Joan Carling
Indigenous Peoples Rights International
Coopération pour le développement 2024
31. Les droits humains et les populations autochtones dans le contexte des transitions énergétiques justes
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Une approche fondée sur les droits humains, qui reconnaît les injustices passées et implique volontairement les communautés autochtones dans les processus de décision, de conception et de collaboration relatifs aux projets d’énergie renouvelable, est essentielle pour faire en sorte que les transitions soient justes. Ce chapitre présente des exemples de modèles de partage des avantages, d’initiatives conduites par les communautés ainsi que de partenariats entre les populations autochtones, les administrations publiques et le secteur privé conciliant les besoins des différentes parties prenantes, qui ont été mis en œuvre en Australie, au Canada, au Guatemala et en Nouvelle-Zélande. Il s’intéresse à la façon d’intégrer une approche fondée sur les droits humains dans les cadres d’action de la coopération pour le développement afin de garantir une conduite responsable des entreprises, de développer des mécanismes de soutien technique et financier inclusifs en faveur des populations autochtones, et d’instaurer des dispositifs équitables pour faire face à la crise climatique et contribuer à la réduction de la pauvreté et des inégalités.
Messages clés
Copier le lien de Messages clésLe respect des droits des peuples autochtones est bénéfique à la fois pour les communautés en question et pour le processus de transition écologique, car il évite des batailles juridiques et conflits interminables, tout en concourant directement à la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Le principe du consentement libre, préalable et éclairé, ainsi que la participation constructive et l’atténuation des effets néfastes peuvent orienter les transitions écologiques vers un respect des droits des populations autochtones et un partage opportun des avantages.
Les populations autochtones apportent un soutien actif aux transitions justes en imaginant de nouveaux modèles de partenariats – favorisant un partage équitable des avantages – pour des projets liés aux énergies renouvelables qui respectent les droits humains.
Une approche de la transition énergétique qui repose sur les droits humains reconnaît les injustices passées dont ont été victimes les peuples autochtones ainsi que leurs difficultés actuelles en matière de développement
Copier le lien de Une approche de la transition énergétique qui repose sur les droits humains reconnaît les injustices passées dont ont été victimes les peuples autochtones ainsi que leurs difficultés actuelles en matière de développementLes processus de transition énergétique peuvent représenter une menace sérieuse pour les droits des populations autochtones. L’adoption d’une approche fondée sur les droits humains dans le contexte des transitions énergétiques repose sur la reconnaissance des injustices passées dont ont été victimes les peuples autochtones. Les communautés en question ont subi la colonisation, ont été dépossédées de leurs terres et culturellement marginalisées, souvent du fait d’États ainsi que d’acteurs du développement comme de grandes entreprises et des investisseurs. Selon une étude du Bureau international du travail (Oelz, Kumar Dhir et Harsdorff, 2017[1]), les populations autochtones ne représentent que 6.2 % de la population mondiale mais 18.7 % des personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde, une situation qui s’est sans doute détériorée sous l’effet de la crise du COVID-19. En outre, ces populations n’ont généralement pas accès à l’énergie, à l’éducation, à la santé et aux infrastructures de base (OIT, 2016[2]). Du fait de cet héritage d’exclusion et de discrimination, elles sont souvent en moins bonne santé et illettrées, et sont plus susceptibles d’avoir des handicaps et une moins bonne qualité de vie : selon les estimations, leur espérance de vie serait de 20 ans inférieure à celle des populations non autochtones dans certains pays (ONU DAES, 2015[3]). Par ailleurs, les populations autochtones ont des difficultés à participer pleinement à l’économie formelle, à avoir accès à la justice, ainsi qu’à prendre part aux processus politiques et aux prises de décisions (OIT, 2016[2]).
