La nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi donne des orientations aux responsables de l’action publique quant aux mesures qui permettent aux travailleurs et aux entreprises de tirer le meilleur avantage des défis et des opportunités qui se dessinent, tout en veillant à ce que les fruits de la croissance soient largement partagés. Les principales recommandations d’action s’articulent autour de trois grands principes : i) favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité ; ii) prévenir l'exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier ; iii) se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’une économie et d'un marché du travail en mutation rapide. Pour aider les pays à bâtir des marchés du travail plus vigoureux et plus inclusifs, la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi va au-delà des préconisations générales sur l’action à mener pour fournir des conseils à l’appui de la mise en œuvre des réformes.
Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation
Chapitre 1. Principaux messages et recommandations clés
Abstract
Introduction
Depuis la publication de la Stratégie réévaluée pour l’emploi de l’OCDE en 2006 (OCDE, 2006[1]), les pays de l’OCDE et les pays émergents ont connu de profonds changements structurels et ont été confrontés à des chocs d’envergure : la pire crise financière et économique depuis la grande dépression et la faible croissance persistante de la productivité ; le niveau sans précédent des disparités de revenus dans de nombreux pays ; et les bouleversements liés aux progrès techniques, à la mondialisation et à l’évolution démographique. En considération de ces mutations profondes et du rôle central des politiques du travail pour y faire face, les ministres de l’Emploi et du Travail de l’OCDE ont appelé en janvier 2016 à l’élaboration d’une nouvelle Stratégie pour l’emploi tenant pleinement compte de ces nouveaux défis et possibilités pour continuer d’offrir aux responsables publics un instrument d’orientation efficace.
La nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi couvre un champ d’application beaucoup plus complet et a un caractère plus prospectif que les précédentes, et fait du bon fonctionnement du marché du travail l’élément central d’une croissance inclusive. La Stratégie originale de 1994 (OCDE, 1994[2]) mettait l’accent sur la flexibilité des marchés du travail et de produits comme instrument de lutte contre le chômage élevé et persistant – la préoccupation essentielle des pouvoirs publics à l’époque. L’instauration d’un environnement propice à la croissance, notamment par la mise en place de marchés adaptables du travail et de produits, était jugée indispensable pour favoriser la création d’emplois et, de manière plus générale, des résultats satisfaisants dans ce domaine. La Stratégie réévaluée pour l’emploi de 2006 insistait davantage sur la participation de la main-d’œuvre et l’amélioration de la qualité des emplois. Son message central était que « plusieurs chemins mènent à Rome », autrement dit qu’un bon comportement du marché du travail est compatible avec des modèles obéissant davantage à la logique du marché qui donnent priorité à la souplesse des marchés du travail et de produits, mais aussi avec des modèles qui font une plus grande place aux politiques publiques, généralement associées à un dialogue social soutenu et à l’alliance d’une protection renforcée des travailleurs et de souplesse pour les entreprises.
Se fondant sur ces stratégies antérieures, la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi donne aux responsables publics des orientations quant aux politiques du marché du travail et dans d’autres domaines qui permettent aux travailleurs et aux entreprises d’exploiter les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies et les nouveaux marchés, tout en les aidant à faire face aux ajustements nécessaires et à veiller à ce que les fruits de la croissance soient largement partagés. La nouvelle Stratégie pour l’emploi insiste toujours sur les liens entre une croissance vigoureuse et soutenue et le nombre d’emplois, mais reconnaît également que la qualité des emplois, tant sur le plan des conditions salariales que des autres conditions de travail, et l’inclusivité du marché du travail sont des priorités essentielles de l’action publique. Elle confère une place centrale à la résilience et l’adaptabilité car, dans une économie et un marché du travail en évolution rapide, l’action publique doit encourager le dynamisme économique et regarder vers l’avenir pour permettre aux individus et aux entreprises de faire face aux défis et aux perspectives liées à l’évolution de la situation macroéconomique et aux tendances profondes qui influent sur l’avenir du travail, de s’y adapter et d’en tirer le meilleur parti.
