Giulia Mascagni
Centre international pour la fiscalité et le développement
Giovanni Occhiali
Centre international pour la fiscalité et le développement
Giulia Mascagni
Centre international pour la fiscalité et le développement
Giovanni Occhiali
Centre international pour la fiscalité et le développement
Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire doivent accroître radicalement leurs recettes fiscales pour financer les avancées en direction des Objectifs de développement durable (ODD). Le présent chapitre examine les raisons pour lesquelles il conviendrait de s’intéresser davantage, dans le contexte économique et budgétaire global, à la mise en place de systèmes fiscaux équitables et durables ainsi qu’à la conception, à la mise en œuvre et au suivi d’une fiscalité progressive, en tant qu’outils essentiels de la lutte contre la pauvreté et les inégalités. On trouvera dans le présent chapitre des exemples de mesures budgétaires complémentaires, portant notamment sur le contrôle ou la redistribution au profit des plus pauvres, destinées à rendre les systèmes budgétaires plus équitables et à accroître les recettes. Le constat est que l’utilisation des systèmes fiscaux à des fins d’objectifs environnementaux – par le biais notamment de taxes carbone au niveau national, souvent présentées comme une nouvelle source de financement prometteuse – présente un potentiel limité pour ce qui est de la génération de recettes. Le chapitre se termine en proposant des solutions d’avenir permettant de tirer pleinement parti du potentiel de nivellement de la fiscalité.
La réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) d'ici 2030 passe par le doublement des recettes fiscales dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Or, cette augmentation radicale prendra du temps. Sur le moyen terme, l’aide demeure une source de financement essentielle, notamment pour soutenir la capacité fiscale.
La forte pression qui pèse sur les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire pour accroître leurs recettes fiscales afin d’atteindre des objectifs souvent irréalistes – pression pourtant bien souvent justifiée face à l'importante pénurie de financements – risque de les inciter à adopter des pratiques fiscales inefficaces, peu équitables et non durables.
L’administration fiscale et l’application de la législation fiscale, ainsi que la conception de la politique fiscale, jouent un rôle sous-estimé au regard de la progressivité. Une application lacunaire des mesures fiscales a des conséquences inattendues en termes de pauvreté et d’inégalités, et ce, même dans le cadre d’une politique fiscale progressive.
Un recouvrement de l’impôt inégal pèse plus lourdement sur les personnes à faible revenu et les petites entreprises, la complexité des prélèvements et les coûts de discipline aggravant l’inéquité. Une application plus efficace des mesures fiscales aux niveaux supérieurs de revenu permettrait à la fois d’améliorer l’équité et de collecter plus de recettes.
Le régime fiscal pourrait être utilisé pour atteindre les objectifs environnementaux, notamment à l’appui d'une gestion durable des ressources naturelles et de la réduction des coûts sanitaires de la pollution dans les zones urbaines. Cela étant, il est peu probable que les taxes environnementales deviennent une source de financement majeure pour les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
L’augmentation des recettes fiscales afin de réduire la pauvreté et les inégalités – et de progresser dans la réalisation des ODD – doit avoir lieu de façon équitable, durable et efficiente. La réalisation des ODD, dont ceux relatifs à la pauvreté et aux inégalités, requiert des hausses considérables des recettes fiscales dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire1. En 2019, il a été calculé qu’en l’absence d’une augmentation importante de l’aide publique au développement (APD), un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire moyen serait contraint de doubler ses recettes fiscales d’ici 2030 (elles représentent actuellement moins de 15 % en moyenne du produit intérieur brut, ou PIB) pour progresser sensiblement dans les cinq principaux ODD2. Cela représente un défi de taille : au cours des 30 dernières années, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ont rarement enregistré de hausses fiscales équivalant à plus de 5 points de pourcentage du PIB. L’histoire montre qu’une augmentation des recettes fiscales de 0.5 point de pourcentage du PIB par an est déjà un objectif très ambitieux (Gallien, Lees et Mascagni,, 2024[1]). Il faut donc du temps pour instaurer une hausse équitable et durable des recettes (Gallien, Lees et Mascagni,, 2024[1]).
En 2019, il a été calculé qu’en l’absence d'une augmentation importante de l’aide publique au développement (APD), un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire moyen serait contraint de doubler ses recettes fiscales d’ici 2030 (elles représentent actuellement moins de 15 % en moyenne du produit intérieur brut) pour progresser sensiblement dans les cinq principaux ODD.