L’héritage de ces injustices continue de se faire sentir, modelant la dynamique des pouvoirs contemporaine et alimentant la défiance entre ces populations, les administrations publiques et les acteurs du développement, notamment au regard de la coopération pour le développement. D’après les estimations, 36 % des forêts toujours intactes dans le monde (Fa et al., 2020[4]), au moins 24 % du carbone aérien présent dans les forêts tropicales (Veit et Reytar, 2017[5]) et jusqu’à 80 % de la biodiversité qui subsiste à l’échelle mondiale (Banque mondiale, 2023[6]) se trouvent sur des terres et des territoires occupés depuis toujours par des peuples autochtones. Pour autant, leurs terres et leurs ressources sont menacées, de force et de manière systématique, par la poursuite d’objectifs de développement économique tels que le développement énergétique, l’exploitation minière à grande échelle, l’agroalimentaire et le tourisme commercial, entre autres. Une étude récente a montré que plus de la moitié des minéraux essentiels à la transition énergétique sont situés sur ou à proximité des terres appartenant à des populations autochtones et paysannes (Owen et al., 2023[7]). Si le processus d’extraction de ces minéraux venait à reproduire, dans le cadre des projets de développement, le traditionnel schéma de l’éviction et de l’exclusion des populations autochtones, cela pourrait être préjudiciable au bien-être des intéressées, aujourd’hui comme demain. À l’inverse, le fait d’opérer les transitions énergétiques en adoptant une approche fondée sur les droits humains permettrait d’éviter de perpétuer les inégalités existantes et de protéger les droits des peuples autochtones.
Les transitions énergétiques doivent respecter les droits des peuples autochtones et s’appuyer sur leur consentement libre, préalable et éclairé
Copier le lien de Les transitions énergétiques doivent respecter les droits des peuples autochtones et s’appuyer sur leur consentement libre, préalable et éclairéLes industries extractives et les projets énergétiques de grande ampleur ont de tout temps causé d’importants préjudices aux écosystèmes, aux sources d’eau et aux moyens de subsistance traditionnels, qui touchent de manière disproportionnée les communautés autochtones. Les administrations publiques ainsi que les entreprises ont pour mission critique d’atténuer ces impacts sociaux et environnementaux. Dans le contexte de la transition écologique, la mise en place de garde-fous efficaces sur le plan social et environnemental (notamment un devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains) est aujourd’hui plus nécessaire que jamais car l’émergence d’initiatives et instruments nouveaux comme les crédits biodiversité, ainsi que des efforts de levée de fonds pour financer des solutions dites fondées sur la nature, auront également des conséquences importantes sur les populations autochtones.
Opérer les transitions énergétiques en adoptant une approche fondée sur les droits humains est indispensable pour mettre en place une transition juste qui n’entraîne pas de violation des droits humains. Ce type d’approche nécessite le respect des connaissances et de l’héritage culturel des peuples autochtones, ainsi que la reconnaissance que ces deux éléments sont indispensables pour favoriser la résilience au fil des générations. En intégrant les points de vue de ces populations dans la planification énergétique et les prises de décision, les sociétés peuvent aussi puiser dans la richesse de ces savoirs et, partant de là, élaborer des solutions énergétiques adaptées au contexte culturel, et donc durables.
Un consentement libre, préalable et éclairé est primordial pour mettre en œuvre une approche fondée sur les droits humains à l’égard des populations autochtones.
Un consentement libre, préalable et éclairé est primordial pour mettre en œuvre une approche fondée sur les droits humains à l’égard des populations autochtones. Le fait de solliciter ce consentement dans le cadre des transitions énergétiques revient à affirmer que les peuples autochtones ont des droits collectifs – à l’autodétermination et à participer aux décisions qui concernent leurs terres, leurs territoires et leurs ressources –, et que ces droits particuliers sont un moyen pour eux de jouir d’une équité et d’une justice sociales après avoir fait l’objet pendant longtemps d’une marginalisation et d’une discrimination systématique.
L’approche fondée sur les droits humains requiert en outre impérativement, dans le contexte de la coopération pour le développement, l’autonomisation économique et l’équité sociale pour les populations autochtones. Il est fondamental de garantir l’accès à la justice et aux voies de recours ; en effet, les communautés autochtones se heurtent fréquemment à des obstacles lorsqu’elles veulent engager des poursuites et obtenir réparation pour des violations des droits humains. L’existence de mécanismes de réclamation transparents et accessibles est essentielle pour que les auteurs d’infraction soient amenés à répondre de leurs actes et que des réparations efficaces soient apportées, afin de promouvoir une culture de la responsabilité au sein des entreprises énergétiques et des institutions publiques.
