L’autoévaluation peut aider les établissements scolaires à fixer des objectifs et guider leurs plans d’amélioration en vue de rehausser la qualité de l’enseignement et de mieux répondre aux besoins des élèves. Le Maroc a mis en place des activités d’autoévaluation dans le cadre d’un nouveau projet de planification et de gestion scolaire. Cependant, les établissements scolaires ont tendance à se concentrer principalement sur des indicateurs quantitatifs étroits qui ne sont pas directement liés aux pratiques d'enseignement et d'apprentissage. Le Maroc gagnerait à fournir aux écoles une référence commune des facteurs qui influencent véritablement sur les résultats des élèves, et à renforcer la capacité des équipes de leadership pour conduire des autoévaluations, établir des plans d'amélioration et exercer un leadership pédagogique. Ce chapitre met en lumière les aspects importants d’une autoévaluation qui est axée sur l’amélioration. En tenant compte du contexte marocain actuel, il propose également des actions qui peuvent aider le Maroc à mettre en place un système d’autoévaluation et de plans d’amélioration des établissements efficaces.
L’évaluation de la performance des établissements scolaires au Maroc
3. Autoévaluation et plans d’action des établissements scolaires
Abstract
Introduction
L’autoévaluation des établissements scolaires peut guider ceux-ci dans le but d’augmenter la qualité de leur enseignement. En même temps, pour une autoévaluation efficace les établissements scolaires devraient la maîtriser et disposer d’outils et de ressources pour la mener, ainsi que des moyens pour utiliser ses résultats afin d’améliorer les pratiques des établissements. Au Maroc, le Projet d’établissement intégré (PEI) comporte déjà des éléments d’autoévaluation. Néanmoins, celle-ci reste relativement nouvelle et peu développée dans le pays. Le présent chapitre vise à identifier les moyens de faire progresser l’autoévaluation et les plans d’amélioration au Maroc. Il présente d’abord les éléments clés d’une autoévaluation et des plans d’amélioration efficaces, et décrit ensuite la situation actuelle au Maroc à cet égard. Enfin, le chapitre propose des moyens d’actions en faveur d’une autoévaluation et d’une planification de l’amélioration des établissements scolaires qui utilisent le PEI et le cadre d’indicateur proposé dans le chapitre précédent comme socle.
Éléments essentiels d’une autoévaluation et de plans d’amélioration efficaces pour les établissements scolaires
L’autoévaluation est un processus délibéré selon lequel les acteurs scolaires évaluent 1) l’efficacité de leurs pratiques et politiques et 2) la contribution de ces pratiques et politiques aux résultats d’apprentissage des élèves (OECD, 2013[1]). Les conclusions de l’autoévaluation peuvent aider les établissements à fixer des objectifs et guider leurs plans d’amélioration en vue de rehausser la qualité de l’enseignement et de mieux répondre aux besoins des élèves. Elle est réalisée en interne par la direction ou d’autres agents administratifs de l’établissement, des groupes d’enseignants et/ou d’autres professionnels, parfois avec l’assistance d’une équipe spéciale de projet ou d’évaluation (Nevo, 2001[2]). Des études internationales ont constaté que l’autoévaluation des établissements scolaires axée essentiellement sur l’amélioration, plutôt que sur la reddition de comptes ou la conformité, peut relever les résultats des élèves de manière durable et faire progresser l’enseignement et les apprentissages lorsque des conditions et des mécanismes favorables sont en place (MacBeath, J., 2009[3]) (Nelson, Ehren and Godfrey, 2015[4]) :
Une maîtrise solide des principes de l’autoévaluation au sein de l’établissement, y compris de la méthode participative.
La présence de ressources, d’outils et de soutien externe pour faciliter les procédures d’autoévaluation.
Des moyens d’aider les établissements scolaires à utiliser les résultats pour améliorer leurs pratiques et politiques.
Une équipe de leadership d’établissement qui maîtrise les principes de l’évaluation
Les équipes de leadership d’établissement doivent maîtriser les principes de l’évaluation afin de pouvoir conduire des autoévaluations constructives de leurs politiques et pratiques. Plus précisément, les membres de l’équipe de leadership, c’est-à-dire le directeur, les enseignants et autres agents concernés doivent être en mesure de recueillir des données tant quantitatives que qualitatives (observations de classe structurées, questionnaires aux parties prenantes et évaluations des élèves), s’interroger sur la qualité et l’exactitude de leurs données, puis les utiliser pour analyser les forces de leur établissement et les domaines d’amélioration. Les équipes de leadership peuvent démontrer directement leur maîtrise des principes de l’évaluation en modélisant l’utilisation qu’elles font des données pour guider la pratique ou en animant des discussions collaboratives au sein de la communauté scolaire. Elles peuvent aussi la démontrer indirectement en fournissant des ressources et en favorisant, au sein de l’établissement, une réflexion critique qui soit à la fois axée sur l’amélioration et qui remette en question les pratiques courantes. La participation d’individus sans attributions officielles de leadership (élèves, familles, etc.) à ce processus est par ailleurs importante pour mieux tenir compte de la diversité des expériences relativement au fonctionnement de l’établissement et à l’environnement d’apprentissage (Robinson, Hohepa and Lloyd, 2009[5]). Des pays comme la Nouvelle-Zélande et l'Écosse mettent l'accent sur ces approches participatives, impliquant à la fois les enseignants, les élèves et la communauté éducative dans le processus (Education Scotland, 2015[6]; New Zealand Education Review Office, 2016[7]).
Des ressources et des outils pour l’autoévaluation
Une autoévaluation efficace demande, entre autres ressources, des données accessibles et utilisables, des principes directeurs et des grilles d’évaluation. Ces ressources sont généralement élaborées au niveau central, à la fois pour veiller à ce qu’elles traduisent les priorités nationales au regard de la qualité des établissements scolaires et parce qu’elles nécessitent l’intervention d’experts. Elles ont en outre une grande visibilité et les établissements scolaires y ont facilement accès, le plus souvent sur un site web ou une plateforme en ligne consacrée à l’évaluation scolaire. Quelques pays, dont l’Écosse, fournissent également des exemples sous forme d’études de cas ou de vidéos qui illustrent et expliquent les bonnes pratiques ; des ressources pouvant en outre servir d’incitation à l’autoévaluation en tant qu’exercice d’amélioration.
Un ensemble commun d’outils d’autoévaluation peut favoriser le renforcement des capacités d’autoévaluation des établissements, promouvoir une vision commune des attentes et faciliter l’apprentissage par les pairs. Les processus d'autoévaluation peuvent encourager les établissements à s'évaluer par rapport à certains indicateurs communs qui reflètent les priorités des politiques nationales. En même temps, ils peuvent leur permettre de choisir des indicateurs supplémentaires qui présentent le plus d’intérêt dans leur contexte particulier. Aux Pays-Bas et en République tchèque, par exemple, les établissements scolaires sont libres de choisir eux-mêmes leurs critères d’autoévaluation, guidés par les principes et modèles d’autoévaluation fournis par l’administration centrale (OECD, 2013[1]). Ils peuvent ainsi prendre en compte les intérêts et talents particuliers de leur équipe et de la communauté au sens large, d’une manière à la fois enrichissante et stimulante.
Le temps est une autre ressource essentielle pour assurer l’efficacité de l’autoévaluation. Les équipes de leadership d’établissement ont besoin de temps non seulement pour renforcer leurs capacités d’évaluation, mais aussi pour mener des discussions collaboratives au sujet des conclusions et préparer des plans d’action en conséquence. Étant donné que l’amélioration de la qualité des établissements scolaires par l’autoévaluation suppose des actions à l’initiative des établissements eux-mêmes, épaulés par des organes externes, il est important qu’ils jouissent d’une autonomie et d’une latitude suffisantes pour ajuster leurs politiques et pratiques. Il pourrait s’agir, par exemple, de réviser le curriculum ou les méthodes d’enseignement pour qu’ils soient mieux adaptés aux besoins des élèves, ou encore de modifier l’organisation du temps scolaire pour améliorer les résultats d’apprentissage, favoriser l’équité ou mieux intégrer le développement, l’investissement et l’accompagnement des élèves. Ce juste milieu entre les principes d’autoévaluation définis à l’échelon central et le degré de latitude individuelle nécessaire pour la réflexion et l’adaptation des pratiques suppose souvent des ajustements à plus grande échelle de la gouvernance de l’éducation, et notamment une autonomie étendue des établissements scolaires (OECD, 2013[1]).
