Ce chapitre présente les recommandations détaillées pour l’action publique de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi. Ces recommandations s’articulent autour de trois grands principes : i) favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité ; ii) prévenir l’exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier ; et iii) se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’un marché du travail en mutation rapide. À la fin du chapitre figurent des orientations pour la mise en œuvre de réformes afin d’aider les pays à établir des marchés du travail plus dynamiques et plus inclusifs.
Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation
Chapitre 6. Recommandations détaillées pour l’action publique
Abstract
Introduction
Ce chapitre présente les recommandations détaillées pour l’action publique de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi, qui sont au cœur de l’Initiative de l’OCDE pour la croissance inclusive.
Ces recommandations s’articulent autour de trois grands principes : i) favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité ; ii) prévenir l’exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier ; et iii) se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’un marché du travail en mutation rapide. Pour aider les pays à établir des marchés du travail plus dynamiques et inclusifs, ce chapitre contient aussi des orientations pour la mise en œuvre de réformes.
Durant l’exécution de la Stratégie pour l’emploi, il importera d’exploiter les synergies entre les différents domaines de l’action publique et d’assurer la compatibilité avec les recommandations formulées dans Objectif croissance, la Stratégie de l’OCDE sur les compétences, la Stratégie de l’OCDE pour l’innovation et la Stratégie de l’OCDE pour une croissance verte. Une approche englobant l’ensemble de l’administration est donc nécessaire.
A. Favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité
1. Appliquer un cadre macroéconomique solide, qui assure la stabilité des prix et la viabilité des finances publiques et autorise en même temps l’application de mesures monétaires et budgétaires anticycliques efficaces en riposte aux phases de contraction économique
La politique monétaire doit s’employer à assurer la stabilité des prix à moyen terme en parant aux chocs inflationnistes et désinflationnistes et viser à stabiliser l’activité économique, y compris en faisant appel à des mesures non conventionnelles quand les taux d’intérêt ne peuvent plus diminuer en période de fort ralentissement économique.
Il convient de laisser jouer pleinement les stabilisateurs automatiques en les complétant, éventuellement, de mesures discrétionnaires en cas de chocs économiques d’envergure. Des hausses discrétionnaires de l’investissement public, notamment dans des projets d’infrastructure bien conçus et l’entretien des équipements en place, peuvent s’avérer particulièrement efficaces pour réfréner la pression du chômage pendant les périodes prolongées de marasme économique.
Le recours à la politique budgétaire aux fins de stabilisation macroéconomique est particulièrement efficace quand la politique monétaire est trop sollicitée et ne peut être utilisée à cette fin.
Un cadre budgétaire solide doit créer pendant les périodes d’expansion un volant de ressources suffisant pour que la politique budgétaire puisse jouer un rôle stabilisateur pendant les périodes de ralentissement économique, notamment sous la forme d’un accroissement de l’investissement public et des dépenses consacrées aux programmes du marché du travail.
2. Favoriser la croissance et la création d’emplois de qualité en supprimant les obstacles à l’établissement et à l’expansion de nouvelles entreprises performantes, ainsi qu’à la restructuration ou à la sortie des entreprises peu productives, et en instaurant un climat propice à l’entreprenariat.
Favoriser le dynamisme et la concurrence des entreprises dans le secteur manufacturier et surtout dans celui des services afin de relancer la croissance de la productivité, moyennant l’application de politiques du marché du travail et d’autres mesures qui facilitent l’entrée de nouvelles entreprises, le redéploiement des travailleurs vers les entreprises les plus productives, et la restructuration ou la sortie ordonnée des entreprises peu productives.
Créer un environnement propice à l’entrepreneuriat afin de développer l’investissement, l’innovation et la création d’emplois. Pour ce faire, rehausser l’efficience des régimes fiscaux, mettre en place une infrastructure juridique et judiciaire de qualité, renforcer la solidité des marchés financiers qui sont au service de l’économie réelle, poursuivre les efforts visant à consolider l’État de droit et à lutter contre la corruption, et améliorer la gouvernance des entreprises publiques.