L’incapacité à obtenir un véritable consentement de la part des communautés autochtones au sujet des projets liés aux énergies renouvelables a engendré des différends prolongés, des batailles juridiques et des atteintes à la réputation des entreprises précitées et des États. À titre d’exemple, les parcs éoliens dont l’installation a été autorisée sur les territoires de peuples autochtones au Kenya et en Norvège ont donné lieu à des actions en justice contre les gouvernements des deux pays. La Cour suprême de Norvège a statué en dernier ressort que les droits culturels des Samis à pratiquer l’élevage de rênes avaient été violés, et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré que l’autorisation d’installer des parcs éoliens au Kenya portait atteinte aux droits fonciers des Ogiek (Business and Human Rights Resource Centre, 2023[8] ; Amnesty International, 2023[9]). Ces deux affaires sont la preuve que le non-respect du principe du consentement libre, préalable et éclairé peut aboutir, dans la pratique, à des processus de transition énergétique qui représentent de sérieuses menaces pour les populations autochtones.
Bien qu’ils ne soient pas toujours respectés dans la pratique, les droits des peuples autochtones sont inscrits dans un certain nombre de déclarations internationales
De nombreuses décisions et recommandations émanant d’organes et procédures des Nations Unies (ONU) relatifs aux droits humains – par exemple la Déclaration de 2008 sur les droits des peuples autochtones – insistent sur la nécessité de respecter les droits des peuples autochtones, y compris par le recueil en bonne et due forme de leur consentement libre, préalable et éclairé dans le contexte des opérations de transition énergétique. Le principe du consentement est également affirmé dans les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (HCDH, 2011[10]), ainsi que dans les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises, qui établissent que les entreprises devraient en particulier respecter les droits humains des personnes qui appartiennent à des catégories ou populations spécifiques, et prêter une attention particulière aux impacts négatifs sur les particuliers exposés à un risque accru dû à une situation de marginalisation ou de vulnérabilité, y compris les peuples autochtones (OCDE, 2023[11]). D’autres lignes directrices de l’OCDE, dont le Guide sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises, fournissent des conseils pratiques sur le consentement libre, préalable et éclairé, ainsi que sur les peuples autochtones (OCDE, 2018[12]). Les populations autochtones attendent de la mise en œuvre de ce guide de l’OCDE, en particulier pour ce qui est du recueil d’un consentement libre, préalable et éclairé, qu’il soit compatible avec le respect des droits dont ils disposent à l’égard de leurs terres, leurs territoires, leurs ressources et leur patrimoine culturel, ainsi que leur droit à l’autodétermination, tel qu’affirmé dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (ONU DAES, 2015[3]). Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale souligne également la nécessité pour les États de mettre pleinement en œuvre le principe du consentement dans l’ensemble des processus décisionnels qui ont une incidence sur les peuples autochtones, en particulier dans le cadre des projets de développement mettant en jeu leurs terres et leurs ressources (HCDH, 2013[13]).
Des dispositifs de partage équitable des avantages et des partenariats avec les communautés autochtones font progresser l’action climatique
Copier le lien de Des dispositifs de partage équitable des avantages et des partenariats avec les communautés autochtones font progresser l’action climatiqueUne collaboration efficace avec les populations autochtones par le biais d’un dialogue ouvert et constructif est cruciale pour mettre en place une confiance, un respect et une coopération dans les initiatives de transition énergétique. Pendant longtemps, les projets énergétiques ont fréquemment utilisé des approches descendantes qui empêchent les autochtones d’avoir voix au chapitre et privilégient le profit. Or, les initiatives réussies montrent l’importance de mettre au point des solutions en collaboration avec les communautés autochtones, ainsi que d’utiliser leur savoir et leur expertise traditionnels dans le cadre de la gestion durable des ressources. Des partenariats bien conçus permettent aux États, aux entreprises et aux investisseurs de trouver leur voie dans des situations complexes, d’atténuer les risques et de créer une prospérité partagée.