Les systèmes fiscaux contribuent principalement à lutter contre la pauvreté et les inégalités en générant des recettes suffisantes pour financer des dépenses publiques telles que la protection sociale, les soins de santé et l’éducation. La conception d’instruments fiscaux nouveaux et novateurs, comme les taxes environnementales (Encadré 6.1), peut offrir des perspectives intéressantes en matière de génération de recettes, même si les défis environnementaux entraineront à l’avenir des besoins de financement plus élevés que les recettes qu'ils pourraient permettre aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de percevoir. Des réformes seront nécessaires pour renforcer les capacités des administrations fiscales et améliorer le civisme fiscal, et ainsi poser les bases indispensables à l’augmentation des recettes. Outre leurs effets sur les recettes publiques, les régimes fiscaux ont une incidence directe sur la pauvreté et les inégalités du fait de leur conception et leur mise en œuvre. Le mode de recouvrement de l’impôt est donc tout aussi important que les montants collectés. L’administration fiscale et l’application de la législation fiscale jouent un rôle capital pour assurer une hausse équitable et durable des recettes.
Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ont d’énormes besoins en matière de financement climatique, qui rendent plus impérieuse la nécessité devant laquelle ils se trouvent de trouver des sources de revenus. Bien que citées de toutes parts dans les débats internationaux, les taxes carbone au niveau national ont des capacités restreintes en matière de génération de revenus. En Afrique du Sud, seul pays africain à avoir instauré une taxe carbone, cette dernière a rapporté la somme dérisoire de 40 millions USD sur un total de 77.1 milliards USD recouvrés grâce à l’impôt en 2020-21 (Baker, 2022[2]). Il est donc peu probable qu’une telle taxe comble de façon substantielle les besoins de financement des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Sa mise en place à grande échelle dans cette catégorie de pays peut toutefois contribuer à apporter, de façon progressive, une solution face à des problèmes environnementaux tels que la gestion des déchets et la pollution de l’air, qui touchent de façon disproportionnée les ménages à faible revenu et à revenu intermédiaire.
Les taxes environnementales favorisant une utilisation durable des ressources ou une réduction de la pollution en milieu urbain peuvent jouer un rôle important dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (Keen, 2023[3]). Une étude récente montre qu’en Afrique subsaharienne, les responsables publics considèrent ces taxes comme le meilleur moyen de collecter des recettes et de remédier aux inégalités existantes (Occhiali, 2023[4]). À titre d’exemple, les droits de douane qui dissuadent les importations de voitures de seconde main et incitent à se tourner vers des alternatives plus écologiques ont vraisemblablement un effet progressif dans les contextes où la détention d’un véhicule individuel reste un luxe, et où les taxes prélevées sur ce type de véhicule peuvent financer les transports publics (Granger et al., 2021[5]). Les taxes sur les déchets, qui sont la principale source de financement de l’élimination des ordures dans les pays à revenu élevé, sont rares dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ; cependant, lorsqu’elles y sont utilisées, elles ont tendance à être appliquées avec des taux forfaitaires régressifs. Le fait de les relier aux taxes foncières pourrait, au contraire, en faire une source de revenus progressive, et ainsi améliorer la gestion des déchets (Matheson, 2022[6]). De même, les efforts visant à rationaliser le régime de fiscalité des forêts tropicales se soldent souvent par un échec, même s’il existe des exemples concluants de barèmes de prélèvement dissuadant de procéder à l’exploitation forestière dans les zones péri-urbaines tout en maintenant le bois de chauffage à un prix abordable dans les zones rurales où il y a peu de combustibles alternatifs (Hamissou, 2001[7]).
On voit donc que les taxes environnementales peuvent aider à remédier aux inégalités actuelles. Des recherches complémentaires sont cependant nécessaires pour comprendre comment les instruments fiscaux peuvent résoudre de façon juste les problèmes environnementaux que connaissent les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Malgré les perspectives qu’ils offrent, ces instruments devraient être mis en place en priorité pour régler les défis environnementaux, plutôt que pour récolter des fonds. Il faudra, pour financer l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, que les pays à revenu élevé continuent de respecter leur engagement de consacrer 100 milliards USD par an à l’action climatique, engagement qui a mis 13 ans à être honoré pour la première fois.