Le message central de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi est que si des politiques d’assouplissement des marchés du travail et de produits sont nécessaires à la croissance, elles ne permettent pas d’obtenir simultanément de bons résultats en termes de quantité d’emplois, de qualité des emplois et d’inclusivité. Pour y parvenir, il convient en effet de mettre en place des politiques et des institutions à même de promouvoir la qualité des emplois et l’inclusivité, qui sont souvent plus efficaces lorsqu’elles sont soutenues par les partenaires sociaux. En ce sens, la nouvelle Stratégie marque une évolution sensible par rapport à celle de 2006, et encore plus par rapport à la stratégie originale de 1994. Elle est fondée sur de nouvelles données d’observation qui montrent que les pays dotés de politiques et d’institutions qui favorisent ces trois éléments affichent de meilleurs résultats que ceux où l’action publique vise en priorité à accroître (ou à préserver) la flexibilité des marchés. En d’autres termes, il faut associer des politiques qui stimulent la croissance économique à des mesures et des pratiques de travail approuvées par les partenaires sociaux qui favorisent l’inclusivité et protègent les travailleurs. En conséquence, une approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration s’impose, qui intègre la Stratégie de l'OCDE pour l'emploi à l’Initiative de l'OCDE pour la croissance inclusive et établisse les liens pertinents avec d’autres stratégies de l’OCDE1.
1.1. Grands principes d’action
Les principales recommandations pour l’action publique de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi s’articulent autour de trois grands principes : i) favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité ; ii) prévenir l'exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier ; iii) se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’un marché du travail en mutation rapide.
Favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité
Des emplois de qualité appellent un cadre d’action macroéconomique solide, un environnement propice à la croissance et des compétences qui évoluent en phase avec les besoins du marché. Ce principe s’inscrit globalement dans le droit fil des stratégies antérieures, mais avec des nuances importantes.
La récente crise économique et financière mondiale est venue brutalement rappeler l’importance des politiques macroéconomiques anticycliques pour stabiliser les résultats économiques et ceux du marché du travail, et empêcher les ralentissements temporaires de l’activité de s’enliser dans l’ornière d’une croissance lente. En période de politique monétaire restrictive, la méthode consistant à laisser les stabilisateurs budgétaires automatiques fonctionner librement et à appliquer des mesures budgétaires complémentaires pour faire face aux chocs économiques d’envergure s’avère particulièrement efficace. Cela suppose un cadre d’action budgétaire qui crée pendant les phases de haute conjoncture un volant de ressources qui permettra de mettre en place des mesures budgétaires stimulantes pendant les périodes de ralentissement et d’intensifier rapidement les programmes de garantie de revenu et les programmes actifs du marché du travail si nécessaire. Une nuance de taille par rapport à la Stratégie pour l'emploi de 2006 tient à ce que la nouvelle Stratégie reconnaît qu’il est parfois utile, pendant les phases de marasme économique, d’orienter les ressources budgétaires vers des dispositifs de chômage partiel bien conçus visant à préserver les emplois vulnérables viables à long terme, et de réduire rapidement l’ampleur de ces dispositifs à mesure que la situation se rétablit.
La flexibilité des marchés du travail et de produits est indispensable pour créer des emplois de qualité dans un environnement toujours plus dynamique. Il faut diminuer les obstacles à l’entrée de nouvelles entreprises, à l’expansion des entreprises compétitives et à la sortie ordonnée des entreprises insuffisamment performantes sur ces marchés. Cela dit, certaines formes de flexibilité sont préférables à d’autres. Ainsi, des réformes partielles du marché du travail qui libéralisent l’utilisation de contrats temporaires mais maintiennent un niveau élevé de protection de l’emploi pour les travailleurs disposant de contrats à durée indéterminée peuvent s’avérer contreproductives. Cette démarche peut aboutir à un recours excessif aux contrats temporaires, ce qui se traduit par des emplois de qualité globalement faible, à des disparités prononcées et à un faible degré de résilience, sans avantage manifeste pour le nombre total d’emplois. Des problèmes analogues peuvent surgir dans les pays émergents où une protection trop rigoureuse de l’emploi dans le secteur structuré de l’économie, aux côtés d’autres facteurs comme des coûts de main-d’œuvre non-salariaux élevés, favorisent un taux élevé d’emplois informels sans vraiment protéger les travailleurs.