Une transition juste des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables peut engendrer de véritables transformations, et lorsqu’elle s’appuie sur le respect des populations autochtones et la protection de leurs droits et de leur bien-être, la transition contribue en outre à la réduction de la pauvreté et des inégalités. Des modèles de collaboration existent déjà, dans lesquels les États et le secteur privé apportent leur soutien à des projets de développement des énergies renouvelables que les communautés autochtones se sont appropriés et qui sont pilotés par elles. Parmi ces bonnes pratiques d’appropriation, des partenariats de copropriété et d’autres définis et gérés par les communautés ont été présentés lors de la Conférence sur les peuples autochtones et la transition juste, qui a eu lieu en avril 2024 en présence de 87 représentants des peuples autochtones de 35 pays différents (Indigenous Peoples Rights Tribunal, 2024[14]). Il existe aussi de nombreux exemples de projets énergétiques définis et pilotés par les populations locales, qui peuvent être reproduits au sein des communautés autochtones sans accès à l’énergie mais qui ont besoin d’un appui et d’une assistance dans le domaine technique et financier.
Des modèles de collaboration existent déjà, dans lesquels les États et le secteur privé apportent leur soutien à des projets de développement des énergies renouvelables que les communautés autochtones se sont appropriés et qui sont pilotés par elles.
Le succès de ces initiatives s’explique par l’existence de cadres d’action favorables au développement des énergies renouvelables, mais aussi par des partenariats fondés sur le partage des avantages, le respect des droits des peuples autochtones relatifs à leurs terres et à leurs ressources, et par la participation de ces populations à la prise de décision. Ces caractéristiques permettent de s’assurer que les connaissances et le patrimoine culturel de ces peuples sont bien respectés, et donc d’insuffler un sentiment collectif d’appropriation et de responsabilité.
Les exemples suivants montrent comment la coopération pour le développement au service de la transition énergétique peut être déployée de manière à favoriser l’appropriation et la copropriété des projets par les populations autochtones.
Programme Indigenous Clean Energy (Canada) : pleine propriété et copropriété des projets relatifs aux énergies renouvelables
Le programme Indigenous Clean Energy promeut un renforcement des capacités et la participation des peuples autochtones dans le cadre de la transition du Canada vers les énergies propres. Ses actions sont variées : développement des capacités, partage d’informations, initiatives en matière d’efficacité énergétique, formation des jeunes autochtones et mentorat. Au Canada, les peuples autochtones détiennent 20 % du portefeuille d’énergies renouvelables du pays, dans le cadre de projets en pleine propriété et d’autres en copropriété. Le gouvernement et les peuples autochtones canadiens se sont engagés sur un chemin de la transition énergétique ouvrant la voie à une prospérité partagée, d’où se dégagent des enseignements plus généraux sur l’utilité d’un bon climat relationnel et de la collaboration, dans le respect des droits, des besoins et des aspirations des populations autochtones.
Centrale géothermique Rotokawa II/Nga Awa Purua de Tauhara North No. 2 Trust (Nouvelle-Zélande) : exploitation en copropriété d’une centrale géothermique à base d’énergie renouvelable
La coentreprise constituée de Tauhara North No. 2 Trust, détenue par le peuple autochtone maori de Nouvelle-Zélande, et de Mighty River Power a installé une vaste centrale géothermique sur des terres gérées par Tauhara North No. 2 Trust. Le projet, qui inclut la centrale électrique Nga Awa Purua, procure à la collectivité des avantages économiques et sociaux. Tauhara North No. 2 Trust détient 25 % de la coentreprise, dont les statuts prévoient des prises de participations, un bail foncier et le versement de redevances. L’électricité produite permet d’alimenter 140 000 logements et de répondre à 3 % des besoins du pays en énergie.
Tribal Clean Energy Network (Australie) : un réseau soutenant les projets d’énergie renouvelable portés par les communautés
Le réseau Tribal Clean Energy Network travaille en collaboration avec diverses parties prenantes pour aider les peuples autochtones d’Australie à opérer leur transition vers des énergies propres. Son travail consiste notamment à soutenir les communautés dans leurs projets d’énergie propre, à encourager les partenariats dans ce secteur, ainsi qu’à soutenir une réforme visant à supprimer les obstacles réglementaires et à promouvoir l’investissement public. L’État australien a en outre créé la fonction d’ambassadeur des peuples premiers, et nommé son titulaire. Les principales missions de cet ambassadeur sont les suivantes : promouvoir les droits et les intérêts des peuples premiers à travers le monde ; partager les expériences et la connaissance en matière de processus de réconciliation et autres questions connexes ; intégrer les points de vue des peuples premiers dans la politique étrangère de l’Australie ; soutenir le commerce et l’investissement auprès des peuples premiers, par exemple en fournissant des conseils au ministère des Affaires étrangères et du Commerce ; enfin, renforcer les capacités diplomatiques et les activités de sensibilisation des peuples premiers d’Australie.
