Luis-Felipe López-Calva
Banque mondiale
Ruth Hill
Banque mondiale
Trang Nguyen
Banque mondiale
Miki Khanh Doan
Banque mondiale
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Ruth Hill
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Trang Nguyen
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Miki Khanh Doan
Banque mondiale
L’accélération de la lutte contre la pauvreté passera inévitablement par une réduction de l’impact du changement climatique sur les ménages pauvres et vulnérables. Il peut être utile pour les responsables de l’action publique d’adapter le cadre d’évaluation des aléas, de l’exposition et de la vulnérabilité – souvent utilisé pour déterminer les répercussions matérielles du changement climatique –, dans l’optique de répertorier et de mesurer les avantages et les coûts de l’action climatique sur le plan du bien‑être, ainsi que d’en assurer le suivi. Le présent chapitre commence par un examen des effets disproportionnés du changement climatique sur les populations pauvres et vulnérables, et des priorités de la politique publique qui consistent à atténuer les dangers et/ou la vulnérabilité tout en apportant des avantages non climatiques. Il propose ensuite un cadre pour l’évaluation des retombées de l’action climatique sur le bien‑être et analyse les trois manières dont la politique climatique influe sur le bien‑être, avant de présenter deux principes à appliquer pour orienter les décisions en matière de politique climatique : privilégier les mesures visant un objectif double ou triple, et identifier et réduire au minimum les coûts pour les ménages pauvres.
Le changement climatique touche de manière disproportionnée les populations pauvres et vulnérables, dont les moyens de subsistance dépendent souvent des ressources naturelles et qui ne peuvent accéder à des services d’épargne, de crédit et d’assurance, ce qui augmente pour elles le coût des aléas.
La priorité devrait être donnée aux mesures visant à gérer les aléas climatiques ou réduire l’exposition et la vulnérabilité, et à procurer aux populations pauvres et vulnérables des avantages sans lien avec le climat – autrement dit des mesures visant un objectif double ou triple.
La gestion des arbitrages inhérents aux politiques climatiques nécessite une compréhension approfondie des multiples répercussions que ces politiques peuvent avoir sur des populations différentes et à des horizons temporels divers. Bien qu’évidents, les avantages à long terme doivent être mesurés et gérés, et des actions de compensation doivent être mises en place afin d’assurer une transition équitable.
Les acteurs de la coopération pour le développement jouent un rôle crucial en favorisant des transitions équitables et durables. En adoptant de préférence des stratégies qui offrent des avantages multiples et en assurant le suivi et la compensation, autant que faire se peut, des arbitrages, ils rendent possible la perspective d’un avenir prospère, équitable et résilient.
Le changement climatique touche de manière disproportionnée les populations pauvres et vulnérables. Les ménages pauvres sont souvent tributaires des ressources naturelles pour leurs moyens de subsistance, ce qui rend leurs revenus plus dépendants des conditions météorologiques, et donc très sensibles aux évolutions du climat. En outre, le manque de capital, corollaire d’une existence marquée par la pauvreté, augmente le coût des aléas. Une isolation inadéquate, le manque d’étanchéité et des matériaux de construction de mauvaise qualité caractérisent souvent les logements occupés par les ménages pauvres, ce qui les rend plus vulnérables face aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ces ménages vivent dans des zones reculées. La probabilité est alors plus élevée que le prix des biens qu’ils achètent soit affecté par les événements météorologiques locaux. Confrontés à des pertes de revenu ou de biens, ils sont moins susceptibles de pouvoir compter sur une épargne ou sur l’accès à un crédit ou à une assurance. Les répercussions d’un choc peuvent être tangibles pendant encore de nombreuses années après l’événement lui-même. En outre, les phénomènes météorologiques extrêmes ont une incidence sur le bien‑être non seulement lorsque les catastrophes surviennent, mais aussi en raison des comportements coûteux induits par l’absence de couverture du risque. Le changement climatique augmentant la fréquence et l’intensité des aléas, les ménages pauvres et ceux qui vivent tout juste au-dessus du seuil de pauvreté seront de plus en plus exposés à un risque accru de diminution du bien‑être sous l’effet de phénomènes climatiques extrêmes.
