Le monde a bien changé depuis le lancement de la Stratégie réévaluée pour l’emploi de l'OCDE en 2006. À l’époque, nous venions de vivre plus d’une décennie de croissance régulière, avec des taux de chômage au plus bas et une progression relativement soutenue des salaires. C’est à ce moment que la crise financière mondiale a éclaté. Dix ans plus tard, le monde a de nouveau changé. Si l’économie mondiale se remet de la crise économique depuis plusieurs années maintenant, dans la plupart des pays de l'OCDE, la croissance des salaires manque encore de dynamisme. Par ailleurs, la croissance de la productivité est passée de 2.5 % environ avant la crise à approximativement 1.25 % au cours des cinq dernières années, tandis que les inégalités n’ont jamais été aussi marquées : aujourd’hui, le revenu disponible moyen des 10 % les plus riches est environ neuf fois et demi supérieur à celui des 10 % les plus pauvres dans la zone OCDE, alors qu’il n’était que sept fois supérieur il y a trente ans. La transformation numérique rapide, la mondialisation et le vieillissement de la population sont des tendances profondément enracinées qui modifient la nature même des emplois et le fonctionnement du marché du travail, constituant autant de nouveaux défis à relever pour les pouvoirs publics.
C’est dans ce contexte que les ministres de l’Emploi et du Travail de l’OCDE ont appelé de leurs vœux, en janvier 2016, une révision de la Stratégie pour l’emploi afin de tenir pleinement compte de cette nouvelle réalité. Cet appel a débouché sur un remaniement en profondeur de la Stratégie pour l’emploi de l'OCDE. La Stratégie réévaluée de 2006 prenait déjà acte de la possibilité d’assurer un bon fonctionnement du marché du travail au moyen de différents modèles, mais la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi va au-delà de la dimension quantitative de l'emploi pour considérer aussi la qualité des emplois et l’inclusivité comme des priorités de l’action publique. Composante essentielle de notre stratégie plus vaste à l’appui de la croissance inclusive, elle vise à remédier au fait que certaines catégories de population, comme les personnes aux revenus modestes, les travailleurs peu qualifiés, les jeunes et les travailleurs âgés, sont aujourd’hui confrontées à un risque d’exclusion du marché du travail encore plus important qu’il y a dix ans, ce qui est non seulement injuste mais aussi particulièrement problématique sur le plan économique et politique. La nouvelle Stratégie pour l’emploi considère que les politiques visant à instaurer une plus grande flexibilité sur les marchés de produits et du travail sont certes importantes, mais certainement pas suffisantes. Elle met l'accent sur la nécessité d'une action des pouvoirs publics et d'un dialogue social constructif afin de protéger les travailleurs, de favoriser l'inclusivité et de permettre aux travailleurs et aux entreprises de tirer le meilleur profit des défis et opportunités actuels. La Stratégie insiste en outre sur le fait que, dans un monde du travail en mutation rapide, il est impératif d’encourager la résilience et l’adaptabilité du marché du travail pour assurer le bon fonctionnement de l'économie et du marché de l'emploi.
Les principales recommandations d’action de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi s’articulent autour de trois grands principes qui fournissent des orientations pour la réforme des politiques publiques dans divers domaines d’action :
1. Favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité. Pour bien fonctionner, le marché du travail a besoin d'un cadre macroéconomique solide, d'un environnement favorable à la croissance et de compétences qui évoluent en phase avec les besoins du marché. Si l’adaptabilité des marchés de produits et du travail est nécessaire, les coûts et les avantages qu’elle induit doivent être équitablement répartis entre les travailleurs et les entreprises mais aussi entre les différents types de contrats de travail en évitant un recours excessif aux contrats temporaires (et souvent précaires) au moyen d’une protection de l’emploi équilibrée.
2. Prévenir l'exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier. Il est toujours essentiel d’aider les demandeurs d’emploi à (re)trouver rapidement du travail, mais la nouvelle Stratégie insiste sur la nécessité d’anticiper les éventuels problèmes en œuvrant à la promotion de l’égalité des chances et en évitant une accumulation des handicaps individuels tout au long de la vie.
3. Se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’une économie et d'un marché du travail en mutation rapide. Les travailleurs doivent être dotés des compétences requises dans un contexte où la demande en la matière évolue rapidement. Il faut aussi préserver la protection des travailleurs contre les risques du marché du travail étant donné que les nouvelles formes de travail pourraient se développer.
Le principal défi à relever aujourd’hui consiste à convertir ces recommandations générales sur l’action à mener en programmes de mesures concrètes, propres à assurer de meilleurs emplois à tous dans un monde du travail en évolution rapide. L'OCDE est déterminée à épauler les pays dans cet effort en posant des diagnostics fiables, en formulant des recommandations sur mesure et en dispensant des conseils pour leur mise en œuvre à travers nos Études économiques. Nous nous réjouissons de travailler au côté des pays membres et partenaires de l'OCDE à la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi.
Angel Gurría
Secrétaire général de l'OCDE