissement destinataire, les informations de ces relevés peuvent entrer en ligne de compte dans l’orientation de l’élève vers un cursus ou l’octroi d’une bourse d’études. En l’absence de relevés de notes standardisés, il devient difficile de s’en remettre à des informations dont le contenu ou la signification peuvent varier d’un élève à un autre. Par exemple, aux États-Unis, les exigences pour obtenir un diplôme de l’enseignement secondaire varient énormément d’un État à l’autre, si bien que ce diplôme a de nombreuses significations différentes. Cette situation peut nuire à la comparabilité des taux d’obtention du diplôme de la fin du secondaire puisqu’ils sont calculés selon des critères différents et qui affectent, par conséquent, les conclusions sur les facteurs associés au décrochage scolaire et l’efficacité du ciblage des politiques d’allocation de ressources aux établissements (National Research Council, 2011[10]).
Les dictionnaires de données et les modèles de données logiques comptent parmi les principaux outils pour parvenir à l’interopérabilité sémantique. Les dictionnaires sont des référentiels d’informations descriptives sur des éléments des données comme leur signification, leurs valeurs potentielles, leur format et idéalement, leur origine et leur utilisation potentielle. Ces métadonnées décrivent ces éléments et expliquent les transformations qu’ils subissent (p. ex. leur recodage) avant d’atteindre les utilisateurs finaux, ce qui aide à mieux comprendre les données sur l’éducation.
Les modèles de données, quant à eux, sont des structures conceptuelles qui cataloguent l’ensemble des entités des données et des éléments des données tout en définissant leurs relations. La formulation explicite d’un modèle sous-jacent général a des avantages ; elle fournit par exemple une ossature conceptuelle qui oriente la conception de l’architecture des systèmes de données. Les modèles de données sont à concevoir en partant du principe que les données doivent servir à répondre à des questions pertinentes sur le plan politique et de la recherche. Des modèles de données clairs contribuant à la mission et aux besoins organisationnels des organismes peuvent aussi être utiles pour aider d’une part les responsables de l’éducation à choisir des produits et des services de gestion des données, et d’autre part les prestataires à concevoir des systèmes de données et des produits connexes (National Forum on Education Statistics, 2010[11]).
Aux États-Unis, les « normes communes relatives aux données » Common Education Data Standards (CEDS) sont une initiative de premier plan portant sur la strate sémantique de l’interopérabilité : cette collaboration à l’échelle nationale lancée en 2009 vise à améliorer les données sur l’éducation, de l’apprentissage de la petite enfance à l’enseignement postsecondaire et aux environnements professionnels (Encadré 11.2). L’un des principaux objectifs des normes CEDS est d’épauler les acteurs prenant part à la création de systèmes de données longitudinaux à l’échelle des États.
À l’échelle internationale, la Classification internationale type de l’éducation (CITE) représente un ensemble de normes de référence dans la strate sémantique. Mis en œuvre par l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) en consultation avec les États membres et d’autres organisations internationales telles que l’OCDE, le cadre de la CITE classe les programmes d’enseignement et les diplômes en catégories acceptées à l’échelle internationale. Les normes de la CITE servent à mettre sur pied des statistiques relatives à de nombreuses facettes de l’éducation qui sont utiles aux responsables politiques et autres utilisateurs de statistiques internationales sur l’éducation. De même, la Classification européenne des aptitudes-compétences, certifications et professions (ESCO) mise au point par la Commission européenne offre au marché du travail ainsi qu’aux secteurs de l’éducation et de la formation une terminologie de référence qui entend combler les lacunes en matière de communication et augmenter la mobilité professionnelle et géographique dans l’Union européenne. Les normes internationales créées par Data Documentation Initiative (DDI), qui décrivent les données issues d’enquêtes et d’autres méthodes d’observation en sciences sociales, économiques et de la santé, en sont un autre exemple. Elles ont été adoptées par plus de trente programmes d’enquête d’envergure et archives de données dans le monde depuis 2000. Entre autres applications, cette norme permet de générer des manuels de code interactifs, de mettre en œuvre des catalogues de données et de créer des cartographies de concordance entre les exercices de collecte de données.
La création d’autres normes internationales propices à des éléments de données comparatifs plus fins doit également être envisagée, que ce soit au sein d’un même pays ou entre plusieurs pays.
Les normes Common Education Data Standards (CEDS) sont une initiative nationale visant à mettre au point des normes communes dans le but d’améliorer l’échange, la comparaison et la compréhension des données, de l’apprentissage de la petite enfance à l’enseignement postsecondaire et aux établissements professionnels. Elles sont coordonnées par le Centre national des statistiques de l’éducation (National Center for Education Statistics, NCES) et financées par le ministère de l’Éducation et l’Institut des sciences de l’éducation.
Ces normes identifient les principaux éléments relatifs aux données démographiques, à la participation aux programmes, aux informations sur les cours et à d’autres caractéristiques des élèves et du système d’éducation, ainsi que les éléments nécessaires aux relevés de notes du secondaire au postsecondaire et aux appréciations dans le secondaire. Publiée en février 2023, la version 11 des CEDS contient plus de 1 700 éléments de données. La conception de ces normes est un processus collaboratif ouvert à tout un éventail d’acteurs du secteur. Leur adoption repose sur le volontariat et n’impose pas d’utiliser tous les éléments proposés. Les utilisateurs gagnent parfois à n’adopter qu’une partie des normes.
Entre autres applications, les CEDS sont utilisées par 11 États participant à l’initiative Common Content Tagging Initiative qui entend créer un dictionnaire commun de mots-clés, de valeurs et de définitions destiné à un répertoire commun de ressources pédagogiques numériques facile à explorer. La terminologie employée pour les CEDS a aussi permis de faire correspondre des éléments de données sur l’éducation et la population active de dix États dans le contexte du projet Multistate Longitudinal Data Exchange (MLDE) de la commission Western Interstate Commission for Higher Education (WICHE). Les CEDS entendent aussi aider les organismes d’éducation à concevoir leurs propres systèmes de données. Par exemple, le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de l’Alaska s’en est servi pour harmoniser des éléments de ses systèmes de données précédents lors de la création d’un nouveau système d’information longitudinal.
Plusieurs outils en ligne aident les acteurs du secteur à utiliser et intégrer les CEDS à leur travail. Par exemple, l’outil CEDS Align permet aux organismes et organisations d’importer ou de saisir leurs dictionnaires de données, d’évaluer leur degré d’harmonisation avec les normes et de se comparer à d’autres. L’outil CEDS Connect, quant à lui, permet d’identifier plus facilement les liens entre les éléments des données des CEDS et les utilisations pratiques des données sur l’éducation, par exemple en localisant les éléments à même de répondre à des questions politiques, de calculer des indicateurs et de répondre aux obligations déclaratives à l’échelle fédérale.
Source : site web des Common Education Data Standards (CEDS) (http://ceds.ed.gov).