Les politiques doivent en outre établir l’équilibre idoine entre flexibilité de l’emploi et stabilité. La difficulté consiste à redéployer les ressources vers des usages plus productifs tout en assurant un degré de stabilité de l’emploi qui stimule l'apprentissage et l'innovation sur le lieu de travail. L’instauration de dispositions modérées et prévisibles en matière de protection de l’emploi, assurant la sécurité de tous les travailleurs, et le resserrement du lien entre les cotisations patronales d’assurance-chômage et le coût des prestations de chômage des travailleurs dont l'emploi a été supprimé (cotisations calculées partiellement sur la base des antécédents par exemple) peuvent favoriser la stabilité de l’emploi. De surcroît, en encourageant la flexibilité salariale, notamment par des aménagements du temps de travail, la négociation collective et le dialogue social peuvent aussi jouer en ce sens en préservant les emplois de qualité pendant les périodes difficiles.
Pour assurer des emplois de qualité, il est en outre indispensable de disposer d’un système d’éducation et de formation efficace qui dote les travailleurs des compétences requises par les employeurs et leur offre la possibilité et des incitations à se former et à apprendre tout au long de leur vie active. Pour assurer une meilleure correspondance entre les compétences et les besoins du marché de l’emploi, il convient de renforcer les liens entre le monde de l’éducation et celui du travail, et d’établir des mécanismes et des instruments performants pour évaluer et anticiper les besoins en la matière.
Prévenir l'exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier
Le meilleur moyen de créer un marché du travail inclusif consiste à résoudre les problèmes avant qu’ils ne surgissent. Autrement dit, une réorientation s’impose en faveur de politiques préventives plutôt que correctives. Cette démarche permet aux actifs d’éviter bon nombre des coûts sociaux et financiers associés aux risques du marché du travail (comme le chômage, la maladie et l’invalidité), concourt directement à la croissance économique en offrant davantage de débouchés aux travailleurs, et atténue les pressions budgétaires en réduisant le coût global des programmes sociaux. Elle pourrait donc améliorer simultanément l’efficience et l’équité.
L’approche préventive à l’inclusivité du marché du travail vise substantiellement à renforcer l’égalité des chances de manière à ce que l’origine socioéconomique ne soit pas un facteur déterminant de la réussite sur le marché du travail. Cette priorité fondamentale suppose que l’on s’attaque aux obstacles qui empêchent les personnes issues de milieux défavorisés d’acquérir un niveau d’éducation suffisant et les compétences voulues, moyennant des interventions ciblées pendant la (pré)scolarité et durant le passage de l’école à la vie active.
L’approche préventive requiert également une vision couvrant l’ensemble du cycle de la vie pour éviter une accumulation de handicaps exigeant des interventions coûteuses à une phase ultérieure. Pour atténuer le risque que les actifs soient pris au piège d’emplois de faible qualité ou du chômage, il faut leur donner en permanence la possibilité de valoriser, d’entretenir et d’améliorer leurs compétences, grâce à l’apprentissage et à la formation, à tous les âges. Cela leur permettra d’évoluer sur un marché du travail qui imposera des changements d’emploi et de profession de plus en plus fréquents au cours d’une carrière. De la même manière, les conditions de travail doivent être adaptées aux besoins des travailleurs sur l’ensemble du cycle de vie. En leur permettant de concilier plus facilement responsabilités professionnelles, familiales et sociales, et en prévenant l’apparition de problèmes de santé d’origine professionnelle, cette démarche augmente le taux d’activité, chez les femmes comme chez les hommes, tout au long de la vie professionnelle, résorbe les disparités entre les sexes et réduit le risque de pauvreté et d’exclusion. Néanmoins, compte tenu de l’apparition de nouvelles formes de travail, ces instruments doivent être étendus à d’autres travailleurs que les salariés.