3. Veiller à ce que la législation en matière de protection de l’emploi fixe des coûts de licenciement prévisibles, équilibrés entre les différents types de contrat, et pas trop restrictifs, tout en mettant les travailleurs à l’abri de possibles abus et en limitant les excès en matière de rotation de la main-d’œuvre.
Atténuer les différences entre les différents types de contrat et, dans la mesure du possible, uniformiser les règles en matière de préavis, les indemnités de licenciement ordinaires et les taxes de licenciement, mais en les maintenant à un niveau qui ne fasse pas obstacle à une réaffectation efficace de la main-d’œuvre.
Préciser les conditions que les entreprises sont censées respecter pour licencier des salariés titulaires de contrats à durée indéterminée pour des motifs économiques et assurer la prévisibilité des indemnités salariales. Ce deuxième objectif peut être atteint moyennant l’adoption d’une définition détaillée de ce qui constitue un licenciement économique justifié et l’établissement de durées de préavis et d’indemnités de licenciement ordinaires différentes selon les motifs.
En cas de licenciement pour motifs personnels, limiter et, le cas échéant, préciser la définition du licenciement abusif, qui peut faire l’objet d’une action judiciaire en réparation, aux motifs suivants : licenciement sans cause réelle ou valable, pour des motifs sans lien avec le travail, discrimination, harcèlement, et motifs interdits.
4. Faciliter l’adoption de dispositifs d’aménagement du temps de travail pour aider simultanément les entreprises à s’adapter aux variations temporaires de la situation économique et les salariés à concilier activité professionnelle et vie personnelle.
Améliorer l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle en supprimant les obstacles juridiques et les dispositions fiscales et sociales discriminatoires à l’égard du travail à temps partiel choisi et de l’aménagement des horaires de travail, et encourager en parallèle le télétravail.
Accroître l’adaptabilité du temps de travail aux variations temporaires de la conjoncture économique moyennant le recours à des comptes épargne-temps et aux heures supplémentaires, des aménagements du temps de travail fixés dans le cadre de conventions collectives et des dispositifs publics de chômage partiel, pour accroître le degré de souplesse des entreprises et réduire les excès en matière de rotation de la main-d’œuvre.
Faire usage des dispositifs de chômage partiel pour préserver l’emploi en temps de crise, mais limiter leur utilisation en période de conjoncture favorable pour qu’ils ne compromettent pas le redéploiement efficace des ressources entre les entreprises et, partant, la croissance de la productivité.
O Se préparer aux phases de ralentissement économique par la mise en place de dispositifs de chômage partiel susceptibles d’être amplifiés ou activés en temps de crise, si ce type de mécanisme n’existe pas encore, et fournir en parallèle des informations claires et aisément accessibles quant à leurs modalités d’utilisation.
O Faire en sorte que le recours aux dispositifs de chômage partiel soit essentiellement limité aux phases de ralentissement économique, en exigeant des entreprises qu’elles participent à leur coût, en limitant leur durée maximale et en les adressant aux entreprises temporairement en difficulté.
5. Réduire les coûts non salariaux du travail, pour les salariés faiblement rémunérés surtout, et atténuer les différences de traitement fiscal selon la situation au regard de l’emploi.
Conformément aux recommandations de l’OCDE concernant l’élaboration des politiques fiscales à l’appui d’une croissance inclusive, les principes suivants peuvent contribuer à améliorer la conception de la fiscalité du travail pour assurer un bon comportement du marché du travail :
Élargir l’assiette de la fiscalité du travail pour réduire les coûts non salariaux de main-d’œuvre et les différences de traitement fiscal selon la situation au regard de l’emploi, pour les salariés faiblement rémunérés notamment. Pour ce faire, on peut privilégier des impôts qui pèsent moins lourdement sur le travail, ou modifier la composition de la fiscalité du travail.
Pour un niveau donné de fiscalité du travail, envisager d’accroître sa progressivité en faisant davantage appel à l’impôt sur le revenu progressif des personnes physiques pour le financement de la protection sociale quand il existe déjà un faible lien entre les cotisations individuelles et les droits, en supprimant de l’IRPP les exonérations et franchises d’impôt qui sont régressives, et en traitant de manière égale toutes les formes de rémunération (salaires, avantages sociaux, options d’achat d’actions par exemple).