Une culture d’établissement favorable à l’apprentissage professionnel
Un climat de confiance dans l’établissement, étayé par des rapports de solidarité et une bonne qualité de communication, peut faciliter le travail collaboratif et l’apprentissage professionnel. Le processus d’autoévaluation collaboratif, et les actions collectives au sein de l’établissement, sur ses initiatives d’amélioration et ses pratiques pédagogiques, sont d’importants moyens de rehausser l’enseignement, les apprentissages des élèves et la performance globale. Les communautés d’apprentissage professionnel internes peuvent mener diverses activités, dont les observations de classe, les discussions professionnelles, l’enseignement en équipe ou la préparation collective des cours. La réflexion sur la nature et la fréquence des réunions et consultations entre pairs, la satisfaction vis-à-vis de la coopération, la collaboration autour de tâches spécifiques, et la cohérence des objectifs et méthodes pédagogiques sont autant de moyens d’évaluer la qualité de l’apprentissage professionnel au sein des établissements (Scheerens and Ehren, 2016[8]). Ce type de culture scolaire solidaire – qui laisse les enseignants libres d’avoir un regard critique sur les données, de remettre les pratiques en question et d’apprendre les uns des autres ouvertement – peut permettre aux établissements de cerner les domaines d’amélioration et guider leurs plans de développement.
Un accompagnement externe
La majorité des pays de l’OCDE ont développé les capacités d’autoévaluation des établissements scolaires en s’appuyant sur des procédures d’évaluation externes bien établies (OECD, 2013[1]). Or, même dans des systèmes axés sur le développement de l’assurance qualité pilotée par les établissements, à l’instar du système écossais, les autorités centrales et locales continuent d’avoir un rôle à jouer dans l’accompagnement, le maintien des normes et la promotion d’un changement à l’échelle du système au service de la progression de tous les établissements. Dans les pays où l’autoévaluation est relativement nouvelle ou peu développée, il est indispensable que les autorités nationales ou locales aident les établissements scolaires à assurer l’efficacité des évaluations et de la planification. Par exemple, des formations spécifiques, des conférences et/ou l’intervention d’un accompagnateur peuvent aider les équipes de leadership d’établissement à structurer le processus d’autoévaluation, à recueillir et analyser les données (triangulées de sources diverses) et à élaborer des plans d’amélioration. Les administrations peuvent aussi mettre au point des instruments et outils pour épauler les établissements dans l’exécution des activités d’autoévaluation : des questionnaires (ou modèles) pour recueillir des informations auprès de divers membres de la communauté scolaire ; des grilles ou programmes d’observation de classe, pour faciliter l’examen de l’enseignement et des apprentissages ; des questions de réflexion explicites, des protocoles et des documents d’aide à la planification. Plusieurs pays de l’OCDE procèdent en outre à des évaluations harmonisées qui livrent des résultats au niveau des établissements, lesquels peuvent à leur tour servir de source de soutien externe pour guider à la fois les autoévaluations et les évaluations externes (voir ci-après).
Des ressources financières et matérielles pour soutenir les actions d’amélioration des établissements scolaires
Un système de financement qui fournit aux établissements scolaires des ressources financières suffisantes et adaptées à leurs besoins, y compris des fonds destinés à leur amélioration, est essentiel pour les encourager à réaliser des autoévaluations et leur permettre d'agir en fonction des résultats. Alors que le sous-financement limite la capacité de tous les établissements scolaires à mettre en place des mesures d'amélioration, les disparités de financement signifient que les établissements qui ont le plus besoin de soutien, comme ceux des zones rurales, ou avec une grande population d'élèves défavorisés, peuvent être encore plus désavantagés. Certains pays de l’OCDE ont introduit des formules de financement qui prennent en compte des variables contextuelles pour répondre aux besoins spécifiques des établissements, et des subventions discrétionnaires pour leur amélioration. Par exemple, en Belgique (communautés flamande et française), les autorités distribuent des ressources aux établissements scolaires selon une formule de financement par élève qui prend en compte les caractéristiques de l'établissement (i.e. son emplacement et sa taille) et les caractéristiques des élèves (i.e. le statut socio-économique et le nombre d'élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux), ainsi qu'une série de variables liées au programme scolaire (par exemple, le niveau et le type d'enseignement) (OECD, 2017[9]). En outre, en Angleterre (Royaume-Uni), le ministère de l'Éducation a mis en place un système de financement discrétionnaire supplémentaire, le « Pupil Premium » pour les écoles accueillant des élèves défavorisés. Les fonds sont fournis sur une base par élève et les écoles ont une autonomie sur la façon dont ces ressources sont dépensées (OECD, 2017[9]).
Des données en appui de l’analyse comparative des performances
L’autoévaluation est avant tout axée sur l’amélioration ; elle encourage les établissements à s’appuyer sur diverses informations pour comprendre en quoi différents facteurs contribuent à la qualité de la scolarité et aux résultats scolaires. D’où l’importance particulière de données qualitatives fiables, sous forme de questions d’évaluation, de protocoles d’observation, de questions guidées ou de descriptions des attentes de qualité (Earl, 2014[10]), qui aident les établissements scolaires à mener une réflexion approfondie sur leurs pratiques d’enseignement et d’apprentissage et sur les améliorations possibles.
Ce qui ne veut pas dire que les données quantitatives n’ont pas leur place dans l’autoévaluation des établissements scolaires. Certaines données quantitatives peuvent les aider à surveiller leur propre progression dans le temps et servir de valeurs de référence par rapport aux établissements comparables (par exemple avec une proportion similaire d’élèves issus d'un milieu socio-économique défavorisé). C’est à cette fin et par souci de comparabilité externe qu’un nombre grandissant de pays ont mis au point une série d’indicateurs de base sur la performance des établissements scolaires, de plus en plus souvent présentés sous forme de tableaux de bord. Les données incluses dans les tableaux de bord utilisés dans l’évaluation des performances des établissements scolaires comprennent souvent des informations sur le contexte de chacun ainsi que d’autres données administratives et indicateurs sur les résultats, par exemple les résultats aux examens ou évaluations communs (chapitre 4). Ces données d’analyse comparative servent également à tenir les établissements, et les individus qui en ont la responsabilité (ex. les administrations locales) redevables de la qualité de l’enseignement et des apprentissages.
Que les procédures d’autoévaluation et d’amélioration s’appuient sur des données qualitatives ou quantitatives, il est essentiel que les acteurs aient une compréhension claire de l’usage qui est fait de celles concernant les performances de l’établissement. La publication de ces données sous forme de classements et leur utilisation pour récompenser ou sanctionner peuvent avoir pour effet de réduire la place laissée aux établissements pour mener une réflexion franche et structurante sur la qualité. Entre autres conséquences involontaires, cela peut causer l’allègement du curriculum et faire peser une pression excessive sur les élèves et le personnel pour atteindre certains chiffres au détriment de vrais apprentissages et améliorations.
L’autoévaluation et la planification de l’amélioration des établissements scolaires au Maroc
L’autoévaluation des établissements scolaires est une pratique encore relativement nouvelle et peu développée au Maroc. Introduit en 1994, le Projet d’établissement comportait une phase de diagnostic qui reposait sur une analyse DCA (diagnostic court applique) et des forces, faiblesses, opportunités et menaces. Ce processus s’est toutefois avéré de portée réduite et ne reposait pas sur une bonne compréhension des facteurs qui, selon les résultats de la recherche, contribuent à la qualité des établissements.
Le ministère de l’Éducation du Maroc et l’Agence MCA pilotent actuellement la mise en œuvre d’une version actualisée du PE, le PEI (voir Encadré 3.1). Ce projet participatif représente une amélioration majeure relativement au PE en ce qu’il met en place un processus d’autoévaluation participative.
Cette section s’intéresse à quelques éléments fondamentaux des procédures actuelles d’autoévaluation et de planification de l’amélioration en place dans le pays. Elle portera spécifiquement sur le PEI en tant que socle possible d’un système d’autoévaluation et d’amélioration plus intégré et axé sur la qualité, puisque le ministère de l’Éducation nationale s'interroge actuellement sur la possibilité de généraliser le PEI à tous ses établissements scolaires au Maroc dans les prochaines années.
Le PEI encourage l'autoréflexion participative et pourrait constituer un socle pour développer l'autoévaluation des établissements scolaires au Maroc
Le PEI comporte une phase de diagnostic participatif au début de la période triennale de planification et mise en œuvre du projet d’établissement, ainsi qu’une phase de suivi continu et d’autoévaluation annuelle. Par rapport au Projet d’établissement, le PEI a apporté plus de clarté sur les procédures de suivi et d’évaluation des plans d’action annuels des établissements au titre du PEI, et sur les indicateurs et les sources de données que les établissements peuvent utiliser pour évaluer leur qualité. Dans une volonté d’épauler davantage les établissements dans la conduite de leur diagnostic, du suivi et de l’autoévaluation annuelle de leur projet d’établissement, le ministère de l’Éducation a publié un protocole de suivi et évaluation pour le PEI en juin 2022. Le protocole comporte des questions qui invitent les établissements à s’interroger sur leur plan annuel et sur les réponses apportées aux besoins de différents groupes d’élèves et des enseignants. Il fournit une liste « d'indicateurs communs », disponibles sur MASSAR, principalement axés sur les résultats d'apprentissage, tels que la réussite, l’achèvement et le redoublement des élèves. Il comporte également des indicateurs de suivi des actions engagées dans le Project d’établissement pour améliorer la gestion de l’établissement scolaire, les apprentissages et la vie scolaire, et leur octroie un financement discrétionnaire pour soutenir leurs plans d’action. Autant d’améliorations bienvenues.