Une démarche préventive ne peut éviter certains échecs. Comme l’indiquait la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi de 2006, il est possible d’associer des mesures d’activation, des règles de fixation des salaires et le système de prélèvements et de prestations pour que le travail soit rémunérateur et pour gérer les chocs individuels en protégeant les travailleurs plutôt que les emplois, de manière à ne pas compromettre la nécessaire adaptabilité du marché du travail. Il est ainsi possible d’assurer la protection des travailleurs contre les risques du marché du travail et contre le risque d’exclusion en aidant les demandeurs d’emploi à évoluer vers de nouvelles activités économiques et en les accompagnant dans cette démarche, cet appui étant apporté sous réserve d’un engagement individuel et d’une recherche active d’emploi (le cadre dit d'« obligations mutuelles »).
Les Stratégies pour l’emploi antérieures ont souligné la nécessité de veiller à ce que les prestations de chômage et d’invalidité et les autres prestations sociales ne découragent pas outre mesure la recherche active d’un emploi. Il ressort toutefois de données récentes qu’un niveau élevé de couverture chômage, d’invalidité et d’aide sociale, sous réserve d’une application rigoureuse des obligations mutuelles, est un facteur déterminant de la réussite des stratégies d’activation : en fournissant un instrument essentiel pour entrer en contact avec les chômeurs, il permet en effet de supprimer des obstacles à l’emploi liés à l’employabilité et à la motivation des travailleurs, ainsi qu’à la disponibilité d’offres d’emploi adaptées. Cela suppose en outre d’élargir le plus possible la protection sociale aux nouvelles formes de travail.
Se préparer aux possibilités et aux défis futurs sur un marché du travail en mutation rapide
Le dynamisme des marchés du travail et de produits sera un élément indispensable pour faire face à la mutation rapide des économies résultant des progrès technologiques, de la mondialisation et de l’évolution démographique. Néanmoins, pour accompagner les actifs dans leur passage d’entreprises, de secteurs et de régions en déclin vers ceux qui affichent les plus fortes perspectives de croissance, il faudra mettre en place des mesures qui aident les individus à entretenir et à améliorer leurs compétences, aider les régions en perte de vitesse, renforcer les dispositifs de protection sociale, et accroître l’importance du dialogue social dans la définition du monde du travail de demain. Il conviendra d’adapter les politiques de développement des compétences, la protection sociale et la réglementation du marché du travail à ce nouveau monde pour améliorer la qualité des emplois et renforcer l’inclusivité, ce qui exigera dans certains cas une remise à plat des politiques et institutions actuelles.
Le premier défi consiste à doter les travailleurs des compétences voulues dans un contexte où la demande en la matière devrait évoluer rapidement et où ils travailleront plus longtemps, une plus grande importance étant accordée aux STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) et aux compétences non techniques, et où les incitations à l’acquisition de qualifications non transférables risquent de diminuer. La fragmentation accrue des processus de production et les changements d’emploi sans doute plus fréquents des travailleurs risquent de réduire les incitations des employeurs et des salariés à investir dans des compétences propres à une entreprise. L’enjeu pour l’action publique consiste i) à mettre au point des instruments novateurs qui diminuent les obstacles à la formation continue en rattachant l’éducation et la formation aux individus et non aux emplois, tout en actualisant les outils existants, comme les bourses et les prêts, pour en faciliter l’accès à tous les adultes, et ii) à renforcer les programmes de formation en milieu professionnel (comme les programmes d’apprentissage par exemple). De manière plus générale, il faudra éventuellement développer les infrastructures de formation continue existantes, par exemple en exploitant pleinement les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies.
Une autre gageure consiste à préserver la protection des travailleurs contre les risques du marché du travail dans un monde où les formes flexibles de travail pourraient se développer. Pour ce faire, il faut veiller à ce que chacun ait accès à la protection sociale et soit couvert par la réglementation de base du marché du travail. Les salariés sous contrat de travail flexible n’ont souvent pas accès, ou un accès limité, à certaines formes de protection sociale, comme l’assurance-chômage ou l’assurance contre les accidents du travail, et ne sont pas toujours couverts par la réglementation de base du marché du travail. L’élargissement ou l’adaptation des régimes de sécurité sociale existants d’une part, la définition précise et l’application effective de la réglementation du marché du travail en vigueur d’autre part, permettraient dans une certaine mesure de remédier à ce problème. Dans d’autres cas, des solutions innovantes s’imposent pour assurer des salaires et des conditions de travail satisfaisants.