Il est fondamental d’évaluer les effets de la transition écologique sur les populations pauvres et vulnérables, de façon à s’assurer que l’élaboration des politiques facilite une transition juste – autrement dit une transition qui tient compte des répercussions sur les plans social, de l’emploi et du bien‑être, et qui garantit un partage équitable des avantages.
La transition vers une économie bas carbone et résiliente au changement climatique est essentielle pour faire progresser la lutte contre la pauvreté à court comme à long terme. Cette transition peut toutefois entraîner des coûts à court terme, tels qu’une hausse des prix de l’énergie et des suppressions d’emplois dans les secteurs à forte intensité de carbone, qui peuvent être particulièrement difficiles à surmonter pour les personnes les plus pauvres. Il est fondamental d’évaluer l’impact de la transition écologique sur les populations pauvres et vulnérables, de façon à s’assurer que l’élaboration des politiques publiques facilite une transition juste – autrement dit une transition qui tient compte des répercussions sur les plans social, de l’emploi et du bien‑être, et qui garantit un partage équitable des avantages.
Les travaux de recherche sur le climat suivent généralement le cadre d’évaluation des aléas, de l’exposition et de la vulnérabilité proposé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat afin de déterminer les effets négatifs potentiels sur les populations (Reisinger et al., 2020[1]). Comme le montre le Graphique 19.1, ce cadre met en évidence l’influence à la fois de la nature des aléas, et de l’exposition et de la vulnérabilité de la population sur la gravité de l’impact d’un phénomène météorologique. Il constitue une ressource utile pour les réflexions concernant les répercussions du changement climatique et de l’action climatique sur le bien‑être.
Si, dans un lieu donné, les ménages sont tous confrontés aux mêmes aléas, la vulnérabilité varie d’un ménage à l’autre en fonction des caractéristiques de chacun. La vulnérabilité des ménages (et dans une certaine mesure leur exposition) dépend de leur capacité à accumuler et à utiliser différents biens : le capital humain (éducation, compétences et santé) ; le capital physique (bétail et outils) ; le capital naturel (terres émergées et écosystèmes) ; le capital financier (épargne et prêts) ; et le capital social (normes et réseaux de soutien mutuel) (López-Calva et Rodríguez-Castelán, 2016[3]). Par exemple, l’accès à des technologies d’irrigation efficaces peut réduire les pertes agricoles provoquées par la sécheresse (Herwehe et Scott, 2018[4]), et l’éducation et les actifs financiers permettent aux ménages d’opter pour des moyens de subsistance plus résilients face au changement climatique et de se remettre rapidement des chocs (Erman, Obolensky et Hallegatte, 2019[5] ; Tesfaye et Tirivayi, 2020[6]).
Les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques ont des effets positifs sur le bien‑être en ce qu’elles modifient la répartition de la probabilité des aléas et/ou réduisent l’exposition et la vulnérabilité. Indépendamment de ces effets, elles peuvent avoir une incidence, directe ou non, sur le bien‑être, par exemple au travers des coûts ou avantages supplémentaires qu’elles induisent dans ce domaine. Le Graphique 19.2 illustre les effets des politiques climatiques sur le bien‑être sous l’angle des aléas, de l’exposition et de la vulnérabilité, ainsi que des autres avantages ou coûts liés aux ménages.