Il est toutefois possible d’enrichir la phase de diagnostic du PEI et d’autoévaluation annuelle afin qu'elles ressemblent davantage à un processus d’autoévaluation axé sur la qualité des établissements scolaires. Bien que la phase de diagnostic encourage la communauté scolaire à réfléchir aux défis de l'établissements et aux actions potentielles pour les relever - une étape importante pour renforcer la culture de l'autoévaluation et de l’amélioration continue - elle ne fournit pas pour l’heure de référence commune pour avoir une compréhension claire des facteurs qui influent véritablement sur les résultats des élèves. Par ailleurs, même s'il existe certaines similitudes entre les domaines du cadre de suivi du PEI et les domaines du cadre d'indicateurs de qualité proposé dans ce rapport, le cadre mis au point pour le suivi continu et l’autoévaluation annuelle du PEI ne prend pas en compte certains indicateurs fondamentaux pour évaluer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, comme ceux qui concernent la mise en œuvre du curriculum, les pratiques d’évaluation, ou la collaboration pédagogique, par exemple. Il en résulte que les établissements tendent à se concentrer sur un ensemble étroit de mesures, ce qui pourrait améliorer le suivi de la mise en œuvre des projets d’établissement, mais n'aidera pas à comprendre les changements de pratiques nécessaires ni les moyens à mettre en œuvre dans ce but.
La phase de diagnostic du PEI pourrait, à l’aide du cadre d’indicateurs de la qualité, favoriser une conception commune de la qualité
À travers la phase de diagnostic participatif, les établissements identifient leurs besoins d’amélioration, priorisent des actions, et dressent leur projet d’établissement. La phase de diagnostic se fait généralement à la suite d'une analyse documentaire des différents rapports des instances de l'établissement puis sur des consultations avec les parties prenantes. Accorder aux établissements la latitude d’évaluer eux-mêmes leurs pratiques et d’élaborer leurs propres plans est un moyen de renforcer la capacité d’agir des acteurs scolaires. Il faudra toutefois pour cela que les équipes de leadership d’établissement soient guidées et possèdent une compréhension claire des facteurs qui influent véritablement sur les résultats des élèves.
En l’absence de définition claire des attentes en matière de qualité, les établissements manquent de référence pour évaluer et interpréter leurs pratiques lorsqu’ils mènent leur diagnostic. Un risque de variations importantes dans la conception de la qualité des établissements scolaires et des actions susceptibles d’améliorer l’enseignement et les apprentissages peut dès lors se poser. La codification au moyen d’un cadre d’indicateurs de la qualité commun, avec des descripteurs nuancés fondés sur les données de la recherche de ce qui constitue une bonne évaluation formative, par exemple, peut être un moyen puissant d’aider les établissements scolaires à comprendre et à modifier leurs pratiques. C’est pour cette raison que des outils d’observation en classe, à l’instar de ceux élaborés à partir du cadre de Danielson (1996, 2007[11]), sont souvent fournis pour faciliter l’autoévaluation (et l’évaluation externe) dans de nombreux systèmes scolaires de l’OCDE.
Le processus de l'autoévaluation annuelle du PEI pourrait être davantage centré sur le développement de la qualité de l'enseignement et l'apprentissage
Le protocole de suivi et l’évaluation du PEI opère une distinction entre le suivi du projet d’établissement – un processus continu de collecte d’éléments d’observation sur le projet – et l’évaluation – un examen périodique et plus critique du projet. Il définit deux séries d’indicateurs pour chacun de ces deux processus :
1) Les « indicateurs communs », à utiliser par tous les établissements pour l’évaluation annuelle. Il s’agit en fait d’une série d’indicateurs sur les résultats de la qualité des établissements scolaires (taux d’achèvement du cycle d’études, taux de réussite aux examens nationaux ou régionaux, taux de redoublement, etc.). Ces indicateurs communs sont au nombre de six pour l’enseignement secondaire collégial et de sept pour l’enseignement secondaire qualifiant, et ont pour objectif de donner aux établissements scolaires une idée sur la fin ultime de toute action de développement, qui est l’amélioration des indicateurs d’apprentissage.
2) Les indicateurs de « suivi continu de réalisations des actions » qui mesurent la suite donnée par les établissements aux plans et à la mise en œuvre des projets dans le cadre de leur PEI (Tableau 3.1). Bien que ce suivi continu et l’autoévaluation annuelle servent à renforcer la redevabilité des établissements scolaires, et à informer sur la manière d'améliorer leur projet d’établissement, les orientations et les outils sont essentiellement axés sur la mise en œuvre du PEI et insuffisamment sur les processus et les pratiques qui ont un impact direct sur l'apprentissage.
Le cadre de suivi continu du PEI définit 12 domaines d’action qui recoupent quelques-uns des principaux domaines couverts par les cadres d’indicateurs d’un grand nombre de systèmes d’évaluation bien établis, y compris des domaines du cadre d’indicateurs proposés dans ce rapport. Par exemple, l'accent mis sur le « soutien scolaire » et le « soutien social et psychologique » s'inscrit dans la lignée de nombreux autres cadres d'indicateurs qui soulignent l'importance de garantir que tous les élèves aient la possibilité d'apprendre, de progresser, et de développer leur bien-être (chapitre 2). De la même manière, comme dans plusieurs autres pays, y compris l’Écosse, la Nouvelle-Zélande et les Émirats arabes unis, à travers les domaines « gestion et communication » et « partenariat » le PEI signale l’importance de promouvoir l'engagement des parents et de la communauté locale de l'établissement. Enfin, le domaine « Formation » se concentre sur le développement professionnel des enseignants, un levier essentiel pour améliorer l'enseignement et l'apprentissage. Cependant, il est possible d’apporter certaines améliorations à ce cadre pour que le processus du suivi et l’évaluation du PEI influe davantage sur la qualité des apprentissages et l’équité dans les établissements scolaires :
Il pourrait compléter des indicateurs de nature purement quantitative par des indicateurs plus qualitatifs axés sur la pratique. Il est important que les acteurs scolaires comprennent la différence entre évaluer la qualité de leurs pratiques et suivre les progrès vers la mise en œuvre de leurs plans d’action PEI. Les indicateurs proposés dans le cadre d’évaluation du PEI se concentrent naturellement sur les paramètres du programme du PEI, et sont de nature purement quantitative. Ceci peut amener les écoles à se concentrer sur l'exécution et l'avancement du PEI, et à donner la priorité aux actions visibles telles que les activités parascolaires et les investissements en matériel et en infrastructure, plutôt que de remettre en question les processus et les pratiques qui influencent directement l'enseignement et l'apprentissage. En complétant les indicateurs quantitatifs par des indicateurs plus qualitatifs axés sur la pratique, le cadre peut fournir une compréhension plus équilibrée et globale de la qualité de l'établissement et des progrès réalisés pour mettre en œuvre ses actions d'amélioration.
Les leviers et domaines du cadre du PEI auraient besoin de définir clairement les pratiques attendues. Tout comme la phase de diagnostic, le cadre utilisé pour le suivi continu et l’évaluation du PEI ne fournit pas aux établissements une définition claire des pratiques attendues. Le protocole d’évaluation du PEI, publié en juin 2022, inclut quelques définitions des indicateurs servant à mesurer chacun des quatre leviers d’action et domaines connexes, mais il définit uniquement les données et les formules de calcul, dont ni les unes ni les autres ne livrent d’indications claires sur les pratiques attendues dans des établissements scolaires de qualité. Des descripteurs détaillés qui illustrent les bonnes pratiques de manière nuancée peuvent aider les établissements scolaires à comprendre comment modifier leurs pratiques.