Les régimes fiscaux en vigueur dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire incluent généralement les dispositifs les plus souvent requis pour assurer la progressivité, à savoir : un impôt sur le revenu au taux progressif, avec des exonérations pour les personnes à revenu faible ou intermédiaire ; des exonérations de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les biens de première nécessité ; enfin, des prélèvements sur certains types de revenus (dividendes, loyers ou plus-values) qui sont plutôt l’apanage des personnes à revenu élevé. Dans la pratique, cependant, la fiscalité progressive peut avoir des conséquences inattendues en termes de pauvreté et d'inégalités. Un exemple clair est l’impact de l’inflation sur les seuils d’exonération fiscale destinés à protéger les ménages à bas revenu, comme cela a été constaté en Éthiopie. Dans ce pays, qui a connu une période de forte inflation dans les années 2010, le seuil d’exonération d’impôt est tombé bien en dessous du niveau prévu par les responsables de l’action publique. Pour le maintenir à sa valeur réelle, il aurait dû être multiplié par cinq, mais la réforme a pris du retard et le seuil d’exonération fiscale n’a cessé de baisser pour atteindre la moitié du seuil de pauvreté du pays. Les retards dans la réforme du barème de l’impôt sur le revenu – et l’inadéquation du minimum imposable, en particulier – se sont traduits par l’imposition de travailleurs se trouvant en dessous du seuil de pauvreté, d’où un effet négatif probable sur la pauvreté (Hirvonen, Mascagni, et Roelen, 2018[8]). Des données récentes montrent en outre que dans plusieurs pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, les travailleurs faiblement rémunérés doivent s’acquitter de prélèvements de toutes sortes assimilables à des impôts – en particulier à l’échelon local et au niveau de la communauté –, qui sont souvent régressifs (Gallien et van den Boogaard, 2021[9]). Ces prélèvements informels doivent être pris en compte lors de la conception des régimes fiscaux officiels, car ils rendent d’autant plus nécessaire de modifier les seuils d’exonération et de rendre les barèmes d’imposition progressifs.
Une autre conséquence inattendue concerne par exemple les exonérations de TVA sur les biens de consommation de base. Si ces exonérations permettent d’améliorer la progressivité sur le court terme, elles peuvent en revanche s’avérer moins efficaces que d’autres mesures pour promouvoir la redistribution par l'impôt sur le long terme. La TVA est souvent considérée comme un impôt régressif car son taux est le même quel que soit le niveau de revenu des consommateurs. Pourtant, la plupart des pays appliquent des exonérations sur les produits de base comme la nourriture ou les uniformes scolaires, qui représentent une grande part du budget des ménages défavorisés. Ces exonérations répondent certes au problème de la régressivité de la TVA, mais leur efficacité est limitée car les ménages pauvres ont tendance à effectuer leurs achats sur les marchés informels (Bachas, Gadenne et Jensen, 2023[10]). Par conséquent, les avantages qui en résultent – en valeur absolue – profitent davantage aux ménages à haut revenu qu’à ceux disposant d’un revenu faible ou moyen, auxquels les exonérations de TVA sont pourtant censées s’adresser. Sur le long terme, les pays aux capacités administratives plus importantes peuvent améliorer la redistribution par l'impôt en supprimant la plupart des exonérations de TVA et en utilisant les gains qui en résultent pour financer des transferts généralisés aux ménages à revenu faible ou moyen. Warwick et al. (2022[11]) ont montré que la réaffectation des sommes provenant de la suppression des exonérations de TVA sous forme de transferts universels et non ciblés permettrait d’améliorer à la fois la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités. Cette logique vaut également pour les exonérations de TVA sur les serviettes hygiéniques menstruelles, souvent présentées comme favorisant l’égalité des genres. Cette mesure a peu de chances d’améliorer l’accès des femmes pauvres à ces produits et profite surtout aux femmes ayant des revenus élevés (Byrne, 2023[12]). Si ces exonérations sont supprimées, les recettes qui en auraient résulté pourraient servir à financer la fourniture directe et ciblée des serviettes en question (Grown et Mascagni,, 2024[13]).
[...] la réaffectation des sommes provenant de la suppression des exonérations de TVA sous forme de transferts universels et non ciblés permettrait d’améliorer à la fois la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités.