Donner aux entreprises des incitations claires à limiter les risques liés au marché du travail en renforçant le lien entre les cotisations patronales de sécurité sociale et les dépenses, dans le contexte des régimes de prestations d’assurance maladie, invalidité et chômage en place, tout en évitant de pénaliser certaines catégories d’entreprises et de travailleurs, et à réduire au minimum les conséquences indésirables sur le comportement des entreprises en matière d’embauche et de licenciement.
6. Envisager l’instauration d’un salaire minimum obligatoire modéré pour relever les salaires au bas de l’échelle, en veillant à ce que son niveau n’empêche pas les travailleurs peu qualifiés de trouver un emploi.
Adopter en parallèle des mesures en matière de prélèvements fiscaux et de prestations sociales afin que les dispositions visant à valoriser le travail aient les effets voulus pour les salariés et limitent dans le même temps l’incidence du salaire minimum sur le coût du travail pour les entreprises.
Veiller à ce que le salaire minimum soit révisé régulièrement, sur la base d’informations et de conseils précis, actualisés et impartiaux, qui prennent rigoureusement en compte la situation du moment sur le marché du travail et l’avis des partenaires sociaux et des experts.
S’il y a lieu, instaurer un salaire minimum variable en fonction des catégories d’âge (pour tenir compte des écarts de productivité ou des obstacles à l’emploi) et/ou des régions (pour tenir compte des différentes situations économiques).
7. Améliorer la représentativité des systèmes de négociation collective et assurer dans le même temps aux entreprises une marge de manœuvre suffisante pour s’adapter aux chocs globaux et aux évolutions structurelles.
Les systèmes de négociation collective diffèrent considérablement d’un pays à l’autre, sur le plan du taux de couverture et de la flexibilité qu’ils assurent aux entreprises. De surcroît, ces différences sont généralement profondément ancrées dans le tissu socioculturel national. La difficulté consiste à adapter ces systèmes aux mutations du monde du travail dans le cadre général de la tradition nationale en matière de relations industrielles. Les systèmes où la négociation de branche domine affichent généralement un taux de couverture élevé, mais risquent aussi de compromettre la croissance de l’emploi et de la productivité s’ils ne sont pas bien conçus. Dans les pays où la négociation au niveau des entreprises domine, la couverture est généralement restreinte à certaines grandes entreprises et à leurs salariés ; la question essentielle consiste alors à définir les moyens d’élargir la portée de la négociation collective et du dialogue social.
Des partenaires sociaux bien organisés et très représentatifs constituent le meilleur moyen d’assurer un système de négociation collective inclusif. Pour élargir le dialogue social à tous les segments de l’économie, petites entreprises et formes atypiques d’emploi comprises, les autorités doivent mettre en place un cadre juridique qui favorise ce dialogue dans les grandes entreprises comme dans les petites et qui permet aux relations professionnelles de s’adapter aux nouveaux défis.
En l’absence de partenaires sociaux représentatifs, les extensions administratives des accords de branche peuvent renforcer l’inclusivité des systèmes de négociation collective en élargissant leur couverture, mais elles doivent être bien conçues pour être représentatives et ne pas compromettre les perspectives économiques des jeunes entreprises, des petites entreprises ou des travailleurs vulnérables. Pour ce faire, il conviendrait de soumettre les demandes d’extension à des critères raisonnables de représentativité, à un critère valable d’intérêt général ou d’exiger des procédures d’exemption et de dérogation bien définies.
Les systèmes de négociation collective doivent aménager la flexibilité nécessaire pour pouvoir adapter les salaires et les conditions de travail à une situation économique difficile. Dans le cas de négociations collectives conduites au niveau des branches essentiellement, une décentralisation organisée autorisant des dérogations limitées ou le recours à des accords de branche qui prévoient explicitement des possibilités d’adaptation à l’échelon de l’entreprise ou de l’individu peut favoriser cette flexibilité. Une intervention efficace dans la décentralisation organisée exige des niveaux élevés de représentation locale des travailleurs dans les entreprises. L’adaptabilité à la conjoncture macroéconomique peut être améliorée au moyen d’une coordination intersectorielle efficace des résultats des négociations collectives entre les unités concernées, dans le cadre de négociations de haut niveau ou pilotes.