Les pratiques d’enseignement et d’apprentissage doivent occuper une plus grande place. Le cadre de suivi et d'évaluation du PEI n'inclut pas d'éléments essentiels d'enseignement et d'apprentissage parmi ses leviers d'action. Ces aspects de la pratique en classe – application du programme, pédagogie et didactique, évaluation des élèves, retours et collaboration pédagogique entre enseignants – occupent une place importante dans les cadres d’indicateurs pour l’évaluation des établissements scolaires dans la majorité des pays de l’OCDE parce qu’ils comptent parmi les plus directement déterminants, au niveau de l’établissement, pour les apprentissages des élèves. Par exemple, le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires des Pays-Bas comporte un domaine « enseigner et apprendre » dont les indicateurs encouragent les enseignants à adapter le programme, les méthodes et le temps d’enseignement en fonction des besoins de tous les élèves. Le rôle du leadership d’établissement dans l’orientation et l’accompagnement de l’enseignement pourrait lui aussi être plus reconnu dans le cadre du PEI. L'inclusion de ces aspects dans le cadre d'évaluation peut encourager les établissements à mettre davantage l'accent, dans leurs plans d'action, sur les pratiques qui influencent le plus la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, plutôt que sur les activités scolaires non essentielles (ex. concours scolaires, activités parascolaires).
Cependant, ces lacunes ne peuvent être comblées que si des réformes plus importantes ont lieu au sein du système éducatif marocain. Par exemple, au Maroc, seuls les inspecteurs pédagogiques peuvent effectuer des observations de classe, ce qui limite la capacité des équipes pédagogiques à évaluer des pratiques d’enseignement et d’apprentissage dans le cadre de l’autoévaluation (chapitre 4). De plus, actuellement les directeurs d'établissement n'ont pas un rôle de leadership pédagogique, d’où le fait que leur fonction d’orientation et de soutien pédagogique n'est pas encore pleinement reconnue dans le cadre du PEI.
Tableau 3.1. Leviers d’action, domaines et indicateurs des actions du PEI
Leviers |
Domaines |
Indicateurs proposés |
---|---|---|
1. Vie scolaire et manifestations scolaires |
1.1. Clubs scolaires et manifestations scolaires |
Nombre de clubs scolaires activés Nombre de clubs scolaires équipés Nombre d'activités organisées Nombres de bénéficiaires Nombre de visites Nombre de participants aux activités Nombre de projets réalisés par les clubs Nombre de participation de l’ES aux manifestations (locales, régionales, et nationales) Nombre d’élèves internes participants aux activités Nombre d’adhérents aux clubs Nombre d’activités encadrées par le conseil des élèves |
1.2. Soutien scolaire |
Nombre de bénéficiaires Nombre de sessions de soutien scolaire Nombre d’heures de soutien |
|
1.3. Soutien social et psychologique (écoute) |
Nombre de bénéficiaires Nombre d’opérations de soutien Nombre de sessions de sensibilisation Nombre d’élèves réadmis Taux des élèves ayant bénéficiés du soutien sur le total des demandes reçues |
|
1.4. Orientation |
Nombre de bénéficiaires Nombre de participants es aux sessions d’orientation Nombre de sessions d’orientation Nombre des élèves ayant des projets personnels Nombre de journées d’orientation Nombre d’élèves accompagnés |
|
2. Infrastructure et équipement |
2.1 Infrastructure |
Taux de réalisation Réalisé/Non réalisé |
2.2 Équipement |
Taux de réalisation des équipements Taux d’acquisition des équipements Livré/Non livré |
|
2.3. Maintenance |
Taux de réalisation Taux de couverture (volets, bibliothèque…) Nombre d’interventions |
|
3. Management et partenariat |
3.1. Gestion et communication |
Nombre des réunions organisées avec les parents Nombre des parents participant aux réunions Site/page Facebook et autres réseaux mis en place Nombre d’abonnés aux réseaux sociaux des ES Nombre d’activités publiées Nombre de rencontres de communication autour du PEI, activités, visites page Facebook de l'ES Conseil des élèves constitué (PV) Nombre des acteurs participants aux séances de communication sur le PEI Nombre de réunions du conseil des élèves |
3.2. Partenariat |
Nombre de partenariats signés Nombre de partenariats effectifs Nombre d’activités réalisées en partenariat Nombre d’activités en coopération |
|
3.3. Formation |
Nombre de bénéficiaires Nombre de sessions |
|
4. Pédagogie et TICE |
4.1. Innovation et TICE ? |
Nombre de projets des élèves/de classes réalisés Nombre de cours adaptés aux TICE Nombre d’enseignants utilisant les TICE |
4.2. Encouragement de l’excellence |
Nombre d’élèves ayant été primés Nombre d’élèves participants aux compétitions (locales, régionales, nationales) |
Source : (Sofreco, 2022[12])
La capacité des établissements scolaires à conduire une autoévaluation et à établir des plans d’amélioration nécessite d’être renforcée
Le leadership pédagogique dans les établissements scolaires marocains demeure sous-développé
Le leadership pédagogique, c’est-à-dire l’autorité et les capacités des directeurs d’établissement ou du personnel pédagogique au regard de la conception, de la planification et de l’orientation de l’enseignement et de l’apprentissage, demeure sous-développé au Maroc (Maghnouj et al., 2018[13]). Ce constat s’explique en partie par la nature très centralisée du système marocain, qui n’accorde aux acteurs scolaires que peu d’autonomie et de latitude pour adapter leur offre aux besoins locaux. Il est également dû à la fonction traditionnelle des directeurs d’établissement au Maroc, vue comme essentiellement administrative. Par exemple, le leadership de l’établissement n’observe pas régulièrement les pratiques en classe, ni sous forme d’évaluation formative, même dans le cadre de la phase de diagnostic et de suivi du PEI. L’évaluation des enseignants et de la qualité de l’enseignement est avant tout la fonction des inspecteurs pédagogiques, lesquels sont coordonnés à l’échelon régional, mais manquent souvent de moyens pour couvrir tous les enseignants et tous les établissements (Maghnouj et al., 2018[13]). Les établissements d’enseignement secondaire qualifiant marocains manquent également d’une structure de leadership selon laquelle les enseignants accompagnateurs peuvent effectuer des observations en classe pour fournir un accompagnement pédagogique dans leurs domaines de spécialisation respectifs. Ce manque de leadership pédagogique met à mal la capacité des établissements à évaluer et améliorer leurs processus d’enseignement et d’apprentissage. En continuant d’isoler l’observation de classe des procédures d’autoévaluation, le Maroc risque de restreindre la capacité des établissements à améliorer les résultats d’apprentissage.
Au cours des quelques dernières années, le ministère de l’Éducation nationale et ses partenaires, dont l’Agence MCA, ont engagé plusieurs initiatives visant à renforcer les compétences en leadership et à professionnaliser le rôle de directeur d’établissement. Ils ont, par exemple, renforcé la formation initiale et la sélection des directeurs. Dans le contexte du programme PEI, ils ont également mis en place un module de formation sur « la gestion, l’évaluation et la redevabilité des établissements scolaires » et sur « le PEI et la vie scolaire » pour faciliter les tâches de leadership administratif, dont la planification financière et la gestion d’établissement. Or, la formation professionnelle continue des directeurs d’établissement n’est pas encore ouverte à tous et aucun module ne porte spécifiquement sur la conduite d’autoévaluations robustes (axé, par exemple, sur la collecte de données d’observation qualitatives et quantitatives et autres compétences d’évaluation essentielles). S’ils sont censés diriger les examens de la qualité des établissements et les efforts d’amélioration, les directeurs d’établissement marocains devront pouvoir accéder à des formations professionnelles à la fois initiales et continues sur l’autoévaluation et la planification de l’amélioration scolaire. Le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements (chapitre 2) pourra servir de socle à ces modules de formation.
Un réseau d’accompagnement et d’apprentissage par les pairs aide les établissements à renforcer leurs capacités de planification
On constate que les réseaux d’apprentissage professionnel par les pairs sont d’importants moyens de formation continue dans la majorité des pays de l’OCDE (OECD, 2019[14]). Au Maroc, le ministère de l’Éducation nationale a introduit les Communautés de pratiques professionnelles (CPP) en 2013 dans le but de renforcer les capacités administratives des directeurs d’établissement. À l’heure actuelle, les CPP offrent aux directeurs d’établissement un moyen d’échange de pratiques sur une gamme de sujets et pourraient les aider à renforcer leurs capacités d’autoévaluation et de planification de l’amélioration scolaire. L’équipe d’examen de l’OCDE a cependant constaté que certains directeurs d’établissement ne participent pas activement aux CPP.
Un autre élément positif du système marocain est un résultat du programme PEI : les établissements participants ont accès à un « animateur » chargé de leur apporter un soutien personnalisé. Désignés par les DP ou les AREF, ils servent d’intermédiaire entre les DP et les établissements scolaires, qu’ils accompagnent dans la mise en œuvre du PEI. Ils ont des profils divers et reçoivent une formation de l’Agence MCA sur des sujets clés en rapport avec les processus du PEI. L’équipe de l’OCDE n’a pas pu établir si les animateurs possèdent ou non une bonne connaissance des pratiques générales de planification et d’autoévaluation, mais le modèle d’accompagnement n’en représente pas moins une démarche positive pour épauler les établissements scolaires dans le cadre du PEI. Étant donné que le Ministère évalue la possibilité d’étendre le PEI à tous les établissements, une réflexion s’impose sur les moyens d’élargir ce modèle d’accompagnement, en particulier au regard de la mobilisation, de la formation et du recrutement d’accompagnateurs compétents (chapitre 4).