Des micro-réseaux communautaires (Guatemala)
Le collectif Madreselva aide les peuples autochtones du Guatemala à concevoir et gérer leurs propres générateurs et réseaux d’électricité à des prix abordables, en mettant l’accent sur l’appropriation des projets par la communauté et la bonne gestion de l’environnement. Ce collectif fournit un appui technique et des financements pour des projets d’énergie renouvelable auxquels participent activement les femmes et les hommes de la communauté, qui fixe elle-même les tarifs de l’électricité de manière à couvrir les coûts de maintenance et de gestion.
Partenariat entre Right Energy Partnership et les Nations Unies pour l’accès des communautés autochtones aux énergies renouvelables
Dans le cadre de la collaboration entre Right Energy Partnership et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme de microfinancements du PNUD affecte chaque année au moins 1 million USD à des projets d’énergie renouvelable qui sont pilotés par les communautés autochtones des pays en développement, et que ces dernières s’approprient. Des projets portant sur l’énergie solaire, la micro-hydroélectricité et le biogaz ont ainsi été financés dans six pays : le Cambodge, le Cameroun, El Salvador, le Honduras, le Népal et la République démocratique du Congo. Ces initiatives communautaires ont considérablement élargi l’accès à l’eau propre, à l’électricité, à l’éclairage et à d’autres services essentiels pour les communautés autochtones, ce qui a permis d’améliorer la qualité de vie en général et, par conséquent, l’état de santé des individus. Un bienfait de taille de ces initiatives a été l’émancipation de groupes marginalisés – en particulier les femmes et les jeunes autochtones –, laquelle a favorisé un élargissement des débouchés économiques et une participation sociale accrue. Ces projets énergétiques à l’ancrage local ont procuré aux communautés autochtones les avantages suivants : contribution à la préservation de l’environnement, à la réduction des émissions et à l’atténuation du changement climatique ; promotion de la diversification économique grâce à une utilisation durable de l’énergie, à l’écotourisme et à d’autres activités ; élargissement des possibilités en matière d’éducation ; amélioration de la cohésion et de la coopération au sein de la communauté ; progression de l’égalité des genres grâce à des initiatives comme la formation des femmes à la technologie solaire ; amélioration de la préparation aux catastrophes ; ou encore réduction des coûts grâce à une appropriation accrue des ressources locales par la communauté.
Conclusions
Copier le lien de ConclusionsPour être efficace, le chemin vers une transition énergétique juste et équitable doit commencer par la reconnaissance des préjudices causés autrefois aux peuples autochtones, et par l’engagement à réparer les injustices et la marginalisation du passé, notamment grâce au renforcement de la coopération internationale pour le développement. Une étude de l’OCDE montre que les populations autochtones continuent de ne percevoir qu’une faible part du financement public du développement (FPD) bilatéral affecté à la protection de la biodiversité (OCDE, 2023[15]). De même, une étude réalisée par Rainforest Foundation Norway indique qu’entre 2011 et 2020, les projets finançant la mise en place de régimes fonciers et la gestion des forêts pour les peuples autochtones représentaient moins de 1 % de l’APD totale consacrée aux mesures d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets (Rainforest Foundation Norway, 2021[16]). De plus, la plupart des versements ont transité par des intermédiaires de grande taille, ce qui a eu pour résultat que les organisations représentatives de peuples autochtones n’ont perçu qu’un faible pourcentage des financements et des subventions (Rainforest Foundation Norway, 2021[16]).
Pour progresser sur la voie de la transition écologique, les acteurs de la coopération pour le développement peuvent accroître leur soutien aux peuples autochtones en adoptant des approches fondées sur les droits humains et des modèles de partenariat énergétique. En plus de contribuer à la réduction de la pauvreté et à l’atténuation des disparités économiques entre les populations autochtones et d’autres groupes, cela répondra au besoin de renforcer la coopération, la collaboration et les partenariats pour faire face collectivement à la crise climatique mondiale et progresser dans l’instauration d’un développement durable pour les générations actuelles et futures. Les enseignements tirés des expériences vécues autrefois par les peuples autochtones soulignent l’impérieuse nécessité d’adopter une approche fondée sur les droits humains pour opérer les transitions énergétiques, de soutenir les projets d’énergie renouvelable que les populations en question se sont appropriés et qui sont pilotés par elles, et de faciliter la mise en place de modèles de partage équitable des avantages. Les fournisseurs de coopération pour le développement devraient également veiller à la cohérence des politiques au regard du respect des droits humains, de l’équité sociale et de la participation constructive des communautés autochtones aux processus décisionnels relatifs à la planification du développement et à sa mise en œuvre à tous les niveaux.