Rehausser la qualité des relations professionnelles en encourageant l’existence d’organisations patronales et de travailleurs diversifiées, représentatives et bien organisées, en créant des incitations à renégocier régulièrement les conventions collectives, en fournissant des statistiques objectives et de qualité sur l’état de l’économie, et en soutenant les mécanismes qui renforcent l’obligation des partenaires sociaux de rendre compte de la mise en œuvre effective des conventions.
8. Encourager le développement de compétences adaptées aux besoins du marché du travail, et favoriser l’utilisation et l’adaptation de ces compétences pendant la vie active de manière à suivre l’évolution des besoins.
Conformément à la Stratégie de l'OCDE sur les compétences :
Mettre en place un système d’éducation et de formation initiales de qualité, depuis l’éducation préscolaire jusqu’à la fin du cycle scolaire et au-delà, qui donne aux individus le meilleur démarrage possible dans la vie active en les dotant de solides compétences de base, d’aptitudes socioémotionnelles et du savoir-faire spécifique exigé par les employeurs, ainsi que de la capacité à apprendre tout au long de leur vie et à effectuer des choix éducatifs, professionnels et de formation durant toute leur carrière.
Établir des liens solides entre le monde de l'éducation et le monde du travail pour garantir que les compétences acquises dans le système d'enseignement et de formation correspondent aux besoins du marché du travail, et éviter ainsi les problèmes majeurs que soulève l’inadéquation des qualifications. Les mesures visant à resserrer les liens entre le monde de l’éducation et celui du travail portent notamment sur la formation en entreprise, la participation des partenaires sociaux à l’élaboration et l’enseignement de programmes d’études correspondant aux besoins du marché, et un élément de partage des coûts dans le financement du développement des compétences.
Encourager une meilleure utilisation des compétences au travail, notamment au travers des négociations collectives et par la promotion d’une gestion avisée et de pratiques de gestion et de travail à haut rendement.
Adapter les programmes d’enseignement et de formation aux différentes régions de manière à satisfaire aux besoins particuliers de l’économie régionale.
9. Favoriser l’emploi formel en améliorant l’application des règles qui régissent le marché du travail, en renforçant l’attrait du travail formel pour les entreprises et les salariés et en encourageant le perfectionnement des compétences pour augmenter la productivité des travailleurs.
Dans les pays où les emplois informels sont nombreux, s’attaquer à l’informalité en améliorant l’efficience des dépenses publiques et la qualité des services publics et, s’il y a lieu, en renforçant le lien entre cotisations et prestations des régimes d’assurance sociale, en simplifiant les régimes fiscaux et administratifs, en donnant aux inspections du travail de plus amples moyens et en assurant la transparence et la rigueur des procédures d’exécution, et en encourageant le perfectionnement des compétences pour compenser la hausse des coûts liée aux emplois formels et développer l’accès à l’emploi dans le secteur formel.
B. Prévenir l’exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier
1. Promouvoir l’égalité des chances pour éviter que l’origine socioéconomique, de par son influence sur l’acquisition des compétences demandées par le marché du travail, ou en tant que source de discrimination, ne détermine les perspectives d’emploi.
Favoriser l’accès des enfants et des jeunes défavorisés à une éducation de qualité. Il est particulièrement important de faciliter l’accès à des programmes préscolaires des enfants issus de milieux défavorisés, mais les pays doivent également veiller à assurer une éducation postsecondaire.
Lutter contre le problème de l’abandon scolaire en procédant sans tarder à l’identification et au ciblage des élèves à risque. Les individus qui sont sortis du système éducatif avec un très faible niveau de qualification peuvent, si on leur offre une deuxième chance, éviter de tomber dans le piège du manque de qualifications/échec économique.
Élaborer des politiques pour lutter contre la discrimination à l’encontre des femmes, des travailleurs seniors, des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres (LGBT), des minorités ethniques, des immigrés et des personnes handicapées moyennant l’application des règlements, des incitations adaptées, et des campagnes d’information pour encourager les employeurs à embaucher, promouvoir et/ou retenir ces travailleurs.