Les politiques d’atténuation peuvent modifier la répartition de la probabilité des aléas à l’avenir. On peut citer par exemple les taxes carbone, qui permettent de réduire les émissions, notamment dans les pays fortement émetteurs. D’autres mesures, comme celles qui encouragent l’accroissement du couvert forestier, peuvent entraîner un changement plus immédiat des conditions météorologiques locales. Les mesures qui aident les ménages à déménager et/ou à déplacer leurs biens dans des lieux moins exposés aux dangers peuvent quant à elles influer sur l’exposition. Parmi les mesures qui modifient la vulnérabilité d’un ménage face aux aléas figurent celles axées sur l’adaptation, notamment celles qui encouragent les ménages à investir dans la gestion de l’eau et la qualité des sols ou dans des logements de meilleure qualité, ainsi que les politiques de développement plus générales, qui visent à augmenter le capital des ménages pauvres, leur permettant ainsi de mieux faire face aux chocs climatiques ou d’accroître leurs revenus à partir d’activités moins touchées par les aléas. À titre d’exemple, améliorer la qualité de l’éducation, renforcer l’infrastructure routière pour faciliter l’accès des ménages aux marchés, améliorer l’urbanisme, adopter des systèmes d’alerte précoce et d’évacuation, ou encore faciliter l’inclusion financière sont autant de mesures qui peuvent contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages. Nombre de mesures ont des effets à la fois sur l’exposition et sur la vulnérabilité. L’éducation, par exemple, réduit l’exposition des ménages en les aidant à migrer et à changer de moyens de subsistance ; en outre, elle diminue leur vulnérabilité en augmentant leur capacité à s’adapter aux changements. Pour la suite de notre propos, la vulnérabilité et l’exposition (telles que définies dans le cadre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont combinées, sans perte d’informations clés.
Si ces répercussions hors impact climatique sont négligées et non prises en compte de manière explicite, elles peuvent avoir des effets défavorables considérables, notamment pour les ménages pauvres et vulnérables.
Les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques peuvent également générer des avantages ou des coûts supplémentaires sans lien avec le climat, qui ont un impact direct sur le bien‑être. Il conviendrait d’évaluer ces coûts lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de ces mesures. Par exemple, dans les zones inondables, la modernisation des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement, visant à les rendre résilientes face aux inondations, permet non seulement de réduire l’exposition aux maladies d’origine hydrique à la suite d’une catastrophe, mais aussi d’améliorer la santé globale des ménages, ce qui accroît leur capacité productive et leurs revenus (Hallegatte, Rentschler et Rozenberg, 2019[7]). De même, les retombées positives des politiques d’atténuation sur la pollution atmosphérique peuvent avoir des effets bénéfiques immédiats sur la santé et la productivité. En revanche, la suppression des subventions à l’énergie ou la mise en place d’une tarification du carbone, par exemple la diminution du rendement net généré par les moyens de subsistance qui reposent sur l’utilisation du carbone, peut engendrer des coûts supplémentaires (Dorband et al., 2019[8]). Il existe également des coûts d’opportunité liés au financement de l’action climatique, qui se traduisent par une diminution du financement à l’appui d’autres projets de développement. Si ces répercussions hors impact climatique sont négligées et non prises en compte de manière explicite, elles peuvent avoir des effets défavorables considérables, notamment pour les ménages pauvres et vulnérables.
Il est essentiel de noter que l’évaluation d’une politique publique en termes de bien‑être mettra en évidence des résultats variables selon les individus, et que l’on ne peut pas partir du principe que les effets sur les aléas et la vulnérabilité, ou les autres effets directs sur le bien‑être, seront uniformes au sein d’une population donnée. L’action climatique pourrait s’avérer extrêmement bénéfique sur le plan du bien‑être pour certains ménages, et moins pour d’autres, notamment si le coût induit pour ces personnes est élevé. Les mesures qui modifient la répartition des aléas procurent des avantages notables à l’ensemble des individus et aux générations à venir, mais les coûts en sont supportés par certains groupes plus que par d’autres, et ce, dès aujourd’hui. Au sein d’une société donnée, l’impact global d’une politique publique sur le plan du bien‑être social correspond à la somme des effets induits sur chaque personne, en tenant compte des pondérations inhérentes.