Les normes sémantiques demeurent importantes tout au long du cycle de vie des données, de leur collecte à leur transformation et à leur publication. Il est essentiel d’avoir une compréhension commune des informations demandées afin d’orienter la collecte des données, mais aussi d’aider les utilisateurs des données à les interpréter et à publier des rapports cohérents que différents publics pourront ensuite interpréter sans ambiguïté. Les normes sémantiques peuvent ainsi s’avérer particulièrement utiles aux discussions impliquant plusieurs acteurs plus ou moins formés au processus de création des données et à leur interprétation (des chercheurs et des responsables politiques aux professionnels de l’éducation et aux familles). Les normes sémantiques peuvent effectivement servir de base à des discussions importantes concernant l’ensemble des acteurs de l’éducation et reposent généralement sur un ensemble fondamental d’éléments et d’indicateurs de données clés.
L’interopérabilité sémantique repose également sur l’élaboration de taxonomies normatives pour classifier les ressources d’apprentissage numériques. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence que les ressources d’apprentissage numérique ne doivent pas se contenter d’être disponibles : elles doivent être faciles à explorer et à consulter. Ce n’est pas souvent le cas à l’échelle mondiale. Au début de la pandémie, le recensement et l’organisation des ressources d’apprentissage numériques concernant le programme d’enseignement local ont mobilisé l’énergie de nombreux acteurs du secteur (Vincent-Lancrin, Cobo Romaní et Reimers, 2022[12]).
Connu de longue date, ce besoin en matière de métadonnées standardisées pour les « objets d’apprentissage » a donné lieu à plusieurs initiatives. L’association de critères et d’une terminologie standard vise à favoriser la réutilisation des objets d’apprentissage, à les rendre plus aisées à trouver et à faciliter leur interopérabilité, notamment dans le contexte des systèmes de gestion de l’apprentissage en ligne.
La première norme relative aux métadonnées pour les ressources numériques s’appelle Dublin Core : lancée au milieu des années 1990 et gérée par Dublin Core Metadata Initiative (DCMI), elle comporte 15 éléments de métadonnées. L’Organisation internationale de normalisation (ISO) l’a officiellement désignée norme internationale (ISO 15836) en 2009. Par exemple, le format de livre électronique EPUB fait appel aux métadonnées Dublin Core pour décrire ses fichiers.
En s’inspirant de Dublin Core, une autre initiative s’efforce d’offrir des informations standardisées sur les ressources d’apprentissage en particulier : la norme LOM (Learning Object Metadata), créée en 2002 par l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) Standards Association pour décrire les ressources d’apprentissage et mise à jour à plusieurs reprises depuis. Ce modèle de données, généralement encodé en XML, est plus contrôlé que Dublin Core : il comprend une hiérarchie d’éléments, tous dotés de sous-éléments, dont il précise les valeurs et les types de données. Au premier niveau, il compte neuf catégories (description, but, etc.). Sa dernière version a été publiée en 2020 (1484.12.1-2020). Plusieurs profils nationaux ont été créés au fil du temps pour adapter cette idée à des contextes nationaux. C’est le cas en Australie et en Nouvelle-Zélande (ANZ-LOM), en France, en Grèce, en Israël, aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, en Suède, en Suisse et au Royaume-Uni. De même, la taxonomie standard nationale de l’Estonie, Estcore, adapte la norme internationale LOM aux besoins du programme d’enseignement national dans ce pays.
La plupart de ces profils sont destinés au secteur de l’éducation en général, tandis que d’autres se concentrent sur l’enseignement supérieur ou l’enseignement et la formation professionnels. La majorité de ces normes ont vu le jour à la fin des années 2000. La mesure dans laquelle elles sont utilisées par les pouvoirs publics et les concepteurs de ressources n’est pas claire. Dans leur analyse de 29 banques de ressources éducatives ouvertes (OER) hébergées par des universités allemandes, Abdel-Qader, Saleh et Tochtermann (2021[13]) ont mis en évidence que 17 % de ces ressources font appel à la norme LOM. Par exemple, l’encadré 11.3 présente la façon dont la France utilise une norme inspirée de la LOM pour son secteur de l’éducation, et ce qu’elle impose dans la pratique.
La France a entamé la création d’une taxonomie standardisée pour décrire les ressources d’apprentissage numériques en 2008. En 2006, les pouvoirs publics ont adapté la norme LOM au contexte français pour en faire la norme LOM-FR (NF Z76-040) relevant officiellement de l’AFNOR (Association française de normalisation). Elle a ensuite été adaptée au secteur de l’éducation sous le nom ScoLOMFR (et au secteur de l’éducation supérieure sous le nom SupLOMFR). Elle est gérée par le réseau Canopé, un organisme relevant du ministère de l’éducation chargé de l’apprentissage tout au long de la vie et du développement professionnel des enseignants.
La norme ScoLOMFR comprend 9 catégories, une soixantaine de sous-catégories, 40 éléments terminologiques contrôlés définissant les niveaux d’éducation en France et environ 15 000 concepts descriptifs. Les ressources d’apprentissage numériques sont encodées dans un format XML donné et caractérisées par un ensemble de descripteurs communs prédéfinis (le type, le degré d’interactivité, la classe d’âge courante, la langue, etc.), ce qui aide les enseignants (et les élèves) à chercher, consulter, utiliser et partager les ressources pédagogiques. Si certains de ces éléments doivent obligatoirement être documentés, bon nombre des sous-catégories sont simplement conseillées ou facultatives. Il est simplement conseillé de fournir des informations relatives aux aspects pédagogiques, voire aux sujets des ressources d’apprentissage.
L’un des atouts de cette norme est qu’elle offre une description du public cible (la matière et le niveau des élèves pour toutes les possibilités dans le système éducatif français) de sorte que les ressources sont développées pour une matière précise (par exemple, le cours de science des élèves en 10e année d’études dans un cursus précis). Le programme d’enseignement français est décrit de façon exhaustive par la taxonomie et mis à jour chaque année en fonction de son évolution. Cela donne aussi aux acteurs du secteur un exemple de spécification pour le contenu de leurs ressources. Enfin, un formulaire en ligne permet aux concepteurs des ressources d’utiliser une nomenclature.
Cette norme est destinée à tous les concepteurs de ressources éducatives (des enseignants aux éditeurs privés). Son application repose sur le volontariat, mais le ministère de l’Éducation exige l’emploi de la nomenclature de la norme ScoLOMFR pour toutes les ressources d’apprentissage dans ses appels d’offres, ce qui incite fortement les éditeurs éducatifs à s’en servir.
Source : Réseau Canopé (https://www.reseau-canope.fr/scolomfr/)
Les strates organisationnelles et juridiques de l’interopérabilité représentent les conditions-cadres pour la mise en œuvre des normes techniques et sémantiques et, de manière plus générale, pour la gouvernance de l’utilisation des données. Les cadres juridiques et les dispositions organisationnelles sont largement harmonisés au sein de la plupart des systèmes d’éducation, mais, dans les systèmes fédéraux et décentralisés où des administrations disposant de missions différentes peuvent coexister, une meilleure interopérabilité des systèmes d’information peut aussi imposer de mieux ajuster ces domaines.