Le suivi de l’autoévaluation et des plans d’amélioration des établissements est limité
Les boucles de rétroaction entre les administrations locales et les établissements scolaires ne sont pas toujours clairement définies
Le PEI encourage les établissements à cerner les problèmes pouvant être résolus soit par leur AREF et leur DP respectives, soit par les établissements eux-mêmes au moyen des fonds discrétionnaires accordés au titre du programme PEI. Une réflexion sur les meilleures méthodes de conduite du changement est certes quelque chose de positif, mais il est également important de disposer des procédures définies en place permettant aux administrations locales de donner suite aux besoins identifiés par chaque établissements. Les DP concernées par le PEI ont instauré des commissions pour valider annuellement les plans d’établissement, renvoyer à ces derniers des remarques et des recommandations pour les améliorer et fournir une estimation du budget nécessaire à la mise en œuvre des plans. Cependant, certains acteurs scolaires interrogés par l’équipe d’examen de l’OCDE en mai 2022 ont fait savoir qu’ils ont rarement reçu des retours des AREF et des DP après avoir communiqué les besoins de leur établissement, ce qui semble indiquer un manque d’efficacité des boucles de rétroaction entre les administrations locales et les établissements scolaires. L’accompagnement des établissements scolaires à l’échelon régional et provincial semble plutôt axé sur la conformité, c’est-à-dire sur la validation du plan d’action du PEI et la surveillance des dépenses, entre autres. Les administrations locales devront renforcer leurs capacités d’accompagnement des établissements dans la conduite d’autoévaluations et l’élaboration de plans d’action centrés sur la qualité pour que ces processus aient une incidence positive sur l’enseignement et les apprentissages. Ce qui demandera à son tour de revenir sur la question de la décentralisation des fonctions, des capacités et des ressources au Maroc (chapitre 4).
Moyens d’action en faveur de l’autoévaluation et de la planification de l’amélioration des établissements scolaires au Maroc
À l’heure où le Maroc envisage un système d’amélioration piloté par les établissements eux-mêmes, le Ministère doit créer des outils et des soutiens qui aideront les établissements scolaires à conduire des autoévaluations constructives et à élaborer des plans d’amélioration à visée stratégique. Le programme PEI en cours, qui comporte des éléments d’autoévaluation, de suivi et de préparation de plans d’action, constitue une base pour mener des réflexions globales sur la qualité des établissements scolaires et pour orienter ces processus vers l’amélioration des pratiques et des apprentissages à l’école. Les équipes de leadership d’établissement seront déterminantes, mais elles auront besoin d’une formation et d’une latitude appropriées pour renforcer leurs connaissances en matière d’évaluation. La section qui suit contient des recommandations au Maroc pour développer le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires (chapitre 2) en tant que socle pour l’autoévaluation et les plans d’amélioration.
Comment le PEI peut-il aider à développer l’autoévaluation des établissements scolaires et améliorer leur qualité ?
Recommandation 3.1: Définir et communiquer clairement la finalité de l’autoévaluation des établissements scolaires
Si les établissements scolaires sont censés utiliser le processus du PEI pour identifier leurs forces et leurs faiblesses, et pour piloter leurs propres actions d’amélioration, le ministère de l’Éducation doit définir clairement la finalité et les objectifs de l’autoévaluation, les méthodes à employer et en quoi l’autoévaluation peut contribuer à l’amélioration de la qualité. Le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires, proposé au chapitre 2 du présent rapport, peut servir de point de départ pour la définition de la qualité des établissements scolaires, mais aussi de toile de fond pour un diagnostic et une autoévaluation globale des pratiques des établissements. Il serait judicieux de mobiliser une cohorte d'accompagnateurs pour aider les établissements à réaliser des autoévaluations plus rigoureuses, et de donner suite aux résultats pour favoriser le renforcement des capacités d’amélioration de l’enseignement et des apprentissages au sein des établissements (les recommandations sur le soutien externe aux autoévaluations des écoles sont développées au chapitre 4).
Action 3.1.1 : Tirer profit des complémentarités entre l’autoévaluation des établissements scolaires à l’aide du cadre d’indicateurs et la phase de diagnostic du PEI
Tout comme la phase de diagnostic participatif du PEI, le processus d’autoévaluation devrait avoir pour finalité de mettre l’accent sur la qualité des établissements scolaires et de l’améliorer. Cela suppose d’encourager les établissements scolaires à mener une réflexion sur le cadre d’indicateurs de la qualité (chapitre 2) et à fixer des objectifs d’amélioration de l’enseignement et des apprentissages. Le PEI comporte déjà quelques indicateurs « communs » concernant les apprentissages des élèves, et des indicateurs de suivi des actions d’amélioration prévus dans leur PEI. Les établissements devraient être encouragés à évaluer progressivement un plus large éventail d’indicateurs de la qualité. L’autoévaluation étant une pratique nouvelle au Maroc, le ministère de l’Éducation nationale pourrait recommander l’évaluation, en un premier temps, d’une série restreinte d’indicateurs de qualité sur trois ans, ce qui cadrerait avec la phase de diagnostic du PEI. Les indicateurs en question peuvent être suivis annuellement afin de permettre aux établissements d’ajuster et d’améliorer leurs plans d’action en conséquence. À plus longue échéance, lorsque l’autoévaluation sera installée, ils pourront progressivement s’évaluer par rapport à l’intégralité du cadre d’indicateurs de la qualité, ce qui aiderait à révéler les principaux problèmes.
Action 3.1.2 : Développer la confiance dans un processus d’autoévaluation axé sur la qualité des établissements scolaires
Pour veiller à ce que les établissements scolaires utilisent le cadre d’indicateurs de la qualité et les données de suivi des performances pour leur autoévaluation et leurs plans d’amélioration, les données doivent être représentatives de leurs forces et faiblesses. La recherche sur ce sujet constate que l’exactitude de ces données est compromise lorsque l’autoévaluation des établissements scolaires est utilisée à des fins de reddition de comptes et de contrôle avec des enjeux élevés. S’il est prévu de pénaliser les établissements (de manière formelle ou informelle en publiant les mauvais résultats) pour une évaluation de leurs performances, il est probable qu’ils manipuleront leurs données ou qu’ils ne seront pas particulièrement disposés à utiliser le système. Dans son travail de développement de l’autoévaluation et des capacités de planification de l’amélioration scolaire, le Maroc doit savoir gérer les perceptions et essayer d’éviter que l’autoévaluation ne soit vue comme un exercice pouvant avoir des conséquences punitives. Les pratiques suivantes, en particulier, devraient être considérées et communiquées aux établissements :
Les rapports d’autoévaluation des établissements ne seront pas rendus publics en dehors de la communauté scolaire, des DP et AREF concernées.
Les bons résultats d’autoévaluation seront célébrés au sein de l’établissement, mais ne seront pas récompensés publiquement Les mauvais résultats d’autoévaluation ne donneront lieu à aucune forme de sanction (financières ou autres).
Action 3.1.3 : Faire de l’autoévaluation un exercice constructif en améliorant les boucles de rétroaction entre les établissements et les autorités éducatives locales (AREF/DP)
Pour que l’autoévaluation et les plans d’amélioration ne soient pas des exercices stériles, les établissements doivent comprendre leur valeur au lieu de les considérer comme une exigence administrative de plus. Les DP et les AREF ont un rôle important à jouer dans ce sens, mais elles devront repenser leur collaboration avec les établissements scolaires (chapitre 4). En particulier, les autorités locales devraient souligner leur rôle de partenaires des écoles en accompagnant la mise en œuvre des politiques émanant de l’administration centrale, comme l’autoévaluation et la réforme du contrôle continu. L’importance actuellement accordée à la conformité plutôt qu’à l’accompagnement devra être reconsidérée, de telle sorte que les autorités locales puissent réagir plus activement aux difficultés identifiées par les établissements dans leurs autoévaluations. Afin de renforcer la capacité des établissements à piloter l’amélioration de la qualité de l’enseignement et des apprentissages, il sera indispensable de préciser que les DP et les AREF ont un rôle à jouer dans l’accompagnement des actions d’amélioration des établissements, et que leur fonction n’est pas limitée à la surveillance des performances et de la conformité aux politiques nationales.