Il conviendrait de privilégier les mesures qui induisent les plus fortes améliorations sur le plan du bien‑être social, et qui respectent également les principes généraux de l’utilisation en cascade pour ce qui est de la hiérarchisation des finances publiques. Or, il n’est pas simple d’identifier ces mesures : cela implique en effet d’évaluer sur le long terme les avantages qu’elles procurent sur le plan du bien‑être pour l’ensemble de la population, mais aussi pour différents pays et sur le très long terme. Comme le montrent Hendren et Sprung-Keyser (2020[9]), bien souvent, on ne dispose pas des données nécessaires pour opérer ces choix, mais certains principes peuvent néanmoins orienter les processus d’élaboration au regard des conséquences des politiques climatiques sur le plan du bien‑être.
Le premier principe consiste à privilégier les mesures visant un objectif double ou triple. Les mesures d’action publique qui visent un objectif triple et ciblent les personnes pauvres sont celles dont les effets positifs sur le bien‑être se jouent autour de l’ensemble des trois axes (impact positif au regard des aléas futurs, réduction de l’exposition et de la vulnérabilité, et apport d’avantages supplémentaires sans lien avec le climat ou réduction des coûts qui ont un impact direct sur le bien‑être) pour les personnes situées au bas de l’échelle des revenus. Même si elles sont peu nombreuses, certaines mesures peuvent être considérées comme telles1. Il s’agit notamment des mesures suivantes :
Les pratiques agricoles climato-compatibles, comme la diversification des cultures ou la préservation des sols. Ces mesures et pratiques permettent non seulement d’atténuer les effets du changement climatique, mais aussi d’améliorer les rendements des cultures et les revenus des agriculteurs, tout particulièrement dans les régions vulnérables (Banque mondiale, 2012[10] ; Aker et Jack, 2023[11] ; Baquie et Hill, 2023[12]).
Les initiatives de gestion durable des forêts, qui non seulement préservent la biodiversité et soutiennent les services écosystémiques, mais créent également des moyens de subsistance pour les communautés locales ; ce faisant, elles réduisent la pauvreté et renforcent la résilience face aux catastrophes liées au climat (Das, Das et Tah, 2022[13] ; Grosset, Papp et Taylor, 2023[14] ; Zaveri, Damania et Engle, 2023[15]).
Les investissements à l’appui de l’accès aux énergies propres, qui produisent des résultats sur trois plans différents en fournissant des énergies propres abordables aux populations mal desservies et en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles.
La réduction des facteurs d’inefficience dans les échanges – souvent exacerbés par les réglementations qui limitent la concurrence et conduisent à une gestion inefficace des flottes ou à la prévalence des cargaisons à vide – peut simultanément abaisser les émissions, améliorer l’intégration des marchés (en diminuant la vulnérabilité) et contribuer à la croissance économique.
S’il est utile de mettre en évidence les mesures d’action publique qui visent un objectif triple, ce n’est pas le nombre de domaines dans lesquels un effet positif est induit qui importe, mais les avantages globaux de chaque mesure sur le plan du bien‑être. Nombre de ces mesures présentent des avantages de taille en termes de réduction de la vulnérabilité et d’amélioration de la croissance des revenus, même après avoir pris en compte leurs coûts, mais elles ont des impacts minimes sur la répartition future des aléas. C’est notamment le cas dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, où la croissance des revenus n’aura qu’une incidence limitée sur le climat à l’échelon local ou sur les émissions mondiales. Dans ces pays, il importe donc tout particulièrement d’envisager en priorité des mesures de ce type. On peut citer par exemple les services monétaires mobiles qui facilitent le développement et permettent de recevoir rapidement des transferts en période de crise (Jack et Suri, 2014[16] ; Batista et Vicente, 2023[17]).
L’amélioration des infrastructures routières, qui rend les zones reculées plus accessibles, renforce également la connectivité des marchés, ce qui atténue l’impact des sécheresses et autres chocs météorologiques sur les prix alimentaires à l’échelon local (Burgess et Donaldson, 2010[18]).