La strate d’interopérabilité organisationnelle touche à l’harmonisation des processus d’entreprise, des responsabilités et des attentes entre les organisations, dans le but de renforcer la collaboration en vue d’objectifs communs (European Commission, 2017[3]). Pour les organismes éducatifs, un mécanisme sous-jacent d’harmonisation organisationnelle consiste à créer une même vision du rôle que les échanges et l’utilisation des données sont appelés à jouer pour atteindre des objectifs communs, à savoir l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du système éducatif.
La normalisation de certains processus opérationnels clés dans les établissements scolaires et les universités est une dimension importante de l’interopérabilité organisationnelle dans l’éducation. Ces processus touchent le plus souvent à un service précis comme l’inscription des élèves, l’enregistrement de leurs résultats ou le recrutement des enseignants. L’interopérabilité devient une réalité lorsque les organisations de différentes entités adoptent des procédures standards pour ces tâches complexes. Les architectures orientées services (SOA) offrent une base pour atteindre l’interopérabilité organisationnelle. Elles permettent une même description des processus et des flux de travail automatisés entre les organisations, par exemple en utilisant des définitions standards des processus des entreprises (Kubicek, Cimander et Scholl, 2011[4]). Un autre domaine d’interopérabilité organisationnelle tient à l’adoption d’accords officiels relatifs à l’échange et à l’utilisation des données.
L’Australie a créé son programme national d’interopérabilité entre les établissements (National Schools Interoperability Programme, NSIP) en juillet 2010 sous forme d’initiative conjointe des organismes d’éducation à l’échelle des États, des territoires et de l’État fédéral pour soutenir la création d’une infrastructure d’apprentissage numérique dans le secteur de l’éducation. Depuis 2019, il s’agit d’une division d’Education Services Australia. Le programme NSIP collabore avec des organismes publics ainsi que des fournisseurs de technologies et des prestataires de services pour créer des solutions adaptées aux problèmes de gestion des données et des contenus numériques couramment rencontrés par les établissements. Il encourage l’utilisation de normes de données et cautionne en particulier le cadre Systems Interoperability Framework (SIF) comme méthode de référence pour l’échange de données.
Un outil fondamental du programme NSIP est le Student Information System Baseline Profile (SBP) : cette version localisée du cadre SIF s’appuie sur un sous-ensemble de ses spécifications ouvertes pour le partage des données. Reposant sur l’ensemble ouvert créé par le NSIP, ce cadre facilite les échanges de données entre les organisations. Les établissements peuvent, entre autres, utiliser le SBP pour automatiser la mise à jour des données entre de nombreux outils ou pour transférer les données de leurs systèmes locaux à une plateforme dématérialisée de gestion de l’apprentissage.
Learning Services Architecture (LSA), sous la houlette du NSIP, est une approche d’architecture nationale reposant sur des accords politiques établis et des normes d’interopérabilité convenues entre les autorités de l’éducation et les entreprises d’informatique pédagogique. Elle vise à simplifier la fourniture de services d’apprentissage et à garantir que les données sur l’éducation puissent être utilisées et réutilisées de façon fiable à l’échelle des établissements, du système éducatif et du pays.
Les normes relatives à l’interopérabilité sont également appliquées au programme d’enseignement numérique. Les établissements australiens peuvent accéder à des banques numériques de matériaux d’apprentissage grâce à une infrastructure technique, la National Digital Learning Resources Network (NDLRN). C’est grâce aux normes techniques et sémantiques relevant du NSIP que les élèves et les professionnels de l’éducation peuvent plus facilement consulter, utiliser et explorer ces ressources.
Plus récemment, le NSIP a conçu le programme Safer Technologies For Schools, qui évalue la conformité de produits logiciels en matière de cybersécurité et de protection de la vie privée dans le cadre d’une approche coordonnée à l’échelle nationale s’appuyant sur des efforts menés indépendamment par différents États australiens. Il coordonne également un projet de dictionnaire de données de l’éducation nationale (National Education Data Dictionary) afin de parvenir à une entente nationale entre les entités chargées des données dans l’éducation et de définir toute la gamme d’utilisations, de lois applicables et de règles commerciales auxquelles elles sont soumises.
Si le NSIP gère une série de produits et d’outils propices à l’interopérabilité, il offre aussi des conseils et un point de contact aux établissements, aux organismes de normalisation et aux entreprises en la matière. Le NSIP joue un rôle important dans la négociation et l’application d’une meilleure interopérabilité pour les infrastructures numériques australiennes destinées aux établissements.
Source : NSIP (https://www.nsip.edu.au)
La strate juridique de l’interopérabilité concerne la création de conditions permettant aux organismes éducatifs intervenant au sein de différents cadres juridiques, politiques et stratégiques de travailler ensemble (European Commission, 2017[3]). La législation peut être un obstacle majeur à l’échange et à l’utilisation des données sur l’éducation entre les pays, voire entre des entités d’un même pays, en particulier quand la protection et la sécurité des données sont menacées. La première étape vers la promotion de l’interopérabilité juridique consiste à identifier les entraves aux flux de données en passant en revue la législation en vigueur. Ces obstacles peuvent comprendre des réglementations incompatibles relatives à la collecte, au stockage et à l’utilisation des données d’un secteur ou d’une entité à l’autre, des modèles de licence des données différents ou imprécis, des obligations concernant des normes techniques ou des outils technologiques précis ou des obligations contradictoires concernant des processus commerciaux semblables. Dans un deuxième temps, l’interopérabilité juridique peut nécessiter d’adopter une nouvelle législation afin de favoriser l’échange et l’utilisation de données.
Plusieurs pays ont amélioré leur interopérabilité en mettant sur pied des organismes ou des programmes pour soutenir les négociations relatives aux normes interopérables et en tenant compte de la variété des politiques à l’échelle infranationale et des normes techniques utilisées par différents outils. L’Australie offre un exemple intéressant avec son National Schools Interoperability Programme (NSIP), organisme créé pour améliorer l’interopérabilité dans et entre les États australiens (Encadré 11.4). Essentielles, l’interopérabilité organisationnelle et l’interopérabilité juridique comptent sans doute parmi les strates les plus complexes de l’interopérabilité, car elles imposent aux individus et aux organisations de trouver un terrain d’entente relatif à certains de leurs processus organisationnels. Plusieurs initiatives lancées au cours des dix dernières années dans différents pays ont fini par être abandonnées, ce qui souligne à quel point il est difficile de fournir des efforts à long terme dans ce domaine.
Une mesure possible pour favoriser l’interopérabilité technique consiste à rendre obligatoire l’adoption de normes techniques précises afin que les outils d’un écosystème numérique puissent facilement « communiquer » les uns avec les autres. Cette solution peut toutefois être difficile à mettre en place compte tenu de la vitesse d’évolution des normes techniques dans l’espace numérique. Imposer des normes peut brider l’innovation technique. Lorsqu’ils choisissent cette approche, les pays doivent disposer de mécanismes rapides de consultation et de communication avec le secteur des technologies pédagogiques pour ne pas entraver l’innovation, ainsi que de mécanismes permettant de suivre les évolutions techniques — et d’une expertise technique interne solide.