Il existe plusieurs moyens d’élargir la couverture sociale : mettre en place de nouveaux régimes de prestations spéciaux ; faire une plus grande place aux régimes non contributifs ; appliquer un niveau minimum de prestations sociales ; et améliorer la portabilité des droits à la protection sociale. Une solution plus radicale consisterait à instaurer un revenu universel de base (RUB) ; il n’y a toutefois guère de chances qu’un tel dispositif assure la protection efficace de tous les travailleurs sans accentuer considérablement les pressions sur les finances publiques ou aggraver la situation de certaines personnes étant donné la nécessité de diminuer d’autres prestations, bien ciblées, pour financer le RUB. S’agissant des politiques et institutions du marché du travail, les responsables publics devraient tester de nouveaux instruments afin de lutter contre la pauvreté active et mettre en place un cadre juridique qui permette d’adapter les relations professionnelles aux nouveaux enjeux.
1.2. Mise en œuvre des politiques
Pour aider les pays à établir des marchés du travail plus dynamiques et inclusifs, la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi va au-delà des recommandations générales pour l’action publique et donne des orientations pour la mise en œuvre de réformes :
Les stratégies de réforme doivent être adaptées aux caractéristiques propres à chaque pays en termes d’organisation institutionnelle, de préférences sociales, de capacité administrative et de capital social. Des résultats inférieurs à la normale dans un domaine du marché du travail sont certes le signe que des réformes sont nécessaires, mais les pays doivent adapter leurs stratégies en la matière à leur situation particulière. Dans ceux qui disposent d’un capital social faible et d’une capacité administrative insuffisante, par exemple, les pouvoirs publics doivent mettre en place des mesures simples, transparentes, dont ils pourront facilement rendre compte.
Les politiques sont souvent plus efficaces quand elles sont rassemblées en un programme cohérent qui renforce les synergies et limite le coût éventuel des réformes, à court terme ou pour un groupe particulier. Ainsi, les interventions visant certains groupes devraient s’efforcer dans le même temps de remédier à tous les obstacles à l’emploi dans le cadre d’actions coordonnées portant sur l’élaboration de politiques fiscales et sociales et la prestation de services d’aide à l’emploi, de services de santé et de services sociaux.
Le regroupement et l’ordonnancement efficaces des réformes – priorité étant donnée à celles qui sont nécessaires à la réussite des autres – limitent les arbitrages nécessaires entre les différentes mesures et peuvent mobiliser un plus grand soutien de l’électorat. À titre d’exemple, la réforme du marché de produits et celle de la protection de l’emploi ont tendance à avoir moins d’effets négatifs à court terme lorsque la première précède la seconde.
Il est indispensable de susciter l’adhésion aux réformes pour qu’elles aboutissent. Cela suppose l’obtention d’un mandat pour engager des réformes, une communication efficace, notamment par le biais des nouvelles technologies, des réformes complémentaires et des mesures visant à atténuer les effets défavorables à court terme, y compris par une utilisation pertinente des instruments macroéconomiques.
Une fois les réformes adoptées, il convient de veiller à leur mise en œuvre complète, à leur pleine application et à leur évaluation rigoureuse. Cela suppose d’investir dans la collecte de données en l’absence des informations nécessaires au suivi de la conformité et des résultats, mais aussi de renforcer les mécanismes d’évaluation pour que les effets des réformes puissent être analysés par le biais d’actions gouvernementales.
La mise en place de marchés du travail dynamiques et inclusifs suppose aussi une action prospective des pouvoirs publics. Celle-ci demande des systèmes innovants permettant d’identifier par avance les problèmes et débouchés éventuels au lieu de lutter contre les premiers lorsqu’ils surgissent et de prendre conscience des seconds longtemps après qu’ils ont disparu. Il sera plus facile et efficace d’anticiper les difficultés et les possibilités futures, de trouver des solutions, de gérer le changement en amont, et de bâtir le monde du travail de demain si les employeurs, les travailleurs et leurs représentants travaillent en étroite collaboration avec les pouvoirs publics dans un esprit de coopération et de confiance mutuelle.