Conformément à la Recommandation du Conseil sur l'égalité hommes-femmes dans la vie publique (OCDE, 2015[1]) et à la Recommandation du Conseil sur l'égalité entre hommes et femmes en matière d'éducation, d'emploi et d'entrepreneuriat (OCDE, 2013[2]), les pays doivent redoubler d’efforts pour que les politiques publiques favorisent véritablement des marchés du travail inclusifs où les hommes et les femmes peuvent réaliser leur plein potentiel. Cela suppose entre autres de s’attaquer aux stéréotypes sexuels qui influent sur les choix éducatifs, d’encourager un partage plus équitable des responsabilités familiales entre hommes et femmes et de lutter contre les effets du plafond de verre.
2. Adopter une perspective de parcours de vie pour éviter le cumul progressif de handicaps individuels qui appelleront ultérieurement des interventions généralement moins efficaces et plus coûteuses pour les finances publiques.
Faire appel à l’action publique et au dialogue social pour encourager les individus à valoriser, entretenir et améliorer leurs compétences à tout âge et leur donner les moyens de leur faire, en veillant à ce que l’éventail de programmes de formation professionnelle et de stages proposé varie selon les barrières auxquelles les travailleurs sont confrontés et évolue tout au long de la vie active.
Offrir aux travailleurs les incitations nécessaires pour éviter un retrait anticipé de la vie active, conformément à la Recommandation du Conseil sur le vieillissement et les politiques de l'emploi (OCDE, 2015[3]).
Dans la logique de la Recommandation de l’OCDE sur une politique intégrée de la santé mentale, des compétences et de l'emploi (OCDE, 2015[4]), définir des incitations, établir des règlements et donner des orientations en vue d’adapter les conditions de travail au potentiel et aux besoins des salariés sur la durée du cycle de vie, de manière notamment à mieux concilier activité professionnelle et vie familiale, évitant ainsi de porter atteinte à leur santé physique et mentale. Pour ce faire, on peut : i) établir un cadre juridique rigoureux pour l’évaluation et la prévention des risques physiques et psycho-sociaux ; ii) faire appel à des incitations financières appropriées ; et iii°) faire valoir les arguments économiques en faveur de pratiques de gestion et d’organisation qui instaurent de meilleures conditions de travail.
3. Élaborer une stratégie complète d’activation et de protection des travailleurs en associant des prestations de non-emploi adéquates et facilement accessibles avec des programmes actifs du marché du travail dans un cadre d’obligations mutuelles.
Élaborer une stratégie d’activation complète qui améliore l’accès à l’emploi en s’attaquant simultanément à tous les obstacles, et associer pour ce faire des mesures destinées à motiver les chômeurs à rechercher sérieusement des emplois adaptés et à les accepter à des actions visant à multiplier les débouchés et les interventions conçues pour renforcer l'employabilité des moins aptes à l'emploi.
O Mettre au point et en application des outils de profilage efficaces dès le début de la période de chômage de manière à concentrer les services de suivi intensif et de gestion individuelle de dossier sur les demandeurs d’emploi difficiles à placer et à limiter la charge de travail du personnel.
O Renforcer l’attrait financier du travail moyennant des réformes du système de prélèvements fiscaux et de prestations et des prestations ciblées subordonnées à l’exercice d’un emploi, et faire en sorte que ces dispositifs soient suffisamment simples et transparents pour que leurs éventuels bénéficiaires les comprennent.
O Les dépenses au titre des politiques actives du marché du travail doivent s’adapter aux hausses conjoncturelles du chômage afin de favoriser un retour rapide à l’emploi et de préserver le principe d’obligations mutuelles propre aux régimes d’activation.
Associer des mesures d’activation adéquates et facilement accessibles à des prestations de chômage, d’invalidité et d’aide sociale suffisantes pour assurer une garantie de ressources aux chômeurs
O Pour que les mesures d’activation puissent bénéficier à toutes les personnes confrontées à des obstacles à l’emploi, il importe que la garantie de ressources, sous la forme de prestations de chômage, d’invalidité et d’aide sociale, couvre une grande part de la population cible potentielle.
O Envisager de prolonger temporairement la durée maximale de versement des allocations de chômage pendant une récession dans les pays où cette durée est courte et où les chômeurs ont un accès limité aux prestations de second rang (comme l’aide sociale). Prévoir en complément des mesures visant à améliorer l’accès aux programmes de formation.