Sur 29 pays/entités, 10 (soit environ un tiers) rendent obligatoire l’utilisation de normes techniques pour certains outils numériques de leur écosystème d’éducation numérique (Graphique 11.3 et Tableau 11.2). Bien souvent, cette décision concerne les systèmes de gestion de l’apprentissage et d’autres outils numériques qui doivent être interopérables avec les systèmes d’information scolaires à l’échelle d’un pays ou, dans certains cas, avec des plateformes de ressources d’apprentissage numériques. Un autre cas de figure courant concerne la protection de la vie privée et l’utilisation d’un identifiant unique pour les solutions fournies par les pouvoirs publics : ceux-ci peuvent contraindre les fournisseurs privés à faire appel à des solutions avec authentification qui ne leur donnent pas accès aux informations personnelles des élèves (comme en France, aux Pays-Bas et dans la Communauté flamande de Belgique). En matière de données, l’obligation d’utiliser des formats précis peut s’expliquer par une attente ou une exigence en matière de « portabilité », c’est-à-dire la possibilité de migrer automatiquement les données d’un établissement à un autre (ou d’autoriser les personnes concernées à recevoir leurs propres données). La portabilité des données est obligatoire dans 7 des 29 pays/entités (et conseillée dans 9 autres). Par exemple, l’Angleterre utilise la norme technique Common Transfer File pour le transfert des données des élèves entre les établissements et les institutions, ce qui assure la cohérence du format des dossiers scolaires.
Au lieu de rendre obligatoires des normes précises, certains pays se contentent d’encourager leur utilisation. Sept pays sont dotés de lignes directrices relatives à des normes techniques précises, qui constituent donc des mesures incitatives ciblées. Ces pays publient des spécifications techniques et encouragent les acteurs du secteur de l’éducation à les respecter. Ces spécifications s’adressent en majeure partie aux acteurs de l’industrie des technologies pédagogiques qui créent des outils ou aux acteurs de l’éducation qui les achètent.
Si l’obligation ou l’incitation à utiliser des normes techniques ou des données précises favorise le plus souvent l’interopérabilité grâce à des outils numériques à grande échelle gérés par les pouvoirs publics, l’interopérabilité générale des outils dans l’écosystème d’éducation numérique d’un pays constitue un autre défi. Bien que tous les systèmes numériques n’aient pas besoin de communiquer ou d’échanger des données avec les plateformes des autorités de l’éducation, l’interopérabilité offre des avantages de taille aux acteurs de l’éducation, comme un gain d’efficacité et la capacité à réutiliser les informations obtenues d’un outil à un autre. L’interopérabilité aide aussi à éviter les situations de « blocage par le fournisseur », où les établissements ou les acteurs de l’éducation ne peuvent utiliser un autre outil numérique (ou faire appel à un autre prestataire de services) sans coûts conséquents. C’est le cas lorsque le changement de prestataire entraîne la perte de toutes les données déjà collectées, par exemple. En principe, l’interopérabilité des formats des données et l’interopérabilité technique peuvent atténuer ce problème.
Le recours à des normes ouvertes facilite les changements de systèmes et offre une norme que la plupart des fournisseurs peuvent eux aussi utiliser. Encourager l’adoption volontaire de normes ouvertes est une autre façon de promouvoir l’interopérabilité. L’interopérabilité et l’ouverture sont toutefois deux concepts différents. L’interopérabilité désigne la capacité de collaboration des systèmes, tandis que la notion d’ouverture touche (principalement) aux droits d’auteur des solutions utilisées pour y parvenir. Il est ainsi possible d’atteindre l’interopérabilité à l’aide de solutions ouvertes ou propriétaires. Par exemple, des outils ou produits peuvent être interopérables s’ils respectent les spécifications d’un fournisseur (ou organisme) dominant, ce qui les rend accessibles sous certaines conditions. La notion d’ouverture renvoie à une philosophie initiée par le mouvement du logiciel ouvert qui permet à tous de réutiliser et d’améliorer le code source de certains logiciels. Dans le cas de l’éducation, les normes ouvertes offrent le plus souvent un langage commun et non propriétaire permettant d’intégrer diverses formes de contenus et données numériques à des plateformes indépendantes (CoSN, 2017[8]). N’importe quelle organisation peut facilement réutiliser les normes ouvertes, voire s’en servir pour créer des outils afin d’atteindre une certaine interopérabilité avec ses outils numériques.
Parmi les 29 pays ayant répondu à l’enquête de l’OCDE sur la gouvernance et les infrastructures numériques, 7 sont dotés de règles imposant l’utilisation de normes ouvertes relatives aux données, et 10 de normes techniques ouvertes — pour au moins certains cas de figure (et pas forcément toutes les solutions). Les normes précises imposées par les autorités peuvent être ouvertes ou non. Lorsqu’on ajoute les lignes directrices aux règles officielles, 11 pays conseillent de suivre des normes ouvertes pour les données sur l’éducation, et 7 pour les normes techniques.
L’Estonie est sans doute l’un des pays où l’interopérabilité de l’écosystème d’éducation numérique est la plus forte, grâce à ses outils gouvernementaux interopérables et à l’emploi de l’outil X-tee. Pour rationaliser la portabilité des données entre les systèmes tout en garantissant la protection de la vie privée et la confidentialité des acteurs de l’éducation, l’Autorité des systèmes d’information (Riigi Infosüsteemi Amet) a créé la solution à code ouvert X-tee, qui constitue une strate centralisée d’échange de données. X-tee favorise un échange sûr et standardisé des données entre différents systèmes informatiques, comme les bases de données des pouvoirs publics et les systèmes du secteur privé.
Au-delà du fait de publier ou de cautionner des normes précises (qui sont parfois ouvertes), les pays pourraient inciter les fournisseurs à les utiliser par le biais de leurs processus d’appels d’offres. Parmi les 29 pays ayant pris part à l’enquête de l’OCDE sur la gouvernance et les infrastructures numériques, ils sont 3 à inclure des critères d’interopérabilité à leurs processus d’appel d’offres (Vidal, 2023[14]).