L’administration fiscale elle-même peut avoir une influence directe sur l’équité, une application inégale des mesures fiscales en étant la preuve la plus flagrante. Alors que les administrations fiscales déploient des efforts considérables pour tirer des recettes (souvent nulles) des micro- et petites entreprises informelles, les personnes ayant des revenus élevés passent largement à travers les mailles du filet. La sagesse populaire, selon laquelle la régularisation du secteur informel peut donner lieu à de fortes augmentations des recettes, a conduit un grand nombre d’autorités fiscales à lancer des campagnes d’immatriculation à grande échelle, qui ont permis de soumettre à l’impôt des milliers de nouveaux contribuables. Pour autant, aucun gain substantiel n’en a été retiré car une forte proportion de ces contribuables ont un revenu se situant en dessous ou juste au niveau du minimum imposable. Une fois enregistrés, soit ils n’effectuent aucune déclaration, soit ils déclarent un montant égal à zéro (Lediga, Riedel et Strohmaier, 2020[14] ; Mascagni, et al., 2022[15] ; Gallien et al., 2023[16]). Pire encore, ces campagnes de régularisation peuvent avoir des conséquences inattendues sur la justice fiscale : les ressources non négligeables qui sont consacrées à l’enregistrement des contribuables improductifs pourraient trouver un meilleur usage si elles étaient consacrées à l’identification des personnes à revenu élevé qui échappent fréquemment à l’impôt. L’impôt dont s’acquittent ces personnes est prélevé majoritairement sur les revenus des loyers, du capital ou des investissements, pour lesquels les contrôles sont souvent rares. Par conséquent, le fait de mettre davantage l’accent sur les travailleurs à revenu élevé permettrait à la fois d’améliorer l’équité et de collecter plus de recettes. En Ouganda, par exemple, le service de l’autorité fiscale s’occupant des individus très fortunés a collecté plus de 5.5 millions USD la première année suivant sa création, une somme qui ne représente sans doute que la partie émergée de l’iceberg (Kangave et al., 2018[17] ; Santoro et Waiswa, 2024[18]).
Les effets néfastes d'une application inégale des mesures fiscales sont aggravés par la complexité des régimes fiscaux et la confusion des contribuables, en particulier pour les plus modestes d’entre eux. Des travaux de recherche montrent que la complexité fiscale a des conséquences en termes d’équité, car les coûts de discipline sont régressifs et entraînent une pression fiscale plus élevée pour les petites entreprises (Slemrod et Venkatesh, 2002[19] ; Coolidge, 2012[20]). Une étude récente montre par exemple qu’en moyenne, 40 % des entreprises de petite taille réparties dans un ensemble varié de 11 pays n’utilisent pas leur crédit de TVA issu des intrants qu’elles achètent pour leur production, ce qui provoque de fait l’augmentation de leur facture de TVA au-delà de ce qu’elle devrait théoriquement être (Brockmeyer et al., 2024[21]). La raison à cela est que les petites entreprises ont tendance à avoir moins accès à des services de qualité en matière de conseil fiscal, à être moins en capacité d’obtenir des exonérations fiscales et autres avantages, et à avoir plus de mal à s’y retrouver dans un système fiscal de plus en plus complexe et numérique (Mascagni, et al., 2022[22]). Les mêmes difficultés se retrouvent en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu du travail (Mascagni, et Mengistu, 2019[23] ; Benzarti, 2013[24]).
L'administration fiscale et l'application de la législation fiscale, ainsi que la conception de la politique fiscale, jouent un rôle sous-estimé au regard de la progressivité. Les capacités des administrations et des institutions sont indispensables pour assurer le suivi du fonctionnement concret des systèmes fiscaux, les ajuster de manière à garantir l’équité et faire en sorte que la pression des autorités s’applique de façon homogène sur l’ensemble des groupes de la société. La forte pression qui pèse sur les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire pour accroître leurs recettes fiscales afin d’atteindre des objectifs souvent irréalistes – pression pourtant bien souvent justifiée face à l'importante pénurie de financements – risque de les inciter à adopter des pratiques fiscales inefficaces, peu équitables et non durables. Mettre l’accent sur l’administration fiscale dans son ensemble – et sur sa réalité dans le contexte des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire – peut aider à atténuer ce risque. La communauté internationale, dans le cadre notamment de l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba et de l’outil diagnostique d’évaluation de l’administration fiscale, prend de plus en plus ses distances par rapport à la vision étroite consistant à mesurer la hausse des recettes d’un pays pour se tourner vers des considérations plus générales, à savoir la façon dont ces recettes évoluent à la hausse, y compris en accordant une plus grande attention à l’administration fiscale (Addis Tax Initiative, 2023[25]). L'importance ainsi attachée à l’administration fiscale est particulièrement importante pour s’assurer que les actions destinées à accroître les recettes contribuent davantage à promouvoir la progression de l’équité et la réduction de la pauvreté qu’à les empêcher. Les exemples cités plus haut illustrent bien les impacts et les conséquences inattendues de l’administration fiscale et de l’application des mesures fiscales : les seuils, les exonérations et les mesures administratives peuvent tous avoir des effets néfastes sur la pauvreté et les inégalités, à moins de faire l’objet d’un suivi rigoureux.