Insérer les mesures d’activation et d’aide au revenu dans un cadre d’obligations mutuelles rigoureux qui subordonne la garantie de ressources et la prestation de services de réinsertion professionnelle à des démarches actives des bénéficiaires pour trouver du travail ou améliorer leur employabilité. Il faut pour cela veiller à assurer un contrôle rigoureux des recherches effectuées par les demandeurs d’emploi et la formulation pondérée des avertissements et sanctions.
4. Adopter des mesures spécifiques pour les catégories sous-représentées et défavorisées, en veillant à ce qu’elles prennent en considération l’ensemble des obstacles à l’emploi.
Recenser et analyser les obstacles aux emplois de qualité auxquels sont confrontés certains groupes et les chômeurs dans le cadre d’une approche globale faisant appel à des mesures coordonnées portant sur l’élaboration des politiques de prélèvements et de prestations et la prestation de services d’emploi, d’éducation, de formation, de santé, de garde d’enfants, de logement, de transports, et d’autres services sociaux.
Favoriser l’insertion au marché du travail des personnes qui ont des responsabilités familiales en développant les dispositifs d’aménagement du temps de travail, en suppriment les mesures fiscales qui découragent le travail à temps plein des deuxièmes apporteurs de revenu, en encourageant le partage des responsabilités entre adultes au sein de la famille et en assurant l’accès à des services d’accueil des enfants et de prise en charge des personnes âgées abordables et de qualité.
Veiller à ce que le travail soit rémunérateur pour les parents isolés, les travailleurs seniors, et les personnes souffrant de problèmes de santé moyennant la mise en place d’une stratégie d’activation globale fondée sur le principe d’obligations mutuelles en vertu duquel l’emploi, les prestations et les services d’assistance sont fournis en contrepartie de l’exercice d’un travail, d’une recherche effective d’emploi ou d’un effort de réadaptation, et veiller en parallèle à ce que le travail présente un intérêt financier une fois les taxes, prestations et autres coûts pris en compte, sans accroissement du risque de pauvreté.
Définir la politique d’invalidité en fonction du principe consistant à encourager les aptitudes, en supprimant, dans la mesure du possible, le ou les obstacle(s) particulier(s) à l’employabilité de chaque personne handicapée, mais en veillant à ne pas accroître le risque de pauvreté. Prendre des dispositions pour que les incitations fournies à tous les acteurs concernés – les bénéficiaires des prestations de maladie et d'invalidité, les employeurs, les prestataires de services, les autorités de contrôle et le corps médical – soient compatibles avec cette stratégie.
Évaluer et reconnaître les qualifications et les compétences acquises à l'étranger et fournir aux immigrés des programmes de formation linguistique et professionnelle correspondant à leurs besoins.
5. Venir en aide aux régions à la traîne au moyen de politiques coordonnées à l’échelon national, régional et local, qui favorisent la croissance et la compétitivité fondées sur leurs atouts particuliers, et qui s’attaquent aux problèmes sociaux constatés lorsqu’exclusion du marché du travail et pauvreté se concentrent à l’échelon local.
Favoriser la croissance et la compétitivité régionales en veillant à ce que les services publics de base de qualité soient accompagnés d’investissements publics bien conçus pour renforcer la compétitivité d’une région et faciliter la diffusion des innovations et des bonnes pratiques dans les régions, les secteurs d’activité et les entreprises.
Recourir aux actions publiques locales pour venir à bout des problèmes sociaux liés à la concentration de chômage, d’exclusion sociale et de pauvreté, en atténuant les difficultés financières, en soutenant les collectivités locales et en favorisant l’employabilité.
Coordonner les politiques de développement régionales et locales avec les politiques nationales, afin de favoriser leur cohérence et leur efficacité, de garantir la disponibilité de ressources financières suffisantes pour les actions locales et régionales ; et de renforcer les capacités locales et régionales d’administration et de mise en œuvre de ces politiques.
Supprimer les obstacles à la mobilité géographique, notamment en adaptant l’attribution des logements sociaux aux besoins des personnes en provenance de régions en déclin et en envisageant l’octroi de subventions pour couvrir les frais de déménagement des personnes qui n’auraient guère de chances d’y trouver un emploi, après une fermeture d’usine par exemple.