L’éducation, qui non seulement accroît les revenus perçus tout au long de la vie au-delà de son coût initial (Hendren et Sprung-Keyser, 2020[9]), mais permet aussi aux ménages de s’adapter à l’évolution des conditions économiques résultant des chocs climatiques (Skoufias et Vinha, 2012[19]).
Au vu de tous les avantages procurés par ces mesures, on peut se demander quels sont les obstacles qui continuent de freiner leur adoption. En identifiant les contraintes sous-jacentes susceptibles d’entraver leur mise en œuvre – les connaissances, le financement ou l’effet dissuasif des politiques publiques existantes, par exemple –, les responsables de l’action publique pourront concevoir une action climatique qui, de par sa nature même, conduira plus efficacement à leur adoption.
Le second principe consiste à identifier les coûts pour les ménages pauvres et à les réduire au minimum. Si les progrès en direction de la réalisation des objectifs au regard de la pauvreté et du climat offrent généralement des possibilités de synergie, des arbitrages sont souvent nécessaires, et il convient de les recenser. Les coûts des politiques à l’appui de la transition pèseront inévitablement sur le bien‑être de certains, et il convient de les mesurer et de les gérer au moyen de financements compensatoires ou d’autres formes de soutien.
S’agissant de l’exposition et de la vulnérabilité, bon nombre des stratégies de réduction et de gestion des risques existantes ont un coût pour les revenus moyens2. À titre d’illustration :
Dans le cas de la réduction des risques, les pratiques agricoles qui limitent la vulnérabilité en diminuant les pertes de rendement lors de conditions météorologiques extrêmes entraînent souvent par ailleurs une baisse des revenus agricoles pendant les années normales (Hultgren et al., 2022[20] ; Kala, 2023[21]).
Dans le cas de la gestion des risques, le coût de l’assurance privée est toujours supérieur au juste prix actuariel de l’assurance.
Le coût du financement public de filets de sécurité activables en cas de chocs peut ou non être récupéré grâce à la croissance des revenus qu’entraîne leur utilisation , il n’existe pour l’heure pas suffisamment de données dans ce domaine pour en attester. Les avantages sur le plan du bien‑être des dépenses consacrées à la réduction de la vulnérabilité découlent du fait que les individus ont une faible appétence pour le risque et qu’ils préfèrent une consommation moins variable, même si elle est plus faible en moyenne. Sachant qu’il est coûteux de réduire la variation de la consommation, le bien‑être est optimisé lorsque celle-ci est ramenée à des niveaux acceptables compte tenu de ce coût. De ce fait, la priorité doit alors être donnée aux politiques publiques qui augmentent le nombre de stratégies à faible coût disponibles en matière de gestion et de réduction des risques. Les cadres tels que ceux élaborés par Gollier et Mahul (2017[22]) et Ehrlich et Becker (1972[23]) insistent sur la nécessité d’optimiser de manière concomitante les investissements à l’appui de la réduction et de la gestion des risques.
Les mesures d’action publique qui visent à réduire les aléas climatiques futurs ont également un coût. La transition en faveur de sources d’énergie renouvelables, par exemple, peut être source de coûts pour les communautés qui dépendent des secteurs liés aux combustibles fossiles. De même, la hausse des prix de l’énergie et les pertes d’emplois dans les secteurs à forte intensité de carbone peuvent avoir une incidence considérable sur les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables. La gestion des arbitrages inhérents aux politiques climatiques nécessite une compréhension approfondie des multiples répercussions que ces politiques peuvent avoir sur des populations différentes et à des horizons temporels divers.
