Inger Ashing
Save the Children
Coopération pour le développement 2024
20. Point de vue : Les droits et les opinions des enfants doivent être au centre de nos priorités de développement
Copier le lien de 20. Point de vue : Les droits et les opinions des enfants doivent être au centre de nos priorités de développementImaginez un monde où ce seraient les enfants qui définiraient le programme d’action mondial pour le développement. Cette idée simple donne à voir une réalité frappante : les personnes exclues des processus décisionnels sont celles qui subissent le plus les conséquences de la crise climatique et des inégalités, mais aussi celles qui sont le moins responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il s’agit là d’un exemple flagrant d’inégalité entre les générations. Les enfants constituent un tiers de la population mondiale, et un tiers d’entre eux vivent à l’intersection entre la pauvreté et l’urgence climatique (Wise, 2022[1]). Les enfants sont particulièrement vulnérables au changement climatique. Les spécialistes ont depuis longtemps constaté que leurs systèmes physique et psychologique encore en développement les rendent particulièrement sensibles aux facteurs de perturbation et maladies liés à l’environnement, à la pénurie d’eau et de nourriture, ainsi qu’à l’accès restreint aux services sociaux de base. Le dérèglement climatique touche les enfants partout dans le monde, et les mesures déployées par la communauté internationale pour les protéger sont loin d’être suffisantes.
Nous devons instaurer un développement équitable en réévaluant les priorités de manière à ce qu’elles incluent les droits et les points de vue des enfants. Les organisations internationales de la société civile, comme Save the Children, jouent un rôle essentiel dans la promotion de ce changement et dans la gestion de nombreuses situations difficiles auxquelles les enfants sont confrontés. Nous nous y attelons en collaborant avec les pouvoirs publics, les organisations locales, les entreprises, les communautés et les enfants eux-mêmes.
Les processus de transition écologique juste sont l’occasion unique de prendre des mesures pour combattre les changements climatiques et favoriser la durabilité en améliorant les services de santé, l’éducation, la prise en compte de la problématique du genre et l’inclusion sociale, et en créant des emplois décents. Toutefois, ces transitions doivent être gérées selon une approche qui tient compte des droits de l’homme et de l’enfant afin de ne pas aggraver les inégalités existantes. En l’absence d’une telle approche, ces transitions peuvent entraîner des stratégies d’adaptation nuisibles, comme la violence fondée sur le genre, le travail des enfants et la migration irrégulière (Fonds des Nations Unies pour l'enfance, 2023[2]). Je viens de rentrer du Kenya, où j’ai été témoin des choix impossibles que la population est amenée à faire lorsque les répercussions du changement climatique et celles de l’extrême pauvreté se télescopent. J’ai rencontré des familles pastorales qui ont tout perdu lors de récentes inondations. Un père de famille du comté de Turkana m’a raconté qu’il possédait auparavant 70 chèvres, mais qu’il n’en avait plus, aujourd’hui, que 5 et qu’il peinait à nourrir sa famille. En outre, de nombreux membres de cette communauté ne peuvent plus se permettre d’envoyer leurs enfants à l’école, car leur priorité est de nourrir leur famille.
Certaines organisations, comme le Fonds vert pour le climat, prennent des mesures pour tenir davantage compte des besoins des enfants. Toutefois, un rapport publié l’année dernière par Save the Children et ses partenaires a révélé que seulement 2.4 % du financement de l’action climatique provenant des quatre principaux fonds climatiques multilatéraux soutenaient des projets qui intégraient des activités prenant en compte les besoins des enfants (Knaute, Pegram et Jenks, 2023[3]). De plus, 93 % des financements climatiques notifiés par les pays à revenu élevé entre 2011 et 2020 ont été prélevés directement sur l’aide au développement, un fait particulièrement inquiétant (Hattle, 2023[4]). En conséquence, des programmes essentiels dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection des enfants ne reçoivent pas suffisamment de fonds et n’atteignent pas l’échelle requise, ce qui menace la réalisation des Objectifs de développement durable. Dans les pays à faible revenu, le déficit de financement des systèmes de protection sociale universelle, comprenant les soins de santé, correspond à un taux alarmant de 52.3 % de leur produit national brut chaque année (Cattaneo et al., 2024[5]). Remédier à ce manque d’investissement dans des activités en faveur des enfants et de leur résilience face au changement climatique doit être une priorité absolue.