C. Se préparer aux possibilités et aux défis d’un marché du travail en mutation rapide
1. Faciliter le redéploiement des travailleurs entre les entreprises, les secteurs et les régions, et prêter assistance aux travailleurs ayant perdu leur emploi.
Faciliter le redéploiement des travailleurs entre les entreprises, les secteurs et les régions moyennant des politiques relatives aux marchés de produits et du travail et en matière de logement
Prêter assistance aux travailleurs ayant perdu leur emploi moyennant des mesures efficaces en matière de compétences (y compris l’accréditation de l’apprentissage formel et informel), une protection sociale adaptée et un dialogue social constructif.
2. Permettre aux travailleurs ayant perdu leur emploi de retrouver rapidement du travail, moyennant une aide au revenu à la fois ciblée et générale et une aide au retour à l’emploi, conjuguées à des mesures de prévention et d’intervention rapide.
Offrir aux travailleurs ayant perdu leur emploi une aide au revenu suffisante, et veiller à ce que les délais d’accès aux prestations de chômage suite aux indemnités de licenciement ne retardent pas l’accès aux allocations d’aide au retour à l’emploi, en tenant compte du risque que l’octroi de prestations plus élevées à ces travailleurs crée des inégalités.
Dans les pays où la couverture de l’assurance-chômage et les dépenses consacrées aux programmes actifs du marché du travail sont faibles, apporter aux travailleurs ayant perdu leur emploi une aide ciblée au retour à l’emploi sous la forme de services de conseil, d’aide à la recherche d’emploi et de reconversion.
Limiter les coûts faisant suite à des suppressions d’emploi en entamant le processus d’ajustement pendant la période de préavis, dans le cadre d’interventions des services publics de l’emploi et/ou d’initiatives des partenaires sociaux, pour fournir aux salariés des services de conseil et de formation avant même leur licenciement. Pour que ces interventions soient possibles, les pays doivent prévoir au moins une courte période de préavis, en prenant garde de ne pas compromettre ainsi la redistribution des emplois et l’embauche sous contrat à durée indéterminée, et inciter les entreprises et les salariés à coopérer et à prendre contact avec les services de l’emploi dans les plus brefs délais.
Établir des partenariats efficaces avec d’autres intervenants qui disposent des contacts et de l’expertise nécessaires, comme les intermédiaires privés du marché du travail, les prestataires publics et privés de formation professionnelle, les employeurs et les syndicats.
3. Accompagner l’innovation dans de nouvelles formes d’emploi par des mesures visant à préserver la qualité de l’emploi en évitant les abus, en instaurant des règles du jeu uniformes pour les entreprises, et en offrant une protection adéquate à tous les salariés, indépendamment de leur contrat de travail.
Parer dans toute la mesure du possible aux abus et à la classification erronée des travailleurs par les moyens suivants : réduction des disparités en matière réglementaire et fiscale des différentes formes de travail ; suppression des lacunes et ambiguïtés réglementaires ; conseils appropriés aux entreprises sur la façon d’envisager une relation professionnelle (et selon quels critères) ; et garantie de l’application effective des règlements existants.
Lutter contre l’évasion et la sous-déclaration fiscales, et intégrer de nouvelles catégories de travailleurs au régime fiscal.
Assurer une protection sociale adéquate à tous les travailleurs et, pour ce faire : étendre les régimes d’assurance sociale en vigueur à des catégories de travailleurs auparavant exclues ou les adapter à des formes atypiques de travail (par la révision des seuils de revenus ou des périodes de cotisations qui limitent le versement de prestations par exemple) ; améliorer la portabilité de la protection sociale (c'est-à-dire associer les droits aux individus et non aux emplois) ; et consolider les régimes d’assistance sociale non contributifs.
4. Prévoir l’avenir en anticipant le changement, en favorisant un dialogue participatif sur l’avenir du travail avec les partenaires sociaux et d’autres parties intéressées et, le cas échéant, en adaptant les politiques d’emploi et de compétences et les politiques sociales aux besoins nouveaux d’un monde du travail en évolution.