Les normes d’indexation des ressources d’apprentissage numérique constituent un autre exemple d’utilisation de normes précises (parfois ouvertes) et de mesures incitatives en ce sens. Sur 29 pays/entités, 18, c’est-à-dire environ deux tiers, possèdent des taxonomies nationales pour leurs ressources d’apprentissage. Quelques pays (3 sur 29, soit près de 10 %) suivent des taxonomies internationales. Les taxonomies nationales peuvent toutefois s’inspirer de leurs homologues internationales. Ces taxonomies couvrent le plus souvent une vaste gamme de sujets (18 pays) en plus des mathématiques et des langues nationales, qui sont généralement les deux sujets sur lesquels portent les évaluations nationales.
|
Type de taxonomie |
Portée des taxonomies |
|||
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|
Échelle internationale |
Échelle nationale |
Échelle infranationale (par ex. provinciale) |
Couvre les matières fondamentales |
Couvre une vaste gamme de matières |
Autriche |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Brésil |
✓ |
✓ |
|||
Canada |
|||||
Chili |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|
Tchéquie |
|||||
Danemark |
✓ |
||||
Estonie |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Finlande |
|||||
France |
✓ |
✓ |
✓ |
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Hongrie |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Islande |
|||||
Irlande |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Italie |
✓ |
✓ |
|||
Japon |
✓ |
✓ |
|||
Corée |
✓ |
✓ |
|||
Lettonie |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Lituanie |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Luxembourg |
✓ |
||||
Mexique |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Pays-Bas |
|||||
Nouvelle-Zélande |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Slovénie |
✓ |
✓ |
|||
Espagne |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Suède |
|||||
Türkiye |
✓ |
||||
États-Unis |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|
Angleterre (Royaume-Uni) |
✓ |
✓ |
✓ |
||
Comm. flamande (Belgique) |
✓ |
✓ |
|||
Comm. française (Belgique) |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|
Total (29) |
3 |
18 |
4 |
16 |
18 |
Remarque: la Finlande est dotée d’un métamodèle national pour les matériaux d’apprentissage numérique lié à ePerusteet, qui permet de rapprocher les matériaux numériques des matières/contenus du programme d’enseignement. Bien qu’il ne constitue pas une taxonomie en soi, il offre un modèle d’interopérabilité reposant sur LRMI et reprenant quelques parties du modèle LOM. Bien que la Finlande ne soit pas cochée dans le tableau, ce système s’apparente à une taxonomie nationale couvrant les matières fondamentales. N=29.
La majorité des taxonomies nationales relatives au contenu pédagogique repose sur les programmes d’enseignement nationaux des pays concernés. Ces programmes sont souvent à la base des ressources d’apprentissage pédagogiques conçues par des acteurs publics et privés. Par exemple, au Japon, le matériel pédagogique numérique est répertorié selon une taxonomie nationale assignant un numéro à chaque matière du programme, afin que les enseignants puissent facilement trouver le contenu dont ils ont besoin. La Nouvelle-Zélande s’appuie elle aussi sur son programme d’enseignement national pour donner un cadre à la taxonomie et classer les ressources numériques en conséquence. En Irlande, la taxonomie standard nationale repose également sur le programme d’enseignement.
Certains pays adoptent des taxonomies internationales pour standardiser les ressources d’apprentissage numériques, ce qui permet aux fournisseurs privés de s’en inspirer pour répertorier leurs ressources. Par exemple, le Chili fait appel à la norme Dublin Core présentée plus haut, avec des extensions dans le programme d’enseignement chilien. EducarChile, le portail national des ressources d’apprentissage numériques destiné aux enseignants et aux élèves, s’appuie sur ce cadre pour répertorier ses ressources.
La France et la Communauté française de Belgique font généralement appel à une autre norme internationale localisée pour répertorier les ressources d’enseignement et d’apprentissage : la norme Learning Object Metadata (LOM) (voir l’Encadré 11.3). La France l’a adaptée à son secteur scolaire en créant la norme ScoLOMFR, également utilisée par la communauté francophone de Belgique pour sa plateforme e-classe. En outre, le thésaurus MOTBIS permet de répertorier les ressources et d’indexer les mots-clés du matériel d’apprentissage de la plateforme e-classe de façon cohérente en s’appuyant sur les listes terminologiques contrôlées de la Bibliothèque nationale de France. L’une des limites de la norme LOM tient à l’absence de standardisation des matières et de leur contenu (et ce malgré leurs descriptions obligatoires). C’est en partie pour cette raison que des adaptations nationales sont de mise.
Dans certains cas, les acteurs du secteur peuvent simplement suivre une taxonomie commune sans que cela ne relève d’une obligation. En Finlande, bien que le gouvernement ne fournisse ni ne cautionne publiquement une taxonomie contrôlée des objets d’apprentissage, les fournisseurs de ressources répertorient volontairement leurs produits en fonction du programme d’enseignement national.
Les pays pourraient également imposer aux outils numériques un processus de certification comportant une dimension d’interopérabilité. Par exemple, ils pourraient mettre au point une norme avec l’Organisation internationale de normalisation (ISO) ou leur organisme national de normalisation et exiger que leur écosystème numérique comporte des outils numériques certifiés selon une norme comprenant une composante d’interopérabilité. Lors de la passation de marchés publics dans des secteurs autres que l’éducation, il est courant d’exiger une certification. Par exemple, afin d’améliorer les cantines scolaires, des pays ou des municipalités peuvent exiger que des ingrédients précis (ou un pourcentage des ingrédients) disposent d’une certification « biologique », comme c’est le cas à Rome (Italie) ainsi que dans d’autres municipalités d’autres pays. Il n’est pas rare de demander des solutions « certifiées » dans le cadre des marchés publics. Comme indiqué plus haut, Access 4 Learning Community certifie les produits numériques qui appliquent sa norme. Certaines normes de nomenclature des ressources d’apprentissage numériques pourraient aboutir à une certification, bien que cela ne semble pas avoir été le cas en 2023. En fonction des cas, cette approche peut toutefois être contraignante, et les pays doivent évaluer ses coûts (et donc son caractère dissuasif) pour les tiers ainsi que ses avantages pour le système d’éducation. Selon le Tableau 11.1, l’Autriche, le Danemark et le Mexique font appel à cette politique, tandis que quatre autres pays la conseillent. Aucun pays n’a donné d’exemples des certifications exigées.
Une stratégie récente adoptée par de nombreux pays est la conception de solutions à « identifiant unique ». Un identifiant unique est une solution de « gestion de l’identité », comme expliqué plus haut. Il permet aux utilisateurs finaux d’accéder à divers systèmes logiciels liés, mais indépendants, à l’aide d’un même identifiant qui permet de les authentifier. Les systèmes n’ont pas besoin d’être interopérables (à l’exception de cette composante d’authentification), mais leur facilité d’accès donne à l’utilisateur final une impression d’interopérabilité : l’impression que les différents outils numériques sont intégrés.
Par exemple, l’Angleterre encourage l’emploi du service d’identifiant unique (SSO) DfE Sign-in pour ses deux systèmes d’information scolaires (Analyse School Performance et Get Information About Pupils) ainsi que pour les inscriptions en ligne aux établissements (Get Information About Schools). La Corée encourage elle aussi l’utilisation d’un système à identifiant unique (SSO) sur sa plateforme Edunet T-Clear afin d’améliorer la portabilité des données en définissant des lignes directrices en la matière. Le Danemark a adopté l’identifiant UNI, tandis que la Finlande a conçu son propre service d’identifiant appelé MPASSid.
À l’image de la France, il arrive que les politiques de protection des données et de la vie privée prévoient également des outils d’identification unique pour garantir que les fournisseurs n’aient pas accès aux informations sur l’identité des enseignants ou des élèves enregistrés dans les différents systèmes.