Dans la perspective d’une transition équitable, il est également important de suivre les retombées des mesures d’action publique et leurs coûts pour les personnes et les communautés pénalisées, ainsi que de mettre au point des actions de compensation ciblées. Il devrait s’agir non seulement de compenser les pertes, mais aussi de prendre les devants et d’offrir aux ménages défavorisés la possibilité de négocier la transition. Les responsables de l’action publique devraient accorder une attention particulière au suivi des retombées et des coûts concernant :
L’impact des mesures adoptées sur la consommation réelle des ménages et sur les résultats au regard du marché du travail. Une aide sociale ciblée peut réduire au minimum l’impact de l’action climatique sur la consommation réelle des ménages, et des subventions et des incitations comportementales peuvent accompagner les ménages pauvres dans leur transition vers une consommation énergétique moindre et reposant sur l’utilisation d’énergies propres.
Des mesures ciblées visant à soutenir la création d’emplois dans les territoires les plus touchés par les pertes d’emplois, un soutien aux pratiques agricoles climato-compatibles et des interventions à l’appui de la formation professionnelle sont nécessaires pour soutenir la transition vers des emplois et des moyens de subsistance sobres en carbone et en méthane.
Face aux défis étroitement liés que posent le changement climatique et la pauvreté, la communauté mondiale se doit de proposer des mesures coordonnées et inclusives. Les acteurs de la coopération pour le développement jouent un rôle crucial en favorisant des transitions équitables et durables. En adoptant de préférence des stratégies qui offrent des avantages multiples et en assurant le suivi et la compensation, autant que faire se peut, des arbitrages, ils rendent possible la perspective d’un avenir prospère, équitable et résilient.
[11] Aker, J. et B. Jack (2023), « Harvesting the rain: The adoption of environmental technologies in the Sahel », The Review of Economics and Statistics, pp. 1-52, https://doi.org/10.1162/rest_a_01404.
[10] Banque mondiale (2012), Carbon Sequestration in Agricultural Soils, Banque mondiale, Washington, D.C., http://documents.worldbank.org/curated/en/751961468336701332/Carbon-sequestration-in-agricultural-soils.
[12] Baquie, S. et R. Hill (2023), Improving Water Availability and Restoring Soil Fertility in the Sahel, NDC Partnership, Washington, DC, https://ndcpartnership.org/knowledge-portal/good-practice-database/improving-water-availability-and-restoring-soil-fertility-sahel.
[17] Batista, C. et P. Vicente (2023), « Is mobile money changing rural Africa? Evidence from a field experiment », Review of Economics and Statistics, pp. 1-29, https://doi.org/10.1162/rest_a_01333.
[18] Burgess, R. et D. Donaldson (2010), « Can openness mitigate the effects of weather shocks? Evidence from India’s famine era », American Economic Review, vol. 100/2, pp. 449-453, https://doi.org/10.1257/aer.100.2.449.
[13] Das, S., S. Das et J. Tah (2022), « Mangrove forests and people’s livelihoods », dans Das, (., Pullaiah et E. Ashton (dir. pub.), Mangroves : Biodiversity, Livelihoods and Conservation, Springer, Singapour, https://doi.org/10.1007/978-981-19-0519-3_7.
[8] Dorband, I. et al. (2019), « Poverty and distributional effects of carbon pricing in low- and middle-income countries: A global comparative analysis », World Development, vol. 115, pp. 246-257, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.11.015.
[23] Ehrlich, I. et G. Becker (1972), « Market insurance, self-insurance, and self-protection », Journal of Political Economy, vol. 80/4, pp. 623-648, https://doi.org/10.1086/259916.
[5] Erman, A., M. Obolensky et S. Hallegatte (2019), Wading out the storm: The role of poverty in exposure, vulnerability and resilience to floods in Dar Es Salaam, Groupe de la Banque mondiale, Washington, D.C., http://documents.worldbank.org/curated/en/626361565186647096/Wading-Out-the-Storm-The-Role-of-Poverty-in-Exposure-Vulnerability-and-Resilience-to-Floods-in-Dar-Es-Salaam.
[2] GIEC (2022), « Annexe II – Glossaire », dans Climate Change 2022 : Impacts, Adaptation and Vulnerability, Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni, https://doi.org/10.1017/9781009325844.029.