Dans la pratique, un programme de réforme axé sur une fiscalité équitable inclut nécessairement, entre autres mesures, un renforcement de l’imposition des plus riches et un allègement progressif de la pression administrative et de la charge fiscale qui pèsent sur les travailleurs à faible et moyen revenu et sur les petites entreprises, notamment en mettant un terme aux campagnes d’enregistrement à grande échelle et en introduisant des procédures simplifiées. Parallèlement, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire doivent, avec l’aide des partenaires au développement, poursuivre leurs efforts pour accroître les capacités de leur administration et encourager le civisme fiscal, notamment en mettant à profit la transformation numérique et l’analytique des données pour améliorer l’administration fiscale. Ces efforts peuvent se traduire à la fois par une augmentation des recettes et par une plus grande équité, tout en posant les bases d’une génération de revenus durable sur le long terme.
Pour finir, et ce n’est pas le moins important, le rôle de la fiscalité dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités doit être résolument intégré dans une approche budgétaire globale. Le potentiel de nivellement de l’impôt ne peut être pleinement exploité que si les ressources qui en proviennent sont consacrées à l’amélioration des conditions économiques, humaines et sociales, en particulier pour les ménages à faible et moyen revenu. L’impôt n’est que l’un des nombreux outils de la politique fiscale dont disposent les autorités publiques (les autres étant par exemple le revenu universel, les transferts en espèces, la fourniture directe de produits comme des serviettes hygiéniques menstruelles), et son utilité devrait être soigneusement évaluée par rapport à d’autres actions possibles lorsque des objectifs spécifiques sont poursuivis (comme l’égalité des genres, la viabilité écologique ou la réduction de la pauvreté). L’amélioration des résultats et des services pour les citoyens aurait, pour sa part, des effets positifs en termes de confiance et de civisme fiscal, ce qui pourrait entrainer une amélioration de la discipline fiscale et l’augmentation des recettes.
[25] Addis Tax Initiative (2023), 2020 ATI Monitoring Report, International Tax Compact, Bonn, Allemagne, https://www.addistaxinitiative.net/sites/default/files/resources/2020%20ATI%20Monitoring%20Report%20EN.pdf.
[10] Bachas, P., L. Gadenne et A. Jensen (2023), « Informality, consumption taxes, and redistribution », Review of Economic Studies, pp. 1-31, https://doi.org/10.1093/restud/rdad095.
[2] Baker, L. (2022), The political economy of South Africa’s carbon tax, International Centre for Tax and Environment, Brighton, Royaume-Uni, https://doi.org/10.19088/ICTD.2022.017.
[24] Benzarti, Y. (2013), « How taxing is tax filing? Leaving money on the table because of compliance costs », SSRN Electronic Journal, https://doi.org/10.2139/ssrn.2412703.
[21] Brockmeyer, A. et al. (2024), « Does the value-added tax add value? Lessons using administrative data from a diverse set of countries », Journal of Economic Perspectives, vol. 38/1, pp. 107-32, https://doi.org/10.1257/JEP.38.1.107.
[12] Byrne, M. (2023), Playing politics with periods: Why the abolition of the ‘tampon tax’ is spreading across the world, Institute of Development Studies, Brighton, Royaume-Uni, https://doi.org/10.19088/ICTD.2023.02.
[20] Coolidge, J. (2012), « Findings of tax compliance cost surveys in developing countries », eJournal of Tax Research, vol. 10/2, https://classic.austlii.edu.au/au/journals/eJlTaxR/2012/13.html.
[16] Gallien, M. et al. (2023), Why mass tax registration campaigns do not work, International Centre for Tax and Development, Brighton, Royaume-Uni, https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/bitstream/handle/20.500.12413/18047/ICTD_PB2_MaxTaxReg_1.1.pdf.
[1] Gallien, M., A. Lees et G. Mascagni, (2024), Getting targets right: How much revenue can lower-income countries raise?, Institute of Development Studies, Brighton, Royaume-Uni, https://doi.org/10.19088/ictd.2024.016.