Le Graphique 11.3 et le Tableau 11.2 présentent un résumé de notre analyse des aspects des politiques d’interopérabilité adoptées par les pays.
|
Utilisation de normes techniques spécifiques |
Utilisation de normes ouvertes pour les technologies éducatives |
Utilisation de normes ouvertes pour les données éducatives |
Utilisation de solutions certifiées comprenant des dimensions d’interopérabilité |
Portabilité des données |
Marchés publics |
Implication |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
|
Règles |
Directives |
Règles |
Directives |
Règles |
Directives |
Règles |
Directives |
Règles |
Directives |
Critères d’interopérabilité |
Initiatives internationales |
Autriche |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Brésil |
✓ |
✓ |
||||||||||
Canada |
✓ |
|||||||||||
Chili |
✓ |
✓ |
||||||||||
Tchéquie |
✓ |
✓ |
||||||||||
Danemark |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||||
Estonie |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Finlande |
✓ |
✓ |
||||||||||
France |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Hongrie |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||||
Islande |
✓ |
|||||||||||
Irlande |
✓ |
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Italie |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||||
Japon |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Corée |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Lettonie |
✓ |
✓ |
✓ |
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Lituanie |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
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Luxembourg |
✓ |
|||||||||||
Mexique |
✓ |
✓ |
||||||||||
Pays-Bas |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Nouvelle-Zélande |
✓ |
✓ |
||||||||||
Slovénie |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Espagne |
||||||||||||
Suède |
✓ |
✓ |
||||||||||
Türkiye |
✓ |
|||||||||||
États-Unis |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
||||||||
Angleterre (Royaume-Uni) |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Comm. flamande (Belgique) |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||||
Comm. française (Belgique) |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
|||||||
Total (29) |
10 |
8 |
4 |
7 |
7 |
11 |
3 |
4 |
7 |
9 |
3 |
7 |
Total (29) |
18 |
11 |
18 |
7 |
16 |
3 |
7 |
Remarque: N=29
L’interopérabilité a un rôle important à jouer pour rendre un écosystème d’éducation numérique plus efficace, efficient et intégré. Encourager l’interopérabilité constitue une réponse politique au problème de la fragmentation d’un écosystème numérique. Dans de nombreux pays, les organisations éducatives collectent une quantité importante de données sur l’éducation, mais elles sont peu faciles à exploiter, ce qui nuit à une prise de décisions éclairées. C’est notamment le cas lorsque ces données présentent une cohérence et une interprétabilité limitées faute de s’inscrire dans des normes sémantiques, lorsqu’elles ne sont pas à jour, ou lorsque l’incapacité des systèmes d’éducation numérique à communiquer entre eux les rend peu accessibles. Par exemple, les systèmes d’information de nouvelle génération, qui représentent une pierre angulaire des nouveaux modèles d’utilisation de données éducatives à des fins d’innovation et d’amélioration, ne peuvent libérer leur plein potentiel que dans un environnement façonné selon les principes de l’interopérabilité. Même à l’ère de l’intelligence artificielle, l’exploration efficace des ressources d’apprentissage numériques est plus simple lorsque celles-ci sont cataloguées en fonction de taxonomies standards, ce qui les rend également plus interopérables ou permet aux systèmes de gestion de l’apprentissage des établissements d’y accéder plus facilement.
Le passage d’un écosystème de données et de technologies de l’éducation fragmenté à un écosystème interopérable repose sur des dimensions politiques importantes. Celles-ci consistent notamment à tenir compte des précédents systèmes utilisés, à sensibiliser davantage aux atouts de l’interopérabilité, à mettre en place une combinaison de mesures incitatives et obligatoires pour l’adoption de normes, à garantir la durabilité et la capacité d’adaptation à l’évolution des besoins, et à tirer profit des initiatives internationales dans ce domaine.
La capacité limitée des infrastructures à échanger des données avec d’autres systèmes ainsi que l’absence de modèles communs définissant les processus et résultats éducatifs clés peuvent créer de lourdes contraintes sur les utilisations innovantes des données sur l’éducation. Dans ces systèmes, l’interopérabilité ne doit pas être considérée comme un défi insurmontable. Plutôt que de remplacer totalement l’infrastructure ou de procéder à une redéfinition complète, il faudrait procéder au passage vers une meilleure interopérabilité de l’écosystème d’éducation numérique par petites étapes et s’appuyer sur les systèmes numériques et de collecte de données existants.
En ce qui concerne l’interopérabilité sémantique, deux approches sont envisageables :
en l’absence d’un ensemble de normes de qualité des données susceptible d’améliorer l’interopérabilité, il faut concentrer les efforts sur la création stratégique et collaborative de normes inspirées des modèles de données, des dictionnaires de données et des spécifications de format de données existants. Cette démarche doit faire référence à des cas bien identifiés qui revêtent une grande importance en matière de conception de politiques ou d’interventions dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage. Une stratégie possible consiste à réunir les acteurs du secteur afin d’identifier un ensemble d’éléments de données dans les domaines présentant un intérêt commun et d’en faire l’ossature d’un modèle de données plus vaste. En cas de consensus concernant un ensemble d’éléments de données fondamentales dont différents organismes et acteurs ont besoin pour résoudre leurs questions pratiques et politiques les plus urgentes, les initiatives relatives à l’interopérabilité peuvent alors s’intéresser à la création de normes pour ces éléments fondamentaux. C’est l’approche qui a été adoptée pour la création des taxonomies des ressources d’apprentissage numériques.
Lorsque des ensembles de normes de qualité des données sont déjà définis, les organismes éducatifs peuvent procéder à une cartographie exhaustive et à une analyse des lacunes de leur infrastructure technique au niveau de la strate sémantique de l’interopérabilité. Cet exercice vise à identifier les éléments et les pratiques en matière de données qui ne sont pas conformes à l’architecture d’interopérabilité souhaitée, ainsi que les domaines qui ne nécessitent pas de changements majeurs puisqu’une telle harmonisation existe déjà. Par exemple, l’outil de cartographie Align conçu par l’initiative CEDS aux États-Unis (voir l’Encadré 11.2) permet aux organismes d’éducation à l’échelle locale et des États de déterminer, parmi les éléments de données qu’ils collectent, lesquels possèdent un format conforme aux CEDS et lesquels nécessiteraient de modifier les procédures de collecte et de formatage. L’outil automatise l’analyse cartographique lorsque les organismes téléchargent leurs propres dictionnaires de données pour les comparer aux CEDS.
L’interopérabilité technique est souvent moins malléable étant donné que les normes techniques sont généralement définies par des concepteurs de systèmes de l’industrie des technologies pédagogiques. La deuxième approche de cartographie et d’analyse des lacunes pourrait aussi être utilisée pour l’interopérabilité technique, encore une fois dans des cas bien précis. Les projets d’interopérabilité technique conçus à la faveur d’une approche progressive n’imposent pas de se plier entièrement ou immédiatement aux normes. Une conformité totale n’est pas forcément une option réaliste pour les écosystèmes d’éducation numérique qui font appel à différentes solutions informatiques propriétaires. Une approche progressive peut ainsi impliquer la création de mécanismes de liaison qui facilitent le transfert de données et la communication depuis et entre des systèmes non interopérables lors d’une phase de transition.