[22] Gollier, C. et O. Mahul (2017), Term Structure of Discount Rates: An International Perspective, https://ethz.ch/content/dam/ethz/special-interest/mtec/cer-eth/cer-eth-dam/documents/research/seminar/2017/Gollier.pdf.
[14] Grosset, F., A. Papp et C. Taylor (2023), Rain Follows the Forest: Land Use Policy, Climate Change, and Adaptation, SSRN, Elsevier Inc., Amsterdam, https://doi.org/10.2139/ssrn.4333147.
[7] Hallegatte, S., J. Rentschler et J. Rozenberg (2019), Lifelines : pour des infrastructures plus résilientes, Sustainable Infrastructure Series, Banque mondiale, Washington, D.C., http://hdl.handle.net/10986/31805.
[9] Hendren, N. et B. Sprung-Keyser (2020), « A unified welfare analysis of government policies », Quarterly Journal of Economics, vol. 135/3, pp. 1209-1318, https://doi.org/10.1093/qje/qjaa006.
[4] Herwehe, L. et C. Scott (2018), « Drought adaptation and development: Small-scale irrigated agriculture in northeast Brazil », Climate and Development, vol. 10/4, pp. 337-346, https://doi.org/10.1080/17565529.2017.1301862.
[20] Hultgren, A. et al. (2022), Estimating Global Impacts to Agriculture from Climate Change Accounting for Adaptation, SSRN, Elsevier Inc., Amsterdam, https://doi.org/10.2139/ssrn.4222020.
[16] Jack, W. et T. Suri (2014), « Risk sharing and transactions costs: Evidence from Kenya’s mobile money revolution », American Economic Review, vol. 104/1, pp. 183-223, https://doi.org/10.1257/aer.104.1.183.
[21] Kala, N. (dir. pub.) (2023), Climate Adaptation, VoxDevLit, https://voxdev.org/sites/default/files/2023-09/Climate_Adaptation_Issue_1.pdf.
[3] López-Calva, L. et C. Rodríguez-Castelán (2016), Pro-growth equity: A policy framework for the twin goals, Banque mondiale, Washington, D.C., https://doi.org/10.1596/1813-9450-7897.
[1] Reisinger, A. et al. (2020), The Concept of Risk in the IPCC Sixth Assessment Report: A Summary of Cross-Working Group Discussions, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Genève, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2021/02/Risk-guidance-FINAL_15Feb2021.pdf.
[19] Skoufias, E. et K. Vinha (2012), « Climate variability and child height in rural Mexico », Economics & Human Biology, vol. 10/1, pp. 54-73, https://doi.org/10.1016/j.ehb.2011.06.001.
[6] Tesfaye, W. et N. Tirivayi (2020), « Crop diversity, household welfare and consumption smoothing under risk: Evidence from rural Uganda », World Development, vol. 125/104686, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2019.104686.
[15] Zaveri, E., R. Damania et N. Engle (2023), Droughts and deficits: The global impact of droughts on economic growth, Banque mondiale, Washington, D.C., https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/39840.
← 1. Le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en 2022 et axé sur l’adaptation, présente une synthèse utile des mesures d’action publique qui réduisent la vulnérabilité tout en améliorant la répartition des aléas et les avantages en termes de revenu. Pour des informations détaillées, voir le graphique SPM.4(b) dans la partie « Summary for Policy Makers » sur https://doi.org/10.1017/9781009157926.001.
← 2. Les stratégies de réduction des risques sont souvent appelées « stratégies ex ante » car les mesures prises réduisent l’impact du choc avant qu’il ne se produise. Elles sont également désignées comme des « stratégies de lissage des revenus ». Les stratégies de gestion des risques, quant à elles, sont souvent qualifiées de « stratégies ex post » dans la mesure où elles réduisent l’impact du choc une fois qu’il s’est produit. Elles sont également désignées comme des « stratégies de lissage de la consommation ».