Recommandation 3.2 : Utiliser des données tant qualitatives que quantitatives pour faciliter l’autoévaluation des établissements scolaires
Le cadre d’indicateurs proposé dans le présent rapport a vocation à aider les établissements scolaires et les organes publics qui en sont responsables à brosser un tableau équilibré et complet des éléments importants pour la qualité au Maroc (chapitre 2). L’introduction de ce type de cadre intégré demande toutefois du temps. Une longue liste de normes et d’indicateurs descriptifs, assortie de l’obligation de s’autoévaluer par rapport à ce cadre, à la fois nouveau et vaste, risque de surcharger et de désorienter les acteurs scolaires ; un risque qui concerne plus particulièrement les systèmes comme celui du Maroc, caractérisés par une expérience négative des évaluations externes et l’absence de tradition d’autoévaluation. Qui plus est, le processus du PEI en cours comporte déjà plusieurs séries de listes d’indicateurs quantitatifs visant à assurer la redevabilité des établissements scolaires vis-à-vis de leur plan d’action annuel et l’amélioration de celui-ci. Le Maroc devra avant tout, à l’heure où il tire les enseignements du PEI pilote pour définir une approche nationale de l’autoévaluation, mener une réflexion critique sur les progrès réalisables vers la mise en place du cadre équilibré présenté dans ce rapport. Si les établissements sont censés améliorer la qualité de leurs pratiques d’enseignement et d’apprentissage, ils auront aussi besoin d’indicateurs – et de sources d’informations – qualitatifs, qui rendent compte de ces aspects fondamentaux de leur travail. Il leur faudra en outre mieux comprendre en quoi différents types de données peuvent étayer les processus de l’autoévaluation. Le Maroc pourrait ainsi s'appuyer sur les progrès déjà réalisés par le pilote du PEI, tout en orientant sa phase de diagnostic et d’autoévaluation vers une évaluation plus formative et globale de la qualité des établissements scolaires.
Action 3.2.1 : Codévelopper un tronc commun d’indicateurs pour aider les établissements scolaires à évaluer la qualité de leurs pratiques et politiques
Pour orienter le PEI dans le sens d’une évaluation plus formative de la qualité des établissements scolaires, le Maroc devrait ajuster les types d’indicateurs pris en compte pour l’autoévaluation et le suivi. L’autoévaluation étant un concept nouveau au Maroc, les établissements peuvent commencer par un tronc commun d’indicateurs. La liste doit être courte, correspondre aux domaines du cadre d’indicateurs de la qualité des établissements, et mettre l’accent sur les indicateurs de résultats liés à l’enseignement et aux apprentissages. Par exemple : trois ou quatre indicateurs en rapport avec le domaine « apprentissages, progression et bien-être des élèves », et un ou deux indicateurs en rapport avec d’autres domaines. Le Tableau 3.2 donne des exemples de quelques premiers indicateurs que le Maroc pourrait envisager pour favoriser une culture d’autoévaluation des établissements scolaires. Afin que l’autoévaluation tienne compte de la diversité des défis rencontrés par les écoles, une certaine latitude dans la sélection des indicateurs est nécessaire. Il s’agirait, par exemple, de laisser les établissements choisir eux-mêmes un ou deux indicateurs d’un intérêt particulier pour eux, en dehors de la liste du tronc commun. Avec le temps, les établissements pourront peu à peu s’autoévaluer sur un plus large éventail des domaines couverts par le cadre.
Le Maroc doit faire en sorte que les indicateurs communs utilisés pour l’autoévaluation ne soient pas uniquement quantitatifs, mais qu’ils portent également sur la qualité des processus, ce qui supposera parfois des analyses nuancées sur la pratique au lieu de simples rapports sur des indicateurs quantitatifs « mesurables ». Il est certes tentant d’utiliser des indicateurs quantifiés, ceux-ci étant souvent considérés comme plus objectifs et plus faciles à recueillir que les données qualitatives, mais les deux jouent un rôle important dans l’évaluation de la qualité.
Le cycle d’autoévaluation pourrait s’appuyer sur la phase de diagnostic du PEI et se décliner en évaluations approfondies par rapport aux indicateurs du tronc commun par les établissements scolaires, sur trois ans, pour guider leurs plans d’amélioration. Certaines des données recueillies pour l’autoévaluation pourraient également alimenter le suivi annuel des performances (par le biais du tableau de bord) (chapitre 4). Il est crucial que le tronc commun d’indicateurs et l’autoévaluation soient le fruit d’un travail de développement collaboratif entre le ministère de l’Éducation et les parties prenantes de l’éducation pour assurer le succès et l’appropriation à la fois du cadre et du processus d’autoévaluation.
Tableau 3.2. Suggestions de tronc commun d’indicateurs pour l’autoévaluation des établissements scolaires
Indicateurs |
---|
Domaine 1 : Apprentissage, progression et bien-être |
Indicateur 1.1.1 : Les élèves atteignent les objectifs d’apprentissage et développent les compétences attendues pour leur niveau scolaire |
Indicateur 1.1.3 : Les résultats des élèves s’améliorent dans le temps |
Indicateur 1.2.1 : Les élèves fréquentent assidûment l’école et achèvent leur scolarité |
Indicateur 1.2.2 : Les élèves progressent dans leur scolarité |
Domaine 2 : Pratiques d’enseignement et d’apprentissage |
Indicateur 2.2.1 : Les évaluations sont justes et adaptées aux besoins d’apprentissage et de progression des élèves. |
Indicateur 2.3.1 : Les enseignants collaborent et participent aux activités de développement professionnel en milieu scolaire |
Domaine 3 : Ressources et environnement scolaire |
Indicateur 3.1.2 : L’établissement dispose de ressources didactiques et les intègre dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage |
Domaine 4 : Gouvernance et leadership |
Indicateur 4.2.1 : Le leadership encourage le dialogue professionnel et l’apprentissage par les pairs au sein de l’établissement |
Source : Auteurs
Action 3.2.2 : Munir les établissements de données comparatives essentielles sous un format facilement utilisable
Les données comparatives, pour la plupart des données administratives quantitatives, sont un complément important aux informations qualitatives recueillies par les établissements scolaires dans le cadre de leur processus d'autoévaluation. Ces données comparatives sont essentielles pour aider les établissements à suivre leurs propres performances dans le temps, par rapport à d'autres établissements (similaires, par exemple en termes socio-économiques), et pour des groupes d'élèves spécifiques. Ces données servent également à tenir les établissements, et les administrations locales redevables de la qualité de l’enseignement et des apprentissages. Pour cela, le Maroc peut fournir aux établissements scolaires un tableau de bord des performances (chapitre 4). Ce tableau de bord peut contenir un sous-ensemble des indicateurs figurant dans le cadre d’indicateurs de la qualité proposé dans ce rapport (tels que les résultats d’apprentissage, la progression et la participation des élèves) et montrer comment la performance évolue dans le temps, et par rapport à d’autres établissements. Le tableau de bord doit également inclure des cibles propres à l’établissement, issues de son plan d’amélioration (axé sur les indicateurs du cadre de qualité), et permettre la ventilation des données et le téléchargement des rapports par groupes d’élèves, par matières et années d’études pour guider la prise de décision interne.
Recommandation 3.3 : Élaborer des outils et des ressources pour la conduite des autoévaluations
Les établissements scolaires ont besoin d’être aidés à développer leurs connaissances en matière d’évaluation et à instaurer une culture d’autoévaluation efficace. Ce soutien peut prendre la forme d’orientations sur l’autoévaluation, d’outils de collecte et triangulation de données de sources diverses, d’exemples ou de questions pour aider à déterminer les forces et les faiblesses de l’établissement. Il peut aussi s’agir d’accompagnement sur la conduite de ces processus et sur la bonne utilisation 1) du cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires et 2) de l’autoévaluation dans la préparation et la mise en œuvre de plans d’amélioration.
Action 3.3.1 : Fournir aux établissements des orientations claires sur la conduite des autoévaluations
Dans le but d’instaurer une culture d’autoévaluation, de nombreux systèmes éducatifs ont mis au point des orientations à destination des établissements : des descriptions claires de chaque étape, assorties de conseils pratiques. Elles sont souvent élaborées par les organismes publics responsables des évaluations externes des écoles, avec des contributions d’établissements scolaires et des partenaires éducatifs qui deviendront responsables de la conduite des autoévaluations. Ces orientations renvoient généralement aux normes de qualité par rapport auxquelles les établissements sont encouragés à s’évaluer. Elles comportent également des informations diverses : les types de données à recueillir, auprès de qui et quand les recueillir, comment et quand analyser les données d’évaluation, comment analyser et communiquer les conclusions, et comment développer les plans d’amélioration.