Mettre en place des dispositifs et des instruments solides pour évaluer et anticiper le changement, conjugués à des mécanismes et procédures qui garantissent que ces informations enrichissent l’élaboration des politiques et les orientations données tout au long de la vie.
Veiller à ce que tous les intervenants concernés participent aux discussions relatives au travail de demain, dans le but de parvenir à un consensus quant aux problèmes qui se dessinent et aux solutions susceptibles d’être appliquées.
Se préparer à un possible changement de paradigme des politiques sociales, des politiques du marché du travail, et des politiques en matière de compétences : envisager de nouveaux mécanismes pour remplacer les anciens et, si possible, les appliquer à titre expérimental et les évaluer.
D. Exécution
1. Assurer la réussite des réformes en les adaptant aux spécificités nationales, en les regroupant et en les ordonnançant soigneusement de manière à limiter leur coût potentiel à court terme ou pour des groupes spécifiques, et en mobilisant l’adhésion en leur faveur.
Dans les pays où le capital social est faible et la capacité administrative insuffisante, opter pour des mesures simples, transparentes, et dont il est facile de rendre compte. Associer leur mise en œuvre à de nouveaux investissements dans les compétences des fonctionnaires, dans la définition d’un code de conduite rigoureusement appliqué et la création d’organismes de contrôle interne et d’audit indépendants dotés de pouvoirs d’exécution.
Dans les cas où les réformes structurelles supposent des effets défavorables à court terme ou sur le plan distributif, parer à ces effets par une politique monétaire ou – si le volant de ressources le permet – une politique budgétaire suffisamment expansionnistes et/ou accompagner ces réformes onéreuses de réformes appropriées des négociations collectives, de mesures visant à donner plus de flexibilité aux entreprises ou, dans certains cas, élaborer les réformes de manière à préserver les droits acquis par les travailleurs à la date de la réforme (clause de droits acquis par exemple).
Ordonnancer les réformes de manière à ce que des programmes d’activation efficaces soient déjà bien établis lorsque les réformes susceptibles d’avoir des effets négatifs à court terme sur l’emploi sont mises en œuvre, et à ce que les réformes du marché de produits précèdent l’assouplissement de la législation sur la protection de l’emploi.
Mobiliser l’adhésion aux réformes en obtenant des électeurs un mandat en ce sens, moyennant une communication efficace sur leur bien-fondé et des négociations constructives avec les parties intéressées.
2. Veiller à ce que les réformes soient intégralement mises en œuvre, véritablement appliquées, et rigoureusement évaluées ; investir dans la collecte de données en l’absence d’informations adéquates.
Investir dans la collecte de données, notamment par la mobilisation de données administratives sans compromettre la confidentialité, pour permettre le suivi de la conformité à la réglementation, de la participation aux programmes et des résultats des entreprises et des travailleurs dans le temps
L’application des réformes suppose des inspections du travail dotées de moyens suffisants, tant en termes d’effectifs que de qualifications, et un processus de mise en œuvre transparent et rigoureux.
Veiller à ce que les politiques et programmes soient régulièrement et rigoureusement évalués, et à ce que ceux qui s’avèrent inefficaces soient rapidement modifies ou interrompus.
Intégrer des mécanismes d’évaluation aux interventions. Envisager l’expérimentation à petite échelle des nouvelles mesures avant de les appliquer à grande échelle.
Références
[3] OCDE (2015), Projet de Recommandation du Conseil sur le vieillissement et les politiques de l’emploi, https://one.oecd.org/document/C(2015)172/CORR1/en/pdf.
[1] OCDE (2015), Projet de Recommandation du Conseil sur l’égalité hommes-femmes dans la vie publique, https://one.oecd.org/document/C(2015)164/CORR1/en/pdf.
[4] OCDE (2015), Projet de Recommandation du Conseil sur une politique intégrée de la santé mentale, des compétences et de l’emploi, https://one.oecd.org/document/C(2015)173/CORR1/en/pdf.
[2] OCDE (2013), Recommandation du Conseil sur l’égalité entre hommes et femmes en matière d’éducation, d’emploi et d’entrepreneuriat, https://one.oecd.org/document/C/MIN(2013)5/FINAL/en/pdf.