1.3. Feuille de route
La partie I de cette publication propose un tour d’horizon de la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi. Le chapitre 2 explique la finalité première de cette nouvelle Stratégie, à savoir relever le double défi consistant à redynamiser la croissance de la productivité et à renforcer l’inclusivité sur les marchés du travail, alors que les transformations se poursuivent à un rythme soutenu dans le monde du travail. Le chapitre 3 présente le cadre de la Stratégie de l'OCDE pour l’emploi conçu pour évaluer les performances du marché du travail, qui s’articule autour des trois principales dimensions à travers lesquelles le marché du travail contribue à la croissance inclusive et au bien-être : i) la quantité et la qualité des emplois ; ii) l’inclusivité du marché du travail ; et iii) la résilience et l’adaptabilité. Ce cadre est mis en application dans le tableau de bord de la Stratégie de l'OCDE pour l’emploi qui peut être utilisé pour évaluer le fonctionnement du marché du travail et déterminer les priorités de réforme propres à chaque pays. Le chapitre 4 fait le point sur le rôle joué par les politiques et les institutions dans la promotion du bon fonctionnement du marché du travail, les données sous-jacentes et l’analyse générale étant examinées dans les parties II à IV. En allant au-delà des principes d’action d’ordre général sur lesquels repose la Stratégie pour l’emploi, le chapitre 5 fournit aux pays des orientations concrètes concernant sa mise en œuvre, fondées sur la partie V de ce rapport. Le chapitre 6 contient les recommandations d’action détaillées de la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi.
La partie II de la publication propose un examen approfondi de la manière dont les politiques et les institutions influent sur l’offre et la qualité des emplois. Les gains de productivité étant indispensables à une augmentation des salaires et à une amélioration des conditions de travail à long terme, le chapitre 7 présente une analyse exhaustive de l’importance des politiques et des institutions au regard de la productivité du travail. Néanmoins, la croissance de la productivité ne se traduit pas automatiquement par une hausse des salaires, une amélioration des conditions de travail et une augmentation des offres d’emploi. Le chapitre 8 étudie donc comment les mécanismes de fixation des salaires et les impôts sur le travail contribuent à s’assurer que les gains de productivité débouchent sur de meilleurs salaires et conditions de travail, tout en préservant un niveau d’emploi élevé. Le chapitre 9 insiste sur la nécessité d’accompagner la création d’emplois de qualité par des mesures favorables à l’offre de main-d’œuvre en assurant l’accessibilité, l’attractivité et la pérennité du travail tout au long de la vie.
La partie III est axée sur la promotion de l’inclusivité du marché du travail, qui vise à faire en sorte que l’accroissement de la prospérité profite à tous. La Stratégie de l'OCDE pour l’emploi non seulement souligne l’importance de l’égalité des chances mais elle considère en outre que des inégalités excessives en termes de résultats sont incompatibles avec ce principe et peuvent souvent être réduites sans peser outre mesure sur l’emploi et la croissance. Le chapitre 10 étudie comment les politiques et les institutions du marché du travail peuvent s’attaquer aux inégalités ancrées profondément et de longue date sur le marché du travail, en œuvrant en faveur de l’égalité des chances et en limitant les inégalités de revenu excessives. Plusieurs catégories de population, comme les travailleurs peu qualifiés, les personnes qui assument des responsabilités familiales, les handicapés ou les immigrés, se heurtent à des obstacles particuliers pour accéder à des emplois de qualité ; elles ont donc besoin d’un soutien spécifique. Le chapitre 11 analyse les mesures adaptées aux besoins de chacune de ces catégories de population pour en dégager un certain nombre d’enseignements communs. Le chapitre 12 examine diverses mesures susceptibles d’aider les responsables de l’action publique à encourager les modes innovants d’organisation du travail sans négliger le risque que les nouvelles formes de travail – y compris celles qui découlent de l’émergence de l’économie des plateformes – puissent contraindre des travailleurs vulnérables à occuper des emplois leur offrant une protection restreinte.