Le Maroc pourra s’inspirer du guide écossais de l’évaluation des établissements scolaires « How Good is Our School », du guide irlandais de l’autoévaluation des établissements scolaires « Looking at Our School », voire des orientations sur l’autoévaluation des établissements scolaires publiées par Dubaï (Education Scotland, 2015[6]; Dubai, 2015[15]; Ireland's Department of Education and Skills, 2003[16]). Il y trouvera des séries simples de questions, ainsi que des exemples et des modèles d’outils (ex. enquêtes et listes de contrôle pour les élèves, les enseignants et les parents) qui encouragent les acteurs scolaires à mener une réflexion critique sur la qualité de l’enseignement et des apprentissages qu’ils offrent. Par exemple, dans les orientations sur l’autoévaluation des établissements scolaires utilisées en Écosse, la finalité de l’exercice est définie en trois questions : « Où en sommes-nous ? », « Comment le savoir ? » et « Que faire à présent ? » (Education Scotland, 2015[6]). Si ce cadre d'indicateurs de qualité est introduit dans la phase de diagnostic du PEI généralisé, le Maroc peut remanier les guides du PEI existants à la lumière de ces exemples internationaux. Par exemple, des questions voisines sont déjà incluses dans le protocole de suivi et d’évaluation du PEI, mais elles pourraient dépasser le champ de la réflexion sur la mise en œuvre du plan d’action du PEI et inclure des questions plus axées sur les pratiques d’enseignement, d’apprentissage et de leadership.
Action 3.3.2 : Aider les établissements à recueillir un éventail de données d’observation pour l’autoévaluation
Les établissements scolaires ont à leur disposition une panoplie de méthodes d’évaluation pour recueillir des données à des fins d’autoévaluation. Il est important que celles-ci suivent les axes de l’autoévaluation, pour éviter qu’un trop-plein d’informations, difficile à gérer, ne submerge les personnes responsables de l’autoévaluation (OECD, 2013[17]). Les méthodes de collecte de données sont souvent des questionnaires, des entretiens, des groupes de réflexion, des listes de contrôle ou des modèles de réflexion et d’observation. Certaines de ces informations peuvent être recueillies au moyen de questionnaires existants, comme ceux qui accompagnent les évaluations nationales du PNEA ; d’autres peuvent nécessiter des modes de collecte propres à l’exercice d’autoévaluation. Par exemple, des questionnaires sur le bien-être des élèves, qui recueillent de manière anonyme les avis sur leur santé physique et psychologique, et sur la violence et le harcèlement à l’école directement auprès des élèves, pourraient être un moyen plus efficace d’obtenir des données sur le climat scolaire étant donné que les parties prenantes marocaines ont exprimé des doutes au sujet de la fiabilité des données sur la violence à l’école communiquées dans MASSAR (chapitre 5). Ces outils doivent rester stables dans le temps pour collecter des données comparables et permettre aux établissements de suivre leurs progrès.
Munis de modèles de ces outils, les établissements pourraient former des jugements plus éclairés sur leurs forces et leurs faiblesses. On trouvera ci-après quelques exemples d’outils pour collecter des données pour l’autoévaluation (Tableau 3.3) :
Tableau 3.3. Exemples d’outils pour collecter des données pour l’autoévaluation
Objectif de l’évaluation |
Outils |
Exemples |
---|---|---|
Évaluer les pratiques d’enseignement et d’apprentissage |
Grilles d’observation pour l’évaluation de l’enseignement et des apprentissages en classe |
✓ Fiche d'autoréflexion de l'enseignant ✓ Modèle de réflexion - Observation par les pairs ✓ Fiche d'autoréflexion à l'usage des enseignants ou des chefs d'établissement (Ireland Department of Education, 2021[18]) |
Évaluer le bien-être physique, psychologique et social des élèves |
Questionnaires pour les élèves qui recueillent de manière anonyme leurs avis sur leur santé physique et psychologique, et sur la violence et le harcèlement à l’école |
✓ Questionnaire sur le bien-être pour PISA 2018 (OECD, 2018[19]) |
Évaluer le climat scolaire |
||
Réfléchir sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage |
Questionnaire à choix multiple pour les enseignants pour documenter leurs pratiques pédagogiques |
✓ Enquête internationale de l'OCDE sur l'enseignement et l'apprentissage, questionnaire enseignant (ex. sections « Façon d'enseigner en général » ; « Pratiques pédagogiques ») (OECD TALIS, 2018[20]) |
Réfléchir sur les pratiques de leadership de l’établissement |
Questionnaire à destination de l’équipe de leadership de l’école portant sur les pratiques de gouvernance et de direction de l’établissement Questionnaire à destination des parents sur leur participation et engagement avec l’établissements |
✓ Familles et communautés : questions directrices pour l'autoévaluation (Education Scotland, 2022[21]) ✓ Leadership et coordination des partenariats : questions directrices pour l'autoévaluation (Education Scotland, 2022[22]) ✓ Enquête internationale de l'OCDE sur l'enseignement et l'apprentissage, questionnaire chefs d’établissement (ex. section « Climat de l’établissement ») (OECD TALIS, 2018[23]) |
Source : Auteurs
Action 3.3.3 : Expliquer comment les établissements peuvent évaluer leur qualité à partir d’exemples
À l’échelle internationale, les établissements suivent des méthodes diverses pour décrypter les données recueillies et analysées lors de l’autoévaluation afin d’en tirer des conclusions sur leurs forces et faiblesses. En Irlande par exemple, les écoles doivent comparer leurs pratiques aux descripteurs des pratiques « très efficaces », et se demander : Avons-nous des forces significatives ? Avons-nous des faiblesses importantes ? Les forces l'emportent-elles sur les faiblesses ? Pourquoi ? En écosse, les écoles peuvent s’évaluer à l’aide d’une échelle à six points (voir Encadré 3.1).
Ce questionnement peut aider à orienter leurs efforts d’amélioration vers ceux des domaines qui en ont le plus besoin. Il est préférable de ne pas publier ces informations, pour éviter que les établissements qui se soumettent à l’autoévaluation ne craignent des conséquences, mais les résultats globaux peuvent être inclus dans le tableau de bord des performances externes (chapitre 4). Les établissements et les acteurs publics concernés pourront ainsi tenir compte des résultats des autoévaluations parallèlement aux données de suivi quantitatives.
Encadré 3.1. Des grilles de notation pour aider les établissements à porter un jugement sur leur qualité
Action 3.3.4 : Développer l’accompagnement de l’autoévaluation des établissements scolaires
Un accompagnement complémentaire peut être mis en place pour veiller à ce que les équipes de leadership d’établissement soient guidées tout au long de l’autoévaluation et de la planification de l’amélioration. Par exemple, les CPP peuvent servir de plateforme utile d’échange d’expertise et de bonnes pratiques pour les directeurs d’établissement. Les AREF et les DP peuvent assurer la coordination en identifiant les établissements qui effectuent des autoévaluations constructives pour les mettre en tandem avec ceux qui se heurtent à des difficultés. Les CPP, de même que les conseils pédagogiques au sein des établissements, peuvent aussi organiser des discussions et des échanges entre pairs sur les principes d’autoévaluation et leur utilisation dans les établissements. Par ailleurs, il ressort des entretiens menés par l’équipe de l’OCDE en mai 2022 que trois types d’acteurs pourraient être intégrés dans les efforts d’accompagnement des établissements scolaires au Maroc : les inspecteurs pédagogiques, les inspecteurs en planification et orientation de l’éducation et les animateurs PEI (voir Action 4.2.3). Le Maroc doit veiller à ce que les tous les acteurs qui accompagneront l’amélioration des établissements scolaires possèdent les compétences nécessaires pour guider l’autoévaluation axée sur la qualité et qu’ils aident les écoles à établir les priorités d’action au service de l’amélioration. Il sera également essentiel d'éviter la duplication des responsabilités entre ces différents acteurs.
En quoi l’investissement dans le leadership scolaire peut-il contribuer à améliorer les établissements ?
Recommandation 3.4 (court terme) : Veiller à ce que les équipes de leadership maîtrisent les déterminants de la qualité scolaire et renforcent leurs compétences en conséquence
Pour que soient mises en œuvre des pratiques d’autoévaluation efficaces, il est important pour le Maroc d'envisager de conférer aux directeurs d’établissement un rôle de leadership pédagogique, y compris dans le secondaire. Par ailleurs, il est également crucial d’aider les directeurs d’établissement à développer leurs compétences dans ce domaine, en renforçant les éléments d’introduction à la planification et à l’autoévaluation scolaires des modules de formation professionnelle continue et en les alignant sur le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires. Il sera néanmoins encore plus important de proposer aux directeurs d’établissement des formations continues et pratiques pour approfondir leur maîtrise de l’autoévaluation et de la planification et pour assurer l’amélioration constante de leurs pratiques.