Références
[9] Amnesty International (2023), L’affaire des Ogieks : protection d’un peuple autochtone au Kenya, https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2023/06/laffaire-des-ogieks-protection-dun-peuple-autochtone-au-kenya/.
[6] Banque mondiale (2023), « Empowering indigenous peoples to protect forests », https://www.worldbank.org/en/news/feature/2023/08/09/empowering-indigenous-peoples-to-protect-forests.
[8] Business and Human Rights Resource Centre (2023), Norway: Govt. and Sámi reach agreement to end the 3-year dispute over wind farm after Supreme Court ruling it violates their rights, Business and Human Rights Resource Centre, https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/norway-europes-largest-onshore-wind-farm-continues-operations-despite-supreme-court-ruling-that-found-permits-violate-indigenous-s%C3%A1mi-rights-incl-company-responses/.
[4] Fa, J. et al. (2020), « Importance of indigenous peoples’ lands for the conservation of intact forest landscapes », Frontiers in Ecology and the Environment, vol. 18/3, pp. 135-140, https://doi.org/10.1002/fee.2148.
[13] HCDH (2013), Free, Prior and Informed Consent of Indigenous Peoples, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Genève, https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/IPeoples/FreePriorandInformedConsent.pdf.
[10] HCDH (2011), Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, New York, et Genève, https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/publications/guidingprinciplesbusinesshr_fr.pdf.
[14] Indigenous Peoples Rights Tribunal (2024), Declaration of Indigenous Peoples’ Participants in the Conference on Indigenous Peoples and the Just Transition, Indigenous Peoples Rights Tribunal, https://iprights.org/index.php/en/all-news/declaration-of-indigenous-peoples-participants-in-the-conference-on-indigenous-peoples-and-the-just-transition%20.
[15] OCDE (2023), A Decade of Development Finance for Biodiversity, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e6c182aa-en.
[11] OCDE (2023), Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/0e8d35b5-fr.
[12] OCDE (2018), Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises, Éditions OCDE, Paris, https://mneguidelines.oecd.org/OECD-Due-Diligence-Guidance-for-Responsible-Business-Conduct.pdf.
[1] Oelz, M., R. Kumar Dhir et M. Harsdorff (2017), Les peuples autochtones et les changements climatiques : De victimes à agents de changement grâce au travail décent, Bureau international du Travail, Genève, https://www.ilo.org/fr/publications/les-peuples-autochtones-et-les-changements-climatiques-de-victimes-agents.
[2] OIT (2016), Sustainable Development Goals: Indigenous Peoples in Focus, Organisation internationale du Travail, Genève, https://www.ilo.org/sites/default/files/wcmsp5/groups/public/@ed_emp/@ifp_skills/documents/publication/wcms_503715.pdf.
[3] ONU DAES (2015), State of the World’s Indigenous Peoples, Volume II, Health, United Nations Department of Economic and Social Affairs, New York, NY, https://desapublications.un.org/publications/state-worlds-indigenous-peoples-vol-ii-health.
[7] Owen, J. et al. (2023), « Energy transition minerals and their intersection with land-connected peoples », Nature Sustainability, vol. 6, pp. 203-211, https://doi.org/10.1038/s41893-022-00994-6.
[16] Rainforest Foundation Norway (2021), Falling Short: Donor Funding for Indigenous Peoples and Local Communities to Secure Tenure Rights and Manage Forests in Tropical Countries (2011-2020), Rainforest Foundation Norway, Oslo, https://dv719tqmsuwvb.cloudfront.net/documents/RF_Falling_short_1021_summary_web.pdf.
[5] Veit, P. et K. Reytar (2017), « By the numbers: Indigenous and community land rights », World Resources Institute Insights Blog, https://www.wri.org/insights/numbers-indigenous-and-community-land-rights.