La partie IV détermine dans quelle mesure la résilience et l’adaptabilité peuvent contribuer à assurer des emplois de qualité dans un monde du travail en mutation rapide. Le chapitre 13 insiste sur l’importance de la résilience du marché du travail pour limiter les coûts sociaux associés aux périodes de ralentissement économique, en mettant plus particulièrement l’accent sur le potentiel qu’offrent des politiques sociales et de l’emploi pouvant être modulées en fonction des circonstances pour épauler efficacement les travailleurs tout en renforçant le rôle stabilisateur des dépenses sociales par rapport à la demande globale. Le chapitre 14 montre comment les marchés du travail pourraient s’adapter davantage aux évolutions structurelles, en favorisant : i) le redéploiement efficient de la main-d’œuvre entre les emplois, les entreprises, les secteurs et les régions ; ii) des systèmes de formation des adultes réactifs, efficaces et centrés sur les travailleurs ; et iii) des politiques sociales et de l’emploi efficaces pour venir en aide aux travailleurs privés de leur emploi.
Enfin, la partie V va au-delà des grands principes d’action de la nouvelle Stratégie pour l’emploi afin de proposer aux pays des conseils concrets quant à la mise en œuvre des réformes. Le chapitre 15 analyse quels facteurs déclenchent et soutiennent les réformes. Le chapitre 16 adapte les recommandations d’ordre général de la nouvelle Stratégie pour l’emploi au contexte spécifique des économies émergentes, qui ont pour défi de faire partager au plus grand nombre les bénéfices apportés par les gains de productivité en dépit de capacités budgétaires et administratives limitées. Le chapitre 17 définit les priorités de réforme propres aux différents pays, ainsi que différents éléments de contexte à prendre en compte pour élaborer des recommandations adaptées au contexte national en s’appuyant sur le tableau de bord de la Stratégie de l'OCDE pour l’emploi.
Encadré 1.1. Les principales recommandations de la nouvelle Stratégie de l'OCDE pour l’emploi
Cet encadré résume les principales recommandations de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l'emploi. Ces recommandations peuvent être consultées dans leur intégralité dans le chapitre 6 à la fin de la Partie I. Elles constituent un élément essentiel de l’Initiative de l'OCDE pour la croissance inclusive. Durant l’exécution de la Stratégie, il importera d’exploiter les synergies entre les différents domaines de l’action publique et d’assurer leur compatibilité avec les recommandations formulées dans Objectif croissance, la Stratégie de l'OCDE sur les compétences, la Stratégie de l'OCDE pour l'innovation et la Stratégie de l'OCDE pour une croissance verte. Une approche englobant l’ensemble des administrations est donc nécessaire.
A. Favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité
1. Appliquer un cadre macroéconomique solide, qui assure la stabilité des prix et la viabilité des finances publiques et autorise en même temps l’application de mesures monétaires et budgétaires anticycliques efficaces en riposte aux phases de contraction économique.
2. Renforcer l’investissement et la croissance de la productivité, et favoriser la création d’emplois de qualité en supprimant les obstacles à l’établissement et à l’expansion d’entreprises performantes, ainsi qu’à la restructuration ou à la sortie des entreprises peu productives, et en instaurant un climat propice à l’entreprenariat.
3. Veiller à ce que la législation en matière de protection de l’emploi fixe des coûts de licenciement prévisibles et équilibrés entre les différents types de contrat, sans être excessivement restrictifs, tout en mettant les travailleurs à l’abri de possibles abus et en limitant les excès en matière de rotation de la main-d’œuvre.
4. Faciliter la mise en place de dispositifs d’aménagement du temps de travail pour aider simultanément les entreprises à s’adapter aux variations temporaires de la situation économique, et les salariés à concilier activité professionnelle et vie personnelle.
5. Réduire les coûts non salariaux de main-d’œuvre, surtout pour les bas salaires, et atténuer les disparités de traitement fiscal selon la situation au regard de l’emploi.
6. Envisager l’instauration d’un salaire minimum obligatoire modéré pour relever les salaires au bas de l’échelle, en veillant à ce que son niveau n’empêche pas les travailleurs peu qualifiés de trouver un emploi.
7. Améliorer la représentativité des systèmes de négociation collective et assurer dans le même temps aux entreprises une marge de manœuvre suffisante pour s’adapter aux chocs globaux et aux évolutions structurelles.
8. Encourager le développement de compétences adaptées aux besoins du marché du travail, et favoriser en parallèle l’utilisation et l’adaptation de ces compétences pendant la vie active de manière à répondre à des besoins en évolution.