Pour éviter que la pauvreté et les inégalités ne se creusent dans le cadre des transitions écologiques, les responsables de l’action publique doivent accorder aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés une importance prioritaire. Privilégier les activités en faveur du développement des enfants est tout à la fois rentable et crucial pour renforcer le capital humain et la résilience des communautés (Devercelli et Beaton-Day, 2020[6]). Il s’agit d’un investissement pour l’avenir. Au nombre des exemples d’actions concrètes pour protéger les enfants et leur donner les moyens d’agir figurent l’investissement dans des systèmes de santé, d’éducation et de protection sociale et de l’enfance résilients qui répondent aux besoins uniques des enfants, et la participation à une collaboration intersectorielle qui favorise des solutions holistiques et durables pour les enfants et leurs familles.
Pour éviter que la pauvreté et les inégalités ne se creusent dans le cadre des transitions écologiques, les responsables de l’action publique doivent accorder aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés une importance prioritaire.
Avant tout, ces actions doivent être guidées par les points de vue des enfants. Generation Hope (Une génération d’espoir) est une campagne de Save the Children déployée pour et avec les enfants, centrée sur la crise climatique et liée aux inégalités économiques. Les enfants du monde entier demandent aux dirigeants de créer des espaces qui leur permettraient de prendre part aux processus décisionnels. Bhumika, une militante népalaise de 16 ans, nous a récemment contactés en disant : « Je suis petite, mais mes idées sont grandes. Je demande [aux dirigeants] de me donner la possibilité de parler librement et partager toutes mes idées. Quand vous m’écoutez, vous écoutez toutes les futures générations. » Il faut que davantage de gouvernants et d’entreprises entendent les opinions des enfants et prennent en compte leurs points de vue dans leurs décisions.
La crise climatique ne change pas seulement la planète. Elle change aussi les enfants. « Chaque génération d’enfants offre à l’humanité la possibilité de reconstruire son monde en ruine, » a déclaré Eglantyne Jebb, fondatrice de Save the Children. Ses mots ne nous rappellent pas seulement nos responsabilités : ils nous donnent aussi de l’espoir, malgré les défis. Si nous mettons en place des actions concrètes, nous pourrons garantir que les futures générations d’enfants naîtront dans un monde où le développement durable n’est pas un but lointain, mais une réalité tangible. En plaçant les droits de l’enfant au cœur de nos stratégies de développement dès aujourd’hui, nous posons les bases d’un avenir plus vert, équitable et durable pour chaque enfant.
Références
[5] Cattaneo, U. et al. (2024), Financing gap for universal social protection, Organisation internationale du Travail, https://doi.org/10.54394/fgpm3913.
[6] Devercelli, A. et F. Beaton-Day (2020), Better Jobs and Brighter Futures: Investing in Childcare to Build Human Capital, Banque mondiale, Washington, D.C., http://hdl.handle.net/10986/35062.
[2] Fonds des Nations Unies pour l’enfance (2023), The climate-changed child: A children’s climate risk index supplement, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), https://www.unicef.org/media/147931/file/The%20climage-changed%20child%20-%20Report%20in%20English.pdf.
[4] Hattle, A. (2023), Seeing Double: Decoding the additionality of climate finance, CARE International, https://careclimatechange.org/seeing-double-decoding-the-additionality-of-climate-finance/.
[3] Knaute, D., J. Pegram et C. Jenks (2023), Falling Short: Addressing the climate finance gap for children, Capita/Plan International/Save the Children International/Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), https://resourcecentre.savethechildren.net/pdf/Climate-Finance-Report-final.pdf/.
[1] Wise, L. (2022), Generation Hope: 2.4 billion reasons to end the global climate and inequality crisis, The Save the Children Fund, https://resourcecentre.savethechildren.net/pdf/Generation-Hope-Report-GLOBAL-online-version-25-10-22.pdf/.