Action 3.4.1 : Élargir l’accès aux formations professionnelles sur le leadership et le management scolaire proposées par le Ministère, et accorder une plus grande place aux compétences de conduite de l’autoévaluation
Le Ministère peut envisager de remanier les modules de formation professionnelle continue proposés par le PEI en accordant une plus grande place aux compétences de conduite de l’autoévaluation. Les normes de « gouvernance et leadership scolaire » dans le cadre d’indicateurs de la qualité devraient servir de base pour définir ces compétences et élaborer des modules de formation sur l’autoévaluation scolaire, lesquels devraient couvrir les sujets suivants :
Définir la vision de l’établissement.
L’autoévaluation centrée sur l’apprentissage des élèves.
Les déterminants de la qualité scolaire.
Piloter un processus collaboratif et inclusif d’autoévaluation et de planification.
Recueillir des données qualitatives et quantitatives fondées sur le cadre d’indicateurs de la qualité des établissements scolaires.
Faire participer la communauté scolaire (personnel des établissements et parents) à l'autoévaluation et leur communiquer les résultats de l’autoévaluation.
Action 3.4.2 : Proposer des formations pratiques continues sur l’autoévaluation et la planification de l’amélioration
Les AREF peuvent mettre en place un programme de formation structuré autour de ces sujets et proposer une série d’ateliers pratiques à destination des directeurs d’établissement sur les finalités et les modèles d’assurance qualité et d’autoévaluation d’établissement scolaire (planifier, réaliser, vérifier, agir), les méthodes de collecte, d’analyse et d’interprétation des données (y compris validité, fiabilité, triangulation, interprétation des rapports de tendances et ventilation), la fixation de cibles de changement collectives avec le personnel et la communauté scolaire, l’instauration d’une culture de collaboration et d’apprentissage qui encourage la réflexion et l’amélioration, et la conduite du changement à partir de l’autoévaluation. Le Schools Partnership Programme anglais (Royaume-Uni), une initiative du Education Development Trust, livre un exemple de système collaboratif d’amélioration piloté par les établissements, selon lequel les écoles sont solidairement responsables à la fois de leurs propres améliorations et de celles des autres (Education Development Trust, n.d.[25]).
Recommandation 3.5 (moyen terme) : Repenser les politiques et la réglementation pour permettre aux établissements de prendre eux-mêmes en charge leur amélioration
Action 3.5.1 : Conférer aux directeurs d’établissement une autorité sur le leadership pédagogique et des incitations pour l’amélioration
Les établissements scolaires marocains doivent être autonomisés et incités à utiliser les résultats de leurs évaluations pour améliorer leurs performances. À l’heure actuelle, ils disposent de très peu de pouvoir décisionnel dans le recrutement et la sélection du personnel éducatif, et la gestion pédagogique et financière. Dans un premier temps, le Maroc pourrait augmenter la capacité et l’autorité des établissements scolaires pour décider de leurs pratiques pédagogiques et de leur programme d'enseignement. Par exemple, alors que les écoles ont en théorie la possibilité de décider de 15 % du curriculum enseigné selon la Charte nationale d’éducation et de formation, des capacités de leadership pédagogique limitées et le manque d’orientations claires des autorités centrales rendent difficile pour les écoles de profiter de cette prérogative (Maghnouj et al., 2018[13]).
D’autre part, si le Maroc vise à confier aux établissements la responsabilité de piloter eux-mêmes leurs améliorations, la révision des politiques et réglementations s’impose afin d’attribuer aux équipes de direction l’autorité de conduire le changement dans leur établissement, par exemple en leur accordant une autorité formelle pour mener des observations en classe et des évaluations formatives des enseignants, ainsi que pour superviser le développement professionnel au sein de l’établissement. L'octroi de ressources discrétionnaires aux écoles pour soutenir leurs actions d'amélioration peut également constituer une incitation supplémentaire pour mener des autoévaluations et des actions d'amélioration (voir Action 3.5.3 : Fournir aux établissements scolaires des ressources financières suffisantes pour leur amélioration ).
Action 3.5.2 : Revoir l’organisation du temps et du programme scolaires afin de laisser plus de place pour l’autoévaluation et des actions d’amélioration adaptées
Les établissements scolaires marocains se heurtent à des contraintes structurelles qui limitent leurs capacités d’amélioration des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Notamment, les acteurs scolaires ont indiqué à l’équipe de l’OCDE se sentir forcés de couvrir l’intégralité du programme national, ce qui ne leur laisse plus de temps pour l’exploration des pratiques d’enseignement et d’apprentissage différentiés et pour la remédiation en classe. L’enseignement différencié reconnaît les différences individuelles entre les élèves et laisse les établissements et les enseignants adapter l’enseignement selon diverses méthodes : répartition des élèves en groupes ou en classes par niveau, modulation du rythme des enseignements (permettre aux élèves de couvrir une matière en plus ou moins de temps) et individualisation de l’enseignement en classe (Scheerens and Ehren, 2016[8]). Ces pratiques pourront aider à améliorer les résultats de l’apprentissage, mais les établissements scolaires marocains devront disposer de moyens adéquats (temps et espace) pour développer leurs capacités dans ces domaines. Les processus d’autoévaluation peuvent être pour les établissements scolaires une occasion de réflexion sur les pratiques d’enseignement et de planification de l’amélioration. Le Ministère devrait toutefois s’intéresser aux moyens de mieux accompagner les établissements scolaires dans l’amélioration des pratiques pédagogiques et faire en sorte qu’ils disposent de suffisamment de temps pour renforcer leurs capacités et conduire des autoévaluations. Pour rationaliser le temps et les efforts des écoles, l'autoévaluation peut également être menée tous les trois ans et se concentrer sur un sous-ensemble d'indicateurs, comme suggéré précédemment dans ce chapitre.
Action 3.5.3 : Fournir aux établissements scolaires des ressources financières suffisantes pour leur amélioration
Afin de réduire les inégalités dans la distribution des fonds, le Ministère devrait ajuster la façon dont il alloue les ressources aux établissements (Maghnouj et al., 2018[13]). Le ministère de l’Éducation nationale pourrait utiliser une formule de financement, ou des programmes ciblés de financement pour prendre en compte les variables contextuelles qui affectent les besoins des établissements, en donnant une priorité aux établissements qui sont situées dans des zones socio-économiques défavorisées ou qui accueillent une population importante d’élèves vulnérables. L’introduction des subventions discrétionnaires pour aider les établissements à mettre en œuvre des activités d'amélioration, tels que le budget octroyé dans le cadre du PEI, est une avancée bien que limitée.
References
[11] Danielson, C. (1996, 2007), Enhancing Professional Practice: A Framework for Teaching, Association for Supervision and Curriculum, Alexandria, Virginia.
[15] Dubai, G. (2015), School self-evaluation form for improvement planning: A resource for schools 2015-2016, https://www.khda.gov.ae/Areas/Administration/Content/FileUploads/Publication/Documents/English/2015-40-24-08-38-Self_Evaluation_and_Improvement_Planning_EN.pdf.
[10] Earl, L. (2014), Effective School Review, Considerations in the framing, definition, identification and selection of indicators of education quality and their potential use in evaluation in the school setting, https://ero.govt.nz/how-ero-reviews/schoolskura-english-medium/school-evaluation-indicators/effective-school-review-considerations-in-the-framing-definition.
[25] Education Development Trust (n.d.), School-to-school collaboration and professional peer review, https://www.educationdevelopmenttrust.com/our-expertise/uk/school-to-school-collaboration-and-professional-pe.
[21] Education Scotland (2022), National Improvement Hub: Families and Communities Self-evaluation Framework - The West Partnership, https://education.gov.scot/improvement/self-evaluation/families-and-communities-self-evaluation-framework-the-west-partnership/.
[22] Education Scotland (2022), National Improvement Hub: Leadership and co-ordination, https://education.gov.scot/improvement/self-evaluation/leadership-and-co-ordination/.
[6] Education Scotland (2015), How good is our school, 4th edition, https://education.gov.scot/improvement/Documents/Frameworks_SelfEvaluation/FRWK2_NIHeditHGIOS/FRWK2_HGIOS4.pdf.
[3] In A. Hargreaves, D. (ed.) (2009), Self Evaluation for School Improvement, New York: Springer.
[18] Ireland Department of Education (2021), Government of Ireland.
[24] Ireland’s Department of Education and Skills (2012), School Self-Evaluation: Guidelines for Post-Primary Schools, Inspectorate Guidelines for Schools, https://www.eurekasecondaryschool.ie/uploads/6/5/3/1/6531880/sse_guidelines_post_primary.pdf.
[16] Ireland’s Department of Education and Skills (2003), Looking at our school. An aid to self-evaluation in second-level schools, https://www.tui.ie/_fileupload/looking_at_our_school_2nd_level_eng.pdf.
[13] Maghnouj, S. et al. (2018), Examens de l’OCDE du cadre d’évaluation de l’éducation: Maroc, Éditions, OECD Publishing.
[4] Nelson, R., M. Ehren and D. Godfrey (2015), Litertaure review on internal evaluation.
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