Les pouvoirs publics peuvent inciter à l’interopérabilité de différentes façons.
Une solution radicale consiste à acheter et fournir de manière centralisée l’ensemble des outils et ressources numériques du système d’éducation, en partant du principe qu’ils tiennent compte de leur interopérabilité. Cette approche comporte le risque que l’écosystème d’éducation numérique devienne rapidement obsolète puisque, de manière générale, les mesures incitatives publiques pour le faire évoluer sont limitées. L’un des enjeux de l’interopérabilité consiste à laisser de la place à la diversité et à l’innovation sans nuire à l’efficience ni à l’efficacité de l’écosystème numérique.
Les réglementations des organismes d’éducation publics sont l’un des principaux moteurs de l’adoption de normes et pratiques axées sur l’interopérabilité. L’action réglementaire concerne de nombreux domaines, comme les obligations en matière de soumission et de présentation des données (p. ex., exiger des établissements qu’ils soumettent des données et des rapports selon des normes précises), les obligations de certification pour les prestataires technologiques (p. ex., obliger les systèmes entrant sur le marché à être compatibles avec des normes établies) et les règles pour les processus d’achats publics (p. ex., faire de l’interopérabilité une condition d’achat à part entière). Les réglementations peuvent être plus ou moins contraignantes, d’obligations officielles avec des conditions et des calendriers d’application bien définis à des lignes directrices, voire des mécanismes incitatifs dans le cadre de subventions compétitives et d’autres demandes de financement publiques. Toutes ces stratégies existent déjà dans une certaine mesure.
Les mesures incitatives privées peuvent aussi jouer un rôle important dans l’adoption de normes, qu’elles concernent la strate technique ou sémantique. La concurrence sur le marché peut inciter les fournisseurs de technologie à concevoir des outils de gestion des données et des ressources d’apprentissage numérique faisant appel à des définitions, des formats et des strates de transport conformes à des normes et non rattachés au fournisseur. La numérisation croissante des établissements augmente la valeur des fournisseurs d’outils et de ressources en mesure d’interagir avec d’autres applications. Cette attente ressort de plus en plus dans les processus d’achats publics des technologies éducatives et des ressources d’apprentissage, si bien que la demande pour des outils et des ressources interopérables devient de plus en plus forte. Les appels d’offres relatifs à des solutions de technologies pédagogiques pourraient ainsi accorder davantage d’importance aux normes techniques et de données propices à l’interopérabilité. Une stratégie possible pour les organismes d’éducation publics serait d’exiger que les applications achetées puissent répondre à des objectifs en matière d’interopérabilité ou, au minimum, que les fournisseurs disposent d’un plan pour assurer cette transition. Les organismes éducatifs pourraient ainsi évaluer tout investissement éventuel en matière de technologie en fonction de la capacité des nouvelles solutions à interagir avec les données et applications existantes (Fox et al., 2013[2] ; Bailey et al., 2014[15]).
Les normes ouvertes sont elles aussi propices à l’adaptabilité, ce qui peut stimuler l’innovation en fournissant de nouveaux services et solutions technologiques mieux adaptés aux besoins locaux sans devoir en passer par la création et la gestion de nombreux systèmes à part entière. Un marché qui fait appel à des technologies interopérables et modulaires attire davantage de nouveaux acteurs que celui qui repose sur des solutions en vase clos incapables de fonctionner les unes avec les autres. C’est l’idée des « plateformes numériques » comme les téléphones intelligents actuels et leur boutique d’applications. En ce sens, l’interopérabilité peut prendre en charge des innovations progressives en matière de systèmes et services numériques, par exemple des outils d’analyse de l’apprentissage qui explorent et associent des données gérées par différents systèmes locaux (Cooper, 2014[16]).
Une mise en œuvre réussie de normes propices à l’interopérabilité dépend en grande partie de la conception d’une vision commune des avantages que procure l’interopérabilité. Les organismes et les organisations seront plus enclins à rendre leurs pratiques de gestion, leurs collectes de données et leurs systèmes numériques conformes aux normes lorsqu’elles comprendront en quoi l’emploi de définitions et de formats communs, ainsi que de normes interopérables peut les aider à atteindre leurs objectifs.
Cela implique d’avoir une vision claire de la façon dont les normes peuvent les aider à répondre aux besoins en matière d’information (par exemple en permettant des comparaisons plus fructueuses avec d’autres entités) et de la façon dont cela peut se traduire en pratique. Il faudrait également faire valoir les économies qu’il est possible de réaliser à moyen et long terme, comme lorsque l’utilisation de normes rend les processus de collecte et d’échange de données plus efficaces (en impliquant par exemple une collecte unique, moins de doublons, moins de vérifications), et ce malgré les éventuels coûts initiaux au moment de leur adoption. Ici aussi, les cas d’utilisation doivent être clairement établis, pour montrer en quoi les données collectées par un outil numérique précis pourraient améliorer les recommandations ou l’efficacité d’un autre outil.
Les politiques qui visent à mieux faire comprendre les principes de l’interopérabilité et à sensibiliser les organisations éducatives à ses atouts potentiels peuvent ainsi contribuer à créer une demande à cet égard dans le secteur. Les actions dans ce domaine consistent à mener des campagnes d’information et de sensibilisation pour diffuser une définition claire de l’interopérabilité et décrire ses différentes strates, à présenter une feuille de route réaliste pour l’adoption de normes, et à répondre aux inquiétudes légitimes autour de ses conséquences dans l’utilisation des données, notamment en ce qui concerne leur confidentialité et leur sécurité. Elles nécessitent une interopérabilité « organisationnelle » ainsi que des programmes ou des organismes qui, en plus de se faire l’écho de l’interopérabilité, coopèrent avec les acteurs du secteur dans le cadre de projets précis mettant en avant sa valeur concrète au regard du système. Cela peut se faire en créant des organisations ou des projets reposant sur la collaboration entre les acteurs du secteur en vue d’une meilleure interopérabilité.
L’interopérabilité n’a rien de définitif puisque les besoins en matière de données, les possibilités technologiques et les normes techniques sont en évolution. Les politiques d’interopérabilité ne peuvent être efficaces qu’à condition d’être conçues pour durer, avec des itérations et des efforts continus.
En ce qui concerne la strate sémantique, une consultation régulière avec les acteurs du secteur de la collecte des données ou de l’utilisation et de la production des ressources d’apprentissage numériques peut s’avérer judicieuse. Les normes sémantiques peuvent être élaborées à la faveur d’un processus collaboratif afin d’augmenter l’adhésion des parties prenantes à long terme et de tirer parti de l’expérience pratique qu’elles ont accumulée dans différents contextes. Il faut partir du constat que les acteurs du secteur ont besoin des données à différentes fins ; il faut donc un processus collaboratif et inclusif pour définir des normes communes en la matière. Différents types d’information seront pertinents dans différents contextes. C’est pourquoi il faut revoir les normes régulièrement à mesure que de nouveaux besoins apparaissent, que les organisations cherchent à faciliter et intensifier le partage des données et que des problèmes avec les normes existantes sont identifiés.