9. Favoriser l’emploi formel en améliorant l’application des règles qui régissent le marché du travail, en renforçant l’attrait du travail formel pour les entreprises et les salariés, et en encourageant le perfectionnement des compétences pour augmenter la productivité des travailleurs.
B. Prévenir l’exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier
1. Promouvoir l’égalité des chances pour éviter que l’origine socioéconomique, de par son influence sur l’acquisition des compétences demandées par le marché du travail, ou en tant que source de discrimination, ne détermine les perspectives d’emploi.
2. Adopter une perspective de parcours de vie pour éviter le cumul progressif de handicaps individuels qui appelleront ultérieurement des interventions généralement moins efficaces et plus coûteuses pour les finances publiques.
3. Élaborer une stratégie complète d’activation et de protection des travailleurs, en associant des prestations de non-emploi adéquates et facilement accessibles avec des programmes actifs du marché du travail dans un cadre d’obligations mutuelles.
4. Adopter des mesures spécifiques pour les catégories sous-représentées et défavorisées, en veillant à ce qu’elles prennent en considération l’ensemble des obstacles à l’emploi.
5. Venir en aide aux régions à la traîne au moyen de politiques coordonnées à l’échelon national, régional et local, qui favorisent la croissance et la compétitivité fondées sur leurs atouts particuliers, et qui s’attaquent aux problèmes sociaux constatés lorsqu’exclusion du marché du travail et pauvreté sont concentrées à l’échelon local.
C. Se préparer aux possibilités et aux défis d’un marché du travail en mutation rapide
1. Faciliter le redéploiement des travailleurs entre les entreprises, les secteurs et les régions, et prêter assistance aux travailleurs ayant perdu leur emploi.
2. Permettre aux travailleurs ayant perdu leur emploi de retrouver rapidement du travail, moyennant une aide au revenu à la fois ciblée et générale et une aide au retour à l’emploi, conjuguées à des mesures de prévention et d’intervention rapide.
3. Accompagner l’innovation dans de nouvelles formes d’emploi par des mesures visant à préserver la qualité de l’emploi en évitant les abus, en instaurant des règles du jeu uniformes pour les entreprises, et en offrant une protection adéquate à tous les salariés, indépendamment de leur contrat de travail.
4. Prévoir l’avenir en anticipant le changement, en favorisant un dialogue participatif sur l’avenir du travail avec les partenaires sociaux et d’autres parties intéressées et, le cas échéant, en adaptant les politiques d’emploi et de compétences et les politiques sociales aux besoins nouveaux d’un monde du travail en évolution.
D. Exécution
1. Assurer la réussite des réformes en les adaptant aux spécificités nationales, en les regroupant et en les ordonnançant soigneusement de manière à limiter leur coût potentiel à court terme ou pour des groupes spécifiques, et en mobilisant l’adhésion en leur faveur.
Veiller à ce que les réformes soient intégralement mises en œuvre, véritablement appliquées et rigoureusement évaluées; investir dans la collecte de données en l’absence d’informations adéquates.
Références
[3] OCDE (2018), Le cadre d’action pour les politiques de croissance inclusive, https://one.oecd.org/document/C/MIN(2018)5/en/pdf (accessed on 25 September 2018).
[1] OCDE (2006), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2006 : Stimuler l’emploi et les revenus, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/empl_outlook-2006-fr (accessed on 25 September 2018).
[2] OCDE (1994), The OECD Jobs Study: Facts, Analysis, Strategies, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/els/emp/1941679.pdf (accessed on 25 September 2018).
Note
← 1. L’Initiative de l’OCDE pour la croissance inclusive a été lancée en 2012. Elle a débouché sur le Cadre d’action de l’OCDE pour les politiques de croissance inclusive, ainsi que sur la création du Tableau de bord sur la croissance inclusive (OCDE, 2018[3]). Ce cadre s’articule autour de quatre piliers : i) prospérité partagée ; ii) inclusivité des marchés ; iii) égalité des chances ; et iv) gouvernance de la croissance inclusive. Pour une analyse des liens entre l’Initiative pour la croissance inclusive et la nouvelle Stratégie pour l’emploi, voir le chapitre 3 du présent rapport.