[9] Gallien, M. et V. van den Boogaard (2021), Rethinking formalisation: A conceptual critique and research agenda, International Centre for Tax and Development, Brighton, Royaume-Uni, https://www.ictd.ac/publication/rethinking-formalisation-a-conceptual-critique-and-research-agenda.
[5] Granger, H. et al. (2021), « Green » Motor Taxation: Issues and Policy Options in sub-Saharan Africa, Institute for Fiscal Studies/Overseas Development Institute, https://ifs.org.uk/publications/green-motor-taxation-issues-and-policy-options-sub-saharan-africa.
[13] Grown, C. et G. Mascagni, (2024), Towards gender equality in tax and fiscal systems: Moving beyond the implicit-explicit bias framework, International Centre for Taxation and Development, Brighton, Royaume-Uni, https://doi.org/10.19088/ICTD.2024.015.
[7] Hamissou, G. (2001), Forest finance: The forest revenue system and government expenditure on forestry in Niger, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, https://www.fao.org/3/X6820E/X6820E00.htm#TO.
[8] Hirvonen, K., G. Mascagni, et K. Roelen (2018), « Linking taxation and social protection: Evidence on redistribution and poverty reduction in Ethiopia », International Social Security Review, vol. 71/1, pp. 3-24, https://doi.org/10.1111/issr.12159.
[17] Kangave, J. et al. (2018), Boosting revenue collection through taxing high net worth individuals: The case of Uganda, International Centre for Tax and Development, Brighton, Royaume-Uni, https://www.ictd.ac/publication/boosting-revenue-collection-through-taxing-high-net-worth-individuals-the-case-of-uganda.
[3] Keen, M. (2023), La fiscalité et l’environnement : un aperçu des questions clés pour les pays en développement, Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), Clermont-Ferrand, France, https://ferdi.fr/dl/df-D7xnu3QDQtK2PtFVeMk3KrEQ/ouvrage-la-fiscalite-et-l-environnement-un-apercu-des-questions-cles-pour.pdf.
[14] Lediga, C., N. Riedel et K. Strohmaier (2020), « What you do (and what you don’t) get when expanding the net: Evidence from forced taxpayer registrations in South Africa », Annual Conference on Taxation and Minutes of the Annual Meeting of the National Tax Association, vol. 113, pp. 1-72, https://www.jstor.org/stable/27143899.
[22] Mascagni,, G. et al. (2022), « The VAT in practice: Equity, enforcement, and complexity », International Tax and Public Finance, vol. 30/2, pp. 525-563, https://doi.org/10.1007/s10797-022-09743-z.
[23] Mascagni,, G. et A. Mengistu (2019), « Effective tax rates and firm size in Ethiopia », Development Policy Review, vol. 37/S2, https://doi.org/10.1111/dpr.12400.
[15] Mascagni,, G. et al. (2022), « Active ghosts: Nil-filing in Rwanda », World Development, vol. 152(C), p. 105806, https://doi.org/10.1016/J.WORLDDEV.2021.105806.
[6] Matheson, T. (2022), « Disposal is not free: Fiscal instruments to internalize the environmental costs of solid waste », International Tax and Public Finance, vol. 29, pp. 1047-1073, https://doi.org/10.1007/s10797-022-09741-1.
[4] Occhiali, G. (2023), Implementation obstacles and political appeal of environmental taxes in sub-Saharan Africa: Reflections from selected countries, Institute of Development Studies, Brighton, Royaume-Uni, https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/handle/20.500.12413/18192.
[18] Santoro, F. et R. Waiswa (2024), « How to improve tax compliance by wealthy individuals? Evidence from Uganda », Development Policy Review, vol. 42/2, https://doi.org/10.1111/dpr.12754.
[19] Slemrod, J. et V. Venkatesh (2002), The income tax compliance cost of large and mid-size businesses, https://doi.org/10.2139/ssrn.913056.
[11] Warwick, R. et al. (2022), « The redistributive power of cash transfers vs VAT exemptions: A multi-country study », World Development, vol. 151, p. 105742, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2021.105742.
← 1. Dans le présent chapitre, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire incluent à la fois les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, conformément à la classification standard de la Banque mondiale.
← 2. Ces estimations font référence aux progrès substantiels accomplis dans cinq des ODD et non dans l’intégralité de ces objectifs. Voir https://www.imf.org/en/Publications/Staff-Discussion-Notes/Issues/2019/01/18/Fiscal-Policy-and-Development-Human-Social-and-Physical-Investments-for-the-SDGs-46444.