En ce qui concerne la strate technique, la vitesse du changement technologique impose des mécanismes propices à des mises à jour périodiques et faciles des normes techniques, des normes relatives aux données et des protocoles d’échange des données. Sans surprise, l’évolution de la technologie s’accompagne de nouveaux besoins, comme de nouvelles solutions permettant aux applications émergentes d’interagir. C’est à cet égard que les solutions techniques ouvertes et les plateformes extensibles présentent des avantages indéniables par rapport aux solutions propriétaires, même si ces dernières permettent une interopérabilité à un moment donné. Les organismes éducatifs auraient ainsi à gagner à privilégier les solutions d’interopérabilité à licence ouverte, qui présentent moins de risque de blocage de la part du fournisseur et qui pourraient s’avérer plus rentables à terme.
Le défi des politiques d’interopérabilité consiste à trouver l’équilibre, à un moment donné, entre les obligations d’interopérabilité des solutions d’une part, et l’innovation et l’efficacité d’autre part. La quête d’interopérabilité ne doit pas brider l’évolution des écosystèmes numériques ni l’innovation — bien au contraire. En fonction de leurs compétences techniques et de leur capacité à suivre continuellement l’évolution des normes techniques, les organismes éducatifs et les pouvoirs publics doivent être plus ou moins prescriptifs dans leurs politiques d’interopérabilité.
Enfin, les pays doivent prendre part plus systématiquement à un dialogue international sur l’interopérabilité des strates sémantique et technique. Les organisations internationales pourraient représenter la strate organisationnelle coordonnant ce dialogue.
Sur 29 pays/entités, seuls 7 prenaient une part active à des dialogues internationaux sur l’interopérabilité en 2024. Par exemple, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni sont impliqués dans la communauté Access 4 Learning Community (voir l’Encadré 11.1. Suites intégrées de normes techniques). L’agence suédoise de l’éducation est membre de l’Institut de normalisation suédois et de son comité technique pour l’éducation (TK450), qui prend une part active à des projets de normalisation et d’interopérabilité à l’échelle internationale. Les pays baltes et nordiques collaborent dans le cadre d’un projet transfrontalier d’échanges des données, qui concerne par exemple le transfert des dossiers scolaires numériques entre ces pays (Dahl et al., 2021[17]).
La participation à un dialogue sur l’interopérabilité sémantique et technique entre les pays pourrait avoir de nombreux avantages : l’automatisation des statistiques internationales relatives à l’éducation ; l’élargissement du marché de l’éducation numérique et la hausse de son attractivité pour les concepteurs et les fournisseurs ; ou encore la mutualisation des ressources d’apprentissage numériques en les rendant plus faciles à explorer et à consulter, y compris dans d’autres langues. Même si les différences en matière de langue, de culture et de système brideront toujours les possibilités, les efforts en matière d’interopérabilité sémantique et technique présentent un grand potentiel à l’échelle internationale. Il ne reste qu’à identifier les situations concernées.
[13] Abdel-Qader, M., A. Saleh et K. Tochtermann (2021), « On the experience of federating open educational repositories using the learning object metadata standard », EDULEARN21 Proceedings, pp. 4819-4825, https://doi.org/10.21125/edulearn.2021.0998.
[15] Bailey, J.; D. Owens; C. Schneider; T. van der Ark et R. Waldron (2014), Guide to EdTech Procurement, Digital Learning Now, http://digitallearningnow.com/site/uploads/2014/05/Procurement-Paper-Final-Version.pdf (consulté le 19 décembre 2018).
[16] Cooper, A. (2014), Learning Analytics Interoperability. The Big Picture in Brief, Learning Analytics Community Exchange (LACE), http://www.laceproject.eu/publications/briefing-01.pdf (consulté le 19 décembre 2018).
[8] CoSN (2017), Working Together to Strategically Connect the K–12 Enterprise: Interoperability Standards for Education, Consirtium for School Networking (CoSN), https://www.cosn.org/wp-content/uploads/2021/09/CoSN-Interoperability-Standards-for-Education-for-Non-Technical-Leaders.pdf.
[17] Dahl, A; M. Reetta; L. Olkkonen; H. Saarinen; T. Sandell et T. Törnroos (2021), Baseline study of cross-border data exchange in the Nordic and Baltic countries, Nordic Council of Ministers, https://doi.org/10.6027/temanord2021-547.
[3] European Commission (2017), New European Interoperability Framework, Publications Office of the European Union, Luxembourg, https://doi.org/10.2799/78681.
[2] Fox, C.; D. Schaffhauser; G. Fletcher et D. Levin (2013), Transforming Data to Information in Service of Learning, http://setda.org/web/guest/datatoinformation.
[1] Gasser, U. et J. Palfrey (2007), When and How ICT Interoperability Drives Innovation, The Berkman Center for Internet & Society at Harvard Law School, https://cyber.harvard.edu/interop/pdfs/interop-breaking-barriers.pdf.
[6] Guijarro, L. (2007), « Interoperability frameworks and enterprise architectures in e-government initiatives in Europe and the United States », Government Information Quarterly, vol. 24/1, pp. 89-101, https://doi.org/10.1016/J.GIQ.2006.05.003.
[10] Hauser, R. et J. Anderson Koenig (dir. pub.) (2011), High School Dropout, Graduation, and Completion Rates, National Academies Press, Washington, D.C., https://doi.org/10.17226/13035.
[4] Kubicek, H., R. Cimander et J. Scholl (2011), Organizational interoperability in e-government : lessons from 77 European good-practice cases, Springer.
[11] National Forum on Education Statistics (2010), Traveling Through Time: The Forum Guide to Longitudinal Data Systems. Book Two of Four: Planning and Developing a LDS, Washington, DC: National Center for Education Statistics.
[7] Redd, B. (2013), Of That: A Taxonomy of Education Standards, https://www.ofthat.com/2013/03/a-taxonomy-of-education-standards.html (consulté le 28 juin 2018).
[5] Redd, B. (2012), A Four-Layer Framework for Data Standards, http://x.ofthat.com/papers/fourlayer.pdf.
[14] Vidal, Q. (2023), « Public procurement: shaping digital education ecosystems », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.
[12] Vincent-Lancrin, S., C. Cobo Romaní et F. Reimers (dir. pub.) (2022), How Learning Continued during the COVID-19 Pandemic: Global Lessons from Initiatives to Support Learners and Teachers, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/bbeca162-en.
[9] Vincent-Lancrin, S. et C. González-Sancho (2023), « Education and student information systems », dans OECD Digital Education Outlook 2023. Towards an Effective Digital Education Ecosystem, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/c74f03de-en.